PRB 99-12F

 

LES ALIMENTS GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS

 

Rédaction :
Frédéric Forge
Division des sciences et de la technologie
Le 1er novembre 1999


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

DESCRIPTION DES ALIMENTS GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS

ÉVALUATION ET ÉTIQUETAGE DES ALIMENTS GÉNÉTIQUEMENT
MODIFIÉS AU CANADA

LA CONTROVERSE SUR LA SÉCURITÉ DES ALIMENTS
GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS

   A. Santé des personnes

   B. Incidences environnementales

LA QUESTION DE L’ÉTIQUETAGE

CONCLUSION

ANNEXE

 


LES ALIMENTS GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS

INTRODUCTION

Les avancées théoriques et technologiques dans les sciences de la vie ont peu à peu transformé les industries de la santé et de l’alimentation, qui, en fin de compte, sont axées sur les organismes vivants. Cependant, alors que les gens ne manifestent que peu d’opposition à l’utilisation de nouveaux vaccins ou de nouveaux médicaments destinés aux humains, ils réagissent tout autrement lorsque les nouvelles découvertes concernent l’agriculture et l’alimentation(1). Les craintes soulevées par les aliments génétiquement modifiés mettent la biotechnologie au cœur des projets de réglementation. Dans ce document, nous donnons un aperçu de ces aliments et indiquons de quelle façon ils sont réglementés au Canada. Nous présentons également quelques éléments du débat qui porte sur ces aliments en Europe et en Amérique du Nord.

DESCRIPTION DES ALIMENTS GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS

L’expression « aliment génétiquement modifié » (ou aliment GM) est souvent utilisée pour définir les aliments obtenus à l’aide des biotechnologies. Toutefois, comme les biotechnologies regroupent un nombre important de procédés et de méthodes, l’appellation « génétiquement modifié » ne s’applique en fait qu’aux produits du génie génétique(2). Le génie génétique désigne la manipulation du matériel génétique (acide désoxyribonucléique ou ADN) et sert, par exemple, à transférer un gène d’un organisme (animal, espèce végétale ou micro-organisme) dans le matériel génétique d’un autre organisme. On retrouve dans la littérature scientifique plusieurs expressions servant à définir les produits issus de cette technique : organisme transgénique, organisme génétiquement modifié (OGM), organisme génétiquement amélioré ou organisme vivant modifié (OVM).

Dans le domaine de la santé, la manipulation du matériel génétique a permis de créer des bactéries transgéniques qui possèdent un gène de l’espèce humaine et produisent l’insuline nécessaire aux malades atteints du diabète. En ce qui concerne l’alimentation, les produits du génie génétique se trouvent essentiellement dans le monde végétal. Au Canada, 42 végétaux génétiquement modifiés, soit des variétés de canola, de tomate, de pomme de terre, de maïs, de soja, de lin, de coton et de courge, ont été approuvés pour la consommation humaine(3). On utilise ces plantes dans une foule de produits alimentaires; p. ex., le soya est employé dans les produits transformés comme le chocolat, les aliments pour nouveaux nés et les mélanges à gâteaux. Il y a aussi des animaux transgéniques qui servent à la recherche ou à la production de produits pharmaceutiques, mais pour le moment aucun n’entre dans la chaîne alimentaire.

On parle donc d’aliment génétiquement modifié lorsque l’OGM est consommé tel quel (tomate, pomme de terre) ou transformé (sauce tomate, huile de canola), ou encore utilisé comme additif dans des aliments plus élaborés (amidon de maïs, lécithine de soja, etc.). Un aliment génétiquement modifié ne contient pas nécessairement de l’ADN biologiquement actif mais il est susceptible de contenir de nouvelles protéines issues de l’expression du transgène ou de nouveaux constituants ou métabolites issus de l’activité de ces nouvelles protéines.

ÉVALUATION ET ÉTIQUETAGE DES ALIMENTS GÉNÉTIQUEMENT
MODIFIÉS AU CANADA

Au Canada, les aliments génétiquement modifiés ne sont pas traités séparément des aliments conventionnels et chaque denrée est évaluée selon ses caractéristiques propres et non en fonction de la méthode par laquelle elle a été produite. Leur réglementation est une responsabilité partagée entre Santé Canada et l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA).

En vertu de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement, Santé Canada exige une notification préalable à la vente ou à la publicité en vue de la vente de tout « aliment nouveau »(4). Cela s’applique aux produits alimentaires génétiquement modifiés, mais aussi à tous les produits crées au moyen d’autres méthodes que le génie génétique. La notification préalable permet à Santé Canada d’entreprendre une évaluation de l’innocuité pour l’homme de chaque aliment nouveau. Les Lignes directrices relatives à l’évaluation de l’innocuité des aliments nouveaux (volume II, Plantes et micro-organismes génétiquement modifiés) visent les végétaux et les micro-organismes nouveaux(5). Actuellement, il n’existe pas de lignes directrices pour les animaux transgéniques (y compris les poissons et autres organismes aquatiques) dont l’entrée dans la chaîne alimentaire pourrait être envisagée. Au mois de juin 1999, Santé Canada travaillait à la mise à jour des lignes directrices concernant les animaux transgéniques.

La méthode d’évaluation de l’innocuité des aliments préconisée dans les Lignes directrices susmentionnées se fonde sur le principe de « l’équivalence en substance ». Ce concept a été défini en 1993 par un groupe d’experts de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui se sont appuyés sur des travaux réalisés dans les années 80. Ce concept est reconnu par des organismes internationaux comme l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (OAA, mieux connue sous le nom de FAO) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Ainsi, pour évaluer la sécurité d’un nouvel aliment, Santé Canada compare sa valeur nutritive et sa composition à la valeur nutritive et à la composition d’un aliment traditionnel(6). L’introduction d’un gène dans un organisme peut entraîner la production de nouvelle(s) protéine(s). C’est pourquoi Santé Canada examine également les données existantes afin de déceler la présence éventuelle de composantes toxiques ou non nutritives et du degré d’allergénicité(7) des protéines introduites dans l’aliment(8). Dès qu’un aliment est déterminé équivalent à une contrepartie traditionnelle, Santé Canada estime, selon le principe d’équivalence en substance, qu’il est inutile de soupçonner que celui-ci comporte un risque différent de celui de sa contrepartie, y compris pour les effets à long terme. Un nouvel aliment qui n’a pas de contrepartie traditionnelle est évalué en fonction de la composition et des propriétés qui lui sont propres.

Bien qu’il n’existe pas encore de lignes directrices sur l’évaluation de l’innocuité des produits issus d’animaux génétiquement modifiés, on a, par suite de consultations tenues en 1998 sur la réglementation des animaux d’élevage issus de la biotechnologie, recommandé que la méthode d’équivalence en substance soit également utilisée dans le cas des animaux transgéniques(9).

L’évaluation des impacts environnementaux des nouveaux aliments n’est pas couverte par un règlement spécifique. Toutefois, en vertu de la Loi sur les semences (alinéa 4.(1)b)), l’ACIA réalise des évaluations environnementales pour les végétaux à caractères nouveaux (VCN)(10) avant leur dissémination dans l’environnement. La directive de réglementation sur les critères d’évaluation du risque environnemental associé aux VCN définit les différents risques pour l’environnement dont l’ACIA doit tenir compte avant d’autoriser la dissémination de ces végétaux. L’évaluation de l’innocuité des VCN préoccupants (c’est-à-dire hors du commun ou substantiellement équivalents à des produits déjà sur le marché, utilisés et généralement considérés sûrs) comporte un examen détaillé de l’identité du VCN, de son expression phénotypique relative et des interactions qu’elle est susceptible d’avoir avec d’autres formes de vie.

Actuellement, les animaux transgéniques sont maintenus dans des installations de confinement en raison de leur grande valeur et de leur utilisation très spécifique (production de produits pharmaceutiques, recherche, etc.); il se peut, toutefois, que dans un avenir proche, on développe des animaux présentant des caractéristiques améliorées pour l’élevage, ce qui impliquerait que de tels animaux pourraient se retrouver dans les élevages « traditionnels » au pays. L’ACIA élabore actuellement des lignes directrices relatives à la libération dans l’environnement des animaux transgéniques et Pêches et Océans Canada veut se doter d’une réglementation qui prévoirait des évaluations environnementales pour les organismes aquatiques transgéniques. Pour l’heure, tout produit issu de la biotechnologie qui n’est pas réglementé en vertu des lois et règlements sectoriels est soumis aux dispositions de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (partie 6, alinéa 106.(6)a)).

En ce qui concerne l’étiquetage des produits nouveaux, Santé Canada est responsable de l’étiquetage obligatoire ayant trait à des questions de santé ou de sécurité alimentaire telles que les allergènes et la composition nutritionnelle. Pour sa part, l’ACIA est responsable de l’étiquetage volontaire et de l’étiquetage destiné à protéger le consommateur contre toute fraude. Parce que le Canada exige que les aliments vendus au pays soient sans danger pour la consommation(11), l’étiquetage des aliments nouveaux doit indiquer si un ingrédient présente des risques potentiels pour la santé de certaines personnes ou de certains segments de la population(12). L’étiquetage doit également indiquer tout changement dans la composition ou la valeur nutritive de l’aliment par rapport à sa contrepartie traditionnelle(13). Il incombe au promoteur du produit de décider s’il veut déclarer qu’un aliment est issu du génie génétique ou s’il ne l’est pas. Par conséquent, s’il n’y a pas de risque pour la santé (un allergène par exemple) ni de changement de valeur nutritionnelle, l’étiquetage des aliments génétiquement modifiés est strictement volontaire. De plus, il n’existe pour le moment aucune norme ni ligne directrice relativement à l’étiquetage de ces produits. En septembre 1999, le Conseil canadien de la distribution alimentaire (CCDA) et l’Office des normes générales du Canada (ONGC)(14) ont lancé une initiative visant à élaborer une norme canadienne pour l’étiquetage volontaire des aliments issus de la biotechnologie; une telle norme orienterait davantage les efforts des entreprises et des fabricants de produits alimentaires. Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) appuie cette initiative par le truchement du programme Agroalimentaire 2000.

LA CONTROVERSE SUR LA SÉCURITÉ DES ALIMENTS
GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS

Les attitudes à l’égard des aliments génétiquement modifiés sont très diverses. Alors que les Nord-Américains ont adopté (du moins jusqu’à tout récemment) une position relativement favorable à de tels aliments, en Europe, la situation est bien différente. L’Union européenne n’a pas autorisé de cultures d’OGM depuis avril 1998 et l’Autriche et le Luxembourg les ont même interdites. Des campagnes contre les OGM ont été relayées dans la presse en Grande-Bretagne.

Au Canada et aux États Unis, la majorité des OGM actuellement commercialisés ont été développés pour présenter de meilleures caractéristiques sur le plan agronomique. Les végétaux ont ainsi été modifiés génétiquement pour résister à certains herbicides à large spectre, pour produire leur propre pesticide contre certains de leurs ravageurs (insecte ou virus), ou encore pour mûrir moins rapidement. Il est prévu que la prochaine génération d’OGM présentera des caractéristiques plus intéressantes pour le consommateur, comme l’amélioration des qualités nutritives ou la présence de propriétés médicinales permettant de prévenir certaines maladies (c’est le cas des nutraceutiques(15)).

En Europe, les aliments génétiquement modifiés sont mal acceptés en raison des crises alimentaires qui se sont succédées (la vache folle, et plus récemment, le poulet contaminé à la dioxine); l’absence de certitude scientifique et l’incohérence qui caractérise la gestion de ces crises entretiennent l’opinion dans le doute quant à la qualité des aliments commercialisés. Il en résulte que les groupes de consommateurs et de protection de l’environnement continuent de s’inquiéter des effets à long terme des OGM sur la santé des personnes et sur l’environnement.

   A. Santé des personnes

Les adversaires des aliments GM prétendent que, parce que ceux-ci n’ont pas fait l’objet de tests adéquats, leurs effets à long terme sur la santé des personnes sont inconnus, notamment parce que l’on comprend encore mal les interactions entre les gènes. Bien que la récente campagne « anti-OGM » en Grande-Bretagne se soit fondée sur une seule et fort controversée étude(16), il semble y avoir encore des incertitudes au sein de la communauté scientifique. Les réactions allergiques qui peuvent se produire ne sont pas encore complètement comprises, et il s’avère parfois difficile de porter des jugements à propos de toxines encore inconnues(17). Or, certains scientifiques estiment qu’une substance toxique non identifiée a plus de chances d’apparaître dans la culture d’une nouvelle variété d’une plante traditionnelle, où sont couramment introduits de nombreux gènes nouveaux et souvent inconnus, que dans une plante GM contenant un seul gène caractérisé et ses produits protéinés(18). Il a également été avancé que les effets potentiels de l’introduction d’un seul gène dans un OGM sont plus faciles à prévoir que les effets d’une nouvelle variété de plante issue des méthodes conventionnelles de sélection. Même dans le domaine des cultures conventionnelles, parmi les nombreuses variétés produites, seulement deux ont manifesté le pouvoir de dégager dans l’environnement un composé toxique qui n’avait pas été décelé au cours des tests réguliers. Il a été constaté que l’un de ces composés (psoralène), qui s’était accumulé dans une variété non GM de céleri résistante aux insectes sous l’effet de la lumière, cause des brûlures de la peau. Des accumulations toxiques de solanine, causées par les températures froides, ont provoqué le retrait de la patate Magnun Bonum (une espèce non GM) de la culture en Suède(19).

La notion de « l’équivalence substantielle » employée par les autorités réglementaires, y compris au Canada, est également critiquée. Selon un article paru dans Nature(20), ce concept n’a jamais été correctement défini et les scientifiques ne sont pas encore capables de prévoir avec assurance les effets biochimiques ou toxicologiques d’un aliment GM, en partant de sa composition chimique. D’autres croient que l’équivalence substantielle est un outil utile qui identifie les différences entre une culture GM et une culture non GM et soumet ainsi ces cultures à un examen plus approfondi.

De nombreux partisans des OGM mettent de l’avant le fait qu’il n’y a actuellement pas de preuve que les aliments génétiquement modifiés sont plus dangereux que les aliments conventionnels. Tirant les leçons de la crise de la vache folle en Europe, les opposants répondent que ne pas réussir à prouver qu’un aliment est dangereux n’équivaut pas à prouver que cet aliment est sûr et sans danger. Le mieux que la science puisse faire est de réduire l’incertitude, de part et d’autre.

   B. Incidences environnementales

Les incidences environnementales des OGM varient selon le type de modification utilisée. Dans le règne végétal, il existe un risque que l’OGM devienne une mauvaise herbe ou commence à envahir des habitats naturels ou encore que le gène introduit passe dans d’autres espèces et que naissent des descendants hybribes plus nuisibles ou plus envahissants. On pourrait constater des effets sur des organismes non visés ou sur la diversité biologique.

Un exemple largement médiatisé d’une incidence environnementale néfaste concerne l’effet du maïs Bt sur le papillon monarque. Le maïs Bt est une variété modifiée génétiquement dans le but de produire un insecticide (une substance présente naturellement dans une bactérie appelée Bacillus thuringiensis ou Bt) mortel pour la pyrale du maïs, un ravageur présent dans les champs de maïs d’Amérique du Nord. En mai 1999, les résultats d’une étude réalisée à l’Université Cornell ont révélé que le maïs Bt pouvait être mortel pour des espèces non visées. Dans le cadre d’expériences décrites dans la revue Nature (vol. 399, p. 14), des entomologistes ont trouvé que 44 p. 100 des larves de monarque sont mortes après avoir été nourries de feuilles d’asclépiade saupoudrées de pollen de maïs Bt. La principale critique que l’on a faite à l’étude c’est que les expériences menées n’ont pas reproduit les conditions de la nature. D’autres études sur les incidences environnementales du maïs Bt sur les populations d’espèces non visées sont en cours à l’Université de Guelph. De plus, selon des recherches menées à l’Arable Crops Research Institute du Royaume-Uni, on en est arrivé à la conclusion que la répression des ravageurs des cultures par le maïs Bt pourrait être moins dommageable pour la faune que les pesticides traditionnels pulvérisés. Dans le cadre de cette étude à grande échelle, dont le rapport a été présenté dans la revue Nature d’août 1999, les scientifiques ont constaté que le maïs Bt n’avait aucun effet sur les insectes bénéfiques. Cette étude semble appuyer les dires des groupes d’agriculteurs pour qui l’emploi de cultures Bt permet de réduire les applications de pesticides et qui estiment que ces cultures sont moins susceptibles d’attaquer les espèces animales bénéfiques que les produits chimiques, lesquels peuvent également tuer des insectes non visés.

Toutefois, toutes les cultures GM ne permettent pas de réduire l’emploi de pesticides. Ainsi, la culture de plantes modifiées génétiquement pour être résistantes à des herbicides à large spectre (par ex., le canola Roundup-Ready MC) simplifie la répression des mauvaises herbes sans toutefois garantir une diminution de l’emploi d’herbicides(21). Chaque modification génétique apporte son lot de risques et d’avantages; des théories sur les incidences environnementales de certains OGM (par les défenseurs ou par les détracteurs) ne s’appliquent pas nécessairement à tous les OGM.

Le risque de créer des « super mauvaises herbes », un spectre brandi par les détracteurs des OGM, serait très exagéré, selon certains scientifiques(22). On semble s’entendre davantage, toutefois, sur les risques de déséquilibre écologique découlant d’une culture de plus en plus axée sur les espèces GM. Des groupes écologistes comme Green Alliance, une organisation britannique qui ne s’oppose pas aux modifications génétiques, proposent qu’on procède à une vaste « vérification environnementale » des plantes GM plutôt que de tenter d’évaluer les risques, comme le prévoient les règlements de certains pays, dont le Canada(23).

LA QUESTION DE L’ÉTIQUETAGE

En Europe, les préoccupations des consommateurs vont au delà de l’innocuité des aliments proprement dite; la manière dont les aliments sont produits, la protection des animaux, les différences culturelles et éthiques sont autant d’éléments qui font partie du débat public sur l’alimentation(24). Ainsi les manipulations génétiques ne sont pas toujours appréciées surtout lorsqu’elles impliquent des animaux et que les avantages pour le consommateur ne sont pas clairs.

Devant les réticences des consommateurs, l’Union européenne a mis en place un règlement concernant l’étiquetage obligatoire des aliments génétiquement modifiés. D’autres pays comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon et la Corée du Sud ont adopté des lois ou des règlements similaires. En mai 1999, sept chaînes européennes de supermarché et trois multinationales alimentaires ont annoncé leur intention de distribuer des produits « garantis sans OGM ». Cela ne se fera cependant pas sans coûts supplémentaires puisqu’il faudra réorganiser les circuits de transport, de transformation et de distribution. L’institut anglais Wye estime qu’il faudrait augmenter de 5 à 15 p. 100 le prix des marchandises pour compenser ces investissements.

Le débat sur les OGM en Europe n’est pas sans conséquence pour le Canada et les États-Unis. Certaines minoteries nord américaines, dont CASCO Inc., un des principaux transformateurs de maïs au Canada, ont annoncé au printemps 1999 qu’elles refuseraient d’acheter les variétés de maïs génétiquement modifié pour ne pas perdre leurs clients européens. En septembre 1999, l’entreprise agro-alimentaire Archer Daniels Midland Co. a demandé à ses fournisseurs de maïs et de fèves de soja de séparer les produits génétiquement modifiés des produits de culture classique. Les fournisseurs américains prétendent qu’il est impossible de séparer les variétés génétiquement modifiées des autres produits, car la plupart des silos à grains ne permettent pas de séparer de grandes quantités de maïs et de fèves de soja.

Reprenant les arguments entendus en Europe, les groupes environnementaux canadiens et américains commencent à informer la population des dangers potentiels des aliments génétiquement modifiés. Des voix s’élèvent également pour demander un étiquetage obligatoire de tous ces aliments au nom du « droit de savoir » des consommateurs. L’ACIA estime que l’étiquetage obligatoire poserait une difficulté technique de taille, vu la complexité de la chaîne de production, et juge que virtuellement tout pourrait être étiqueté comme étant issus d’OGM étant donné que les végétaux concernés entrent dans la composition de très nombreux aliments. En revanche, l’étiquetage pourrait avoir ses bons côtés. Prenons l’exemple de la tomate à mûrissement retardé de la compagnie Calgene(25), qui a été commercialisée et volontairement étiquetée comme génétiquement modifiée pour avoir une durée de conservation plus longue et qui a été bien acceptée par les consommateurs.

CONCLUSION

Bien que peu de gens estiment que les biotechnologies sont une mauvaise chose, notamment dans le domaine médical, les aliments génétiquement modifiés suscitent un certain nombre d’inquiétudes. Beaucoup de scientifiques pensent que les risques sont largement hypothétiques et que les mesures de protection actuelles sont adéquates(26). Cependant, même parmi les plus fervents partisans des aliments génétiquement modifiés, on entend de plus en plus d’appels en faveur d’une augmentation de la recherche sur les risques liés à la santé et de l’élaboration d’un système de surveillance qui permettrait une détection rapide de tout problème à long terme(27). En s’appuyant sur la réglementation existante et en utilisant des concepts scientifiques reconnus à l’échelle internationale, le Canada a réussi a faire bénéficier les agriculteurs canadiens des avantages des végétaux à caractères nouveaux. Cependant, avec le débat européen qui s’étend peu à peu en Amérique du Nord et l’arrivée de nouveaux aliments génétiquement modifiés d’origine animale, un certain nombre de défis vont se poser aux législateurs et aux décideurs : trouver des moyens de fournir aux consommateurs la meilleure information scientifique possible et aussi résoudre des questions d’éthique qui concernent, par exemple, l’étiquetage et les animaux transgéniques susceptibles d’entrer dans la chaîne alimentaire.


ANNEXE

Définition de « aliment nouveau » telle que proposée par Santé Canada dans : « Les règlements sur les aliments et drogues – Modification (Annexe numéro 948) », Gazette du Canada, Partie I – 26 septembre 1998 :

a) une substance, y compris un micro-organisme, qui ne présente pas d'antécédents d'innocuité comme aliment;

b) aliment qui a été fabriqué, préparé, conservé ou emballé au moyen d'un procédé qui :

    1. n'a pas été appliqué auparavant à l'aliment,

    2. fait subir à l'aliment un changement majeur;

"changement majeur" Changement apporté à un aliment qui, selon l'expérience du fabricant ou la théorie généralement admise, peut avoir un effet indésirable sur l'un des éléments suivants :

    1. la composition, la structure, la valeur nutritionnelle ou les effets physiologiques généralement reconnus d'un aliment;

    2. la manière dont l'aliment est métabolisé par le corps humain;

    3. l'innocuité générale, microbiologique ou chimique de celui-ci.

c) aliment dérivé d'un végétal, d'un animal ou d'un micro-organisme qui, ayant été modifié génétiquement :

    1. soit présente des caractères qui n'ont pas été observés auparavant;

    2. soit ne présente plus les caractères qui étaient observés auparavant;

    3. soit présente un ou plusieurs caractères qui ne se trouvent plus dans les limites prévues pour ce végétal, cet animal ou ce micro-organisme.


(1) Johnston D.J., « Soutenons la biotechnologie moderne », L’observateur de l’OCDE, no 216, mars 1999.

(2) Le génie génétique est aussi appelé méthode de recombinaison de l’ADN. Il existe aussi d’autres méthodes qui permettent d’induire des modifications génétiques : vecteurs viraux, fusion de protoplastes, mutagénèse, etc.

(3) Site internet de Santé Canada, mis à jour le 10 juin 1999.
http://www.hc-sc.gc.ca/food-aliment/francais/sujets/aliment_nouveau/aliment_nouveau.html

(4) Règlement sur les aliments et drogues, partie B, 28.002.

(5) Une fois un nouveau végétal évalué et jugé salubre, on considère que ses produits dérivés le sont aussi. Par exemple, si Santé Canada juge qu’une variété de canola ou de maïs génétiquement modifié est salubre, il n’est pas nécessaire de faire une évaluation pour l’huile du canola génétiquement modifié ou les produits qui utiliseront l’huile.

(6) Par exemple, une variété de maïs génétiquement modifié pour produire son propre insecticide contre un de ses ravageurs et une variété de maïs non modifié déjà utilisée en alimentation humaine.

(7) Le degré d’allergénicité, ou pouvoir allergisant, définit la susceptibilité d’une substance à provoquer une réaction allergique.

(8) Les nouvelles protéines sont comparées à la base de données des toxines protéiques et des allègènes connus. On évalue la toxicité en partie en examinant les tests de toxicité aiguë fournis par les fabricants. On évalue l’allergénicité potentielle en comparant les caractéristiques d’allergènes connus (stabilité à la transformation, poids moléculaire, etc.).

(9) Consultation sur la réglementation des animaux d’élevage et du poisson issus de la biotechnologie, rapport de séance, avril 1999; parrainée et appuyée par l’Agence canadienne d’inspection des aliments, Santé Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada, Pêches et Océans Canada.

(10) Qu’ils soient destinés ou non à l’alimentation humaine et produits par génie génétique ou par toute autre méthode.

(11) Loi sur les aliments et drogues, partie 1, article 4.

(12) Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes, Profitons de l’avantage : la biotechnologie agricole au nouveau millénaire, troisième rapport, mai 1998, p. 12.

(13) Ibid., p. 12.

(14) L’ONGC travaille dans les systèmes nationaux du Canada en vue d’élaborer des normes qui feront consensus et qui seront approuvées par un comité d’experts représentant les utilisateurs, les producteurs et les membres du grand public. L’ONGC a terminé tout récemment l’élaboration d’une norme sur l’agriculture organique, grâce au travail d’un groupe diversifié d’intervenants et de Canadiens intéressés. Le CCDA représente environ 80 p.100 des grands détaillants en alimentation du Canada; le Conseil se voue à la sensibilisation et à l’éducation du public, en ce qui concerne la biotechnologie.

(15) Les nutraceutiques, aussi appelés aliments fonctionnels, sont des aliments caractérisés par la présence d’additifs censés améliorer le fonctionnement de l’organisme humain par leurs propriétés spécifiques.

(16) « GM Foods Debate Needs a Recipe for Restoring Trust », Nature, vol. 398, no 6729, 22 avril 1999.

(17) Butler et al., « Long-Term Effect of GM Crops Serves Up Food for Thought », Nature, vol. 398, no 6729, 22 avril 1999.

(18) Anthony Trewaras et C.J. Leaver, « Conventional Crops Are the Test of GM Prejudice », Nature, 14 octobre 1999.

(19) Ibid.

(20) Erik Millstone et al., « Beyond Substantial Equivalence », Nature, 7 octobre 1999.

(21) Charles Benbrook, « Evidence of the Magnitude and Consequences of the Roundup Ready Soybean Yield Drag from University-Based Varietal Trials in 1998 », Ag Biotech InfoNet, document technique, juillet 1999.

(22) L’argument avancé est que les cultures transgéniques n’ont pas toujours un parent sauvage avec lequel elles peuvent se mêler ou auquel elles peuvent transmettre leur matériel génétique.

(23) Julie Hill, « A Public Perspective », L’observateur de l’OCDE, no 216, mars 1999.

(24) Jones Wayne, « Innocuité des aliments : protection ou protectionnisme », L’observateur de l’OCDE, n216, mars 1999.

(25) McMillan D’arce, « Labelling Can Have a Positive Effect », Ontario Farmer, 8 juin 1999.

(26) Butler (1999).

(27) Ibid.