BP-460F

 

LE FINANCEMENT DES ÉTUDES UNIVERSITAIRES
AU CANADA

 

Rédaction :
Rose Pelletier, Terrence J. Thomas
Division de l'économie

Mai 1998


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

L’AUGMENTATION DU COÛT DES ÉTUDES UNIVERSITAIRES

LES PRÊTS AUX ÉTUDIANTS

   A. Programme canadien de prêts aux étudiants (PCPÉ)

   B. Régime d’aide financière aux étudiantes et étudiants de l’Ontario (RAFÉO)

   C. Programme de prêts et bourses du Québec

LE RÔLE DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES

L’ENDETTEMENT DES ÉTUDIANTS

   A. Ampleur de l’endettement

   B. Effets de l’endettement

   C. Solutions gouvernementales à l’endettement des étudiants canadiens

      1. Programme canadien de prêts aux étudiants (PCPÉ)

      2. Régime d’aide financière aux étudiantes et étudiants de l’Ontario

      3. Programme de prêts et bourses du Québec

QUESTIONS CONNEXES

   A. Rapports de comités

   B. Le Budget de 1998

   C. Programmes de remboursement en fonction du revenu

CONCLUSIONS

BIBLIOGRAPHIE

 


 

LE FINANCEMENT DES ÉTUDES UNIVERSITAIRES AU CANADA

 

INTRODUCTION

Ces derniers mois, l’expression « crise de l’éducation » a paru souvent dans les journaux et les revues et on l’a souvent entendue à la radio et à la télévision. Elle a été utilisée dans le contexte du financement de l’éducation par les gouvernements, de l’augmentation des droits de scolarité dans la plupart des universités canadiennes et de l’endettement croissant des étudiants et des diplômés récents. Il est utile de dépasser la seule expression pour quantifier l’évolution récente et spéculer sur ses effets à court et à long terme.

Bien que les compressions dans le financement de l’éducation touchent tous les niveaux d’enseignement, nous nous attachons, dans la présente étude, surtout à leurs effets sur l’éducation postsecondaire. Comme l’augmentation récente des droits de scolarité a attiré davantage l’attention sur les prêts aux étudiants, nous examinons ci-après le régime fédéral ainsi que deux des régimes provinciaux de prêts aux étudiants représentatifs, et soulignons le rôle de plus en plus important que jouent les institutions financières dans le domaine. Dans la section centrale du document, nous examinons les données disponibles sur l’ampleur et la nature de l’endettement étudiant et traitons de certains de ses effets apparents. Nous nous penchons aussi sur certaines questions connexes, à savoir les rapports de deux comités parlementaires, une initiative fédérale récente en matière d’éducation et une solution de remplacement possible à l’actuel régime de prêts aux étudiants.

L’AUGMENTATION DU COÛT DES ÉTUDES UNIVERSITAIRES

À la fin d’août 1997, Statistique Canada a publié, dans Le Quotidien, un article intitulé « Frais de scolarité dans les universités, 1997-1998 », qui montre que le coût des études universitaires augmente à un rythme beaucoup plus rapide que le taux d’inflation. Les droits que doivent acquitter les étudiants de premier cycle en arts (depuis longtemps un indicateur approximatif utilisé pour le niveau général des droits universitaires) a augmenté de près de 9 p. 100 par rapport à l’année universitaire 1996-1997. Ce pourcentage est la moyenne canadienne; comme le tableau qui suit le fait ressortir, les fluctuations ont beaucoup varié d’une province à l’autre, allant d’une augmentation nulle au Québec à une hausse de 18 p. 100 à Terre-Neuve.

Tableau 1 – Droits de scolarité moyens pour les étudiants de premier cycle en arts

 

1997-1998

1996-1997

Hausse en %

Terre-Neuve

3 117

2 867

18,0

Î.-P.-É.

3 150

2 920

7,9

Nouvelle–Écosse

3 737

3 499

6,8

Nouveau-Brunswick

2 992

2 769

8,1

Québec

1 726

1 725

0

Ontario

3 234

2 936

10,1

Manitoba

2 593

2 505

3,5

Saskatchewan

2 380

2 239

6,3

Alberta

3 211

2 965

8,3

Colombie-Britannique

2 705

2 661

1,7

Canada

3 117

2 867

8,7

Source : Statistique Canada, « Frais de scolarité dans les universités, 1997-1998 », Le Quotidien, 25 août 1997. Les droits sont indiqués en dollars et correspondent à une moyenne pour les universités de chaque province, et les droits sont pondérés d’après le nombre d’étudiants.

Il va sans dire que les droits de scolarité ne constituent qu’une partie des coûts des études supérieures. Les frais supplémentaires peuvent atteindre plusieurs centaines de dollars. À l’Université de Toronto, par exemple, ces frais, pour l’étudiant du premier cycle en arts, peuvent varier de 133 $ à 467 $ (soit de 4,1 à 14,6 p. 100 des droits de scolarité de cette université, qui sont de 3 196 $ - tous les chiffres sont fondés sur la publication récente de Statistique Canada). Les frais de logement et de subsistance de ceux qui ne peuvent fréquenter une université locale (ou qui décident de ne pas le faire) sont plus élevés que les droits de scolarité. Pour fréquenter l’Université de Toronto pendant l’année universitaire 1997-1998, un étudiant doit débourser entre 8 328 et 10 940 $; il est vrai que cette université est l’une des plus coûteuses au Canada, mais il est probable que la moyenne des dépenses totales, dans l’ensemble du Canada, se situe entre 7 000 et 8 000 $.

En ce qui concerne les droits de scolarité, le Québec, comme on peut le constater dans le tableau ci-dessus, se distingue tant par le faible niveau des droits que par le fait que ceux-ci n’ont pas augmenté depuis l’année universitaire 1996-1997. Les droits indiqués sont ceux que doivent acquitter les habitants de la province; les étudiants qui viennent de l’extérieur doivent payer des droits plus élevés, ce qui porte le coût de leurs études au Québec à un niveau qui correspond aux droits exigés par les universités d’autres provinces. Exception faite du Québec et de la Colombie-Britannique, qui a imposé une hausse relativement modeste des droits, les augmentations des droits dans les universités canadiennes ont largement dépassé le taux d’inflation actuel, qui est inférieur à 2 p. 100.

Selon l’étude de Statistique Canada, les droits de scolarité se sont accrus plus vite que l’inflation dans toutes les provinces depuis le milieu des années 80. En effet, ces droits ont plus que doublé alors que l’indice des prix à la consommation (IPC) a progressé de 37 p. 100 (comme les données sont limitées, la comparaison n’a porté que sur la période allant de 1985-1986 à 1995-1996). Certains observateurs se demandent néanmoins si le coût réel des droits de scolarité est bien différent de ce qu’il était au milieu ou à la fin des années 60 (par exemple). On pourrait prouver qu’il est exagéré de parler de « crise de l’éducation » si on pouvait établir que les étudiants des années antérieures et leur famille ont dû payer des droits qui étaient plus élevés, en termes réels, qu’ils ne le sont maintenant.

Le graphique 1 situe dans une perspective historique l’évolution des droits de scolarité depuis le milieu des années 60. Il présente trois courbes : droits de scolarité moyens pour les étudiants canadiens de premier cycle à temps plein en arts et en sciences, indice des prix à la consommation (IPC) et coût réel (droits nominaux divisés par l’IPC). Dans les trois cas, l’indice est fixé à 1 en 1965.

Ce qui se remarque le plus, dans le graphique, c’est sans doute la hausse rapide des droits de scolarité au cours des dernières années; d’autres faits méritent toutefois de retenir l’attention. L’inflation a été relativement faible pendant les premières et les dernières années de la période visée. La forte inflation des années 70 et 80 ressort aussi nettement. Il est possible de discerner trois sous-périodes dans les fluctuations des droits par rapport à l’inflation. Du milieu des années 60 jusqu’à la fin des années 70, les droits de scolarité sont restés à peu près stables, presque insensibles à la fluctuation des prix. Tout au long des années 80, les droits ont suivi une évolution parallèle, en gros, à celle des prix, comme si les universités (ou les responsables de l’établissement des droits) tentaient de maintenir le niveau réel des recettes tirées des droits de scolarité. À partir de la fin des années 80, les droits ont progressé plus rapidement que l’inflation. Le plus intéressant, dans le graphique, c’est la fluctuation du coût réel des droits de scolarité. Ce n’est qu’au milieu des années 90 que ce coût réel - une façon de mesurer la charge que représentent les droits de scolarité pour les étudiants et leur famille - a atteint le niveau qu’il avait au milieu des années 60.

 

Graphique 1
Droits de scolarité moyens et inflation

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         wpe759.jpg (1728 bytes)

 

Graphique 2
Droits de scolarité par rapport aux revenus d'exploitation

wpe3.jpg (1227 bytes)wpe11.jpg (1748 bytes)bp460-f gra.2.gif (84628 bytes)

                       1971      1973   1975    1977      1979   1981   1983    1985    1987   1989    1991    1993      1995  

 

La courbe en parabole du coût réel des droits risque de donner à tort l’impression que la charge des hausses récentes des droits de scolarité se fait plus lourde, étant donné que les revenus réels sont plus élevés aujourd’hui qu’au milieu des années 60. D’après les enquêtes de Statistique Canada sur le revenu, le revenu réel des ménages était de 62 p. 100 plus élevé en 1995, année où le coût réel des droits de scolarité a rejoint le niveau du milieu des années 60, qu’en 1965. C’est donc dire que la charge réelle des droits de scolarité est plus faible aujourd’hui que dans les années 60. Une comparison des chiffres de 1995 à ceux du milieu des années 70 produirait un tableau différent, car le revenu réel des familles est demeuré relativement stable depuis. La répartition du revenu des ménages est aussi un facteur important. Si, au milieu des années 60, la plupart des étudiants venaient de familles à revenus « élevés » (par rapport au revenu des familles des étudiants d’aujourd’hui), une comparaison qui se fonderait sur le revenu moyen des ménages sous-estimerait la charge globale réelle que les droits de scolarité représentent aujourd’hui.

Une autre manière d’envisager l’évolution des droits de scolarité consiste à voir comment les recettes tirées de ces droits ont changé, comme source de fonds pour les universités. Le graphique 2 a été tracé à partir des données disponibles pour la période allant de 1971-1972 à 1995-1996, et il montre la proportion que les droits de scolarité représentent dans l’ensemble des recettes d’exploitation. Cette proportion était d’environ 18 p. 100 au début des années 70, et elle a ensuite fléchi, pour ne retrouver ce niveau qu’au début des années 90. Au cours de l’année universitaire 1995-1996, elle s’établissait à 25,6 p. 100. Il est noter que la série de données employées dans ce graphique correspond au montant global des droits de scolarité dans les universités canadiennes. La courbe reflète à la fois les changements dans les droits et dans les inscriptions. Les définitions sont différentes, mais les deux graphiques montrent que les universités comptent de plus en plus sur les droits de scolarité.

LES PRÊTS AUX ÉTUDIANTS

Les étudiants ont des sources de fonds diverses pour payer leurs études postsecondaires : revenus de la famille (parents, conjoint, grands-parents), salaire tiré d’un travail et autres sources de revenu personnel, bourses, prêts bancaires et subventions et prêts du gouvernement. Ce sont les prêts de l’État qui ont attiré le plus d’attention, car ils traduisent la politique des gouvernements en matière d’éducation.

Au Canada, les gouvernements fédéral et provinciaux donnent une aide financière (prêts et/ou subventions non remboursables) aux étudiants admissibles en fonction de leurs besoins financiers établis. Les étudiants nécessiteux de toutes les provinces (sauf le Québec et le Yukon) peuvent demander une aide fédérale et provinciale en utilisant un seul formulaire. Le Québec et les Territoires du Nord-Ouest se sont retirés du Programme canadien de prêts aux étudiants (PCPÉ) et touchent une compensation fédérale en fonction des coûts de leurs propres programmes d’aide.

Les programmes de prêts tiennent compte de l’apport de la famille et du revenu tiré d’un travail dans les quatre mois précédant les études; autrement dit, on calcule toutes les ressources de l’étudiant et le coût de ses études. Dans les pages qui suivent, nous décrivons le Programme canadien de prêts aux étudiants (PCPÉ) et le Régime d'aide financière aux étudiantes et étudiants de l'Ontario (RAFÉO), que nous avons choisi pour représenter les programmes des provinces où le PCPÉ s’applique. Nous décrivons également le Programme des prêts et bourses du Québec.

   A. Programme canadien de prêts aux étudiants (PCPÉ)

En 1994, un certain nombre de modifications ont été apportées au PCPÉ, qui est devenu le « nouveau PCPÉ ». Le tableau 2 compare les deux versions du programme.

Le nouveau PCPÉ peut fournir en prêts jusqu’à 60 p. 100 des besoins évalués de l’étudiant jusqu’à concurrence de 165 $ par semaine. Il n’y a aucun remboursement pendant les études à temps plein, et le gouvernement assume les frais d’intérêt. Six mois après la fin de ses études, l’étudiant doit commencer à rembourser son emprunt. Les provinces participantes établissent le montant qu’elles accordent en prêts ou en subventions.

 

Tableau 2 – Comparaison de l’ancien et du nouveau PCPÉ

  Ancien PCPÉ Nouveau PCPÉ

Admissibilité établie par 

Gouvernement

Gouvernement

Évaluation des besoins

Variable selon les provinces

Plus uniforme dans les provinces

Maximum hebdomadaire

105 $

165 $

Risque du crédit assumé par

Gouvernement

Institution financière

Indemnisation des institutions financières par le gouvernement?

Pleine garantie du principal

Aucune garantie, mais frais initiaux de 5 % comme prime de risque

Prix des prêts de catégorie A(a)

Obligations du gouvernement du Canada de 1-5 ans + 1 %

Taux préférentiel

Prix des prêts de catégorie B(a)

Obligations du gouvernement du Canada de 5-10 ans + 1%

Taux variable plafonné au taux préférentiel + 2,5 %; taux fixe plafonné au taux préférentiel + 5 %

Exemption des intérêts 

Jusqu’à 18 mois

Jusqu’à 18 mois

Calendrier de remboursement

Fixe

Négociable avec l’institution financière

Défaut de paiement signalé à l’agence d’évaluation du crédit?

Non

Oui

Recours à Revenu Canada pour recouvrer la dette?

Oui(b)

Non(c)

(a) Pendant que l’étudiant est aux études et que le gouvernement paie les intérêts, le prêt est de catégorie A. Une fois que l’emprunteur quitte les études et assume la responsabilité du paiement des intérêts, le prêt est classé dans la catégorie B.

(b) Le recours à Revenu Canada pour recouvrer les dettes sur les remboursements d’impôt est une modification récente; pendant la majeure partie de l’histoire du PCPÉ, ce recours n’existait pas.

(c) Mais cette pratique peut continuer, de manière limitée, dans le nouveau PCPÉ.

Source : Harry Hassanwalia, « Improvements to the Canada Student Loans Program: Do Recent Changes Fit the Bill? » in Ross Finnie et Saul Schwartz, Student Loans in Canada. Past, Present and Future, Toronto, Institut C.D. Howe, 1996, et Bibliothèque du Parlement.

Pour les étudiants à mi-temps, il est possible d’obtenir un prêt d’un maximum de 4 000 $, sur lequel l’étudiant doit payer les intérêts pendant ses études. Les prêts étudiants du Canada sont consentis par les prêteurs participants et remboursés à ces institutions. Il existe un programme d’exemption des intérêts pour les étudiants aux prises avec des difficultés financières après leurs études. Certaines provinces accordent une aide supplémentaire sous forme d’une remise de prêt ou d’exonération de remboursement, pour les emprunteurs qui remboursent les prêts étudiants de la province.

L’aide fédérale comprend également des Subventions pour initiatives spéciales à l’intention des étudiants ayant un handicap permanent (jusqu’à 3 000 $ par année), les étudiants à mi-temps ayant des besoins considérables (jusqu’à 1 200 $ par année) et des étudiantes du niveau du doctorat dans certains domaines (jusqu’à 3 000 $ par année pendant un maximum de trois ans).

Jusqu’en 1990-1991, presque toutes les provinces accordaient aux étudiants dans le besoin une subvention ou une bourse quelconque. En 1994-1995, la plupart de ces mesures d’aide étaient disparues, ne laissant que les prêts. Certaines provinces ont été plus touchées que d’autres. En Ontario, avant 1993-1994, les étudiants nécessiteux obtenaient d’abord une subvention provinciale, puis un prêt fédéral; venait ensuite un prêt provincial, si cela était nécessaire pour satisfaire les besoins évalués. En 1993-1994, le programme de subventions a été aboli, et le prêt du PCPÉ est devenu le premier type d’aide accordée à l’étudiant. La grande exception à cet égard est la Colombie-Britannique, où les programmes de subventions se sont maintenus, si bien que les montants empruntés par les étudiants n’ont augmenté que modérément.

L’aide financière de l’État aux étudiants est donc un assemblage de mesures fédérales et provinciales. Le tableau 3 présente l’aide fédérale et provinciale aux étudiants de 1990-1991 à 1994-1995.

 

Tableau 3 – Aide financière fédérale et provinciale aux étudiants(a), exercices 1990-1991 et 1994-1995 (millions de dollars courants)

Prêts canadiens aux étudiants

1990-1991           1994-1995

Aide provinciale

Prêts                                   Subventions
1990-1991        1994-1995       1990-1991   1994-1995

Terre-Neuve

36,36

51,70

0

32,87

16,23

0

Nouvelle-Écosse

43,55

50,37

0

45,00

14,05

0

Île-du-Prince-Édouard

6,13

5,78

0

3,91

2,44

0

Nouveau-Brunswick

39,24

32,71

0

23,85

14,86

4,17

Ontario

238,07

707,77

52,63

556,69

181,14

0

Manitoba

38,83

34,75

0

20,41

7,99

0

Saskatchewan

48,59

57,22

43,06

40,96

0

0

Alberta

114,10

114,65

61,81

112,22

39,52

22,25

Colombie-Britannique

100,13

174,35

51,29

65,68

27,88

24,61

Yukon

0,83

0,62

0

0

1,03

1,50

Total

665,83

1 229,92

208,00

901,59

305,14

48,36

(a) Sans le Québec ni les Territoires du Nord-Ouest

Source : Ross Finnie et Saul Schwartz, Student Loans in Canada. Past, Present and Future, Toronto, Institut C.D. Howe, 1996.

   B. Régime d'aide financière aux étudiantes et étudiants de l'Ontario (RAFÉO)

Le RAFÉO allie les programmes de prêts à financement fédéral et provincial qui aident financièrement les étudiants admissibles de niveau postsecondaire. Le gouvernement de l’Ontario finance le programme de prêts étudiants et le Régime de bourses spéciales de l’Ontario (RBSO), programme qui offre des bourses non remboursables afin d’aider à couvrir les frais d’études d’étudiants à mi-temps ou à temps plein de niveau postsecondaire qui ont un revenu familial faible. Il y a en outre le Régime travail-études de l’Ontario, programme spécial donnant à des étudiants la possibilité d’occuper sur le campus un emploi à temps partiel; le régime de bourses pour garde d’enfants aide les étudiants qui ont trois enfants ou plus; et il y a aussi les bourses pour étudiants handicapés. Enfin, il existe un programme d’exonération de remboursement (pour les étudiants ayant obtenu des prêts du RAFÉO) et le programme d’allégement des intérêts, réservé aux étudiants qui ont bénéficié du programme de prêts étudiants de l’Ontario.

   C. Programme de prêts et bourses du Québec

Le Programme de prêts et bourses du Québec assure une aide financière aux étudiants de niveau postsecondaire et à ceux qui reçoivent une formation professionnelle au niveau secondaire. Le calcul des dépenses tient compte des droits de scolarité, des frais de subsistance et de transport, des dépenses pour les enfants, de certains frais médicaux et des intérêts sur les ordinateurs achetés aux termes du programme de prêts pour l’achat d’un ordinateur. Il est tenu compte des revenus de l’étudiant et de la contribution de ses parents ou de son conjoint, s’il y a lieu. La différence entre revenus et dépenses est comblée par un prêt jusqu’à concurrence d’un certain montant, et le reste est versé sous forme de bourse.

LE RÔLE DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES

Dans tous les programmes gouvernementaux offrant du financement aux étudiants qui en ont besoin, les institutions financières jouent un rôle important, qui a d’ailleurs pris encore plus d’ampleur ces dernières années, surtout pour ce qui est du nouveau PCPÉ.

En juin 1994, le gouvernement fédéral a fait adopter le projet de loi C-28, qui a confié aux institutions financières des responsabilités accrues dans le domaine de l’aide financière aux étudiants. Depuis, le gouvernement ne garantit plus les prêts étudiants, payant plutôt une prime de risque de 5 p. 100 aux prêteurs participants, qui acceptent de consentir des prêts aux étudiants. On compte maintenant neuf prêteurs, qui doivent débourser les montants rapidement, dans des délais prévus, offrir des services dans les deux langues officielles, avoir des lignes téléphoniques gratuites pour donner des renseignements, donner des avis écrits et des états annuels aux débiteurs qui remboursent, et offrir des conseils financiers.

C’est toujours le gouvernement qui fixe le montant du prêt accordé à chaque demandeur; les institutions financières ne participent pas à cette décision. Pendant les études, le gouvernement paie les intérêts; six mois après la fin des études, l’emprunteur doit commencer à payer les intérêts et à rembourser le capital. Le remboursement fait l’objet de négociations entre l’étudiant et l’institution financière. Les emprunteurs qui étaient étudiants à temps plein peuvent choisir entre un taux d’intérêt fixe, soit le taux préférentiel plus un maximum de 5 p. 100, et un taux flottant, qui est le taux préférentiel plus un maximum de 2,5 p. 100.

L’ENDETTEMENT DES ÉTUDIANTS

À cause de l’augmentation des droits dans la plupart des universités canadiennes et du réaménagement de l’aide de l’État, qui fait plus de place aux prêts qu’aux bourses, l’endettement des étudiants s’est alourdi. Nous examinons ci-après divers aspects de ce problème. Malheureusement, certains tableaux sont établis à partir de données qui ne remontent qu’à la fin des années 80 ou au début des années 90; ils peuvent donc sous-estimer la progression de l’endettement qui s’est produite ces dernières années.

   A. Ampleur de l’endettement

Le tableau 4 présente la répartition des prêts des étudiants à temps plein par niveau d’endettement, de 1992-1993 à 1995-1996. Il est à noter qu’on observe une tendance générale à la hausse, au fil des ans, pour tous les niveaux d’endettement et, bien sûr, pour l’endettement global.

Tableau 4 – Répartition des prêts des étudiants à temps plein par niveau d’endettement, 1992-1993 à 1995-1996

Endettement

Réel
1991-1992

Réel
1992-1993

Réel
1993-1994

Réel
1994-1995

Estimation préliminaire
1995-1996

Moins de 5 000 $

149 192

159 987

158 446

137 217

149 183

5 000 $ -10 000 $

  63 660

  78 439

  94 348

111 438

107 300

10 000 $ -15 000 $

  25 123

  30 084

  37 694

  46 251

49 969

Plus de 15 000 $

  11 529

  12 802

  15 112

23 957

32 416

Total

249 504

281 312

305 600

318 863

338 867

Nota : L’année va du 1er août au 31 juillet.

Source : Développement des ressources humaines Canada, 1994-1995 et 1997-1998, Budget des dépenses, partie III

Le tableau 5 indique le nombre et le pourcentage des prêts étudiants en défaut de remboursement, par montant de prêt, pendant la période de 1989-1990 à 1992-1993. À signaler que le nombre et le pourcentage des prêts en défaut de remboursement, par montant de prêt, a été plus faible en 1992-1993 qu’en 1989-1990. De plus, la valeur moyenne des indemnisations a augmenté pendant cette période.

 

Tableau 5 – Prêts étudiants en défaut de remboursement, au Canada*

Montant du prêt

1992-1993
Nbre     %

1991-1992
Nbre    %

1990-1991
Nbre     %

1989-1990
Nbre     %

Moins de 2 500 $

8 180       28,1

10 938      32,9

10 295     33,4

10 782      33,9

2 500 $ à 4 999 $

10 642       36,6

11 654      35,1

10 865     35,3

11 135      35,0

5 000 $ à 10 000 $

6 250       21,5

  6 670      20,1

   6 180    20,1 

  6 368      20,0

Plus de 10 000 $

4 007       13,8

  3 967      11,9

   3 456    11,2

  3 538      11,1

Total

  29 079    100

33 229   100

30 796 100

31 823   100

Valeur moyenne des indemnisations payées

   5 402

  5 043

   4 538

  4 731

 *du 1er août 1991 au 31 juillet 1992

Source : Bernard Bourgouin, « Aide financière aux élèves de l’enseignement postsecondaire », Statistique Canada, Revue trimestrielle de l’éducation, publication no 81-003, trimestriel, printemps 1995, vol. 2, no 1.

Le tableau 6 présente le nombre de faillites déclarées par des bénéficiaires du PCPÉ. Ce nombre a plus que doublé entre 1990-1991 et 1995-1996. Le nombre de faillites augmente rapidement, et cela préoccupe vivement les prêteurs et les responsables de la politique gouvernementale.

Tableau 6 – Programme canadien de prêts aux étudiants – Déclarations de faillite

Année (financière)

Nbre de prestataires du PCPÉ ayant déclaré faillite

1990-1991

3 300

1991-1992

4 500

1992-1993

4 500

1993-1994

7 800

1994-1995

7 000

1995-1996

7 850

Source : Gouvernement du Canada, Développement des ressources humaines, Direction générale de l’apprentissage et de l’alphabétisation

Source : Fédération canadienne des étudiants, Pour une voie vers l’avenir : une stratégie pour le changement, Canada, 4e éd., 1997.

Les tableaux qui suivent se fondent sur des données des Enquêtes nationales auprès des diplômés. Le tableau 7 indique l’incidence des emprunts étudiants et le montant moyen qui est dû au moment du diplôme, par sexe. Malheureusement, les données des tableaux 7 et 8 ne sont pas récentes. Si l’on en juge par l’information contenue dans le budget de 1998, la dette moyenne des étudiants devrait tourner autour de 25 000 $ l’année prochaine. Le fait que les chiffres soient semblables pour les hommes et les femmes est intéressant, car les hommes gagnent d’habitude plus que les femmes. L’incidence des emprunts pour le collège et le CEGEP et pour le baccalauréat a augmenté avec le temps, mais elle est restée stable pour les étudiants de la maîtrise et du doctorat. Cependant, le montant moyen emprunté par tous les groupes d’étudiants a augmenté.


Tableau 7 – Incidence des emprunts étudiants et montants moyens
dus au moment du diplôme, 1982, 1986 et 1990

 

 

Sexe

1982

Incidence Moyenne
(%)                    ($)a

1986

Incidence Moyenne
   (%)               ($)a

1990

Incidence Moyenne
(%)               ($)a

Collège/CEGEP Homme
                          Femme

34            3 480
36            3 400

41           5 380
43           5 190

41         5 520
42         5 890

Baccalauréat      Homme
                         Femme

 

46             5 410
41             5 120

42           8 240
39           8 110

43         8 660
44         8 710

Maîtrise            Homme
                         Femme

32            5 900
31            5 830

34           7 700
31           6 890

32         8 440
32         8 640

Doctorat          Homme
                        Femme

42             6 010
33            7 110

30           6 140
28           5 330

27           7 57
28         8 970

(a) En dollars constants de 1990

Source : Ross Finnie et Saul Schwartz, Student Loans in Canada. Past, Present and Future, Toronto Institut C.D. Howe, 1996.

Les ratios de la dette aux gains, indiqués au tableau 8, augmentent pour tous les types d’étudiants, la hausse la plus forte (environ le double) touchant ceux qui terminent leur baccalauréat. En outre, exception faite de ceux qui obtiennent un doctorat, la charge est plus lourde pour les femmes que pour les hommes, ce qui s’explique, étant donné que, comme nous l’avons vu plus haut, les hommes gagnent habituellement plus que les femmes. Il est à noter cependant que la charge diminue au fur et à mesure que le niveau des études augmente.

Tableau 8 – Ratio de la dette aux gains(a) (médiane)
1982, 1986 et 1990 (%)

Sexe

1982

1986

1990

Collège/CEGEP Homme
                          Femme

12
15

19
23

20
26

Baccalauréat      Homme
                          Femme

14
17

25
29

28
32

Maîtrise             Homme
                         Femme

13
15

18
17

19
24

Doctorat            Homme
                         Femme

9
10

12
  9

15
15

(a) Défini comme le montant que l’étudiant doit aux programmes de prêts, une fois son diplôme obtenu, divisé par les gains annuels à l’emploi qu’il détient au moment de la première entrevue.

Source : Ross Finnie et Saul Schwartz, Student Loans in Canada. Past, Present and Future, Toronto, Institut C.D. Howe, 1996.

Le tableau 9 présente les raisons données par les étudiants dans les entrevues pour expliquer leur difficulté de remboursement des prêts. Fait intéressant, l’ampleur de l’endettement ne semble pas être le facteur le plus important; c’est plutôt le chômage ou l’insuffisance des gains.

 

Tableau 9 – Motifs des difficultés de remboursement des prêts,
diplômés de 1986 (%)

Sexe

Chômage

Gains insuffisants

Fort endettement

Autres raisons

Collège/CEGEP   Homme
                            Femme

37
32

53
50

15
15

10
13

Baccalauréat       Homme
                          Femme

32
34

54
50

21
13

13
15

Maîtrise              Homme
                          Femme

36
34

47
46

17
21

11
11

Doctorat            Homme
                          Femme

25
a

28
a

38
a

13
a

(a) Observations trop peu nombreuses pour être inscrites

Nota : Données sur les personnes ayant encore une dette d’étudiant (auprès du gouvernement ou ailleurs) à la première entrevue, deux ans après l’obtention du diplôme. Les rangées peuvent totaliser plus de 100 p. 100, puisque certains ont pu donner plusieurs causes.

Source : Ross Finnie et Saul Schwartz, Student Loans in Canada. Past, Present and Future, Toronto, Institut C.D. Howe, 1996.

 

Une partie du problème de défaut de remboursement, dans le cadre de l’ancien PCPÉ, semble découler de certaines caractéristiques du programme (Finnie et Schwartz, 1996). Tout d’abord, le défaut de remboursement d’un prêt étudiant ne pouvait influer sur la cote de crédit de l’emprunteur, car la réglementation du programme interdisait la communication de cette information aux agences d’évaluation de crédit. Deuxièmement, le montant relativement faible de ces prêts, et le fait qu’ils portaient un taux d’intérêt inférieur au loyer de l’argent sur le marché n’incitaient pas les banques à insister pour se faire rembourser. Enfin, les conditions de remboursement étaient passablement rigides. La plupart des étudiants devaient s’en tenir à une période fixe de remboursement, et les paiements ne dépendaient que du montant de l’emprunt.

   B. Effets de l’endettement

Le tableau 10 présente les décisions en matière d’éducation prises par les étudiants après avoir obtenu leur premier et leur deuxième diplômes. Les chiffres montrent que ceux qui ont obtenu leur maîtrise au plus tard en 1988 avaient emprunté beaucoup moins au niveau du baccalauréat(1). La relation est semblable pour ceux qui ont obtenu une maîtrise au plus tard en 1991. (La situation n’est pas aussi nette pour ceux qui ont obtenu leur doctorat au plus tard en 1991, mais, comme Finnie et Schwartz (1996) l’ont signalé, comme ces personnes étaient moins nombreuses, la situation des étudiants qui ont obtenu leur doctorat au plus tard en 1988 est plus significative).

Finnie et Schwartz avancent trois raisons pour expliquer que ceux et celles qui ont poursuivi leurs études à un niveau supérieur ont emprunté moins que les autres aux étapes antérieures. Tout d’abord, les étudiants qui poursuivent les études sont généralement les meilleurs et ont donc de meilleures chances d’obtenir des bourses, ce qui réduit la demande et l’admissibilité aux prêts. Deuxièmement, les étudiants venant de familles aux revenus élevés ont moins besoin de prêts, ne devraient pas y être admissibles et ont de meilleures chances de poursuivre leurs études à un niveau plus avancé. Troisièmement, la crainte d’une dette accumulée très lourde peut avoir dissuadé certains de continuer leurs études à un niveau supérieur.

Tableau 10 – Emprunts et poursuite des études,
diplômés de 1986

Niveau des études

Sexe

Incidence (%)

Moyenne($)(a)

Diplômés du baccalauréat

Arrêt au baccalauréat(b)

Homme
Femme

44
39

7 970
7 920

Maîtrise reçue au plus tard en 1988

Homme
Femme

15
4

8 370
6 720

Maîtrise reçue au plus tard en 1991

Homme
Femme

24
25

6 610
7 330

Diplômés de la maîtrise

Arrêt à la maîtrise(b)

Homme
Femme

33
31

7 320
6 850

Doctorat reçu au plus tard en 1988

Homme
Femme

3
3

9 380
6 790

Doctorat reçu au plus tard en 1991

Homme
Femme

42
39

6 370
7 790

(a) En dollars constants de 1990

(b) Certains ont pu s’inscrire, mais n’ont pas obtenu un diplôme supérieur après l’obtention du diplôme en 1986.

Source : Ross Finnie et Saul Schwartz, Student Loans in Canada. Past, Present and Future, Toronto, Institut C.D. Howe, 1996.

   C. Solutions gouvernementales à l’endettement des étudiants canadiens

Depuis longtemps, des pressions s’exercent sur les gouvernements pour qu’ils trouvent une solution au problème de l’endettement des étudiants. Comme les politiques varient en fonction des programmes et du niveau de gouvernement, nous avons réparti les observations qui suivent en trois rubriques : Programme canadien de prêts étudiants (PCPÉ), Régime d'aide financière aux étudiantes et étudiants de l'Ontario (RAFÉO) et Programme de prêts et bourses du Québec.

      1. Programme canadien de prêts aux étudiants (PCPÉ)

Comme il a déjà été signalé, il existe dans le cadre de ce programme, pour les emprunteurs aux prises avec des difficultés financières, des dispositions d’allégement, portant sur les intérêts et le remboursement du capital et pouvant durer trois mois, pendant un maximum cumulatif de 30 mois au cours des cinq premières années de remboursement.

Le budget de 1998 contient des modifications au Programme canadien de prêts aux étudiants conçues pour venir en aide aux étudiants qui ont du mal à rembourser leur prêt à cause de leur situation financière. Ces modifications comprennent une exemption d’intérêts, un allongement de la période de remboursement, une prolongation de la période d’exemption d’intérêts, une réduction de la dette et d’autres mesures. Les mesures relatives à l’exemption d’intérêts sont entrées en vigueur en avril 1998; une personne peut gagner davantage et continuer d’avoir droit à une exemption d’intérêts grâce à un relèvement de 9 p. 100 du plafond de revenu qui détermine l’admissibilité à cette exemption. En outre, à partir de 1999, une exemption d’intérêts partielle sera offerte aux diplômés dont le revenu dépasse le plafond mais qui éprouvent des difficultés financières.

La période de remboursement sera portée à 15 ans pour les personnes qui auront eu droit à 30 mois d’exemption d’intérêts. Cette mesure réduira les mensualités de près de 25 p. 100 aux taux d’intérêt actuels. La période d’exemption d’intérêts sera elle aussi prolongée si, une fois la période de remboursement portée à 15 ans, le diplômé continue d’avoir des difficultés financières. Elle sera en effet portée de 30 à au plus 54 mois durant les cinq années suivant la fin des études.

Les rares personnes qui continueront d’être aux prises avec des difficultés financières en dépit de toutes ces mesures d’aide pourront bénéficier d’une certaine remise de dette. À partir de cette année, le gouvernement réduira le principal de leur dette si leurs paiements annuels dépassent, en moyenne, 15 p. 100 de leur revenu. La remise de dette maximale sera, selon le moindre des deux montants suivants : 10 000 $ ou 50 p. 100 du prêt. Pour avoir droit à cette aide, il faut que le particulier ait bénéficié de l’exemption d’intérêts pendant le nombre de mois maximum et qu’il ait terminé ses études depuis cinq ans.

Afin de veiller à ce que le Programme canadien de prêts aux étudiants puisse continuer d’offrir le maximum d’aide aux personnes qui en ont le plus besoin, le gouvernement prend des mesures pour s’assurer que les établissements d’enseignement et les étudiants respectent les principes qui sous-tendent le Programme :

  • des dispositions seront prises à l’égard des étudiants qui ont de très mauvais dossiers en matière de crédit;
  • des modifications seront proposées à la législation sur les faillites pour que les prêts aux étudiants demeurent remboursables après une faillite, jusqu’à 10 ans après la fin des études;
  • il y aura coopération avec les provinces en vue de resserrer les critères d’admissibilité des établissements d’enseignement;
  • les communications avec les étudiants seront améliorées.

Le gouvernement fédéral collaborera avec les provinces qui participent au Programme canadien de prêts aux étudiants en vue de mieux coordonner les programmes fédéral et provinciaux d’aide financière aux étudiants et d’offrir un mécanisme de prêt unique.

      2. Régime d’aide financière aux étudiantes et étudiants de l’Ontario (RAFÉO)

En février 1998, le ministère de l’Éducation et de la Formation a annoncé des modifications au Régime d’aide aux étudiantes et étudiants; ces modifications ont pour but de ramener le taux de défaut de paiement à moins de 10 p. 100 dans les cinq prochaines années. Les changements sont les suivants :

  • Le programme d’exonération de remboursement de prêt est remplacé par le Programme de subventions d’appui aux étudiantes et aux étudiants de l’Ontario. Les étudiants qui auront touché un prêt supérieur à 7 000 $ pour l’année recevront une subvention équivalant au montant dépassant 7 000 $ lorsqu’ils auront terminé leur année scolaire.

  • Les programmes d’aide aux étudiants seront assouplis puisque le rythme auquel les étudiants remboursent leurs prêts sera établi en fonction de leur revenu à la fin de leurs études. Le Ministère demande aux prêteurs d’offrir aux étudiants les choix suivants :
    - remboursement étalé sur une période plus longue (15 ans comparativement à un maximum
       actuel de neuf ans et demi);
    - mensualités plus faibles durant les premières années, lorsque les emprunteurs ont
      généralement un revenu assez faible;- paiement de l’intérêt seulement pendant au plus
      12 mois;
    - aide gouvernementale éventuelle pendant au plus 18 mois pour les étudiants à très faible
       revenu pour les aider à payer l’intérêt sur leurs prêts.

  • Les établissements d’enseignement postsecondaire dont le taux de carence de remboursement de prêts pour 1997 était supérieur d’au moins 15 p. 100 à la moyenne provinciale de 23,5 pour 100 devront payer une partie du coût des prêts non remboursés pour les programmes principalement concernés. Cette mesure entrera en vigueur avec les prêts accordés en 1998-1999. L’année suivante, la politique s’appliquera également aux établissements dont le taux de carence de remboursement de prêts est supérieur d’au moins 10 p. 100 à la moyenne provinciale.

  • Réduction de l’accès aux prêts. Les personnes qui demandent un prêt étudiant pour la première fois ne seront pas admissibles à un tel prêt si au cours des trois dernières années elles ont eu des arriérés de 90 jours pour au moins trois prêts personnels de 1 000 $ chacun ou plus. Les étudiants peuvent faire appel de la décision rendue s’ils peuvent prouver l’existence de circonstances exceptionnelles et montrer qu’ils seront certainement capables de rembourser leur prêt étudiant. On prévoit que cette mesure touchera environ 1 p. 100 des personnes demandant un prêt étudiant.

  • Les établissements d’enseignement postsecondaire seront tenus de fournir aux étudiants des renseignements sur les taux de réussite, les taux de placement et les taux de carence de remboursement de prêts pour leurs programmes. Les établissements qui ne le font pas à l’heure actuelle devront commencer d’ici septembre 1999 à recueillir des renseignements sur les taux de réussite et de placement.

  • L’Ontario pourrait éventuellement retenir les remboursements d’impôt sur le revenu des personnes ayant des prêts étudiants non remboursés et les affecter au remboursement de ces prêts. L’entrée en vigueur de cette mesure est assujettie à l’adoption des modifications à deux lois fédérales, la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi de l’impôt sur le revenu, qu’étudie le Parlement en ce moment.

  • Les collèges et les universités devront continuer à affecter une partie de leur subvention de fonctionnement à l’aide aux étudiants dans leurs établissements.

  • Dans le cadre du Fonds fiduciaire d’initiative pour les étudiantes et les étudiants de l’Ontario, on établit actuellement des fonds fiduciaires représentant une somme de près de 600 millions de dollars pour venir en aide aux étudiants des niveaux collégial et universitaire qui sont dans le besoin. On prévoit que ces fonds permettront d’aider 180 000 étudiants au cours des dix prochaines années. Le gouvernement continuera de fournir un montant équivalant aux dons versés dans les fonds fiduciaires des collèges jusqu’au 31 mars 1998.

  • Il sera tenu compte du revenu des parents dans le cas de tous les étudiants célibataires qui ont quitté l’école secondaire depuis cinq ans ou moins.

  • Les parents seront appelés à contribuer davantage aux coûts de l’éducation postsecondaire de leurs enfants avant que ceux-ci puissent avoir droit à un prêt étudiant.

  • Des droits de 10 $ seront exigés des étudiants présentant leur demande sur papier. Les demandes soumises par le biais du site Web du RAFÉO seront traitées gratuitement. La différence s’explique par le fait qu’il est plus coûteux de traiter une demande présentée sur papier que par électronique.

      3. Programme de prêts et bourses du Québec

Des modifications ont été apportées à la loi le 19 décembre 1997. Elles visent à aider le gouvernement à recouvrer une plus grande partie des recettes perdues qu’auparavant à aider les étudiants à gérer leur dette. Par suite des changements, le gouvernement :

  • ne couvrira plus les paiements d’intérêt durant les six mois qui suivent la fin des études et s’assurera que les coûts d’intérêt sont capitalisés (ajoutés au montant du prêt);

  • permettra aux établissements privés de rembourser aux institutions financières les montants excédentaires qu’ils ont reçus pour des étudiants qui ont quitté l’école durant l’année;

  • abolira le report du remboursement des prêts étudiants de certains groupes, à savoir les étudiants qui, à la fin de leurs études, doivent suivre un cours de formation professionnelle au Québec ou qui suivent un entraînement sportif reconnu par le ministère des Affaires municipales, et ceux qui font des études post-doctorales et qui ont des ressources financières suffisantes pour rembourser leurs dettes.

  • instituera un nouveau programme de remboursement des prêts étudiants en 1999-2000;

  • révisera les conditions de remboursement des montants en trop reçus par un étudiant sur la foi d’une fausse déclaration;

  • permettra au Ministre d’appliquer aux remboursements de montants perçus en trop un taux d’intérêt différent du taux d’intérêt légiféré pour les prêts étudiants;

  • simplifiera et accélérera le remboursement des montants reçus en trop.

QUESTIONS CONNEXES

Vu les augmentations récentes des droits de scolarité et la hausse de l’endettement qu’elle a entraînée, le financement des études universitaires est devenu une grande préoccupation. Des comités parlementaires ont étudié les problèmes de l’enseignement postsecondaire, des initiatives gouvernementales ont été annoncées dans ce domaine et des efforts ont été déployés pour trouver des solutions de rechange au régime actuel de financement des études universitaires.

   A. Rapports de comités 

En décembre 1997, deux comités ont présenté leurs rapports respectifs. Le premier de ces rapports, celui du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées, présidé par Reg Alcock, s’intitule Garantir l’accès : l’aide aux étudiants du niveau postsecondaire En voici les principales recommandations :

  • Établir un programme d’allégement des intérêts plus souple pendant la période critique de trois à cinq ans qui suit le départ de l’établissement d’enseignement postsecondaire (le programme doit tenir compte de l’endettement et de la capacité de payer).

  • Travailler avec les provinces qui participent au programme canadien des prêts étudiants afin de trouver un programme de réduction de la dette pour les emprunteurs qui ne sont pas en mesure d’honorer leurs obligations.

  • Offrir des subventions pour aider les étudiants de niveau postsecondaire dans leur première année d’étude dans des établissements reconnus.

  • Étudier les coûts qu’entraînerait la déductibilité aux fins d’impôt des intérêts sur les prêts étudiants (Toronto Star, 13 décembre 1997).

L’autre rapport a été présenté par le Comité sénatorial spécial de l’enseignement postsecondaire, présidé par le sénateur Bonnell. Il a fait les recommandations suivantes au gouvernement fédéral :

  • Adopter un modèle de prestation plus simple « un étudiant, un prêt » pour les gouvernements fédéral et provinciaux afin d’améliorer l’accès pour les étudiants dans le besoin et favoriser la mobilité entre les provinces ainsi qu’entre le Canada et d’autres pays.

  • Arrêter de parler de l’importance des études postsecondaires tout en pratiquant des compressions importantes dans les dépenses.

  • Travailler avec le Conseil des ministres de l’Éducation, organisme intergouvernemental qui regroupe les provinces et les territoires.

  • Donner aux étudiants plus de conseils et d’information sur la responsabilité qu’ils ont de rembourser leurs dettes aux deux niveaux de gouvernement.

  • Donner aux emprunteurs plus de souplesse dans le remboursement, qui serait fondé sur la capacité de payer.

  • Verser une subvention, payable à la banque qui détient le prêt, pour aider les emprunteurs à faible revenu qui ont des difficultés financières chroniques.

  • Permettre aux étudiants de faire du service communautaire pour rembourser leur prêt.
  • Permettre aux emprunteurs de déduire les intérêts payés sur les prêts étudiants de leur impôt sur le revenu, si bien que l’investissement dans le capital humain serait traité comme les immobilisations dans des biens matériels (Globe and Mail (Toronto), 18 décembre 1997).

   B. Le Budget de 1998

Les experts s’entendent pour dire que le budget de 1998 est consacré essentiellement à l’éducation. La Fondation canadienne des bourses d’études du millénaire, qui bénéficie d’une dotation de 2,5 millions de dollars, est l’investissement le plus important à cet égard. La Fondation, qui vise à récompenser l’excellence scolaire, accordera 100 000 bourses par année pendant 10 ans à partir de l’an 2000 afin d’aider des Canadiens à faible revenu et à revenu moyen à faire des études, à temps plein ou à temps partiel, dans une université ou un collège.

Il importe de signaler aussi d’autres mesures, notamment la Subvention canadienne pour l’épargne-études, l’augmentation du financement destiné aux trois conseils subventionnaires, la Subvention canadienne pour études et un allégement fiscal à l’égard de l’intérêt sur les prêts étudiants. La Subvention canadienne pour l’épargne-études profitera aux familles qui épargnent en vue des études de leurs enfants par le biais de régimes enregistrés d’épargne-études. L’augmentation des crédits destinés aux conseils subventionnaires servira à soutenir la recherche et les étudiants diplômés. La subvention canadienne pour études viendra en aide à plus de 25 000 étudiants nécessiteux qui ont des enfants ou d’autres personnes à charge grâce à des subventions pouvant aller jusqu’à 3 000 $. L’allégement fiscal à l’égard de l’intérêt sur les prêts étudiants permettra à tous les Canadiens de bénéficier d’un allégement fiscal à l’égard de l’intérêt qu’ils paient sur leurs prêts étudiants. À partir de cette année, les personnes concernées pourront réclamer un crédit d’impôt fédéral de 17 p. 100 sur la partie des remboursements de l’année qui correspond aux intérêts. Ce crédit s’appliquera aux paiements effectués relativement à des prêts consentis aux termes du programme fédéral de prêts aux étudiants ou d’un programme provincial. Comme le projet de loi d’exécution du budget n’a franchi que l’étape de la première lecture, des changements peuvent encore être apportés à ces lignes directrices.

   C. Programmes de remboursement en fonction du revenu

Au fur et à mesure que l’endettement des étudiants s’alourdit, le risque des défauts de remboursement augmente. Cela est particulièrement vrai dans le cas des étudiants qui ne trouvent pas d’emploi bien rémunéré à la fin de leurs études. Dans les prêts classiques, le débiteur doit payer chaque mois une partie du capital et les intérêts courus. Ce paiement peut représenter une très forte proportion du revenu mensuel du débiteur et parfois - si le débiteur ne trouve pas d’emploi après ses études ou est mis à pied - il peut ne pas avoir le revenu pour rembourser le prêt.

Une proposition consiste à lier directement le remboursement au revenu du débiteur. Il s’agit du programme de prêts remboursables en fonction du revenu (PRR). La proposition existe depuis des décennies, mais on semble la prendre plus au sérieux aujourd’hui.

Le PRR proposé peut prendre bien des formes, mais on retrouve toujours certains éléments communs. L’étudiant emprunte un certain montant et convient de verser une certaine proportion de son revenu futur pour rembourser le prêt (mettons 0,7 p. 100 pour chaque tranche 1 000 $ d’emprunt). La proportion dépend de plusieurs facteurs, comme la durée du prêt et la définition du revenu (avant impôt, après impôt ou montant au-delà d’un certain seuil arbitrairement fixé). La proportion de ce revenu, peu importe comment on le définit, est semblable à une un taux d’impôt; plusieurs propositions de PRR ont été avancées, qui utiliseraient le régime de l’impôt sur le revenu pour percevoir les remboursements.

La formule des PRR pourrait résoudre le problème des défauts de remboursement, sauf peut-être pour ceux qui quittent le pays ou la population active, mais elle suscite des préoccupations précises, dont les deux plus importantes sont liées entre elles : le risque d’une sélection adverse par les emprunteurs et l’autofinancement du programme.

Par sélection adverse, on veut dire que les étudiants qui s’attendent à un revenu relativement faible — par exemple ceux qui se spécialisent en français pour devenir poète — opteront pour la formule PRR, sachant que cela leur permettra de rembourser moins qu’avec la formule classique.

Selon certains, les régimes PRR pourraient s’autofinancer parce que ceux qui ont un revenu supérieur à la moyenne paieront assez pour compenser pour ceux qui ont des revenus inférieurs à la moyenne. Malheureusement, ces prévisions ne sauraient se réaliser, car ceux qui s’attendent de toucher des revenus relativement élevés (les médecins, par exemple), trouveront vraisemblablement d’autres moyens de financer leurs études. Ceux qui participeraient aux programmes PRR (les poètes et ceux qui s’attendent à des revenus relativement faibles) ne paieraient probablement pas assez pour que le programme s’autofinance, à moins que la proportion du revenu à rembourser ne soit fixée à un niveau très élevé.

Il est envisageable, néanmoins, d’élaborer un programme PRR qui, s’il ne s’autofinançait pas complètement, serait moins coûteux pour le gouvernement que l’actuel régime de prêts étudiants.

CONCLUSIONS

Les problèmes financiers des gouvernements ont eu des conséquences pour les universités canadiennes et leurs étudiants. Au niveau fédéral, les compressions pratiquées dans le Financement des programmes établis (FPÉ) et le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS) se sont traduites par des baisses de revenus pour les gouvernements provinciaux, baisses qui ont eu un retentissement dans des domaines financées par les provinces, dont l’éducation, bien entendu. Moins bien soutenues par l’État, les universités ont réagi par, entre autres, une augmentation des droits de scolarité. Les gouvernements provinciaux ont également réduit leurs dépenses directes pour les étudiants en remplaçant les subventions par des prêts.

La conséquence immédiate, pour les étudiants, a été une hausse des coûts des études universitaires. Ceux qui n’ont pas les ressources financières pour absorber ces coûts doivent se résoudre à un endettement plus lourd. Il est peu probable que, dans un proche avenir, ces tendances dans les finances universitaires se modifient.

Il est encore trop tôt pour cerner avec précision les effets des changements dans les finances des universités et le niveau d’endettement des étudiants (certaines des données disponibles sur l’endettement des étudiants remontent à la fin des années 80 ou au début des années 90 et ne reflètent donc pas la hausse récente des frais de scolarité); les décideurs politiques sont toutefois conscients des préoccupations des étudiants d’aujourd’hui. Les deux rapports récents de comités parlementaires ont mobilisé l’attention sur les problèmes discutés dans ces pages et elles devraient modeler la politique à venir du gouvernement, comme on peut déjà le constater dans le budget de 1998.

BIBLIOGRAPHIE

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Développement des ressources humaines Canada. « M. Lloyd Axworthy annonce des modifications importantes au Programme canadien de prêts aux étudiants ». Communiqué, 1er août 1995.

Fédération canadienne des étudiants. Pour un voie vers l’avenir : une stratégie pour le changement. Canada, 4e édition, 1997.

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Lewington, Jennifer. « Simplify Student Loans, Senate Panel Recommends ». Globe and Mail (Toronto), 18 décembre 1997.

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Ministère de l’Éducation et de la Formation de l’Ontario. « RAFÉO ». Site Internet : http://osap.gov.on.ca

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Treff, Karin et Ted Cook. Finances of the Nation. Canadian Tax Foundation, 1995.


(1) Il importe peu que les niveaux initiaux des prêts, au stade du baccalauréat, aient été plus élevés que ceux des étudiants qui ont poursuivi à la maîtrise. La proportion beaucoup plus faible de diplômés de maîtrise ayant des prêts signifie qu’un grand nombre d’entre eux ont commencé avec un endettement nul au deuxième cycle; autrement dit, ceux qui sont passés à la maîtrise ont accumulé des dettes moindres au niveau du baccalauréat.