BP-448F

 

ÉVOLUTION DE LA SITUATION DU CHÔMAGE
CHEZ LES JEUNES

 

Rédaction :
Kevin B. Kerr
Division de l'économie
Octobre 1997


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

OBSERVATIONS ET PRINCIPALES TENDANCES

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE


 

ÉVOLUTION DE LA SITUATION DU CHÔMAGE
CHEZ LES JEUNES

 

INTRODUCTION

Le chômage chez les jeunes a été et continue d’être un problème persistant pour les décideurs au Canada et dans bien d’autres pays de l’OCDE. La transition de l’école au travail est difficile pour bien des jeunes, comme en témoignent les taux relativement élevés de chômage observés chez les 15 à 24 ans, c’est-à-dire ceux qui appartiennent à la catégorie d’âge que Statistique Canada définit officiellement comme étant les « jeunes ». La transition de l’école au travail est devenue de plus en plus difficile ces dernières années en raison du faible taux de création d’emplois depuis la récession de 1990-1991. Elle est devenue particulièrement ardue pour ceux qui n’ont pas la scolarité nécessaire et les compétences actuellement en demande sur le marché du travail. Dans le présent document, nous donnons un aperçu de l’évolution de la situation du chômage chez les jeunes entre 1976 et 1996.

OBSERVATIONS ET PRINCIPALES TENDANCES

Le chômage est relativement plus marqué chez les jeunes que chez les adultes pour plusieurs raisons, dont deux principales. D’abord, l’ancienneté est un facteur qui joue beaucoup sur le marché du travail canadien lorsque des employeurs décident de réduire les niveaux d’emploi; ainsi, selon les données sur les mouvements bruts, les jeunes au travail sont plus susceptibles de se retrouver au chômage que les adultes. Tout au long de la période allant de 1985 à 1994, on estime qu’au moins le tiers de l’écart entre les taux de chômage des jeunes et ceux des adultes est attribuable au nombre de jeunes qui passent d’une situation d’emploi à une situation de chômage(1). L’autre facteur principal réside dans la plus grande tendance des jeunes travailleurs à s’exclure de la population active, ce qui réduit d’autant la place qu’ils y occupent par rapport au nombre de jeunes chômeurs. Ce lien plus ténu avec la population active est considéré comme le principal facteur responsable de l’écart entre les taux de chômage des jeunes et ceux des adultes.

Au Canada, le problème du chômage est souvent abordé comme si les « jeunes » formaient un groupe homogène. En réalité, il existe d’énormes différences chez les jeunes de 15 à 24 ans. Le graphique 1 fait ressortir certaines de ces différences pour 1996. Par exemple, les taux de chômage des adolescents sont généralement plus élevés que ceux des jeunes de 20 à 24 ans. Entre 1990 et 1996, l’écart entre ces deux groupes d’âge pour ce qui est du taux de chômage annuel moyen est resté le même, soit 3,7 centièmes de point.

Comme en témoigne le graphique 1, les taux de chômage chez les jeunes femmes ont tendance à être moins élevés que chez les jeunes hommes. L’écart entre le taux de chômage annuel moyen des jeunes hommes et celui des jeunes femmes a été de 4,1 centièmes de point pour la période allant de 1990 à 1996. Cet écart est à peu près 40 p. 100 plus élevé que celui enregistré à ce chapitre (2,9 centièmes de point) dans les années 80.

Il y a aussi des écarts considérables entre les taux de chômage des jeunes d’un bout à l’autre du pays. Par exemple, le taux de chômage chez les jeunes de Terre-Neuve était de 29 p. 100 en 1996, soit 1,8 fois celui de l’ensemble des jeunes du pays (16,1 p. 100). La Saskatchewan et l’Alberta ont, par contre, enregistré cette année-là le plus faible taux de chômage régional (12,2 p. 100), soit l’équivalent d’à peu près les trois quarts du taux national. Fait intéressant, ce classement était le même au début des années 80, même si l’Ontario affichait le plus faible écart à la fin de cette décennie.

 

La gravité du problème du chômage chez les jeunes au Canada s’est certes atténuée avant le début de la récession de 1990-1991. Entre le milieu des années 70 et la fin des années 80, les conditions du marché du travail pour les jeunes se sont améliorées comparativement à celles des travailleurs plus âgés. Cette tendance est illustrée au graphique 2, où les taux chômage relatifs chez les jeunes sont présentés sous la forme de deux courbes qui toutes deux, en particulier celle correspondant au rapport entre le taux de chômage des jeunes et celui des adultes, témoignent du recul du chômage chez les jeunes jusqu’à la récession de 1990-1991. L’autre courbe figurant dans ce graphique correspond à l’écart entre les taux de chômage des jeunes et ceux des adultes; lequel s’est accentué à la suite des récessions de 1981-1982 et de 1990-1991, montrant ainsi le caractère plus cyclique du chômage chez les jeunes par rapport à celui chez les adultes. Comme nous l’avons mentionné précédemment, les entreprises ont tendance à favoriser les employés ayant de l’ancienneté au moment de procéder à une restructuration de l’emploi. Ainsi, les jeunes sont souvent les premiers à être mis à pied et les derniers à être réembauchés.

 

La part du chômage total attribuable aux jeunes, qui était presque de 50 p. 100 en 1976, a également diminué ces dernières années. L’an dernier, cette part était d’environ 27 p. 100. Au moment de mesurer l’incidence du chômage chez les jeunes, il faut toutefois tenir compte du fait que pendant cette période, le nombre de jeunes au sein de la population active a lui aussi reculé. Le graphique 3 montre que la part du chômage attribuable aux jeunes par rapport à leur représentation au sein de la population active a tendance à diminuer à partir de 1976 jusqu’à la récession de 1990-1991, qui marque le début d’un renversement de situation.

De nos jours, bon nombre de Canadiens croient que les perspectives d’emploi à long terme des jeunes diminuent et que les jeunes travailleurs ont plus de mal à se faire une place sur le marché du travail que ceux des générations antérieures. Cela est vrai dans une certaine mesure, mais la situation est largement tributaire de leurs compétences et de leur niveau de scolarité; on ne saurait trop insister sur l’importance du niveau de scolarité dans la transition entre l’école et le marché du travail. Aujourd’hui, le nombre de jeunes plus scolarisés est proportionnellement plus élevé que par le passé : en 1989, la proportion de jeunes fréquentant l’école était de 51,9 p. 100, tandis qu’en 1996, elle atteignait 60,4 p. 100. En outre, malgré le fait que leur population a diminué au cours de cette période, le nombre de jeunes inscrits à l’enseignement postsecondaire a augmenté(2).  Bien que cette tendance soit en partie attribuable aux piètres conditions du marché du travail, il y a quand même lieu de noter que nombreux sont les jeunes aujourd’hui à reconnaître l’importance accrue de la scolarisation et des compétences sur le marché du travail. Il n’y a pas de doute que le niveau de scolarité et la formation nécessaires pour acquérir les compétences exigées sur le marché du travail de nos jours sont supérieurs en moyenne à ce qu’ils étaient par le passé. On s’attend à ce que cette tendance se confirme dans l’avenir.

Le graphique 4 illustre l’importance de la fréquentation scolaire dans le contexte du chômage chez les jeunes; il montre que les jeunes plus instruits affichent toujours de plus faibles taux de chômage que leurs semblables moins instruits. En fait, les diplômés d’universités semblent être en aussi bonne position aujourd’hui que ne l’étaient leurs semblables il y a 20 ans. Malgré la hausse constante du taux de chômage global observée durant cette période, le taux de chômage chez les jeunes qui possèdent un diplôme universitaire se compare en 1996 à ce qu’il était en 1976. Entre 1976 et 1996, ce taux a diminué par rapport à celui enregistré pour l’ensemble des jeunes.

 

Contrairement aux jeunes plus instruits, les jeunes moins scolarisés ont vu leur situation se détériorer considérablement ces 20 dernières années. Comme l’illustre le graphique 4, les taux de chômage des jeunes ayant fréquenté l’école primaire mais n’ayant pas terminé leurs études secondaires se sont accrus de neuf centièmes de point au cours de cette période.

L’importance de la fréquentation scolaire se reflète aussi dans la rémunération des jeunes travailleurs. Selon des données de l’Enquête nationale auprès des diplômés, la rémunération médiane réelle des bacheliers de 1990 employés à plein temps était de 32 000 $ deux après l’obtention de leur diplôme, soit un peu plus que les 31 900 $ calculés en 1984 pour les diplômés de 1982. Par contre, la rémunération médiane réelle des jeunes occupant un emploi à plein temps et n’ayant pas de diplôme d’études postsecondaires est passée de 23 900 à 22 600 $ au cours de la même période(3).   Il y a lieu de noter que la rémunération réelle des jeunes travailleurs a diminué depuis le début de la dernière décennie, sans égard à leur niveau de scolarité; cette baisse s’expliquerait en partie par l’augmentation du nombre de jeunes travaillant à temps partiel. Même si de récentes études semblent indiquer qu’il y a proportionnellement plus de jeunes travailleurs qui occupent actuellement un emploi dans le secteur dit « bien rétribué » que ce n’était le cas il y a une génération, il convient de rappeler que jusqu’à récemment, du moins, l’importance de la concentration dans le secteur des emplois dits « mal rétribués » s’atténue habituellement à mesure que les jeunes avancent en âge. En d’autres termes, bon nombre de jeunes travailleurs semblent être capables de faire la transition vers le marché du travail primaire à mesure qu’ils approchent la trentaine(4).

Enfin, le graphique 5 montre la répartition du chômage chez les jeunes en fonction de sa durée. Outre la nature cyclique prévisible de cette répartition, qui se traduit par des épisodes de chômage plus longs en période de ralentissement économique, ces données donnent à penser que, sauf dans le cas des longs épisodes de chômage, la durée du chômage se répartit aujourd’hui chez les jeunes à peu près de la même façon qu’il y a 20 ans. En 1976 et en 1996, à peu près les deux tiers de tous les jeunes chômeurs ont connu des épisodes de chômage de moins de 14 semaines. À l’autre extrême, par contre, 5 p. 100 d’entre eux se sont retrouvés au chômage pendant plus d’un an en 1996, soit trois fois plus qu’il y a 20 ans. L’augmentation de la proportion de jeunes chômeurs à long terme n’est sans doute pas étrangère aux problèmes de chômage structurel auquel sont confrontés aujourd’hui les travailleurs non qualifiés de tous âges.

 

Comme nous le mentionnions au début, le chômage chez les jeunes fait partie des priorités du gouvernement fédéral depuis longtemps. Son importance stratégique actuelle découle en partie de l’absence de croissance de l’emploi chez les jeunes et du fait que leur taux de chômage demeure relativement élevé comparativement à celui de l’ensemble de la population. Il ne fait aucune doute que les perspectives d’emploi des jeunes en ce moment sont moins bonnes qu’elles ne l’étaient avant la récession de 1990-1991.

Le gouvernement fédéral a une connaissance de longue date des programmes d’adaptation au marché du travail destinés aux jeunes(5). En plus d’avoir accès à des programmes d’emplois d’été, les jeunes chômeurs de 18 à 24 ans ont la possibilité d’acquérir une expérience de travail et des compétences professionnelles grâce au programme Service jeunesse Canada. En sus de leurs versements hebdomadaires, les participants qui complètent le programme reçoivent une subvention d’au moins 2 000 $ qu’ils peuvent utiliser pour se chercher un emploi, retourner aux études, lancer une entreprise ou rembourser un prêt étudiant. Le Programme de stages pour les jeunes vise à offrir aux jeunes chômeurs (âgés normalement de moins de 30 ans) la possibilité d’acquérir une expérience de travail grâce à la collaboration du secteur privé, des organismes sans but lucratif et des organismes communautaires. Des ouvertures se créent dans de nombreux secteurs, par exemple, en sciences et en technologie, en environnement, en commerce extérieur et développement international et, depuis peu, à la fonction publique fédérale. Dans le discours du Trône du 23 septembre 1997, le gouvernement a promis d’intervenir de plusieurs façons pour faciliter la transition des jeunes de l’école au travail. On s’attend à ce que cet engagement englobe, par exemple, l’élargissement des programmes de stages, l’augmentation du nombre d’emplois d’été, la participation à l’élaboration d’un programme pancanadien de mentorat ainsi que la mise au point et l’élargissement des programmes d’emploi communautaires à l’intention des jeunes défavorisés (par exemple, l’établissement de centres polyvalents pour les jeunes autochtones).

CONCLUSION

Il est clair que bon nombre de jeunes éprouvent de graves difficultés à faire la transition entre l’école et le travail, processus dans lequel l’instruction joue un rôle extrêmement crucial. Si les jeunes très instruits ne semblent pas être en plus mauvaise posture que ceux des générations précédentes, leurs semblables moins instruits le sont. Comparativement aux jeunes d’il y a 20 ans, les jeunes moins instruits sont beaucoup plus nombreux à être sans emploi. Ceux qui appartiennent à ce groupe méritent indéniablement de faire l’objet d’une attention particulière de la part des décideurs, étant donné que les problèmes auxquels ils sont confrontés sur le marché du travail sont essentiellement de nature structurelle et risquent de se perpétuer à l’âge adulte si on ne leur trouve pas une solution convenable dès maintenant.

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Betcherman, Gordon et Norm Leckie. Youth Employment and Education Trends in the 1980s and 1990s. Document de travail no W03. Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, février 1997.

Fondation canadienne de la jeunesse. Le chômage chez les jeunes : le déficit caché du Canada. 1995.

Kerr, Kevin B. Le chômage chez les jeunes au Canada. CIR 82-4F. Ottawa, Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement.

OCDE. « L’apprentissage du travail : les jeunes et le marché du travail dans les années 80 et 90 ». Perspectives de l’emploi, chapitre 4, juillet 1996.

Statistique Canada. « Les jeunes et le marché du travail ». Le point sur la population active, printemps 1997.

 


(1) Développement des ressources humaines Canada, Le Bulletin de la recherche appliquée, vol. 2, no 2, 1996, p. 4.

(2) Statistique Canada, « Les jeunes et le marché du travail », Le point sur la population active, printemps 1997, p. 15

(3) Développement des ressources humaines Canada, « Youth Employment Diagnostique », non publié.

(4) B. Bercherman et N. Leckie, Youth Employment and Education Trends in the 1980s and 1990s, Réseaux canadiens de recherches en politiques publiques, 1997, p. 24-25.

(5) Bien sûr, les jeunes ont aussi accès aux initiatives offertes en vertu de la partie II de la Loi sur l’assurance-emploi.