PRB 99-10F
LA RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES
Rédaction :
TABLE DES MATIÈRES QU'EST-CE QUE LA RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES? COMMENT S'EST DÉVELOPPÉE LA RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES? LES CONSÉQUENCES DE LA RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES PEUT-ON VAINCRE LA RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES? QUE FAIT-ON POUR VAINCRE LA RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES? LA RECHERCHE SUR LA RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES
LA RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES Les maladies de lhomme résultent souvent de la présence de bactéries nuisibles dans lorganisme. Notons dentrée de jeu que les bactéries ne sont pas toutes nuisibles; en fait, la plupart des milliers de souches bactériennes sont bénignes et, dans certains cas, bénéfiques ou nécessaires à lespèce humaine. Les infections bactériennes qui causent les maladies sont, par ailleurs, souvent traitées aux antibiotiques. Les antibiotiques sont des substances produites par des micro-organismes (comme les bactéries) qui peuvent attaquer ou détruire dautres micro-organismes. Le premier antibiotique à avoir été découvert, en 1929 par Alexander Fleming, est la pénicilline. Sa production pour usage commercial en 1941 a constitué un jalon important de la médecine; ainsi, cet antibiotique a permis de réduire les décès causés par les maladies infectieuses durant la Deuxième Guerre mondiale. Les antibiotiques, quon peut maintenant produire synthétiquement, sont prescrits de façon courante depuis des dizaines dannées pour le traitement des maladies et des maux causés par les infections bactériennes. Après avoir été exposé aux antibiotiques, une petite proportion des bactéries nuisibles ont développé une résistance à leur endroit. Nous examinons ici ce phénomène. QUEST-CE QUE LA RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES? La résistance aux antibiotiques est la capacité dune souche bactérienne de survivre à lexposition à un antibiotique spécifique. Il nest pas rare quune lignée bactérienne acquière de la résistance à un certain nombre dantibiotiques, mais elle finira généralement par succomber à lun de ceux qui existent. Cependant, aujourdhui, des lignées bactériennes manifestent de la résistance à plusieurs antibiotiques et bien des gens craignent que ces lignées et dautres finissent par développer une résistance aux derniers antibiotiques efficaces qui restent. En fait, il existe déjà trois lignées qui sont immunes à plus de 100 médicaments antibiotiques. Une fois quelles seront résistantes à tout larsenal antibiotique, ces souches bactériennes pourraient donner lieu à des épidémies dévastatrices. COMMENT SEST DÉVELOPPÉE LA RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES? Depuis leur apparition, les antibiotiques sont considérés comme des panacées. Ces médicaments nont pas été prescrits avec prudence et on na pas suffisamment veillé à la posologie; on en a abusé et on les a mal utilisés. Dans certains cas, la nature même de lantibiotique favorise le développement de la résistance. En fait, en raison du mécanisme même de fonctionnement de ces médicaments et de la nature des bactéries, le problème de la résistance aurait dû être prévu depuis longtemps. On peut classer les bactéries selon quelles sont susceptibles, tolérantes ou résistantes à un antibiotique particulier. Lorsquun antibiotique attaque un groupe de bactéries, les cellules susceptibles meurent. Les souches tolérantes, elles, cessent de se développer : elles ne prennent pas dexpansion mais elles ne sont pas tuées. Normalement, leffet du médicament sur les bactéries tolérantes est suffisant pour stopper leur développement et permettre au système immunitaire de lorganisme de les éliminer. Cependant, lorsquon retire le médicament trop vite, les cellules tolérantes sont capables de proliférer à nouveau. La tolérance est souvent un précurseur de la résistance. Les lignes résistantes de bactéries continuent de se développer même lorsquelles sont exposées au médicament. Ainsi, si le traitement antibiotique prend fin et quil reste de cellules résistantes, celles-ci continueront à se multiplier, et causeront une autre infection de grande envergure, qui cette fois ne sera pas touchée du tout par une nouvelle exposition à lantibiotique utilisé précédemment. En outre, les antibiotiques ont le même effet sur les bactéries non nuisibles et sur les bactéries nuisibles quhéberge lorganisme humain. Les bactéries non pathogènes(1) qui résistent aux antibiotiques peuvent donc constituer une source de gènes de résistance pour les nouvelles bactéries nuisibles qui envahissent lorganisme. Les bactéries peuvent acquérir de la tolérance et de la résistance de plusieurs façons. Elles produisent facilement des mutations et sont souvent lobjet dinsertions génétiques, dune génération à lautre. Une souche peut par exemple « acquérir » un gène de résistance de lADN dun virus qui linfecte ou encore en absorbant du matériel génétique dune bactérie morte. Bien des experts concluent que les antibiotiques nont pas été traités avec le respect quils méritent. Leur surutilisation, leur mauvaise utilisation et leur usage non médical sont largement à blâmer pour le problème de la résistance, puisque chaque exposition aux antibiotiques encourage les lignées résistantes de bactéries, tant pathogènes que non pathogènes. Il faut réduire au minimum ou faire cesser la surexposition et la surutilisation. Souvent, les malades demandent des antibiotiques à leur médecin alors que rien ne prouve que ceux-ci soient nécessaires; le médecin se rend parfois à leur demande, croyant que lantibiotique ne fera pas de tort. En outre, il sest révélé que des antibiotiques sont souvent prescrits avant quon ait vérifié la présence de linfection. Il se pose aussi un autre problème : certains malades cessent de prendre des antibiotiques dès quils se sentent mieux, en gardant la portion inutilisée pour se ladministrer à une autre occasion. Dans un cas comme dans lautre, le mauvais dosage du médicament fera en sorte que celui-ci néliminera pas complètement lagent infectieux et encouragera plutôt la croissance de lignées tolérantes et résistantes. La prolifération récente des produits dentretien domestique contenant des agents antimicrobiens favorisera également lapparition de lignées résistantes. En outre, plus de la moitié des antibiotiques produits sont utilisés en agriculture ou en médecine vétérinaire. Ils sont distribués à faible dose dans la nourriture du bétail pour favoriser sa croissance, ou encore pulvérisés en aérosols au-dessus des champs et surtout des vergers afin de prévenir les infestations bactériennes. Ces usages favorisent eux aussi le développement de lignées résistantes, qui peuvent par la suite pénétrer dans le corps humain parce que les personnes manipulent la nourriture avec les mains sales ou consomment de la viande insuffisamment cuite ou des fruits et légumes non lavés. LES CONSÉQUENCES DE LA RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES Les conséquences possibles du progrès des bactéries résistantes aux antibiotiques pourraient être très graves. Certains experts pensent même que la situation, exacerbée par la croissance démographique, lurbanisation, la fréquence des voyages internationaux et lévolution de lignées bactériennes plus fortes, pourrait être pire que celle qui existait avant la découverte de la pénicilline. Des maladies quon croyait avoir éradiquées sont réapparues. Ainsi, la tuberculose sest révélée plus difficile à soigner quavant, à cause de la résistance acquise par la bactérie Mycobacterium tuberculosis. Sans de nouvelles méthodes de lutte, les infections bactériennes potentiellement mortelles pourraient poser une grave menace à lhumanité. Certaines des maladies les plus dangereuses sont dorigine microbienne : pneumonie, méningite, tuberculose, endocardite, septicémie, choléra, botulisme et fasciite nécrosante (causé par la mangeuse de chair). Parmi les maladies non mortelles mais fréquentes pour lesquelles on prescrit des antibiotiques, mentionnons les otites, les infections urinaires et les infections de la gorge. PEUT-ON VAINCRE LA RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES? Il semble possible darrêter, ou même dinverser, le développement de la résistance aux antibiotiques; une chose est sûre, on peut en ralentir la progression. Parmi les suggestions des experts du domaine, il y a labolition de lusage non médicinal des antibiotiques en agriculture et dans lélevage, et son remplacement par dautres solutions abordables. Il est également suggéré que les médecins sassurent que les antibiotiques ne sont prescrits que lorsque leur nécessité sest avérée. En outre, il faut insister sur lusage et la posologie de ces médicaments, pour que les malades épuisent leur ordonnance. Parmi les autres mesures, il y a la sensibilisation du public à la nécessité de bien cuire la viande, de bien laver les fruits et les légumes crus, et de réduire ou éliminer le recours aux produits ménagers antimicrobiens. Les microbes pathogènes peuvent pénétrer dans lorganisme lorsque lépiderme contaminé des mains touche le nez, la bouche, ou des blessures; par conséquent, se laver les mains, à la maison comme en clinique ou à lhôpital, est une des façons les plus faciles, mais souvent négligée, de se prémunir contre linfection bactérienne. Certains ont affirmé que la résistance bactérienne aux antibiotiques durera jusquà ce que la perception que le public a des microbes se modifie. Les mesures visant à éliminer les infections pathogènes doivent saccompagner defforts délibérés pour permettre la survie des lignées non pathogènes, puisque lélimination des « bonnes » bactéries donne un avantage aux souches microbiennes résistantes. QUE FAIT-ON POUR VAINCRE LA RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES? À Montréal, en 1997, une conférence sur les « supermicrobes » a débouché sur un plan détablissement dun organisme national, le Comité de coordination canadienne sur la résistance aux antimicrobiens (CCCRA). Le Comité a récemment reçu des fonds du Laboratoire de lutte contre la maladie de Santé Canada pour mettre sur pied une stratégie nationale coordonnée destinée à contrôler, à combattre et à réduire la résistance aux antibiotiques. Le Comité a retenu trois pistes : 1) diminuer le recours aux antibiotiques, à la fois chez lhomme, en agriculture et dans lélevage, 2) assurer la surveillance nationale des lignées résistantes et 3) améliorer les programmes de lutte régionaux, provinciaux et fédéraux en place. Le Programme canadien dévaluation extérieure de la qualité Groupe consultatif sur la résistance aux antibiotiques, du CCCRA, soccupe des tests et des rapports sur la susceptibilité antibactérienne afin de produire des qualités et des données de plus grande qualité à lappui dun système national de surveillance de la résistance aux antimicrobiens. LOrganisation mondiale de la santé (OMS) a un programme de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (ARM), qui collabore avec lindustrie pharmaceutique à contenir la propagation des bactéries résistantes aux antibiotiques. Au Danemark, la surveillance a permis de réduire la proportion de Staphylococcus aureus résistant aux antibiotiques de 30 p. 100 des infections en milieu hospitalier durant les années 70 à 0,1 p. 100 aujourdhui. Au Danemark, les malades font lobjet de dépistages systématiques et sont immédiatement isolés sils se révèlent infectés. En outre, en première ligne du traitement bactérien, on prescrit danciens antibiotiques, en laissant les nouveaux comme dernier recours. Toutes les ordonnances dantibiotiques sont contrôlées. Dautres pays disposent de programmes complets sur la résistance aux antimicrobiens : lEspagne, la France, la Grande-Bretagne, la Grèce, lItalie, la République tchèque, et la Suède. LAlliance pour la prudence dans lutilisation des antibiotiques est une organisation internationale qui contrôle lapparition de lignées résistantes aux antibiotiques à léchelle mondiale. LA RECHERCHE SUR LA RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES Face à laugmentation des lignées bactériennes qui ont développé une résistance aux antibiotiques, lindustrie pharmaceutique a accéléré la recherche et le développement de nouvelles solutions. Certains résultats de la recherche indiquent que les antibiotiques fonctionnent en déclenchant une réaction chez les bactéries qui conduit à leur propre mort; cette réaction de suicide est maintenant confirmée. Les bactéries qui ne possèdent pas cette « technique » sont résistantes aux antibiotiques. En outre, on met au point de nouveaux médicaments qui interfèrent avec le mode de défense des cellules résistantes contre certains antibiotiques. Ainsi, on a trouvé que les bactéries qui résistent à la pénicilline produisent de la penicillinase, enzyme qui fracture la pénicilline avant quelle puisse agir. On dispose maintenant dun inhibiteur de cette enzyme. Donné en fonction avec la pénicilline, linhibiteur permet à la pénicilline de faire son travail, et empêche en même temps la penicillinase de détruire lantibiotique. Certains de ces nouveaux produits sont à létape des essais cliniques et devaient être sur le marché dici deux ou trois ans; dautres en sont encore au stade du développement et on espère les amener au stade clinique dans cinq ans environ. Laccroissement du recours aux antibiotiques et, parfois, leur mauvais usage, a donné lieu à la résistance des bactéries à un nombre de plus en plus grand de ces médicaments. Même si la recherche pour trouver de nouveaux antibiotiques continue, il importe de prendre des mesures pour mettre un terme aux pratiques qui favorisent le développement de la résistance aux antibiotiques chez les bactéries. Levy, Stuart B. « The Challenge of Antibiotic Resistance ». Scientific American, vol. 278, no 3, mars 1998, p. 46-53. Nemecek, Sasha. « Beating Bacteria ». Scientific American, vol. 276, no 2, février 1997, p. 38-39. Paton, Shirley. Centre de coordination canadienne sur la résistance aux antimicrobiens, Laboratoire de lutte contre la maladie, Santé Canada, Communication personnelle. Rapport dun atelier de lOMS tenu en collaboration avec lAssociazione Culturale et Microbiologia Medica dItalie, Vérone, Italie, 12 décembre 1997, Site Internet : www.who.int/inf-fs/fr/am194.html de lOrganisation mondiale de la santé. (1) Les bactéries pathogènes sont celles qui causent la maladie; les bactéries non pathogènes sont normalement présentes dans lorganisme et sont sans danger. |