90-1F

 

LE DÉPISTAGE DE DROGUES :
RÉPERCUSSIONS JURIDIQUES

 

Rédaction :
Nancy Holmes
Division du droit et du gouvernement
Révisé le
10 novembre 1999


TABLE DES MATIÈRES

DÉFINITION DU SUJET

CONTEXTE ET ANALYSE

   A.  L'influence américaine

   B.  Le contexte canadien

      1.  La situation actuelle
      2.  Cadre juridique

         a.  La Charte canadienne des droits et libertés

            i)  L'article 7 de la Charte
        
   ii)  L'article 8 de la Charte
        
   iii)  L'article 15 de la Charte
        
   iv)  L'article premier de la Charte

         b.  La Loi canadienne sur les droits de la personne
     
   c.   Législation concernant les normes d'emploi
     
   d.   Garanties de procédure

      3.  Conclusion

MESURES PARLEMENTAIRES

CHRONOLOGIE

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE


LE DÉPISTAGE DES DROGUES : RÉPERCUSSIONS JURIDIQUES*

DÉFINITION DU SUJET

Le débat sur le dépistage obligatoire des drogues chez les employés s’intensifie au Canada puisqu’il est question d’utiliser cette méthode afin d’assurer des milieux de travail libres de drogues et d’alcool. Les partisans du dépistage obligatoire au travail insistent généralement sur l’importance de la sécurité et de la productivité. Certains affirment par exemple que les personnes chez lesquelles le dépistage révèle la présence de drogues et d’alcool en milieu de travail s’absentent plus souvent, sont moins à même d’accomplir leurs fonctions et constituent la pire menace pour la sécurité au travail et, à l’occasion, pour le public. Par contre, les adversaires du dépistage de drogues sont convaincus que l’utilisation de telles méthodes pour assurer un milieu de travail sain, sécuritaire et productif, bien que celles-ci soient louables, entraîne des coûts sociaux trop élevés. Ils soulignent que le dépistage des drogues, par son caractère hautement intrusif, constitue la pire atteinte à l’intégrité physique de la personne et, par conséquent, au droit à la vie privée. Il faut donc voir s’il est possible de trouver un équilibre entre le besoin de sécurité et la vie privée du particulier. La question cependant laisse supposer qu’il a été prouvé qu’il existe au pays un important problème de drogues et d’alcool au travail et que le dépistage de drogues constitue le seul moyen de lutter contre ce problème.

Dans le présent document, nous visons à souligner certaines des questions plus litigieuses liées au dépistage obligatoire des drogues au travail et à examiner l’admissibilité juridique d’une telle pratique, en particulier du point de vue du droit des employés à la vie privée garanti par la Charte canadienne des droits et libertés, par la Loi canadienne sur les droits de la personne, par la Loi sur la protection des renseignements personnels, et par la législation fédérale concernant les normes en matière d’emploi (le Code canadien du travail).

CONTEXTE ET ANALYSE

   A. L'influence américaine

Au milieu des années 80, les États-Unis ont commencé à étendre les programmes de dépistage des drogues au travail à tous les organismes publics et privés, tant sur le territoire national qu’à l’étranger. On estimait qu’entre le tiers et la moitié des employés de la fonction publique fédérale américaine pourraient être soumis à des tests. Nombre de grandes sociétés, comme IBM, Ford, DuPont, Exxon et la société New York Times ont commencé à soumettre à des tests de dépistage les candidats à des emplois et les employés soupçonnés de consommer des drogues. Environ 25 p. 100 des 500 plus importantes sociétés américaines prévoyaient congédier les employés dont les tests seraient positifs.

L’imposition de programmes de dépistage des drogues aux États-Unis est en grande partie le résultat de la lutte contre les drogues menée par les gouvernements Reagan et Bush. Elle découle principalement du rapport de mars 1986 de la Commission d’enquête sur le crime organisé, qui recommandait que le Président ordonne aux dirigeants de tous les organismes fédéraux de publier des énoncés de principe et d’appliquer des directives et des programmes adéquats de dépistage des drogues pour souligner « le caractère totalement inacceptable de la consommation de drogues par des employés fédéraux ». Cette recommandation est à l’origine du décret 12564, adopté par le Président Reagan en septembre 1986, qui a institutionnalisé le dépistage des drogues à la grandeur de la fonction publique.

À l’instigation du gouvernement, les programmes de dépistage des drogues dans le secteur privé ont rapidement pris de l’ampleur à la fin des années 80 et au début des années 90. Selon les sondages menés annuellement par l’American Management Association auprès des entreprises américaines qui effectuent des tests de dépistage des drogues, le nombre de tests effectués s’est accru de 250 p. 100 entre 1987 et 1992. Cependant, on a constaté récemment que certaines entreprises ont fait marche arrière. En effet, des études effectuées par le gouvernement des États-Unis révèlent qu’environ 30 p. 100 des entreprises qui avaient recours à des tests de dépistage des drogues en 1988 avaient cessé de le faire en 1990. Les raisons qu’elles ont invoquées sont les suivantes : les employeurs ont constaté que l’obtention d’un résultat positif à un test de dépistage des drogues n’avait pas nécessairement de rapport avec le rendement d’un employé au travail; l’obtention de résultats de tests inexacts exposait les employeurs à être poursuivis en justice; et les programmes de dépistage, en particulier les tests effectués au hasard, n’étaient pas tous rentables. On a aussi constaté une diminution généralisée de la fréquence des résultats positifs dans les lieux de travail où il y a encore des tests de dépistage. D’après les partisans des tests, cette baisse démontre qu’ils donnent des résultats, mais d’autres soutiennent que si les résultats sont moins souvent positifs, c’est parce que les drogues dont l’abus est le plus répandu de nos jours (l’alcool et les médicaments d’ordonnance) ne sont pas celles que les tests servent à déceler (la marijuana, la cocaïne et l’héroïne). En octobre 1998, le Congrès a affecté 10 millions de dollars à la Drug-Free Workplace Act de 1998 pour encourager les petites entreprises à se doter de programmes de dépistage. Malgré cela, il semble que le dernier chapitre sur les programmes de dépistage des drogues au travail aux États-Unis n’ait pas encore été écrit.

Aux États-Unis, le dépistage se fait actuellement par l’analyse d’urine, le plus souvent au moyen de la technique d’immunodosage par enzymes multipliées (EMIT). Ce test coûte entre 4,50 $ et 25 $ US par personne, et l’équipement requis environ 5 000 $ US. Il s’agit du test le moins coûteux à l’heure actuelle, puisqu’il n’exige pas l’intervention de personnel spécialisé et que les résultats sont disponibles en quelques minutes. Le test de chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse (CG-SM) est considéré comme « la méthode la plus fiable, et la meilleure du point de vue médico-légal », mais son coût de 100 $ à 200 $ US par personne en fait le test le plus cher.

La précision du test EMIT est souvent mise en doute aux États-Unis. Des études ont révélé que cette technique utilisée seule peut comporter une marge d’erreur de 25 p. 100. Le test d’urine d’un employé qui a consommé des graines de pavot ou des médicaments couramment utilisés contre le rhume, comme Sudafed ou Sucrets, ou, encore, bu de la tisane, peut donner des résultats inexacts (les « faux positifs »). On a même exprimé récemment la crainte que les pilules anticonceptionnelles puissent donner de faux résultats positifs chez les athlètes. Par ailleurs, il est possible d’obtenir des « faux négatifs » en introduisant certaines substances comme le sel, le vinaigre, la Visine ou un javellisant dans les échantillons d’urine. Afin d’éliminer les falsifications, les organismes américains ont adopté des règlements rigoureux qui obligent les personnes qui subissent un test à se dévêtir pour se soumettre à une fouille et à produire des échantillons d’urine dans des salles vides en présence d’un observateur.

Certains tribunaux américains ont même refusé d’admettre en preuve les résultats du test EMIT à moins qu’ils ne soient confirmés par les résultats positifs d’une autre méthode d’analyse. Le test CG-SM est maintenant généralement utilisé comme méthode de confirmation indépendante des résultats du EMIT.

On s’est également inquiété, aux États-Unis, du type d’information très confidentielle que peuvent fournir les tests. Un échantillon d’urine peut être analysé pour déterminer si une employée est enceinte, ou établir si un(e) employé(e) utilise des médicaments licites ou subit des traitements pour une maladie cardiaque, une psychose maniaco-dépressive, l’épilepsie, le diabète ou la schizophrénie. On a même affirmé que les employeurs pourraient utiliser les tests pour faire de la sélection génétique des employés, de manière à exclure une personne dont l’état pourrait être considéré comme un facteur de diminution du rendement professionnel.

Enfin, le problème le plus sérieux que pose le recours à l’analyse d’urine comme moyen de dépistage des drogues est qu’on ne peut s’y fier pour confirmer l’incapacité d’un employé d’exécuter un travail. L’analyse d’urine peut seulement montrer qu’une personne a consommé une drogue quelconque il y a peu de temps (la marijuana, par exemple, peut être dépistée en quantités infimes dans l’urine jusqu’à quatre semaines après sa consommation). Elle ne peut indiquer si quelqu’un consomme actuellement des drogues ou s’il était ou est incapable d’exécuter un travail. Elle ne peut non plus établir la quantité de drogue qui a été consommée lorsqu’on en décèle la présence.

L’analyse capillaire est la toute dernière technique de dépistage dont on fait la promotion aux États-Unis. L’argument avancé en faveur de cette méthode est qu’elle est moins intrusive et plus fiable que l’analyse d’urine. Apparemment, le cheveu humain emmagasine dans sa croissance tout ce qui se trouve dans le sang de sorte qu’il est possible de trouver dans les cheveux d’une personne des traces de la drogue qu’elle a consommée plusieurs mois ou même plusieurs années auparavant selon la longueur de l’échantillon de cheveux. Cette technique gagne en popularité dans le secteur privé américain (y compris dans les écoles privées), mais elle n’est pas encore répandue dans les grandes institutions publiques. Au Canada, l’enthousiasme semble faible pour ce type de dépistage, malgré les efforts de lobbying faits par les sociétés de dépistage des drogues. Ce manque d’appui s’explique en partie par le fait que l’analyse capillaire, comme l’analyse d’urine, ne donne pas toujours des résultats fiables. Au mieux, elle peut indiquer qu’une substance donnée s’est trouvée dans les follicules capillaires de la personne et donc dans son système. Rien n’indique toutefois si ses facultés ont été affaiblies au travail. De plus, les résultats peuvent être faussés si les cheveux ont été décolorés ou teints. On a également avancé l’hypothèse que l’analyse capillaire puisse désavantager les personnes aux cheveux noirs et rudes, qui contiennent un taux de mélanine élevé (c’est souvent le cas des membres de certaines minorités visibles). Les drogues se mélangeant à la mélanine des cheveux, le test subi par la personne appartenant à une minorité visible donnera des résultats indiquant une concentration de drogue plus élevée que pour une personne aux cheveux plus clairs ayant consommé la même quantité de drogue. Enfin, le prix du dépistage capillaire étant de trois fois supérieur à celui de l’analyse d’urine, il pourrait constituer un facteur dissuasif pour son adoption.

Il y a lieu de noter qu’en mars 1995, une entreprise américaine a mis sur le marché une trousse maison de dépistage des drogues appelée « Drug Alert ». La trousse renferme un morceau de tissu humidifié que l’utilisateur peut passer sur les poignées de porte, les plans de travail et les vêtements pour y recueillir des traces de drogues illégales. Le morceau de tissu est ensuite placé dans une enveloppe scellée et envoyé pour fins d’analyse. Le fabricant affirme que son produit permet de détecter une trentaine de drogues illégales. Si le produit s’adresse surtout aux parents inquiets qui craignent que leurs enfants ne consomment de la drogue, sa promotion est aussi faite auprès des employeurs, qui peuvent recourir à cette méthode de détection de façon plus dissimulée qu’avec l’analyse d’urine, qui ne peut évidemment se faire sans que l’employé ne soit au courant et n’y consente. Selon le Rapport annuel 1994-1995 du commissaire à la protection de la vie privée, cette nouvelle méthode de détection est actuellement accessible au Canada. La principale préoccupation du commissaire a trait au fait que ce genre de surveillance ne semble interdit par aucune loi fédérale, bien que plusieurs provinces reconnaissent des délits civils en matière de vie privée, tandis que le Code civil et la Charte des droits de la personne du Québec protègent les citoyens contre ceux qui voudraient les épier.

Malgré les réserves exprimées par des scientifiques, des syndicats et des juristes, la Cour suprême des États-Unis s’est déclarée très favorable aux programmes de dépistage des drogues. Par exemple, dans l’affaire National Treasury Employees Union c. Von Raab (109 S. Ct. 1384 (1989)), le Commissaire du Service des douanes américain avait imposé le dépistage des drogues comme condition de promotion à trois types de postes : les postes exigeant le port d’arme; les postes comportant la manutention de documents ayant une cote de sécurité et les postes frappés d’une interdiction concernant les drogues. Les candidats reçus étaient informés par lettre que, pour être sélectionnés de façon définitive, ils devaient subir avec succès le test de dépistage des drogues EMIT. En cas de résultats positifs, l’employé devait se soumettre au test CG-SM. Tout employé ayant obtenu des résultats positifs dans les deux cas était susceptible de renvoi, à moins de fournir une explication satisfaisante.

La majorité des juges de la Cour suprême a confirmé la constitutionnalité du programme de dépistage des drogues, sauf à l’égard des employés qui postulaient des postes exigeant la manutention de documents ayant une cote de sécurité. Les juges ont souligné que, dans un contexte administratif, l’exigence concernant le « motif raisonnable » (c’est-à-dire l’existence de circonstances permettant de croire qu’une personne devant faire l’objet d’une fouille a violé la loi) pourrait se révéler inutile et que, compte tenu du besoin pressant pour le gouvernement de décourager l’utilisation des drogues au sein du Service des douanes, l’exigence concernant le « doute à l’égard d’un individu » pouvait être écartée. Par conséquent, il pouvait y avoir restriction du droit de l’employé à la vie privée au travail, en particulier pour les employés gouvernementaux en contact avec le public qui sont chargés d’exécuter la loi. La Cour a rejeté l’argument selon lequel le programme n’était pas nécessaire parce que seulement cinq tests sur 3 600 avaient indiqué des résultats positifs. La Cour a décidé, dans une opinion majoritaire, que, même dans ce cas, la nécessité de prévenir la consommation de drogues chez les employés des douanes justifiait amplement le programme de dépistage.

Dans Veronia School District c. Acton (515 U.S. 646 (1995)), la Cour suprême a confirmé le motif raisonnable et la constitutionnalité du dépistage des drogues par des analyses d’urine faites au hasard parmi les athlètes d’écoles secondaires. Dans sa décision, la Cour a tenu compte des attentes moins grandes des athlètes étudiants à l’égard du respect de la vie privée, du caractère discret de la technique et de la gravité du problème de la drogue à l’école. La Cour a réitéré son point de vue selon lequel les enfants sont confiés temporairement à la garde de l’État pendant qu’ils sont à l’école et doivent de ce fait avoir des attentes moins élevées que le reste de la population à l’égard du respect de la vie privée. Les athlètes étudiants peuvent encore moins prétendre au respect de leur vie privée parce qu’ils se soumettent volontairement à une réglementation plus rigoureuse que les autres étudiants en choisissant de faire partie d’une équipe sportive. De même, les examens physiques et l’habitude de se dévêtir en présence des coéquipiers font partie de la pratique d’un sport. La Cour en a déduit que les atteintes à la vie privée pouvant être associées à la prise d’échantillons d’urine étaient négligeables justement parce que les modalités d’exécution s’apparentaient aux habitudes des athlètes dans les vestiaires.

En dernier lieu, la Cour a signalé l’importance nationale de dissuader les jeunes fréquentant l’école de consommer de la drogue. Elle a conclu qu’il était justifié de s’attaquer au problème de la drogue à l’école, problème aggravé par le sentiment d’identification aux athlètes qui en consomment et particulièrement dangereux pour les athlètes eux-mêmes, par une politique destinée à empêcher la consommation de drogues chez les athlètes. Malgré les arguments contraires avancés, la Cour n’était pas prête à reconnaître que des méthodes de dépistage moins intrusives auraient réglé le problème ou que ces méthodes étaient légitimées par la Constitution.

Aux États-Unis, ces décisions ont eu une incidence spectaculaire sur les décisions rendues subséquemment par les tribunaux. Les tribunaux inférieurs ont en effet confirmé le bien-fondé des tests de dépistage aléatoire imposés aux employés de bureau, aux avocats engagés dans des procès pour des affaires de drogue, à pratiquement toutes les personnes qui portent une arme et aux conducteurs de différents types de véhicules. Il sera intéressant de voir comment ces causes influeront, le cas échéant, sur les tribunaux canadiens qui auront à se prononcer sur la constitutionnalité des programmes de dépistage obligatoire des drogues au travail.

   B.  Le contexte canadien

      1. La situation actuelle

Au Canada, il n’existe pas à l’heure actuelle de lois qui imposent les tests de dépistage obligatoires aux employés, mais certaines sociétés qui font des affaires aux États-Unis pourraient être obligées d’appliquer les dispositions législatives américaines et d’imposer de tels tests à leurs employés. Le règlement fédéral américain de sécurité touchant les transporteurs routiers s’applique déjà aux entreprises canadiennes de camionnage qui envoient des chauffeurs aux États-Unis. Depuis le 1er juillet 1996, toute entreprise canadienne de camionnage comptant 50 chauffeurs ou plus affectés à la conduite de véhicules automobiles commerciaux en Amérique du Nord doit être dotée d’une politique et d’un programme sur la drogue et l’alcool au travail qui comprend, entre autres, un test de dépistage préalable à l’embauche de même qu’un dépistage aléatoire de drogues et d’alcool visant chaque année au moins 25 p. 100 du bassin des conducteurs pour l’alcool et 50 p. 100 pour la drogue. Au 1er juillet 1997, tous les transporteurs dont les chauffeurs conduisent des véhicules commerciaux en Amérique du Nord devront se conformer au règlement américain. Celui-ci s’applique aux entreprises américaines de camionnage depuis 1990; cependant, une exemption avait été prévue pour les transporteurs et les chauffeurs étrangers puisque l’on s’attendait à ce que la loi canadienne suive l’exemple des États-Unis en adoptant des dispositions pour prévenir l’abus d’intoxicants dans l’industrie des transporteurs. Quand le gouvernement du Canada a annoncé en décembre 1994 qu’il n’adopterait pas de telles mesures législatives (voir la section Mesures parlementaires dans le présent document), l’exemption pour les transporteurs étrangers prévue dans le règlement américain a été supprimée.

Les exigences du règlement américain sont vastes. Par exemple, il est interdit aux chauffeurs de consommer de l’alcool quatre heures avant d’entrer en fonction et leur taux d’alcoolémie doit être inférieur à 0,02 quand ils travaillent. Les obligations suivantes incombent aux employeurs : offrir une formation aux superviseurs et l’accès à un programme d’aide pour les employés; lors de l’embauche d’un chauffeur, et avec le consentement de ce dernier, obtenir des employeurs précédents les antécédents de l’employé en matière de dépistage des drogues pour les deux dernières années; suspendre tout chauffeur qui a enfreint le règlement; préparer et tenir des dossiers exacts. Les employeurs ou les chauffeurs qui violent ces exigences s’exposent à des mesures d’exécution, notamment être déclarés hors service et être condamnés à une amende de 10 000 $ par infraction. L’application s’effectue par voie de vérification au hasard dans les entreprises.

De toute évidence, les entreprises de camionnage canadiennes qui souhaitent faire des affaires aux États-Unis devront se doter de politiques de dépistage des drogues et de l’alcool qui soient conformes à la réglementation américaine. Mais elles devront faire en sorte que ces politiques respectent aussi les critères de la législation canadienne sur les droits de la personne, et faire les deux ne sera peut-être pas facile. La Commission canadienne des droits de la personne a reçu des plaintes contre les politiques de dépistage obligatoire des compagnies de camionnage. La position de la Commission est que les programmes de dépistage, dans la mesure où ils visent à respecter les exigences américaines, demeureront tolérables tant que la loi canadienne sur le dépistage n’aura pas été éclaircie. La Commission signale cependant que cette exemption partielle ne soustrait pas l’employeur à l’obligation de répondre aux besoins des employés ayant un résultat positif (voir la partie B.2.b du présent document) et qu’elle ne s’appliquera pas aux chauffeurs des entreprises faisant affaire exclusivement au Canada.

Si la réglementation en vigueur dans d’autres parties du secteur des transports interdit la consommation de drogues et d’alcool au travail, elle ne prescrit pas le dépistage obligatoire. La Loi sur l’aéronautique, la Loi sur la marine marchande du Canada, la Loi sur le pilotage et la Loi sur la sécurité ferroviaire interdisent toutes aux employés de consommer des substances intoxicantes lorsqu’ils sont au travail, mais elles ne contiennent aucune disposition prescrivant le dépistage obligatoire. Une loi modificatrice devra être adoptée pour que ces lois autorisent les tests de dépistage obligatoire. Une recommandation en ce sens a été faite par le Comité sénatorial spécial de la sécurité des transports dans son rapport intérimaire de janvier 1999. Le Comité, qui a été nommé le 18 juin 1998 pour examiner l’état de la sécurité des transports au Canada et en faire rapport, a recommandé que le gouvernement fédéral permette à l’industrie des transports de se doter de programmes de dépistage obligatoire et aléatoire de drogues et d’alcool similaires à ceux qui sont en usage aux États-Unis. Le Comité s’est vu confier le soin d’effectuer un examen comparatif des questions techniques et des structures juridiques et réglementaires dans le but d’assurer la sécurité du transport au Canada et de répondre aux besoins des Canadiens au XXIe siècle.

L’influence de la « guerre aux drogues » que livrent les États-Unis s’est également fait sentir dans les entreprises américaines qui comptent des bureaux au Canada. En novembre 1991, l’Association canadienne des libertés civiles a porté plainte auprès de la Commission ontarienne des droits de la personne au nom de quatre employés de la Compagnie pétrolière impériale Limitée. Selon l’Association, le programme de dépistage des drogues, instauré par la Compagnie le 1er janvier 1992, serait discriminatoire compte tenu de la définition de « infirmité » figurant dans le Code des droits de la personne de l’Ontario. La Compagnie pétrolière impériale est la première société privée du Canada à instituer un vaste programme de dépistage des drogues, lequel prévoit le dépistage au hasard. Il semble que ce programme ait été élaboré sur les conseils du principal actionnaire de la Compagnie, soit Exxon Corporation, une entreprise américaine.

En vertu de la politique de la Compagnie pétrolière impériale en matière d’alcool et de drogues, tous les candidats à des emplois sont soumis à une analyse d’urine visant à dépister la présence de drogues. Il s’agit d’une condition d’emploi. Les employés qui souhaitent occuper des postes critiques doivent se soumettre à un dépistage des drogues avant de se qualifier pour un tel travail. Une fois qu’ils occupent ces postes, les employés, tout comme certains cadres désignés qui prennent des décisions financières importantes, sont soumis à un dépistage aléatoire de l’alcool et des drogues. Ils doivent obligatoirement avoir un taux d’alcoolémie nul. Le taux d’alcoolémie de tous les autres employés ne doit pas être supérieur à 0,04 p. 100. Outre qu’ils doivent se soumettre à ces tests, les employés éventuels, ainsi que les employés qui occupent des postes critiques, doivent indiquer à la gestion s’ils ont un problème d’abus d’intoxicants ou s’ils en ont déjà eu un, ou s’ils ont suivi un traitement ou des séances de counselling pour un tel problème. La violation d’une quelconque disposition de la politique peut entraîner la prise de mesures disciplinaires de plus en plus sévères. Par exemple, des sanctions disciplinaires, y compris la cessation d’emploi, seront prises si les résultats des tests de dépistage des drogues sont positifs, si l’employé ne subit pas ces tests ou s’il refuse de les subir. L’Association canadienne des libertés civiles est d’avis que de telles mesures disciplinaires exposeraient les employés à un traitement défavorable en raison de leur dépendance présumée à l’égard des drogues, et qu’elles seraient donc discriminatoires.

Le 23 juin 1995, une commission d’enquête ontarienne sur les droits de la personne a été la première dans cette province à se prononcer sur la question du dépistage des toxicomanies. Non seulement la commission a-t-elle reconnu pour la première fois que l’alcoolisme constitue un « handicap » en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario, mais, le 10 août 1995, elle a ordonné à la Compagnie pétrolière impériale Ltée de verser des dommages-intérêts sans précédent de 20 000 $ à un employé pour l’avoir contraint à révéler qu’il avait déjà eu un problème d’alcool, l’avoir rétrogradé et avoir usé de représailles à son endroit lorsque que celui-ci a déposé une plainte relative aux droits de la personne.

Dans l’affaire Martin Entrop c. Compagnie pétrolière impériale Limitée (non publié), la commission a jugé que M. Entrop avait fait l’objet d’un traitement discriminatoire fondé sur un handicap perçu selon le Code des droits de la personne. Quant à la défense de la compagnie selon laquelle sa politique constituait une exigence professionnelle justifiable, la commission a estimé que, si l’objectif de la Compagnie pétrolière impériale visant à empêcher que des alcooliques occupent des postes critiques pour la sécurité était valable, les moyens pris pour l’atteindre avaient été abusifs dans le cas de M. Entrop. La compagnie n’avait pas prouvé, selon toute probabilité, que le risque associé au problème d’alcoolisme passé de M. Entrop justifiait objectivement un traitement discriminatoire à son endroit. Même si elle n’avait pas à se prononcer à ce sujet, la commission a en outre fait savoir que, même si le traitement réservé à M. Entrop avait été considéré comme objectivement justifié, la compagnie n’avait pas respecté les exigences prévues par la législation ontarienne sur les droits de la personne en matière d’accommodements. La Compagnie pétrolière impériale disposait de beaucoup d’autres moyens moins draconiens que la divulgation obligatoire pour déceler les déficiences professionnelles attribuables à l’alcool chez ses employés.

Dans le cadre d’une décision provisoire ultérieure publiée le 12 septembre 1996, la commission a étudié l’application de la politique de la Compagnie pétrolière impériale sur tous les employés. Bien qu’elle estimât que la nécessité de se prémunir contre l’affaiblissement des facultés par les drogues ou l’alcool constituait une exigence professionnelle justifiable (voir la section B.2. du présent document), la commission a jugé que la politique de la Compagnie dépassait cet objectif légitime à certains égards et était d’application trop restreinte à d’autres égards puisqu’elle ne permet pas de déceler d’autres catégories d’employés dont les facultés pourraient également être affaiblies.

Par exemple, la commission a jugé illégales les dispositions qui obligent les employés occupant des postes critiques pour la sécurité à divulguer à la direction tout problème d’abus d’intoxicants, actuel ou passé, pour le motif que la définition de « problème d’abus d’intoxicants » est trop vaste et non circonscrite dans le temps. Le dépistage des drogues préalable à l’embauche ou effectué au hasard a aussi été jugé illégal parce qu’il n’a pas été prouvé qu’un résultat positif constitue une preuve de facultés affaiblies; les dispositions visant le dépistage d’alcool au hasard ont été jugées illégales parce qu’il n’a pas été prouvé qu’un tel dépistage est raisonnablement nécessaire pour dissuader les gens de travailler avec des facultés affaiblies par l’alcool. La Compagnie pétrolière impériale en a appelé de la décision de la Commission devant la Cour divisionnaire de l’Ontario, mais son pourvoi a été rejeté. L’affaire fait maintenant l’objet d’un appel devant la Cour d’appel de l’Ontario.

Dans une affaire connexe (Imperial Oil Ltd. c. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 614, [1996] B.C.L.R.B.D. no 257), la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique s’est récemment prononcée sur la politique de dépistage de l’alcool et des drogues que la société appliquait dans une raffinerie de Port Moody, en Colombie-Britannique. Le syndicat avait déposé un grief pour contester l’application de la politique à la raffinerie. Un conseil d’arbitrage avait jugé que si certains éléments de la politique (par ex., l’imposition de tests pour de bonnes raisons ou à la suite d’un accident) étaient acceptables, il n’en était pas ainsi des dispositions obligeant les employés occupant des fonctions de sécurité importantes à se prêter à des tests au hasard. Le conseil d’arbitrage avait maintenu le droit de l’employeur d’obliger les employés suivant un programme de réadaptation à subir des tests de dépistage des drogues et de l’alcool pendant la durée du programme, mais avait réduit de sept à deux ans la période pendant laquelle, au cours de la réadaptation, il avait le droit d’imposer ces tests. En réponse à la requête en révision de l’employeur, la Commission des relations de travail a maintenu la décision du conseil d’arbitrage. Depuis, la raffinerie en cause dans cette affaire a fermé ses portes, et le syndicat a convenu d’accepter que la Compagnie pétrolière impériale applique dans son autre raffinerie sa politique de dépistage des drogues et de l’alcool, y compris ses éléments relatifs aux tests au hasard.

On pense que la Banque Toronto-Dominion est la seule société du secteur fédéral, en dehors de l’industrie du transport, qui fait passer des tests de dépistage des drogues à tous ses nouveaux employés et aux employés qui reviennent après trois mois ou plus d’absence. Son programme est en place depuis le 1er octobre 1990 à Toronto. L’Association canadienne des libertés civiles a contesté le programme de dépistage des drogues de la Banque en déposant une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne en décembre 1990. L’Association soutient que le programme constitue une pratique discriminatoire fondée sur l’invalidité (voir la partie B.2 du présent document). La Banque prétend que cette politique est nécessaire pour protéger les fonds et les informations de la banque, des clients et des employés, ainsi que sa réputation.

Dans une décision rendue le 16 août 1994, le Tribunal canadien des droits de la personne a statué que la politique de la Banque Toronto-Dominion relative au dépistage des drogues n’exerce pas une discrimination contre les pharmacodépendants, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne (voir Canadian Civil Liberties Association c. Toronto Dominion Bank (1994), 22 C.H.R.R. D/301). Le Tribunal s’est toutefois prononcé sur le caractère intrusif du dépistage des drogues et le faible appui que recueille cette pratique au sein du secteur bancaire. Le tribunal a conclu que, en tant que politique générale, l’analyse d’urine obligatoire constitue une importante invasion de la vie privée dans le domaine de l’emploi. Cette méthode ne pourrait être jugée raisonnable qu’en présence d’une preuve suffisante de l’existence d’une menace grave pour les autres employés de la Banque, pour ses clients et pour le public en général. Selon le Tribunal, il est évident qu’il n’existe pas une telle preuve en l’espèce. En fait, la Banque n’a pas agi en se fondant sur la preuve de l’existence d’un problème, mais elle s’est plutôt appuyée sur des impressions et sur des éléments de preuve obtenus d’autres sources (dont les États-Unis), qui étaient peu pertinents dans sa situation actuelle. Si, d’après le Tribunal, la surveillance constitue la méthode d’évaluation pour les employés actuels, pourquoi n’en serait-il pas de même pour les nouveaux employés et les employés réembauchés?

Par suite de l’appel interjeté par la Banque, la Section d’appel de la Cour fédérale a statué, le 23 juillet 1998, que la politique de dépistage des drogues de l’institution constituait une discrimination dans l’emploi à l’égard des employés pharmacodépendants Bien qu’il n’y ait pas eu unanimité sur la méthode d’évaluation de la politique pour savoir si elle se justifie dans le cadre de bonnes pratiques commerciales (les difficultés qu’a éprouvées la Cour à déterminer si cette politique constitue une discrimination directe ou indirecte ont depuis été réglées par modification de la Loi canadienne sur les droits de la personne ? voir la partie B.2 du présent document), la majorité des juges n’a constaté aucun lien justifiable entre la politique et le rendement au travail des employés de la Banque. La Banque a choici de ne pas en appeler de la décision et elle a suspendu l’application de sa politique de dépistage des drogues.

Au Canada, les dispositions législatives concernant le dépistage obligatoire des drogues sont principalement de nature pénale. En vertu du Code criminel, une personne peut être soumise à un test si elle conduit un véhicule automobile, du matériel roulant des chemins de fer, est aux commandes d’un navire ou pilote d’un aéronef pour déterminer si ses facultés sont affaiblies par l’alcool ou par des drogues (art. 253). Les pouvoirs dont dispose la police pour obtenir des preuves qu’une personne a conduit malgré des facultés affaiblies par la drogue sont cependant très limités. Les études indiquant le rôle des drogues dans les accidents de la route mortels ont amené le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes à recommander, en mai 1999, que la ministre de la Justice consulte les provinces et les territoires afin de proposer des mesures législatives permettant d’obtenir de meilleures preuves contre les automobilistes soupçonnés d’avoir conduit malgré des facultés affaiblies par l’alcool. En réponse à cette recommandation, la ministre a demandé à des membres de son ministère d’inviter les provinces et les territoires intéressés à siéger à un groupe de travail chargé de faciliter l’obtention de preuves dans les délits de la route reliés aux drogues.

À la suite des décisions rendues dans les affaires Dion et Jackson, dont il est fait mention à la partie B.1.a. du présent document, la Loi sur les systèmes correctionnels et la mise en liberté sous condition a été proclamée le 1er novembre 1992. En vertu de cette loi, le Service correctionnel peut, dans certains cas prescrits, demander des analyses d’urine pour déceler la présence d’alcool ou de drogues. Par exemple, en vertu de l’article 54 de la Loi, un détenu peut être tenu de fournir un échantillon d’urine si l’agent a des motifs raisonnables de croire qu’il a commis une infraction et qu’un échantillon d’urine est nécessaire afin d’en prouver la perpétration. Il faut, cependant, que l’agent obtienne d’abord l’autorisation du directeur de l’institution où se trouve le détenu. L’article 55, par ailleurs, autorise la prise d’un échantillon d’urine lorsque la Commission nationale des libérations conditionnelles a assorti la permission de sortir, le placement à l’extérieur ou la libération conditionnelle ou d’office à l’abstinence de drogues ou d’alcool. Dans tous les cas, le détenu ou le contrevenant doit être informé des motifs de la demande et des conséquences éventuelles d’une désobéissance de sa part. De plus, l’intéressé doit avoir la possibilité, avant de se soumettre à l’analyse, de faire valoir ses observations à l’autorité désignée.

Le 27 juillet 1994, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a rejeté une contestation, fondée sur la Charte, visant les dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition relatives au dépistage aléatoire des drogues (Fieldhouse c. Canada (non publié)). Plusieurs détenus de l’établissement Kent en Colombie-Britannique soutenaient que l’article 54 de la Loi, qui autorise le recours à un programme réglementaire d’analyse d’urine mis en oeuvre au hasard et sans soupçon précis, était contraire aux articles 7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. L’établissement Kent est l’une des trois prisons qui participent à un projet pilote de dépistage aléatoire par analyse d’urine institué en vertu de la Loi. Chaque mois, de 10 à 15 détenus (sur une population carcérale allant de 240 à 280 détenus), choisis au hasard par un ordinateur situé à Ottawa, doivent subir un test de dépistage. Le détenu doit fournir un échantillon d’urine dans un délai de deux heures; son refus, ou un résultat positif, risque de compromettre sérieusement ses chances d’obtenir un transfert, de bénéficier d’une libération conditionnelle ou de participer à des programmes communautaires.

La Cour a statué qu’il existait un lien irréfutable entre l’usage de drogues et les actes de violence commis à l’établissement Kent. Ce dernier connaît un sérieux problème de drogue et très peu de mesures ont été prises pour l’enrayer. Ainsi, comme les analyses aléatoires d’urine découragent la consommation de drogues dans les prisons et contribuent à réduire la violence qui est y associée, elles ne constituent, d’après la Cour, ni une atteinte déraisonnable à la liberté du détenu, ni une atteinte déraisonnable à la vie privée ou à l’intégrité des personnes en vertu des articles 7 et 8 de la Charte. Cette décision a été portée en appel devant la Cour d’appel de la Colombie-Britannique le 12 août 1994; l’appel en question a toutefois été rejeté le 21 mars 1995.

Il semblerait que le solliciteur général du Canada mène actuellement un examen interne des programmes de lutte contre les drogues et l’alcool dans les pénitenciers fédéraux par suite d’études internes qui ont révélé l’ampleur de la consommation de drogues chez les détenus. L’efficacité des programmes d’analyse d’urine serait réévaluée dans le cadre de cet examen.

Conformément à la Politique du ministère de la Défense nationale sur le dépistage des drogues, annoncée en 1990, les règlements qui accompagnent le Programme des Forces canadiennes sur le contrôle des drogues ont été approuvés par le gouverneur en conseil et constituent le Chapitre 20 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes. Ce programme institue des tests obligatoires effectués au hasard et s’adresse principalement au personnel militaire qui occupe des postes où la sécurité est cruciale. Ce programme s’adresse uniquement au personnel en uniforme et non au personnel civil du ministère de la Défense nationale; toutefois, comme on considère que tout le personnel en uniforme occupe des postes où la sécurité est cruciale, on estime que cette politique de dépistage a une application très vaste. Le ministère de la Défense nationale est autorisé à effectuer 50 000 tests par année.

La majorité des tests de dépistage chez les militaires seraient effectués au hasard sur des groupes de 5 à 500 individus. Des tests seraient également administrés pour des motifs raisonnables, aux sujets en cours de désintoxication, dans le cadre de l’enquête qui suit un accident, et aussi aux titulaires de postes où la sécurité est essentielle et qui échappent aux tests effectués au hasard parmi les unités militaires. Tous les tests seraient effectués par analyse d’urine et, en cas de résultat positif, confirmés par une analyse. Les militaires qui refuseront de se soumettre à un test de dépistage s’exposeront à des mesures disciplinaires.

Selon le Rapport annuel 1994-1995 du Commissaire à la protection de la vie privée, il semblerait que le ministère de la Défense nationale a temporairement suspendu ses tests aléatoires de dépistage des drogues. En février 1995, le chef d’état-major de l’époque, le général de Chastelain, a avisé par écrit le Commissaire à la protection de la vie privée qu’il interrompait indéfiniment les tests aléatoires jusque-là effectués dans le cadre du programme des Forces armées; il se réservait toutefois le droit de rouvrir la question si les circonstances devaient l’exiger. Cette lettre faisait suite à l’objection formulée par le Commissaire en 1994 au sujet des tests aléatoires de dépistage des drogues illégales auxquels étaient couramment soumis les militaires, même si les propres statistiques du ministère de la Défense nationale révélaient que les militaires avaient rarement recours à ces substances. En fait, selon la propre enquête du Ministère, la substance la plus couramment consommée chez les militaires est l’alcool. Or, celle-ci n’est pas visée par la politique des Forces armées.

Le recours à l’analyse d’urine pour vérifier si un employé a consommé des drogues ou de l’alcool devient par conséquent une question importante dans le domaine de l’emploi au Canada. Il reste encore à établir la légalité de cette pratique. Les décisions fondées sur la Charte dans les causes concernant l’utilisation de l’ivressomètre et des analyses d’urine dans les pénitenciers seront certainement examinées lorsque sera contestée la constitutionnalité du dépistage des drogues en milieu de travail.

      2. Cadre juridique

         a. La Charte canadienne des droits et libertés

Les contestations visant des programmes gouvernementaux de dépistage obligatoire des drogues seraient vraisemblablement fondées sur les articles 7 et 8 de la Charte. L’article 7 reconnaît à chacun le droit à la sécurité de sa personne et dispose qu’il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. Le droit à la sécurité de la personne comprend la protection contre la contrainte physique, la protection de la vie privée et la protection contre l’ingérence de l’État dans les affaires personnelles. L’article 8 reconnaît à chacun le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Il pourrait également y avoir contestation en vertu de l’article 15 de la Charte, qui garantit le droit à l’égalité.

L’application de ces droits constitutionnels est cependant limitée par l’article 1 de la Charte, qui permet d’imposer des restrictions aux droits par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Autrement dit, même si un programme de dépistage obligatoire des drogues portait atteinte au droit à la sécurité de la personne, il serait néanmoins possible de le justifier en invoquant le critère des « limites raisonnables » prévu à l’article premier.

L’applicabilité de la Charte constitue un autre facteur important. Aux termes de l’article 32, la Charte s’applique au Parlement et au gouvernement du Canada et à l`assemblée legislative et au gouvernement de chaque province. Autrement dit, la Charte ne s’applique qu’aux actions et mesures législatives du gouvernement. Si un programme de dépistage obligatoire des drogues était institué en vertu d’une loi, tout employé aurait néanmoins le droit de le contester en invoquant la Charte. Toutefois, si une société sous réglementation fédérale créait un programme de dépistage dans le cadre de sa propre politique, le seul recours qu’un employé pourrait invoquer est la Loi sur les droits de la personne (question traitée à la partie B du présent document).

            i) L'article 7 de la Charte

La constitutionnalité du dépistage obligatoire des drogues, de l’alcool ou des deux a fait l’objet d’un certain nombre de décisions judiciaires où les tribunaux ont statué que le prélèvement non consensuel de fluides corporels sur une personne constitue une atteinte à sa sécurité (voir par exemple R. c. Chatham (1987) 23 C.R.R., 344; R. c. Racette, (1988) 489 D.L.R. (4th) 412; R. c. Dion, non publié C.A.Q., décision rendue le 31 mai 1990; et Jackson c. le pénitencier de Joyceville ((1990) 3. C.F. 55 (S.P.I.)). Cependant, ces affaires concernent des règlements de dépistage des drogues dans des pénitenciers et des lois provinciales concernant la conduite d’un véhicule automobile avec facultés affaiblies et non dans un milieu de travail. Par les décisions rendues dans les affaires Dion et Jackson, la Cour fédérale et la Cour d’appel du Québec ont invalidé l’article 41.1 du Règlement sur le service des pénitenciers parce que, selon elles, il viole l’article 7 de la Charte. Étant donné que l’obligation faite aux détenus de fournir un échantillon d’urine était laissée à la discrétion d’un employé du Service correctionnel, les tribunaux ont estimé que cela n’était pas conforme à la justice fondamentale dont fait état l’article 7 parce qu’il y a ingérence dans la vie privée d’une personne. Dans l’affaire Jackson, la Section de première instance de la Cour fédérale a signalé l’absence de normes ou de critères qui limiteraient le pouvoir de faire passer des tests aux détenus et, pour à peu près les mêmes raisons, elle a conclu que l’article 41.1, en prévoyant des fouilles abusives, viole l’article 8 de la Charte.

Il semble par conséquent que le dépistage des drogues chez les employés serait autorisé uniquement lorsqu’il y a des motifs raisonnables et probables de croire qu’un individu a travaillé avec des facultés affaiblies. En d’autres mots, les tribunaux exigeront sans doute l’existence d’un « élément objectif » dans un programme de dépistage obligatoire des drogues. Cet élément pourrait prendre la forme d’une autorisation préalable ou de l’existence de motifs raisonnables.

Il est intéressant de constater que, dans l’affaire Dion, le tribunal québécois a statué que le mot « liberté » à l’article 7 comprend le droit d’un individu de consommer, à l’occasion, certaines substances intoxicantes sans qu’il soit assujetti à l’obligation de fournir un échantillon d’urine permettant de déceler la présence de ces substances dans son corps. Par contre, dans l’affaire Jackson, la cour a examiné la question de « liberté » du point de vue de l’incarcération. Il reste à voir comment l’article 7 de la Charte finira par être interprété en ce qui concerne le dépistage obligatoire des drogues en milieu de travail.

Il vaut aussi la peine de signaler des causes entendues récemment et concernant le prélèvement de substances corporelles pour fins d’analyse de l’ADN. Ces affaires ont été entendues au pénal, mais elles peuvent néanmoins se révéler assez pertinentes dans le contexte des tests de dépistage obligatoires des drogues et/ou de l’alcool. Dans R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607, la police avait prélevé des cheveux et pris des empreintes des dents d’un accusé après l’avoir menacé d’utiliser la force et ce, même si l’avocat de l’accusé l’avait prévenue que son client n’avait pas consenti à fournir des échantillons de substances corporelles. Un agent de police avait même saisi, pour fins d’analyse d’ADN, un mouchoir dans lequel l’accusé s’était mouché. Se prononçant sur la recevabilité des résultats d’analyse de l’ADN, la Cour suprême du Canada a bien précisé que le fait de prélever des substances corporelles est une violation du droit de chacun à la liberté et à la sécurité de sa personne garanti à l’article 7 de la Charte des droits et libertés. Faire un prélèvement sans y avoir au préalable été autorisé par la loi ou par l’accusé revient à forcer ce dernier à donner un témoignage incriminant pour lui, ce qui est de nature à jeter le discrédit sur l’administration de la justice. Fait intéressant à noter, la Cour a aussi conclu que si le fait de prélever du mucus sur le mouchoir utilisé par l’accusé violait un droit que lui reconnaissait la Charte, le fait de saisir le mouchoir, quant à lui, n’avait pas compromis l’intégrité de sa personne et n’avait en rien porté atteinte à sa dignité. Elle a donc jugé que le mouchoir était un élément de preuve recevable.

            ii) L'article 8 de la Charte

Selon la Cour suprême du Canada, la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives prévue à l’article 8 de la Charte existe pour protéger la vie privée (voir Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145). Le prélèvement de substances corporelles a été jugé comme constituant une saisie au sens de cet article (voir R. c. Dyment [1988] 2 R.C.S. 417). En ce qui concerne le caractère raisonnable de la saisie, la Cour suprême, dans l’arrêt R. c. Collins (1987), 33 C.C.C. (3d) 1, qui portait sur l’usage de l’ivressomètre par rapport à l’article 8, fournit un cadre utile pour l’analyse du dépistage des drogues. Le premier critère du caractère raisonnable est une forme quelconque d’autorisation juridique. Il faut ensuite examiner si la mesure comme telle de dépistage des drogues est raisonnable. Dans l’affaire Dyment, la Cour semble être d’avis que le critère du « caractère raisonnable » établi à l’article 8 exige que tout dépistage obligatoire des drogues soit justifié par une condition préalable objective, par exemple l’existence de motifs valables de soupçonner qu’un employé viole une règle interdisant la consommation d’alcool ou de drogues pendant qu’il occupe un poste dans les transports publics. Il faudrait peut-être présenter aux tribunaux une preuve convaincante concernant la nature du problème à régler pour qu’il se prononce sur le caractère raisonnable du programme. Enfin, les modalités d’exécution du dépistage obligatoire des drogues devraient pouvoir être considérées comme raisonnables. Le respect de ces exigences ferait en sorte que le programme de dépistage des drogues serait appliqué de façon scientifique et précise et qu’il tiendrait toujours compte des préoccupations de la personne concernée en ce qui a trait à sa vie privée.

Cependant, les tribunaux canadiens se sont montrés prêts à renoncer à la norme stricte du caractère raisonnable exigée par l’article 8 lorsqu’ils ont affaire à un contexte administratif ou réglementaire, par rapport à un secteur du droit pénal. Certains ont affirmé qu’il conviendrait dans les premiers cas d’appliquer une norme moins stricte et plus souple en ce qui concerne le caractère raisonnable. Par exemple, dans l’affaire R. c. McKinlay Transport (1990) 68 D.L.R. (4th) 568, la Cour suprême du Canada a jugé que le contrôle effectué au hasard est peut-être la seule façon d’assurer l’intégrité du système fiscal. Par conséquent, le degré de vie privée auquel peut raisonnablement s’attendre un individu pourrait varier en fonction de la nature de l’activité visée. Cela peut aussi dépendre du contexte dans lequel l’atteinte à la vie privée est contesté. Par exemple, la Cour suprême du Canada (R. c. M. (M.R.), [1998] 3 S.C.R. 393) a soutenu que l’attente raisonnable à l’égard de la vie privée est plus faible dans la population étudiante parce que les élèves savent que les enseignants et la direction doivent faire régner l’ordre et la discipline pour assurer la sécurité à l’école. La Cour a conclu que cette attente réduite à l’égard du respect de la vie privée, conjuguée à la nécessité de protéger les élèves et d’assurer une atmosphère propice à l’apprentissage, indique clairement que l’on devrait adopter une approche plus indulgente et plus souple pour les fouilles menées par les enseignants et les directeurs d’école que pour les fouilles effectuées par la police.

            iii) L'article 15 de la Charte

Selon l’article 15, la loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques. Dans l’affaire Andrews c. Law Society of British Columbia, (1989) 56 D.L.R. (4th) 1, la Cour suprême du Canada indique clairement que, pour se prévaloir du droit à l’égalité prévu à l’article 15, une personne doit prouver qu’une loi impose un fardeau, une obligation ou un désavantage fondé sur l’un des motifs décrits expressément dans l’article, ou s’en rapprochant. En d’autres mots, les mesures créant une distinction, une classification ou une injustice ne peuvent pas toutes faire l’objet d’une contestation en vertu de l’article 15.

Un programme de dépistage des drogues imposerait sans doute un fardeau ou un désavantage sous la forme d’une mesure disciplinaire (p. ex. le congédiement) découlant du refus de se soumettre à un test de dépistage ou d’un résultat positif. Une allégation de traitement discriminatoire serait sans doute fondée sur la présence d’une « déficience mentale ou physique ». Pour déterminer si la toxicomanie ou la pharmacodépendance est considérée comme une « déficience » au sens de l’article 15, les tribunaux tiendraient certainement compte du fait que la Loi canadienne sur les droits de la personne inclut expressément dans la définition de déficience toute dépendance préalable ou existante à l’égard de la drogue ou de l’alcool. Il se peut également que l’on tienne compte de la décision rendue récemment par une commission d’enquête ontarienne dans l’affaire Entrop (voir la partie A du présent document), soit que l’alcoolisme et l’usage de drogues constituent un « handicap » en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario.

            iv) L'article premier de la Charte

L’article premier dispose que les droits constitutionnels ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. La loi en vertu de laquelle il serait porté atteinte aux droits établis par la Charte devrait être examinée afin de voir si les limites imposées aux droits respectent le critère du caractère raisonnable établi par la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Oakes ([1986], 1 R.C.S. 103). Il incomberait au gouvernement de démontrer que les objectifs du programme de dépistage des drogues tiennent à un besoin important, pressant et substantiel et que les moyens choisis sont proportionnels et adaptés aux fins recherchées. Autrement dit, il doit exister un lien rationnel entre le dépistage des drogues et l’objectif visé; la mesure de dépistage doit restreindre le moins possible les droits constitutionnels et l’objectif visé doit être suffisamment important pour justifier la violation de ces droits. Par conséquent, pour tout programme de dépistage des drogues, il faudrait probablement faire la preuve qu’il existe dans un secteur particulier un grave problème de consommation de drogues et qu’il est impossible de le régler par des moyens moins draconiens que le dépistage obligatoire. (Pour une analyse plus complète des effets de la Charte sur les droits à la vie privée en général, voir les bulletins d’actualité nos 91-6F, Droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne en vertu de la Charte et 91-7F, Protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives et droits des personnes mises en état d’arrestation et de détention en vertu de la Charte.)

         b. La Loi canadienne sur les droits de la personne

Puisque la Charte s’applique uniquement aux actions et mesures législatives du gouvernement, un programme non législatif de dépistage des drogues dans une entreprise du secteur privé de compétence fédérale devrait être contesté en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cette loi régit tous les ministères et organismes fédéraux, les sociétés d’État, ainsi que les entreprises et les industries de compétence fédérale comme les banques, les sociétés aériennes et les sociétés de chemin de fer.

En 1988, la Commission canadienne des droits de la personne a publié un énoncé de principe sur le dépistage des drogues, dans lequel elle a indiqué que l’utilisation des résultats positifs de tests de dépistage pourrait être considérée comme une pratique discriminatoire fondée sur l’invalidité. La Loi, qui renferme plusieurs dispositions interdisant la discrimination en matière d’emploi, définit « l’invalidité » comme incluant toute forme de dépendance antérieure ou actuelle à l’égard de l’alcool ou d’une drogue.

La Commission signale qu’en vertu des articles 7, 8 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui interdit les pratiques discriminatoires, un employé fédéral qui aurait fait l’objet de mesures disciplinaires en raison des résultats positifs d’un test de dépistage qu’il aurait subi pourrait se plaindre à la Commission d’avoir fait l’objet d’une pratique discriminatoire fondée sur l’invalidité. La preuve pourrait être relativement facile à établir puisque la Commission est d’avis que le plaignant n’a pas à faire la preuve d’une dépendance à l’égard de la drogue, « mais qu’il lui suffit de démontrer qu’il a été soumis à un traitement différent parce que son employeur présumait qu’il avait une dépendance à l’égard de la drogue ».

La Loi prescrit également les raisons que peut invoquer un employeur fédéral contre une accusation de pratique discriminatoire. L’exigence professionnelle justifiée (EPJ) est l’argument de défense invoqué le plus communément dans les causes de discrimination en matière d’emploi. Les modifications apportées en 1998 à la Loi canadienne sur les droits de la personne (projet de loi S-5) ont ajouté à cette dernière l’obligation pour l’employeur de satisfaire aux besoins des personnes visées, sous réserve que cela ne constitue pas pour lui une contrainte excessive. Par conséquent, un employeur qui fait l’objet d’une plainte de discrimination ne peut pas invoquer une défense d’EPJ, à moins de prouver qu’il s’expose à des contraintes excessives. Le devoir de satisfaire aux besoins de l’employé s’applique dans tous les cas, que l’acte discriminatoire visé soit direct ou indirect. Auparavant, les normes d’examen judiciaire et le type de recours disponibles dépendaient souvent du classement de l’acte discriminatoire dans la catégorie directe ou indirecte (voir à titre d’exemple la décision rendue par la Section d’appel de la Cour fédérale dans la cause de la Banque Toronto-Dominion c. la Commission canadienne des droits de la personne, dont il est question plus haut).

La Loi canadienne sur les droits de la personne peut donc servir à contester le recours au dépistage des drogues en milieu de travail. Dans les cas où il serait démontré que le dépistage a un caractère discriminatoire, il incomberait à l’employeur d’en justifier l’utilisation.

         c. Législation concernant les normes d'emploi

Le gouvernement fédéral a adopté des lois concernant les normes en matière d’emploi, notamment le Code canadien du travail. Ces normes régissent certains aspects des rapports entre employeurs et employés qui sont de compétence fédérale. On a fait valoir que, si le gouvernement fédéral devait décider de réglementer le dépistage des drogues, le Code canadien du travail constituerait l’outil le plus approprié pour le faire. La procédure de grief qu’il contient offrirait un moyen sûr de contester un programme de dépistage des drogues et de protéger les employés contre d’éventuels abus.

Bien que certaines décisions arbitrales indiquent que les employeurs n’ont qu’un droit limité d’imposer des examens médicaux et qu’il ne leur est pas permis de soumettre leurs employés à des mesures disciplinaires pour leur comportement hors du milieu de travail, des jugements rendus récemment montrent que les arbitres reconnaissent que le dépistage de drogues en milieu de travail peut jouer au moins deux rôles possibles. Premièrement, on accepte généralement que l’employeur puisse avoir un motif valable de demander à un employé, à la suite d’un incident précis, de se soumettre à un dépistage des drogues. Cette éventualité doit cependant être réservée aux cas où un affaiblissement des facultés est soupçonné. Un arbitre a déclaré « qu’il n’est pas dans les intérêts légitimes d’un employeur, y compris une société de chemin de fer, d’empiéter sur la vie privée et la dignité de ses employés en les soumettant au hasard à des tests aléatoires de dépistage des drogues » (Re Canadian Pacific Ltd. and United Transportation Union (1987), 31 L.A.C. (3d) 179). On s’est aussi demandé comment il fallait interpréter le refus d’un employé de se soumettre à une demande justifiée de dépistage de drogues. Dans au moins deux cas, on a accepté que le refus de l’employé permettait à l’employeur de tirer des conclusions négatives et, par conséquent, d’imposer des mesures disciplinaires à l’employé ou de le congédier, compte tenu des autres circonstances en jeu. De plus, le congédiement a été considéré justifié quand il y a des motifs raisonnables d’effectuer un dépistage des drogues et qu’un employé a eu de nombreux résultats positifs et refusé de participer aux programmes d’aide disponibles.

Une deuxième tendance qui prend forme est l’utilisation des tests de dépistage de drogues comme une condition de réengagement de l’employé. Dans les cas touchant le réengagement d’un employé congédié pour absentéisme ou pour d’autres problèmes de comportement au travail, les arbitres fixent généralement certaines conditions auxquelles l’employé doit se plier pour une période de 18 à 24 mois suivant son réengagement. Parmi les conditions les plus fréquentes, citons l’obligation de ne pas se présenter au travail sous l’influence de l’alcool ou de médicaments non prescrits, de participer à un genre quelconque de programme de réadaptation, et de maintenir le même niveau de présence que la moyenne des employés dans l’usine ou dans le service. Dans certains cas récents de réengagements conditionnels, l’employeur s’est vu accorder le droit d’exiger des échantillons d’urine ou de sang (ou les deux) comme preuve de l’abstinence de l’employé. Même si on reconnaît que les dépistages pratiqués au hasard ne garantiront jamais que l’employé ne s’adonnera plus à la drogue, on reconnaît aussi qu’ils ont un pouvoir de dissuasion très puissant.

Par conséquent, même si le dépistage des drogues en milieu de travail soulève une forte opposition, il semble que l’idée ait gagné du terrain, du moins en tant que solution partielle et ponctuelle aux problèmes éprouvés avec certains employés.

         d. Garanties de procédure

Dans un document d’étude concernant les tests de vérification, la Commission de réforme du droit du Canada traite des garanties de procédure qui pourraient être nécessaires pour que les tests de dépistage des drogues soient effectués selon des méthodes justes et fiables (document d’étude 34, Méthodes d’investigation scientifiques, 1984). En octobre 1987, le Comité permanent de la Chambre des communes chargé de la santé nationale et du bien-être social a déposé son rapport sur l’abus des drogues au Canada. Dans le document intitulé Boisson, pilules et drogue : comment diminuer leur consommation au Canada, il a recommandé que, si les tests doivent être utilisés, ils ne soient effectués que lorsqu’il existe des motifs de soupçonner qu’il y a eu consommation de drogues ou d’alcool (p. ex., lorsqu’un employé a montré par son comportement qu’il a les facultés affaiblies ou de la difficulté à s’acquitter de ses fonctions). Le dépistage devrait aider l’employé à rechercher le traitement approprié et ne pourrait pas servir en tant que preuve dans des procédures criminelles. Le Comité a également recommandé que tous les résultats positifs de tests soient confirmés par un autre test, que les résultats soient communiqués à un praticien médical licencié qui est agréé par l’employé et par l’employeur, et qu’aucune mesure ne soit prise par suite de résultats positifs à moins que l’employé n’ait eu la possibilité de rencontrer le praticien ou de présenter une contre-preuve.

Le Commissaire à la protection de la vie privée a entrepris l’étude des politiques et des pratiques de dépistage des drogues du gouvernement fédéral. Le 1er juin 1990, il a publié un rapport contenant des recommandations sur le dépistage des drogues en tenant compte des exigences de la Loi sur la protection de la vie privée relativement à la cueillette de renseignements personnels par des institutions gouvernementales et à l’établissement des principes de justes pratiques d’information. Entre autres obligations, il exige des institutions gouvernementales qu’elles ne recueillent que des renseignements personnels nécessaires au fonctionnement de leurs programmes; qu’elles recueillent ces renseignements auprès de la personne concernée, autant que possible; qu’elles informent la personne concernée de l’usage qui sera fait de ces renseignements; qu’elles gardent ces renseignements assez longtemps pour permettre à la personne concernée d’y avoir accès; et qu’elles prennent toutes les mesures raisonnables pour s’assurer que les renseignements sont exacts et complets. La Loi ne s’applique pas au secteur privé.

Dans son rapport, le Commissaire à la protection de la vie privée a marqué une vigoureuse opposition au dépistage des drogues. Il a également recommandé que les institutions gouvernementales demandent une autorisation au Parlement avant de recueillir des renseignements personnels au moyen de tests obligatoires de dépistage des drogues. Il a recommandé de n’avoir recours à ces tests que dans des cas exceptionnels, lorsque la consommation de drogues ou l’incapacité qui en résulte menace sérieusement la sécurité du public ou des collègues de travail, lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire que le dépistage des drogues pourrait réduire considérablement cette menace et lorsqu’il n’existe pas d’autres moyens pratiques et moins indiscrets de réduire le risque pour la sécurité. Le Commissaire est même allé jusqu’à recommander l’adoption de procédures concernant le prélèvement, la manutention, la garde et la manière de disposer des échantillons prélevés, en vue de faciliter l’observance de la Loi sur la protection de la vie privée.

En septembre 1992, la Commission de réforme du droit de l’Ontario a publié son rapport sur le dépistage des drogues et de l’alcool en milieu de travail. Après avoir étudié à fond les différents aspects de cette question, la Commission a conclu que le cadre législatif actuel ne répond pas adéquatement aux nombreux problèmes que soulèvent les tests employés. Par conséquent, elle a recommandé au gouvernement de l’Ontario d’adopter une loi interdisant la recherche de la présence de drogue ou d’alcool dans tout échantillon biologique prélevé par l’employeur chez les employés ou les candidats de cette province. La Commission a recommandé que cette loi s’applique à tous les travailleurs, tant du secteur privé que du secteur public, aux employés syndiqués et non syndiqués, et aux postulants à un emploi. Cette loi réduirait grandement l’incertitude qui entoure actuellement l’acceptabilité des tests faits chez les employés dans la province.

La Commission fonde sa recommandation sur le fait que les tests de dépistage de l’alcool et de drogues constituent une franche ingérence dans la vie privée des employés, que les techniques actuelles d’analyse des liquides biologiques ne permettent pas de déceler un affaiblissement des facultés et qu’il n’existe aucune donnée empirique pouvant étayer l’hypothèse voulant que la consommation de drogues soit devenue problématique en Ontario. La Commission pense plutôt que les employeurs pourraient instituer d’autres mesures ne comportant pas les graves dilemmes juridiques et éthiques liés aux tests de recherche de la présence de drogue ou d’alcool. Elle opte pour l’évaluation du rendement, qui est la solution la moins importune et la plus efficace pour mesurer l’affaiblissement des facultés, et indique, à titre de recommandation, que cette évaluation serait justifiée dans les cas où l’affaiblissement des facultés au travail constitue un risque de blessure ou de mortalité pour l’employé, ses compagnons de travail ou le grand public. Ainsi, même dans le cas d’occupations où la sécurité est en jeu, la Commission est d’avis que le prélèvement d’échantillons biologiques n’est pas justifié.

      3. Conclusion

Il reste manifestement nombre de questions à résoudre en ce qui concerne la légalité du dépistage des drogues au Canada. Une des principales consiste à savoir si la drogue constitue un problème tel dans le milieu de travail que le dépistage est la seule façon d’y remédier. Est-ce que le recours au dépistage obligatoire réduirait la consommation de substances qui menacent la santé et la sécurité au travail ou pourrait-il entraîner la consommation de drogues indétectables au moyen des méthodes ou de la technologie employées actuellement? Existe-t-il d’autres facteurs comme la fatigue, le stress ou la maladie qui constituent des dangers plus courants au travail que la consommation d’alcool ou de drogue? Qu’est-ce qui pourrait être considéré comme une drogue proscrite (c’est-à-dire les drogues légales, illégales ou les deux)? Dans quelle mesure les tests donnent-ils des renseignements pertinents au sujet du rendement au travail? Qu’arrive-t-il dans le cas de résultats positifs à cause de la présence de quantités infimes de drogue qui ne peuvent pas influer sur la capacité d’un employé d’exécuter son travail? Une personne soumise à un test pourrait-elle avoir des résultats positifs même si elle n’avait pas réellement consommé de drogue, mais qu’elle avait absorbé des traces d’une source secondaire (par exemple, après s’être trouvée dans la même pièce qu’une personne qui aurait fumé de la marijuana)? Quelles garanties le processus de dépistage doit-il comporter pour assurer la protection des droits de l’employé? Comment empêcher un employeur d’utiliser ou de communiquer (par exemple à des assureurs) les renseignements personnels au sujet des employés qui ont été obtenus à partir d’un test de détection? Quels seraient les recours dont disposerait l’employé pour contester un programme de dépistage des drogues? Quelles mesures de réparation seraient offertes aux employés?

Étant donné l’absence presque totale de dispositions législatives et de jurisprudence dans ce domaine, il est difficile de savoir comment ces questions seront réglées et s’il incombera aux tribunaux ou aux assemblées législatives fédérale ou provinciales de le faire. De toute façon, il importe de reconnaître que le dépistage des drogues peut constituer une grave atteinte au droit de l’individu d’être protégé contre la surveillance et l’intrusion physiques et de contrôler les renseignements personnels. La Cour suprême des États-Unis a déclaré à ce sujet :

L’expérience nous enseigne qu’il faut veiller à protéger la liberté lorsque les buts visés par le gouvernement sont bénéfiques. Les hommes nés dans la liberté sont naturellement prêts à combattre les dirigeants malveillants qui veulent s’en prendre à leur liberté. Le plus grand danger auquel est exposée la liberté se trouve dans l’empiétement insidieux d’hommes enthousiastes, bien intentionnés mais peu clairvoyants. (M. le juge Brandeis, Olmstead c. United States, (1928) 48 S. Ct. 564) (traduction)

MESURES PARLEMENTAIRES

Aucune loi n’a encore été adoptée ni aucun projet de loi déposé. Plusieurs comités de la Chambre des communes ont néanmoins traité la question de la consommation de drogues.

En novembre 1987, le Comité permanent de la santé nationale et du bien-être social, dans son rapport sur cette question, s’est opposé aux tests de masse et au hasard au Canada et a recommandé que le recours au dépistage des drogues n’ait lieu que lorsqu’il existe des raisons ou des motifs de soupçonner qu’il y a eu consommation de telles substances.

Après avoir étudié la Loi sur la sécurité ferroviaire en avril 1988, le Comité des transports a recommandé que le gouvernement élabore un programme de dépistage des drogues qui serait appliqué par voie législative et qui prévoirait l’administration de tests aux employés des transports après un accident ou pour des motifs raisonnables. Le 16 mars 1990, le ministre des Transports a publié un énoncé de stratégie qui contient des propositions visant à instituer un ensemble de mesures pour prévenir la consommation d’alcool et de drogues dans le secteur des transports régi par le gouvernement fédéral. La stratégie vise la consommation d’alcool ou de drogues au travail par des employés dont les fonctions touchent directement la santé ou la sécurité du public ou de leurs collègues. Le document a été renvoyé au Comité permanent des transports de la Chambre des communes à des fins d’examen, de consultation et de recommandation.

Le 28 mars 1990, le ministre de la Défense nationale a également publié un énoncé de stratégie sur le contrôle de la consommation d’alcool et de drogues par les employés du ministère. (Voir la section « Le contexte canadien — la situation actuelle » du présent document).

Le 12 juin 1990, le Comité permanent des transports a déposé son rapport sur la stratégie du gouvernement sur la consommation d’alcool et de drogues chez les titulaires de postes liés à la sécurité dans l’industrie des transports au Canada. Le Comité a conclu que, d’après les études réalisées au Canada sur ce sujet, la consommation d’alcool et de drogues par les titulaires de tels postes ne présente pas de danger grave pour la sécurité. « Notre étude ne nous a assurément pas permis de découvrir que cette consommation présente des risques importants pour la sécurité du réseau de transport du Canada. Nous ne sommes donc pas persuadés qu’elle pose actuellement un problème » (page 46:6).

Le Comité des transports a évalué les divers types de tests de dépistage proposés dans la stratégie et en a recommandé quatre, soit les tests de dépistage après un accident, les tests périodiques (p. ex., dans le cadre des examens médicaux périodiques), les tests préalables à l’emploi et les tests effectués pour des motifs raisonnables. Le Comité a estimé que ce dernier type de tests est nécessaire à la protection du public voyageur et des autres employés, mais il reconnaît que ces tests doivent être régis par des règlements ou des lignes directrices stricts parce qu’ils pourraient donner lieu à du harcèlement ou à une discrimination à l’égard des employés. Le Comité a donc recommandé que les lignes directrices relatives à ces tests comportent une composante « motifs raisonnables ». Le Comité a également recommandé qu’aucun règlement ou loi applicable à l’industrie des transports ne prévoie de dispositions concernant des tests obligatoires effectués au hasard.

Le 7 novembre 1990, l’honorable Doug Lewis, ministre des Transports, a déposé la réponse du gouvernement au rapport du Comité permanent des transports. Pour l’essentiel, le gouvernement a accepté toutes les recommandations du Comité. Il a décidé en particulier de retirer les tests effectués au hasard de sa politique sur la consommation de drogues en ce qui concerne les transports. Un projet de loi intitulé Loi sur la prévention de la consommation d’alcool et/ou drogue dans un système de transport sécuritaire a été rédigé au début de l’année 1993, mais il n’a pas été déposé avant la dissolution du Parlement pour les élections d’octobre.

Le gouvernement actuel a décidé de ne pas présenter de projet de loi pour prévenir l’usage de l’alcool et des drogues dans le secteur des transports. Le ministère des Transports collabore plutôt, avant tout avec l’industrie des transports routiers, à l’élaboration d’un programme autogéré afin de satisfaire aux exigences en matière de dépistage des drogues qui sont en vigueur aux États-Unis. Dans son rapport intérimaire de janvier 1999, le Comité sénatorial spécial de la sécurité des transports a recommandé que Transports Canada réexamine sa position sur le dépistage des drogues et de l’alcool dans le secteur des transports et permette le dépistage obligatoire et au hasard comme aux États-Unis.

CHRONOLOGIE

mars 1986 - La Commission d’enquête américaine sur le crime organisé dépose son rapport, qui recommande que les employés fédéraux soient soumis au dépistage obligatoire des drogues.

septembre 1986 - Le président des États-Unis prend le décret 12564 qui institutionnalise le dépistage obligatoire des drogues à la grandeur de la fonction publique.

25 mai 1987 - Le gouvernement fédéral annonce la Stratégie nationale antidrogue pour lutter contre l’abus des drogues au Canada.

2 novembre 1987 - Le Comité permanent de la santé nationale et du bien-être social dépose à la Chambre des communes son rapport sur la consommation de drogues.

janvier 1988 - La Commission canadienne des droits de la personne publie un énoncé de politique dans lequel elle indique que l’utilisation des résultats positifs de tests pourrait être considérée comme une pratique discriminatoire.

21 avril 1988 - Le Comité permanent des transports recommande que le gouvernement dépose un projet de loi régissant l’application des programmes de dépistage des drogues.

décembre 1989 - La Cour suprême des États-Unis rend deux décisions qui confirment les programmes de dépistage obligatoire des drogues en milieu de travail et qui indiquent que cette pratique ne porte pas atteinte au droit à la vie privée que protège le Quatrième Amendement.

16 mars 1990 - Le ministre des Transports publie un énoncé de stratégie sur le contrôle de la consommation des drogues et de l’alcool par les employés du secteur des transports qui est régi par le gouvernement fédéral. La stratégie propose l’adoption d’une loi régissant le dépistage obligatoire des drogues.

28 mars 1990 - Le ministre de la Défense nationale annonce une stratégie de contrôle de la consommation de l’alcool et des drogues dans les Forces armées canadiennes. La stratégie pourrait inclure le dépistage obligatoire avec, dans certains cas, des tests au hasard.

12 juin 1990 - Le Comité permanent des transports dépose son rapport sur la stratégie sur la consommation d’alcool et de drogues chez les titulaires de postes reliés à la sécurité dans l’industrie des transports.

1er octobre 1990 - La Banque Toronto-Dominion met en place un programme de dépistage visant tous les nouveaux employés et tous les employés qui reviennent après trois mois ou plus d’absence. Le 16 août 1994, le Tribunal canadien des droits de la personne confirme la validité du programme. L’affaire portée en appel devant la Cour fédérale du Canada, est renvoyée au Tribunal.

7 novembre 1990 - Le gouvernement dépose sa réponse au rapport du Comité permanent des transports.

1er janvier 1992 - La Compagnie pétrolière impériale Ltée commence un programme systématique de dépistage qui prévoit aussi un dépistage aléatoire.

21 mai 1992 - Le gouverneur en conseil approuve une série de règlements relatifs au Programme des Forces canadiennes sur le contrôle des drogues, conformément au paragraphe 12(1) de la Loi sur la défense nationale.

1er novembre 1992 - La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition est proclamée. Les tribunaux confirment la constitutionnalité de l’article 54 de la Loi, qui prévoit l’analyse d’échantillons d’urine prélevés de façon aléatoire auprès des détenus.

décembre 1992 - Le ministère des Transports rend public, en vue d’obtenir des observations, un projet de règlement devant accompagner un projet de loi portant sur les tests de consommation de drogues dans le secteur des transports relevant de la compétence du gouvernement fédéral et intitulé Loi sur la prévention de la consommation d’alcool et/ou drogue dans un système de transport sécuritaire.

novembre 1994 - Le ministre des Transports annonce que son ministère ne présentera pas de projet de loi relativement à l’usage de l’alcool et des drogues dans le secteur des transports relevant de la compétence du gouvernement fédéral.

juin 1995 - Une commission d’enquête de l’Ontario sur les droits de la personne juge que le programme de la Compagnie pétrolière impériale était discriminatoire dans le cas d’un employé. La compagnie en appelle de cette décision.

juin 1995 - La Cour suprême des États-Unis confirme la constitutionnalité du dépistage au hasard par analyse d’urine chez les athlètes des écoles secondaires dans le jugement Veronia School District c. Acton (515 U.S. 646 (1995)).

juillet 1996 - Le règlement fédéral américain touchant la sécurité des transporteurs routiers est élargi pour s’appliquer aux entreprises de camionnage canadiennes dont les chauffeurs traversent la frontière. Le règlement comprend certaines exigences touchant le dépistage d’alcool et des drogues.

janvier 1999 - Le Comité sénatorial spécial de la sécurité des transports recommande que le gouvernement permette le dépistage obligatoire et aléatoire des drogues et de l’alcool dans l’industrie des transports comme cela se fait aux États-Unis en vertu de la loi.

mai 1999 - Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes propose des modifications précises au Code criminel et recommande que la ministre de la Justice consulte les provinces et les territoires pour élaborer des propositions législatives visant à obtenir de meilleures preuves contre les chauffeurs soupçonnés d’avoir conduit avec des facultés affaiblies.

juin 1999 - On apprend que le solliciteur général du Canada a entrepris un examen interne de ses programmes de lutte contre les drogues et l’alcool dans les pénitenciers fédéraux par suite d’études internes ayant révélé une consommation importante de drogues chez les détenus.

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

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Zeese, Kevin B. Drug Testing Legal Manual: Guidelines and Alternatives. New York, Clark Boardman, 1988 (mis à jour).


La première version de ce bulletin d'actualité a été publiée en avril 1990.  Le document a été périodiquement mis à jour depuis.