BP-465F

 

UN RÉSEAU ROUTIER NATIONAL

 

Rédaction :
John Christopher
Division des sciences et de la technologie
Septembre 1998


TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

PRINCIPAUX RÉSULTATS ET RECOMMANDATIONS
DE L’ÉTUDE SUR LA PNR

   A. Phase un - Identification du réseau routier

   B. Phase deux - Coût de l’amélioration du réseau routier

   C. Phase trois - Appel de commentaires et examen de l’expérience étrangère

   D. Phase quatre - Financement et partage des coûts

FAITS SURVENUS ENTRE 1992 ET 1995

RAPPORT DU COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS
DE LA CHAMBRE DES COMMUNES DE 1977

   A. Statu quo

   B. Taxe spéciale

   C. Partenariats État-secteur privé

CONCLUSION


UN RÉSEAU ROUTIER NATIONAL

 

INTRODUCTION

En 1987, le Comité de direction de l’Association des transports du Canada (ATC) a recommandé que les 10 provinces et les deux territoires se joignent au gouvernement du Canada pour envisager l’adoption d’une politique nationale sur les routes (PNR) prévoyant l’établissement d’un réseau routier national désigné. Plus tard cette année-là, le Conseil des ministres responsables des transports et de la sécurité routière convenait de créer et de parrainer une étude sur une politique nationale sur les routes qui :

  • établirait les besoins futurs et définirait les normes du réseau routier principal du Canada;

  • établirait les avantages et les coûts d’un tel réseau; et

  • présenterait des modes de financement originaux pour répondre à ces coûts, dans la perspective de recommander l’adoption de la politique par les gouvernements.

Voici les grands objectifs de l’étude sur la politique nationale sur les routes :

  • faire en sorte que toutes les régions du Canada disposent d’un service de transport routier acceptable, sécuritaire, efficace et équivalent qui réponde aux besoins du commerce et du tourisme interprovincial et international et favorise la compétitivité économique du Canada;

  • rendre les normes cohérentes, exigeantes et uniformes pour les grandes routes d’importance nationale au Canada; et

  • faire en sorte que tous les niveaux de gouvernement exigent et appuient un réseau routier national en cette période de croissance des besoins de transport régional. Pour atteindre ces objectifs généraux, on a fixé trois buts correspondant à trois phases :

  • l’adoption de critères pour déterminer quelles routes répondent aux besoins nationaux;

  • l’adoption de normes minimales de conception, d’exploitation et d’utilisation; et

  • la mise en place d’un ou de mécanisme(s) de financement d’un réseau routier national.

PRINCIPAUX RÉSULTATS ET RECOMMANDATIONS DE L’ÉTUDE SUR LA PNR

L’étude, divisée en quatre phases, a eu lieu de 1988 à 1992.

   A. Phase un - Identification du réseau routier

Voici les critères qui ont été utilisés pour déterminer quelles routes devraient faire partie d’un réseau routier national :

  • une route nationale est une route existante qui sert au transport interprovincial des personnes et des biens; elle relie un centre provincial important par sa population ou son activité commerciale, aussi directement que possible, avec :

  • un autre centre provincial d’importance démographique ou commerciale,

  • un autre centre d’importance démographique ou commerciale d’une province ou d’un territoire voisin,

  • un point d’accès important aux États-Unis, ou

  • un autre mode de transport directement accessible (p. ex., un traversier).

Ces critères ont servi à repérer les routes d’un réseau national de 25 000 km, qui servirait au transport sécuritaire et efficace des gens et des biens d’une région à l’autre au Canada.

Cette phase a également servi à établir les normes minimales suivantes en ce qui a trait à la conception et à l’exploitation du réseau :

  • normes de conception géométrique — route rurale non divisée à deux voies, ayant des accotements complets, une bande asphaltée d’au moins 0,8 m sur l’accotement, et une vitesse de conception (vitesse de base) de 100 km/h;

  • normes de conception géométrique maximales — route rurale divisée à quatre voies (à accès limité) avec une vitesse de conception de 130 km/h;

  • fonctionnalité — vitesse minimale normale de 90 km/h;

  • résistance de la structure — route toutes saisons, sans limite de charge saisonnière, capable de répondre aux normes nationales de poids et de dimensions des véhicules;

  • confort — indice de confort de 6,0 ou plus, ou l’équivalent en vertu d’autres systèmes de mesure.

L’application de ces critères a révélé que 38 p. 100 du réseau est déficient. En outre, 75 p. 100 du réseau routier national identifié se compose de routes asphaltées à deux voies et 790 des 3 534 ponts et viaducs qui en font partie ont besoin d’un renforcement ou d’une réfection majeurs.

   B. Phase deux — Coût de l’amélioration du réseau routier

La deuxième phase de l’étude a servi à évaluer les coûts de l’amélioration du réseau routier pour qu’il réponde aux normes de conception et d’exploitation retenues. On a envisagé deux options au moment de l’évaluation.

L’option A consistait à corriger les lacunes déterminées et à établir à quelle réfection il faudrait procéder, là où c’est nécessaire, afin d’en arriver au minimum à une route asphaltée à deux voies et au maximum à une route divisée à quatre voies. Le coût de cette option a été évalué à 13 milliards de dollars.

L’option B ajoutait à l’option A le parachèvement d’une route divisée de quatre voies à travers tout le Canada. Le coût de cette option a été évalué à 18 milliards de dollars.

On a également procédé à une analyse des revenus et des dépenses en matière de routes durant la période allant de 1983 à 1988. En voici les résultats :

  • les dépenses fédérales, provinciales et territoriales consacrées aux routes ont été au total de 24,4 milliards de dollars;

  • les revenus liés aux routes ont totalisé 30,9 milliards de dollars;

  • les taxes fédérales et provinciales sur l’essence comptaient pour 90 p. 100 des revenus tirés des routes;

  • les revenus tirés de la taxe provinciale sur le carburant sont demeurés relativement constants au cours des cinq années de l’étude;

  • les dépenses annuelles d’immobilisation dans le réseau sont demeurées constantes à 600 millions de dollars;

  • le coût d’entretien annuel du réseau a été en moyenne de 280 millions de dollars.

En outre, on a procédé à des études visant l’impact économique des travaux destinés à corriger les défauts des routes et celui des avantages de l’amélioration du réseau pour les usagers, ainsi que l’impact environnemental prévu des travaux. Voici les principaux résultats de ces études :

  • sur une période de travaux de 10 ans, l’emploi dans la construction des routes et dans les secteurs connexes augmenterait de 146 000 années-personnes si l’option A était adoptée et de 205 000 années-personnes si l’option B était retenue;

  • l’économie croîtrait;

  • l’accès au marché et la compétitivité s’amélioreraient, au profit de l’industrie canadienne, à la fois dans les axes est-ouest et nord-sud;

  • il y aurait augmentation du tourisme;

  • les utilisateurs des routes de toutes les régions du pays tireraient des avantages des travaux, y compris une diminution du coût d’exploitation des véhicules de 360 millions de dollars par année, une diminution du temps de déplacement de 46 millions de personnes-heures par année, une réduction de 4 p. 100 des décès (160) dans les accidents routiers, et une réduction du nombre des blessés (de 2 300); et

  • les impacts sociaux et environnementaux seraient minimes, puisque la construction se ferait essentiellement sur les emprises existantes.

   C. Phase trois — Appel de commentaires et examen de l’expérience étrangère

En général, les utilisateurs et les intervenants ont appuyé sans réserve la politique nationale sur les routes; l’impact et les avantages d’un réseau routier amélioré ont été jugés raisonnables ou sous-estimés. En outre, le concept de l’utilisateur payeur a généralement été appuyé, à condition que toutes les taxes provenant actuellement de l’utilisation des routes soient appliquées aux besoins routiers et que toute nouvelle taxe de ce type aille également à l’entretien du réseau.

L’examen de la situation à l’étranger a révélé que le Canada est le seul État fédéral qui n’a pas de politique nationale sur les routes ni de programme de grands liens routiers, et qu’il est à peu près le seul où le gouvernement national n’intervient pas dans une infrastructure routière nationale. Parmi les autres résultats, signalons les suivants :

  • le Canada traîne derrière tous les autres États fédéraux (États-Unis, Allemagne et Australie) pour la part de revenus générés par les routes et dépensés à l’appui du réseau routier national;

  • le niveau des dépenses du Canada en immobilisation dans l’infrastructure routière et en entretien de celle-ci est parmi les plus faibles de ceux des pays de l’OCDE;

  • les dépenses annuelles du Canada par km de route sont parmi les plus faibles de celles des pays développés examinés. Dans le contexte du commerce nord-américain, les États-Unis ont traditionnellement dépensé six fois plus par km, pour leurs autoroutes inter-États, que le Canada pour les routes inter-provinciales.

   D. Phase quatre — Financement et partage des coûts

Pendant cette phase, on a mis l’accent sur les moyens de financer le réseau de façon durable et sur la formule de partage des coûts entre le gouvernement fédéral et gouvernement provincial ou territorial concerné. Il a été recommandé que :

  • le gouvernement fédéral établisse un fonds routier national égal aux revenus générés à l’échelle du pays par une taxe de deux cents le litre sur le carburant routier;

  • le fonds soit attribué selon deux composantes :

  • l’allocation de base ( 80 p. 100 du fonds) serait mise à la disposition de la province ou du territoire au pro rata du carburant routier utilisé dans la province ou le territoire (l’allocation annuelle des fonds demeurerait disponible pendant quatre ans, après quoi elle serait versée à l’allocation commune);

  • l’allocation commune ( 20 p. 100 du fonds) serait mise à la disposition de la province ou du territoire pour des travaux proposés, une fois l’allocation de base épuisée.

  • le coût des projets entrepris avec des fonds fédéraux à partir de l’allocation de base soit partagé entre le fédéral et la province ou le territoire dans une proportion de 65/35 p. 100.

  • le coût des projets entrepris avec des fonds fédéraux à partir de l’allocation commune soit partagé entre le fédéral et la province ou le territoire dans une proportion de 90/10 p. 100.

  • un montant égal à la moitié de 1 p. 100 du coût total des travaux d’immobilisation financés par l’allocation de base soit consacré à des travaux de recherche communs sur la qualité de la conception, de la construction, de l’entretien et de l’exploitation du réseau.

En outre, durant cette quatrième phase, on a cherché à s’entendre sur plusieurs questions techniques liées au démarrage de la politique et du programme de coopération à l’échelle nationale. On s’est entendu sur les points suivants :

  • la priorisation des besoins identifiés du réseau, à partir des critères de sécurité, de force structurale, d’utilisation et de développement économique, de compétitivité et de productivité;

  • des normes détaillées de conception et d’entretien pour les routes du réseau, couvrant des aspects comme la conception géométrique, les ponts et les viaducs, les dispositifs de contrôle du trafic et les haltes routières; et

  • le détail des dépenses admissibles au programme à coûts partagés des travaux d’immobilisation et connexes, compte tenu du fait que l’acquisition et l’entretien de l’emprise seraient défrayés par la province ou le territoire.

FAITS SURVENUS ENTRE 1992 ET 1995

L’étude sur la politique nationale sur les routes a constitué le fondement d’un consensus fédéral-provincial remarquable sur divers aspects des routes constituant le réseau routier national, y compris leur état, les travaux requis pour les amener à une norme minimale convenue d’efficacité, le coût de ces travaux et les avantages résultant de tels travaux. La seule question qui demeurait, et elle est de taille, consistait à convenir de la façon de financer le réseau et de partager les coûts entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires.

Des discussions ont suivi entre le ministre des Transports et les provinces et territoires pour en arriver à une entente sur ces deux questions. Ces points ont cependant été négligés parce que le fédéral et les provinces ont fait des efforts pour mettre de l’ordre dans leurs finances. Après des négociations marathon tenues à l’automne de 1994, le gouvernement fédéral a conclu le mois suivant que le consensus était insuffisant pour qu’il s’engage dans le programme routier national proposé dans le cadre de l’étude.

En mars 1995, Transports Canada a lancé le projet spécial d’infrastructure pour évaluer l’impact sur la compétitivité et la productivité du réseau routier canadien et étudier la justification économique d’une politique fédérale sur les routes et d’une participation du gouvernement fédéral à l’infrastructure routière. Le projet mettait simplement à jour les résultats de l’étude sur la politique nationale sur les routes.

En août 1995, à leur conférence annuelle, les premiers ministres ont exhorté le gouvernement fédéral à entreprendre des négociations avec les provinces et les territoires afin de mettre en oeuvre une politique nationale sur les routes coordonnée le plus tôt possible, laquelle serait dotée d’un financement fédéral approprié provenant des enveloppes existantes.

En septembre 1995, la Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Canada a exhorté le ministre des Finances à inclure dans le budget de 1996 une augmentation de la taxe sur l’essence, qui aurait été destinée au financement du programme routier national.

RAPPORT DU COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS
DE LA CHAMBRE DES COMMUNES DE 1977

Au printemps 1996, le Comité permanent des transports a entrepris l’étude du renouvellement du réseau routier national. Après examen de toutes les études antérieures, il a conclu, dans son rapport de février 1997, que la question n’était pas de savoir s’il fallait renouveler les routes, mais bien de savoir comment payer pour cette nécessité. Le Comité a examiné trois modes de financement : le statu quo, une taxe spéciale et le recours aux partenariats État-secteur privé.

   A. Statu quo

Le Comité s’est dit d’avis que le statu quo, en vertu duquel le gouvernement fédéral finance la réfection des routes par des ententes bilatérales fédérales-provinciales à la pièce, n’offre pas de mode de planification national cohérent pour la remise en état des routes canadiennes. Le Comité a donc rejeté cette option.

   B. Taxe spéciale

Cette option pour financer le renouvellement des routes, appuyée par de nombreux intervenants, consisterait à établir, à partir des revenus actuels de la taxe sur l’essence, une taxe spéciale qui serait versée dans un fonds pour les routes. Font obstacle à cette solution la question de la dette publique et l’hésitation des ministres des Finances à imposer des taxes spéciales. Le Comité a cependant remarqué qu’une fois la dette publique sous contrôle, un financement spécial à long terme pourrait constituer une option viable.

   C. Partenariats État-secteur privé

Étant donné les inconvénients des deux autres options, le Comité a envisagé d’autres mécanismes de financement. Il s’est senti l’obligation de dépasser de l’approche traditionnelle et d’envisager comment le secteur privé élabore un actif et l’utilise pendant la totalité de sa vie utile. Le Comité en est arrivé à la conclusion que les partenariats État-secteur privé pourraient être un élément clé d’une stratégie nationale en vue du renouvellement du réseau routier.

Le modèle du partenariat État-secteur privé permet toute une gamme de modes de financement, y compris l’investissement de l’État au départ, l’adoption de péages classiques et l’adoption de péages fantômes, à l’anglaise, modèle dans lequel le gouvernement verse au secteur privé une somme qui est fonction du nombre de véhicules utilisant la route. L’ingrédient essentiel du succès de ces partenariats est la façon dont le risque est partagé entre l’État et le partenaire privé et géré. La politique britannique consiste à optimiser le transfert du risque au secteur privé et à démontrer au public et au vérificateur du gouvernement que cette solution est nettement supérieure au monopole de l’État.

Pour y arriver, les Britanniques utilisent une méthode analytique d’évaluation du risque, le Modèle de comparaison avec le secteur public. Ce modèle compare ce qu’il en coûterait à l’État d’assumer tous les coûts d’une route avec ce qu’il en coûte de verser à un partenaire privé de l’argent par le biais des péages fantômes pendant toute la vie de la route. À ce jour, l’expérience britannique révèle que la participation du secteur privé entraîne une réduction du coût de l’infrastructure routière de l’ordre de 25 p. 100.

Comme les partenariats État-secteur privé sont relativement nouveaux au Canada, il n’y a pas de directives nationales sur leur utilisation. Le Comité a affirmé qu’un cadre de pratiques, de conditions et de méthodes standard est nécessaire au calcul coûts-avantages, à l’établissement des priorités et à l’évaluation du risque. Avec ce cadre, les partenariats État-secteur privé deviendraient réalisables et valables. Le Comité a également souligné que, pour que ces partenariats réussissent, le fédéral doit y engager à long terme, de façon sûre et viable des fonds destinés à la réfection et à l’entretien du réseau routier national.

À cette fin, le Comité a donc recommandé que le gouvernement fédéral s’engage en ce sens. Il a également recommandé que, de concert avec les provinces et les territoires, le fédéral encourage les partenariats État-secteur privé et crée un groupe de travail sur cette question, dont le mandat serait d’élaborer un modèle pour la réfection et l’entretien de l’infrastructure routière au Canada.

CONCLUSION

Par le passé, en particulier pendant la première moitié du siècle, le gouvernement fédéral a contribué au développement et à la construction de segments du réseau routier canadien en aidant les provinces. La route transcanadienne s’est construite, à l’origine, avec un financement partagé de façon égale entre le gouvernement fédéral et les provinces, sauf dans certaines parties des provinces de l’Atlantique et de la Colombie-Britannique, où la part du fédéral a été majorée. Depuis le parachèvement de la route en 1971, le gouvernement fédéral n’a joué aucun rôle dans un éventuel réseau routier national. Il a certes fourni une aide limitée à des régions pour des travaux routiers admissibles à diverses ententes fédérales-provinciales de développement économique régional et à des programmes routiers à coût partagé, mais ces ententes et programmes étaient modestes et de courte durée.

Le Canada a besoin d’une politique nationale sur les routes pour le XXIe siècle afin de construire et d’entretenir ses routes. La question qui se pose est la suivante : comment payer les coûts? Le Comité a signalé qu’il existait un consensus de plus en plus grand parmi les intervenants : l’approche la plus réaliste serait la mise en oeuvre de partenariats État-secteur privé dans lesquels le gouvernement fédéral jouerait un rôle dominant en fournissant à long terme une source sûre de fonds.