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PRB 00-29F
L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE
AU CANADA :
Rédaction :
TABLE DES MATIÈRES DÉFINITION ET TENDANCES DE LAGRICULTURE BIOLOGIQUE CANADIENNE C. Les normes de production biologique D. Les tendances de lagriculture biologique au Canada MESURES GOUVERNEMENTALES EN FAVEUR DE LAGRICULTURE BIOLOGIQUE A. Une politique spécifique pour lagriculture biologique UN MODÈLE À SUIVRE POUR UNE AGRICULTURE DURABLE? L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE AU
CANADA : Longtemps limitée à de petits groupes de producteurs, de transformateurs et de consommateurs, lagriculture biologique connaît depuis quelques années une croissance importante. Lintérêt récent pour les produits de lagriculture biologique a été renforcé par des attentes plus grandes de la part des consommateurs vis-à-vis de leur alimentation et de lenvironnement à la suite notamment dun certain nombre de « crises » ou de controverses impliquant lagriculture conventionnelle telles que la vache folle en Europe, les organismes génétiquement modifiés, etc. En 1998, le Conseil consultatif canadien de la production biologique (CCCPB) a déclaré que le marché des aliments biologiques représentait environ 1 p. 100 de lensemble du marché de lalimentation au détail et a estimé que les ventes augmentaient de 15 à 25 p. 100 par année(1). Selon ce même organisme, la production canadienne vaut près de 1 milliard de dollars par année. Après un survol du concept dagriculture biologique et de sa situation au Canada, le présent document décrit les différentes mesures gouvernementales qui affectent ce secteur de lindustrie agricole et discute de lagriculture biologique comme modèle pour lagriculture durable. DÉFINITION ET TENDANCES DE LAGRICULTURE BIOLOGIQUE CANADIENNE Lagriculture biologique tire ses origines de la « Biodynamie », dont les principes ont été posés par M. R. Steiner, un penseur autrichien, dans les années 1920. Cette agriculture, qui fait appel aux « forces cosmiques et telluriques », est revendiquée comme sinscrivant dans une conception large de la nature humaine et du vivant. Le mouvement biodynamique a été le premier à mettre en place, en 1928, une marque, « Demeter », certifiant lorigine de ses productions. La seconde source est « lAgriculture organique » de la Soil Association britannique (fondée sur les écrits de sir A. Howard en 1940), qui prône le compostage et le retour à une agriculture paysanne autonome. Les deux courants ont en commun daccorder une place prédominante à la vie du sol, donc à la fertilisation, et de présenter une forte composante idéologique. Lagriculture biologique repose sur un principe simple qui est le respect strict des liens et des équilibres naturels entre le sol, les plantes et les animaux (lanimal nourrit le sol qui nourrit la plante) auquel sajoute la contrainte de linterdiction des produits chimiques de synthèse(2). De ce principe et de cette contrainte découle un certain nombre de pratiques agricoles qui distinguent lagriculture biologique de lagriculture conventionnelle. Ces pratiques comprennent entre autres :
À cet égard, les tenants de lagriculture biologique ajoutent une dimension éthique et sociale à la définition dagriculture biologique, car ils y voient un moyen de maintenir une agriculture à taille humaine, respectueuse de lenvironnement et proche du consommateur. C. Les normes de production biologique Comme il est virtuellement impossible de différencier un produit issu de lagriculture biologique dun produit de lagriculture conventionnelle, les exploitations agricoles biologiques doivent être certifiées par des organismes habilités. La certification permet ainsi à lagriculteur de vendre sa production sous lappellation « biologique ». Cest ce processus qui assure le consommateur que le produit acheté est réellement issu de lagriculture biologique. Lorganisme de certification valide lexploitation agricole en fonction dune norme qui édicte les règles techniques telles que les produits de fertilisation ou de traitement autorisés et les périodes de conversion. Toutefois, la multiplication des normes peut être une source de confusion pour le consommateur. En 1980, la Organic Food Production Association of North America recensait une cinquantaine de normes biologiques rédigées par divers organismes de certification(3). En lan 2000, on comptait plus de 40 organismes de certification au Canada. Les différentes normes ont cependant plus de points communs que de différences, mais par souci dintégrité de la marque « biologique », lindustrie cherche dans de nombreux pays à uniformiser ces normes. Au Canada, les provinces du Québec et de la Colombie-Britannique ont chacune mis en place sur leur territoire une norme minimale et une procédure daccréditation des organismes de certification pour lagriculture biologique. En juin 1999, le gouvernement du Canada a présenté une norme nationale sur lagriculture biologique, ce qui constitue une première étape vers une uniformisation des techniques de production biologique sur lensemble du pays - voir la section sur les mesures gouvernementales. D. Les tendances de lagriculture biologique au Canada Au Canada, le mouvement de lagriculture biologique est apparu dans les années 1950, mais cest dans les années 1970 quil sest vraiment développé. Au cours de cette décennie, six provinces comptaient des organisations dagriculteurs biologiques. De plus, lUniversité McGill créait en 1974 le programme Ecological Agriculture Projects qui allait devenir un centre dinformation et déchange au Canada. Les années 1980 ont vu le développement dorganismes de certification, ainsi quune plus grande implication des différents niveaux de gouvernements dans la recherche et le développement de ce secteur de lindustrie agricole. Cependant, en 1999, on estimait entre 1500 et 2000 le nombre de producteurs certifiés au Canada(4),quoiquil existe peu de données sur la production en tant que telle. Néanmoins, depuis lannée 2000, Statistique Canada répertorie quelques informations sur la production biologique de fruits et de légumes. Les chiffres démontrent que 4,9 p. 100 des producteurs de fruits et de légumes au Canada se considèrent comme des producteurs biologiques soit 640 exploitations(5). Celles-ci représentent près de 2 p. 100 de la superficie consacrée à la production commerciale de légumes au Canada. Les exploitations sont généralement de petite taille moins de cinq acres(6). Par contre, les importations des États-Unis et de lUnion européenne qui représentent 80 p. 100 du marché au Canada dominent lindustrie de lalimentation. Même si la vente locale est un élément fondateur de lagriculture biologique, le commerce international prend davantage dimportance. En outre, il est estimé que 85 p. 100 de la production biologique canadienne est exportée et que la demande pour certains produits notamment les céréales et les oléagineux augmente. MESURES GOUVERNEMENTALES EN FAVEUR DE LAGRICULTURE BIOLOGIQUE A. Une politique spécifique pour lagriculture biologique Bien que lagriculture biologique soit un « secteur à lintérieur dun secteur », il est touché par la plupart des programmes et règlements fédéraux mis en place pour le secteur agricole canadien. En effet, les programmes fédéraux de soutien du revenu tels que le Compte de stabilisation du revenu net (CSRN), lassurance-récolte ou le programme daide en cas de catastrophes sont offerts tout autant aux agriculteurs conventionnels quà ceux du domaine biologique. Il ny a cependant pas de politique fédérale qui vise spécifiquement lindustrie de lagriculture biologique. Certains pays, incluant lUnion européenne, ont de telles politiques en faveur de lagriculture biologique. Ces politiques proposent généralement des incitatifs financiers pour la transition vers lagriculture biologique. On a remarqué en Europe une augmentation des terres agricoles converties à lagriculture biologique à la suite de ce type dincitatifs, ainsi quune augmentation du volume de produits biologiques certifiés destinés aux marchés extérieurs. Dans son rapport intitulé Les pesticides un choix judicieux simpose pour protéger la santé et lenvironnement, le Comité permanent de lenvironnement et du développement durable de la Chambre des communes recommandait en 2000 que « le gouvernement élabore une politique sur lagriculture biologique axée sur la transition de lagriculture dépendante des pesticides à lagriculture biologique. Ainsi, une telle politique devrait inclure notamment des incitatifs fiscaux, un programme de soutien provisoire lors de la période de transition, un appui technique pour les agriculteurs, le développement de programmes postsecondaires en agriculture biologique et un financement accru de la recherche-développement (R-D) en agriculture biologique »(7). Dans sa réponse, le gouvernement reconnaît limportance de ce secteur en appuyant son expansion à laide de programmes et des services existants et futurs de recherche et de développement des marchés. La quasi-totalité des programmes qui visent lagriculture en général touche lagriculture biologique car le gouvernement a adopté une approche de « découplage » des programmes dappui et des décisions relatives à la production. De cette façon, il ne se trouve pas à favoriser certaines pratiques agricoles au détriment dautres, peu importe quelles soient des pratiques conventionnelles, biologiques ou autres. Il faut cependant noter que pour calculer les paiements aux agriculteurs, les programmes traditionnels se basent sur des chiffres inférieurs à ceux obtenus en production biologique (cas de lassurance-récolte) ou sur les revenus (CSRN) Or ceux-ci sont souvent plus faibles en production biologique. Ainsi, les agriculteurs biologiques se trouvent désavantagés. B. Une norme nationaleLa mise en place dune norme canadienne sur la production agricole biologique constitue la première véritable intervention fédérale qui vise spécifiquement ce « secteur » de lindustrie agricole. Cette norme approuvée en juin 1999 par le Conseil canadien des normes a été élaborée conjointement par lOffice des normes générales du Canada et le Conseil consultatif canadien de la production biologique (CCCPB), un organisme qui représente les intérêts de groupes de producteurs biologiques et dorganismes de certification à travers tout le Canada. Bien que lindustrie de lagriculture biologique soit satisfaite de la norme nationale, il existeun désaccord sur le processus de certification à mettre en place. Le CCCPB, constitué en 1992 comme conseil consultatif, a pour mandat de représenter les intérêts de la production biologique à travers le Canada. Toutefois, il a permis la collaboration entre les intervenants de lagriculture biologique et ceux du gouvernement fédéral qui participaient à lélaboration de la norme. Néanmoins, certains intervenants voudraient que le CCCPB soit reconnu comme lorganisme de certification pour la norme nationale ayant comme responsabilité linspection et laccréditation des entreprises qui souhaitent dêtre certifiées. Dautres pensent quil y a encore un besoin de consultation sur le choix de lorganisme de certification. En effet, de nombreux intervenants en Colombie-Britannique et au Québec, deux provinces pourvues dune longue expérience des normes biologiques provinciales, pensent quil nest pas approprié à un organe consultatif de devenir un organisme de certification national. De plus, ces provinces ont déjà des organismes de certification provinciaux quelles souhaiteraient voir accrédités comme organismes de certification pour la norme nationale. UN MODÈLE À SUIVRE POUR UNE AGRICULTURE DURABLE? Bien que lagriculture conventionnelle ait été marquée par un certain nombre de crises ou de controverses, lagriculture biologique est souvent mise de lavant par certains comme un modèle dagriculture durable quil serait souhaitable datteindre. La présente section propose quelques éléments de réflexion sur ce sujet. Il est maintenant reconnu que lagriculture biologique a un effet très positif sur lenvironnement. En ce sens, elle se distingue de lagriculture conventionnelle car elle réduit lapport de polluants dans lenvironnement et améliore la fertilité biologique et physique des sols(8). Certaines études démontrent également que la diversité biologique est plus grande dans les champs où lon cultive selon le mode biologique(9). Linterdiction des engrais de synthèse et des pesticides entraîne cependant une diminution des rendements. À cet égard, certains agriculteurs déclarent des baisses de rendement de lordre de 30 à 50 p. 100 pendant les premières étapes de la transition de lagriculture conventionnelle à lagriculture biologique(10). Cependant la baisse de rendement est compensée par le prix de vente des produits qui est plus élevé que celui des produits conventionnels. Ainsi, les consommateurs sont prêts à payer de 10 à 50 p. 100 de plus pour ces aliments(11). En termes de conduite dexploitation, lagriculture biologique exige plus en main duvre que lagriculture conventionnelle. Or, en se privant du « filet de sécurité » des traitements systématiques, lagriculteur biologique doit simposer une vigilance constante, rechercher systématiquement des solutions alternatives et tenter daméliorer sa conduite dexploitation. À ce titre, aux Pays-Bas ce sont les producteurs laitiers les plus performants qui se convertissent à la production biologique, car elle représente un nouveau défi(12). Bien que bénéfique pour lenvironnement, le mode de production biologique ne garantit pas pour autant des aliments plus sains que les aliments conventionnels. Les normes de production biologique nincluent pas une obligation de résultats en termes de qualité du produit - ce qui nexclut pas que les producteurs ne soient pas capables de fournir cette qualité. Létiquette « biologique » nest donc en rien un gage sur la qualité et la valeur nutritionnelles du produit. Par ailleurs, en matière dhygiène et de sécurité sanitaires, lagriculture biologique est simplement soumise aux mêmes règles que lagriculture conventionnelle. Il faut toutefois noter que labsence par définition de tous produits chimiques de synthèse et dOGM exclut le risque ou lincertitude induit par leur présence - même si le risque ou lincertitude est parfois faible en production conventionnelle. Cependant, bien que la période de transition serve à nettoyer le sol de ses contaminants, et compte tenu du fait que certains intrants agricoles classiques peuvent rester dans le sol pendant des décennies, lagriculture biologique ne vise pas à garantir une absence totale de contaminants. À cet égard, un rapport du Comité de lagriculture de la Chambre des communes du Royaume-Uni publié en janvier 2001 notait quil nexiste actuellement aucune preuve que les aliments issus de lagriculture biologique présentent un avantage sur le plan de la santé. À ce titre, le rapport indique que la recherche dans ce secteur doit être intensifiée afin dapporter des preuves scientifiques aux affirmationsavancées(13). Lagriculture biologique est en plein essor au Canada et une norme nationale qui établit les pratiques de production biologique est une bonne nouvelle pour les producteurs et les consommateurs, car elle permettra de donner de la clarté au marché. Néanmoins, un système de certification opérationnel est le prochain défi auquel affrontera lindustrie de lalimentation biologique canadienne. Ce système devra répondre aux attentes des nombreux intervenants de lindustrie qui nont pas attendu une uniformisation au niveau national pour sorganiser. Or, on attribue à lagriculture biologique de nombreuses vertus dont celle dêtre lagriculture durable par excellence qui protège lenvironnement tout en fournissant des aliments sains et plus nutritifs - bien que cette dernière affirmation reste à prouver. On assiste ainsi dans certains pays à la mise en place de politiques qui visent une forte conversion de lagriculture conventionnelle vers lagriculture biologique. Par conséquent, il est difficile de dire quun abandon de lagriculture conventionnelle et une conversion totale à lagriculture biologique pourrait garantir un revenu identique aux agriculteurs et une source stable et suffisante daliments. Pour beaucoup, lagriculture biologique est une niche et doit le rester pour garder son intérêt sur le plan économique. De plus, cest une agriculture plus contraignante en termes de conduite dexploitation qui nattire souvent que les plus performants sur le plan technique. Doù lidée avancée par certains quelle constitue un prototype dune agriculture plus raisonnée pour la mise au point de solutions alternatives compatibles avec un développement durable. (1) Archibald Heather, « Lagriculture biologique : une tendance qui saccélère! », Un coup dil sur lagriculture canadienne, Statistique Canada no 96-325-XPB au catalogue, 1999. (2) Riquois Alain, « Lagriculture biologique : un prototype au service de lagriculture conventionnelle pour un développement durable », Aménagement et nature, no 132, mars 1999, p. 49-61. (3) Laberge Hélène, « Agriculture biologique et bio-dynamique », Lagora, avril 1996. (4) Archibald Heather, « Lagriculture biologique: une tendance qui saccélère! », Un Coup dil sur lagriculture canadienne, Statistique Canada no 96-325-XPB au catalogue, 1999 (5) Parsons Bill, « Les méthodes dagriculture biologique se taillent une bonne place sur le marché », Regards sur lindustrie agroalimentaire et la communauté agricole, Statistique Canada no 21-004-XIF septembre 2000. (6) Ibid. (7) Chambre des communes, Comité permanent de lenvironnement et du développement durable. Premier rapport Les pesticides un choix judicieux simpose pour protéger la santé et lenvironnement, 2e session, 36e Parlement, mai 2000. (8) Riquois Alain, « Lagriculture biologique : un prototype au service de lagriculture conventionnelle pour un développement durable », Aménagement et nature, no 132, mars 1999, p. 49-61. (9) Coghlan Andy, « Going Back to Nature Down on the Farm », New Scientist, 3 juin 2000. (10) Archibald Heather, « Lagriculture biologique : une tendance qui saccélère! », Un coup dil sur lagriculture canadienne, Statistique Canada no 96-325-XPB au catalogue, 1999. (11) Ibid. (12) Riquois Alain, « Lagriculture biologique : un prototype au service de lagriculture conventionnelle pour un développement durable », Aménagement et nature, no 132, mars 1999, p. 49-61. (13) Royaume-Uni, Chambre des communes. Comité de lagriculture, deuxième Rapport, Organic Farming, janvier 2001. |