BP-462F

RÈGLEMENT SUR LES MÉDICAMENTS BREVETÉS
(AVIS DE CONFORMITÉ) EN VERTU DE LA LOI
SUR LES BREVETS
: MODIFICATIONS DE 1998

 

Rédaction :
Margaret Smith
Division du droit et du gouvernement
Juillet 1998


 

TABLE DES MATIÈRES

 

LA LOI SUR LES BREVETS

LE RÈGLEMENT DE LIAISON

EXAMEN DE LA LOI DE 1992 MODIFIANT LA LOI SUR LES BREVETS

MODIFICATION DU RÈGLEMENT DE LIAISON

   A. Liste des brevets

   B. Avis d’allégation

   C. Divulgation/fardeau de la preuve

   D. Rejet d’une demande/dommages et intérêts

   E. Prohibition


 

RÉGLEMENT SUR LES MÉDICAMENTS BREVETÉS (AVIS DE CONFORMITÉ)
EN VERTU DE LA LOI SUR LES BREVETS : MODIFICATIONS DE 1998

 

 

LA LOI SUR LES BREVETS

Avant l’adoption de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets(1) (projet de loi C-91), la Loi canadienne sur les brevets permettait la délivrance de licences obligatoires(2) pour les brevets se rapportant à des produits pharmaceutiques. Cela permettait aux fabricants de médicaments génériques de produire et de vendre des copies de médicaments brevetés avant l’échéance des brevets en cause. La Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets a éliminé les licences obligatoires, protégeant ainsi les propriétaires de brevets pharmaceutiques contre la concurrence des fabricants de génériques jusqu’à l’échéance des brevets.

Le propriétaire d’un brevet à l’égard d’un produit a le droit exclusif de fabriquer, d’utiliser et de vendre le produit pendant une période définie. En vertu de la loi canadienne, la durée d’un brevet est de 20 ans à compter de la date à laquelle la demande de brevet a été déposée. Quiconque utilise un brevet ou fabrique un produit protégé par un brevet sans la permission du propriétaire du brevet et avant l’échéance du brevet s’expose à une action en contrefaçon de brevet.

Les paragraphes 55.2(1) et (2) de la Loi sur les brevets, tels qu’édictés par l’article 4 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, créent une exception à une action en contrefaçon en permettant aux fabricants de génériques d’utiliser un produit breveté à certaines fins avant l’échéance du brevet. Le paragraphe 55.2(1) stipule qu’il n’y a pas contrefaçon de brevet lorsque l’utilisation, la fabrication, la conception ou la vente d’une invention brevetée se justifie dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d’information qu’oblige à fournir une loi fédérale, provinciale ou étrangère réglementant la fabrication, la construction, l’utilisation ou la vente d’un produit (« travaux préalables »). Par conséquent, les fabricants de médicaments génériques peuvent mettre au point une copie générique d’un médicament breveté et prendre les mesures nécessaires pour satisfaire aux exigences du règlement quant à la vente du médicament avant l’échéance des brevets se rapportant au médicament breveté équivalent.

Le paragraphe 55.2(2) stipule qu’il n’y a pas contrefaçon de brevet si l’utilisation, la fabrication, la construction ou la vente d’une invention brevetée a eu lieu dans la période prévue par règlement et qu’elle a pour but la production et l’emmagasinage d’articles déterminés destinés à être vendus après la date d’expiration du brevet (« emmagasinage »)(3). Cela signifie qu’un fabricant peut utiliser l’invention d’un titulaire de brevet pour emmagasiner une copie générique d’un produit breveté avant l’échéance du brevet afin de vendre cette copie dès l’échéance du brevet. Sans cette disposition et le paragraphe 55.2(1), un titulaire de brevet pourrait empêcher un fabricant de produits génériques de fabriquer un produit breveté jusqu’à l’échéance du brevet. Une telle interdiction exclurait en fait le fabricant de génériques du marché pendant une période se prolongeant au-delà de l’échéance du brevet.

Ces dispositions ne donnent toutefois pas aux fabricants de génériques la pleine liberté d’utiliser un produit breveté. La Loi est claire : ils sont limités aux utilisations précisées aux paragraphes 55.2(1) et 55.2(2). Néanmoins, au moment du dépôt du projet de loi C-91 devant la Chambre des communes, les fabricants de médicaments brevetés ont dit craindre que les fabricants de génériques n’abusent de ces exceptions à la contrefaçon de brevet et commencent à vendre des génériques avant l’échéance des brevets en question. Dans une telle éventualité, il faudrait que les fabricants de médicaments brevetés intentent contre les fabricants de produits génériques une action en contrefaçon de brevet devant les tribunaux.

Le paragraphe 55.2(4) de la Loi sur les brevets a été adopté pour apaiser les craintes des fabricants de médicaments brevetés. Il permet au gouverneur en conseil de prendre des règlements afin d’empêcher la contrefaçon de brevet d’invention par les fabricants de médicaments génériques qui utilisent une invention brevetée au sens des paragraphes 55.1(1) et 55.2(2). Ces règlements peuvent notamment préciser :

  1. les conditions complémentaires nécessaires à la délivrance, en vertu des lois régissant un produit breveté, d’avis, de certificats ou de permis à quiconque n’est pas le titulaire du brevet;
  2. la première date à laquelle un avis, un certificat ou un permis peut être délivré à quelqu’un qui n’est pas le titulaire du brevet et à laquelle elle peut prendre effet;
  3. la méthode de règlement des litiges entre le titulaire du brevet et un fabricant de génériques, quant à la date à laquelle un avis, un certificat ou un permis peut être délivré ou prendre effet;
  4. le droit d’un titulaire de brevet d’intenter une action devant un tribunal concernant les litiges relatifs à la date d’entrée en vigueur d’un avis, d’un certificat ou d’un permis.


Avant qu’un nouveau médicament puisse être vendu à la population canadienne, le ministère de la Santé du Canada doit l’approuver. Le document qui fait foi de cette approbation (« avis de conformité ») certifie que le médicament satisfait aux normes d’innocuité, d’efficacité et de qualité requises.

Le paragraphe 55.2(4) vise essentiellement à s’assurer que le ministre de la Santé ne délivre pas un avis de conformité à un fabricant de médicaments génériques avant qu’il soit démontré que le médicament ne contrevient pas aux droits de brevet existants. En général, aucun avis de conformité n’est émis pour un médicament générique avant l’échéance du brevet ou des brevets visant le médicament breveté équivalent, ce qui permet d’éviter que la délivrance d’un avis de conformité soit liée à l’échéance d’un brevet.

LE RÈGLEMENT DE LIAISON

Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)(4) (Règlement de liaison) précise comment la délivrance d’un avis de conformité pour une version générique d’un médicament breveté est liée à l’échéance des droits de brevet. Le règlement stipule essentiellement que, à moins qu’un titulaire de brevet consente à la fabrication d’un médicament générique, que le brevet en question ne soit pas valide ou qu’il n’y ait pas eu violation de droits de brevet, le ministre ne peut délivrer un avis de conformité à un fabricant de génériques jusqu’à l’échéance du brevet.

En vertu du Règlement de liaison, les titulaires de brevet soumettent au ministre une liste des brevets canadiens se rapportant à un médicament particulier. Lorsqu’un fabricant de produits génériques fait une demande d’avis de conformité pour un produit générique, il doit faire état des brevets délivrés à l’égard du médicament breveté équivalent. En vertu de l’article 5 du Règlement de liaison, le fabricant de génériques doit :

  1. soit accepter que l’avis de conformité pour le médicament générique ne sera pas délivré avant l’expiration des brevets en question;
  2. soit alléguer que
  1. le breveté n’est pas propriétaire du brevet,
  2. le brevet est expiré,
  3. le brevet n’est pas valide,
  4. il n’y a pas contrefaçon de brevet.

 

Un fabricant de génériques qui fait une allégation visée ci-haut doit fournir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels il se fonde et signifier un avis d’allégation au breveté.

Dans les 45 jours suivant la signification d’un avis d’allégation, un breveté peut demander à un tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité pour le médicament générique avant l’expiration du brevet visé par l’allégation(5). Le Règlement de liaison prévoit, entre autres choses, que le ministre ne peut délivrer un avis de conformité à un fabricant de génériques dans les 30 mois suivant la demande d’ordonnance du breveté à moins que les parties aient convenu d’un règlement, que les brevets pertinents soient expirés ou que le tribunal ait rendu une ordonnance.

En vertu du Règlement de liaison, le tribunal peut ordonner à un breveté de dédommager le fabricant de génériques après échéance des brevets; toutefois, l’avis de conformité n’est délivré qu’après une certain délai.

Un élément litigieux du Règlement est le délai de 30 mois qui est imposé avant la délivrance d’un avis de conformité lorsqu’un breveté intente une poursuite devant les tribunaux.

EXAMEN DE LA LOI DE 1992 MODIFIANT LA LOI SUR LES BREVETS

L’article 14 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets prévoit un examen de la législation par un comité parlementaire quatre ans après la sanction royale de la Loi. Le Comité permanent de l’industrie et de la Chambre des communes a procédé à cet examen au début de 1997.

Le Règlement de liaison a donné lieu à un débat animé devant le Comité. L’Association canadienne de l’industrie du médicament, qui représente les fabricants de médicaments brevetés, a appuyé le Règlement, mais a proposé quelques modifications. Elle a fait valoir que les brevetés ne pouvaient pratiquement pas obtenir un redressement par injonction des tribunaux parce que les critères pour émettre une injonction sont difficiles à satisfaire. L’Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques, qui représente les fabricants de médicaments génériques, a demandé l’abrogation du Règlement de liaison. Elle a prétendu, entre autres choses, que la prohibition automatique de 30 mois de délivrer un avis de conformité équivalait à une injonction et qu’elle était donc injuste.

Le Comité a recommandé que le gouvernement jette un nouveau regard sur le régime réglementaire associé au projet de loi C-91(6).

MODIFICATION DU RÈGLEMENT DE LIAISON

Les modifications proposées au Règlement de liaison ont été publiées dans la Gazette du Canada, Partie I, le 24 janvier 1998. Il s’en est suivi une période de consultation de 30 jours. Par décret du gouverneur en conseil, les modifications au Règlement ont pris effet le 12 mars 1998(7).

Rien n’a été changé à l’ensemble des dispositions régissant la contrefaçon de brevet, les travaux préalables et l’emmagasinage. Les exceptions en matière de travaux préalables et d’emmagasinage par un fabricant de médicaments génériques, prévues dans la Loi sur les brevets, sont maintenues. Le lien est aussi maintenu entre l’approbation réglementaire d’une copie générique d’un médicament par Santé Canada et le statut des brevets se rapportant à la version brevetée du médicament.

Les modifications suivantes sont apportées au Règlement de liaison :

   A. Liste des brevets

Les fabricants d’un médicament générique se sont élevés contre la présence, dans la liste, de brevets qui ne sont pas pertinents à certains médicaments. Santé Canada avait institué une politique de vérification de la liste des brevets de procédé, mais son autorité en cette matière a été contestée. Les modifications accordent au ministre de la Santé le pouvoir de vérifier la liste des brevets soumis par leur titulaire à l’égard d’un médicament. Le ministre peut notamment refuser d’inclure ou d’exclure des renseignements qui ne satisfont pas aux exigences de la liste.

Les titulaires de brevets sont tenus de certifier que les brevets dont ils ont soumis la liste à l’égard d’un médicament se rapportent à la forme posologique, à la force et à la voie d’administration de ce médicament.

Les titulaires de brevets disposent encore d’un délai de 30 jours après la délivrance d’un brevet canadien pour ajouter des brevets nouvellement délivrés à la liste.

   B. Avis d’allégation

Les modifications exigent que les fabricants de médicaments génériques soient plus précis lorsqu’ils soumettent un avis d’allégation affirmant l’absence de contrefaçon. Lorsqu’un fabricant de médicaments génériques allègue que le médicament qu’il entend commercialiser ne constitue pas une contrefaçon d’un des brevets de la liste, il doit fournir une description de la forme posologique, de la force et de la voie d’administration du médicament.

Les modifications prévoient qu’un fabricant de médicaments génériques doit signifier aussi au titulaire de brevet un avis d’allégation relatif à une absence de contrefaçon au moment même où il dépose une demande d’approbation d’un avis de conformité à l’égard du médicament. Par conséquent, un fabricant de médicaments génériques ne peut signifier un avis d’allégation affirmant l’absence de contrefaçon d’un brevet s’il n’a pas d’abord déposé une demande d’approbation d’avis de conformité auprès du ministre de la Santé.

   C. Divulgation/fardeau de la preuve

Les modifications portent également sur la divulgation de renseignements. Le tribunal peut ordonner à un fabricant de médicaments génériques de produire des éléments de sa demande d’approbation d’un avis de conformité si ces éléments favorisent le règlement du litige. Ces documents doivent être traités confidentiellement.

Une autre modification définit le fardeau de la preuve en cas d’allégation d’absence de contrefaçon. Il incombe au fabricant qui souhaite produire une version générique d’un médicament protégé par un brevet et qui affirme ne pas contrefaire un brevet portant sur un produit par procédé de prouver qu’il n’y a pas contrefaçon de brevet.

   D. Rejet d’une demande d’ordonnance/dommages et intérêts

Les modifications au Règlement prévoient que le tribunal peut rejeter une demande d’ordonnance d’un titulaire de brevet visant à interdire au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité si :

  1. le tribunal juge que les brevets en question n’auraient pas dû figurer sur la liste ou ne se rapportent pas à la version du médicament pour lequel le fabricant de médicaments génériques a soumis une demande d’approbation d’avis de conformité; ou
  2. la demande est redondante, scandaleuse, frivole, vexatoire, ou qu’elle constitue un abus de procédure.

Le tribunal peut ordonner l’adjudication de dépens, y compris les honoraires professionnels. Il peut alors tenir compte de la diligence dont ont fait preuve les parties à l’égard de la demande, de l’inclusion d’un brevet pertinent dans la liste et du fait qu’un titulaire de brevet n’a pas tenu la liste des brevets à jour.

Les modifications élargissent et clarifient la disposition du Règlement concernant les dommages. Si le titulaire de brevet retire ou abandonne sa demande d’ordonnance visant à interdire au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité aux fabricants de médicaments génériques, si la demande est rejetée par le tribunal ou si l’ordonnance est accordée, mais rejetée en appel, le tribunal peut ordonner à un titulaire de brevet de dédommager un fabricant de médicaments génériques des pertes subies par ce dernier. Selon les circonstances, le tribunal peut ordonner un redressement pour dommages ou manque à gagner.

   E. Prohibition

La durée de prohibition qui empêche le ministre de délivrer un avis de conformité à un fabricant de médicaments génériques est ramenée de 30 à 24 mois.

Des changements ont été apportés aux critères sur lesquels le tribunal se fonde pour proroger ou écourter la prohibition. Le tribunal peut modifier la durée de 24 mois si les parties sont d’accord. Cette durée peut être écourtée si un titulaire de brevet ne collabore pas raisonnablement pour que sa demande soit traitée rapidement, et elle peut être prorogée si le fabricant de génériques en fait autant.

 


(1) Lois du Canada, 1993, chap. 2.

(2) Une licence obligatoire est une licence légale qui donne à son titulaire le droit de fabriquer, de vendre ou de distribuer une invention brevetée.

(3) DORS/93-34, 12 mars 1993, Gazette du Canada, Partie II, vol. 127, no 6, p. 1390. Le Règlement sur la protection et l’emmagasinage de médicaments brevetés stipule que la période prévue est la période de six mois qui précède immédiatement la date à laquelle expire le brevet.

(4) DORS/93-133, 12 mars 1993, Gazette du Canada, Partie II, vol. 127, no 6, p. 1383.

(5) Ibid., par. 6(1).

(6) Chambre des communes, Cinquième rapport du Comité permanent de l'industrie, Examen de l'article 14 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, p. 47.

(7) Règlement modifiant le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), Gazette du Canada, Partie II, vol. 132, no 7, DORS 98-166, 12 mars 1998.