BP-463F

 

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-EMPLOI:
LE PREMIER RAPPORT DE CONTRÔLE ET D'ÉVALUATION

 

Rédaction :
Kevin B. Kerr
Division de l'économie
Juin 1998


 

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ

CONTEXTE

IMPACT PRÉLIMINAIRE

 


LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-EMPLOI:
LE PREMIER RAPPORT DE CONTRÔLE ET D'ÉVALUATION

RÉSUMÉ

En vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, le Parlement doit présenter chaque année, jusqu’en l’an 2001, un rapport sur l’incidence de la réforme de l’assurance-chômage au Canada. Le gouvernement a déposé, le 12 février 1998, son premier rapport d’évaluation annuel sur le Régime d’assurance-emploi. Le peu de données disponibles n’a permis d’effectuer qu’une analyse préliminaire, mais l’information dont on dispose indique que la réforme a aidé à réduire les coûts du programme, renforcé l’incitation au travail et permis d’accorder l’aide à l’adaptation à un plus grand nombre de personnes, en dépit de la réduction des dépenses au titre des prestations d’emploi et des mesures de soutien. Ce premier rapport n’a pas fait état du surplus croissant dans le compte du Régime de l’assurance-emploi.

CONTEXTE(1)

La Loi sur l’assurance-emploi — la plus vaste réforme de l’assurance-chômage effectuée au Canada depuis plus de 20 ans — a été mise en oeuvre en deux étapes, dont l’une a débuté en juillet 1996 et l’autre en janvier 1997. L’assurance-emploi a conservé bon nombre des caractéristiques de son prédécesseur, l’assurance-chômage, mais elle y a également apporté d’importantes modifications. Les conditions d’admissibilité minimales continuent d’être inversement proportionnelles aux taux de chômage régionaux, mais aujourd’hui la couverture commence dès la première heure travaillée et les conditions d’admissibilité minimales sont fondées sur les heures et non sur les semaines de travail assurable. Les personnes qui commettent une ou plusieurs infractions en vertu de la Loi peuvent voir leur nombre d’heures de travail requis augmenter, au maximum de 100 p. 100. Les conditions d’admissibilité des nouveaux venus sur le marché du travail et des personnes qui réintègrent la population active ont été relevées et sont passées d’un équivalent horaire de 700 heures à un équivalent de 910 heures.

La formule de calcul de la rémunération hebdomadaire à laquelle on applique le taux de prestations est à la base d’une des plus importantes réformes de l’assurance-emploi; elle vise à inciter les gens à travailler plus longtemps. En vertu de la réforme, la moyenne des gains assurables hebdomadaires est calculée au moyen du plus élevé des deux dénominateurs suivants : le nombre de semaines durant lesquelles le prestataire a touché des gains assurables durant la période de référence ou le plus faible dénominateur contenu dans le tableau figurant au paragraphe 14(2) de la Loi(2). Une version quelque peu modifiée du recours antérieur au régime, appelée la règle de l’intensité, sert également à encourager les gens à travailler plus longtemps. En vertu de cette disposition, le taux de prestation que touchent les prestataires varie de 55 à 50 p. 100, diminuant à mesure qu’augmente le nombre de semaines de prestations touchées durant une période de cinq ans. Cette réforme réduit également la durée maximale des prestations, la ramenant de 50 à 45 semaines.

Sur le plan de la redistribution du revenu, les prestataires à faible revenu ayant des enfants sont admissibles à un supplément au revenu familial. Les prestataires à faible revenu ont également le droit de gagner le plus élevé des deux montants suivants avant que leurs prestations hebdomadaires ne commencent à être réduites : 50 $ par semaine ou 25 p. 100 des prestations d’assurance-emploi. Par contre, les salariés à revenu élevé sont assujettis à des dispositions de remboursement des prestations beaucoup plus strictes et ne jouissent d’aucune augmentation des prestations hebdomadaires puisque le maximum des gains assurables annuels est fixé à 39 000 $ (alors qu’il était auparavant de 43 940 $) jusqu’à l’an 2000.

En vertu du nouveau processus d’établissement des taux de cotisation, le compte du Régime d’assurance-emploi peut générer un surplus cumulatif indéterminé afin qu’il existe un revenu suffisant pour couvrir les coûts de l’assurance-emploi et stabiliser le taux de cotisation durant un cycle conjoncturel. En plus d’enrichir les éléments « actifs » de soutien pour les chômeurs admissibles, la réforme de l’assurance-emploi cherche à harmoniser les dépenses fédérales-provinciales-territoriales en matière de mesures d’aide à l’adaptation au travail et à réduire les chevauchements de programmes et les dédoublements administratifs. Des 11 ententes signées jusqu’à maintenant (l’Ontario n’en a pas encore signé une), plus de la moitié accordent à la province ou au territoire la responsabilité de concevoir et de livrer les prestations d’emploi et les mesures de soutien.

IMPACT PRÉLIMINAIRE

Les dépenses au titre du Régime d’assurance-emploi ont diminué considérablement au cours des 12 premiers mois de la réforme, ce qui n’est pas étonnant étant donné la baisse du nombre de nouvelles demandes, l’introduction du plus faible dénominateur et la réduction des prestations hebdomadaires maximales. Entre juillet 1995 et juin 1996 et entre juillet 1996 et juin 1997, les dépenses pour toutes les prestations ont diminué, passant d’environ 13 à 11,5 milliards de dollars (11,5 p. 100)(3); les dépenses au titre des prestations régulières (sauf celles versées en vertu de la Partie II (mesures actives) de la Loi) ont baissé de 8,4 p. 100 et les dépenses consacrées aux mesures actives d’assurance-emploi ont diminué de 30 p. 100(4).

Les nouvelles conditions d’admissibilité sont entrées en vigueur en deux étapes, soit en juillet 1996 et en janvier 1997. Le nombre de nouvelles demandes a chuté de 149 000 entre la dernière moitié de 1995 et la dernière moitié de 1996 et il a diminué encore, de 169 000, entre la première moitié de 1996 et la première moitié de 1997. Après la réforme, le ratio des nouvelles demandes au nombre total de chômeurs a diminué, passant de 0,87 à 0,72 entre la seconde moitié de 1995 et la seconde moitié de 1996, et de 0,63 à 0,51 entre la première moitié de 1996 et la première moitié de 1997. Une tendance semblable, présentée au graphique 1, se manifeste quant au ratio du nombre de prestataires réguliers (P) au nombre de chômeurs (C).

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Développement des ressources humaines Canada est en train d’effectuer une étude sur la raison de la baisse récente et constante de ce ratio. Plusieurs facteurs contribuent sans doute à cette tendance, par exemple le fait que les données sur les populations couvertes par le numérateur et le dénominateur sont maintenant moins compatibles en partie à cause de l’augmentation des emplois non typiques (particulièrement le travail autonome), la persistance du chômage et les nombreux changements apportés afin de resserrer les conditions d’admissibilité à l’assurance-emploi/chômage depuis le début de la décennie.

Environ la moitié de la diminution des nouvelles demandes enregistrées entre la seconde moitié de 1995 et la seconde moitié de 1996 et le tiers de la diminution observée entre la première moitié de 1996 et la première moitié de 1997 sont attribuables au plus petit nombre de clients ayant entre 20 et 25 semaines de travail assurable. C’est la catégorie la plus touchée par l’élévation des conditions d’admissibilité des nouveaux venus sur le marché du travail et des personnes qui réintègrent la population active. Il semblerait par ailleurs qu’une partie des nouveaux venus et des personnes qui réintègrent la population active ait été en mesure de répondre aux nouvelles conditions d’admissibilité; le nombre de nouvelles demandes parmi les personnes ayant de 26 à 30 semaines d’emploi assurable a cru de 7,5 p. 100 entre la seconde moitié de 1995 et la seconde moitié de 1996, et de 3,5 p. 100 entre la première moitié de 1996 et la première moitié de 1997. C’est la seule catégorie de prestataires où l’on observe une augmentation du nombre des nouvelles demandes durant ces périodes(5).

Le graphique 2 illustre bien que la plus importante baisse relative du nombre des nouvelles demandes s’est produite dans les Prairies entre la dernière moitié de 1995 et la dernière moitié de 1996 et, en Ontario et dans les Prairies, entre la première moitié de 1996 et la première moitié de 1997. Cette tendance reflète notamment l’amélioration relative des conditions du marché du travail dans les Prairies et en Ontario pendant cette période; en effet le chômage dans les Prairies a diminué d’environ 9 p. 100 entre la seconde moitié de 1995 et la seconde moitié de 1996 et d’environ 12 p. 100 entre la première moitié de 1996 et la première moitié de 1997, tandis que l’Ontario a constaté une baisse du chômage de 1 p. 100 entre la première moitié de 1996 et la première moitié de 1997.

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Le montant moyen des prestations hebdomadaires auxquelles avaient droit les nouveaux clients a diminué dans toutes les régions entre la seconde moitié de 1995 et la seconde moitié de 1996; pendant cette période, le montant moyen des prestations hebdomadaires à l’échelle nationale a glissé, passant de 282 à 275 $. Entre la première moitié de 1996 et la première moitié de 1997, le montant n’a pas changé et est resté à 277 $ pour l’ensemble du pays; cependant, il a baissé légèrement dans les provinces de l’Atlantique et au Québec et augmenté un peu dans les provinces des Prairies(6). Le supplément au revenu familial offert aux termes du Régime d’assurance-emploi fournit aux prestataires admissibles un meilleur complément de revenu, comme il était prévu; les versements hebdomadaires sont à peu près deux fois ce qu’ils étaient avant la réforme.

Il est étonnant de constater que l’introduction d’un dénominateur minimum pour les fins du calcul de la moyenne de la rémunération hebdomadaire ne semble pas avoir eu beaucoup d’impact, tout au moins jusqu’à maintenant. En fait, entre la seconde moitié de 1995 et la seconde moitié de 1996, on constate que le pourcentage de demandes comptant deux semaines assurées de plus que le minimum exigé a augmenté de 50 p. 100 au niveau national. Ce signe d’allongement de la durée du travail s’est cependant beaucoup dissipé entre la première moitié de 1996 et la première moitié de 1997 dans toutes les régions, sauf dans les Prairies.

Comme nous l’avons déjà souligné, un des principaux objectifs de la réforme de l’assurance-emploi consistait à améliorer les éléments actifs du système canadien de soutien du revenu des chômeurs. Manifestement, cet objectif n’a pas été atteint, du moins au cours des 12 premiers mois de la réforme, puisque les dépenses globales au chapitre des prestations d’emploi et des mesures de soutien (PEMS) ont diminué de 30 p. 100(7). Au niveau régional, les dépenses au titre de la Partie II ont diminué durant cette période selon les pourcentages suivants : 33,7 p. 100 dans l’Atlantique; 45,7 p. 100 au Québec; 19,5 p. 100 en Ontario; 28,9 p. 100 dans les Prairies; et 11,7 p. 100 en Colombie-Britannique. Malgré la réduction des dépenses, on a constaté une augmentation de 32 p. 100 des chômeurs servis en vertu de la Partie II de la Loi pendant les 12 premiers mois qui ont suivi la réforme, en comparaison avec les 12 mois qui l’ont précédée. Le graphique 3 montre que la répartition des clients jouissant des prestations d’emploi et des mesures de soutien a changé considérablement entre la période de juillet 1995 à juin 1996 et celle de juillet 1996 à juin 1997. Bien que les données du graphique 3 ne le montrent pas clairement, pratiquement la totalité de l’augmentation de la clientèle servie pendant cette période est attribuable à un glissement vers les mesures d’intervention à court terme. Cet apparent désintéressement pour les interventions conçues pour remédier au problème du chômage structurel pourrait, s’il se poursuit, compromettre l’efficacité des mesures d’aide à l’adaptation prévues dans le Régime d’assurance-emploi.

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L’objectif visé à l’égard des participants de la Partie II consistait à aboutir à 35 p. 100 d’anciens prestataires et 65 p. 100 de prestataires courants; on ne peut juger s’il a été atteint car la répartition de la clientèle n’est pas encore connue. Les données concernant la distribution des clients des groupes cibles avant et après la réforme sont incomplètes, mais les résultats préliminaires dénotent peu de changements mis à part une baisse éventuelle de deux points du pourcentage des clients autochtones.

Malheureusement, le peu de données disponibles empêchent d’effectuer une évaluation plus complète de l’incidence de la réforme du Régime d’assurance-emploi au cours de la première année. Il semble toutefois que l’on ait respecté l’objectif budgétaire de la réforme, qui était de réduire les coûts de 10 p. 100. Les données préliminaires révèlent également que la réforme a renforcé l’incitation au travail : le nombre de prestataires ayant travaillé plus d’heures que le minimum exigé a augmenté et la réduction des prestations hebdomadaires a été moins élevée que prévu. Il est trop tôt pour évaluer adéquatement les répercussions du Régime d’assurance-emploi sur les individus, les communautés et l’économie, comme l’exige l’article 3 de la Loi, mais une évaluation plus complète est prévue pour le prochain rapport. L’on disposera alors des éléments suivants : des données administratives et des résultats de sondages; les résultats d’une analyse exhaustive de la diminution du ratio P/C; une évaluation préliminaire des accords de développement du marché du travail; et les résultats de plusieurs études d’évaluation en cours pour cerner, par exemple, l’impact du Régime d’assurance-emploi sur la suppression d’emplois, le comportement lors de la cessation d’emploi et la répartition des heures de travail.

 


(1) Le lecteur trouvera une étude approfondie de l’ensemble de la réforme dans le document suivant : M. Hurley et K. Kerr, Projet de loi C-12 : Loi concernant l’assurance-emploi au Canada, LS-237F, Bibliothèque du Parlement, 8 mars 1996.

(2) On s’est vite rendu compte que la formule retenue décourage les gens de travailler au-delà du nombre de semaines correspondant au plus petit dénominateur. Nombre de projets sont en voie de réalisation pour trouver la meilleure façon de corriger ce problème.

(3) Le nombre de personnes passant du statut de salarié à celui de chômeur a également diminué durant cette période, ce qui a aussi contribué à la baisse des coûts du programme.

(4) En vertu de la réforme de l’assurance-emploi, quelque 40 p. 100 des économies réalisées devaient être réaffectées aux prestations d’emploi et aux mesures de soutien, mais les dépenses réelles engagées aux termes de la Partie II sont passées de 1,7 milliard de dollars pour la période de juillet 1995 à juin 1996 à 1,2 milliard pour la période de juillet 1996 à juin 1997. Selon le Rapport de contrôle et d’évaluation du Régime d’assurance-emploi de 1997, la diminution imprévue des dépenses au chapitre de la Partie II est en partie attribuable à la période de transition requise pour la mise en oeuvre des nouvelles mesures. Il semble que les dépenses aient repris au niveau prévu et que le total des dépenses pour les mesures de la Partie II en 1997-1998 dépasse celui enregistré en 1996-1997.

(5) Ce résultat préliminaire contredit les chiffres contenus dans l’analyse d’impact soumise par Développement des ressources humaines Canada pendant que le Comité étudiait le projet de loi sur l’assurance-emploi. D’après cette analyse, 90 000 travailleurs environ deviendraient admissibles à des prestations en raison de l’élimination des conditions minimales d’assurabilité et de la mise en oeuvre des conditions d’admissibilité fondées sur les heures de travail. On s’attendait à ce que le même nombre de travailleurs deviennent inadmissibles du fait de l’application des conditions d’admissibilité fondées sur les heures et de l’imposition de conditions d’admissibilité plus exigeantes pour les nouveaux venus sur le marché du travail et les personnes qui réintègrent la population active. On pensait donc que les changements touchant les conditions d’admissibilité auraient des répercussions sur la distribution des prestataires mais très peu sur le nombre global de prestataires.

(6) Dans le cas des prestations spéciales, le paiement hebdomadaire moyen est passé de 290 à 267 $ entre la seconde moitié de 1995 et la seconde moitié de 1996, et de 286 à 280 $ entre la première moitié de 1996 et la première moitié de 1997. Il est plutôt étonnant que l’ampleur de la baisse soit plus prononcée que pour les prestations régulières, étant donné que la règle de l’intensité ne s’applique pas aux prestations spéciales et que l’effet du dénominateur minimum est négligeable.

(7) Cette sous-utilisation des fonds a été attribuée à la période de transition. Les dépenses ont maintenant repris au niveau prévu et elles devraient atteindre 1,75 milliard de dollars en 1997-1998 et 1,95 milliard de dollars en 1998-1999.