BP-443F

 

L'ANALYSE GÉNÉTIQUE EN CRIMINALISTIQUE :
TECHNOLOGIE ET APPLICATION

 

Rédaction :
Thomas Curran
Division des sciences et de la technologie
Septembre 1997


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

LES CHROMOSOMES, L'ADN ET LA GÉNÉTIQUE MOLÉCULAIRE

   A.   Les séquences répétées en tandem en nombre variable (SRTNV)

   B.  Le polymorphisme de taille des fragments de restriction (RFLP)

   C.   Les séquences courtes répétées en tandem (STR)

   D.   La réaction en chaîne de la polymérase

   E.   L'ADN mitochondrial (ADNmt)

LES MÉTHODES D'ÉTABLISSEMENT DES EMPREINTES GÉNÉTIQUES

   A.   L'analyse RFLP (analyse des fragments de restriction polymorphes)

   B.   Analyse PCR/STR (réaction en chaîne de la polymérase/séquence courte
         répétée en tandem)

POPULATIONS ET PROBABILITÉS

BANQUES NATIONALES D'EMPREINTES GÉNÉTIQUES

   A.   Utilisation des banques d'empreintes génétiques dans d'autres pays

   B.   Un projet de banque d'empreintes génétiques canadienne

   C.  Points de vue divergents
      1.   Commissaire à la protection de la vie privée
      2.   Association du barreau canadien
      3.   Association canadienne des policiers

CONCLUSION

GLOSSAIRE


 

L’ANALYSE GÉNÉTIQUE EN CRIMINALISTIQUE :
TECHNOLOGIE ET APPLICATION

 

Il faudra du temps avant qu’un jury britannique consente à condamner un homme en se fondant sur ses empreintes digitales utilisées comme preuve; de plus, à supposer même que l’on atteigne la perfection dans l’identification, il ne sera pas facile de présenter le tout sous une forme constituant une preuve judiciaire.

- Extrait de The Athenaum of Finger Prints, ouvrage publié en 1892 par Sir Francis Galton(1).

 

INTRODUCTION

Quand on a proposé à la fin du siècle dernier que les empreintes digitales soient utilisées come moyen d'identification des individus et comme preuve dans les affaires criminelles, c’était révolutionnaire. Pourtant, en dépit de la mise en garde faite il y a plus d’un siècle par Sir Francis Galton, l’utilisation des empreintes digitales comme preuve est une pratique établie de longue date et un outil inestimable pour la poursuite des criminels ainsi que pour l’identification des personnes disparues et des restes humains.

Depuis une dizaine d’années, une technique encore plus révolutionnaire que celle des empreintes digitales est devenue pratique courante en criminalistique. La technique de l’analyse de l’ADN, aussi appelée analyse des empreintes génétiques, a été utilisée pour la première fois en 1986, en Angleterre, dans l’affaire Colin Pitchfork, qui fut en fin de compte reconnu coupable de l’agression sexuelle et du meurtre de deux adolescentes. Il est intéressant de signaler, compte tenu des récents événements qui ont eu lieu au Canada, que cette technique a d’abord servi dans cette affaire à exonérer un jeune homme qui avait faussement avoué être l’auteur des meurtres.

Dans une tentative pour identifier le meurtrier des adolescentes dans l’affaire Pitchfork, les autorités policières ont pris une mesure extraordinaire : ils ont demandé à la totalité de la population masculine de la région de donner volontairement des échantillons d’ADN aux fins d’analyse. Colin Pitchfork a réussi à éviter d’être identifié grâce à la nouvelle technique en convainquant l’une de ses connaissances de donner un échantillon de sang à sa place. Par la suite, Pitchfork a été arrêté pour les meurtres et la technique des empreintes génétiques, qui n’avait joué aucun rôle dans son arrestation, a prouvé qu’il avait bel et bien tué les deux adolescentes. Il est aujourd’hui en prison où il purge un certain nombre de sentences concurrentes, dont deux peines d’emprisonnement à perpétuité pour meurtre(2).

La technique de l’analyse génétique en criminalistique a fait couler beaucoup d’encre récemment au Canada et démontré, dans deux affaires de meurtre, qu’elle pouvait permettre d’exonérer des personnes innocentes. En 1985, Guy Paul Morin a été arrêté pour le meurtre d’une fillette de neuf ans, Christine Jessop, qui avait également été agressée sexuellement. Morin a été acquitté à son premier procès (en 1986) mais il a subi un nouveau procès et a été reconnu coupable en 1992. En 1995, après avoir passé 15 mois en prison, Morin a été exonéré à la suite de l’analyse de ses empreintes génétiques, technologie qui n’existait pas au moment où le crime a été commis. En fait, l’échantillon d’ADN prélevé sur les vêtements de Christine Jessop était tellement dégradé en 1995 qu’il a fallu une forme perfectionnée de cette technique, qui venait à peine d’être mise au point, pour réaliser l’analyse. L’affaire Morin, et la façon dont l’enquête et la poursuite ont été menées, font actuellement l’objet d’un examen approfondi par le gouvernement de l’Ontario.

Plus récemment, l’analyse des empreintes génétiques a permis d’exonérer David Milgaard, qui avait été condamné en 1969 pour le viol et le meurtre de Gail Miller, à Saskatoon. Milgaard a passé près de 23 ans en prison(3). L’affaire Milgaard diffère de l’affaire Morin à plusieurs égards importants. Premièrement, on a retrouvé sur les vêtements de Gail Miller une abondante quantité d’ADN (tiré du sperme) aux fins d’analyse. Un spécialiste américain en sérologie judiciaire, Edward Blake, qui est également un expert en empreintes génétiques, a prétendu que ces éléments de preuve, s’ils avaient été correctement analysés, auraient peut-être pu permettre d’exonérer Milgaard en 1969 et auraient presque certainement permis de disculper Milgaard en 1992 quand de nouveaux tests ont été effectués(4).

La deuxième différence importante entre l’affaire Milgaard et l’affaire Guy Paul Morin est que dans la première, la police a depuis lors arrêté un suspect en se fondant sur les empreintes génétiques obtenues en 1997. Larry Fisher, criminel déjà reconnu coupable de viols en série, et depuis longtemps soupçonné d’avoir trempé dans le viol et le meurtre de Gail Miller, a été arrêté par la GRC; l’empreinte génétique de Fisher concorde avec celle obtenue à partir du sperme prélevé sur les vêtements de Gail Miller(5).

L’analyse des empreintes génétiques a maintenant été utilisée dans de nombreuses affaires criminelles et civiles partout dans le monde et elle est devenue une technologie bien établie. C’est en 1988 qu’elle a été utilisée pour la première fois au Canada. En octobre 1989, le laboratoire central de la GRC à Ottawa était capable « d’offrir un service national d’analyse des empreintes génétiques »(6).En plus des affaires Morin et Milgaard/Fisher décrites ci-dessus, l’une des affaires les plus connues au Canada dans laquelle la poursuite a utilisé en preuve les empreintes génétiques est le procès pour meurtre d’Allan Legere, qui a eu lieu en 1991 au Nouveau-Brunswick. En fin de compte, Legere a été reconnu coupable de meurtre, en partie grâce à ses empreintes génétiques.

Dans le présent document, nous décrivons la technologie de l’analyse génétique et de l’établissement des empreintes génétiques et traitons de l’éventuelle création d’une banque nationale d’empreintes génétiques. Mais nous donnons tout d’abord un bref aperçu du contexte scientifique qui a permis de mettre au point la technique de l’analyse de l’ADN.

LES CHROMOSOMES, L’ADN ET LA GÉNÉTIQUE MOLÉCULAIRE

Tous les organismes vivants sont constitués de cellules, qui sont les unités intégrées fondamentales de l’activité biologique. Chez les êtres humains, comme dans tous les autres organismes supérieurs, le matériel héréditaire, nommément l’acide désoxyribonucléique ou ADN, est contenu dans le noyau de la cellule, dans des assemblages microscopiques appelés chromosomes. Les cellules humaines comportent 23 paires de chromosomes, pour un total de 46. Une cellule humaine typique a une paire de chromosomes sexuels et 22 paires de chromosomes non sexuels, appelées autosomes. Les unités de transmission des caractères héréditaires sont appelées gènes : on croit que les êtres humains possèdent entre 50 000 et 100 000 gènes qui sont situés dans l’ADN chromosomique, dans les noyaux des cellules.

L’analyse de l’ADN à des fins médico-légales, communément appelée analyse des empreintes génétiques, remonte à moins de dix ans. Toutefois, les éléments scientifiques de base remontent à au moins 1953, quand deux jeunes chercheurs de l’Université de Cambridge, James Watson et Francis Crick, ont découvert la structure moléculaire de l’ADN(7).  Ils ont fait oeuvre de pionniers et leurs travaux en génétique moléculaire ont pavé la voie à de spectaculaires percées réalisées ces dernières années dans la compréhension de l’hérédité, de l’évolution et du métabolisme. Par conséquent, avant d’entrer dans les détails de l’analyse des empreintes génétiques et de décrire son apport important à la criminalistique, il faut avoir une certaine compréhension du fondement moléculaire de l’hérédité.

L’ADN est une molécule complexe à double brin structurée selon une forme hélicoïdale : c’est la structure « en double hélice » qui est bien connue grâce aux articles de vulgarisation scientifique. La structure de l’ADN ressemble à une échelle en spirale dont les « côtés » sont constitués de molécules de sucre phosphate et les « barreaux » formés de paires de composés chimiques que l’on appelle des bases azotées ou nucléotides. Il n’existe que quatre bases dans n’importe quel ADN, quelle qu’en soit la source : l’adénine, la thymine, la guanine et la cytosine. La complémentarité des bases est spécifique : l’adénine est toujours jumelée à la thymine et la cytosine est toujours jumelée à la guanine. Dans le jargon biochimique, comme on peut le voir à la figure 1, les paires de bases sont représentées par A-T (adénine-thymine) et G-C(guanine-cytosine). On estime qu’il y a environ trois milliards de paires de bases dans le génome humain, terme utilisé pour décrire la totalité du matériel héréditaire dans les 46 chromosomes.

 

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Ces quatre bases ou nucléotides représentent « l’alphabet génétique » et les séquences de paires de bases situées le long d’une molécule d’ADN constituent un vocabulaire biochimique qui codifie toute l’information génétique essentielle aux processus de la vie. La spécificité absolue de la complémentarité des bases a permis l’apparition d’un mécanisme par lequel des molécules d’ADN « mères » peuvent être copiées pour constituer des molécules d’ADN « filles » identiques, dans le processus de reproduction. Ce mécanisme s’appelle réplication (par opposition à dédoublement) et il est rendu possible parce que les deux côtés de la molécule d’ADN mère sont complémentaires au lieu d’être identiques. Dans le processus de réplication, la molécule d’ADN mère se scinde en deux dans le sens de la longueur, chacun des côtés servant de matrice à l’une des nouvelles molécules filles identiques.

Quoique les gènes soient composés d’ADN et soient contenus dans les chromosomes dans le noyau de la cellule, une petite fraction seulement de cet ADN est en réalité utilisée pour constituer les gènes. En d’autres termes, la plus grande partie de l’ADN des chromosomes chez l’homme n’a aucune fonction connue : cet ADN peut constituer plus de 95 p. 100 de l’effectif total d’ADN d’un être humain(8). D’après une autre source, entre 2,5 et 3,3 p. 100 seulement de l’ADN se trouve dans les gènes(9).

Ces observations semblent contredire la logique traditionnelle (ou évolutionniste), selon laquelle tout composant cellulaire, surtout s’il est aussi important que l’ADN, doit avoir une fonction essentielle. La présence d’une telle quantité d’ADN n’ayant aucun rôle génétique dans les chromosomes est un mystère. Paradoxalement, c’est toutefois cet « ADN égoïste », ces véritables « épaves flottantes » qui sont d’un intérêt particulier pour le scientifique spécialiste de la criminalistique.

Dans les paragraphes suivants, nous présentons un certain nombre de termes qui sont essentiels à la compréhension de l’analyse des empreintes génétiques.

   A. Les séquences répétées en tandem en nombre variable (SRTNV)

On sait que les séquences spécifiques de paires de bases qui se trouvent dans les gènes définissent la fonction qu’accomplira un gène donné dans l’organisme. On sait également que l’ADN qui n’a aucune fonction codante renferme des séquences répétées en tandem de paires de bases; ces séquences n’ont aucune fonction connue, mais tout individu en a hérité de ses parents tout comme il a hérité aussi des gènes fonctionnels. (L’ADN codant renferme aussi de telles séquences répétées, mais moins fréquemment que dans l’ADN non codant.) Ces séquences répétées en tandem, prises dans leur ensemble, constituent ce que l’on peut appeler une « empreinte digitale » de la molécule d’ADN, ou empreinte génétique, et l’on croit que cette empreinte est unique à chaque individu (à l’exception possible des jumeaux identiques) parce que le nombre de séquences répétées varie d’une personne à l’autre. Ces séquences répétées de paires de bases non codantes portent un nom compliqué : séquences répétées en tandem en nombre variable, que l’on peut abréger en SRTNV.

Après avoir prélevé de l’ADN aux fins de l’analyse judiciaire, on coupe cet ADN en fragments à l’aide d’enzymes, qui sont des composés chimiques spéciaux ayant la propriété de fractionner les grosses molécules comme l’ADN en sous-unités plus petites. Un enzyme qui est utilisé pour couper une molécule d’ADN en fragments s’appelle un enzyme de restriction, une nucléase de restriction, ou encore une endonucléase de restriction; le premier et le dernier de ces termes s’abrègent en ER. Il existe de nombreux ER connus, et ils sont différenciés d’après le point précis où ils permettent de couper la molécule d’ADN. Ce point s’appelle site de reconnaissance ou séquence de reconnaissance et il s’agit d’une séquence spécifique de quatre, cinq ou six nucléotides.

Les fragments d’ADN qui résultent de l’action de l’enzyme diffèrent en longueur d’une personne à l’autre. Cela s’explique par deux raisons. Premièrement, l’ADN de différentes personnes peut avoir des sites de reconnaissance situés en des endroits différents de la molécule. Deuxièmement, la région de l’ADN située entre les sites de reconnaissance peut contenir plus ou moins de séquences de nucléotides répétées en tandem, d’où le nom « séquences répétées en tandem en nombre variable ».

   B. Le polymorphisme de taille des fragments de restriction (RFLP)

Les fragments d’ADN possèdent une propriété qui intéresse les spécialistes de la criminalistique pour l’établissement des empreintes génétiques. Cette propriété s’appelle le polymorphisme de taille des fragments de restriction et est connu sous le sigle anglais RFLP (que l’on prononce « riflip »). Le terme « polymorphisme » renvoie au fait que les gènes, de même que les séquences d’ADN non codant, peuvent exister sous plus d’une forme sur des chromosomes séparés. Le lecteur se rappellera que les chromosomes existent par paires, chacun des chromosomes d’une paire étant hérité de l’un des parents. Lorsqu’un gène spécifique, ou une séquence d’ADN non codant, est identique sur chacun des deux chromosomes d’une paire, on dit que l’individu est homozygote, par opposition à hétérozygote, individu dont les deux gènes ou séquences diffèrent d’une façon ou d’une autre(10).

L’explication physique des différences réside dans les séquences de nucléotides dans la molécule d’ADN. Les séquences diffèrent dans l’une ou plusieurs paires de nucléotides, ce qui est une différence physique réelle. D’où le terme « polymorphisme », qui signifie qui se présente sous plus d’une forme. Ce polymorphisme existe autant dans les régions codantes de l’ADN (c.-à-d. la partie de l’ADN qui codifie les gènes) que dans la portion non codante de l’ADN, qui n’a aucune fonction génétique. Le polymorphisme est très courant dans le génome humain et on a identifié au moins plusieurs milliers de formes différentes. Ce polymorphisme s’est révélé extrêmement utile dans le diagnostic des maladies génétiques; par exemple, le gène dysfonctionnel qui cause la fibrose kystique a été localisé avec précision sur le septième chromosome humain à l’aide d’une série de marqueurs RFLP(11).

Dans la partie suivante, nous décrivons les méthodes permettant de déceler, d’identifier et d’utiliser en criminalistique les RFLP, pour l’établissement d’empreintes génétiques.

   C. Les séquences courtes répétées en tandem (STR)

Les séquences courtes répétées en tandem, connues sous le sigle anglais STR, sont, comme leur nom l’indique, semblables aux SRTNV décrites ci-dessus, sauf que les unités répétées sont beaucoup plus courtes. Ces fragments choisis pour être utilisés en criminalistique comportent généralement la répétition en tandem de seulement trois ou quatre paires de bases, qui peuvent être répétées dans la molécule d’ADN plusieurs fois ou plusieurs dizaines de fois. Évidemment, une unité de trois ou quatre paires de bases seulement est extrêmement petite, ce qui constitue à la fois un problème et un avantage pour les fins qui nous occupent. L’avantage est que même une très petite quantité d’ADN, même très dégradé, peut être suffisante pour être utilisée en criminalistique. Le problème, c’est que pour pouvoir procéder efficacement à une analyse, il faut augmenter grandement la taille d’un très petit échantillon constitué de très courtes séquences d’ADN. On y parvient grâce à l’application d’une technique relativement nouvelle, la réaction en chaîne de la polymérase.

   D. La réaction en chaîne de la polymérase

L’amplification en chaîne par polymérase, connue sous le sigle anglais PCR, est une technique novatrice permettant d’augmenter la quantité d’une séquence spécifique d’ADN dans un échantillon. Cette technique s’est révélée d’une valeur inestimable en criminalistique et elle est également utilisée de façon généralisée par les chercheurs dans le domaine de la génétique.

Le terme « polymère » - qui veut dire littéralement « de nombreuses parties » - s’applique à une molécule chimique constituée d’un très grand nombre de petites molécules d’un seul type ou de plusieurs types. Une « polymérase » est un enzyme qui produit de multiples copies d’une unité donnée; pour les fins qui nous occupent, il s’agit d’une séquence spécifique d’ADN. Quant à la « réaction en chaîne », cela veut dire que le processus se poursuit aussi longtemps que l’on veut pour produire la quantité voulue d’ADN. Littéralement, la réaction en chaîne peut produire des millions ou des milliards de copies d’une séquence d’ADN choisie ou ciblée dans une éprouvette et ce, en quelques heures seulement(12). Techniquement, cela s’appelle « l’amplification de l’AND »; en langage populaire, on parle parfois de « photocopie moléculaire ».

Le processus de PCR est semblable au mécanisme par lequel l’ADN se reproduit de lui-même dans la cellule. Le processus, tel que réalisé en laboratoire, comporte trois étapes : premièrement, le fragment (ou séquence) d’ADN à double brin est séparé en deux brins sous l’action de la chaleur; ensuite, les fragments à simple brin sont hybridés à l’aide d’« amorces » - de courts fragments d’ADN - qui définissent la séquence cible à amplifier; et troisièmement, on ajoute au mélange l’enzyme appelé ADN polymérase, de même qu’une quantité des quatre bases de nucléotides, et le processus de réplication s’amorce(13). Le cycle en trois étapes est répété, habituellement de 25 à 30 fois.

Le Dr Ron Fourney, qui travaille au Laboratoire judiciaire central de la GRC à Ottawa, est reconnu comme un expert des empreintes génétiques, en particulier quant à l’utilisation de la technique PCR :

La méthode PCR fait appel à la chimie cellulaire fondamentale et à des enzymes dans un « processus de copie moléculaire » afin de synthétiser (d’amplifier) un nombre exponentiel de « séquences cibles » à partir de l’ADN d’origine extrait des échantillons judiciaires. La technologie PCR permet d’amplifier sélectivement des fragments d’ADN qui intéressent l’expert en criminalistique et de tirer profit de fragments qui comportent des différences courantes entre les individus(14).

 

Tel qu’indiqué, la technologie PCR est particulièrement utile lorsque les empreintes génétiques sont établies à l’aide de séquences courtes répétées en tandem (STR). C’est de cette technique précise dont nous traitons maintenant.

   E. L’ADN mitochondrial (ADNmt)

Ce n’est pas la totalité de l’ADN des êtres humains et des autres organismes qui se trouve dans les chromosomes situés dans le noyau de la cellule. On trouve aussi de l’ADN dans des organites appelés mitochondries, qui se trouvent à l’intérieur des cellules, mais à l’extérieur du noyau. La mitochondrie se charge de fonctions essentielles au métabolisme, notamment en ce qui a trait à la production d’énergie cellulaire et à la respiration de la cellule. Bien que l’ADN mitochondrial ne soit pas souvent utilisé en criminalistique, il peut l’être, et il l’a d’ailleurs été, dans certaines situations pour établir des liens familiaux.

Le cas le plus célèbre d’une telle identification par l’ADN s’est produit en septembre 1992, quand des scientifiques travaillant au Forensic Science Service du Royaume-Uni se sont vus confier la tâche d’analyser l’ADNmt extrait des os de cinq squelettes exhumés d’une tombe à Ékatérinbourg, dans l’Oural, en Russie. C’est à Ékatérinbourg que le tsar Nicholas II et sa famille ont été assassinés en 1918.

L’ADN mitochondrial est transmis d’une génération à l’autre, essentiellement inchangé, uniquement dans la lignée maternelle d’une famille. (Contrairement à l’ovule, le spermatozoïde ne transmet habituellement aucune mitochondrie à la progéniture.) En comparant l’ADN mitochondrial des cinq corps exhumés à celui d’un échantillon de sang donné par le Prince Philip (dont la grand-mère maternelle était la soeur de la tsarine Alexandra), et aussi à celui du sang de deux personnes survivantes ayant une filiation maternelle avec le tsar, les scientifiques ont réussi à démontrer, avec un taux de certitude d’environ 99 p. 100, que les corps trouvés à Ékatérinbourg étaient bel et bien ceux de la famille royale russe(15).

En utilisant la même technologie, les scientifiques ont également été en mesure de démontrer que Anna Anderson, qui prétendait être la princesse Anastasia, était un imposteur(16).

LES MÉTHODES D’ÉTABLISSEMENT DES EMPREINTES GÉNÉTIQUES

La science et la technologie de la génétique moléculaire ont maintenant atteint un niveau de perfectionnement suffisant pour justifier le lancement du « projet génome », programme international visant à établir la séquence de toutes les paires de bases dans les 23 paires de chromosomes humains. Les quelque trois milliards de paires de bases du génome humain incorporent à la fois les séquences spécifiques qui constituent les gènes fonctionnels, et les 95 p. 100 (ou plus) d’ADN humain non codant, c’est-à-dire qui ne possède aucune fonction génétique connue. Il importe de bien comprendre que le projet génome est distinct et différent de la technologie des empreintes génétiques, quoique certaines des mêmes techniques soient utilisées dans les deux activités.

Un autre point qu’il est essentiel de comprendre, c’est que le profil d’identification génétique ou « l’empreinte génétique » d’une personne, tel qu’établi en laboratoire par les experts en criminalistique, ne représente pas le patrimoine génétique de cette personne. L’empreinte génétique ne représente qu’un certain nombre de fragments de l’ADN d’une personne; ces fragments ont été extraits, traités et utilisés pour constituer une sorte « d’instantané » individualisé de l’ADN moléculaire, qui peut servir à des fins d’identification. L’empreinte génétique ne donne aucun renseignement sur le patrimoine génétique de la personne en cause.

On peut établir une empreinte génétique à partir de tout échantillon qui renferme de l’ADN. Comme la figure 2 l’indique, la liste peut comprendre les cheveux (avec la racine attachée), des taches de sang, du sperme, de la moelle osseuse, ou tout autre tissu ou liquide organique comportant des cellules nucléées. Dans le cas d’une tache de sang, c’est l’ADN extrait des globules blancs du sang que l’on utilise : les globules rouges du sang humain n’ont pas de noyau et ne renferment donc pas d’ADN. Le sperme contient normalement d’importantes quantités d’ADN dans les spermatozoïdes, ce qui le rend très utile pour l’établissement d’empreintes génétiques, surtout dans les cas d’agression sexuelle. (Si le violeur a été vasectomisé, il n’y a toutefois pas de spermatozoïdes et l’échantillon n’est pas utile dans le cas de la technologie actuelle RFLP.)

Initialement, la technique standard utilisée au Canada pour l’établissement d’empreintes génétiques était la technique RFLP. Cette technique est en voie d’être remplacée par la nouvelle technique PCR/STR (réaction en chaîne de la polymérase/séquence courte répétée en tandem). En date de mai 1997, le Laboratoire judiciaire central de la GRC à Ottawa, de même que les laboratoires de Regina et de Vancouver, avaient abandonné la RFLP pour adopter la PCR/STR. Les laboratoires de la GRC de Halifax et d’Edmonton utilisaient encore la technique RFLP, tandis que le laboratoire de Winnipeg utilisait les deux. On prévoit que la GRC aura terminé dans tout son réseau de laboratoire de criminalistique l’adoption de la méthode PCR/STR au début de 1998(17). Le Centre des sciences judiciaires situé à Toronto utilise lui aussi la technologie PCR/STR.

 

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   A. L’analyse RFLP (analyse des fragments de restriction polymorphes)

La description de l’analyse RFLP ci-dessous est présentée sous forme illustrée à la figure 3.

Premièrement, on extrait l’ADN des échantillons en utilisant les procédures établies. Dans l’étape suivante, l’ADN ainsi extrait est réduit en fragments à l’aide d’enzymes de restriction. Quoiqu’il existe aujourd’hui plusieurs centaines d’enzymes de restrictions (ER), les laboratoires de la plupart des organismes d’application de la loi et des gouvernements d’Amérique du Nord (y compris le Canada) ont choisi un ER précis appelé « HaeIII » afin d’obtenir des résultats uniformes et de faciliter la mise en réseau des renseignements ainsi obtenus.

Après que l’ADN extrait a été digéré par l’enzyme, les divers fragments sont triés en fonction de leur taille au moyen d’une technique appelée électrophorèse en gel d’agarose, initialement utilisée dans la recherche génétique et adaptée à des fins de criminalistique. Le gel d’agarose est une matière gélatineuse qui contient des pores à travers lesquelles les molécules d’ADN peuvent passer. Les échantillons d’ADN digérés sont placés dans des encoches à une extrémité d’une plaque de ce gel. Un courant électrique est appliqué au gel, ce qui amène les fragments d’ADN à passer à travers le substrat. Les fragments les plus petits vont plus loin que les plus gros, ce qui permet d’obtenir une disposition ordonnée des fragments en fonction de leur taille.

Dans l’étape suivante, les fragments d’ADN sont dénaturés par immersion du gel dans une solution alcaline. Dans le processus de dénaturation, les liaisons hydrogènes qui tiennent ensemble les deux côtés de la double hélice d’ADN sont rompues, avec le résultat que l’on a maintenant des fragments d’ADN à simple brin disposés sur le gel, à la place des fragments à double brin originaux.

Comme le gel d’agarose n’est pas suffisamment stable pour être utilisé pour le reste de la procédure RFLP, les fragments d’ADN sont ensuite transférés à la surface d’une mince membrane de nylon. Cette technique s’appelle la « technique de Southern », du nom d’Edwin Southern, scientifique qui l’a mise au point. Quand l’ADN est fixé à la membrane de nylon, les fragments sont prêts à être analysés.

 

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La technique d’analyse qui suit s’appelle hybridation moléculaire. Voici la signification de ce terme. L’hybridation est un processus qui consiste à jumeler les fragments d’ADN à simple brin (l’acide nucléique) sur la membrane de nylon en les appariant à des brins d’ADN spécifiquement complémentaires; le lecteur se rappellera que les molécules d’ADN à double brin comprennent deux brins complémentaires et non pas identiques.

L’hybridation se fait avec des brins d’ADN qui ont été marqués à l’aide d’un isotope radioactif, habituellement un isotope du phosphore. Ces brins s’appellent sondes d’ADN, parce que leurs séquences de base sont connues et sont utilisées spécifiquement pour s’attacher uniquement aux brins d’ADN qui renferment des séquences complémentaires. Comme la sonde est porteuse d’une étiquette radioactive, les nouveaux brins hybrides peuvent être visualisés sous forme d’images sur une pellicule à rayon-x. Le résultat visuel est souvent comparé à un « code à barres » utilisé au supermarché.

On peut ensuite comparer l’image rayon-x du spécimen en question à celle d’un autre spécimen. S’il y a une différence entre l’ADN de l’individu soupçonné et l’ADN de l’échantillon prélevé sur les lieux du crime, le suspect est exonéré. Par contre, s’il y a concordance, la poursuite peut utiliser ce fait comme preuve établissant un lien entre le suspect et les lieux du crime.

  B. Analyse PCR/STR (réaction en chaîne de la polymérase/séquence courte
        répétée en tandem)

Comme nous l’avons précisé ci-dessus, la technique RFLP est en voie d’être remplacée au Canada par la technique PCR/STR, plus récente.

À certains points de vue fondamentaux, la technique PCR/STR est semblable à la technique RFLP décrite ci-dessus. Le prélèvement et l’extraction de l’ADN se font de la même manière et les fragments choisis d’ADN sont placés dans un gel spécial et triés d’après leur taille par application d’un courant électrique. Toutefois, dans le cas de la PCR/STR, une quantité beaucoup plus restreinte d’ADN dans un échantillon suffit à obtenir l’empreinte génétique, et l’on peut même utiliser de l’ADN très dégradé comme celui que l’on pourrait extraire de corps décomposés ou brûlés. En fait, on peut extraire suffisamment d’ADN du follicule d’un seul cheveu, ou encore d’une trace de salive sur un mégot de cigarette ou sur une enveloppe, pour obtenir une empreinte génétique en appliquant cette technologie(18). La technique PCR/STR comporte d’autres avantages : elle est moins susceptible d’être faussée par des contaminants et est « sensiblement meilleure pour ce qui est d’élucider l’origine d’une empreinte génétique spécifique à partir d’un échantillon mélangé et complexe, par exemple dans le cas de taches de sang résultant du mélange du sang de plus d’une personne, dans les restes humains mélangés et aussi dans les échantillons prélevés à la suite d’agression sexuelle »(19).

La principale différence entre les deux techniques est l’utilisation de la réaction en chaîne de la polymérase pour amplifier la quantité d’ADN dans l’échantillon. Une deuxième différence importante est que la technique PCR/STR se prête bien à l’utilisation d’étiquettes fluorescentes pour déceler visuellement les bandes d’AND, et plusieurs systèmes de ce genre ont d’ailleurs été mis au point. De plus, la fluorescence se prête à la détection automatisée, ce qui facilite grandement l’analyse subséquente des empreintes génétiques, ainsi que l’archivage et le repérage des données(20).

Le Dr Fourney décrit de la façon suivante l’utilisation du repérage automatisé par fluorescence :

Un outil important utilisé à la fois dans les laboratoires de diagnostic clinique et dans de nombreux laboratoires judiciaires parmi les plus importants est le repérage automatisé par fluorescence des fragments d’ADN à l’aide de séquenceurs d’ADN. [...] Essentiellement, on peut apposer simultanément sur plusieurs fragments d’ADN des étiquettes fluorescentes différentes dans un seul tube à essai (analyse multiplex) pendant le processus d’amplification PCR. Le repérage automatique fait intervenir la technique d’« analyse en temps réel » des fragments d’ADN pendant leur migration à travers un gel de polyacrylamide, grâce à une fenêtre laser qui excite l’étiquette fluorescente (fluorochrome) du fragment et met en évidence le fragment spécifique rendu luminescent à l’aide d’une batterie de DCC (dispositif à couplage de charge). Les fragments d’ADN sont triés précisément selon leur taille [...] calibrés et inscrits dans une base de données informatisée[.] [...]

[...] [U]ne importante caractéristique de cette méthode de repérage est la précision et l’exactitude obtenues grâce à l’utilisation d’un calibrage interne uniforme dans le même couloir (du gel) pour chaque échantillon STR. L’ordinateur reconnaît la norme du couloir et génère une courbe de calibrage des fragments, ce qui permet de quantifier avec précision la quantité d’un signal fluorescent (obtenu grâce au fragment étiqueté) et une norme précise pour l’évaluation de toute aberration éventuelle dans les diffusions de migration électrophorétique. À l’aide de l’ordinateur et de données numériques précises sur le calibre, l’expert en criminalistique peut évaluer chaque fragment et établir s’il y a concordance ou pas(21).

 

Les systèmes d’établissement des empreintes génétiques par PCR/STR sont extrêmement sensibles et capables d’analyser un échantillon d’ADN aussi petit que 1 ng (1 nanogramme = un milliardième de gramme); toutefois, on considère que l’échantillon optimal est de 2 à 8 ng pour le traitement de plusieurs échantillons dans le format multiplex décrit ci-dessus(22).

Le lecteur trouvera à la figure 4 un schéma simplifié illustrant la technique PCR/STR.

POPULATIONS ET PROBABILITÉS

Il importe de signaler ici un point important concernant l’admissibilité en cours des empreintes génétiques comme éléments de preuve devant les tribunaux. L’admissibilité en preuve est de deux types, général et spécifique :

(L’admissibilité générale) [...] porte sur la question de savoir s’il y a lieu de présenter devant les tribunaux n’importe quel élément de preuve tiré de la technique en question. Une fois qu’une technique est généralement admise, ses résultats peuvent toujours être jugés inadmissibles s’ils ont été obtenus d’une manière peu fiable. L’admissibilité générale met en cause la fiabilité de la technique, tandis que l’admissibilité spécifique met en cause la fiabilité de ses résultats (c’est l’auteur qui souligne)(23).

 

 

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Source : Chicago Tribune, Cellmart Diagnostics, Lifecodes Corp., Cetus Corp. (traduction).

 

Les connaissances scientifiques et la technique de base qui interviennent dans l’établissement d’empreintes génétiques ne sont pas sérieusement remises en question au Canada ni ailleurs. La théorie est scientifiquement solide et la technique utilisée pour obtenir des empreintes génétiques est à la fois bien établie et continue d’évoluer vers une plus grande précision et efficacité.

L’une des questions les plus importantes que soulève l’analyse des empreintes génétiques est celle de l’individualité de l’empreinte ainsi obtenue(24). Nous avons signalé ci-dessus qu’une empreinte génétique ne représente pas le patrimoine génétique complet d’une personne; c’est plutôt un choix de fragments d’ADN que l’on peut utiliser comme marqueurs pour l’identification. La clé de l’utilité de l’empreinte génétique, c’est le fait que l’utilisation « d’une quantité et d’une combinaison appropriées de sondes montre qu’il existe un schéma unique pour chaque perosnne, sauf chez les jumeaux identiques »(25).

Cette affirmation n’est pas l’aboutissement d’une analyse exhaustive des empreintes génétiques de toute la population humaine, ni même d’une petite fraction de cette population. L’affirmation du caractère unique d’une empreinte génétique repose sur les probabilités statistiques établies par les spécialistes de la génétique démographique :

Le fait que deux échantillons aient la même empreinte génétique ne signifie pas nécessairement que ces deux échantillons proviennent du même individu, tout comme deux échantillons ayant le même type sanguin ne viennent pas nécessairement de la même personne. Le résultat de l’analyse RFLP n’est qu’un instantané de la séquence d’ADN unique de chaque individu; [...] la génétique démographique est un élément essentiel pour l’utilisation judiciaire de toutes les techniques génétiques, y compris les techniques d’identification de l’ADN.

La validité de l’identification de l’ADN ne dépend pas de la génétique démographique. Toutefois, l’interprétation des résultats doit tenir compte de la fréquence parmi la population des divers marqueurs génétiques d’AND[.] [...] Autrement dit, la génétique démographique fournit la signification - la pondération numérique - des modèles d’ADN obtenus par les techniques de génétique moléculaire (c’est l’auteur qui souligne)(26).

Si l’empreinte génétique obtenue au moyen des techniques d’analyse de l’ADN révèle qu’il y a concordance entre, disons, une tache de sang et un échantillon d’ADN prélevé sur un suspect ou une victime, on tient compte de la fréquence parmi la population du modèle RFLP ou STR obtenu pour établir la probabilité qu’une telle concordance puisse survenir de façon aléatoire. Une fois que le laboratoire judiciaire a établi la concordance entre l’empreinte RFLP ou STR de deux échantillons d’ADN, un analyste peut faire une estimation de la possibilité qu’une telle concordance surgisse par hasard dans une population donnée.

Cette opération comprend deux étapes. Premièrement, la fréquence des bandes individuelles est établie par l’examen des échantillons pris au hasard dans la population. On peut décrire cette étape comme un exercice empirique fondamental, consistant à faire une comparaison de bases de données établies pour divers sous-groupes de la population. De telles bases de données (qui ne permettent pas d’identifier les sources individuelles des échantillons d’ADN) existent au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde.

La deuxième étape consiste à faire une estimation de la fréquence dans la population de l’empreinte génétique globale. Contrairement au caractère fondamentalement empirique de la première étape, la deuxième étape est un exercice fondamentalement théorique qui repose sur l’information et les procédures établies par les spécialistes de la génétique démographique. La signification statistique des empreintes génétiques, eu égard à leur utilité dans les poursuites criminelles et civiles, est d’une grande importance.

Un débat intense a fait rage sur cette question dans les publications scientifiques et les médias d’information, surtout au cours de la première moitié de la décennie actuelle. Il y a maintenant une abondante littérature sur la question, en particulier, deux rapports émanant du National Research Council des États-Unis. Le premier, intitulé DNA Technology in Forensic Science, a été publié en 1992(27). Le deuxième, intitulé The Evaluation of Forensic-DNA Evidence, a été publié en 1996(28).

La grande controverse qui a surgi au sujet de l’analyse des empreintes génétiques et qui a abouti à la rédaction des deux rapports susmentionnés portait sur les méthodes statistiques utilisées, principalement par les spécialistes de la génétique démographique, pour interpréter la signification de la concordance de deux empreintes. La probabilité que deux empreintes génétiques concordent par pur hasard a été, et continue d’être, jugée extrêmement mince.

Une question importante dans ce débat est la possible influence de sous-groupes de la population quant à la signification des empreintes individuelles obtenues par la technique d’analyse de l’ADN. Si les êtres humains s’accouplaient entièrement au hasard, c’est-à-dire si les individus se mariaient et s’accouplaient toujours avec des personnes sans aucune parenté entre elles, l’individualité des empreintes génétiques soulèverait beaucoup moins de préoccupations. Toutefois, dans la plupart des sous-groupes de la population, beaucoup de gens ne s’accouplent pas au hasard.

Pour donner un exemple extrême, les individus d’une collectivité isolée (p. ex. sur une île) s’accouplent avec des personnes auxquelles ils sont apparentés à un degré quelconque; il peut s’agir d’un cousin éloigné, mais peut-être pas si éloigné que cela. De même, les mariages à l’intérieur des communautés ethniques et raciales dans des villes et des régions du Canada et des États-Unis sont communs, ce qui entraîne l’accouplement de personnes issues de la même lignée d’ancêtres. Cela pose inévitablement la question de savoir s’il y aurait une plus grande probabilité de trouver des empreintes génétiques identiques chez deux individus dans une telle communauté, en comparaison de l’ensemble de la population.

La plupart des autorités semblent maintenant s’accorder pour dire que l’on a répondu de façon satisfaisante à cette question et que les empreintes génétiques, même d’un point de vue théorique, sont d’une spécificité acceptable pour l’identification des individus, pourvu que la technologie soit appliquée avec rigueur. (La technologie actuelle permet même d’identifier des membres du même sexe d’une même fratrie.) La fiabilité d’une empreinte génétique s’accroît avec le nombre de marqueurs utilisés. Dans l’analyse RFLP, par exemple, l’utilisation de cinq marqueurs (plutôt que trois ou quatre) réduit grandement (presque jusqu’à zéro) la probabilité d’obtenir d’un autre individu une empreinte semblable(29).

Au Canada, on estime que le système PCR/STR permet d’obtenir des empreintes extrêmement individualisées et offrant une possibilité infime de concordance due au hasard. La probabilité d’une concordance aléatoire dans le système utilisé par la GRC est décrite en ces termes par le Dr Fourney :

Une concordance entre plusieurs fragments d’ADN obtenue par la procédure d’analyse génétique de l’ADN utilisée par la GRC est considérée extrêmement rare et devient donc une preuve extrêmement probante. Actuellement, la Gendarmerie royale du Canada utilise trois systèmes multiplex qui ont une excellente finesse discriminative et qui sont aussi capables de déterminer le sexe de la personne. On estime que la fréquence de l’empreinte génétique moyenne dans l’ensemble de la population canadienne, pour les dix locus STR utilisés dans le système, est de un sur 94 milliards(30).

Il y a lieu de noter que dans la plupart des cas, un suspect est associé à la scène d’un crime par d’autres éléments de preuve que son empreinte génétique. Cette empreinte devient donc une preuve corroborante et, habituellement, ce n’est pas le seul élément de preuve présenté par la poursuite. Toutefois, si un suspect était identifié et arrêté uniquement sur la base d’une empreinte génétique, ce qui pourrait arriver après la création d’une banque d’empreintes génétiques, les préoccupations quant à l’individualité de l’empreinte qui a permis de l’identifier seraient d’autant plus vives.

Pour ce qui est de l’admissibilité spécifique de l’analyse de l’AND, on peut dire que la question qui se pose est de savoir si une empreinte génétique a été établie au moyen de la technologie appropriée et si cette technologie a été appliquée avec rigueur. Il est possible que, lorsque cette technique sera d’une utilisation plus généralisée, la qualité des tests individuels puisse diminuer au fur et à mesure que la demande augmentera pour répondre aux besoins autant des procureurs que des avocats de la défense en matière d’éléments de preuve.

Au Canada, la plupart des empreintes génétiques sont obtenues dans les laboratoires gouvernementaux. Outre les laboratoires judiciaires exploités par la GRC, qui se chargent de la plupart de ces analyses au Canada, le Centre des sciences judiciaires de Toronto et le Laboratoire de police scientifique de Montréal procèdent aussi à l’analyse de l’ADN(31). Il y a plusieurs laboratoires privés qui font du travail de ce genre au Canada; de plus, on fait parfois appel à des laboratoires privés des États-Unis en sous-traitance. D’après la GRC, la plupart des analyses faites dans les laboratoires privés sont associées à des affaires au civil, en particulier en matière de paternité, et à l’usage des avocats de la défense. On peut soutenir que le contrôle de la qualité est plus rigoureux au Canada, à cause de la participation gouvernementale relativement importante, qu’aux États-Unis, où le recours à des compagnies privées est plus généralisé.

Nous décrivons ci-après le contrôle de la qualité ou de l’assurance de la qualité, d’une organisation. Le groupe de travail technique sur les méthodes d’analyse de l’ADN (TWGDAM), s’est réuni pour la première fois en novembre 1988; c’est le Laboratoire et l’académie du Bureau fédéral d’enquête des États-Unis (le FBI) qui était l’hôte de cette réunion. À cette époque, le TWGDAM comprenait 31 scientifiques représentant 16 laboratoires judiciaires des États-Unis et du Canada, y compris celui de la GRC, et deux établissements de recherche(32).

Inman et Rudin décrivent en ces termes la raison d’être du TWGDAM :

 

1. rassembler un petit nombre de personnalités choisies de la communauté de la criminalistique qui
    s’occupent activement de faire progresser les diverses méthodes d’analyse de l’ADN;

2. discuter des méthodes actuellement utilisées;

3. comparer le travail qui s’est fait dans ce domaine;

4. partager les protocoles; et

5. établir des lignes directrices au besoin(33).

Le TWGDAM a produit des lignes directrices détaillées pour l’obtention d’empreintes génétiques : Guidelines for Quality Assurance Program for DNA Analysis. Ces lignes directrices ont été d’abord publiées en 1991; il y a eu une mise à jour en 1996(34).

Enfin, il y a lieu de signaler qu’en plus de son utilisation en criminalistique, la technique des empreintes génétiques s’est trouvée un créneau dans la recherche et les études de cas dans le domaine de la faune, au Canada et ailleurs. Cette technologie peut en effet servir à diverses applications, depuis l’identification des espèces d’après les taches de sang ou des échantillons de viande, jusqu’à l’évaluation de la santé d’une population donnée par l’établissement du coefficient de consanguinité. Le braconnage menace la survie de nombreuses espèces d’animaux sauvages. La technique des empreintes génétiques peut servir à faire condamner les braconniers, à partir de petits échantillons, de la même manière qu’elle peut servir à faire condamner les meurtriers et les agresseurs sexuels.

BANQUES NATIONALES D’EMPREINTES GÉNÉTIQUES

   A. Utilisation des banques d’empreintes génétiques dans d’autres pays

Au cours du présent siècle, des milliers de crimes ont été résolus grâce à des systèmes automatisés de repérage des empreintes digitales permettant de fouiller dans les banques de données pour trouver une concordance avec des empreintes prélevées sur les lieux des crimes. Au Canada (et aux États-Unis) un système informatisé de dactyloscopie, connu sous le sigle anglais AFIS, permet de faire des recherches pour essayer d’établir une concordance entre les empreintes archivées dans la banque nationale d’empreintes et une banque parallèle dans laquelle sont archivées des empreintes prélevées sur les lieux de crimes. Des casiers judiciaires sont constitués à partir des formulaires d’empreintes digitales et sont entrés dans la banque de données informatisée du Centre d’information de la police canadienne (CIPC), auquel ont directement accès tous les services de police et autres organismes accrédités d’application de la loi au Canada(35).

La technique de l’identification judiciaire par l’analyse de l’ADN ressemble à celle des empreintes digitales, comme l’atteste l’utilisation populaire de l’expression « empreintes génétiques ». La possibilité d’établir un lien entre la preuve recueillie sur la scène d’un crime et un suspect, grâce à l’analyse de l’ADN et aux empreintes génétiques, est bien établie et, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, elle a d’ailleurs permis aux autorités de faire condamner bon nombre d’inculpés. Le Solliciteur général du Canada a déclaré que l’identification judiciaire grâce aux empreintes génétiques avait servi à obtenir « des condamnations dans des centaines de crimes avec violence »(36). Aux États-Unis, l’analyse de l’ADN a été utilisée dans plus de 24 000 affaires depuis 1986(37).

La création de banques de données génétiques semblables à celles des empreintes digitales permettrait de renforcer considérablement le potentiel de cette technique pour ce qui est de résoudre des affaires criminelles, en particulier des crimes violents dans lesquels le criminel laisse de l’ADN sur les lieux. La possibilité de créer de telles banques de données a fait l’objet de discussions intenses au Canada et ailleurs. Dans certains pays, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni, des banques de données génétiques ont déjà été créées à des fins médicolégales.

Au Royaume-Uni, la banque de données informatisée d’ADN est exploitée par le Forensic Science Service (FSS), situé à Birmingham; elle est devenu opérationnelle en avril 1995. La Criminal Justice and Public Order Act 1994 permet à la police du Royaume-Uni de prélever des échantillons d’ADN auprès de quiconque est accusé d’un acte criminel dit « recordable offence » (ce qui comprend un grand nombre d’actes criminels divers, y compris des crimes non accompagnés de violence), peu importe que l’ADN soit à première vue pertinent dans l’infraction dont la personne est accusée(38). Les empreintes génétiques utilisées dans la banque de données du Royaume-Uni sont obtenues au moyen de la technologie dite PCR/STR; comme nous l’avons indiqué ci-dessus, il s’agit de la technique adoptée au Canada par la GRC. Au moment de la création de la banque de données du Royaume-Uni, en 1995, on s’attendait à ce qu’elle renferme quatre millions d’empreintes génétiques en l’an 2000(39).

La banque d’empreintes génétiques du Royaume-Uni a été utilisée abondamment :

[...] plus de 50 000 échantillons STR (short tandem repeat, c’est-à-dire séquence courte répétée en tandem) ont été ajoutés à la banque de données nationale sur les délinquants et ont contribué à résoudre plus de 1 500 crimes pour lesquels on n’avait auparavant aucun suspect principal(40).

La plupart, sinon la totalité des États des États-Unis ont maintenant adopté une loi rendant obligatoire le prélèvement et l’analyse d’échantillons devant être versés dans les banques de données génétiques. En général, les échantillons d’ADN aux États-Unis sont prélevés auprès des criminels reconnus coupables, en particulier des violeurs, au moment de leur élargissement de prison. Cette méthode s’appuie sur le fait qu’un nombre relativement restreint de gens est responsable d’un nombre disproportionné de crimes avec violence; des études ont montré que le taux de récidivisme pour ces crimes, après l’emprisonnement du coupable, peut atteindre 50 p. 100. Les échantillons d’ADN sont généralement envoyés au laboratoire médicolégal de l’État, où ils sont consignés au registre et entreposés. Le FBI a pris la tête d’un mouvement national aux États-Unis en vue de créer une banque nationale de données et des programmes pilotes ont déjà été mis en oeuvre(41).

   B. Un projet de banque d’empreintes génétiques canadienne

La première étape d’une stratégie législative du gouvernement fédéral en matière d’identification judiciaire par les empreintes génétiques a été mise en oeuvre le 13 juillet 1995, date à laquelle le projet de loi C-104, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les jeunes contrevenants (analyse génétique à des fins médicolégales) est entré en vigueur. Cette loi permettait aux autorités, munies d’un mandat, de prélever des échantillons d’ADN sur les personnes soupçonnées de certains crimes.

Le 10 avril 1997, le gouvernement fédéral du Canada a présenté à la Chambre des communes le projet de loi C-94, Loi sur l’identification par les empreintes génétiques, qui visait à créer une banque nationale de données génétiques renfermant les empreintes génétiques des criminels condamnés :

La nouvelle loi obligera les personnes condamnées pour une infraction désignée à produire des échantillons de substances corporelles en vue de l’analyse de l’AND à des fins médico-légales. L’information génétique résultant de ces analyses sera conservée dans une banque nationale de données génétiques.

La banque de données comprendra un fichier des condamnés, où seront gardés les profils d’identification génétique des adultes et des adolescents condamnés pour des infractions désignées du Code criminel, et un fichier de criminalistique, qui contiendra les profils d’identification génétique établis à partir de substances corporelles recueillies sur les lieux de crimes non résolus.

En présentant le projet de loi C-94, le Solliciteur général, M. Gray, a déclaré :

Le Canada fera partie d’un très petit nombre de pays munis d’une banque nationale de données génétiques. Cette banque dotera les enquêteurs d’un outil puissant, qui contribuera à protéger les Canadiens contre les criminels violents. Elle nous aidera à identifier et à arrêter plus rapidement les individus coupables de crimes graves, comme les délinquants sexuels et les délinquants violents récidivistes, et d’innocenter certains suspects(42).

Les infractions au Code criminel désignées dans la le projet de loi auraient été divisées en deux listes, primaire et secondaire. La liste primaire aurait compris les infractions violentes les plus graves, y compris les agressions sexuelles, et, après la condamnation du ou de la coupable, le tribunal aurait ordonné que des substances corporelles soient prélevées pour la banque de données. Voici la liste des infractions primaires :

  • contacts sexuels (art. 151)

  • incitation à des contacts sexuels (art. 152)

  • exploitation à des fins sexuelles (art. 153)

  • inceste (art. 155)

  • obtention de services sexuels d’un mineur (art. 212(4))

  • meurtre (art. 235)

  • homicide involontaire coupable (art. 236)

  • causer intentionnellement des lésions corporelles (art. 244)

  • agression armée ou infliction de lésions corporelles (art. 267)

  • voies de fait graves (art. 268)

  • infliction illégale de lésions corporelles (art. 269)

  • agression sexuelle (art. 271)

  • agression sexuelle armée ou infliction de lésions corporelles (art. 272)

  • agression sexuelle grave (art. 273)

  • enlèvement et séquestration (art. 279)

  • toute infraction à l’une ou l’autre des dispositions suivantes du Code criminel, chapitre C-34 des Statuts révisés du Canada de 1970, dans leurs versions antérieures au 4 janvier 1983 :

 

    viol (art. 144)
    rapports sexuels avec une personne du sexe féminin âgée de moins de 14 ans ou âgée de 14      à 16 ans (art. 146)
    rapports sexuels avec une personne faible d’esprit (art. 148);

  • dans leurs versions antérieures au 1er janvier 1988 :

    rapports sexuels avec sa belle-fille (alinéa 153(1)a)).

 

La liste secondaire des infractions désignées aurait exigé que des échantillons soient prélevés pour la banque de données, sur ordonnance de la cour, après la condamnation d’une personne pour une infraction secondaire, lorsque le juge était convaincu qu’une telle ordonnance aurait été dans l’intérêt de la sécurité publique :

  • actes de piraterie (art. 75)

  • détournement (art. 76)

  • atteinte à la sécurité des aéronefs ou des aéroports (art. 77)

  • prise d’un navire ou d’une plate-forme fixe (art. 78.1)

  • usage d’explosifs (alinéa 81a))

  • causer la mort par négligence criminelle (art. 220)

  • causer des lésions corporelles par négligence criminelle (art. 221)

  • défaut d’arrêter lors d’un accident (art. 252)

  • voies de fait (art. 266)

  • torture (art. 269.1)

  • voies de fait contre un agent de la paix (alinéa 270(1)a))

  • prise d’otage (art. 279.1)

  • vol qualifié (art. 344)

  • introduction par effraction dans un dessein criminel (par. 348(1))

  • méfait qui cause un danger réel pour la vie des gens (par. 430(2))

  • incendie criminel (art. 433 et 434.1)

 

  • toute infraction aux termes de l’une ou l’autre des dispositions suivantes du Code criminel, dans leurs versions antérieures au 1er juillet 1990 :

  • art. 433 — crime d’incendie
    art. 434 — mettre le feu à d’autres substances

  • tentative ou complot en vue de perpétrer l’une ou l’autre des infractions ci-dessus.

 

Aux termes du projet de loi C-94, les jeunes contrevenants auraient été traités de la même manière que les adultes aux fins de l’inclusion dans la banque de données génétiques; leurs profils d’identification génétique auraient été assujettis aux mêmes règles en ce qui concerne l’accès aux dossiers tant et aussi longtemps qu’ils auraient été conservés dans la banque de données. Toutefois, contrairement à ce qui aurait été le cas pour les adultes, les périodes de conservation des profils des jeunes contrevenants auraient été semblables à celles prévues par les dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants traitant des dossiers de police. Pour les adultes, les profils d’identification génétique auraient été conservés indéfiniment, à moins que la condamnation soit annulée ou qu’un pardon soit accordé au délinquant.

La mesure proposée en vue de créer une banque de données comportait un certain nombre d’autres dispositions. Il aurait été possible de prélever des échantillons d’ADN rétroactivement sur les délinquants déjà condamnés qui purgent actuellement leur peine, dans deux circonstances : premièrement, dans le cas des délinquants qui ont été déclarés « délinquants dangereux » aux termes de la partie XXIV du Code criminel; deuxièmement, dans le cas d’un délinquant qui a été reconnu coupable de plus d’une infraction sexuelle et qui purge actuellement une peine de deux années d’emprisonnement ou plus, même s’il est actuellement en libération conditionnelle. Il y avait aussi une disposition visant « l’application rétrospective », lorsqu’un juge, dans l’intérêt de la sécurité publique, aurait pu ordonner qu’un échantillon d’ADN soit prélevé à même des personnes accusées d’une infraction désignée avant l’entrée en vigueur de la loi, mais reconnues coupables après cette date.

Le projet de loi C-94 prévoyait aussi des restrictions sur l’accès aux échantillons d’ADN et aux données recueillies aux termes de la loi :

[D]es règles strictes régiront le prélèvement, l’utilisation et la conservation des échantillons d’AND et des profils d’identification génétique. L’accès aux profils contenus dans le fichier des condamnés sera strictement limité aux personnes directement préposées au fonctionnement de la banque de données. Seuls le nom de la personne fichée sera communiqué aux autorités compétentes d’application de la loi dans le cadre d’enquêtes criminelles. En outre, on instaurera des sanctions pénales afin de prévenir tout usage abusif des échantillons de substances corporelles ou des profils génétiques(43).

Bien que le projet de loi C-94 soit resté en plan au Feuilleton quand le premier ministre a déclenché les élections fédérales le 27 avril, le Solliciteur général Andy Scott a déclaré qu’un projet de loi semblable sera présenté durant la première session de la nouvelle législature, qui a débuté en septembre 1997(44) Les divers points de vue sur la mesure proposée, notamment ceux mentionnés ci-dessus, feront alors l’occasion d’un débat.

Il convient des noter que les coûts associés à la création d’une banque nationale de données génétiques proposée seraient considérables. La technologie est à la fine pointe du progrès et elle est coûteuse. Toutefois, les empreintes génétiques peuvent être mises sur support informatique, ce qui permettrait une plus grande efficacité opérationnelle. De plus, la technologie PCR/STR qui est adoptée au Canada par la GRC coûtera moins cher que l’ancienne technique RFLP (polymorphisme de restriction de longueur de fragment), bien que le montant précis des économies ne soit pas encore connu. On estime que le coût de lancement de la banque de données serait de 2,9 millions de dollars et l’on prévoit que le coût annuel de fonctionnement serait d’environ 3,0 millions de dollars(45).

   C. Points de vue divergents

Comme on pouvait s’y attendre, il y a divergence d’opinions au Canada sur la manière dont la banque de données génétiques devrait être organisée et exploitée. Dans les paragraphes suivants, nous donnons une idée des opinions contradictoires à ce sujet en exposant les positions respectives du Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, de l’Association du barreau canadien et des services de police.

      1. Commissaire à la protection de la vie privée

Le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, tout en appuyant l’utilisation des empreintes génétiques pour aider la police à arrêter les criminels violents, exprimé des réserves sur la création d’une banque d’empreintes génétiques et sur la manière dont une telle banque de données pourrait être utilisée. Le droit au respect de la vie privée et à la protection des renseignements personnels, ce qui englobe les caractéristiques particulières de l’ADN d’une personne et son patrimoine génétique, est au coeur des préoccupations du commissaire :

Nous reconnaissons l’utilité de l’analyse des RFLP pour résoudre des crimes de violence, mais il faut que cette analyse soit autorisée par une loi et qu’on prenne soin de vérifier l’exactitude des renseignements obtenus. Nous nous opposons cependant à ce que l’État établisse un répertoire des caractéristiques génétiques de la population masculine, constituée en grande partie de non-criminels […] [similaire à celle envisagée au Royaume-Uni](46).

Le Commissaire a exprimé des réserves quant à la création et à l’utilisation d’une banque d’empreintes génétiques par la police pour arrêter les criminels. À titre d’exemple, le commissaire cite l’affaire Pitchfork au Royaume-Uni (signalée au début du présent document). Dans une tentative pour résoudre les agressions sexuelles et meurtres de deux adolescentes, la police du Royaume-Uni avait recueilli, par un programme de dons volontaires d’échantillons, plus de 3 600 empreintes génétiques d’hommes de la localité où les crimes avaient été commis; par la suite, la police s’est servi de cette « banque de données » créée dans un but précis pour arrêter le perpétrateur d’un crime différent :

[...] [L]es échantillons (d’ADN) n’ont pas servi uniquement à cette enquête. Les agents de police ont par la suite établi une correspondance entre une empreinte génétique provenant des volontaires et un échantillon de sperme prélevé dans un cas de viol antérieur qui n’avait pas été élucidé. Pour la police, il s’agissait simplement d’un travail de fin limier. Pour les défenseurs des libertés civiques, cette pratique laissait planer la menace à venir de l’utilisation par la société de bases de données génétiques, (et non purement identificatrices) sur toute une population à des fins de répression(47).

Un observateur pourrait toutefois conclure que l’arrestation d’un violeur grâce à cette technique des empreintes génétiques constitue effectivement un « travail de fin limier ». Le même observateur pourrait toutefois se demander aussi si le spectre de « l’utilisation par la société de bases de données génétiques sur toute une population à des fins de répression » n’est pas une crainte non fondée puisque le profil génétique d’une personne à des fins judiciaires ne donne pas de renseignements sur ses « caractéristiques génétiques », la seule exception étant peut-être la technique PCR/STR que la GRC est en train d’abandonner graduellement, laquelle permet de déterminer le sexe d’une personne.

Néanmoins, le Commissaire a fait dans son rapport de 1995 une recommandation qui se lit en partie comme suit :

L’État ne doit pas constituer des banques d’échantillons de matériel génétique pour les personnes condamnées ou l’ensemble de la population ni de bases de données génétiques sur l’ensemble de la population aux fins du système de justice pénale(48).

Toutefois, dans la deuxième partie de cette même recommandation, le commissaire semble tout au moins atténuer ce point de vue :

Si la création de bases de données génétiques est acceptée, il ne faut utiliser ces données qu’à des fins d’identification. Les renseignements contenus dans une base de données génétiques et tous les échantillons de matériel génétique associés à un crime ne devraient pas servir à la détermination d’autres caractéristiques qui peuvent être liées génétiquement, comme la personnalité(49).

En fait, une banque d’empreintes génétiques comme celle que proposait par le gouvernement fédéral dans le projet de loi C-94 ne permet pas d’utiliser le matériel génétique pour quelqu’autre fin que l’identification dans le but d’arrêter des criminels. L’argument du commissaire est toutefois valable : une banque de données créée pour identifier les criminels ne devrait pas être utilisée à d’autres fins beaucoup plus générales, surtout s’il s’agissait d’une entreprise aussi mal assurée que d’essayer d’établir un lien entre le patrimoine génétique d’une personne et des traits de sa personnalité que l’on pourrait percevoir, à tort ou à raison, comme des indicateurs de possibles comportements criminels.

Dans sa réponse de 1995 au document de consultation du ministère de la Justice intitulé Collecte et entreposage des preuves médico-légales à caractère génétique, le bureau du Commissaire à la vie privée du Canada semble avoir accepté la proposition du gouvernement fédéral d’établir une banque d’empreintes génétiques, quoiqu’en émettant certaines réserves sur les échantillons, l’utilisation des empreintes génétiques et la façon de disposer des échantillons après usage. Voici une liste de certaines restrictions qu’a proposées le Commissaire :

 

  • L’échantillon d’ADN doit être prélevé par un professionnel de la santé.

  • Il faut utiliser la méthode de prélèvement représentant la moindre ingérence corporelle et le prévenu ou délinquant reconnu coupable a le droit de spécifier la méthode de prélèvement, sous réserve des pratiques établies en criminalistique.

  • Aucun échantillon d’ADN ne doit être prélevé à moins que l’information recherchée soit pertinente au crime en question; le crime doit être perpétré avec violence ou présenter la probabilité de violence, et le prélèvement doit être autorisé par un juge.

  • Il ne faut pas prélever des échantillons d’ADN de façon routinière sur toutes les personnes reconnues coupables, mais seulement les délinquants reconnus coupables d’un crime violent.

  • Sur la question de savoir s’il y a lieu de conserver l’échantillon d’ADN ou l’analyse qui en est faite, le bureau du Commissaire préférerait que les échantillons ne soient pas conservés, à cause de préoccupations quant à la possibilité de leur future utilisation pour la recherche de traits génétiques liés au comportement criminel.

  • Les banques de données ne doivent renfermer que des renseignements sur certains criminels reconnus coupables; lorsque la personne est acquittée du crime, par exemple, l’échantillon et l’analyse qui en a été faite doivent tous deux être éliminés.

 

Le Commissaire a également abordé la question de savoir si la banque d’empreintes génétiques devrait être utilisée pour résoudre des crimes autres que le crime pour lequel l’échantillon d’ADN a été prélevé à l’origine :

Après la condamnation [de la personne en cause], l’information génétique pourrait être utilisée, en l’absence d’une ordonnance d’un tribunal, pour chercher à établir un lien avec tout autre crime semblable non résolu. Par exemple, l’information génétique obtenue à même l’ADN d’une personne reconnue coupable d’une agression sexuelle pourrait servir à essayer d’établir un lien avec d’autres agressions sexuelles non résolues. L’utilisation de l’ADN pour résoudre des crimes qui ne sont pas de même nature que celui dont la personne a été trouvée coupable devrait nécessiter l’approbation d’un juge. Cela empêcherait les enquêteurs « d’aller à la pêche ».

Toutefois, le commissaire ne dit pas clairement dans le mémoire pourquoi il serait inacceptable d’utiliser la banque d’empreintes génétiques pour une telle « expédition de pêche ». Ainsi, pour quelle raison faudrait-il s’opposer à ce que l’on fasse le lien entre l’empreinte génétique d’une personne reconnue coupable de vol à main armée, empreinte qui est consignée dans la banque de données, et l’empreinte génétique prélevée sur les lieux d’un crime plus grave comme le viol ou le meurtre, surtout si ce lien permet au bout du compte d’arrêter et de faire condamner la personne pour le deuxième crime d’une nature plus grave?

      2. Association du barreau canadien

La Section nationale de droit pénal de l’Association du barreau canadien (ci-après appelée la Section) appuie la création d’une banque nationale de données génétiques « pourvu que la création d’une telle banque se fasse dans le respect de la liberté et de la vie privée »(50). La Section propose un certain nombre de limites et de sauvegardes pour la cueillette, la conservation et l’utilisation des échantillons d’ADN, dont nous donnons un résumé ci-dessous.

  • La Section recommande qu’une banque de données génétiques soit utilisée à des fins limitées, soit « fournir à la police des motifs raisonnables d’obtenir un mandat leur permettant d’obtenir un autre échantillon de liquides corporels, lorsqu’un lien est établi entre l’ADN d’un échantillon inconnu et un échantillon d’ADN conservé dans la banque de données ». L’argument invoqué pour justifier cette recommandation est que la concordance de l’ADN de la banque et de l’ADN d’un autre échantillon n’est pas nécessairement en soi un élément de preuve acceptable devant les tribunaux.

  • La Section recommande, pour établir un juste équilibre entre la protection de la vie privée et le besoin de protéger la société, que la banque de données ne renferme que des empreintes génétiques associées à des crimes tels que « l’homicide et les infractions sexuelles et violentes graves, y compris l’entrée par effraction et la perpétration d’une agression sexuelle ».

  • Dans le cas des jeunes contrevenants, la Section recommande que les empreintes génétiques soient conservées seulement pendant une période limitée, s’il n’y a pas eu d’autres infractions connexes. Toutefois, des exceptions à cette règle pourraient être faites dans le cas de crimes violents graves perpétrés par de jeunes contrevenants, et l’ADN serait alors conservé pendant une période indéfinie.

  • La Section « se prononce fermement contre le prélèvement obligatoire d’échantillons d’ADN au moment de l’arrestation », à moins que l’on ait obtenu un mandat à cette fin. L’opposition de la Section est fondée sur le point de vue selon lequel il ne serait pas conforme à la Constitution d’obtenir de force un échantillon d’ADN avant la condamnation. (Aux termes de la législation actuelle, on peut prendre les empreintes digitales et la photographie d’un accusé au moment où des accusations sont portées.)

  • La Section croit que les agents de police peuvent être formés à prendre des échantillons d’ADN aux fins d’analyse, après la condamnation des accusés. La Section cite des exemples de certains organismes de police (p. ex. le service de police de Vancouver) qui possèdent un programme de formation et une trousse standard pour le prélèvement d’échantillons de sang. Toutefois, si l’échantillon est prélevé en prison, la Section croit que les « professionnels de la santé de la prison » devraient être chargés de prendre l’échantillon.

  • La Section partage la conviction du Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, c’est-à-dire que l’on ne devrait pas conserver dans une banque nationale de données les échantillons d’ADN, mais seulement les résultats de l’analyse, c’est-à-dire les empreintes génétiques. Les craintes des deux organisations sont les mêmes, nommément que l’existence d’une collection d’échantillons d’ADN pourrait constituer une « invitation » à faire des recherches inappropriées pour établir un lien possible entre le patrimoine génétique et le comportement criminel.

 

      3. Association canadienne des policiers

La valeur de l’analyse de l’ADN et des empreintes génétiques pour la police, et par conséquent pour l’ensemble du système de justice criminelle, a été prouvée dans de nombreuses enquêtes criminelles. Non seulement cette technologie a-t-elle permis d’établir un lien entre des criminels et des crimes particuliers, mais elle a également été utilisée avec succès pour exonérer des personnes qui avaient été faussement déclarées coupables, les cas de Guy Paul Morin et de David Milgaard étant les plus connus au Canada. Il n’est donc pas étonnant que les services de police veulent que la compilation d’échantillons d’ADN et l’exploitation d’une banque nationale d’empreintes génétiques se fassent le plus efficacement possible.

L’Association canadienne des policiers est convaincue qu’il faudrait appliquer à la cueillette et à la conservation des empreintes génétiques les mêmes conditions et restrictions que celles qui s’appliquent actuellement aux empreintes digitales aux termes de la Loi sur l’identification des criminels :

Tout comme les empreintes digitales à une autre époque, les échantillons d’ADN ont une double pertinence aux fins d’enquête. Premièrement, c’est une méthode permettant de confondre ou de disculper une personne soupçonnée d’un crime précis en comparant son empreinte génétique avec celle recueillie dans un échantillon prélevé sur les lieux du crime, par exemple dans du sperme, des cheveux ou du sang. Deuxièmement, et chose beaucoup plus importante, lorsqu’aucun élément de preuve ne pointe vers une personne en particulier, on pourrait comparer l’ADN recueilli sur les lieux du crime avec les empreintes génétiques recueillies antérieurement et conservées dans une banque de données génétiques. En ce sens, l’ADN comme élément de preuve est exactement analogue aux empreintes digitales, c’est-à-dire que cet élément de preuve existe à cause de l’existence d’activités criminelles antérieures correspondant à un seuil établi par la loi et qui ont entraîné la conservation du dossier de la personne en cause. [...] [L]es empreintes génétiques ont une grande valeur en criminalistique. Il serait rien moins qu’irresponsable de ne pas tirer pleinement profit des possibilités offertes par la cueillette et la conservation d’un tel matériel génétique, étant donné que le défaut d’utiliser cette technique pourrait entraîner l’absence de poursuites dans des crimes extrêmement graves(51).

 

Les craintes exprimées par le bureau du Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, à savoir que des échantillons d’ADN pourraient être utilisés pour faire des recherches en vue d’établir le fondement génétique du comportement criminel, sont cavalièrement écartées par l’Association canadienne des policiers, qui les qualifie d’« injustifiables ». Dans le mémoire de l’Association, on ne va toutefois pas jusqu’à dire que les échantillons d’ADN devraient être utilisés à des fins autres que l’identification des personnes soupçonnées d’avoir perpétré un acte criminel.

Un important point de désaccord entre d’une part l’Association canadienne des policiers et d’autre part le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada et l’Association du barreau canadien porte sur la question de savoir quand l’échantillon d’ADN devrait être prélevé. Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, autant le Commissaire que la Section nationale de droit pénal de l’Association du barreau canadien ont soutenu que les échantillons d’ADN ne devraient pas être prélevés de force au moment de l’arrestation, mais seulement après la condamnation. L’Association des policiers soutient que l’échantillon devrait être prélevé au moment de l’arrestation, tout comme on le fait pour les empreintes digitales. De plus, l’Association des policiers est d’accord avec la liste des infractions désignées pour lesquelles des échantillons d’ADN pourraient être prélevés, et propose même que cette liste soit allongée. L’Association a décrit un scénario possible qui, à son avis, démontre qu’il faut prélever l’échantillon d’ADN au moment de l’arrestation, même pour une infraction relativement « mineure ».

Essentiellement, nous préconisons que la loi actuelle, la Loi sur l’identification des criminels, qui permet de prélever des renseignements sur le délinquant (nommément les empreintes digitales) au moment de son arrestation pour un acte criminel, est exactement le processus qu’il faut suivre dans le cas de cette « mise à niveau technologique » qu’est la technique des empreintes génétiques. Cette procédure consistant à prendre des renseignements avant la condamnation garantit que le matériel en question sera obtenu, contrairement à une procédure qui permettrait de ne prendre des échantillons qu’après la condamnation[.] […]

Notre système de justice criminelle accorde une libération sous caution à plus de 95 p. 100 des personnes qui sont accusées d’un acte criminel. Si, pour citer un exemple courant, une personne est accusée de vol avec effraction, mais qu’en réalité, à l’insu de la police, cette personne a perpétré une série de viols non résolus pour lesquels il existe des éléments de preuve physique, elle sera élargie sans que l’on ait prélevé d’échantillon d’ADN. Le délinquant sait pertinemment que l’on ne va prélever un échantillon de son ADN (ce qui entraînerait sa condamnation pour les viols) que s’il se présente de nouveau devant le tribunal et est déclaré coupable de l’acte dont il était accusé à l’origine. Se trouvera-t-il quelqu’un pour prétendre qu’une personne dans une telle situation se présentera devant les tribunaux pour être jugée?(52)

L’Association cite une statistique à l’appui de ses dires : en 1995, plus de 66 000 personnes au Canada n’ont pas respecté les conditions de leur libération sous caution ou ne se sont pas présentées comme ils étaient tenus de le faire. De plus, l’Association affirme qu’au Canada :

[...] les mandats délivrés pour l’arrestation des personnes qui ne se présentent pas à leur procès pour répondre à des accusations comme le vol avec effraction ne sont généralement pas applicables partout au Canada. Cela signifie que si un violeur insoupçonné pour lequel un mandat est émis à Ottawa dans une affaire de vol avec effraction se fait arrêter en Alberta, la pratique actuelle est qu’il ne serait pas renvoyé à Ottawa pour y répondre de l’accusation « mineure » de vol avec effraction(53).

Dans l’ensemble, l’Association canadienne des policiers est d’opinion que la loi proposée n’ira pas assez loin pour créer une banque d’empreintes génétiques ayant l’efficacité optimale. Dans la « lettre ouverte » aux députés fédéraux, déjà citée, le président de l’Association préconise le rejet du projet de loi tel qu’il est rédigé et son remplacement par une mesure législative plus globale et plus efficace.

CONCLUSION

Comme ce fut le cas des empreintes digitales, les empreintes génétiques sont devenues une technologie généralement acceptée et maintenant probablement indispensable en criminalistique. La rapidité de son acceptation - onze ans seulement se sont écoulés depuis que l’affaire Pitchfork a été résolue grâce à cette technique - témoigne de la solidité scientifique de la génétique moléculaire sur laquelle est fondée la technologie des empreintes génétiques. Ces solides assises expliquent la réputation qu’a cette technologie, réputation qui a rarement été contestée, de permettre l’identification avec une exactitude extraordinaire grâce à des observations objectives. Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, les empreintes génétiques permettent, même après des décennies ou même des siècles, de répondre à d’importantes questions d’identité et de lignée grâce au code génétique.

Tout aussi impressionnante a été l’évolution rapide de la technologie. En 1986, il était compliqué d’établir les empreintes génétiques qui ont permis en fin de compte de résoudre les meurtres dans l’affaire Pitchfork (premièrement en exonérant le suspect qui avait faussement avoué, et deuxièmement en confirmant la culpabilité de Pitchfork lui-même). Cela prenait du temps et exigeait beaucoup de main-d’oeuvre. Aujourd’hui, grâce à la technique automatisée PCR/STR, à la fine pointe du progrès, que la GRC est en train d’adopter graduellement, on peut établir les empreintes génétiques en beaucoup moins de temps et avec une capacité de discernement grandement accrue.

Sans aucun doute, la technologie continuera d’évoluer et l’on s’attend à ce que son efficacité soit accrue, son application plus généralisée et - espérons-le - son coût unitaire réduit. Le Dr Fourney a suggéré qu’à l’avenir, on verra « l’automatisation complète du processus, depuis le prélèvement de l’ADN jusqu’à la génération et la détection de marqueurs discrets, jusqu’à l’inscription numérique dans une banque de données permettant de faire des recherches »(54). En même temps, fait-il remarquer, les laboratoires de criminalistique partout dans le monde doivent relever un important défi : l’adoption de normes communes pour l’identification des êtres humains.

D’autre part, à mesure que la technologie sera appliquée sur une plus vaste échelle, non seulement dans la criminalistique mais dans les autres branches et disciplines, le coût total que la société devra payer pour l’utilisation de cette technologie augmentera peut-être, même si le coût unitaire baisse. La question des avantages comparés aux coûts de l’utilisation de cette technologie se posera indéniablement et fera l’objet d’un examen serré, surtout de la part des gouvernements.

L’un des grands avantages de la technologie des empreintes génétiques est qu’elle est fondée sur une démarche scientifique objective; plus elle sera automatisée et plus la possibilité d’erreur humaine s’amenuisera, plus grande sera l’objectivité. Au cours des derniers mois, les services de police et les laboratoires de criminalistique autant au Canada qu’aux États-Unis ont fait l’objet de sévères critiques pour avoir mal mené des enquêtes criminelles. À cet égard, les affaires Milgaard, Morin et Bernardo sont les plus notoires au Canada(55).

Dans l’affaire Morin, en particulier, l’application de la criminalistique a donné lieu à une erreur judiciaire, plus précisément l’analyse des fibres, qui implique un certain degré de subjectivité dans l’interprétation. Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, c’est finalement la technique des empreintes génétiques qui a entraîné l’exonération de Guy Paul Morin et d’autres, dans des situations où les technologies et méthodes traditionnelles avaient échoué, pour quelque raison que ce soit.

Il y aura probablement d’autres exemples du même genre. Si une identification positive grâce aux empreintes génétiques est un élément de preuve convaincant de l’association d’un suspect à un crime donné, ce n’est pas une preuve absolue. Il y a toujours une possibilité, aussi infime soit-elle, que la similitude des empreintes soit due au hasard : il est impossible de prouver une négation et la probabilité statistique ne saurait être écartée complètement. Il faut habituellement des preuves et des renseignements supplémentaires pour obtenir la condamnation. Toutefois, un résultat négatif dans une comparaison d’empreintes génétiques, que l’on appelle une exclusion, est absolu. Dans ce contexte, il est intéressant de constater qu’aux États-Unis, le FBI a signalé que « pas moins du tiers de tous les suspects dans des affaires de viol sont libérés avant le procès parce que l’identification par l’ADN les a exonérés »(56). Même si ce chiffre est peut-être quelque peu exagéré, comme Inman et Rudin le laissent entendre, on ne saurait nier la capacité de cette technologie de prouver l’innocence d’une personne.

Enfin, il y a un certain nombre de projets en cours aux États-Unis, au Canada et ailleurs dans le cadre desquels on utilise la technologie des empreintes génétiques pour libérer des personnes innocentes incarcérées. La première initiative en ce sens a été le projet Innocence mené à l’école de droit Benjamin N. Cordozo de l’Université Yeshiva, à New York. Au Canada, la faculté de droit Osgoode Hall de l’Université York, à Toronto, lancera un projet semblable. Dans le cadre de ce projet, le groupe de l’Université York travaillera avec l’Association pour la défense des personnes faussement condamnées (CAIDWYC), à Scarborough (Ontario)(57).

 

GLOSSAIRE

Acide désoxyribonucléique : le matériel génétique de la plupart des organismes, y compris les êtres humains.

Adénine : l’un des quatre éléments constitutifs de l’ADN, identifié par la lettre A.

ADN : acide désoxyribonucléique.

ADN polymérase : enzyme qui a la propriété de synthétiser l’ADN à partir d’une matrice. (Voir réaction en chaîne de la polymérase ou PCR.)

AFIS : sigle anglais signifiant système informatisé de dactyloscopie, ou système automatisé d’identification dactyloscopique.

Agarose : substance gélatineuse utilisée pour séparer les fragments d’ADN.

Allèle : l’une de deux ou plusieurs formes possibles d’un gène ou d’un marqueur génétique.

Amplification : appliquée à l’ADN, il s’agit du processus d’amplification en chaîne permettant d’obtenir de multiples copies d’une séquence d’ADN en utilisant la réaction en chaîne de la polymérase (PCR).

Autoradiogramme : aussi appelé autoradiographie ou radioautographie; il s’agit d’un film à rayon-x sur lequel des sondes radioactives ou à chimiluminescence ont laissé une image permettant d’établir la position précise de fragments spécifiques d’ADN. Parfois appelé « code à barres ».

Autosome : aussi appelé chromosome somatique; tout chromosome autre que les chromosomes sexuels X et Y.

Bande : image visuelle d’un fragment spécifique d’ADN sur un autoradiogramme. (C’est la « barre » dans le code à barres).

Base : dans ce contexte, le terme s’explique à l’une des quatre bases azotées qui sont des éléments constitutifs de l’acide nucléique. Les quatre bases sont l’adénine, la thymine, la cytosine et la guanine, représentées par les lettres A, T, C et G.

Chromosome : structure nucléique visible au microscope qui renferme les gènes transmis d’une génération à l’autre.

Codant : l’ADN qui renferme l’information génétique et qui a la capacité de produire une protéine (opposé à non codant).

Cytosine : l’un des quatre éléments constitutifs de l’ADN, représenté par la lettre C.

Dénaturation : séparation de l’ADN double brin en deux brins uniques complémentaires, sous l’action de la chaleur ou d’un produit chimique; c’est une étape essentielle dans l’analyse de l’ADN pour obtenir des empreintes génétiques.

Diploïde : le fait de posséder deux lots de chromosomes jumelés par paires; les êtres humains possèdent 23 chromosomes jumelés par paires, pour un total de 46, dans toutes les cellules adultes, à l’exception des cellules reproductrices (voir haploïde).

Électrophorèse : technique utilisée pour l’obtention d’empreintes génétiques, dans laquelle des fragments d’ADN sont séparés en fonction de leur taille d’après leur taux de déplacement dans un gel traversé par un courant électrique.

Enzyme : protéine ayant la propriété de catalyser une réaction biochimique spécifique; dans l’analyse de l’ADN à des fins médicolégales, on utilise notamment comme enzyme les nucléases de restriction et l’ADN polymérase.

Ensyme de restriction, nucléase de restriction : un enzyme qui coupe l’AND en des endroits précis déterminés par la séquence particulière d’AND.

Eucaryote : genre de cellule, comprenant la plupart des cellules humaines, qui renferme un noyau, lequel renferme les chromosomes.

Gel : matrice gélatineuse, habituellement constituée d’agarose ou d’acrylamide, utilisée dans l’électrophorèse pour séparer les molécules d’après leur taille (voir électrophorèse sur gel).

Génome : le patrimoine génétique total d’un organisme.

Guanine : l’un des éléments constitutifs de l’ADN, représenté par la lettre G.

HaeIII : enzyme de restriction, ou endonucléase de restriction, utilisée dans l’analyse RFLP, ou polymorphisme de taille des fragments de restriction; c’est l’enzyme standard utilisée au Canada et aux États-Unis.

Haploïde : qui est doté d’un seul lot de chromosomes (voir diploïde). Les spermatozoïdes et les ovules sont haploïdes.

Hétérozygote : se dit d’un sujet qui possède un gène allèle différent (ou une version différente du gène) sur un locus déterminé de chacun des chromosome d’une paire, dans un organisme diploïde. (Le contraire est homozygote.)

Homozygote : se dit d’un sujet qui possède deux gènes allèles identiques (la même version d’un gène) sur un locus déterminé de deux chromosomes homologues, dans un organisme diploïde. (Le contraire est hétérozygote.)

Hypervariable : locus d’ADN qui est d’une variabilité extrême d’un individu à l’autre. La technique des empreintes génétiques est fondée sur cette variabilité de l’ADN.

Locus : emplacement précis d’un gène ou d’une séquence spécifique d’ADN sur un chromosome.

Marqueur génétique, ou marqueur : emplacement défini sur un chromosome ayant des caractéristiques génétiques connues.

Non codant : l’ADN qui n’opère pas le codage, c’est-à-dire qui ne possède pas la capacité de produire une protéine.

Noyau : organite des cellules eucaryotes, y compris les cellules humaines, dans laquelle se trouvent les chromosomes.

Paire de bases : les « barreaux » de l’« échelle » de l’ADN sont composés en partie de paires de bases. L’adénine se trouve toujours en paire avec la thymine et la cytosine, avec la guanine.

PCR : sigle signifiant polymerase chain reaction, c’est-à-dire réaction en chaîne de la polymérase.

Polyacrylamide : polymère qui, préparé sous forme de gel, est utilisé pour séparer de petits fragments d’ADN dans un champ électrophorétique.

Polymorphisme : présence d’allèles multiples d’un gène dans une population donnée.

Polymorphisme de taille des fragments de restriction (RFLP) : variation dans la taille des fragments d’ADN produite par un enzyme de restriction qui coupe l’ADN en un locus polymorphisme. Le polymorphisme peut se trouver au site de l’enzyme de restiction ou dans les séquences répétées en tandem entre les points de coupure. Les locus des séquences répétées en tandem en nombre variable sont utilisées dans l’analyse de l’ADN à des fins de criminalistique.

Procaryote : cellule ne possédant pas de noyau; tous les procaryotes sont des bactéries (voir eucaryote).

Réaction en chaîne de la polymérase (PCR) : processus catalysé par l’ADN polymérase et qui permet d’obtenir des millions d’exemplaires d’une séquence d’ADN déterminée.

Répétitions en tandem : unités récurrentes d’une séquence d’ADN identique placées en succession dans une région particulière d’un chromosome.

Sonde : petite séquence d’ADN synthétique marquée, utilisée pour déceler un fragment ou une séquence spécifique d’ADN.

Sonde d’ADN : petit segment d’ADN marqué radioactivement ou chimiquement et qui sert à déceler la présence d’une séquence ou d’un fragment particulier d’ADN.

Séquences répétés en tanden en nombre variable (VNTR) : unités récurrentes d’une séquence d’ADN identique placées en succession dans une région particulière d’un chromosome; le nombre de récurrences varie d’une personne à l’autre, ce qui permet l’identification de l’ADN à des fins de criminalistique.

STR : short tandem repeat ou séquence courte en tandem.

Thymine : l’un des éléments constitutifs de l’ADN, représenté par la lettre T.


(1) Cité dans National Research Council (États-Unis), The Evaluation of DNA Evidence, Washington (D.C.), National Academy Press, 1996, p. 1-1 (traduction).

(2) Marie Lussier, « Tailoring the Rules of Admissibility: Genes and Canadian Criminal Law », La Revue du barreau canadien, vol. 71, juin 1992, p. 325.

(3) David Roberts et Kirk Makin, « DNA Test Exonerates Milgaard », The Globe and Mail (Toronto), 19 juillet 1997, p. A1.

(4) Stephen Strauss, « Canadian Testing Incompetent, U.S. Expert Says », The Globe and Mail (Toronto), 22 juillet 1997, p. A4.

(5) Alanna Mitchell et David Roberts, « Fisher Charged in 1969 Sex Slaying », The Globe and Mail (Toronto), 26 juillet 1997, p. A1.

(6) Lussier (1992), p. 327 (traduction).

(7) J.D. Watson et F.H.C. Crick, « Molecular Structure of Nucleic Acids », Nature, vol. 171, 1953, p. 737-738.

(8) J. Robertson, A.M. Ross et L.A. Burgoyne (éd.), DNA in Forensic Science, Ellis Horwood Publisher, 1990, p. 24. (Le pourcentage réel d’ADN non codant n’est pas connu avec précision. L’estimation donnée dans la source citée est en fait de 98,5 p. 100.)

(9) Paul Berg et Maxine Singer, Dealing with Genes - The Language of Heredity, University Science Books, 1992, p. 138.

(10) Lorsqu’un gène spécifique est présent sous deux ou plusieurs formes différentes, ces formes différentes s’appellent allèles. Une personne peut être homozygote ou hétérozygote pour un allèle donné.

(11) Berg et Singer (1992), p. 153.

(12) Berg et Singer (1992), p. 156. (Le découvreur de la réaction en chaîne de la polymérase, le Dr Karry Mullis, a reçu le prix Nobel en 1993.)

(13) National Research Council (États-Unis) (1996), p. 2-11.

(14) Ron N. Fourney, « Forensic Reality and the Practical Experience of DNA Typing », La Revue canadienne des chefs de police du Canada, 1996, p. 48 (traduction).

(15) Dermot O’Sullivan, « Romanov Riddle : DNA Tests Identify Bones of Czar and Family », Chemical & Engineering News, 19 juillet 1993, p. 6-7. (Le mystère de la princesse Anastasia demeure non résolu. Toutefois, la plupart des comptes rendus de l’exécution disent que les corps d’Anastasia et de son frère le prince Alexei ont été brûlés et enterrés séparément.)

(16) Strauss (1997), p. A6.

(17) GRC, communication personnelle, mai 1997.

(18) National Research Council (États-Unis) (1996), p. 2-11.

(19) Fourney (1996), p. 48 (traduction).

(20) Keith Inman et Norah Rudin, An Introduction to Forensic DNA Analysis, CRC Press, 1997, p. 48.

(21) Fourney (1996), p. 50 (traduction).

(22) Ibid.

(23) Lussier (1997), p. 340 (traduction).

(24) Quoique le terme « empreinte génétique » ne soit pas d’usage officiel, il continue d’être couramment utilisé par les journalistes et les rédacteurs, autant parmi la communauté scientifique qu’ailleurs. La GRC utilisait à l’origine le terme anglais « DNA fingerprinting », mais elle a cessé de le faire en partie à cause de la confusion que cela pouvait susciter avec les empreintes digitales, confusion qui entraînait des erreurs dans l’acheminement du courrier et des demandes de renseignements au sein de l’organisation.

(25) Barry D. Gaudette, « Le typage de l’ADN — Un nouveau service offert à la police canadienne », La Gazette de la F.R.C., vol. 52, no 4, 1990, p. 2.

(26) Congrès des États-Unis, Genetic Witness: Forensic Uses of DNA Tests, Washington (D.C.), Office of Technology Assessment, 1990, p. 66 (traduction).

(27) National Research Council (États-Unis), DNA Technology in Forensic Science, Victor A. McKusick, président, Washington (D.C.), National Academy of Sciences, avril 1992.

(28) National Research Council (États-Unis), The Evaluation of DNA Evidence, Washington (D.C.), National Academy Press, 1996.

(29) Ibid., p. 4-23.

(30) Fourney (1996), p. 50 (traduction).

(31) La GRC a établi des liens officiels en matière d’empreintes génétiques avec son homologue américain, le FBI, par sa participation au groupe de travail technique sur les méthodes d’analyse de l’ADN, organisation nord-américaine qui se réunit trois fois par année à l’Académie du FBI à Quantico, en Virginie.

(32) Inman et Rudin (1997), p. 188. Il existe en Europe un groupe de travail technique comparable qui s’appelle EDNAP (European DNA Profiling Group).

(33) Ibid.

(34) Ibid., p. 188-189.

(35) Gendarmerie royale du Canada, Direction de l’information et des services d’identification, voir le site web à l’adresse suivante : http://www.rcmp-grc.gc.ca.

(36) Gouvernement du Canada, « MM. Herb Gray et Allan Rock présentent un projet de loi créant une banque nationale de données génétiques », Communiqué, 10 avril 1997.

(37) Inman et Rudin (1997), p. 21.

(38) Patsy Hughes, DNA Fingerprinting, document de recherche 96/44, Section des sciences et de l’environnement, Bibliothèque de la Chambre des communes du Royaume-Uni, 27 mars 1996, p. 24.

(39) Charles Arthur, « Suspects’ DNA Goes on File », New Scientist, 25 mars 1995, p. 7.

(40) Fourney (1996), p. 44 (traduction).

(41) Inman et Rudin (1997), p. 133-134. (Les Forces armées des États-Unis ont également institué un programme de prélèvement d’ADN pour les militaires; ce programme est mis en oeuvre par le Laboratoire d’identification de l’ADN des Forces armées, connu sous le sigle AFDIL. Cette banque de données vise à identifier les personnes tuées à la guerre et au cours d’exercices militaires.)

(42) Ibid.

(43) Ibid.

(44) Keith McArthur, « Proposal to Set Up a DNA Bank Will be Retabled », The Globe and Mail (Toronto), 12 septembre 1997.

(45) GRC, communication personnelle, 9 mai 1997.

(46) Le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Le dépistage génétique et la vie privée, Ottawa, 1992, p. 56. (À l’époque de la rédaction de cet ouvrage, l’analyse des RFLP était la principale technique utilisée au Canada pour l’analyse génétique.)

(47) Ibid., p. 55-56.

(48) Ibid., p. 58, 11e recommandation.

(49) Ibid.

(50) Section nationale de droit pénal, Association du barreau canadien, Constitution d’une banque de données génétiques, avril 1996, p. 12.

(51) Association canadienne de police, DNA Data Bank Amendments - A Response to the Sollicitor General’s Consultation Document (non daté), p. 1-2 (traduction).

(52) Neal Jessop, président, Association canadienne des policiers, « An Open Letter to all Members of Parliament », The Hill Times, 14 avril 1997 (traduction).

(53) Ibid. (traduction).

(54) Fourney (1996), p. 50 (traduction).

(55) Éditorial, « On Guard for Thee? », Globe and Mail, (Toronto), 22 juillet 1997.

(56) Inman et Rudin (1997), p. 21 (traduction).

(57) Kirk Makin, « Police Tunnel Vision Gives No Justice, Critics Say », The Globe and Mail (Toronto), 22 juillet 1997, p. A1, A5.