BP-56F
LE DÉPUTÉ FÉDÉRAL : SES FONCTIONS
Rédaction : TABLE DES MATIÈRES LE DÉPUTÉ FÉDÉRAL : SES FONCTIONS Dans le présent document, nous indiquons dans leurs grandes lignes les principales fonctions du député, soit la représentation, la fonction législative, la surveillance et la légitimation. Nous examinons limportance théorique de chacune delles ainsi que la façon dont les députés sen acquittent dans la pratique. À lexpression « membre du Parlement », qui désigne les membres de la Chambre des communes ou du Sénat, on préférera le terme « député », qui fait uniquement référence aux membres de la Chambre des communes. Le premier rôle du député est évidemment de représenter ses électeurs. Chaque député représente lune des 301 circonscriptions du pays. On ne sait pas au juste si, en sa qualité de représentant du peuple, un député devrait idéalement interpréter lopinion publique et même aller jusquà la façonner, ou se borner plutôt à transmettre le point de vue de ses électeurs aux gouvernants. Les partisans de ce rôle de « délégué » soutiennent que, dans la mesure du possible, lexercice de la souveraineté sied mieux à ceux qui en sont les véritables dépositaires (le peuple). Dans la 35e législature, cette opinion est fermement défendue par les députés du Parti réformiste. Ainsi, lors dune conférence parlementaire, Diane Ablonczy a déclaré ce qui suit :
Pourtant, malgré lattrait quelle présente aux yeux des démocrates scrupuleux, de nombreuses autorités soutiennent que cette conception de la fonction de représentation du député est inadéquate pour de nombreuses raisons. Elle nie le caractère pluraliste de la société canadienne. La plupart des circonscriptions sont hétérogènes sur les plans politique, économique et social; il arrive donc souvent quun député soit élu sans avoir obtenu la majorité absolue des votes des électeurs de sa circonscription. Compte tenu de la multitude de questions que doivent traiter les députés, souvent de façon urgente, il leur est impossible de consulter leurs électeurs sur tout. La notion de « député délégué » présume que le Parlement nest rien dautre que la somme de ses parties, quune arène où saffrontent des factions rivales; elle assimile lintérêt national à un simple amalgame dintérêts divergents. Même si la question na pas été définitivement tranchée, on peut affirmer sans présomption que de nombreux députés croient quils doivent non seulement réagir à lopinion publique, mais aussi sefforcer de linterpréter et de la façonner. Lancien premier ministre de la Nouvelle-Écosse et chef de lopposition officielle, M. Robert Stanfield, a déjà affirmé que les députés devaient « devancer lopinion publique dans certaine mesure »(2). Bon nombre de députés soutiennent quils ont non seulement le droit, mais aussi, ce qui est plus important, le devoir déclairer lopinion publique en constante évolution. En effet, si on leur refuse ce rôle, les députés tombent au rang de simples opportunistes politiques, situation qui porte atteinte tant à lintégrité morale de chacun quà la dignité du Parlement. Donc, en général, les députés dépassent les préoccupations à courte vue de leur localité et de leur région pour privilégier un intérêt national plus vaste. Par conséquent, le Parlement quils servent collectivement est plus que la somme de ses parties. Le philosophe britannique Edmund Burke a écrit :
Le député représente ses électeurs de multiples façons. Il fait valoir leur point de vue à la Chambre des communes et propose des mesures en leur nom. En prenant part au processus législatif, il permet à ses électeurs de jouer au moins un rôle indirect dans lélaboration de mesures importantes qui les touchent directement. Il peut aussi obtenir la parole pour faire une brève déclaration sur le sujet de son choix immédiatement avant la période réservée aux questions, aux termes de larticle 31 du Règlement. Le député peut intervenir durant la période des questions dans lespoir dinciter un ministre à modifier ses politiques ou à en mettre en place qui soient plus conformes aux vues de ses électeurs. Il peut aussi intercéder directement auprès des ministres en leur écrivant ou de façon plus directe. Un député peut aussi proposer ladoption dun projet de loi au cours de la période consacrée aux initiatives parlementaires. Même sil est dintérêt public, un projet de loi dinitiative parlementaire est parrainé par un simple député et ne fait donc pas partie de lensemble des mesures législatives proposées par le gouvernement. Avant le 24 février 1986, en raison de la procédure régissant leur étude, la plupart des projets de loi dinitiative parlementaire ne parvenaient jamais à létape de la deuxième lecture, et leur dépôt servait avant tout à faire connaître certaines questions et à inciter le gouvernement à prendre des mesures. Selon la procédure actuelle, au moins quelques-uns des projets de loi dinitiative parlementaire sont tout à fait susceptibles dêtre adoptés, en plus de conserver leurs fonctions antérieures. Le simple député peut aussi présenter un avis de motion dans le but damorcer un débat sur la politique gouvernementale en général ou dexpliquer le point de vue de ses électeurs. Grâce à des modifications apportées à la procédure au cours de la dernière décennie, les députés sont plus à même de sacquitter de leur fonction de représentation au sein des comités de la Chambre. Les membres des comités législatifs (le Règlement de la Chambre prévoit de tels comités, mais ces dispositions nont pas été utilisées durant la première session de la 35e législature, de 1993 à 1995) ainsi que les membres des comités permanents peuvent participer à létude détaillée, article par article, des projets de loi ayant franchi létape de la deuxième lecture. Au sein des comités permanents, les députés peuvent participer à lexamen des nominations par décret et des prévisions de dépenses, énoncés de politique et plans des ministères, ainsi quà la réalisation détudes et denquêtes. En comité, comme leur nombre est délibérément restreint et que les règles de procédure sont plus souples, les députés peuvent intervenir librement et fréquemment et interroger des témoins (notamment des ministres et des hauts fonctionnaires) dans lespoir dinfluer la politique éventuelle du gouvernement. Les députés peuvent aussi tenter dinciter leurs collègues de parti à adopter des positions et des orientations politiques définies sinscrivant dans la ligne de pensée de leur électorat. Mis à part les conversations informelles entre députés dun même parti, le lieu privilégié de ces exercices de persuasion interne est le caucus du parti. Réunis à huis clos, les députés ont le loisir dessayer dinfluencer la position de leur parti sur des questions données dans un sens qui leur convient, et partant, qui convient à leurs électeurs. En outre, les députés dune même province ou dune même région peuvent sunir pour faire front commun ou former un genre de caucus régional dans le but de mieux faire connaître les préoccupations de leur région. Par ailleurs, les députés peuvent tenter dinfluer sur la ligne adoptée par leur parti sur diverses questions en recourant à lopinion publique. Les députés sont conscients de limportance de la publicité et les journalistes en quête dinformations cultivent les politiciens, ce qui fait deux des alliés naturels. Le député astucieux peut tourner cette délicate relation à lavantage de ses électeurs et de son parti. Un autre aspect important de la fonction de représentation du député est ce que lon appelle son rôle d« ombudsman ». Aux prises avec des problèmes concernant le gouvernement fédéral et ses ministères, les électeurs font souvent appel à leur député. Il est rare quil se passe une journée sans quun député consciencieux reçoive des appels téléphoniques et une vingtaine de lettres de ses électeurs lui demandant de discuter avec les fonctionnaires ou les ministres de problèmes ayant trait à lassurance-chômage, au bien-être social, à lagriculture, à la justice, aux pensions de retraite, à limmigration ou à des problèmes financiers. Lintervention du député peut souvent produire les résultats escomptés ou faire accélérer les choses. Tout jugement réaliste sur la fonction de représentation des députés doit tenir compte, cependant, des impératifs partisans auxquels ils sont soumis. Comme de nombreux députés doivent leur succès électoral à leur parti politique, ils sont parfois obligés de sacrifier certains intérêts de leurs électeurs à la discipline du parti. Les députés perçoivent le parti comme un instrument servant à la fois à promouvoir des objectifs politiques communs et à mobiliser lappui de la population lors des élections. Quant au parti, il offre aux députés qui cherchent à se faire réélire lappui administratif et financier dune imposante machine électorale. Au Canada, les partis exigent la loyauté de leurs députés et ne se gênent pas pour laisser tomber les dissidents. Bien entendu, lefficacité avec laquelle les députés représentent leurs électeurs dépend largement de leur position à la Chambre. Ainsi, en tant que membres de lexécutif, les ministres du Cabinet sont les mieux placés pour sassurer que lon tient dûment compte des intérêts de leurs électeurs dans lélaboration de la politique gouvernementale. Écartés du processus immédiat délaboration de la politique gouvernementale, le simple député doit, pour se faire entendre au sein des grands organes de prise de décision, rivaliser avec les fonctionnaires, les groupes de pression et les autres députés. Sa voix nen est souvent quune parmi tant dautres. En outre, il na pas les ressources dont disposent les ministres désireux de faire valoir leurs vues. Paradoxalement, on peut affirmer que les députés de lopposition ont les mains plus libres que les ministériels pour représenter leurs électeurs. Parce que le gouvernement est souvent appelé à rendre des décisions impopulaires, il est plus important pour les députés du parti au pouvoir que pour leurs collègues de lopposition dafficher leur solidarité. Si le parti au pouvoir peut créer une impression de solidarité, il réussira plus facilement à convaincre le public que les décisions quil a prises sont les bonnes, quel que soit leur degré dimpopularité. De plus, les aspirations de carrière des députés ministériels peuvent limiter quelque peu léventail des questions sur lesquelles ils choisissent de prendre position et la vigueur de leurs interventions. Il se peut que les députés ministériels hésitent davantage que les autres à critiquer publiquement le gouvernement pour défendre les intérêts de leurs électeurs, mais ils exercent en privé une plus grande influence. Ainsi, les ministres et les membres de leur cabinet seront plus enclins à écouter leurs doléances, et le caucus ministériel peut être mis à profit pour faire stopper la machine gouvernementale ou pour laiguillonner. Même lorsquil souligne le rôle que peut jouer le caucus pour faire respecter la discipline de parti, Marc MacGuigan admet « quune forte opposition du caucus à une mesure gouvernementale équivaut à un veto absolu sur cette mesure »(4). Les simples députés ne jouent quun rôle indirect dans le processus législatif. À son âge dor, le Parlement était le principal dépositaire de linitiative législative, mais aujourdhui, le rôle législatif du Parlement et des députés ne consiste généralement plus à élaborer des mesures, mais à les améliorer. Le fardeau du processus législatif repose en grande partie sur le gouvernement, mais, si fort que soit celui-ci, il a besoin de lappui de ses députés. Même les députés les plus loyaux envers leur parti peuvent ne pas aimer quon présume deux, et ils peuvent le monter en sabstenant de voter sur des questions controversées ou chargées démotivité. Par ailleurs, les députés ont la possibilité de faire modifier les projets de loi en troquant leur appui contre un amendement. Dans un gouvernement minoritaire, les députés peuvent ainsi avoir un pouvoir considérable. Les députés ont également le loisir dexercer une influence directe sur la teneur des projets de loi au sein des comités de la Chambre. Par exemple, létude des prévisions budgétaires des ministères leur offre loccasion de critiquer, voire de modifier les affectations de crédits. En effet, les règles concernant les comités autorisent les députés à accepter, à réviser à la baisse ou même à rejeter purement et simplement les propositions budgétaires gouvernementales, ce qui confère aux membres des comités le rôle de législateurs en puissance. Le fait quon dise familièrement que les comités parlementaires « tiennent les cordons de la bourse » confirme dailleurs leur influence sur la politique des dépenses du gouvernement. En plus détudier les prévisions budgétaires des ministères, les députés ont également la possibilité dintervenir directement dans le processus législatif au sein dun comité, durant lexamen détaillé qui suit normalement la deuxième lecture dun projet de loi. À cette occasion, un député peut essayer de convaincre ses collègues que certains changements sont souhaitables en raison des incohérences ou des lacunes éventuelles quil perçoit dans le projet de loi. Les modifications apportées aux règles de la Chambre ont en outre élargi les pouvoirs des comités et du même coup renforcé les responsabilités législatives des députés. Le gouvernement peut dorénavant renvoyer un projet de loi à un comité avant la deuxième lecture - celle de ladoption de son principe - et ainsi permettre aux membres du comité de proposer un éventail damendements beaucoup plus large quauparavant. On peut aussi demander aux comités de mener une enquête sur une question ou encore de rédiger et de présenter un projet de loi. Le moyen le plus direct dont dispose un député pour « légiférer » est sans doute de parrainer un projet de loi dinitiative parlementaire. Les cinq heures hebdomadaires consacrées à létude des projets de loi présentés par les simples députés offrent à ceux-ci loccasion de se porter à la défense de causes qui présentent une importance ou un intérêt particulier à leurs yeux et, parfois, de réussir à faire adopter une loi. Toutefois, lessentiel de linfluence législative du simple député sexerce probablement de façon indirecte. Les discours quil prononce pendant un débat sur une mesure gouvernementale ou les questions quil pose durant la période des questions quotidienne visent à persuader le Cabinet de se rallier à son point de vue. Le caucus du parti peut également lui servir de tribune pour influencer indirectement la politique gouvernementale. Les simples députés peuvent également tenter dinfluence en privé les auteurs de la politique gouvernementale. Ils peuvent téléphoner, écrire ou parler à des ministres et à des fonctionnaires haut placés pour leur exposer leurs préoccupations, dans lespoir de persuader le gouvernement dapporter des changements à des lois existantes ou projetées. Enfin, les députés peuvent influer indirectement sur la politique du gouvernement en recourant aux médias. Dans la mesure où elle est couronnée de succès, une campagne publique dappui à une option politique différente de celle du gouvernement peut réussir à susciter dans lopinion une vague de mécontentement à légard dune loi en vigueur ou proposée. Toutefois, cette interprétation théorique du rôle du député doit être nuancée. Par exemple, la discipline de parti circonscrit considérablement le champ dinfluence des simples députés. Comme un ancien député la fait remarquer en 1978 :
Le nombre de votes libres tenus à la Chambre est peut-être plus élevé de nos jours, mais rien na vraiment changé depuis que ces mots ont été prononcés. Les députés ministériels sont peu enclins à enfreindre la discipline de parti et à voter contre le gouvernement. Quant aux partis dopposition, ils sont soucieux de présenter une image dunité et voient dun mauvais oeil les écarts publics des députés dissidents. Le Parlement est un instrument imparfait. Les députés doivent accomplir un travail exigeant pour le compte de milliers délecteurs, tout en étant astreints à des horaires très chargés. Il serait donc naïf de croire que leurs fonctions législatives donnent toujours lieu à un exercice exaltant de lart du gouvernement. Le député apprend à utiliser les mécanismes parlementaires afin de tirer le maximum de résultats dun système qui repose nécessairement sur le compromis. Les comités, bancs dessai précieux permettant de connaître les réactions de la population et des spécialistes face aux mesures projetées, en sont un exemple. Sils risquent peu daller à lencontre des objectifs du gouvernement, ils constituent néanmoins un antidote utile contre le poison du secret bureaucratique et exécutif. Dans un régime parlementaire, la liberté daction de lexécutif est nécessairement limitée par sa responsabilité envers lassemblée législative, qui sexprime notamment dans le principe traditionnel de la responsabilité ministérielle, tant individuelle que collective. Pour protéger les citoyens contre larbitraire éventuel du gouvernement et leur garantir quon fait bon usage des deniers publics, le Parlement doit examiner de près lactivité gouvernementale, responsabilité qui est habituellement assumée par les partis dopposition. Lexamen des dépenses gouvernementales est par conséquent un élément essentiel de la fonction de surveillance des députés. Ils sen acquittent de diverses façons, notamment par lexamen des prévisions de dépenses des ministères au sein des comités. Ils peuvent interroger des ministres et des hauts fonctionnaires au sujet des projets de dépenses des ministères. Lorsque les membres dun comité jugent que les dépenses proposées sont excessives, ils peuvent exiger dans leur rapport la réduction ou la suppression de postes de dépenses particuliers. Les députés jouent également un rôle de surveillance important après que le vérificateur général a déposé à la Chambre des communes son rapport annuel et dautres rapports sur les dépenses du gouvernement. Mettant à profit les exemples de gaspillage et dincurie quil a signalés, les députés font souvent beaucoup de battage autour de ses critiques tout en y ajoutant les leurs à la Chambre des communes, devant les comités de la Chambre et dans les médias. On procède à un examen plus poussé de la politique budgétaire du gouvernement lors du débat sur le budget, qui consiste en quatre jours (par nécessairement consécutifs) de discussions sur la politique fiscale et financière du gouvernement après lexposé budgétaire présenté à la Chambre par le ministre des Finances. Étant donné que les règles de procédure sont assouplies pendant le débat sur le budget, les députés peuvent sexprimer plus librement quen dautres circonstances pour interroger le gouvernement au sujet de sa politique budgétaire. Un autre débat spécial - qui ne porte toutefois pas exclusivement sur des questions budgétaires - fait suite au discours du trône dans lequel le gouvernement expose les principales initiatives législatives quil entend prendre au cours de la session parlementaire qui souvre. Ce débat dure six jours consécutifs pendant lesquels les députés peuvent contester le programme législatif annoncé par le gouvernement. En plus des débats sur le budget et sur le discours du trône, les partis dopposition disposent de 20 « jours désignés » au cours desquels ils peuvent débattre nimporte quel aspect des prévisions de dépenses du gouvernement. Ces 20 jours, divisés en trois périodes, étaient dabord destinés à indemniser les partis dopposition pour le temps de débat quils avaient perdu à lissue de la grande réorganisation de la procédure relative aux subsides et de labolition du Comité des subsides en 1968. En théorie, cet instrument de contrôle a dautant plus de poids que des motions de défiance, contestant laptitude du gouvernement à continuer à diriger le pays, peuvent être présentées à huit occasions au cours de lannée parlementaire. Comme les députés sont autorisés à présenter trois motions de ce genre au cours de chaque période détude des subsides, il sagit là dune menace perpétuelle pour le parti au pouvoir. Les comités de la Chambre des communes sont un autre instance qui permet aux députés de suivre de près les activités du gouvernement. Aux termes de larticle 108 du Règlement, les comités permanents sont investis de vastes pouvoirs de surveillance, dont celui de convoquer des témoins et dexiger la production de documents et de dossiers et, avec certaines exceptions, celui de faire une étude et de présenter un rapport sur toute questions relative aux lois, à la politique, aux plans de dépenses à long terme ou à la gestion des ministères qui leur sont confiés. Ils sont aussi explicitement investis du pouvoir dexaminer les nominations par décret. De même, les comités législatifs peuvent, lorsquils sont constitués, convoquer des représentants des ministères et dautres témoins experts et exiger la production de documents et de dossiers, au cours de leur examen des lois dont ils sont saisis. Tant dans les comités législatifs que dans les comités permanents, les députés sont en mesure de mener un examen éclairé des lois et de lactivité du gouvernement. La tribune la plus spectaculaire pour lexercice de la fonction de surveillance est la période des questions quotidienne. Cependant, dans les quelques minutes qui précèdent immédiatement la période des questions, les députés ont le loisir de condamner laction ou linaction gouvernementale en prononçant, en vertu de larticle 31 du Règlement, une déclaration sur une question importante à leurs yeux et aux yeux de leurs électeurs. Pendant la période des questions elle-même, les députés peuvent interroger des ministres au sujet de cas possibles de mauvaise gestion des deniers publics ou de tout impair apparemment commis par le gouvernement. La capacité des députés de « contrôler » le gouvernement a ses limites. Les députés peuvent difficilement passer au crible les prévisions de dépenses du gouvernement lorsquils ne possèdent pas les connaissances techniques requises ou quils font face à des programmes de dépenses complexes. Les comités de la Chambre qui étudient les prévisions budgétaires ne sont autorités quà approuver les crédits ou à proposer la réduction de certains dentre eux et ils ne peuvent modifier les priorités du gouvernement. Ces comités ont des échéanciers à respecter : ils doivent faire rapport au plus tard le 31 mai de lannée financière, sinon ils sont simplement « réputés » avoir déposé un rapport. La dernière fonction quexerce le député est une fonction de légitimation. Aucun régime politique, hormis la dictature, ne peut survivre longtemps sans le soutien des citoyens. À moins quil ne soit jugé légitime par le peuple, un régime est fondamentalement instable. Dans un pays démocratique comme le Canada, les citoyens respectent les lois parce quelles sont issues dun système politique quils appuient et quils considèrent comme juste. Parce que les dissidents reconnaissent un processus législatif que lensemble des citoyens considèrent comme légitime, ils se plient (habituellement) volontiers au voeu de la majorité, par respect pour le régime politique en place. Selon le dicton juridique, il faut non seulement que justice soit faite mais que les gens voient quelle est faite. De même, le pouvoir doit être exercé au vu et au su de tous. Les députés jouent un rôle important quand il sagit de faire valoir la légitimité du processus politique. Dans la mesure où les Canadiens estiment que leurs intérêts sont véritablement représentés à la Chambre des communes et que le gouvernement en tient compte dans la formulation de ses lois, ils tendent à considérer la Chambre comme lorgane légitime délaboration de la politique de lÉtat ainsi quà reconnaître la légitimité des lois du gouvernement. Le vote constitue pour le député un autre moyen de légitimer le processus politique. De même, la participation des députés à la période des questions, aux débats de la Chambre et aux délibérations des comités atteste de leur foi fondamentale dans le processus politique. Toutefois, il arrive à loccasion que les partis fassent de la « politicaillerie » à propos de questions dintérêt public délicates, ce qui suscite le cynisme de la population envers le processus politique et ses participants. Au Canada, la longue tradition dune discipline de parti rigoureuse peut faire obstacle à une discussion sérieuse des questions importantes au sein des divers partis politiques. Les députés ministériels peuvent se sentir obligés dappuyer unanimement les initiatives du gouvernement, initiatives que les partis de lopposition se sentent tout aussi obligés de dénoncer. Lorsque la position des députés sur des questions importantes est déterminée à lavance par la discipline du parti, leur crédibilité en tant que partisans ou adversaires sérieux de mesures précises peut être compromise. Le ton souvent acrimonieux des débats à la Chambre des communes peut aussi nuire au prestige des députés, ceux-ci étant parfois tentés de « jouer pour la galerie », exagérant de ce fait la tension apparente des débats. Les députés remplissent de nombreuses fonctions. Théoriquement du moins, ils doivent représenter leurs électeurs et défendre les citoyens, prononcer des discours et adopter des lois, établir des politiques et surveiller le gouvernement et la fonction publique, ainsi quêtre loyal à leur parti et sensible aux besoins des membres de leur famille. En réalité, ils sont des êtres humains qui ne peuvent espérer pouvoir remplir toutes ces fonctions en même temps. Comme la déclaré Marc MacGuigan, un député darrière-ban ambitieux et orienté vers laction, les exigences parlementaires sont « considérables » et les problèmes à régler dans la circonscription « presque illimités ». Il a indiqué que son emploi du temps était très chargé et laissait peu de place à létude et à la réflexion :
Pour réussir à long terme, les députés doivent parvenir à établir un équilibre entre leur vie personnelle, leur action au sein du parti et leurs fonctions parlementaires. Il leur faudra donc décider laquelle de leurs fonctions parlementaires ils privilégieront. Un grand nombre décident de se concentrer sur la représentation de leurs électeurs parce que ce rôle de « défenseur des citoyens » peut leur procurer non seulement une certaine satisfaction politique, mais aussi la plus grande satisfaction personnelle. Dautres se sont fait élire dans lespoir de mettre en oeuvre certains objectifs politiques et législatifs. Les modifications à la procédure suivie à la Chambre qui ont été apportées au cours des 30 dernières années, et en particulier durant les 10 dernières, ont mis à la disposition des parlementaires un grand nombre de nouveaux outils afin de leur permettre dexercer une influence.
(1) « La réforme parlementaire : comment en assurer le bon fonctionnement », Groupe canadien détude des questions parlementaires, Conférence, 13 mai 1994, Ottawa, p. 35. (2) Robert Stanfield, « Les hauts et les bas de larrière-ban », Revue parlementaire canadienne, vol. 4, no 3, automne, 1981, p. 16. (3) Edmund Burke, The Works of the Right Honourable Edmund Burke, Henry Rogers (éd.), vol. 1, Londres, Samuel Holdsworth, 1842, p. 180 (traduction). (4) Cité dans Robert J. Jackson et Doreen Jackson, Politics in Canada, 3e édition, Prentice Hall (Canada), 1994, p. 347 (traduction). (5) John Reid, « The Backbencher and the Discharge of Legislative Responsibilities », procès-verbal de la National Conference on the Legislative Process, Université de Victoria, 31 mars-1er avril 1978 (traduction). (6) Cité dans Jackson et Jackson, p. 350. |