79-2F

LES GAZ À EFFET DE SERRE
ET LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Rédaction :
Christine Labelle
Division des sciences et de la technologie
Révisé le 25 septembre 2000


TABLE DES MATIÈRES

DÉFINITION DU SUJET

CONTEXTE ET ANALYSE

   A. Le gaz carbonique et le phénomène d'effet de serre

   B. Les sources et les réservoirs de gaz carbonique

   C. L'augmentation des gaz à effet de serre (GES)
      1. Gaz carbonique
      2. Autres gaz à effet de serre

   D. Nouvelles données sur les GES
      1. Le brassage des océans
      2. Foraminifères et archives de glace
      3. Les modèles de prévisions

   E. Mesures internationales : le protocole de Kyoto

MESURES PARLEMENTAIRES

CHRONOLOGIE

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE


LES GAZ À EFFET DE SERRE
ET LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES*

 

DÉFINITION DU SUJET

Selon la théorie de l’effet de serre, le rejet dans l’atmosphère de grandes quantités de gaz carbonique et, de façon tout aussi importante, d’autres gaz à l’état de traces aura pour effet de réchauffer la terre. Plusieurs climatologues, chercheurs scientifiques et groupes de défense de l’environnement estiment, à l’aide de modèles mathématiques notamment, que l’augmentation des concentrations de gaz responsables de l’effet de serre dans l’atmosphère entraînera des hausses de température suffisantes pour provoquer d’importants changements climatiques. À l’opposé, d’autres groupes de chercheurs ne sont pas convaincus de la justesse des théories sur le réchauffement. C’est que les modèles utilisés sont complexes et même les défenseurs les plus convaincus des théories sur le réchauffement reconnaissent que d’importantes données scientifiques manquent toujours et que les analyses sont souvent simplistes. Si les preuves sont difficiles à trouver, les faits, par contre, s’accumulent de plus en plus, et tendent à faire la preuve d’une relation causale entre la pollution atmosphérique et les événements météorologiques.

Afin d’évaluer, de façon globale, objective et transparente les données scientifiques, techniques et socio-économiques nécessaires à la compréhension du risque que constitue un changement climatique causé par l’activité humaine, on a créé le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC). parrainé par les Nations Unies, le GIEC a publié son premier rapport sur le changement climatique en 1990; à cette époque, il n’existait pas suffisamment de preuves scientifiques permettant d’affirmer que l’activité humaine influe sur le climat de la planète. Néanmoins, la Convention-cadre sur le changement climatique a été adoptée en 1992 à Rio afin de stabiliser les gaz à effet de serre à un niveau qui préviendrait les effets des activités humaines sur le climat. Par la suite, en 1995, le GIEC a mentionné dans son deuxième rapport que les faits tendent à démontrer que l’activité humaine influe de façon perceptible sur le climat mondial. Deux ans plus tard, soit en décembre 1997, plus de 160 pays ont adopté le protocole de Kyoto afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre qui contribueraient au changement climatique. Depuis cette date, 84 pays ont signé le Protocole de Kyoto et de plus en plus d’initiatives, surtout volontaires, sont actuellement mises sur pied pour réduire les sources de pollution atmosphérique.

CONTEXTE ET ANALYSE

   A. Le gaz carbonique et le phénomène d'effet de serre

La Terre reçoit de l’énergie de rayonnement du soleil; si elle ne réémettait pas cette énergie dans l’espace, elle deviendrait de plus en plus chaude. L’énergie solaire parvient à la surface de la Terre à des longueurs d’onde qui se situent surtout dans la partie visible du spectre électromagnétique. Notre planète réémet toutefois cette énergie à des longueurs d’onde plus grandes, qui se concentrent à l’extrémité des rayons infrarouges, soit dans la région « chaude » de ce spectre. Le gaz carbonique (CO2) et la vapeur d’eau présents dans l’atmosphère ainsi que d’autres gaz qui absorbent l’infrarouge, comme l’oxyde d’azote, le méthane, les chloro-fluorocarbures et l’ozone, absorbent plus facilement l’énergie de ces rayonnements à plus grande longueur d’onde. Ce phénomène d’absorption se produit principalement dans la troposhère, soit dans la zone de l’atmosphère qui se situe entre la surface terrestre et une altitude de 10 à 15 km.

Lorsque ces molécules absorbent de l’énergie, elles provoquent un réchauffement général de l’atmosphère, phénomène désigné sous le nom « d’effet de serre ». Ces « gaz à effet de serre » jouent donc le rôle d’une sorte de « couverture thermique » autour de la Terre; lorsque leur concentration augmente dans l’atmosphère et que, par conséquent, plus d’énergie est absorbée dans l’infrarouge, les rayonnements captés par la Terre excèdent temporairement ceux qui sont réémis. La température de l’atmosphère s’élève et un nouvel équilibre des rayonnements s’établit.

Selon des prévisions préliminaires, la hausse de la température moyenne de la basse atmosphère que pourrait provoquer un doublement de l’actuelle concentration de CO2 varierait entre 1,5 et 4,5 degrés C. Le modèle de J. Mitchell et de ses collègues du Bureau météorologique du Royaume-Uni, qui est plus complexe, tient compte du phénomène d’effet de retour et prévoit un réchauffement moyen maximum en surface de l’ordre de 1,9 à 2,5 degrés C. Dans son examen des rapports techniques et documents scientifiques récents traitant des changements climatiques, Environnement Canada a indiqué en 1997 qu’un doublement des niveaux de CO2 entraînerait une élévation de la température mondiale moyenne d’au moins 0,98 oC. On pense qu’au cours du siècle écoulé cette température moyenne a déjà augmenté de 0,3 à 0,6 oC et pourrait continuer à s’intensifier au cours des cent prochaines années.

   B. Les sources et les réservoirs de gaz carbonique

C’est le gaz carbonique ou dioxyde de carbone qui transporte le carbone dans le cycle du carbone. Au cours de la photosynthèse, les végétaux le captent dans l’atmosphère et le transforment en composés organiques solides; une fois ceux-ci respirés, du gaz carbonique est à nouveau émis dans l’atmosphère. Le gaz carbonique se dissout dans les océans sous forme de bicarbonate et les crustacés peuvent le transformer sous forme solide en carbonate de calcium. À très long terme, il peut être transformé en combustibles fossiles. C’est ainsi que le gaz carbonique fait partie du cycle du carbone, cycle biogéochimique qui comporte à la fois des éléments vivants et des éléments inertes.

Au cours du dernier demi-milliard d’années de l’histoire de notre planète, qui remonte à plus de 4,5 milliards d’années, un faible pourcentage du carbone présent à la surface de la Terre a été stocké dans des roches sédimentaires sous forme de combustibles fossiles. Néanmoins, on croit que dans l’histoire récente de l’humanité, un équilibre s’est établi dans l’échange de carbone entre l’atmosphère et les océans. en moins d’un siècle ou deux, les activités industrielles ont renvoyé dans l’atmosphère une partie du carbone que la nature a mis des millions d’années à accumuler dans ces combustibles fossiles.

Au niveau mondial, l’activité humaine contribue à relâcher plus de 24 milliards de tonnes de CO2 par année. La combustion directe et l’utilisation non énergétique de combustible fossile sont responsables d’environ 98 p. 100 des émissions totales de dioxyde de carbone et de 78 p. 100 des émissions totales de gaz à effet de serre (GES). Les niveaux futurs des émissions dépendent des hypothèses que l’on pose en ce qui touche la croissance de la population, l’évolution technologique, l’économie mondiale, les économies d’énergie, les coûts des combustibles et les changements dans les sources d’énergie utilisées pour répondre aux besoins de l’homme.

Comme les biotes terrestres et les sols contiennent en gros trois fois plus de carbone que l’atmosphère, les changements qu’ils subissent peuvent entraîner une augmentation ou une diminution des concentrations atmosphériques de CO2. L’agriculture intensive et les diverses formes de développement peuvent dénuder le sol et provoquer son érosion et une perte de carbone organique. L’exploitation forestière sans régénération naturelle ou reforestation peut résulter en une perte nette de carbone si le bois est brûlé. Toutefois, si la zone exploitée est reboisée et si le bois récolté est utilisé pour la construction, il y alors captation nette de carbone.

Les calculs laissent supposer que, de la quantité totale de CO2 produite par l’activité humaine depuis un siècle, seulement la moitié est restée dans l’atmosphère; le CO2 doit être absorbé ou stocké quelque part, sinon sa concentration dans l’atmosphère serait bien supérieure à celle qu’on a observée. Plusieurs phénomènes agiraient donc comme réservoir de dioxyde de carbone, c’est-à-dire qu’ils absorberaient une partie du CO2 de l’atmosphère, contribuant à diminuer sa concentration.

Par exemple, l’introduction de nouvelles cultures dans des zones où le climat ne s’y prêtait pas et la fertilisation des plantes en vue d’en stimuler la croissance peuvent fort bien compenser une bonne partie des pertes de carbone attribuables au déboisement et à l’exploitation du sol. De plus, on s’est aperçu que des concentrations plus élevées de CO2 stimulent et accélèrent la croissance des plantes dans la vaste majorité des espèces étudiées.

Les forêts constituent probablement le réservoir de CO2 le plus important sur Terre, à moins qu’elles ne soient au contraire une source de carbone, ce qui reste pour l’instant à être vérifié scientifiquement. Au Canada, le ministère des ressources naturelles a mis sur pied le projet BOREAS (the Boreal Ecosystem Atmosphere Study), un projet multidisciplinaire, à échelle internationale, qui permet l’étude des forêts boréales du Canada. Ce programme vise à amasser de l’information sur la forêt boréale, telle son interaction avec l’atmosphère, sa capacité à emmagasiner le CO2 et sa vulnérabilité au changement climatique. Selon les données les plus récentes, la capacité de captage de CO2 par les conifères, composantes majeures de la forêt boréale, est limitée par la température. En effet, le sol gelé ou trop froid du printemps ainsi que le climat estival chaud et sec diminuent la capacité des épinettes noires à utiliser le carbone. À l’opposé, le captage est maximal lorsque les taux d’humidité du sol et de l’air sont idéaux et la température, moins chaude.

Les océans contiennent beaucoup plus de carbone que l’atmosphère, la biosphère et les combustibles fossiles réunis. Bien qu’il reste encore beaucoup à apprendre sur les échanges de gaz carbonique entre les océans et l’atmosphère, les recherches menées jusqu’à maintenant permettent de supposer que les océans absorbent environ 40 p. 100 du carbone libéré dans l’atmosphère par l’utilisation de combustibles fossiles.

Les déchets constituent à prime abord le troisième réservoir important de CO2, si on exclut toutefois le fait important qu’ils produisent du méthane, un gaz à effet de serre majeur. Ce phénomène est discuté plus loin dans le texte. Lorsque les déchets ne sont pas recyclés naturellement ou manuellement, ils se retrouvent habituellement dans des sites d’enfouissement. Les sites d’enfouissement sont entourés de barrières imperméables constituées, par exemple, d’argile ou de membranes géotextiles. Lorsque le site est plein, les déchets sont ensevelis sous une couche d’argile qui les isole de l’eau de pluie. Cet isolement des déchets vise à protéger les eaux souterraines contre les lixiviats qui pourraient se révéler toxiques. Toutefois, ces mesures retardent aussi la décomposition naturelle des déchets. D’après des calculs préliminaires, on isolerait ainsi un milliard de tonnes de carbone par an.

   C. L'augmentation des gaz à effet de serre (GES)

En 1995, les Canadiens ont rejeté dans l’atmosphère près de 619 millions de tonnes métriques (tm) de gaz à effet de serre, ce qui équivaut à 2 p. 100 des émissions mondiales. Selon la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique le Canada, les États-Unis et le Japon sont les principaux responsables (85 p. 100 des émissions) de l’augmentation des gaz à effet de serre constatée entre 1990 et 1995. Le CO2 arrive au premier rang des GES produits (81 p. 100 des émissions ou 500 millions tm), suivi du méthane (12 p. 100), de l’oxyde nitreux (5 p. 100) et des perfluorocarbones (1 p. 100). Quatre vingt-neuf pour cent des émissions canadiennes sont attribuables à la production, au transport et à la consommation de combustibles fossiles. Les industries énergétiques sont les principales responsables de ces émissions (34 p. 100), suivies du secteur des transports (27 p. 100), des autres industries (20 p. 100), du secteur résidentiel (10 p. 100) et du secteur commercial et industriel (5 p. 100) ex-aequo avec l’agriculture (5 p. 100).

      1. Gaz carbonique

Depuis le début de l’ère pré-industrielle, la concentration de gaz carbonique dans l’atmosphère est passée d’environ 280 à 356 parties par million en volume (ppmv). Des calculs plus précis indiquent que cette concentration a augmenté de 12 ±  1 ppm de 1970 à 1980 et qu’elle a continué d’augmenter d’environ 1 à 1,5 ppm chaque année jusqu’en 1991. En 1991, des chercheurs de la Scripps Institution of Oceanography ont remarqué que l’augmentation de la concentration de gaz carbonique qui durait depuis des décennies a soudainement cessé, se stabilisant à 0,6 ppm par année seulement, et qu’elle s’est accompagnée d’une hausse de la concentration d’oxygène. Même si elle a également diminué en 1995, la concentration canadienne de CO2 a augmenté de 9 p. 100 entre 1990 et 1995, année pour laquelle on dispose les plus récentes données. Depuis 100 ans, la concentration de dioxyde de carbone dans l’air s’est accrue de 30 p. 100.

Contrairement à l’azote, qui représente près de 78 p. 100 du total des gaz atmosphériques, et à l’oxygène qui en représente 21 p. 100, le gaz carbonique ne forme que près de 0,035 p. 100 de ces gaz. Par conséquent, une petite augmentation de la concentration de ce gaz se traduit par un accroissement énorme en pourcentage.

Contrairement à l’azote, qui représente près de 78 p. 100 du total des gaz atmosphériques, et à l’oxygène qui en représente 21 p. 100, le gaz carbonique ne forme que près de 0,035 p. 100 de ces gaz. Par conséquent, une petite augmentation de la concentration de ce gaz se traduit par un accroissement énorme en pourcentage. Ainsi, entre 1850 et 1992, la concentration de gaz carbonique, en pourcentage du total des gaz atmosphériques, est passée de 0,029 à 0,0356 p. 100. Cette augmentation de 0,0066 p. 100 d’un composant atmosphérique peut également s’exprimer comme une augmentation de 22,7 p. 100 de la concentration de gaz carbonique, ce qui représente une augmentation stupéfiante mais qui, sur le plan scientifique, n’est pas très significative. Ce qu’il faut quantifier avec précision, c’est la corrélation entre la rétention de la chaleur dans l’atmosphère et l’augmentation proportionnelle des gaz à effet de serre par rapport au total des gaz atmosphériques.

      2. Autres gaz à effet de serre

Outre le CO2, le méthane (CH4) et l’oxyde nitreux (N2O) sont les plus importants GES à subir l’influence des activités humaines. Depuis l’ère pré-industrielle en effet, la concentration de CH4 est passée de 0,7 à 1,7 ppmv et celle du N2O, de 275 à 310 ppbv. Dans le protocole de Kyoto, il est question de trois autres gaz, à savoir les hydrofluorocarbures (HFC, utilisés pour la régulation climatique et aussi comme solvants, propulseurs et agents extincteurs), les perfluorocarbones (PFC, produits lors de la fabrication d’aluminium) et l’hexafluorure de soufre (SF6), produit pendant la fabrication du magnésium). L’ozone troposphérique (O3), les CFC et leurs produits de remplacement constituent également des gaz à effet de serre, de même que les hydrochlorofluorocarbures (HCFC). La Convention-cadre sur les changements climatiques, qui exclut les gaz réglementés par le Protocole de Montréal relatif à la protection de la couche d’ozone, inclut toutefois dans la liste des GES d’autres gaz comme le monoxyde de carbone (CO), les oxydes d’azote (NOx) et les composés organiques autres que le méthane (COVAM) qui contribuent à la formation d’ozone troposphérique.

Le méthane est actuellement, molécule pour molécule, le GES qui produit le plus fort effet de serre; sa concentration a augmenté de près de 16 p. 100 entre 1990 et 1995. Les scientifiques ont évalué que, sur une période de 100 ans, la capacité de réchauffement provoqué par 1 kg de CH4 serait de 21 fois supérieure à celle provoquée par la même quantité de CO2. À l’échelle mondiale, les rizières constituent une importante source de méthane. Au Canada, l’agriculture (majoritairement l’élevage du bétail) est l’une des principales sources de méthane, puisqu’elle compte pour environ les deux tiers des origines anthropiques de ce gaz. Les sites d’enfouissement contribueraient quant à eux à 27 p. 100 des émissions canadiennes de méthane. Les terres submergées, les combustibles fossiles, le traitement des eaux usées et le compostage sont d’autres sources de méthane de faible importance.

En 1992, les scientifiques du laboratoire de surveillance et de diagnostics climatiques de Boulder, au Colorado, ont démontré, données à l’appui, que le taux d’augmentation du méthane a baissé très brusquement dans l’hémisphère sud et qu’il est soudainement passé à zéro dans l’hémisphère Nord. On ne connaît pas la cause exacte de cette réduction radicale du taux d’augmentation du CH4, mais selon une étude menée en 1994, il se pourrait que ce phénomène soit lié à l’appauvrissement de la couche stratosphérique d’ozone. En effet, la décomposition de l’ozone en présence de vapeur d’eau entraîne la production de radicaux libres d’hydroxyle (OH) qui, à leur tour, sont capables de s’oxyder au contact d’autres substances chimiques présentes dans l’atmosphère comme le CH4. Ce dernier gaz ne demeure dans l’atmosphère que de cinq à dix ans. Par conséquent, étant donné que les spécialistes de l’atmosphère prévoient que l’appauvrissement de la couche d’ozone se poursuivra durant le XXIe siècle, il est possible que les concentrations atmosphériques de CH4 se stabilisent ou chutent en fait sous leurs niveaux historiques.

L’oxyde nitreux se trouve en très petites quantités dans l’atmosphère, mais sa concentration a augmenté de 28 p. 100 entre 1990 et 1995. C’est un puissant gaz à effet de serre, qui subsiste jusqu’à 120 ans dans l’atmosphère et dont le potentiel de réchauffement est de 310 fois supérieur à celui du CO2 sur une période de 100 ans. L’agriculture (utilisation de fumier et d’engrais) contribue pour 70 p. 100 du total des émissions de N2O d’origine anthropique. Le traitement des eaux usées et le compostage contribuent également à la production de N2O.

   D. Nouvelles données sur les GES

      1. Le brassage des océans

Les climatologues ont fait une importante découverte lorsqu’ils ont constaté que l’océan est le principal facteur de distribution de la chaleur sur les continents. En effet, les océans sont régis par des brassages gigantesques que l’on connaît sous le nom de grands courants, tel le courant du Gulf Stream dans l’océan Atlantique. Par exemple, les courants de l’Atlantique nord, qui sont les plus puissants, effectuent, autour des continents, un trajet en forme de boucle qui s’étend sur 1 500 ans. En raison de la grande densité de l’eau qu’elle déplace, cette boucle descend jusqu’à 3 000 m de profondeur au niveau du Groenland, déplaçant ainsi d’importants volumes d’eau chaude et froide, qui modifient ensuite la température de l’air côtier à leur contact.

Selon les chercheurs, une augmentation des GES et, par conséquent, de la température pourrait avoir un effet spectaculaire sur ce mouvement. Un accroissement de seulement quelques degrés de la température pourrait avoir comme résultat de stimuler la fonte des glaces, ce qui créerait un apport d’eau douce important dans les océans. La salinité de l’eau de mer ainsi que sa densité diminueraient, ce qui ralentirait la vitesse de la boucle. Un arrêt total de ce courant priverait les côtes d’un apport de chaleur important, qui aurait comme conséquence un refroidissement de certains continents, plus particulièrement la partie occidentale du continent européen. D’autre part, l’absence de brassage impliquerait un arrêt de l’absorption du CO2 par la mer, phénomène qui représente actuellement la moitié du CO2 produit. Selon le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), si les habitudes actuelles de consommation sont maintenues, la concentration atmosphérique de CO2 doublera, ce qui amènera des conséquences climatiques extrêmes et imprévisibles.

Alors que des hausses de température ont été constatées dans plusieurs pays depuis quelques années la côte est du Canada a, paradoxalement subit les refroidissements les plus marqués. La disparition de la morue dans le Golfe du Saint-Laurent, par exemple, ne serait pas seulement reliée à la pêche excessive par les pêcheurs; des chercheurs l’attribuent en partie au refroidissement des eaux. Le nord du Québec, plus froid et plus sec qu’auparavant, connaît aussi une plus grande variabilité dans son climat. On peut donc imaginer que si le problème du changement climatique prend de l’ampleur, la baisse du niveau d’eau sera encore plus grande dans les réservoirs d’eau, dont les principaux sont le fleuve Saint-Laurent et les Grands Lacs. Ce phénomène aura des répercussions notamment sur les secteurs de l’hydroélectricité et du transport maritime, comme en témoigne le passé : en 1964, la baisse du niveau des Grands Lacs a occasionné des pertes de 35 millions de dollars dans ces deux secteurs.

      2. Foraminifères et archives de glace

Le phénomène d’augmentation des gaz à effet de serre est aujourd’hui prouvé grâce à l’étude de deux phénomènes naturels, à savoir les foraminifères et les archives de glace. Les foraminifères sont de petits organismes marins qui vivent au fond des océans. La composition de leur squelette varie en fonction de la salinité et de la température de l’eau. L’analyse de ces animaux permet donc de se faire une bonne idée des changements qui se sont produits dans le passé en milieu océanique puisqu’elle permet aux scientifiques de reconstituer jusqu’à 100 000 ans d’histoire. Jusqu’à maintenant, il a été possible aux chercheurs d’observer les changements climatiques des dernières époques glaciaires; les perturbations appréhendées à cause d’une augmentation des gaz à effet de serre seront donc probablement observables.

L’analyse des bulles d’air contenues dans les couches de glace s’empilant siècle après siècle sur la croûte terrestre permet aussi de recueillir et de compiler de l’information sur le contenu en gaz de l’atmosphère. les concentrations de CO2 et de CH4 emprisonnées dans les bulles d’air de la glace donnent une idée des GES présents dans l’atmosphère à différentes époques. Les différentes équipes de chercheurs, qui étudient les glaces de l’Antarctique, du Groenland et des îles canadiennes de l’Arctique, ont observé notamment que les concentrations des deux gaz ont toujours varié entre deux bornes stables lors des réchauffements et refroidissements successifs de la Terre. Cette alternance est toutefois rompue depuis 100 ans, puisque les deux gaz ont atteint des niveaux jamais observés auparavant. En effet, alors que la concentration de CO2 n’avait jamais dépassé les 300 ppm depuis au moins 160 000 ans, elle atteint aujourd’hui 370 ppm. Les équipes de recherche ont également pu déterminer la source de CO2, à savoir les activités humaines, étant donné que le carbone produit par ces activités est plus lourd que celui produit par des sources naturelles. Les chercheurs ont aussi constaté que la période interglaciaire actuelle (l’holocène) est la plus longue des quatre périodes interglaciaires du quaternaire. En d’autres mots, il règne sur Terre un climat relativement stable alors que si l’on se fie aux périodes précédentes, la température aurait déjà dû commencer à baisser. Or, la température a plutôt tendance à augmenter, si l’on se réfère aux rapports récents des climatologues.

À l’opposé, une équipe de scientifiques danois, en analysant la calotte glaciaire du Groenland, a constaté quant à elle que les niveaux de CO2 étaient plus élevés après une période de réchauffement, et non avant. Par conséquent, il semble que les concentrations plus importantes de CO2 aient été une conséquence du réchauffement, et non sa cause. Dans cette perspective, le CO2 ne pourrait à lui seul causer un réchauffement irréversible.

Les résultats des analyses sur la calotte glaciaire ont suscité des réactions contradictoires. Pour certains, les données intensifient leurs craintes en confirmant que les émissions de gaz à effet de serre produites par l’homme pourront difficilement être maintenues en équilibre et provoqueront une période de réchauffement rapide et dévastatrice. D’autres, par contre, croient que les périodes de réchauffement et de refroidissement constituent un phénomène naturel, que l’homme n’est pas responsable des réchauffements observés par le passé, et qu’il est peu probable que ses actions influent sur les changements climatiques naturels.

      3. Les modèles de prévisions

Plusieurs études ont été entreprises au Canada et ailleurs afin d’évaluer les impacts possibles du changement climatique. Ces simulations du climat sont effectuées à l’aide de modèles de circulation générale de l’atmosphère, couplés à des modèles de circulation océanique. Même si les résultats de ces données ne sont en fait que des prédictions qui comportent une marge d’erreur non négligeable, les résultats sont de plus en plus réalistes, et les scientifiques les considèrent comme de plus en plus fiables. Il faut tenir compte toutefois du fait que les modèles expriment parfois des opinions différentes (voir ci-dessous). Quoi qu’il en soit, ces études montrent clairement que les Canadiens devraient se préoccuper du changement climatique.

Les climatologues ont commencé à élaborer des modèles pour prédire d’éventuels changements climatiques. En utilisant certains modèles qui se fondent sur l’hypothèse qu’en doublant la concentration du CO2 dans l’atmosphère on augmenterait la température moyenne de la planète de 4,5C, on a pu supposer que les calottes glacières polaires fondraient et que, conséquemment, les villes côtières et les nations insulaires seraient inondées. De plus, toujours selon ces modèles, la configuration des pluies changerait, provoquant de véritables déluges dans les régions côtières et l’érosion des sols, alors que les régions d’herbages secs deviendraient des déserts arides. Poussant plus loin les extrapolations fondées sur ces modèles, les climatologues ont prédit des famines, une recrudescence des maladies et des migrations de réfugiés écologiques sans précédent.

Cependant, au fur et à mesure que des informations plus précises sur la formation des nuages, les phénomènes océaniques, la croissance des plantes, la pollution par les sulfates, etc. sont recueillies et appliquées aux modèles, l’ampleur de certains résultats est réduite. Il faut garder en mémoire que les modèles comportent un certain degré d’erreur intrinsèque, lequel est multiplié lorsqu’un modèle est basé sur un autre. Un exemple de prévisions qui ont dû être corrigées est celui des effets du réchauffement de la planète sur le niveau de l’océan.

Les modèles climatiques indiquent qu’une augmentation de la température mondiale moyenne de 1 oC ou plus augmenterait de façon marquée la probabilité de vagues de chaleur. En plus de l’inconfort général qu’elles causent, les vagues de chaleur augmentent le taux de mortalité chez les personnes âgées, la demande d’énergie pour la climatisation et les risques d’incendies de forêt. Certaines régions agricoles arides pourraient devenir improductives ou exiger des systèmes d’irrigation plus efficaces. Des hivers moins froids et plus humides pourraient augmenter la couverture de neige, ce qui occasionnerait un ruissellement plus intense au dégel et une augmentation des risques d’inondation. Le rythme de l’avance des zones écologiques vers les pôles pourrait être plus rapide que celui de l’adaptation naturelle, ce qui exigerait le repeuplement artificiel des nouvelles zones productives par des espèces indigènes des régions plus méridionales. Les modèles de transmission des maladies, basés sur des modèles de changement climatique, indiquent que certaines maladies tropicales, comme le paludisme et la cécité des rivières, pourraient accroître leur aire endémique.

D’après les résultats d’autres modèles, une élévation de la température mondiale moyenne de 1 ou 2 oC au cours du prochain siècle pourrait avoir des effets à la fois bénéfiques et néfastes sur différentes régions du monde; l’effet bénéfique se ferait surtout sentir dans les zones tempérées et subarctiques. En règle générale, on a historiquement soutenu qu’un monde plus chaud serait un monde plus humide; toutefois, les avantages évidents d’une telle situation pour l’agriculture étaient tempérés par le fait qu’il y aurait aussi une augmentation de la transpiration, de l’évaporation et de la dessiccation des sols. De plus, on disait aussi que lorsque la pluie tomberait, ce serait plus souvent sous forme de tempêtes extrêmement violentes, qui causeraient énormément de ruissellement, d’inondation et d’érosion. Certains scientifiques remettent maintenant en question ces constatations. Thomas Karl et deux coauteurs climatologues estiment que les modèles prédisant des cyclones (ouragans) tropicaux plus nombreux et plus intenses sont trop simplistes et en contradiction avec ce qui se passe réellement. Les années 90 ont été, en moyenne, les années les plus chaudes du siècle et les compagnies d’assurance ont connu des pertes importantes dues à des tempêtes. Cependant, les observations météorologiques montrent que de 1991 à 1994, la fréquence des tempêtes et ouragans violents a été très inférieure aux normales. Karl et ses coauteurs en concluent donc qu’il était peu probable que, à l’échelle mondiale, les cyclones tropicaux augmentent de façon significative. Ces analyses devront sans doute être revues à la lumière des études qui seront faites et des événements climatologiques des dernières années (inondations dues à la crue du Saguenay en 1995 et à celle de la rivière Rouge en 1996, verglas au Québec et en Ontario en 1998, et phénomène El Niño intensifié, en 1998).

L’analyse des données sur les observations des stations météorologiques du monde entier semble indiquer qu’au cours du siècle dernier, il y a eu un réchauffement de 0,3 à 0,6 oC de la température sur la Terre. Le fait que cela ne résulte pas d’une augmentation de la moyenne des températures diurnes, mais d’une augmentation de la moyenne des températures nocturnes, a une importance considérable pour la production agricole. Comme il n’y a pas eu d’augmentation de la température diurne (en date du début de l’année 1997), les plantes n’ont pas été soumises à un stress thermique supplémentaire ni à une déperdition d’eau accrue en raison de l’évaporation et de la transpiration. Par contre, l’augmentation des moyennes nocturnes signifie moins de journées de gel et une plus longue saison de croissance. On a déjà enregistré une augmentation du nombre de jours sans gel dans les zones agricoles des États-Unis; dans le nord-est, par exemple, la période sans gel commence maintenant, en moyenne, 11 jours plus tôt que pendant les années 50.

On sait aussi que, à une concentration dans l’atmosphère de 0,035 p. 100, le dioxyde de carbone est un élément nutritif en quantité insuffisante et que l’augmentation de la concentration agira comme un engrais pour les plantes. La très grande majorité des plantes soumises à des atmosphères enrichies en dioxyde de carbone montrent une augmentation de la photosynthèse, une plus grande production de biomasse et un meilleur rendement en produit utile. Notons en particulier que les plantes cultivées dans des atmosphères enrichies en CO2 montrent une conductance stomatique réduite et un accroissement de l’efficacité d’utilisation de l’eau. En conséquence, les craintes que l’on avait, que le réchauffement de la planète cause un accroissement de la transpiration des plantes, une dessiccation des sols, un stress thermique et une réduction des rendements des récoltes, semblent en grande partie sans fondement.

Environnement Canada, dans son examen de 1997 sur le climat, signale qu’au cours du dernier siècle écoulé, avec l’augmentation de la température, les précipitations annuelles ont augmenté, en moyenne, de 13 p. 100 dans le sud du Canada et jusqu’à 20 p. 100 dans le Nord, tandis que les stations de recherches agricoles d’Ottawa et d’Agassiz ont constaté une diminution à long terme de l’aridité. Les modèles agricoles pour une atmosphère comportant le double de la concentration actuelle de dioxyde de carbone indiquent qu’une majeure partie des 57 millions d’hectares de terres arables des régions subarctiques de l’Alaska et du nord-ouest du Canada deviendrait cultivable.

Au-delà de ces faits irréfutables, on ne connaît pas de façon précise tous les autres paramètres. Les données météorologiques ne sont tenues que depuis un siècle et il n’est pas possible de dire de façon concluante si l’évolution récente du climat fait partie de variations météorologiques normales, ou marque un début discret du réchauffement de la planète. Dans les faits, les relevés d’Environnement Canada montrent que l’année 1998 a été la plus chaude jamais enregistrée au Canada. Des études effectuées ailleurs, notamment en Angleterre et aux États-Unis, ont également permis de constater que l’année 1998 a été la plus chaude enregistrée sur la planète depuis 150 ans. Même si ces résultats ne sont pas une preuve que le climat change, ils concordent avec les prédictions des modèles de changements climatiques du Canada et d’autres pays.

   E. Mesures internationales : le protocole de Kyoto

En 1994, lors de l’entrée en vigueur de la Convention, les États industrialisés, de même que les pays dont l’économie est en transition, se sont engagés à ramener leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) au niveau de 1990 au plus tard en l’an 2000. Cette convention ne constituait cependant pas un document juridique liant les signataires, et les objectifs de réduction des émissions ne seront pas atteints. La troisième réunion des signataires de la Convention cadre a eu lieu en 1997 à Kyoto, au Japon. Elle avait pour principal objectif de quantifier les réductions des émissions de GES par l’adoption d’un instrument juridique, le Protocole de Kyoto, qui obligerait les pays industrialisés à réduire leurs émissions. Les réductions d’émissions de GES prévues sont les suivantes :

  • 8 p. 100 pour la Suisse et pour plusieurs états d’Europe centrale et d’Europe de l’Est;

  • 7 p. 100 pour les États-Unis;

  • 6 p. 100 pour le Canada, la Hongrie, le Japon et la Pologne;

D’autre part, la Russie, la Nouvelle-Zélande et l’Ukraine stabiliseront leurs émissions tandis que la Norvège pourra accroître ses émissions de 1 p. 100, l’Australie de 8 p. 100 et l’Islande de 10 p. 100.

La réduction des émissions des six gaz suivants, qui sont visés par le Protocole de Kyoto, devrait avoir lieu entre 2008 et 2012 : le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et l’oxyde nitreux (N2O) ainsi que les hydrofluorocarbures (HFC), les perfluorocarbones (PFC) et les hexafluorures de soufre (SF6). Dans le cas des trois premiers gaz, la réduction sera fondée sur les quantités mesurées en 1990, tandis que dans le cas des trois autres, elle sera basée, au choix, sur les données de 1990 ou celles de 1995. Le Protocole implique également la possibilité d’achats de quotas excédentaires d’un pays par un autre et la réduction volontaire des émissions par les pays en voie de développement.

En plus des actions prises au niveau des activités industrielles et du secteur économique, le Protocole insiste sur le problème de la déforestation, sur la protection des forêts et sur la mise en branle de projets de plantation, notamment en raison du rôle que peuvent jouer les forêts mondiales en tant que puits ou réservoir de carbone. Il favorise aussi les projets d’efficacité énergétique et de sources d’énergie renouvelable et de remplacement, les projets de réduction du méthane, ainsi que les modifications dans les secteurs de l’énergie et du transport et des mesures fiscales inaptes.

À Kyoto, le Canada s’est engagé à diminuer ses émissions de GES de 3 p. 100 pour la période allant de 2008 à 2012 et de 5 p. 100 supplémentaires pour celle allant de 2013 à 2017. Pour mener ces engagements à terme, il est jugé prioritaire de poser des gestes à l’échelle nationale et de prendre les mesures spécifiques suivantes :

  • une réduction des six gaz susmentionnés;

  • des échanges de permis d’émission de gaz à effet de serre;

  • des partages de crédits entre pays industrialisés et pays en développement; et

  • d’autres options telles que la reconnaissance des exportations d’énergie à faible teneur en carbone.

Dans une optique de développement durable, le Canada désire également aider les pays en voie de développement dans le transfert de technologies favorables à la fois à la réduction des émissions et à l’accroissement de leur économie.

MESURES PARLEMENTAIRES

Le 25 mars 1991, le Comité permanent de l’environnement de la Chambre des communes a déposé au Parlement son rapport intitulé En rupture d’équilibre Le risque de changements climatiques irréversibles. Selon le rapport, qui renfermait 25 recommandations, il est nécessaire que le Canada prenne beaucoup plus d’initiatives dans le but de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, celles de gaz carbonique en particulier.

Le 4 décembre 1992, le Canada a ratifié la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et le 29 avril 1998, il a signé le Protocole de Kyoto. Le Secrétariat sur le changement climatique, créé en 1998 pour gérer et appuyer le processus d’engagement national et l’élaboration d’une stratégie nationale de mise en œuvre, relève d’Environnement Canada et de Ressources naturelles Canada. Le ministre des Ressources naturelles du Canada est chargé de l’élaboration et de la coordination de la stratégie nationale. Il travaille principalement de concert avec les secteurs industriels. Pour sa part, le ministre de l’Environnement est responsable du programme international du Canada sur les changements climatiques. Il continue également à élaborer les politiques en matière d’environnement, particulièrement celles qui concernent le climat et la sensibilisation du public.

Par l’entremise du Secrétariat, le gouvernement fédéral poursuit trois objectifs principaux. Il sert tout d’abord de point central pour l’élaboration de la politique et de la programmation internes du gouvernement fédéral sur les changements climatiques. Il a également mis sur pied le Fonds d’action pour le changement climatique, qui s’élève à 150 millions de dollars pour une durée de trois ans et dont les activités sont réparties en quatre volets, y compris la création de 16 tables de concertation.

LES 16 TABLES ET GROUPES DE CONCERTATION

Les 8 premières tables de concertation

Les 8 autres tables de concertation

Analyse et modélisation Agriculture et agroalimentaire*
Crédits pour les mesures hâtives* Édifices*
Électricité* Groupe de travail sur les permis échangeables*
Mécanismes de Kyoto* Industrie*
Puits* Municipalités*
Sensibilisation du public* Nouvelles mesures volontaires*
Technologie* Science, impacts et adaptation*
Transport* Secteur forestier*

* Tables de concertation qui ont déposé leur rapport sur les options depuis l’automne 1999.
Source : Site Web du Secrétariat national du changement climatique à :
http://www.nccp.ca/html_f/index.htm.

Les tables de concertation servent à apporter une contribution poussée à la recherche, à l’analyse et à l’évaluation des occasions de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elles doivent déterminer les avantages et les inconvénients des diverses options qui s’offrent au Canada. Les tables regroupent des représentants de l’ensemble de la collectivité – notamment le gouvernement, l’industrie et les organismes non gouverne-mentaux s’occupant de l’environnement – intéressés par un secteur ou un dossier en particulier.

Chaque table de concertation a rédigé un document de base dans lequel elle analyse la situation actuelle dans son secteur ou domaine respectif, ainsi que les défis et les possibilités qui se présentent. Chacune a préparé un rapport sur les options évaluant les scénarios de réduction des émissions, les possibilités et les obstacles, les calendriers de mise en œuvre, les conséquences pour la compétitivité du Canada, ainsi que les coûts et avantages escomptés dans différents domaines, notamment en ce qui a trait à la société, à l’économie, à l’environnement et à la santé (voir le tableau ci-dessus). Les gouvernements examineront et analyseront ensuite les options que renferment les rapports afin de déterminer la nature et l’ordre de priorité des mesures à prendre pour relever le défi du changement climatique. Les résultats de cet examen formeront le noyau de la stratégie nationale de mise en œuvre qui sera présentée aux ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux de l’Énergie et de l’Environnement au cours d’une série de réunions qui se tiendront en 2000 et 2001.

Enfin, le Canada a participé à la mise sur pied de deux projets volontaires qui favorisent les actions visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Le premier, baptisé Projet pilote d’échange de réductions des émissions de GES (PÉRÉG), permettra à une organisation qui aura réduit ses émissions, de transférer à une autre organisation ses droits d’émissions. Cet échange devrait éventuellement réduire le coût global de la diminution des émissions de GES. L’initiative, lancée par la Colombie-Britannique, regroupe des représentants de tous les paliers gouvernementaux ainsi que des milieux industriels, environnementaux et syndicaux. L’autre projet, le PERT (Pilot Emissions Reduction Trading Project) regroupe aussi des représentants des milieux industriels et environnementaux. Ce programme ontarien vise à évaluer l’échange de crédits d’émission en tant qu’outil qui permettrait de réduire le smog et les autres polluants présents dans le corridor Windsor-Québec.

CHRONOLOGIE

1958 - M. Charles Keeling commence à surveiller la concentration de gaz carbonique dans l’atmosphère, à une station située à Mauna Loa, à Hawaii. La concentration de CO2 dans l’atmosphère a augmenté à partir de 1958 jusqu’à ce qu’elle diminue brusquement en juillet 1991. Elle a recommencé à augmenter en 1993.

octobre 1983 - L’agence de protection de l’environnement des États-Unis publie un rapport prédisant que les effets climatiques de l’accumulation de CO2 dans l’atmosphère se feront sentir durant les années 90. La National Academy of Sciences publie un rapport sur les changements climatiques dans lequel elle prédit des altérations climatiques quelque peu analogues à long terme, mais se montre moins inquiète.

25 septembre 1984 - À Ottawa, lors d’un symposium intitulé « Changement global », parrainé par le Conseil international des unions scientifiques, on discute de la création d’un international de la géosphère et de la biosphère visant à évaluer les changements naturels et causés par l’activité humaine qui surviendront au cours des 50 à 100 prochaines années.

27-30 juin 1988 - La conférence « L’atmosphère en évolution : implications pour la sécurité du globe » réunit, à Toronto, des scientifiques et des décideurs de 46 pays, en guise de première étape vers la conclusion d’une convention internationale pour la protection de l’atmosphère.

1988 - Création du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) pour l’évaluation des connaissances scientifiques sur le changement climatique.

novembre 1990 - Les 130 pays qui participent à la Conférence mondiale sur le climat qui a lieu à Genève ne peuvent s’entendre sur une stratégie pour réagir à l’existence d’un changement climatique. Dans leur communiqué final, les participants exhortent tous les pays industrialisés à se fixer des objectifs ou à mettre sur pied des programmes et des stratégies (ou les deux) qui auront d’importantes répercussions sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre non régies par le Protocole de Montréal.

La deuxième conférence mondiale sur le climat permet de prendre connaissance du premier rapport d’évaluation du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat. Ce rapport confirme scientifiquement l’existence du changement climatique et trace la voie à l’élaboration d’une convention internationale.

décembre 1990 - Environnement Canada confirme l’engagement que le Canada a pris à la Conférence mondiale sur le climat de « stabiliser, d’ici l’an 2000, les émissions de CO2 et des autres gaz à effet de serre aux niveaux de 1990 ».

25 mars 1991 - Le Comité permanent de l’environnement de la Chambre des communes dépose son rapport En rupture d’équilibre – Le risque de changements climatiques irréversibles.

1992 - Les concentrations de méthane dans l’atmosphère semblent sur le point de se stabiliser à environ 1,6 ppm, et le taux d’augmentation des concentrations atmosphériques de N2O ralentit.

février 1992 - Le GIEC déclare que l’effet des CFC sur le réchauffement de la planète est à peu près compensé par leur pouvoir de destruction d’un autre gaz à effet de serre, l’ozone.

juin 1992 - La Convention cadre sur le changement climatique est adoptée lors du Sommet de la Terre qui se tient à Rio de Janeiro sous les auspices des Nations Unies. Au 7 septembre 2000, 186 pays avaient ratifié cette convention qui, en vigueur depuis le 21 mars 1994, vise la stabilisation des concentrations de GES à un niveau qui préviendrait l’interférence entre les activités humaines et le système climatique. Les Parties à la convention ont dû par la suite déterminer un niveau de stabilisation des émissions de gaz à effet de serre, fixer un échéancier, élaborer des politiques efficaces et développer des technologies appropriées.

4 décembre 1992 - Le Canada ratifie la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique.

novembre 1994 - Une étude réalisée à l’Université de Cambridge révèle que les CFC, parce qu’ils détruisent des molécules d’ozone et entraînent la libération de radicaux OH, provoquent l’oxydation du méthane et la formation de nuages ayant un grand pouvoir de réflexion autour des particules de condensation (sulfates). On reconnaît maintenant que les CFC constituent de puissants agents de refroidissement de la planète.

avril 1995 - La première Conférence des Parties (COP 1) à la Convention cadre a lieu en 1995, à Berlin. (La Conférence des Parties a pour rôle de promouvoir et d’examiner la mise en œuvre de la Convention cadre sur le changement climatique et comprend tous les pays qui ont ratifié cette dernière.) Les participants y constatent que les engagements pris sont insuffisants et croient opportun de négocier, entre autres, un protocole devant quantifier les engagements à réduire les émissions de gaz à effet de serre pour la période au-delà de l’an 2000. L’objectif initial est de faire adopter ces nouveaux engagements en 1997, lors de la COP 3, c’est-à-dire celle devant avoir lieu à Kyoto, au Japon.

décembre 1995 - Le GIEC mentionne dans son deuxième rapport que dans l’ensemble, les faits tendent à démontrer que l’activité humaine influe de façon perceptible sur le climat mondial.

1996 - La COP 2, qui a lieu à Genève, permet d’examiner les progrès réalisés depuis la rencontre de Berlin, de revoir le processus des communications nationales et d’endosser le deuxième rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat.

décembre 1997 - La troisième conférence des Parties (COP 3) a lieu en décembre, à Kyoto. Elle a comme objectifs l’adoption des résultats du mandat de Berlin et le réexamen des processus de communications nationales et l’intervention internationale face au changement climatique. La signature du Protocole de Kyoto débute le 16 mars 1998 et se poursuit jusqu’au 16 mars 1999. Ce document entrera en vigueur quand au moins 55 pays représentant 55 p. 100 des émissions produites par les pays développés l’auront signé. La prochaine étape consiste à ratifier le Protocole de Kyoto, responsabilité qui revient aux dirigeants de chaque pays. La ministre de l’Environnement affirme que le Conseil des ministres ratifiera l’accord de Kyoto une fois que la stratégie nationale de réduction des émissions de GES aura été rédigée, à la fin de 1999. En date du 6 mai 1999, 84 pays ont signé le protocole et huit l’ont ratifié, mais celui-ci n’est pas encore en vigueur.

29 avril 1998 - Le Canada signe le Protocole de Kyoto.

novembre 1998 - La quatrième conférence des Parties (COP 4) a lieu du 2 au 13 novembre à Buenos Aires, en Argentine; elle fait suite à une série de réunions préparatrices tenues à Bonn, en Allemagne. Les pays présents signent le Plan d’Action de Buenos Aires, qui implique plusieurs éléments, notamment les modalités de trois mécanismes du protocole de Kyoto (échanges internationaux de permis d’émissions, mise en application conjointe, mécanisme de développement propre).

25 octobre 1999 - La cinquième conférence des Parties a lieu le 25 octobre 1999 à Bonn, en Allemagne. Essentiellement technique, elle sert à préparer la prochaine conférence mondiale décisive, en l’an 2000, aux Pays-Bas.

Lors de cette conférence, plus de 60 pays se disent prêts à ratifier le traité de Kyoto afin qu’il entre en vigueur avant la fin de 2002. Toutefois, ce n’est pas suffisant pour donner force de loi au traité, car le nombre de pays signataires ne correspond pas à l’exigence spécifiée (55 pays dont les émissions totalisent 55 p. 100 des émissions de la planète), les États-Unis refusant de signer. Une date butoir n’est pas arrêtée pour l’entrée en vigueur du Protocole, mais les ministres de l’Environnement se mettent d’accord pour intensifier les efforts de négociation afin que le traité entre en vigueur avant la fin de 2002(1).

novembre 2000 - La sixième séance de la Conférence des parties (COP 6) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques aura lieu du 13 au 24 novembre à La Haye, aux Pays-Bas. Cette séance est réputée la plus importante depuis l'adoption du Protocole de Kyoto en décembre 1997. La COP 6 vise deux objectifs : susciter la ratification du Protocole de Kyoto par un nombre suffisant de pays développés pour que le Protocole entre en vigueur; et motiver des mesures notables de la part des pays en développement pour rehausser leur contribution à la réalisation des objectifs de la Convention.

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La première version de ce bulletin d’actualité a été publiée en septembre 1979. Le document a été périodiquement mis à jour depuis, et révisé en profondeur en juin 1999.

(1) Louis-Gilles Francoeur, « Réchauffement climatique : nouvelle pomme de discorde à la conférence de Bonn », Le Devoir, vendredi 5 novembre 1999.