BP-446F

 

LE DÉVELOPPEMENT DURABLE :
UN FORUM PARLEMENTAIRE

 

Rédaction :
Jean-Luc Bourdages
Division des sciences et de la technologie
Juillet 1997


 

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

LA PORTÉE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

LES RESPONSABILITÉS ET LA RESPONSABILISATION DE TOUS ET CHACUN

LES ENJEUX GLOBAUX ET LES ENJEUX LOCAUX

LES ACTIONS CONCRÈTES RÉALISÉES À DIVERS NIVEAUX

LES PRINCIPAUX MOYENS PERMETTANT D’EN ARRIVER AU
DÉVELOPPEMENT DURABLE

   A. L’information

   B. L’éducation

   C. L’engagement de tous

   D. La participation à la prise de décisions

   E. Le rôle du gouvernement

   F. L’intégration économie-environnement-santé

   G. Questions sectorielles
      1. L’énergie
      2. L’eau
      3. Les rebuts
      4. Les immeubles
      5. Le transport

CONCLUSION


 

LE DÉVELOPPEMENT DURABLE :
UN FORUM PARLEMENTAIRE

 

INTRODUCTION

Les 13 et 14 mai 1996, le Sous-comité sur la sensibilisation à l’environnement pour un développement durable du Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes a tenu un forum dans le but d’informer et de sensibiliser les parlementaires à la mise en oeuvre du développement durable dans leur communauté. Le forum, placé sous le thème « Emplois, environnement et développement durable », a été l'occasion pour les parlementaires d'échanger avec des experts, des gens d'affaires, des membres des milieux communautaires, des jeunes, des autochtones et des environnementalistes sur maintes questions se rapportant au développement durable(1).

Lors du forum, les échanges ont eu lieu sous le format de tables rondes thématiques. Une première session(2) a porté sur des considérations générales relativement au développement durable. Des participants venant d'horizons variés ont ensuite présenté des exemples pratiques de développement durable dans le cadre de trois autres sessions, la première sur la gestion des rebuts(3), la seconde sur la prévention de la pollution(4) et la troisième sur l'énergie(5). Les intervenants ont alors exposé différentes facettes de ces projets, notamment les raisons et mesures incitatives ayant conduit à leur mise en oeuvre, leurs bénéfices pour l’environnement, les coûts associés à leur réalisation et leurs retombées économiques directes et indirectes, par exemple pour ce qui est de la création d’emplois.

Dans le présent document, nous traitons brièvement des principales questions qui ont été abordées à cette occasion en les regroupant sous cinq thèmes : la portée du développement durable; les responsabilités et la responsabilisation de tous et chacun; les enjeux globaux et les enjeux locaux; les actions concrètes réalisées à divers niveaux et les principaux moyens permettant d’en arriver au développement durable.

LA PORTÉE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

La première séance du forum a permis aux parlementaires et aux autres participants de traiter des aspects généraux du développement durable et, plus particulièrement, de préciser la teneur et la portée de ce concept. Le thème de l'équité est probablement celui qui revient le plus souvent lorsqu'il s'agit de définir ce qu'est ou ce que devrait être le développement durable. Par équité, on entend principalement le partage égal aussi bien entre les différentes générations qu'à l'intérieur d'une même génération. Le développement durable suppose donc que chacun, qu’il soit de la présente génération ou d’une génération à venir, puisse avoir un accès égal aux ressources disponibles. Aux yeux des autochtones, le développement durable est plutôt une question d'équilibre entre les besoins de la génération présente et de celles qui suivront. Il est donc primordial que ceux qui disposent des ressources se soucient de ceux qui sont leurs voisins sur cette planète et leur accordent une part plus grande de ces ressources afin d’assurer la survie de l’humanité. Ainsi, plusieurs s’attendent, par exemple, à ce que les sociétés industrialisées modèrent leurs attentes, gaspillent moins et consomment moins d'énergie et de ressources en général.

Au cours des quelque 15 dernières années, un changement important dans le comportement des entreprises a commencé à se manifester, principalement dans les pays industrialisés. Ce changement a été stimulé par le rapport Brundtland et le mouvement qui a conduit au Sommet de la Terre de 1992. Mais ce mouvement s'est surtout manifesté sur les plans de la gestion et de protection de l'environnement, faisant émerger une grande diversité d'approches. Par exemple, l'industrie canadienne des pâtes et papiers a fait d'énormes progrès technologiques depuis une vingtaine d'années, notamment en matière de recyclage et de traitement des effluents.

Toutefois, les participants au forum ont souligné que le développement durable ne doit pas se limiter à la gestion pure et simple de l'environnement, mais qu’il doit aussi mettre en cause la justice et le respect des gens. De plus, selon eux, ce concept a des répercussions sur les plans économique, social et environnemental. Plusieurs exemples de ces répercussions ont été mentionnés au cours du forum :

  • les coûts d'amélioration des systèmes d'adduction d'eau et d'égout;

  • au chapitre de la santé, l'augmentation des maladies pulmonaires dans les grandes villes, qui nécessite des sommes croissantes pour leur traitement;

  • au plan de l'emploi, la perte d’emplois de type traditionnel, mais, en parallèle, la création de nouveaux emplois, comme c'est le cas dans le secteur de l'écotechnologie;

  • la diminution de l'aide au développement international, ce qui tend à compromettre le principe de l'équité, considéré comme l'un des trois piliers du développement durable;

  • en matière d'environnement proprement dit, les divers problèmes qui sont liés à la pollution de l'eau et de l'air, à la production et à l'élimination des déchets, ainsi qu'aux changements climatiques;

 

Mentionnons enfin que l'éducation environnementale a été considérée par plusieurs participants au forum comme l’un des principaux éléments de solution à ces nombreux problèmes.

LES RESPONSABILITÉS ET LA RESPONSABILISATION DE TOUS ET CHACUN

Au cours du forum, il a été signalé que le développement durable suppose aussi plusieurs niveaux de responsabilité. La pérennité de l'environnement passe d’abord par les gens eux-mêmes, c'est-à-dire par un changement de comportement qui suscitera l'engagement et la participation active de tous et chacun. À ce titre, les autochtones estiment que le développement durable comporte des sphères de responsabilité à un niveau individuel. Même dans l'entreprise, la prévention de la pollution et la gestion environnementale incombent à chaque employé.

Les participants ont souligné, qu’au niveau de la collectivité, il est particulièrement rassurant aujourd’hui de voir les résultats probants de l'action communautaire, car c'est à ce niveau que les mentalités sont le plus susceptibles de changer et le travail de s'accomplir. Ils ont par contre fait remarquer que, pour ce qui est de l'industrie, il ressort que les entreprises qui se préoccupent le plus de la conservation des ressources, de l'efficacité et de la productivité ont tendance à produire de façon plus efficiente et sont plus concurrentielles tant sur la scène canadienne que sur la scène internationale.

Au niveau gouvernemental, les participants ont estimé que les gouvernements, et particulièrement le gouvernement fédéral, peuvent avoir une énorme influence en ce qui a trait à la responsabilisation en donnant l'exemple et en assumant un fort leadership, même s'ils ne peuvent toujours agir de façon aussi concrète que les collectivités. Un spécialiste des questions énergétiques a même donné l'exemple de mesures incitatives et de mesures plus coercitives que pourrait notamment mettre en place le Parlement pour favoriser l'utilisation accrue des services de transport collectif par les nombreux employés. D'ailleurs, la problématique de la gratuité du stationnement sur la Colline parlementaire a souvent été soulevée par le passé.

LES ENJEUX GLOBAUX ET LES ENJEUX LOCAUX

Les participants au forum ont indiqué que la situation de l'environnement au niveau international n'est pas encourageante en ce qui concerne la pollution de l'air, du sol et de l'eau, notamment selon les indices élaborés par l'OCDE. Quant à la redistribution de la richesse, ils ont souligné que l'aide au développement international est en baisse, ce qui tend, selon eux, à compromettre le principe de l'équité. Enfin, à leur avis l'écart entre les déclarations et les mesures concrètes s'élargit de plus en plus. En effet, l'essor économique effréné qui caractérise présentement l'Asie et particulièrement la Chine, s'il ne tient pas compte de l'environnement, risque grandement de compromettre les efforts globaux de mise en oeuvre du développement durable à l'échelle de la planète. Par ailleurs, dans le délicat dossier des changements climatiques, qui a fait l'objet d'un accord international, de très rares pays s'appliquent vraiment à respecter leur engagement.

En regard des activités industrielles, plusieurs problèmes environnementaux ont été soulevés, qu'il s'agisse de la pérennité des forêts boréales et côtières naturelles, de l'avenir des forêts de plantation, du maintien et de la disponibilité à long terme de l'eau douce, des émissions responsables des changements climatiques et de l'amenuisement de la couche d'ozone, ou de l'épuisement des ressources en général, notamment des ressources halieutiques et agricoles.

Les participants au forum ont indiqué que la situation de l'environnement au niveau national est aussi préoccupante. À titre d'exemple, ils ont souligné que le niveau de consommation d'eau des Canadiens est deux fois plus élevé que celui des Européens et qu’au cours des dix prochaines années, on s'attend à ce que plusieurs dizaines de milliards de dollars soient dépensés dans l'ensemble du pays pour l'amélioration des systèmes d'adduction d'eau et d'égout. Pourtant, un effort de réduction de 50 p. 100 de la consommation d'eau, qui ramènerait le Canada au niveau européen, permettrait non seulement d'économiser cette somme colossale mais aussi de beaucoup réduire le traitement des effluents.

Les participants ont aussi souligné que les Canadiens sont parmi les plus gros, voire les plus gros, producteurs de déchets per capita au monde et que l’une des principales raisons pour laquelle ils produisent une si grande quantité de déchets est qu’il y a bien peu d'incitation à faire un effort pour réduire leur production de déchets solides. Quant à la gestion des déchets, quatre problèmes ont été soulevés par une intervenante. Premièrement, la concentration dans certaines régions de l’élimination des déchets; deuxièmement, l’absence de technologie pour éliminer les déchets qui soit sans impact sur l’environnement et sur le milieu de vie des gens; troisièmement, le fait que les citoyens ne participent pas nécessairement à la prise de décisions qui auront une influence sur leur comportement quotidien; quatrièmement, le gaspillage des ressources lié au fait de décharger les déchets dans les sites d’enfouissement plutôt que de les récupérer ou encore de chercher à les réduire à la source. Pourtant, réduction à la source et récupération doivent être des éléments inhérents à la prévention de la pollution, aspect fondamental d'une saine gestion environnementale.

De l’avis des participants, les questions liées au transport posent de sérieux défis au plan environnemental. Certains croient même que nous sommes pris au piège par le fait que nos villes et villages ont été bâtis et aménagés essentiellement en fonction de l'automobile et du transport des marchandises par camion, si bien qu'il est parfois devenu impossible d'envisager d'autres possibilités. Dans le cadre d'une enquête réalisée pour Environnement Canada dans huit établissements fédéraux situés à Ottawa et à Toronto, il a été constaté qu'environ 43 p. 100 de la concentration de CO2 résultait des émissions dues au déplacement entre le domicile et le lieu de travail et que les trois-quarts de ce pourcentage étaient attribuables à ceux qui voyageaient seuls en automobile.

Il a été signalé qu’au niveau énergétique, les Canadiens surconsomment dans une proportion de l’ordre de 30 p. 100. Une des raisons de cette surconsommation d’énergie demeure certes le fait que le coût des diverses formes d’énergie est relativement peu élevé au Canada et en Amérique du Nord en général. Un autre élément concerne les prix demandés aux clients qui ne reflètent pas les véritables coûts de production. Par exemple au Québec, les analyses ont montré que les clients résidentiels paient environ 70 p. 100 du coût de production de l'électricité, les clients industriels 75 p. 100 et les clients du secteur commercial 93 p. 100. Pour nombre de petites entreprises industrielles ou commerciales, les coûts énergétiques représentent autour de 5 p. 100 des charges globales d’exploitation. Parce que ces coûts ne ressortent pas vraiment de l’ensemble des frais généraux, il devient plus difficile d’accorder toute l’importance qui devrait revenir à cette question. Cette situation est d’autant plus déplorable que l’ensemble des petites entreprises génère une grande partie de l’activité économique au Canada et consomme, globalement, une part importante de l’énergie. Certaines enquêtes ont par ailleurs révélé que, dans les petites et moyennes entreprises, l’intérêt pour les questions environnementales et énergétiques est assez élevé, mais qu’il y a beaucoup d’autres priorités dans la course aux ressources internes disponibles.

Bien que la plupart des gens souscrivent aux objectifs du développement durable, sa réalisation demeure difficile dans le contexte socio-économique actuel. Dans de telles circonstances, on a souvent tendance à ne pas prendre des décisions en fonction des connaissances scientifiques ou des problèmes environnementaux importants, tels les changements climatiques, mais plutôt en regard des préoccupations socio-économiques. Or, la mise en œuvre du développement durable sera d’autant plus ardue que des changements inéluctables et des transformations de la société plus importantes que celles auxquelles les gens s’attendent habituellement sont inévitables si l’on en croit un intervenant du forum.

Des inquiétudes quant à l’emploi ont aussi été soulevées lors de ce forum. Certains estiment que le développement durable peut résulter en pertes d’emplois dans un secteur, mais en des gains dans d’autres. La situation peut s’avérer particulièrement délicate, notamment, pour un député qui est déjà aux prises avec des problèmes d’emploi au niveau local. Toutefois, la suppression d’emplois est un aspect incontournable, puisque des emplois sont aussi créés ou éliminés par suite de l’implantation d’une nouvelle technologie ou de l’évolution de la demande. Pour certains économistes présents au forum, si nous accordons à l’environnement l’importance qu’il mérite, il devrait se créer davantage d’emplois à mesure que l’économie s’oriente vers une plus grande efficience. Ainsi, en se détournant des secteurs des ressources non renouvelables exigeant beaucoup de capitaux pour tendre vers les secteurs des énergies renouvelables ou du recyclage, on peut créer de nouveaux emplois. Cela peut s’expliquer en partie à cause du fort coefficient de main-d’oeuvre de certains types de procédés associés, par exemple, au recyclage ou aux gains d’efficacité qui résultent d’un meilleur établissement des prix. Des intervenants estiment que les pertes d’emplois associées à l’environnement sont minimes comparativement à celles d’autres secteurs, comme dans le cadre du libre-échange, de la déréglementation, des faillites, de l’effondrement du marché immobilier, etc. Il ne leur paraît pas évident non plus que des normes environnementales plus élevées que celles de nos concurrents nuisent nécessairement à la compétitivité du Canada, comme le soutiennent certains.

Les participants ont souligné que les actions des gouvernements sont aussi d’une importance fondamentale pour la mise en oeuvre du développement durable, puisque c’est souvent à ce niveau décisionnel que doit se faire la coordination et s’exprimer une réelle volonté d’agir. À cet égard, le Sommet de la Terre de Rio en 1992 a permis d’approfondir la réflexion, d’établir un dialogue et de proposer des solutions concrètes afin de mettre en place un large partenariat en vue d’un projet de société d’envergure planétaire. Alors que les gouvernements semblent toujours s’inquiéter de l’avenir des générations futures en matière de gestion environnementale, certains observateurs estiment que, deux ans à peine après le Sommet de Rio, l’engagement politique s’était évanoui, particulièrement au Canada. La situation observée présentement au Canada fait dire à certains que ce dernier n’est plus le leader international qu’il a été avant et pendant le Sommet de la Terre, accumulant un net retard par rapport à des pays comme le Japon, l’Allemagne et la France. Un rapide changement de cap s’impose à leurs yeux!

LES ACTIONS CONCRÈTES RÉALISÉES À DIVERS NIVEAUX

Lors du forum, plusieurs exemples d’initiatives fort concrètes de développement durable ont été présentés aux participants. Ces initiatives se situent tant au niveau d’organismes de type communautaire que de petites et grandes entreprises et du milieu gouvernemental.

Parmi les réalisations concrètes mises en évidence dans les sessions thématiques du forum, la réorientation majeure dans les approches d’une firme d’aménagement paysager est très indicatrice du potentiel lié aux avenues environnementales. La firme Edmonds, de Halifax, a décidé en 1989, malgré un chiffre d’affaires de quelque cinq millions de dollars dans le domaine de l’entretien paysager à l’aide de moyens traditionnels, de changer complètement d’approche en adoptant des méthodes organiques, c’est-à-dire sans pesticides et engrais de synthèse. La nouvelle approche adoptée depuis 1989 s’est traduite par une réduction de 80 p. 100 dans l’utilisation des produits chimiques et par l’engagement de 150 personnes additionnelles. À l’échelle de l’Amérique du Nord, l’industrie de l’aménagement paysager a un chiffre d’affaires de 4,5 milliards de dollars mais n’utilise qu’environ 5 p. 100 de produits organiques. Toutefois, l’inquiétude grandissante du public face aux conséquences des produits de synthèse sur la santé fait maintenant en sorte que l’horticulture et l’aménagement paysager organique sont en forte croissance.

Dans le domaine de la gestion et du recyclage des rebuts, plusieurs initiatives d’intérêt ont été présentées aux parlementaires. Au niveau de la Cité parlementaire, le programme environnemental « La Colline verte » constitue un exemple impressionnant d’efforts individuels dans le cadre d’un projet collectif. Mis en oeuvre à la fin des années 80, ce programme permet aujourd’hui de détourner une majeure partie des rebuts autrefois destinés à l’enfouissement. On a d’ailleurs estimé que les matières recyclables représentent environ 90 p. 100 du flux de déchets de la Colline parlementaire, dont 50 p. 100 de papier et 25 p. 100 de matières organiques compostables. Plastique, verre, métal, textile, bois et matériaux composites constituent les 25 p. 100 restant. Grâce à un partenariat avec les services de restauration, la quantité de matière compostée est passée de 720  à 3 813 kg entre mars 1995 et mars 1996. Depuis le début du programme, près de 4 250 tonnes de papier ont été récupérées, ce qui a entraìné des revenus d’environ 140 000 dollars. Une nouvelle composante du programme, appliquée à l’Édifice Wellington, vise l’absence totale de déchets, comme le fait Bell Canada dans certaines de ses tours à bureaux. Après seulement trois mois, les résultats de ce nouveau volet sont spectaculaires au dire des responsables. De toute évidence se sont les parlementaires et les employés qui, avec les outils, la formation et l’information appropriés, sont le véritable moteur de cette réussite.

Les participants au forum ont appris qu’une autre initiative exemplaire dans ce même secteur est le résultat d’un partenariat étroit entre un groupe communautaire et une municipalité. Elle est l’oeuvre de la Corporation d’amélioration et de protection de l'environnement (CAPE) de Baie Comeau, au Québec, organisme du milieu qui oeuvre principalement dans le domaine de la gestion des matières résiduelles, de l’éducation environnementale et de la protection du fleuve Saint-Laurent. En matière de gestion des déchets, cette Corporation met l’accent non seulement sur la collecte sélective et la récupération mais tout autant sur la réduction et la réutilisation. En somme, elle compte beaucoup sur le fait que les sites d’enfouissement sont remplis de produits qui peuvent être réparés et réutilisés. Elle a donc mis sur pied la Ressourcerie pour réduire, réparer, récupérer et recycler un maximum de matière grâce à la participation des forces vives du milieu, c’est-à-dire la population elle-même, les institutions, les associations et les entreprises. Ce projet a permis de créer sept emplois permanents et 40 autres emplois subventionnés à des fins d’insertion sociale. Les réalisations vont de la récupération et la réutilisation de contenants de lave-vitre, et de la collecte d’annuaires téléphoniques et d’arbres de Noël, au nettoyage des berges du fleuve sur lesquelles 540 tonnes de matériel ont été recueillies et dont 90 p. 100 ont pu être récupérées. Le projet a donc permis des actions qui dépassant le simple recyclage pour englober l’ensemble des 3-R.

Les participants ont été informés qu’au niveau scolaire aussi, il se passe aussi de fort belles choses grâce au dynamisme des élèves et des éducateurs. Par exemple, à l’école Sir Winston Churchill, dans la région d’Ottawa, on a formé une « équipe verte » qui s’est intéressée à quatre aspects de l'environnement. Un premier groupe a proposé des repas sans déchets pour réduire la production de ces derniers. Un second groupe a fait la promotion du recyclage par l’implantation d’un programme de boîtes bleues dans chaque classe. Un groupe de renaturalisation s’est préoccupé de la vie animale et végétale autour de l’école, notamment par l’installation de mangeoires d’oiseaux. Un dernier groupe s’est occupé de compostage.

Dans le secteur de l’industrie, plusieurs exemples de développement durable font davantage appel au savoir-faire technologique. Une première initiative plutôt inusitée a trait au recyclage de couches jetables par un procédé mis au point par la compagnie Know Waste Technologies. Cette dernière récupère des couches auprès de 170 institutions entre London et Ottawa. Après séparation et traitement des différentes composantes, le procédé permet d’obtenir comme produit résiduel une pâte à papier de haute qualité qui est ensuite vendue sur le marché aux producteurs de papier.

Dans un même ordre d’idées, la compagnie Canadian Plastic Lumber achète quelque 1 500 tonnes de plastique usagé à partir duquel elle fabrique du bois synthétique. Il s’agit d’un produit haut de gamme et de très longue durée pouvant avantageusement remplacer le bois dans la construction de diverses structures.

Dans un secteur plus traditionnel comme la grande industrie des pâtes et papiers, la compagnie Avenor travaille à la mise au point d’un procédé dans une de ses usines de papier journal avec comme objectif ultime le concept des « rejets zéro » en matière d’effluents. Il s’agit à vrai dire d’un système en circuit fermé basé sur la réutilisation des eaux d’effluents après leur traitement. Cette technologie devrait permettre de grandement réduire la pollution à la source en favorisant la réutilisation de l’eau, des fibres, des produits chimiques et de l’énergie. L’idée de réutiliser les effluents est d’abord venue de certains employés qui avaient constaté la grande efficacité du nouveau système de traitement secondaire des effluents. Le défi ultime pour l’industrie est d’accélérer l’implantation de systèmes en circuit fermé.

D’autres exemples de développement durable sont issus du secteur de l’énergie. L’Association des industries solaires du Canada participe depuis une dizaine d’années à des programmes d’installation de chauffe-eau solaires à London, en Ontario, et à Amherst, en Nouvelle-Écosse, en milieu résidentiel et institutionnel. Le gouvernement fédéral a financé 50 p. 100 des coûts des programmes. Quoi qu’en pensent les gens, le rayonnement solaire au Canada est tout à fait suffisant pour ce genre de technologie. D’ailleurs, des milliers de chauffe-eau solaires sont installés en Hollande, au Danemark, en Suède et en Allemagne. Dans ce dernier pays, on incite les particuliers à utiliser l’énergie renouvelable en accordant des crédits d’impôt. Certains déplorent qu’au Canada l’énergie solaire ne reçoive pas le même traitement fiscal avantageux que d’autres types d’énergie renouvelable, malgré les modifications récentes que le ministre Martin a apportées dans ce domaine dans son budget de 1996. Les mesures incitatives de nature fiscale semblent être les plus appropriées pour favoriser l’expansion des énergies renouvelables et peu polluantes.

Dans le domaine minier, l’INCO de Sudbury a mis en place, voilà déjà 25 ans, un programme de réduction de l’utilisation d’énergie. Ce programme a permis notamment de diminuer la production de CO2 par livre de nickel et de cuivre produite et de réduire de façon comparable les émissions de SO2. Le remplacement du diesel par le méthanol est aussi une voie explorée pour réduire la consommation d’énergie conventionnelle. À titre expérimental, l’INCO a transformé certaines galeries en véritables serres souterraines où la chaleur ambiante assure une production efficace de plants de pins. Pour l’industrie à très forte consommation d’énergie de toutes formes, il y a un avantage évident à utiliser de nouvelles technologies et des sources d’énergie de rechange.

Plusieurs initiatives et projets sont aussi mis en oeuvre au niveau gouvernemental. Environnement Canada a notamment contribué à établir des normes nationales en matière d’emballage et de compostage, parce que le Canada s’est engagé à réduire de 50 p. 100, d’ici l’an 2000, le volume des déchets solides acheminé vers les décharges du pays. À son bureau central, le ministère a pu réduire de 75 p. 100 sa production de déchets suite à l’implantation en 1994 d’un programme de suppression des déchets. L’utilisation de vermi-composteurs s’y ajoute même à la panoplie des méthodes de récupération et de recyclage. Bien d’autres ministères et bureaux gouvernementaux exploitent des programmes semblables de réduction des rebuts.

Dans un tout autre ordre d’idées, Environnement Canada gère le Programme d’action des zones côtières de l’Atlantique, principalement axé sur la participation des communautés locales. Lors de tables rondes visant à identifier les problèmes et les moyens d’action appropriés, il est ressorti que les communautés locales souhaitaient en tout premier lieu assurer la durabilité des métiers traditionnels, puis de rendre durables les industries déjà implantées et enfin de trouver les moyens d’implanter de nouveaux métiers durables. Dans ce contexte, treize initiatives distinctes sont présentement en cours dans le Canada atlantique, auxquelles participent divers groupes d’intérêt tels que les universités et les Premières nations.

Le ministère de la Défense nationale doit voir à la gestion adéquate de vastes terres appartenant au gouvernement fédéral. À ce titre, il a mis sur pied à la base militaire de Goose Bay, au Labrador, un important programme de réduction de la pollution où tous les employés doivent assumer une part de responsabilité, bien qu’une équipe environnementale soit appelée à résoudre certains problèmes. L’élaboration d’un plan de gestion environnementale, qui devrait se conformer à la norme ISO 14000, vise à limiter la plus possible l’incidence négative des activités militaires sur l'environnement. Ce plan comporte trois volets : a) la formation des employés; b) l’utilisation de l’évaluation environnementale; et c) le recours à des procédures de vérification. Inévitablement la gestion environnementale comporte aussi des mesures correctrices. Ainsi, suite à un déversement de carburant au cours des années 60, le ministère de la Défense a dû envisager des mesures de récupération lorsqu’il s’est porté acquéreur des installations. Sans recourir à une technologie de pointe, mais en comptant plutôt sur de simples moyens, il lui a été possible de récupérer 910 000 litres de carburant, soit environ 2 000 litres par jour. Le carburant récupéré pourrait même être réutilisé dans des chaudières.

Le ministère des Ressources naturelles (RNCan) est quant à lui fort actif dans le secteur des économies d’énergie aux niveaux industriel, commercial et résidentiel. À ce titre, le programme C-2000, un projet pilote à petite échelle s’appliquant aux immeubles commerciaux, vise à ce que, dès la conception d’un nouveau bâtiment, les divers intervenants collaborent en vue d’atteindre un très haut niveau de performance au plan énergétique. Conception intégrée, approche multidisciplinaire et partenariat favorisent l’innovation au plan des procédés et de la technologie dans le cadre d’une approche globale. Ultimement, RNCan souhaite que les concepteurs et promoteurs puissent disposer des critères et outils qui leur permettront d’atteindre eux-mêmes les meilleurs résultats sur le plan de l’efficacité énergétique.

Dans le cadre d’un programme national de création d’emplois pour les jeunes diplômés universitaires, l’Association des manufacturiers canadiens, aidé en cela par les consultants d’Energy Pathways, favorise le développement de nouveaux secteurs au sein de l’entreprise canadienne. Par exemple, environ 1 000 personnes par an sont placées dans le domaine de la gestion de l’énergie, et le volet « gestion de la qualité », qui inclut la qualité environnementale, a connu une croissance de 30 p. 100 en deux ans. Les contrats de performance, en vertu desquels un tiers avance le capital nécessaire pour réaliser des améliorations au plan énergétique et se rembourse à même les économies qui en résultent, constitue une approche en croissance et pleine de potentiel.

LES PRINCIPAUX MOYENS PERMETTANT D’EN ARRIVER AU
DÉVELOPPEMENT DURABLE

Lors du forum sur les emplois, l'environnement et le développement durable, un intervenant a souligné les profonds changements qui attendent le monde des affaires au cours des quarante prochaines années. Selon les prévisions, ce monde sera davantage fondé sur le savoir et axé sur les chefs et la réalité virtuelle. Les frontières actuelles, qui sont si importantes pour les institutions en place, commenceront à s'effondrer. Les gens seront alternativement au travail et en chômage. Les propriétaires du capital passeront d'une compagnie à l'autre. Les entreprises évolueront beaucoup plus rapidement, déclineront, changeront et se transformeront. Il est donc fondamental, dans ce monde en profonde évolution, de s'assurer que certaines choses, comme les principes, l'éthique, les valeurs, la justice, le respect, la générosité et le partage, resteront immuables. Comme la notion de développement durable oblige à tenir compte de l'avenir, certains intervenants ont estimé que, pour maintenir l'équilibre, le gouvernement doit s'engager à atteindre des objectifs visant la justice sociale et l'équité dans la distribution des ressources.

Pour faire face aux changements qui s'annoncent, les gens doivent aussi sentir qu'ils font partie d'un mouvement collectif. Certains croient que, pour initier ce mouvement, le monde politique doit donner l’orientation générale permettant l'émergence de nouvelles formes de communication, d'organisation et d'institution. Idéalement, cette orientation générale doit aller dans le même sens que l'action communautaire pour qu’il y ait renforcement mutuel de l’action politique et de l’action communautaire. De plus, le gouvernement fédéral devra affirmer son leadership grâce à l'imposition de normes nationales élevées et appropriées, élaborées de concert avec les provinces. Comme l’a souligné le ministre de l'Environnement, le gouvernement a l'appui des Canadiens sur ce point puisque ces derniers veulent que la situation s'améliore, qu'il s'agisse de l'eau, de l'air ou des autres composantes environnementales.

   A. L’information

La diffusion de l'information est essentielle pour faire prendre conscience à tous de l'avantage qu'il y aurait à adopter de nouvelles façons de faire et à changer de comportement et d’habitudes de vie. À cet égard, les députés peuvent jouer un important rôle tant pour ce qui est d’exposer clairement la situation de l’environnement et le tout ce qui touche le développement durable, que pour faire part aux citoyens des récentes connaissances, expériences et technologies dans ces domaines. De plus, il faut que les résultats des efforts consentis à la réalisation du développement durable soient diffusés pour encourager les citoyens à aller plus loin.

Ce pourrait être le rôle également des députés de mettre en valeur les projets louables comme le programme Action 21, adopté au Sommet de Rio et qui présente des éléments de solution aux problèmes environnementaux de la planète. Pour encourager les gens à initier des projets dans leur collectivité, il faudrait aussi promouvoir des initiatives comme celle de la Corporation d'amélioration et de protection de l'environnement (de Baie Comeau), celle de Corner Brook pour les déchets dangereux et celle de Mirabel, où une unité mobile ramasse des matériaux réutilisables ou recyclables en collaboration avec les gouvernements municipal et régional.

   B. L’éducation

La sensibilisation du public à la problématique du développement durable sera aussi facilitée par l'éducation. On ne soulignera jamais assez l'importance de l'éducation systématique dispensée dans les écoles et de l'éducation informelle issue des organismes non gouvernementaux, des ministères et des médias. Malheureusement, l'élaboration d'un programme éducatif axé spécifiquement sur le développement durable s'avère plus difficile à une époque où l'on connaît de très sévères compressions budgétaires. Par contre, un intervenant a souligné que l'on devrait rendre accessible dans toutes les écoles le document Mission Terre : Au secours de la planète - « Action 21 » avec les jeunes, une version du programme Action 21 adaptée par des jeunes du monde entier. Les jeunes Canadiens pourraient s'inspirer de ce document afin de proposer un programme de développement durable pour leur école.

Dans le domaine de la santé, l’accent est mis de plus en plus sur la prévention au moyen de programmes anti-alcool et anti-tabac et de programmes sur le port de la ceinture de sécurité. Certains intervenants ont dit croire qu'il faut faire la même chose en matière d'environnement. Ils ont dit souhaiter que le gouvernement reconnaisse l'importance d'un programme national de communication semblable à ParticipAction, programme qui ferait la promotion du développement durable. Un autre intervenant a suggéré de lancer un vaste programme public d'éducation centré sur les obstacles au développement durable, pour mieux sensibiliser la population à l'impact environnemental, par exemple, de la consommation d'énergie.

La sensibilisation du public devrait faciliter les changements et permettre également aux hommes et femmes politiques de bénéficier de l'appui de la population. Il en va de même dans le monde des affaires où on ne peut mettre au point et commercialiser de nouveaux produits que si le consommateur est intéressé à les acheter et disposé à en payer le prix.

   C. L'engagement de tous

L'engagement de tous est aussi essentiel. Par exemple, en ce qui concerne l'emploi, il faut que les députés et tous les Canadiens soient convaincus qu’il existe une merveilleuse occasion de créer de l'emploi dans le domaine de l'écotechnologie. Certains estiment que le gouvernement doit aussi s'engager au niveau de la collectivité en l'aidant à régler le problème de la perte d'emplois, entre autres, par des mesures de reconception et de remplacement. Il faudrait aussi prévoir des plans de transition, ainsi que des façons de minimiser les coûts sociaux et communautaires. Il serait aussi fort utile que le gouvernement identifie les entreprises qui pratiquent le développement durable.

Il en va de même en ce qui concerne les autres problèmes liés à la mise en oeuvre du développement durable dans nombre de secteurs, par exemple, la réduction de l'utilisation des pesticides qu'il faudra remplacer par d'autres produits ou méthodes. Dans le secteur de l'immobilier et du transport, un intervenant a souligné que la réglementation est très importante et qu'il ne faut donc pas que le gouvernement abandonne ce rôle primordial.

   D. La participation à la prise de décisions

Un autre aspect important pour réaliser le développement durable est la participation de la population à la prise de décisions. Selon un intervenant au forum, si on prenait les sommes investies au niveau de la technologie et qu'on les plaçait, par exemple, dans le réduction et la réutilisation en plus de faire participer le public à tous les niveaux, on n'aurait pas de difficulté à atteindre les objectifs du développement durable. Non seulement les citoyens doivent-ils être responsabilisés davantage, mais il doit en être de même des fabricants de produits. C'est notamment ce que tente de faire le gouvernement du Canada dans le cadre du projet de Réduction des emballages.

   E. Le rôle du gouvernement

Plus concrètement, le gouvernement fédéral doit s'atteler à la tâche pour rattraper le retard qu'il a par rapport à des pays comme le Japon, l'Allemagne et la France. Certains intervenants au forum ont en effet souligné que, après avoir été parmi les meneurs en matière d'environnement de 1970 à 1995, le Canada doit maintenant faire le point et se demander s'il est encore vraiment le pays vert qu'il prétend être, le pays de l'environnement par excellence. On estime par ailleurs qu'il doit agir dans six dossiers différents:

  • Le respect de l'environnement dans le cadre de son programme d'acquisition.

  • L'accélération du passage aux initiatives environnementales volontaires, tout en conservant une réglementation appropriée et efficace.

  • L'amélioration de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

  • L'appui aux ententes internationales sur l'environnement, moteur du mouvement mondial vers le développement durable, comme la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) sur le commerce des espèces menacées, la Convention de Bâle sur les déchets dangereux, l'Organisation internationale du commerce et son groupe sur l'environnement et la Commission de coopération environnementale de l'ALÉNA.

  • L'encouragement au progrès technologique.

  • L'investissement dans l'énergie renouvelable et l'efficacité énergétique.

   F. L’intégration économie-environnement-santé

Si l'on veut trouver des solutions aux problèmes environnementaux, il est nécessaire d'avoir une vue d'ensemble de la situation, de savoir ce qui se passe dans l’environnement global. Il est également important d'agir sur tous les fronts. Or, selon certains intervenants, ce qui donne une véritable force à l'idée de développement durable c'est l'intégration de trois éléments : l'économie, l'environnement et la santé. Pour illustrer l'interrelation qui existe entre ces trois éléments, certains font référence à la consommation d'énergie et aux modes de production de celle-ci. Ainsi, l'utilisation des formes communes d'énergie est à l'origine du smog dans les centres urbains, lequel a un effet nocif sur la santé (c'est une cause importante de maladies pulmonaires et cardiaques). Cette situation engendre donc des coûts au niveau des soins de santé, en plus de polluer l'atmosphère. Comme l'a souligné un intervenant, d'autres problèmes de santé sont liés, notamment, à l'utilisation de pesticides.

Pour plusieurs intervenants, le lien entre l'économie, l'environnement et la santé passe d'abord par l'intégration des coûts environnementaux. Beaucoup d'économistes soutiennent que le grand problème de la politique environnementale est que bien souvent les gens ne tiennent pas compte des coûts qu'ils pourraient imposer à d'autres citoyens, ou des coûts que des entreprises pourraient imposer à d'autres entreprises en n'intégrant pas les coûts environnementaux dans leur politique globale d'établissement des prix. D'autres intervenants ont dit toutefois croire qu'il faut aller plus loin. Il ne suffit pas, selon eux, d'envisager de faire payer le plein prix de l'énergie, mais il faut éliminer les subventions dont bénéficient les producteurs d'énergie à partir de carburants fossiles. Il faut aussi taxer les comportements polluants et repenser le régime fiscal en ce sens. Les gouvernements semblent toutefois peu disposés à s'engager dans cette voie pour le moment.

   G. Questions sectorielles

Plusieurs thèmes et questions sectoriels ont été discutés tout au long du Forum « Emplois, environnement et développement durable ». Certaines questions sont d'une très grande importance dans la perspective de la réalisation du développement durable. Des exemples précis ont été présentés lors du forum et des orientations concrètes ont été suggérées à l'égard de divers enjeux.

      1. L'énergie

En matière d'énergie, tous les intervenants se sont entendus sur le fait qu'il faut diminuer la consommation d’énergie au Canada. Ce n'est pas une tâche facile; songeons par exemple au cas de l'énergie hydro-électrique au Québec où il est difficile de réduire la consommation d'énergie parce que les prix ne concordent pas avec un objectif d'efficacité énergétique. L’un des moyens de remédier à cette incohérence serait de baisser ou d'abolir les frais de raccordement exigés par Hydro-Québec et d'augmenter la prime sur la consommation. D'une façon générale, plusieurs s'accordent pour dire qu'une motivation économique ou des encouragements économiques sont nécessaires pour inciter les gens à investir dans la réduction de la consommation d'énergie. En milieu commercial et industriel, il y aurait lieu d'envisager le financement sur facture, une pratique selon laquelle la compagnie de service public ou la firme spécialisée en économie d'énergie se charge du financement nécessaire à l'achat et à l'installation des nouveaux équipements, qui sera remboursé à même les économies d'énergie réalisées. Enfin, au niveau des entreprises, il est important de mesurer l'énergie consommée à chaque étape de la production et de continuer à chercher de nouveaux moyens de réduire la consommation à chacune de ces étapes. Évidemment, l'appui des dirigeants d'entreprise s'avère indispensable et doit se manifester par leur participation active.

      2. L'eau

Une situation assez semblable à celle de l'énergie est observée en ce qui concerne l'eau potable. Ainsi, pour inciter les gens à réduire leur consommation d'eau, il faudrait d'abord que tous soient conscients de leur niveau de consommation. L'installation de compteurs d'eau et une tarification appropriée sont jugées souhaitables, comme le montrent certaines expériences fort positives. Toutefois, certains spécialistes estiment que le niveau de tarification doit être fixé de façon très adéquate pour éviter qu'il y ait iniquité entre divers types de consommateurs (par exemple les familles) et qu'il se développe une certaine habitude de la part de l'utilisateur-payeur.

      3. Les rebuts

Tout comme la consommation d'énergie et d'eau, la production de déchets au Canada doit diminuer. Selon les économistes, si une si grande quantité de déchets est produite c’est que l'utilisation de l'environnement est gratuite. Les citoyens paient bien sûr pour le ramassage des ordures et la gestion des déchets solides, mais ce prix est absolument indépendant de la quantité de déchets qu'ils produisent. Afin d’inciter les Canadiens à diminuer la quantité de déchets produits, un économiste a proposé la tarification par sac de déchets, une approche déjà adoptée par certaines municipalités canadiennes. Les ménages peuvent ainsi acheter des étiquettes à apposer sur chaque sac à rebuts qu'ils produisent. Toutefois, avant d'envisager la tarification, il faut s'assurer d'offrir un programme efficace de récupération et de recyclage.

Au niveau des collectivités, un bout de chemin a été fait dans plusieurs régions en ce qui a trait à la récupération du papier, du métal, des cartons et des plastiques à la maison ou dans des contenants placés en certains endroits stratégiques, comme cela se fait dans plusieurs municipalités au Canada. Des entreprises, des ministères et des gouvernements travaillent aussi en ce sens. Toutefois, plusieurs intervenants ont souligné qu'il ne faut pas seulement récupérer et recycler, mais aussi réduire et réutiliser. Il est nécessaire, par exemple, de réduire les emballages, l'utilisation de pesticides et d’autres produits dangereux, tout comme il faut réparer les meubles, les appareils électroménagers ou récupérer certaines pièces et en recycler d'autres et, enfin, réutiliser les matériaux de construction, les fenêtres, etc. En plus de s'engager dans la voie de la réduction et de la réutilisation, il faut aussi mettre des ressources à la disposition des municipalités pour gérer les déchets domestiques dangereux, la matière organique et autres produits.

      4. Les immeubles

Dans le secteur de l'immobilier, ce dont on a le plus besoin c'est d'innovation au plan des procédés et de la technologie, et bien sûr, de partenariats entre le public et le privé. Des projets particuliers faisant appel à l'approche globale et à la conception intégrée ont donné de bons résultats et devraient se poursuivre. Il faut aussi améliorer le code du bâtiment, notamment en obligeant les compagnies et fabricants à mesurer le gaz, l'électricité et l'eau consommés dans chaque sous-unité. De plus, il faut élargir le champ d'application de la Loi sur l'efficacité énergétique. Enfin, il serait possible de réaliser d'importantes économies en rendant les immeubles existants conformes aux normes actuelles. Dans le secteur commercial, un intervenant a souligné que l'on pourrait réaménager 13 p. 100 des immeubles d'ici l'an 2000 et 22 p. 100 d'ici 2010. Cette mise en conformité générerait 11 milliards de dollars d'économies. De même, un intervenant a souligné qu’il est possible de réaliser d'énormes économies en rendant les écoles conformes aux normes et d'en réaliser encore davantage en faisant participer les enseignants et les élèves au processus.

      5. Le transport

Au niveau du transport, beaucoup de travail reste à faire, notamment en ce qui a trait aux normes touchant les véhicules automobiles. Jusqu'à maintenant les améliorations réalisées ont été jugées marginales; il est urgent d'apporter des améliorations marquées à l'efficacité des véhicules automobiles, notamment au niveau de la consommation d'essence. Par ailleurs, il est tout aussi impératif de modifier les habitudes des gens en ce qui a trait aux moyens de transport utilisés pour les déplacements vers le lieu de travail. Dans ce cas, il est nécessaire de trouver les façons de décourager l'utilisation des véhicules privés en faveur du transport collectif. La principale lacune à cet égard demeure les trop faibles coûts du stationnement par rapport à ceux du transport collectif. Un intervenant a par exemple indiqué que ce rapport est de l'ordre de 20/80 (en dollars) dans le cas de l'immeuble de Transports Canada. Cette même question a aussi été ramenée dans le contexte du projet de « La Colline verte », où l'on a jamais réussi à régler le litigieux problème de la gratuité du stationnement sur la Colline parlementaire.

Au plan personnel, il faut aussi s'interroger sur les façons d'inciter ses proches à utiliser des moyens de transport plus écologiques pour se rendre au travail. Enfin, d'une manière plus globale, certains estiment qu’il faudrait repenser les agglomérations urbaines canadiennes, en les densifiant et en rapprochant les gens des sources d'approvisionnement et des services. Il est aussi nécessaire de financer la recherche et le développement, l'infrastructure et la technologie dans le domaine des transports. En fait, c'est le développement économique tout entier qui devrait être axé sur des modes de transport diversifiés et durables.

CONCLUSION

Le forum parlementaire ayant pour thème « Emplois, environnement et développement durable » a permis aux participants d'échanger des connaissances et de partager des expériences qui peuvent être utiles à une meilleure compréhension de la problématique environnementale canadienne et à la réalisation du développement durable. Il aura été possible de mieux connaître ce que les gens font en tant qu'individus, au sein de leur collectivité ou dans leur entreprise. Il est ressorti des échanges des idées et des réalisations concrètes susceptibles d'être reproduites ou adaptées à d'autres contextes.

Comme l'a souligné le ministre de l'Environnement d’alors, la situation du Canada n'est pas des plus reluisantes en matière environnementale, mais il demeure important de l'exposer clairement, tout en équilibrant les propos avec un sentiment d'espoir, surtout pour les jeunes. Il ne faut pas non plus laisser l'impression qu'il y a absence de volonté politique, sans quoi l'environnement et le développement durable seront en péril tant au Canada que partout dans le monde.

Même si au niveau individuel et collectif nous avons tous une certaine responsabilité, l'intervention des gouvernements est également jugée essentielle. Ceux-ci peuvent être en mesure de donner une orientation générale, de fournir des informations à la population, d'encourager la recherche de solutions de remplacement, de promouvoir l'engagement social, d'initier un programme national de communication semblable à ParticipAction pour le développement durable et, bien entendu, de mettre en place les instruments qui permettront à la société canadienne d'effectuer les changements profonds qui sont nécessaires.

Au niveau fédéral, le leadership gouvernemental peut se traduire par l'imposition de normes nationales élevées et appropriées, négociées conjointement avec les provinces. Il sera ensuite plus facile d'identifier les meilleures façons de gérer l'environnement et de déterminer qui devrait faire quoi. Pour plusieurs, on passe trop de temps à parler de cette question au lieu de poser la question fondamentale : que faut-il faire pour l'environnement? Coopération et coordination constituent sans doute les éléments clés de la mise en oeuvre et de l'atteinte du développement durable de la planète, objectif fondamental que s'est fixée la communauté internationale lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992.


(1) Les participants au forum ont pu voir une exposition organisée par l’Association canadienne des industries de l'environnement en collaboration avec le ministère de l’Environnement, dans le cadre de laquelle ont été présentées différentes initiatives concrètes de développement durable.

(2) Séance conjointe du Comité permanent de l'environnement et du développement durable et du Sous-comité sur la sensibilisation à l’environnement pour un développement durable, Témoignages, séance no 4, le lundi 13 mai 1996.

(3) Ibid., séance no 5, le mardi 14 mai 1996.

(4) Ibid., séance no 6, le mardi 14 mai 1996.

(5) Ibid., séance no 7, le mardi 14 mai 1996