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PRB 99-13F LES BARRIÈRES NON TARIFAIRES EN AGRICULTURE : ASPECTS TECHNIQUES ET SANITAIRES
Rédaction : TABLE DES MATIÈRES A. Interprétation des accords internationaux B. Codex alimentarius et autres organismes de normalisation ANNEXE : Les organismes internationaux de normalisation en agriculture et agroalimentaire LES BARRIÈRES NON TARIFAIRES
EN AGRICULTURE : LAccord sur lagriculture, issu des négociations du cycle de lUruguay, a entraîné des changements significatifs dans les politiques commerciales agricoles. Ainsi, lapparition du système de tarification a permis une plus grande transparence dans les échanges commerciaux parce quil a transformé des mesures limitant les importations, comme des quotas, en droits de douane assujettis à des accès minimum(1). Cependant, certains organismes internationaux comme lOrganisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont constaté que compte tenu de la réduction programmée de ces droits de douane, les barrières non tarifaires (BNT) risquaient de devenir la première source dentraves au commerce agricole mondial. Les réglementations nationales concernant, entre autres, linnocuité des aliments sont particulièrement désignées comme une source de protectionnisme. Par exemple, le moratoire sur certains organismes génétiquement modifiés (OGM)(2) en Europe et linterdiction européenne dimporter des bufs produits à laide dhormones de croissance constituent des exemples de BNT qui touchent lagriculture canadienne. Dans ce document, nous présentons les différents accords internationaux qui régissent les aspects techniques et sanitaires des échanges internationaux des produits agricoles et alimentaires, ainsi que les moyens pour résoudre les conflits et les débats qui en découlent. Il existe deux principaux accords internationaux, issus ou renforcés par lAccord sur lagriculture, qui concernent les aspects techniques et sanitaires des échanges en agriculture :
LAccord SPS a été signé dans le cadre du cycle de lUruguay et est entré en vigueur en janvier 1995 avec la création de lOrganisation mondiale du commerce (OMC). Il concerne la salubrité des aliments, la protection de la santé des animaux et la préservation des végétaux. Il définit les règles de base qui doivent assurer un approvisionnement daliments sains tout en évitant que les règlements nationaux au sujet de la salubrité et de la sécurité servent de prétexte à la protection des producteurs nationaux. Laccord autorise aussi les pays à établir leurs propres normes et précise que les règlements doivent être fondés sur des preuves scientifiques. Les pays sont encouragés à utiliser les normes internationales lorsquelles existent, notamment celles élaborées par la Commission du Codex alimentarius (santé humaine), par la Convention internationale sur la protection des végétaux (IPPC) (aspects phytosanitaires) et par lOffice international des épizooties (OIE) (santé animale). (Voir la description de ces organismes en annexe.) Cependant, les pays peuvent établir des normes plus strictes si des preuves scientifiques ou une évaluation des risques le justifient, à condition que lapproche soit cohérente plutôt quarbitraire. LAccord OTC existe depuis 1979 et est issu du cycle de négociation de Tokyo; la version actuelle de laccord a été établie lors du cycle de lUruguay. Tout comme lAccord SPS, lAccord OTC a pour objectif de veiller à ce que les réglementations nationales ne créent pas dobstacle injustifié aux échanges. Laccord couvre tous les règlements techniques, les normes, et les procédures dévaluation de conformité, à lexception des mesures de salubrité définies dans lAccord SPS. Ce dernier constitue donc une exception par rapport à laccord de portée générale quest lAccord OTC. Le champ de lAccord SPS est très précis, ce qui fait que certaines des mesures concernant la santé humaine, telles les propriétés allergènes des aliments, peuvent relever de lAccord OTC. Dans le cas de lagroalimentaire, lAccord OTC couvre les réglementations concernant létiquetage, lemballage, les avertissements à propos des propriétés nutritionnelles ou allergènes des aliments, etc. Ladoption de normes internationales y est également encouragée, mais contrairement à ce qui est le cas dans lAccord SPS, des facteurs autres que la science peuvent être utilisés pour justifier des normes plus sévères (problème technologique majeur, situation géographique, etc.). Dautres accords de lOMC portent sur des problèmes techniques plus particuliers qui pourraient constituer des obstacles au commerce en agriculture. Notons à cet égard lAccord sur les règles dorigine qui oblige, entre autres, les pays membres à adopter des règles dorigine transparentes et lAccord de lOMC qui porte sur les aspects des droits de propriété intellectuelle touchant le commerce (ADPIC). LADPIC vise à réglementer lutilisation dindications géographiques pour les produits alimentaires (« champagne », « scotch » et « roquefort », par exemple). En dehors de lOMC, dautres accords peuvent avoir des répercussions sur les aspects techniques et sanitaires du commerce international agricole; le protocole sur la biosécurité(3), par exemple, réglementerait les mouvements transfrontaliers des « organismes vivants modifiés » tels que les semences génétiquement améliorées. Depuis la fin du cycle de lUruguay, il existe au sein de lOMC une procédure de règlement des différends. En cas déchec des consultations entre les pays concernés, lorgane de règlement des différends (ORD) de lOMC peut mettre en place un groupe spécial (« panel ») qui examine la plainte. Le groupe spécial remet son rapport à lORD, qui prend une décision à laquelle le pays « condamné » doit se conformer. Une possibilité dappel existe, mais à lissue du processus, le pays perdant doit mettre en uvre des mesures appropriées. Cette procédure sapplique à tout conflit commercial entre deux ou plusieurs pays membres et nest pas spécifique à lagriculture ni aux aspects techniques et sanitaires. LORD, qui a été créé en 1995, doit favoriser létablissement dune certaine jurisprudence et permettre de clarifier les termes des accords SPS et OTC. Dans lAccord SPS, il est recommandé que lIPPC, lOIE et le Codex alimentarius soient consultés lorsquil sagit darbitrer les désaccords scientifiques dans les cas de différends internationaux. De plus, les normes de la Commission du Codex alimentarius ont déjà servi à des groupes spéciaux à trancher des différends, ce qui en fait potentiellement un ensemble de règles obligatoires. Le cas le plus célèbre de règlement dun conflit en lien avec les accords SPS et OTC concerne linterdiction, par lUnion Européenne, de limportation danimaux vivants et de la viande danimaux produits à laide dhormones de croissance. Cependant, dans un rapport publié par le Comité SPS(4) en mars 1999, il est précisé quun grand nombre de différends ont été évités grâce aux discussions tenues en vertu de lAccord SPS, notamment celles permises par larticle concernant la transparence dans la mise en place des mesures sanitaires et phytosanitaires(5). Le rapport cite, entre autres, des mesures prises par différents pays suite à la crise de lencéphalite spongiforme bovine (ou maladie de la vache folle), ainsi quune restriction dimportation des États-Unis concernant certains matériaux demballage en bois pour lutter contre une infestation de coléoptères venus dAsie. Dans certains cas, les mesures ont été modifiées après discussion au sein du comité SPS ou en dautres occasions permises par laccord. A. Interprétation des accords internationaux Un débat important concerne linterprétation exacte des accords du cycle de lUruguay. Létablissement dune jurisprudence sur les accords SPS et OTC peut déterminer exactement les contraintes que ces accords fixent et influer sur les négociations au moment de leur révision. Dans le jugement quil a rendu en 1997 sur linterdiction, par lUnion Européenne, dimporter de la viande danimaux produits à laide dhormones de croissance, lORD a confié un rôle essentiel au Codex alimentarius en disant que lorsquil y a une norme internationale, elle doit être acceptée. Il en résulte en fait la libre circulation de tout produit conforme aux normes définies par le Codex alimentarius, qui simposerait donc comme un ensemble de normes prévalant sur les réglementations nationales. Or les conclusions de lORD en appel semblent changer linterprétation de lAccord SPS, ainsi que le rôle potentiel du Codex alimentarius (le jugement maintient cependant que linterdiction dimportation est incompatible avec certains articles de lAccord SPS). Dans le jugement, lORD rappelle quun pays peut avoir des normes plus élevées à condition que cela se justifie scientifiquement et indique quune opinion scientifique nuancée peut être prise en compte même si elle est minoritaire. Il semble quon sorienterait également vers le principe que le pays qui juge la mesure illégitime doit prouver quelle lest effectivement. Ces décisions ne fixent pas nécessairement la jurisprudence, mais elles montrent bien quil existe diverses interprétations de laccord. Un autre point de désaccord concerne larticle de lAccord SPS qui porte sur lanalyse des risques. Cette analyse est demandée lorsquun pays adopte des normes plus strictes que celles définies par lOIE ou le Codex alimentarius. Même si ce dernier a fixé différentes étapes pour lanalyse des risques, il ny a pas une méthodologie unique, et il ny a pas nécessairement accord sur les seuils de risques acceptables, ni sur ce quest un risque justifiable(6). Toute une gamme dopinions existe entre ceux qui souhaitent la suppression du risque (stériliser les eaux minérales, interdire les fromages au lait cru, etc.) et ceux qui mettent de lavant la possibilité de bien gérer le risque (embouteillage à la source, contrôle HACCP, etc.). Certains soulignent également lincohérence de vouloir en arriver à labsence totale de risque dans un secteur, alors que lon tolère des risques élevés dans dautres. LAccord SPS dit clairement que les mesures SPS doivent être basées sur des preuves scientifiques. Autrement dit, selon cet accord, seules les considérations liées à la santé (humaine, animale ou végétale) peuvent être utilisées pour justifier des réglementations qui limitent limportation de produits agricoles. Tenir compte darguments éthiques, culturels ou moraux nest pas considéré comme valide au titre de lAccord SPS. Cependant, lors des débats au Codex alimentarius sur létablissement dune limite maximum de résidu pour la somatotropine bovine recombinante (STbr) en juillet 1997, les Pays-Bas ont proposé une motion dans laquelle ils demandaient, entre autres, lexamen de lapplication d« autres facteurs légitimes que lanalyse scientifique » dans la définition des normes du Codex alimentarius. En effet, il est souvent jugé que des facteurs non scientifiques sont utilisés pour déterminer si un risque est acceptable ou non, la science ne permettant que de quantifier le niveau du risque. Pour donner suite à cette motion, le Comité du Codex sur les principes généraux sest mis à la tâche et il étudie actuellement le rôle de la science et la mesure dans laquelle dautres facteurs sont pris en compte, notamment dans lanalyse des risques. Il se pourrait donc que, à loccasion de la renégociation de lAccord SPS, certains pays veuillent tenir compte, dans les critères de justification des réglementations, daspects non scientifiques. Enfin, il est souvent dit que lAccord SPS ne va pas dans le sens du « principe de prudence » dans la mesure où une réglementation doit être justifiée par les preuves scientifiques disponibles. Bien quil en existe plusieurs définitions, le principe de prudence dit en substance quil faut prendre des mesures de précaution en labsence de certitudes scientifiques. Le principe de prudence est reconnu dans plusieurs textes de droit international comme la déclaration de Rio et la Convention cadre sur le changement climatique, et il est très souvent invoqué par les groupes de consommateurs et de défense de lenvironnement. Il peut donc y avoir contradiction entre les attentes dune partie de la population qui sappuie sur certains accords internationaux et lélaboration de la réglementation telle que définie par les accords qui régissent les aspects techniques et sanitaires du commerce. B. Codex alimentarius et autres organismes de normalisation La principale crainte émise par les groupes de consommateurs et de producteurs est de voir une diminution des normes canadiennes en matière dinnocuité des aliments face au besoin détablir des normes internationales pouvant faciliter le commerce. La confiance que la population et les pays membres peuvent avoir dans le fonctionnement des organismes de normalisation comme le Codex alimentarius, lOIE et lIPPC est donc primordiale pour lacceptation de normes internationales. La Commission du Codex alimentarius ainsi que certains comités qui la conseillent comme le JECFA et le JMPR(7) font parfois lobjet de critiques concernant leur fonctionnement. Dans un rapport publié en mars 1999, le Comité sénatorial permanent de lagriculture et des forêts a signalé que les représentants de certains pays dans ces instances sont issus de lindustrie et il sest inquiété des conflits dintérêt potentiels. De plus, devant la nécessité de sélectionner des experts pour leurs compétences scientifiques, certains pays sont très représentés dans les comités dexperts (JECFA, JMPR) et certaines personnes déplorent parfois le manque de transparence quant au choix de ces experts. Conséquemment, à mesure que les groupes spéciaux de lOMC exposeront le rôle dinstance comme le Codex alimentarius, des controverses sur le choix des représentants et sur la place laissée par les gouvernements à lindustrie risquent de surgir quand il y aura de nouvelles négociations commerciales. Lors de la conférence de 1991 de lOrganisation des Nations Unies pour lalimentation et lagriculture (FAO), de lOrganisation mondiale de la santé (OMS) et du GATT sur les normes alimentaires, on avait souligné que, en reconnaissant une valeur particulière aux conclusions du Codex alimentarius, le projet daccord SPS allait « faire changer de statut » les textes élaborés dans le cadre de cette commission. Les conclusions du groupe spécial de lOMC sur la viande bovine en 1997 ont amené la Commission Européenne a critiquer la procédure qui « confère aux conclusions du Codex la valeur de normes » et à déplorer les pressions que faisaient peser de tels enjeux économiques sur les experts participant aux Codex alimentarius et à lOIE, qui devraient rester neutres dans la mesure où il arrive que des pays réglementent différemment le même produit. Il pourrait en résulter des débats sur lobjectivité scientifique des organismes internationaux de normalisation. Cela est dautant plus important que la science montre parfois ses limites et que les normes sont parfois fixées sur la base de ce qui est techniquement et économiquement possible de faire. Par exemple, dans le cas des seuils de radioactivité, les normes ont été définies a posteriori(8) (après que les effets aient été observés chez lhomme); et il a été aussi remarqué que les votes sur les normes au sein de la Commission du Codex alimentarius traduisent tout autant des relations politiques (influence économique, liens avec danciennes colonies) que de la science objective(9). Lors des différents cycles de négociations multilatérales sur le commerce, on a tenté de clarifier les aspects techniques et sanitaires des échanges agricoles. Différents accords ont été signés et fournissent un cadre pour la discussion et le règlement déventuels conflits. LORD a fait preuve dune certaine efficacité, mais il a également révélé quil existe différentes interprétations des accords, ce qui pourrait avoir de limportance au moment de leur renégociation. Les questions qui concernent les barrières non tarifaires ne sont quun aspect de lintégration de lagriculture dans léconomie mondiale; les tarifs douaniers, les politiques de soutien aux agriculteurs nationaux et les subventions aux exportations sont autant dautres denjeux qui sinscrivent dans cette problématique plus générale. Les organismes internationaux de normalisation en agriculture et en agroalimentaire Convention internationale sur la protection des végétaux (IPPC) Date de création : 1952 Nombre de pays signataires : 107 (mai 1999) Type : Convention internationale gérée par lOrganisation des Nations Unies pour lalimentation et lagriculture (connue sous le nom de FAO).
Commission du Codex alimentarius Date de création : 1962 Nombre de pays membres : 165 (juin 1999) Type : Commission créée et financée par la FAO et lOrganisation mondiale de la santé (OMS).
Office international des épizooties (OIE) Date de création : 1924 Nombre de pays membre : 152 (mars 1999) Type : Organisation ne faisant pas partie des Nations Unies et financée par contribution des pays membres.
(1) Ainsi, une certaine quantité de beurre peut être importée au Canada sans tarifs prohibitifs en vertu de laccès minimum; par contre, au-delà de cet accès, les quantités supplémentaires de beurre qui entreront au pays seront frappées dun tarif élevé (autour de 300 p. 100 dans le cas du beurre) qui vise à protéger la production intérieure. (2) En novembre 1998, la France a imposé un moratoire de deux ans sur toutes les variétés de canola génétiquement modifié, empêchant implicitement toute exportation canadienne de canola génétiquement modifié vers lEurope. Dautres interdictions concernant des OGM existent en Autriche et au Luxembourg. (3) Les 138 gouvernements participants, incapables de se mettre daccord sur un texte final, ont suspendu les négociations en février 1999 lors de leur dernière rencontre à Cartagène (Colombie). Ce protocole relève de la Convention sur la diversité biologique signé en 1992. (4) Créé en 1995, le Comité SPS est, en plus dun groupe chargé de veiller à la mise en place de laccord, un forum de discussion entre les gouvernements; il permet de résoudre des problèmes techniques et de coordination sur des mesures particulières. (5) Laccord SPS précise quun pays doit avertir tout pays membre intéressé dès quil modifie ou met en place des mesures sanitaires et phytosanitaires. (6) Wayne Jones, Direction de lalimentation, de lagriculture et des pêcheries, OCDE, « Innocuité des aliments : protection ou protectionnisme », LObservateur de lOCDE, no 216, mars 1999. (7) Le Comité conjoint FAO-OMS sur les additifs alimentaires (mieux connu sous le nom de JECFA) et la Réunion conjointe FAO-OMS sur les résidus de pesticides (le JMPR) sont des comités dexperts qui émettent des avis sur la salubrité de certains produits. Le JECFA étudie les évaluations toxicologiques des additifs alimentaires, des contaminants et des médicaments vétérinaires et le JMPR fait de même pour les pesticides. Ces organismes sont indépendants de la Commission du Codex alimentarius, mais cette dernière sappuie sur leurs recommandations pour définir ses normes. (8) Bureau, Jean-Christophe, Institut National de la Recherche Agronomique (France), Les négociations internationales sur le commerce : enjeux débats en cours et questions à lINRA, Aspects réglementaires techniques et sanitaires, Conseil scientifique de lINRA, février 1998. (9) Ibid. |