PRB 99-15F

 

HÉPATITE C

 

Rédaction :
Sonya Norris
Division des sciences et de la technologie
Le 19 août 1999


 

TABLE DES MATIÈRES

CONTEXTE

TYPES D’HÉPATITE

DESCRIPTION CLINIQUE DE L’HÉPATITE C

   A. Quelques précisions sur le virus

   B. Transmissibilité du virus

   C. Symptômes et diagnostics de l’hépatite C

   D. Progression de la maladie

TRAITEMENTS ACTUELS

   A. Pharmacothérapie classique

   B. Médecines douces

   C. Changement des habitudes

RECHERCHES ACTUELLES SUR LA MALADIE

   A. Traitement

   B. Prévention

IMPORTANCE DE L’HÉPATITE C AU CANADA

   A. Combien de personnes sont atteintes?

   B. Indemnisation des victimes du sang contaminé

      1. Débat au sujet des tests indirects

      2. Indemnisation fédérale

      3. Indemnisation par les provinces

      4. Responsabilité de la Croix-Rouge canadienne

CONCLUSION

 


HÉPATITE C

CONTEXTE

Étant donné que les médias ont, ces dernières années, beaucoup fait état du scandale du sang contaminé au cours duquel l’hépatite C a été transmise par transfusion sanguine et transfusion de produits sanguins, la plupart des Canadiens ont entendu parler de cette maladie. Bien que celle-ci soit connue depuis longtemps, l’agent viral qui en est responsable, lui, n’est connu que depuis peu et on est encore loin de comprendre parfaitement comment il agit sur la progression de la maladie. Dans ce document, nous faisons le point sur l’hépatite C et examinons la recherche qui se poursuit actuellement pour mettre au point un traitement efficace, ainsi qu’un vaccin et un remède.

TYPES D’HÉPATITE (1)(2)

Des maladies très diverses portent le nom d’hépatite. Chacune a une cause, un mode d’infection, des symptômes, une progression, un traitement et un niveau de gravité qui lui sont propres. Cependant, toutes les hépatites se caractérisent par l’inflammation des tissus du foie (tissus hépatiques) et, assez souvent, par des lésions permanentes à ceux-ci. Des agents non viraux — alcool, poisons chimiques, médicaments, drogues — peuvent provoquer l’apparition de l’hépatite. Des agents infectieux, de nature virale, causent également la maladie : les virus identifiés, de plus en plus nombreux, sont désignés dans l’ordre alphabétique, de A à G. L’hépatite C et ses cousins, l’hépatite A et l’hépatite B, sont les types d’hépatite les plus communs. Il existe des vaccins pour l’hépatite A et l’hépatite B.

Une des façons de caractériser les virus de l’hépatite consiste à déterminer si le virus se transmet par voie orale, par la nourriture, ou par le sang. Les hépatites transmises par la nourriture ne causent pas de maladie chronique (de longue durée) et produisent rarement des complications graves. Ainsi, l’hépatite A est avant tout causée par l’absorption d’aliments et d’eau contaminés par des matières fiecales infectées; elle est plus courante dans les pays sous-développés qu’ailleurs. L’hépatite E est une autre hépatite virale transmise par les aliments; cliniquement, elle ressemble beaucoup à l’hépatite A, mais elle peut durer un peu plus longtemps que celle-ci. On a récemment ajouté l’hépatite F à la liste des hépatites transmises par les aliments.

Dans les hépatites virales du système sanguin, dites à diffusion hématogène, la maladie se transmet surtout par contact avec du sang infecté ou, plus rarement, avec d’autres fluides organiques infectés. L’une de ces hépatites est l’hépatite B, beaucoup plus infectieuse que le VIH, qui se transmet facilement par contact sexuel et par allaitement, par des contacts intrafamiliaux normaux, ainsi que de sang à sang. Seulement de 5 à 10 p. 100 des personnes infectées par le virus de l’hépatite B (VHB) deviennent malades de façon chronique; la plupart des autres réussissent à combattre le virus et sont jugées avoir souffert d’une infection aiguë. Les virus D et G sont d’autres virus hématogènes. Le premier semble être un agent co-infectieux qui n’est présent qu’en compagnie du VHB, qui en accentue les symptômes. L’hépatite G dont on connaît à l’heure actuelle très peu de chose, a été récemment ajoutée à la liste.

L’hépatite C, qui constitue le principal sujet d’étude du présent document, se transmet avant tout par le sang, par exemple, lors du partage de seringues pour l’injection de drogues intraveineuses. Avant 1990, la maladie se transmettait essentiellement par transfusion sanguine et utilisation de produits sanguins. Le virus de l’hépatite C n’est pas aussi infectieux que le VHB et ne se transmet pas aussi facilement que lui par contacts intimes ou par mélange de fluides biologiques. Plus de 80 p. 100 des infections par l’hépatite C (VHC) deviennent chroniques et on estime que la plupart d’entre elles mènent à des maladies hépatiques.

DESCRIPTION CLINIQUE DE L’HÉPATITE C

   A. Quelques précisions sur le virus

Le virus qui cause l’hépatite C (VHC) a été identifié en mai 1987 par la société Chiron(3). Jusque là, les malades dont les tests n’indiquaient la présence ni de l’hépatite A ni de l’hépatite B mais qui présentaient des symptômes de la maladie étaient qualifiés de porteurs de l’hépatite non A, non B. En 1990, on a mis au point un test réagissant spécifiquement à l’anticorps produit contre l’hépatite C, mais ce n’est que depuis 1993 qu’il existe un test détectant le virus lui-même. Il s’agit là d’un progrès important, parce qu’une personne infectée met normalement de quatre à six semaines avant de développer des anticorps en quantité détectable.

Presque tous les organismes stockent l’information génétique dans leur ADN (acide désoxyribonucléique). Certains virus font exception : dans deux des six classes de virus connus, l’information génétique est stockée dans l’ARN (acide ribonucléique). Cette molécule, beaucoup moins stable que l’ADN, subit des mutations à une fréquence beaucoup plus élevée que celle-ci. L’ARN sert d’intermédiaire dans la réplication (duplication) du matériel génétique, de sorte qu’il ne constitue pas un corps étranger pour les organismes porteurs d’ADN. Voilà pourquoi les virus réussissent à produire des infections chroniques qui échappent au système immunitaire.

Le virus de l’hépatite C doit se fixer aux cellules hépatiques et les infecter afin de compléter son cycle vital et de se perpétuer. Il injecte son ARN dans une cellule vivante qui, croyant reconnaître son propre ARN messager (ARNm) se met en frais de le reproduire. Ce faisant, la cellule infectée interrompt la plupart de ses fonctions normales afin de conserver son énergie. Des centaines ou des milliers de copies de l’ARN viral sont produites dans la cellule hépatique, au taux de mutation de celui-ci, qui, comme nous l’avons dit, est élevé. La cellule hôte continue de collaborer à la fabrication des éléments requis pour que l’ARN viral reconstitue des virus. Ensuite, ceux-ci quittent la cellule, qui finit par mourir, et vont ensuite infecter des centaines ou des milliers d’autres cellules hépatiques saines.

Le système immunitaire du malade en vient vite à reconnaître la présence du virus et tente d’éliminer l’envahisseur. Cependant, la forte mutagénicité du virus fait en sorte qu’une variante évoluée réussit toujours à échapper à la réponse immunitaire et à se reproduire sans interruption, jusqu’à ce que le système immunitaire entreprenne une nouvelle tentative d’éradication. Ces virus évoluent donc plus rapidement que n’importe quel autre organisme; ce jeu de cache-cache génétique explique pourquoi les scientifiques ont été jusqu’à présent incapables de trouver un vaccin efficace contre l’hépatite C.

   B. Transmissibilité du virus

On croit que le VHC ne se transmet que par le sang. Contrairement aux autres virus hématogènes cependant, il semble pouvoir être accueilli par toute source de sang ou de produit sanguin et être transmis même indirectement, par exemple, par un rasoir ou une brosse à dents. Par conséquent, le VHC est beaucoup plus transmissible que les autres virus hématogènes, y compris le VIH.

Dans les années 70 et 80, bien des gens ont été infectés par le VHC lors de transfusions sanguines. Les hémophiles étaient particulièrement susceptibles de contracter la maladie, parce que des produits sanguins dont ils avaient besoin venaient du sang de milliers de donneurs. Depuis que le virus est identifié et qu’on dispose de tests de dépistage, le nombre de cas de transmissions est tombé à un niveau négligeable dans le réseau canadien d’approvisionnement en sang. C’est la toxicomanie qui présente le plus grand danger de contracter l’hépatite C, puisqu’il compte pour 40 p. 100 de tous les cas. En fait, la majorité des utilisateurs de drogues intraveineuses sont séropositifs pour le VHC car le virus se transmet non seulement par les seringues mais également par d’autres instruments utilisés par les toxicomanes.

Il y a d’autres facteurs de risque non négligeables : les piqûres accidentelles par des aiguilles, le tatouage, le body peircing, l’acupuncture, le perçage des oreilles, la contamination de l’équipement médical et la multiplicité des partenaires sexuels. La transmission par les contacts quotidiens courants et la transmission mère-enfant à la naissance constituent aussi des risques, mais ils demeurent mal connus.

   C. Symptômes et diagnostics de l’hépatite C (4)(5)

Dans la majorité des cas, le malade ne manifeste pas de symptômes tout juste après l’infection (lorsque celle-ci est dans sa phase aiguë). Les rares symptômes qui se présentent passent généralement pour des symptômes de la grippe ou un malaise général et ne font pas l’objet d’un suivi approprié. Dans 3 à 5 p. 100 des cas, une réaction aiguë survient de deux à trois semaines après l’infection, donnant lieu à de graves douleurs abdominales, à des nausées, à des vomissements et à une fatigue extrême. La jaunisse, la perte d’appétit, la perte de poids et la léthargie suivent généralement, mais la gravité de ces symptômes diminue généralement avec le temps.

Les symptômes les plus courants de l’infection chronique apparaissent parfois après plusieurs années : fièvre légère, douleurs musculaires et articulaires, nausées, vomissements, perte d’appétit, douleurs abdominales diffuses et parfois, diarrhées. Il n’est pas rare que les victimes de l’hépatite C se plaignent de démangeaisons de la peau. Cependant, comme on comprend mal ce symptôme, on fait mal le lien avec l’infection par le VHC. Les symptômes suivants sont plus rares : urines foncées, selles pâles et perte de poids. Comme dans le cas des autres réactions aiguës moins intenses, bien des personnes confondent ces symptômes avec ceux de la grippe et risquent de ne pas reconnaître la maladie même quand leur cas est suffisamment grave pour nécessiter une intervention médicale.

Chez une faible proportion de victimes de l’hépatite C, la maladie en vient, généralement après des dizaines d’années, à produire une dysfonction hépatique. Outre les symptômes déjà mentionnés, ces malades souffrent d’enflures aux bras et aux jambes, de contusions, de confusion intermittente, de désorientation ou d’incapacité à effectuer des tâches mentales complexes.

Bien des malades reçoivent leur diagnostic lorsqu’ils cherchent à se faire soigner pour une fatigue chronique. D’autres ne découvrent leur maladie que lorsque de graves problèmes au foie les incitent à voir un médecin. Certaines personnes sont diagnostiquées quand des tests sanguins courants indiquent une teneur anormale d’enzymes hépatiques(6) ou lorsqu’elles subissent des tests avant de donner du sang.

Une concentration élevée d’enzymes hépatiques incite les médecins à faire passer des tests pour l’anticorps du VHC et d’autres maladies liées aux dysfonctions hépatiques. Une personne nouvellement infectée sera séronégative car le système immunitaire met de trois à quatre mois à produire des anticorps. Un malade qui présente des anticorps au VHC est dit « anti-VHC positif ». Cette personne développe généralement une infection chronique, et un très faible pourcentage de malades réussissent à éliminer complètement le virus de leur système. Depuis peu, un test détecte le virus lui-même. Ce test, qui analyse l’ARN viral, a été adopté par l’Agence canadienne du sang comme test standard pour les produits sanguins. Il faut procéder à une biopsie du foie avant d’entreprendre la pharmacothérapie, ou si on a une raison de soupçonner de graves lésions au foie, ce qui ne peut être confirmé que par analyse du tissu hépatique.

   D. Progression de la maladie

La progression de l’hépatite C est relativement lente, mais ses conséquences peuvent être assez graves et même mortelles. À ce jour, étant donné le peu de temps écoulé depuis l’identification du virus, le pourcentage de personnes infectées qui ont développé une maladie du foie et sont décédées n’est pas connu. L’inflammation chronique du foie associée à l’hépatite C produit une cirrhose, l’organe tentant de se protéger contre l’inflammation. Environ 20 p. 100 des victimes d’infection chronique auront développé une cirrhose 20 ans après l’infection. Chaque année, de 1 à 5 p. 100 de celles-ci auront un cancer du foie (carcinome hépatocellulaire)(7). L’hépatite C aggrave également les autres affections hépatiques. Une fois que la maladie a progressé jusqu’au stade de la cirrhose ou du cancer, seule une transplantation du foie peut assurer la survie du malade. Les maladies hépatiques causées par le VHC sont à l’origine de la plupart des transplantations du foie au Canada(8).

De nombreuses autres complications sont également mises au compte de la maladie, bien que les relations ne soient pas parfaitement comprises à l’heure actuelle. On estime que jusqu’à 20 p. 100 des personnes souffrant d’hépatite C présenteraient des affections à la thyroïde, aux intestins, aux yeux, aux articulations, au sang, à la rate, aux reins ou à la peau(9). On soupçonne que bon nombre de ces complications résultent de la thérapie à l’interféron utilisée.

TRAITEMENTS ACTUELS

Une fois la maladie diagnostiquée, le sujet doit choisir le traitement : médicaments, médecine douce ou changement des habitudes de vie. Lorsque le malade ne souffre pas de symptômes physiques et que les enzymes hépatiques sont cliniquement stables, les médecins favorisent rarement un traitement intensif.

   A. Pharmacothérapie classique

Depuis qu’on a identifié l’hépatite C, la seule pharmacothérapie approuvée est celle qui fait appel à l’interféron, connu sous le nom commercial d’Intron-A®. Les interférons sont une famille de glycoprotéines dérivées des cellules humaines chargées normalement de combattre les infections virales en prévenant la multiplication des virus dans les cellules. La thérapie à l’interféron est principalement destinée aux personnes infectées au VHC dont la concentration toujours élevée des enzymes hépatiques indique une hépatite chronique. Le traitement à l’interféron n’est pas un remède. Seulement le quart des malades infectés peuvent profiter de cette thérapie et parmi ceux qui sont traités, seulement de 10 à 25 p. 100 connaîtront une réduction prolongée des enzymes hépatiques et de la concentration du virus.

Les variantes de la pharmacothérapie ont toujours inclus l’interféron en doses variables, parfois concurremment à un deuxième médicament. Récemment, la thérapie consistait en injections trihebdomadaires pendant 12 mois ou plus. On met fin au traitement lorsque la concentration des enzymes du foie ne s’améliore pas dans un délai raisonnable (deux ou trois mois). Parmi les personnes qui manifestent une amélioration durant la thérapie, bon nombre feront une rechute à la fin du traitement. On peut augmenter la dose de l’interféron en augmentant la quantité du médicament administré ou la fréquence de l’administration; cette approche semble avoir plus de succès dans l’irradication du virus durant la thérapie et donner lieu à un taux de succès plus élevé après traitement. Cependant, ici encore, le taux de rechute demeure élevé et l’augmentation de la dose ne semble pas améliorer beaucoup le taux de réaction soutenue. L’interféron entraîne de nombreux effets secondaires débilitants, et plusieurs médecins le remettent en question, étant donné le taux très faible de rémission à long terme.

Récemment, le Programme des produits thérapeutiques de Santé Canada a approuvé le recours au Rebetron®. Il s’agit d’une thérapie dans laquelle l’interféron est combiné à la ribavirine, médicament qui, comme l’interféron, agit en modulant la réaction immunitaire. Cette combinaison thérapeutique accroît le pourcentage de malades qui manifestent une diminution soutenue de la concentration virale dans le sang. Chez les malades infectés à une certaine lignée de VHC, cependant, seulement de 25 à 30 p. 100 manifestent une réaction soutenue à la suite du traitement(10). Les effets secondaires considérables de la ribavirine peuvent limiter le recours à cette thérapie chez de nombreux malades(11).

   B. Médecines douces

On soutient que de nombreux remèdes d’herboristerie sont utiles au traitement des maladies du foie en général et que certaines sont efficaces contre l’hépatite C de façon spécifique. Des études confirment que le remède le plus généralement reconnu, la silymarine, provenant du chardon Marie, aide les cellules hépatiques à se régénérer et stabilise leurs parois. Cette substance accroît également la capacité du foie à filtrer le sang et prévient les lésions causées par des toxines comme les solvants, l’alcool, les drogues, la plupart des pesticides et des herbicides, ainsi que les composés bactériens comme ceux découlant des intoxications alimentaires. La silymarine pourrait contribuer à traiter la cirrhose, l’hépatite et d’autres maladies du foie(12).

   C. Changement des habitudes

De nombreuses personnes qui souffrent d’hépatite C estiment qu’elles peuvent réduire la fatigue qui les afflige en prenant de bonnes habitudes de sommeil, en prévoyant de petites siestes, en mangeant sainement et en faisant de l’exercice physique à un niveau modeste mais constant. Pour ce qu’est de l’alimentation, on encourage les malades à absorber suffisamment de protéines pour réparer les cellules de leur foie, à consommer beaucoup de glucides complexes et à limiter les lipides tout en consommant suffisamment d’acides gras essentiels. L’apport calorique ne devrait pas être restreint à moins que le malade ne doive déjà perdre du poids. On recommande aux séropositifs pour le VHC d’éviter l’embonpoint, lequel est lié à certaines anomalies hépatiques comme les dépôts de gras, qui peuvent causer l’inflammation du foie(13).

Étant donné que tout stress additionnel sur le foie aggrave les effets du virus, on recommande que les malades évitent les substances inutiles qui taxent le métabolisme du foie. À cet égard, il faut limiter au minimum de nombreux médicaments. Des produits courants comme l’aspirine et l’ibuprofène peuvent devenir toxiques s’ils sont consommés régulièrement par une personne dont la fonction hépatique est compromise(14). De toute évidence il faut éviter l’alcool, reconnu pour accroître les risques de cirrhose.

RECHERCHES ACTUELLES SUR LA MALADIE

La recherche sur l’hépatite C porte sur deux domaines : le traitement de la maladie et la prévention de l’infection. Voici une brève description des recherches actuelles dans ces deux domaines.

   A. Traitement

Le traitement de la maladie couvre plusieurs éléments : méthodes pour atténuer ou éliminer les symptômes, pour ralentir ou inverser les lésions (avec ou sans symptômes) ou pour éliminer le virus. La recherche actuelle porte surtout sur les deux derniers aspects.

Une part importante de la recherche vise les pharmacothérapies existantes. La thérapie à l’interféron s’est révélée utile pour un nombre très limité d’infections par le VHC mais cette portion semble augmenter lorsque l’interféron est combiné à la ribavirine. Cependant, les graves effets secondaires de ces médicaments rendent ces traitements peu attrayants. Les chercheurs sont intéressés à déterminer quelles victimes de l’hépatite C sont le plus susceptibles d’en profiter, afin de réduire au minimum l’application des thérapies inefficaces. D’autres travaux de recherche consistent à analyser les causes de l’absence de réponse à l’interféron et à les surmonter(15).

La recherche d’un remède pour la maladie a surtout visé des vaccins et des médicaments produits par génie génétique qui pourraient « vaincre » le virus avant qu’il soit capable de muter suffisamment pour échapper au traitement. Récemment, on s’est penché sur la thérapie génique antisens(16)(17).

   B. Prévention

La recherche sur la prévention de l’infection vise la mise au point d’un vaccin. Cette recherche a été contrariée considérablement par la mutagénicité du virus. On espère produire un vaccin par génie génétique dans un proche avenir. Tout progrès dans la recherche d’un vaccin contre le VIH accélérerait la production d’un vaccin contre le VHC(18).

IMPORTANCE DE L’HÉPATITE C AU CANADA

   A. Combien de personnes sont atteintes?

Selon un rapport, près de 300 000 personnes au Canada (plus de 1 p. 100 de la population) seraient infectées par le VHC(19), et près de 20 000 nouvelles infections sont signalées chaque année(20). Certaines sources estiment que la prévalence de l’infection est supérieure à ces nombres; aux États-Unis, les Centers for Disease Control and Prevention (centres de contrôle et de prévention de la maladie), d’Atlanta, établissent cette prévalence à environ 1,8 p. 100(21). Bien des personnes infectées n’ont pas été diagnostiquées parce que bon nombre d’entre elles sont asymptomatiques ou faiblement symptomatiques. C’est pourquoi on qualifie l’hépatite C d’« épidémie silencieuse ». Des 300 000 cas présumés, on prévoit qu’environ 60 000 (20 p. 100) développeront une cirrhose, ce qui, au taux de 1 à 5 p. 100 par année, pourrait donner lieu à 600 à 3 000 carcinomes hépatocellulaires par année.

   B. Indemnisation des victimes du sang contaminé

      1. Débat au sujet des tests indirects (22)

Au début des années 70, on a commencé à faire subir un test de dépistage de l’hépatite B aux donneurs de sang; c’était la seule hépatite virale chronique connue à l’époque. On pensait que ce dépistage éliminerait toutes les hépatites post-transfusionnelles; cependant, les infections ont continué. Bien des scientifiques pensaient que les hépatites post-transfusionnelles diminueraient avec des tests de dépistage d’une concentration élevée d’une enzyme hépatique dans le sang, l’alanine amino transférase (ALT) et de l’anticorps de l’antigène nucléocapsidique du virus de l’hépatite B (anti-HBc). Ce test est dit indirect, parce qu’il ne recherche pas l’agent infectieux lui-même. D’autres scientifiques et responsables étaient d’avis que ce test indirect était d’une valeur douteuse, et qu’il serait quasi impossible, pour des raisons morales, d’en confirmer l’utilité par des recherches. Néanmoins, les États-Unis ont exigé le test indirect dans tout don de sang à partir de 1986, même si bien des centres du pays avaient pris l’initiative de le faire subir dès 1982.

Le Canada a suivi le dossier américain et, à plusieurs reprises, envisagé d’imposer le test indirect pour tous les dons de sang. Des opinions divergentes au sein des organismes comme la Société canadienne de la Croix-Rouge et le Bureau des produits biologiques ont, en sus des considérations budgétaires, retardé la décision de mettre en œuvre ce test. Après une étude considérée inacceptable aux États-Unis, une étude des tests indirects a été entreprise au Canada en 1989, et on a demandé à la Croix-Rouge de suspendre ces tests pendant la durée des travaux. Finalement, le test spécifique au virus de l’hépatite C est apparu au début de 1990, puis les premières trousses de détection anti-VHC de Chiron ont rendu caduc le débat sur les tests indirects au Canada.

Par conséquent, entre la mise en œuvre des tests indirects aux États-Unis en 1986 et l’apparition de la trousse anti-VHC en 1990, les dons de sang au Canada n’ont pas été testés du tout pour l’hépatite non A non B. C’est en invoquant cette lacune que les personnes qui ont contracté la maladie à partir de produits sanguins au Canada entre ces dates ont exigé une indemnisation du gouvernement fédéral et des provinces.

      2. Indemnisation fédérale

Le 27 mars 1998, le gouvernement fédéral a annoncé une enveloppe d’indemnisation de 1,1 milliard de dollars pour les personnes qui ont contracté l’hépatite C à partir du sang contaminé au Canada entre 1986 et 1990. On a estimé leur nombre à 10 000(23), même si le total pourrait être inférieur(24). Ce régime d’indemnisation avait été établi de concert avec les provinces et les territoires et il était constitué de 300 millions de fonds provinciaux et territoriaux et de 800 millions de fonds fédéraux. La somme a été légèrement réduite le 16 décembre 1998, lorsqu’on a décidé d’affecter environ 58 millions de dollars aux victimes d’une infection secondaire par le VIH.

Le 18 décembre 1998, les détails de l’enveloppe ont été révélés après beaucoup de tractations entre les avocats du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires, et ceux représentant les victimes dans les recours collectifs. En mai 1999, on a convenu d’un règlement final évalué à 1,118 milliard de dollars, plus les intérêts; cette somme inclut l’indemnisation des victimes d’une infection secondaire par le VIH. Le régime proposé prévoit un paiement initial de 10 000 $ à chaque personne porteuse du VHC et infectée par le sang entre le 1er janvier 1986 et le 1er juillet 1990. Ces victimes sont également admissibles à une indemnisation supplémentaire, selon la gravité de la maladie. Les victimes peuvent également être admissibles à une indemnisation pour perte de revenus, perte de services à la maison, coût des soins, coût de la pharmacothérapie, coût du traitement et des médicaments non assurés, ainsi que pour des dépenses personnelles. Si la maladie progresse, elles peuvent réclamer plus d’argent jusqu’à un plafond de 240 000 $. En outre, la succession est indemnisée par une prestation pour un décès directement attribuable à l’hépatite C contractée à partir du sang contaminé entre les dates visées(25). Cette prestation n’est pas imposable et ne modifie pas l’aide sociale. En contrepartie, les personnes qui acceptent l’offre doivent signer une renonciation au droit de poursuivre la Croix-Rouge, le fédéral, les provinces et les territoires. Cette offre, déposée devant les tribunaux de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et du Québec, en est à l’étape de l’appel, qui devrait être entendu d’ici l’automne de 1999(26). À l’acceptation de l’entente, les conditions lient les parties et couvrent toutes les poursuites déjà intentées, en recours collectif ou privé, y compris dans les autres provinces. En général, toutes les demandes doivent être soumises avant le 30 juin 2010.

      3. Indemnisation par les provinces

Lorsque l’offre fédérale d’indemnisation a été annoncée en mars 1998, elle l’a été en collaboration avec les provinces et territoires, celles-ci ayant appuyé l’indemnisation des seules personnes infectées entre 1986 et 1990. Pendant plusieurs mois cependant, certaines provinces ont commencé à envisager d’étendre l’indemnisation à toutes les personnes ayant contracté le VHC par le sang contaminé, peu importe la date. La plupart des provinces concernées estimaient que cette bonification de l’indemnisation devait venir des fonds fédéraux. En novembre 1998, le gouvernement ontarien a annoncé qu’il allait indemniser ces victimes; avant la fin décembre, il a commencé à distribuer des montants forfaitaires de 10 000 $(27). À l’heure actuelle, l’Ontario est la seule province à indemniser les personnes infectées avant 1986 et après 1990; cependant, le Québec et la Colombie-Britannique ont dit envisager elles aussi d’accorder des indemnisations à ces personnes.

      4. Responsabilité de la Croix-Rouge canadienne

Juste avant d’abandonner la responsabilité de l’approvisionnement sanguin à l’automne de 1998, la Croix-Rouge canadienne a demandé la protection de la Loi sur les faillites afin de pouvoir restructurer ses finances, compte tenu des poursuites totalisant huit milliards de dollars déposées surtout par des personnes ayant contracté l’hépatite C à partir du sang en dehors de la période 1986-1990. L’organisme avait exprimé son désir de remplir ses obligations morales envers ces victimes mais souligné les contraintes financières auxquelles il faisait face. Il avait espéré créer un fonds d’indemnisation acceptable pour les victimes de l’hépatite C; cependant, en mars 1999, son offre de 60 millions de dollars aux victimes, excluant l’offre fédérale, a été rejetée(28).

CONCLUSION

La lenteur avec laquelle l’hépatite C progresse chez le malade jusqu’à causer éventuellement la mort l’a fait qualifier d’« épidémie silencieuse ». Cependant, maintenant que la maladie a été identifiée, et qu’on sait que beaucoup de personnes en souffrent depuis des années, les problèmes de santé qui en découlent reçoivent plus d’attention. Chaque année, on signale de nouveaux cas. Cela ne témoigne pas d’une recrudescence des infections, mais plutôt d’un meilleur diagnostic de l’infection chronique après apparition des symptômes. L’hépatite C contribue beaucoup aux maladies du foie, à la cirrhose et au cancer du foie.


(1) « Hepatitis C An Epidemic for Anyone », site Internet : www.epidemic.org

(2) S.D. Shafran et J.M. Colly, « ABCDEFG… », The Canadian Journal of Infections Diseases, vol. 7, no 3, mai/juin 1996, p. 181-182.

(3) Site Internet de Chiron : www.chiron.com/patients/education/hepatitisFrame.html

(4) Paul R. Gully et Martin L. Tepper, « Hepatitis C », Journal de l’Association médicale canadienne, vol. 156, no 10, 1997, p. 1427.

(5) Organisation mondiale de la santé, fiche d’information sur l’hépatite C au site Internet :
www.who.int/inf-fs/en/fact164.html

(6) Les enzymes hépatiques sont particulières au foie et se retrouvent normalement dans le sang. Toute agression sur le foie peut donner lieu à des concentrations élevées de ces enzymes, toujours présentes en petite quantité à cause de la nécrose normale des cellules hépatiques et de la diffusion de ces enzymes dans le sang.

(7) Organisation mondiale de la santé, fiche d’information sur l’hépatite C au site Internet :
www.who.int/inf-fs/en/fact164.html

(8) Registre canadien des insuffisances et des transplantations d’organes (RCITO), Rapport annuel 1996, vol. 2, Ottawa, Institut canadien de l’information sur la santé, 1996, p. 3-11.

(9) « Hepatitis C — An Epidemic for Anyone », site Internet : www.epidemic.org

(10) Site Internet HepNet : www.hepnet.com/hepc/news042999.html

(11) Mitchell Schiffman, « Hepatitis C: Dilemmas in Treatment », présentation à la réunion annuelle de la Digestive Disease Week, 17 mai 1999.

(12) M.I. Thabrew, « Phytogenic Agents in the Therapy of Liver Disease », Phytotherapy Research, vol. 10, no 6, septembre 1996, p. 461-467.

(13) « Relationship between Diet and VHC », site Internet de l'American Liver Foundation:
http://gi.ucsf.edu/alf.html

(14) T.R. Riley 3rd et J.P. Smith, « Ibuprofen-Induced Hepatotoxicity in Patients with Chronic Hepatitis C: A Case Series », American Journal of Gastroenterology, vol. 93, no 9, septembre 1998, p. 1563-1565.

(15) W. Wayt Gibbs, « In Focus: Rx for B and C », site Internet du Scientific American :
www.sciam.com/1999/0399issue/0399infocus.html

(16) Dans la thérapie génique antisens la reproduction virale est inhibée par l’administration de copies de synthèse de l’ADN aux cellules affectées, modifiées de façon à inhiber un ou plusieurs des mécanismes viraux, ce qui empêche le virus de survivre.

(17) Kenneth B. Chiacchia, « Looking to the Future », site Internet HepNet :
www.hepnet.com/charge/chap12.html

(18) David B. Weiner et Ronald C. Kennedy, « Genetic Vaccines », Scientific American, vol. 281, no 1, juillet 1999, p. 50-57.

(19) Direction générale de la protection de la santé, Rapport du groupe d’experts sur l’hépatite C, Ottawa, Santé Canada, juillet 1998.

(20) Communication personnelle avec le Laboratoire des infections virales humaines du Bureau de microbiologie de Santé Canada, juin 1999.

(21) Fiche sur l’hépatite C, site Internet des Centers for Disease Control and Prevention :
www.cdc.gov/ncidod/diseases/hepatitis/c/fact.htm

(22) Le contenu de cette section est adapté du Rapport final de la Commission d’enquête sur le système d’approvisionnement en sang au Canada du juge Horace Krever, vol. 2, chap. 23 et 24, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 1997, 1, 138 p.

(23) Hepatitis C Class Action — Class Counsel Statement, Canada News-Wire, 15 juin 1999.

(24) Rapport de la Réunion du groupe expert sur l’épidémiologie de l’hépatite C, Santé Canada, 24 juillet 1998.

(25) «  Entente de règlement proposée pour les personnes ayant contracté l’hépatite C entre 1986 et 1990, résumé », site Internet de Santé Canada :
http://www.hc-sc.gc.ca/francais/archives/communiques/9984fbk1.htm

(26) « Entente de règlement proposée pour les personnes ayant contracté l’hépatite C entre 1986 et 1990, chronologie des principales étapes », site Internet de Santé Canada :
http://www.hc-sc.gc.ca/francais/archives/communiques/9984fbk.htm

(27) Communiqué de presse du gouvernement de l’Ontario daté du 15 juin 1999, site Internet : www.newswire.ca/government/ontario/english/releases/June1999/15/c5064.html

(28) Mark Kennedy, « Blood Victims Refect $60M Offer: Hep-C Victims Say Red Cross Proposal Not Enough », The Ottawa Citizen, 30 mars 1999, p. A7