BP-445F LA CITOYENNETÉ CANADIENNE
: LA LOI
Rédaction :
TABLE
DES MATIÈRES
C.
Citoyens naturalisés D. Perte de la citoyenneté et réintégration
LA CITOYENNETÉ CANADIENNE :
LA LOI
Avant 1947 et ladoption de la première Loi sur la citoyenneté, la citoyenneté canadienne nexistait pas sur le plan légal. Les citoyens de naissance ou naturalisés étaient tous sujets britanniques. En 1977, lactuelle Loi sur la citoyenneté est entrée en vigueur, ce qui a apporté dimportants changements au droit. Entre autres, la citoyenneté a été rendue beaucoup plus accessible (par exemple, la période résidence requise a été réduite de cinq à trois ans), le traitement spécial réservé aux nationaux britanniques, abandonné et les derniers éléments discriminatoires entre hommes et femmes, supprimés(1). La Loi dispose également que les Canadiens peuvent détenir la double citoyenneté, renversant ainsi la situation antérieure où lacquisition de la citoyenneté dun autre pays signifiait la perte de la citoyenneté canadienne. Il sest produit un autre changement important en 1977, dordre conceptuel : la citoyenneté est devenue un droit pour les candidats qualifiés plutôt quun privilège, comme cela avait été le cas par le passé. Au début de 1987, le gouvernement a annoncé son intention de modifier la Loi. Au mois de juin de cette année-là, le ministre de lépoque a publié un document de travail intitulé Notre fierté nationale, dans lequel on examinait diverses questions, proposait des pistes de changement et faisait appel aux idées du public. Mais aucune mesure parlementaire na été prise à ce moment-là, sauf pour quelques modifications mineures à la Loi au cours des années qui suivirent. Le gouvernement libéral élu en 1993 a annoncé son intention de moderniser la Loi, et chargé le Comité permanent de la citoyenneté et de limmigration de lui fournir des avis. Ces avis ont pris la forme du rapport intitulé La Citoyenneté canadienne, un sentiment dappartenance, déposé à la Chambre des communes en juin 1994, mais aucun projet de loi na été présenté au cours de la trente-cinquième législature(2). Est citoyen canadien toute personne qui possède la citoyenneté canadienne de naissance ou par naturalisation en vertu de la Loi sur la citoyenneté du Canada. La Loi sur la citoyenneté précise que le citoyen naturalisé jouit de tous les droits, pouvoirs et avantages du citoyen né au Canada, et quil est assujetti aux mêmes devoirs, obligations et responsabilités. La Loi ajoute que le citoyen naturalisé canadien a le même statut que le citoyen de naissance(4). Ainsi, le citoyen naturalisé obtient le droit de voter et de se faire élire aux élections fédérales et provinciales, le droit dentrer au Canada, dy demeurer et den sortir, et le droit de faire une demande de passeport canadien. Il bénéficie aussi de certains des droits à linstruction dans la langue de la minorité. Sont considérées comme citoyens de naissance les personnes nées au Canada (sauf pour le personnel des ambassades), ou à lextérieur, si à la naissance lun des parents est citoyen canadien. Il ne doit cependant pas sagir dun parent adoptif(5). Récemment, il y a eu un débat, presque une controverse, quant à savoir si le Canada devait ou non modifier la disposition de sa loi sur la citoyenneté qui accorde automatiquement la citoyenneté à toute personne née en sol canadien(6). En mai 1994, le ministère de la Citoyenneté et de lImmigration a lancé la discussion sur la question dans un document intitulé Une stratégie de la citoyenneté, produit à lintention du Comité permanent de la citoyenneté et de limmigration(7). Le document pose la question suivante :
Dans son rapport de juin 1994, La citoyenneté canadienne : un sentiment dappartenance, le Comité permanent a signalé que le droit à la citoyenneté par la naissance en sol canadien peut donner lieu à des abus. Il a, entre autres, noté quil y a des femmes qui viendraient au Canada dans le seul but dy accoucher, assurant ainsi à leurs enfants la citoyenneté canadienne(8). Le Comité a donc recommandé que lenfant né au Canada devienne citoyen canadien seulement si au moins un des deux parents est un résident permanent ou un citoyen canadien. Comme le gouvernement, le Comité a rappelé que la règle ne devrait pas sappliquer si cela devait rendre lenfant apatride; il a également recommandé quune exception soit faite pour les enfants nés dun parent reconnu comme réfugié au sens de la Convention ou dun demandeur du statut de réfugié dont la demande est acceptée(9). La presse a rapporté que la ministre de la Citoyenneté et de lImmigration, Mme Lucienne Robillard, avait indiqué quon examinait la possibilité dinclure cette question dans un projet de loi sur la citoyenneté qui serait déposé au Parlement. La ministre a ajouté un élément à ce qui avait déjà été dit au Comité :
En réponse aux propos de la ministre, le Conseil canadien pour les réfugiés lui a écrit une lettre ouverte pour lui demander de ne pas modifier la loi à cet égard. Voici quelques-uns des arguments quil a avancés :
Le lecteur trouvera, en annexe A, des détails sur le droit en matière de citoyenneté de divers pays. Contrairement aux citoyens de naissance, les citoyens naturalisés ne deviennent pas citoyens automatiquement. Ainsi, il nest pas possible dacquérir la citoyenneté simplement en épousant un citoyen canadien ou en résidant au Canada pendant un certain temps. Pour obtenir la naturalisation, il faut la demander, et dans la plupart des cas, le candidat doit répondre à toutes les conditions de la Loi sur la citoyenneté. Toutefois, pour remédier à une situation particulière et inhabituelle de détresse, ou en récompense de services exceptionnels rendus au Canada, la Loi prévoit que le gouverneur en conseil peut ordonner au ministre dattribuer la citoyenneté, même si les conditions de la Loi ne sont pas remplies(12). En application de la Loi, le ministre doit attribuer la citoyenneté à toute personne qui en fait la demande et qui :
Le candidat à la citoyenneté canadienne doit être âgé dau moins dix-huit ans(14). La Loi énumère des procédures spéciales pour la naturalisation des enfants. Par exemple, lenfant de moins de dix-huit ans qui a été admis à titre de résident permanent peut se voir attribuer la citoyenneté en même temps que ses parents(15). Pour obtenir la citoyenneté, le candidat doit avoir été légalement admis au Canada à titre de résident permanent (c.-à-d. comme immigrant reçu) et avoir résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout au cours des quatre ans qui ont précédé immédiatement la date de sa demande. Le temps de résidence avant davoir été admis comme résident permanent peut être compté dans la durée de résidence. Les trois ans de résidence se calculent comme suit : 1) Un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant ladmission comme résident permanent. 2) Un jour pour chaque jour de résidence au Canada après ladmission comme résident permanent. Ne sont pas prises en compte pour la durée de résidence les périodes où le candidat a été sous le coup dune ordonnance de probation, en libération conditionnelle ou détenu dans une prison ou une maison de correction(16). Comme il a été dit, les conditions de résidence ne sappliquent pas aux enfants qui sont naturalisés en même temps que leurs parents. Malgré lapparente simplicité de la formule utilisée pour calculer les trois ans de résidence, le terme « résidence » nest pas défini dans la Loi. Cest ainsi que les interprétations radicalement différentes de cette condition données par les juges ont beaucoup compliqué le droit. La Loi est entrée en vigueur en 1977, et dès lannée suivante, la Cour fédérale rendait une décision affirmant que la présence physique nétait pas nécessaire pour remplir la condition de résidence. Selon elle, le demandeur navait quà maintenir un lien manifeste avec le Canada pendant cette période, même sil était physiquement absent. Ce lien pouvait être établi par des éléments tels que le maintien dune résidence, un compte dans une banque canadienne, des placements, lappartenance à des associations, un permis de conduire provincial, et ainsi de suite. Cette décision a eu pour résultat, dans les cas limites, de permettre à des demandeurs qui navaient été réellement présents au Canada que pendant quelques jours ou quelques mois dobtenir la citoyenneté canadienne. Dautres juges de la Cour fédérale se sont toutefois inscrits en faux contre cette interprétation et ont refusé daccepter de longues absences du Canada. La jurisprudence contradictoire qui en est résultée a abouti à limprévisibilité de la loi, et à des incertitudes, ce qui, de lavis de certains, a sérieusement compromis la condition de résidence, voire toute la procédure dacquisition de la citoyenneté canadienne. Dans son rapport de 1994, le Comité permanent a recommandé que la définition de « résidence » comporte une présence réelle significative. Il a cité, à lappui de sa recommandation, la déclaration dun juge de la Cour fédérale :
3. Connaissance dune langue officielle Le candidat à la citoyenneté doit prouver quil a une connaissance suffisante dune des langues officielles du Canada(18). Sur la recommandation dun juge de la citoyenneté, le ministre peut exempter le candidat de cette condition pour des raisons humanitaires(19), et il le fait régulièrement dans le cas des personnes âgées. Dans son rapport de 1994, le Comité permanent a recommandé que le ministre conserve le pouvoir discrétionnaire de dispenser de la condition linguistique, mais indiqué quil ne devrait pas lexercer systématiquement. À son avis, il devrait plutôt exercer ce pouvoir au cas par cas et seulement après que le candidat a fait un effort véritable pour apprendre la langue(20). Le candidat à la citoyenneté doit prouver quil a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté canadienne(21). Le candidat est interrogé sur des points comme le régime politique, la géographie et lhistoire du Canada, à partir de documents fournis gratuitement par le gouvernement. Ici encore, le ministre peut dispenser un demandeur de cette condition pour des raisons humanitaires(22). Comme pour la connaissance de la langue, le Comité permanent a recommandé que le ministre nexerce ce pouvoir de dispense quau cas par cas et seulement après que le candidat a fait un effort véritable pour se renseigner suffisamment sur le pays(23). 5. Ordonnances dexpulsion et déclarations en matière de sécurité La demande de citoyenneté sera rejetée si le demandeur fait lobjet dune ordonnance dexpulsion ou si le gouverneur en conseil (le Cabinet) a déclaré quil existe des motifs raisonnables de croire que la personne se livrera à des activités qui : a) soit constituent des menaces envers la sécurité du Canada; b) soit font partie dun plan dactivités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration dune infraction punissable par voie de mise en accusation aux termes dune loi fédérale(24). La Loi indique les étapes qui précèdent cette décision. Si le ministre est davis que le demandeur tombe sous le coup de cet article, il peut adresser un rapport dans ce sens au Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité (CSARS)(25). Le ministre doit également informer lintéressé de lexistence du rapport et du fait quau terme dune enquête sur la question, le gouverneur en conseil pourrait faire à son sujet la déclaration dont il vient dêtre question. Administrativement, la procédure est amorcée par lenquête que fait le Service canadien du renseignement de sécurité pour toute demande de citoyenneté. Le CSARS doit faire parvenir à lintéressé un résumé des informations utiles afin de linformer le mieux possible des circonstances qui ont donné lieu à létablissement du rapport. Au terme de son enquête, il fait rapport au gouverneur en conseil et communique à lintéressé les conclusions de ce rapport(26). Une déclaration du gouverneur en conseil vaut rejet de la demande de citoyenneté, ainsi que de tout appel éventuel. La déclaration cesse davoir effet au bout de deux ans, mais une autre déclaration peut être faite si la personne fait une nouvelle demande de citoyenneté(27). On a constaté récemment une importante lacune dans ces dispositions lorsque Ernst Zundel a présenté une demande de citoyenneté. Le ministre a adressé au CSARS un rapport indiquant quà son avis M. Zundel constituait une menace pour la sécurité du Canada. Lannée précédente, le CSARS avait publié un rapport dans lequel M. Zundel était décrit comme un prolifique diffuseur décrits racistes, un négationniste de lholocauste, un membre de la droite radicale et un membre de groupes considérés comme des néo-nazis et des racistes agressifs. M. Zundel sest adressé à la Cour fédérale pour obtenir une ordonnance interdisant au CSARS denquêter sur le rapport du ministre parce quil avait des motifs raisonnables de douter de limpartialité du Comité au point que lobligation de traitement équitable à laquelle il avait droit ne serait pas respectée. Dans sa décision, la Cour lui a donné raison, indiquant quil sagissait dun cas où le recours à laction législative pourrait simposer. Ainsi, vers la fin de la trente-cinquième législature, le Parlement a modifié les lois sur limmigration et la citoyenneté afin que dans le cas où le CSARS ne peut sacquitter de ses fonctions denquête aux termes de lune ou lautre loi, le gouverneur en conseil puisse nommer à sa place un juge à la retraite dune juridiction supérieure(28). La Loi sur la citoyenneté porte expressément que malgré les autres dispositions de la Loi, nul ne peut recevoir la citoyenneté sil est sous le coup dune ordonnance de probation, sil est en libération conditionnelle, sil est incarcéré, ou sil est inculpé pour un acte criminel prévu par une loi fédérale, ou encore en procès ou directement mêlé à un appel pour un tel acte, ou pour une infraction à la Loi sur la citoyenneté(29). Suite à lajout de nouvelles interdictions en 1987, les criminels de guerre - reconnus coupables ou présumés tels - ne peuvent obtenir la citoyenneté. La Loi porte en outre que nul ne peut recevoir la citoyenneté si, au cours des trois ans précédant la date de sa demande, il a été déclaré coupable dun acte criminel prévu par une loi fédérale ou dune infraction à la Loi sur la citoyenneté(30). Dans sa demande de citoyenneté, le candidat doit indiquer si cest son cas. D. Perte de la citoyenneté et réintégration La Loi énumère les cas où il y a perte de citoyenneté. La personne qui est née à létranger après 1977 et qui possède la citoyenneté en raison de la qualité de citoyen reconnue à son père ou à sa mère, perd sa citoyenneté à lâge de 28 ans, sauf si elle demande à la conserver et se fait immatriculer comme citoyen et soit réside au Canada depuis un an à la date de sa demande, soit démontre quelle a conservé avec le Canada des liens manifestes(31). On parle dans ce cas de citoyenneté acquise indirectement. Dans son rapport de 1994, le Comité permanent a critiqué cette forme indirecte de citoyenneté et demandé que la citoyenneté soit limitée à la première génération née à létranger(32). Le Comité a conclu quaccorder la citoyenneté à des gens qui ont peu de liens avec le Canada ne contribue en rien à la valeur de la citoyenneté canadienne ni à la solidité de la communauté du pays. Dans le rapport, il est également noté que les dispositions existantes peuvent entraîner des difficultés administratives et en matière de preuve(33). Comme il a été dit, si la personne a obtenu la citoyenneté ou la résidence permanente par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels, le gouverneur en conseil peut prendre un décret pour lui retirer sa citoyenneté(34). Le décret ne peut être pris quà la suite dun rapport du ministre, et la Loi indique les étapes à suivre par ce dernier, à commencer par lavis à lintéressé. Si la personne demande le renvoi de laffaire devant la Cour fédérale, celle-ci doit décider que la personne a obtenu sa citoyenneté par fraude avant que le ministre puisse procéder à létablissement du rapport(35). Le citoyen peut aussi demander à répudier sa citoyenneté dans certaines circonstances. Il doit posséder une nationalité étrangère ou être sur le point de lobtenir si sa demande de répudiation est acceptée. Il ne doit pas être mineur, ne doit pas être visé par une déclaration de sécurité, ne doit pas résider au Canada et ne doit pas être incapable de mesurer la portée de son geste en raison dune incapacité mentale. Le ministre peut, pour des raisons humanitaires, dispenser des conditions concernant la résidence et lincapacité mentale. Si la demande est acceptée, il est délivré un certificat de répudiation au demandeur(36). La personne qui a cessé dêtre citoyen canadien peut demander dêtre réintégrée dans la citoyenneté. Le ministre lui attribuera celle-ci si la personne nest pas visée par une déclaration de sécurité ou un décret révocation de citoyenneté pour raison de fraude, nest pas visée par une ordonnance dexpulsion et a été légalement admise à titre de résident permanent depuis au moins un an depuis la date de sa demande(37). En raison de cette dernière exigence, la personne devra, à moins dêtre membre de la catégorie de famille, obtenir le nombre de points voulu au test, ce qui peut savérer difficile pour certains candidats. Comme il a été dit, il y plusieurs infractions à la Loi sur la citoyenneté, telles que faire des déclarations fausses ou frauduleuses, dissimuler des renseignements essentiels, et faire un mauvais usage des certificats de citoyenneté. Le Comité permanent a noté que beaucoup de choses ont changé depuis lentrée en vigueur de la Loi en 1977. Par exemple, les amendes qui étaient appropriées à lépoque ont perdu énormément de valeur avec linflation, et les infractions prévues par la Loi ne sont plus adaptées aux progrès technologiques qui menacent lintégrité des documents de citoyenneté. Le Comité a recommandé que les dispositions soient renforcées et harmonisées avec celles du Code criminel et de la Loi sur limmigration(38). Comme il a été dit, depuis la réforme de la Loi en 1977, la double citoyenneté est permise. Auparavant, les Canadiens qui faisaient lacquisition intentionnelle dune autre nationalité, sauf par le mariage, perdaient la citoyenneté canadienne. Jusquen 1973, la réglementation exigeait aussi des candidats à la citoyenneté canadienne quils renoncent à leur nationalité, mais lefficacité légale de cette renonciation dépendait du droit du pays dorigine. Lorsque le gouvernement a demandé au Comité permanent en 1994 de lui donner des avis sur la citoyenneté, celui-ci na pas indiqué que la question de la double nationalité méritait une attention particulière, et il ne la pas fait depuis. Au cours de ses audiences, le Comité sest toutefois trouvé daccord avec les témoins qui ont mis en doute la loyauté et lallégeance de ceux qui ont deux ou plusieurs nationalités, parce quune telle pratique dévalorise la citoyenneté canadienne. Pour cette raison et dautres, le Comité a été amené à recommander que le gouvernement examine la possibilité de rétablir lancienne disposition, de façon que le citoyen canadien adulte qui fait volontairement et officiellement lacquisition de la nationalité dun autre pays(39) perde la citoyenneté canadienne(40). Le lecteur trouvera, en annexe B, la liste des principaux pays qui reconnaissent ou ne reconnaissent pas la double nationalité. Tous les adultes qui obtiennent la citoyenneté, et les enfants dau moins 14 ans, doivent prêter le serment de citoyenneté ou laffirmation solennelle qui figure dans lannexe de la Loi :
Au cours de ses audiences en 1994, le Comité a constaté que les vues sur le serment divergeaient beaucoup. Si certains témoins ont insisté pour que le serment soit conservé tel quel, dautres ? sans sopposer nécessairement à la mention de la monarchie ? ont dit souhaiter que le Canada soit davantage mis en valeur. Pour tenter de concilier les divers points de vues, le Comité a proposé le serment suivant :
En 1994, dans la foulée du rapport du Comité, le ministère de la Citoyenneté et de lImmigration du Canada a demandé à dix écrivains canadiens bien connus de constituer une équipe et de proposer un nouveau serment(41). En voici le résultat :
Nommés par le gouverneur en conseil, les juges de la citoyenneté sont chargés, aux termes de la Loi sur la citoyenneté, dexaminer les demandes de citoyenneté (et dautres demandes) pour sassurer quelles sont conformes à la législation et den aviser le ministre en conséquence. Le ministre attribue ensuite la citoyenneté au demandeur, pouvoir qui est délégué aux fonctionnaires. Les demandes rejetées peuvent faire lobjet dun appel devant la Cour fédérale. Les juges de la citoyenneté font également prêter le serment de citoyenneté et remplissent dautres fonctions protocolaires. Peu après lélection générale de 1993, la ministre a annoncé que ces postes de « copinage » seraient éliminés et quil ny aurait plus de nominations de juges de la citoyenneté. À lépoque, il y avait une cinquantaine de juges dans lensemble du pays, qui continuaient de remplir leurs fonctions officielles jusquà ce que la loi soit modifiée. Comme il a été dit, aucun projet de loi portant révision de lensemble de la Loi sur la citoyenneté na été déposé, mais en juin 1966, les modifications nécessaires étaient incluses dans un projet de loi omnibus modifiant de nombreuses lois(43). Le projet de loi est toutefois mort au Feuilleton à la fin davril 1997 au moment de la dissolution du Parlement et du déclenchement des élections. Comme aucune nouvelle nomination na été faite, le nombre de juges de la citoyenneté na cessé de diminuer à mesure que les mandats de ces derniers prenaient fin. Au printemps 1997, ils nétaient plus que 19, et il ny avait quun juge pour toute la Colombie-Britannique. Avec laccumulation des demandes non traitées, la ministre a, en septembre 1997, nommé six juges pour une période dun an afin que les demandes continuent dêtres traitées.
NAISSANCE SUR LE TERRITOIRE NATIONAL : LE DROIT DE DIVERS PAYS (44)
La plupart des gens deviennent citoyens à la naissance, selon lun ou lautre de deux grands régimes. Le premier est le régime britannique de common law, qui attribue la citoyenneté en fonction du lieu de naissance ?jus soli ?, indépendamment de la citoyenneté des parents. Le second, fondé sur le droit romain, accorde la primauté à la citoyenneté des parents ? jus sanguinis ?, indépendamment du lieu de naissance de lenfant(45). Les deux régimes ne sont pas incompatibles; certains pays, entre autres le Canada, attribuent la citoyenneté des deux façons. Et les règles ne sont pas uniformes. Au contraire, comme chaque pays a sa propre définition de la citoyenneté, chaque formule présente des variantes. Le Canada, par exemple, accorde automatiquement la pleine citoyenneté en raison de la règle du jus soli, mais dans dautres pays, le seul fait dêtre né sur leur sol peut ne procurer que certains droits, voire même aucun. Afin déviter les répétitions inutiles, il sera présumé que la naissance sur le territoire de chacun des pays qui suivent procure la citoyenneté si lun des parents est citoyen. En somme, cest la règle du jus sanguinis qui sapplique, peu importe le lieu de naissance. FRANCE (46) Lenfant né en France acquiert ou peut acquérir la nationalité :
ALLEMAGNE (47) La citoyenneté allemande sacquiert par le jus sanguinis, et la naissance en sol allemand de parents non allemands ne confère aucun droit à la citoyenneté. En outre, la naturalisation est une procédure exceptionnelle. SUISSE (48) Comme en Allemagne, le principe du jus soli nest pas reconnu en Suisse. ROYAUME-UNI (49) En 1981, la Grande-Bretagne a supprimé lattribution automatique de la citoyenneté du seul fait de la naissance en sol britannique. Lenfant né au Royaume-Uni est citoyen britannique de naissance, ou peut sinscrire comme citoyen par la suite :
AUSTRALIE (51) LAustralie attribue automatiquement la citoyenneté à tout enfant né sur son sol si un de ses parents y réside habituellement. ÉTATS-UNIS (52) Dès le départ, les États-Unis ont suivi la règle britannique du jus soli, complétée par le jus sanguinis lorsque le père était Américain. À la suite de la Guerre de Sécession, les États-Unis ont adopté le 14e amendement à la Constitution : « Toute personne née ou naturalisée aux États-Unis, et soumise à leur autorité, est citoyen des États-Unis, et de lÉtat dans lequel elle réside ». Cet amendement a permis daffirmer la primauté de la citoyenneté fédérale et de procurer le statut de citoyen aux esclaves récemment affranchis. DANEMARK (53) La naissance au Danemark ne confère à lenfant aucun droit automatique à la citoyenneté. Lenfant né de parents étrangers qui vit au Danemark pendant dix ans, et y vit depuis lâge de 16 ans, peut demander la naturalisation à lâge de 21 ans; dautres conditions sappliquent (comme la connaissance de la langue, labsence de casier judiciaire, etc.). JAPON La naissance au Japon de parents non japonais ne confère aucun droit à la citoyenneté. SUÈDE La naissance en Suède de parents non suédois ne confère aucun droit à la citoyenneté. ESPAGNE La naissance en Espagne de parents non espagnols ne confère aucun droit à la citoyenneté, mais lenfant qui est né dans ce pays se voit accorder certains privilèges aux fins de sa naturalisation. NORVÈGE La naissance en Norvège de parents non norvégiens ne confère aucun droit à la citoyenneté. ITALIE La naissance en Italie de parents non italiens ne confère pas un droit automatique à la citoyenneté. Lenfant né en Italie, et qui y vit légalement et de façon continue depuis, peut à lâge de 17 ans faire une déclaration et devenir citoyen à lâge de 18 ans. MEXIQUE La naissance au Mexique confère la citoyenneté mexicaine.
LA DOUBLE CITOYENNETÉ
La liste ci-dessous indique deux catégories de pays : les pays qui reconnaissent la double citoyenneté et ceux qui ne la reconnaissent pas, cest-à-dire qui retirent la citoyenneté à ceux de leurs nationaux qui acquièrent volontairement la citoyenneté dun autre pays. Le mot « volontairement » est important, car les exceptions sont assez fréquentes dans le cas de lacquisition dune autre citoyenneté par accident, comme la naissance au Canada par exemple, ou la naissance de parents qui, daprès les lois de leur pays, transmettent chacun leur propre citoyenneté. (Dans ce dernier cas, il arrive souvent que lenfant doive choisir sa citoyenneté lorsquil atteint lâge de la majorité.) Il convient de noter que certains pays qui ne reconnaissent pas habituellement la double citoyenneté, le feront sil existe une entente de réciprocité avec un autre État.
(1) Il restait un élément discriminatoire que la Cour suprême du Canada a supprimé récemment. Daprès la Loi, lenfant né à létranger avant 1977 dune mère qui était citoyenne canadienne (auparavant, cet enfant naurait pu prétendre à la citoyenneté) doit faire une demande de citoyenneté, ce qui implique un contrôle judiciaire et sécuritaire. Dans le cas de lenfant né à létranger avant 1977 dun père canadien, par contre, lenregistrement de la naissance suffit. Au début de 1997, la Cour suprême a jugé que cette disposition était discriminatoire et contraire à larticle 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Voir Benner c. Canada [1997] 1 R.C.S. 358. (2) Chambre des communes, Comité permanent de la citoyenneté et de limmigration, La Citoyenneté canadienne : un sentiment dappartenance, juin 1994 (appelé ci-après le Rapport du Comité permanent). (3) L.C. 1985, chap. C-29. (4) Ibid., art. 6. (5) Ibid., art. 3. En 1993, statuant sur la plainte des parents de deux enfants adoptifs qui souhaitaient continuer de vivre à létranger, la Commission canadienne des droits de la personne a jugé que cette pratique était discriminatoire. Le gouvernement en a appelé de la décision devant la Cour fédérale qui, en 1994, a maintenu la disposition (Canada (Procureur général) c. McKenna [1994] 1 C.F. 694). La disposition est encore contestée par les parents vivant à létranger qui adoptent des enfants et qui souhaitent leur donner le même statut que sils étaient de leur sang. (6) Font seuls exception les enfants nés de personnes ayant limmunité diplomatique au Canada, si aucun des parents nest citoyen canadien ou résident permanent. Il sagit là dune pratique internationale. (7) Dans un document de travail antérieur, Notre fierté nationale, on nabordait même pas la question. (8) Ces enfants ne peuvent parrainer la candidature de leurs parents à la résidence permanente au Canada avant 19 ans, mais ils le peuvent à ce moment-là; en attendant, ou lorsquils sont en âge de fréquenter luniversité, ils ont accès au système scolaire canadien comme tous les autres Canadiens, cest-à-dire que les frais de scolarité pour les étrangers ne sappliquent pas. (9) Rapport du Comité permanent, p. 17. (10) Toronto Star, 23 mai 1996, p. A3 (traduction). (11) En 1994, un porte-parole du Ministère aurait déclaré quil y avait eu environ 400 naissances au Canada au cours de lannée précédente (Toronto Sun, 9 janvier 1994, p. 20). (12) Loi sur la citoyenneté, par. 5(4). (13) Ibid., par. 5(1) et art. 19 et 20. (14) Ibid., al. 5(1)b). (15) Ibid., al. 5(2)a). (16) Ibid., art. 21. (17) Rapport du Comité permanent, p. 11. (18) Loi sur la citoyenneté, al. 5(1)d). (19) Ibid., al. 5(3)a). (20) Rapport du Comité permanent, p. 23-24. (21) Loi sur la citoyenneté, al. 5(1)e). La Cour fédérale a jugé que les candidats pouvaient passer cet examen dans leur propre langue, avec laide dun interprète. (22) Ibid., al. 5(3)a). (23) Rapport du Comité permanent, p. 23-24. (24) Loi sur la citoyenneté, par. 19(2). (25) Ibid. (26) Ibid., par. 19(4), (5) et (6). (27) Ibid., art. 20. (28) Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et la Loi sur limmigration, L.C. 1997, chap. 22, sanctionnée le 15 avril et entrée en vigueur le 20 mai 1997. (29) Loi sur la citoyenneté, par. 22(1). Plusieurs infractions sont prévues par la Loi : faire une fausse déclaration, commettre une fraude, dissimuler intentionnellement des faits essentiels aux fins de la Loi, utiliser le certificat dun autre, permettre à quelquun dautre dutiliser son certificat, et faire le trafic de certificats (art. 29). (30) Ibid., par. 22(2) (31) Ibid., art. 8. Ces critères sont définis dans le règlement. (32) Il serait fait exception si lapplication de cette règle devait rendre la personne apatride. (33) Rapport du Comité permanent, p. 21. (34) Loi sur la citoyenneté, art. 10. (35) Ibid., art. 18. (36) Ibid., art. 9. (37) Ibid., par. 11(1). (38) Rapport du Comité permanent, p. 31. (39) Autrement que par le mariage ou ladoption. (40) Rapport du Comité permanent, p. 15-16. (41) Selon le sondage dAngus Reid pour le compte du ministère de la Citoyenneté mené en janvier 1996, 51 p. 100 des répondants estimaient quun nouveau serment dallégeance ne devrait comporter aucune mention de la monarchie et 38 p. 100, que lallégeance devrait concerner et le Canada et la monarchie. Seulement 5 p. 100 préféraient un serment dallégeance à la seule monarchie (« Drop Oath to Queen, 51 p. 100 Tell Poll », Toronto Star, 16 août 1996, p. A2). (42) « Minister About to Grab Spotlight », Toronto Star, 25 mai 1996, p. B4 (traduction). (43) Projet de loi C-49, première lecture le 14 juin 1996. (44) Les renseignements sur les six premiers pays proviennent dun document rédigé par William Kaplan pour Citoyenneté et Multiculturalisme Canada, intitulé Canadian Legislation: A Comparative Study of France, Germany, Switzerland, the United Kingdom, the United States and Australia (juillet 1991; ci-après appelé Kaplan). Les renseignements sur les autres pays ont été obtenus du personnel des ambassades à Ottawa. (45) La citoyenneté est (normalement) transmise à la naissance par le jus soli (droit du sol) et le jus sanguinis (droit du sang). La citoyenneté sobtient également par le mariage, ladoption et la naturalisation. (46) Kaplan, p. 18-19. (47) Ibid., p. 24. (48) Ibid., p. 34. (49) Ibid., p. 55-56 et 91-92. (50) « Être établi » est léquivalent de la résidence permanente. (51) Kaplan, p. 61. (52) Ibid., p. 71. (53) Les renseignements sur le Danemark et les pays qui suivent ont été obtenus auprès du personnel des ambassades à Ottawa. (54) Les nationaux allemands peuvent détenir deux nationalités avec lautorisation expresse de lÉtat. (55) Sous réserve dune entente avec le pays concerné. (56) LEspagne permet la double nationalité dans le cas dun pays dAmérique latine, de la principauté dAndorre, des Philippines, de la Guinée équatoriale et du Portugal. La législation espagnole nest plus aussi claire depuis quun tribunal a statué que la citoyenneté espagnole ne se perd pas à lacquisition de la citoyenneté dun pays non spécifié sil ny a pas eu officiellement répudiation. |