91-2F

 

LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE AU CANADA :
L'ÉVOLUTION DU RÔLE DES GOUVERNEMENTS
FÉDÉRAUX ET PROVINCIAUX

 

Rédaction :
Jean Soucy, Division de l'économie
Marion G. Wrobel, Analyste principal
Révisé le 27 mars 2000


 

TABLE DES MATIÈRES

 

DÉFINITION DU SUJET

CONTEXTE ET ANALYSE

   A. Les recettes

   B. Les dépenses

      1. Les dépenses totales
      2. Le financement des programmes et le service de la dette

   C. Les déficits

   D. Les transferts fédéraux aux provinces

   E.  La taxe de vente harmonisée (TVH)

MESURES PARLEMENTAIRES

CHRONOLOGIE

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

 


LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE AU CANADA : L’ÉVOLUTION DU RÔLE
DES GOUVERNEMENTS FÉDÉRAL ET PROVINCIAUX*

DÉFINITION DU SUJET

La politique économique est de plus en plus déterminée par les gouvernements provinciaux. Si la politique monétaire est de compétence exclusivement fédérale, la politique budgétaire, elle, est de compétence partagée. Les impôts, dépenses et déficits fédéraux attirent le plus souvent l’attention, mais ceux des provinces, lorsqu’on les additionne, sont tout aussi importants. Le gouvernement fédéral fournit aux provinces une bonne partie de leurs ressources financières (25,523 milliards de dollars de transferts pécuniaires pour l’exercice 1998-1999, ce qui représente environ 15,6 p. 100 recettes totales des gouvernements provinciaux sur la base des comptes publics; ce montant comprend un supplément ponctuel au TCSPS de 3,5 milliards de dollars placé dans une fiducie administrée par une tierce partie). Le gouvernement fédéral accorde par ailleurs aux provinces 13,751 milliards de dollars en points d’impôt.

Dans le présent bulletin, nous examinons certaines des tendances notables de la politique budgétaire fédérale et de celles des provinces depuis 1975 afin de préciser le contexte qui permettra d’évaluer l’ensemble de la politique budgétaire et les futurs budgets fédéraux. Le bulletin est le pendant des trois autres bulletins d’actualité portant sur la politique budgétaire fédérale, soit les bulletins 87-2F (Les dépenses fédérales : nouvelles tendances), 88-7F (Le déficit fédéral : nouvelles tendances) et 90-3F (Les recettes fédérales : les nouvelles tendances et la poursuite de la réforme fiscale). Les données des graphiques 1 à 5 sont tirées des Comptes économiques et financiers nationaux de Statistique Canada et celles des graphiques 6 à 8 proviennent des comptes publics fédéraux et provinciaux.

CONTEXTE ET ANALYSE

   A. Les recettes

Le graphique 1 décrit l’évolution récente des recettes publiques. Avant 1964, les recettes des gouvernements provinciaux représentaient moins de 80 p. 100 de celles du gouvernement fédéral. Cependant, elles ont augmenté beaucoup plus rapidement que les recettes fédérales au cours de la quinzaine d’années qui ont suivi, de sorte que le rapport entre les recettes des provinces et celles du gouvernement fédéral s’établissait à 1,28:1 en 1978 (voir le graphique 1). Au cours des trois années suivantes, les recettes fédérales ont augmenté rapidement, ramenant ce rapport à 1,09:1 en 1981. Depuis, il a fluctué entre 1,09:1 et 1,26:1.

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Un examen des principaux types d’impôts — impôts directs (particuliers et sociétés) et impôts indirects — explique ces grandes tendances. Dans les trois cas, les provinces ont accru leur part des recettes fiscales. Le rapport des impôts directs perçus par les provinces auprès des sociétés aux impôts fédéraux correspondants est passé de 0,33:1 en 1966 à 0,66:1 en 1995. Depuis 1969, les gouvernements provinciaux perçoivent plus de la moitié des impôts indirects au Canada; le rapport des impôts indirects provinciaux aux impôts indirects fédéraux est passé de 1,01:1 à 1,77:1 en 1998. Cette tendance n’a pas été modifiée par la création de la taxe sur les biens et services (TPS) fédérale en 1991.

Le rapport correspondant des impôts directs perçus auprès des particuliers (dont le principal élément est l’impôt sur le revenu des particuliers (IRP), une partie beaucoup plus importante des recettes fiscales) est passé de moins de 0,30:1 avant 1965 à 0,64:1 en 1998. De fait, la part des provinces des impôts directs perçus auprès des particuliers a considérablement augmenté entre 1976 et 1978, lorsqu’elle a atteint 75 p. 100 de la part du gouvernement fédéral. Elle a ensuite fluctué entre 0,62:1 et 0,71:1. Ces tendances sont illustrées au graphique 2.

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Ce changement considérable de la part relative des impôts directs perçus auprès des particuliers entre 1976 et 1978 était voulu. En effet, en vertu des Arrangements sur le financement des programmes établis qu’il avait conclu avec eux en 1997, le gouvernement fédéral a cédé une partie du champ fiscal aux gouvernements provinciaux, qui en ont profité pour majorer leurs propres taux d’imposition dans une mesure considérable, notamment de 27 p. 100 au Manitoba, de 28 p. 100 en Nouvelle-Écosse, de 38 p. 100 à l’Île-du-Prince-Édouard, de 44 p. 100 en Ontario et de 48 p. 100 en Alberta.

Après 1978, la part des provinces des recettes tirées des impôts directs perçus auprès des particuliers a un peu diminué et fluctué. Le renversement récent de cette tendance peut être attribuable à la réaction des gouvernements provinciaux à la reforme fédérale de l’impôt sur le revenu, laquelle a allégé le fardeau des particuliers. Plusieurs provinces (l’Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick, la Saskatchewan et, très singulièrement, l’Ontario) ont profité de l’occasion pour accroître leurs taux et imposer des surtaxes comme mesures de contrôle du déficit. Le Nouveau-Brunswick et l’Ontario ont récemment décidé de réduire l’impôt sur le revenu de 10 et de plus de 30 p. 100 respectivement, ce qui réduit la part relative des impôts directs des particuliers dans les recettes de ces provinces à la fin des années 90.

Les gouvernements provinciaux occupent maintenant une grande partie du champ des impôts indirects, c’est-à-dire des impôts qui ajoutent aux coûts de production. Il s’agit notamment des taxes de vente au détail, des taxes sur les carburants et des autres taxes de vente provinciales, des taxes de vente et taxes d’accise au niveau fédéral, et des droits d’importation et des impôts fonciers.

La forte augmentation de la part provinciale des impôts indirects tient surtout à la chute de 12 à 9 p. 100 du taux général de la taxe de vente fédérale (TVF) qui a coïncidé avec une hausse du taux de la taxe de vente au détail dans plusieurs provinces. Ainsi, de 1976 à 1983, cette dernière taxe a augmenté de deux points de pourcentage dans les quatre provinces de l’Atlantique, et d’un point au Québec et au Manitoba. Après 1984, la part du gouvernement fédéral a augmenté lorsque celui-ci a ramené le taux général de la TVF à 12 p. 100 et porté de 5 à 8 p. 100 celui de la TVF perçue sur les matériaux de construction.

L’application de la taxe fédérale sur les produits et services (TPS), en 1991, a accru la part fédérale des taxes à la consommation, tout le reste étant égal par ailleurs. Il y a deux grandes raisons à cela. Premièrement, la TPS est censée ne pas rapporter plus de recettes fiscales que la TVF de 13,5 p. 100 — et non que celle de 12 p. 100 en vigueur au cours du premier semestre de 1989. Deuxièmement, elle est censée être neutre sur le plan fiscal en termes nets, et non en termes bruts. Comme elle sert à financer un système élaboré de crédits d’impôt remboursables, elle devrait rapporter des recettes brutes plus élevées. Dans l’ensemble, la TPS a eu un impact mineur, les recettes qu’elle a générées étant inférieures à ce qui avait été prévu.

   B. Les dépenses

      1. Les dépenses totales

En tout, les dépenses du gouvernement fédéral correspondent à peu près à celles de l’ensemble des provinces.  Au cours de la dernière moitié des années 60 et au début des années 70, la part provinciale des dépenses gouvernementales totales a connu une progression régulière. Cette montée s’est maintenant arrêtée (voir le graphique 3).

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      2. Le financement des programmes et le service de la dette

C’est au chapitre des sommes affectées au service de la dette qu’il y a un écart vraiment marqué entre les gouvernements fédéral et provinciaux (voir le graphique 4). Or, bien que ces derniers doivent habituellement emprunter à des taux d’intérêt plus élevés que le gouvernement fédéral, les sommes qu’ils affectent au service de la dette sont beaucoup plus faibles. Cela signifie qu’ils doivent acquitter un principal beaucoup moins élevé que le gouvernement fédéral, en raison de déficits antérieurs moins considérables. Cependant, cette tendance va sans doute bientôt changer. Comme le gouvernement fédéral s’est bien débrouillé depuis 1997 — il enregistre un excédent d’environ 3 milliards de dollars chaque exercice — et que certaines provinces affichent toujours un déficit, le rapport des frais de service de la dette des provinces aux frais de service de la dette du gouvernement fédéral va sans doute augmenter.

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De 1966 à 1973, la part provinciale du total des frais de service de la dette a augmenté considérablement, après quoi elle s’est mise à baisser jusqu’en 1981, année où elle était de 0,48:1. La part provinciale a augmenté pendant une grande partie des années 80, mais a chuté abruptement de 1988 à 1990, après quoi elle a de nouveau augmenté rapidement.

Le graphique 5, qui porte sur les déficits annuels, fournit l’explication de ce phénomène.  En 1965, le gouvernement fédéral a connu un excédent. Après, le rapport entre les déficits provinciaux et le déficit fédéral a fluctué de façon importante. De 1975 à 1989, il était en moyenne de 0,13:1, mais a affiché des variations notables. En effet, le gouvernement fédéral accumulait les dettes beaucoup plus rapidement que les provinces, ce qui lui a valu des frais de service de la dette relativement plus lourds.  De 1990 à 1993, cependant, les déficits provinciaux et le rapport entre eux et ceux du gouvernement fédéral ont beaucoup augmenté, ce qui a fait monter la part provinciale des frais de service de la dette. Durant cette période, les déficits provinciaux ont augmenté plus rapidement que le déficit fédéral, mais, ils ont baissé plus vite que lui par la suite. Des chiffres récents montrent que cette tendance a beaucoup changé. Les trois derniers budgets du gouvernement fédéral, y compris celui de 1999-2000, ont au moins été équilibrés. Il n’y a pas de déficit fédéral, mais il reste des déficits provinciaux.

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En 1989 et en 1990, les taux d’intérêt étaient très élevés, surtout sur les papiers financiers à court terme. Le gouvernement fédéral avait de plus en plus recours aux titres à court terme, surtout aux bons du Trésor, dont le rendement est toujours inférieur à celui des obligations à long terme. Ce qui est paradoxal, c’est que cette façon de faire a accru ses frais d’emprunt, les papiers à brève échéance ayant eu un rendement sensiblement plus élevé que les papiers à long terme en 1989 et 1990. En outre, comme le gouvernement utilisait des effets à court terme tout en accusant des déficits annuels élevés, il a été particulièrement touché par les augmentations de taux d’intérêt survenues au cours de ces deux années. Le gouvernement fédéral a maintenant allongé l’échéance moyenne de sa dette, ce qui va certes accroître légèrement ses coûts d’emprunt, mais les rendra par ailleurs plus stables et prévisibles, du fait que la dette fédérale sera moins sensible aux variations des taux d’intérêt. La proportion de la dette portant intérêt à taux fixe est passée de 50 p. 100 environ en 1992-1993 à approximativement 67 p. 100 en 1998-1999.

   C. Les déficits

Le texte suivant repose sur des données tirées des comptes publics fédéraux et provinciaux. La récession du début des années 80 a considérablement aggravé la situation budgétaire des gouvernements fédéral et provinciaux. Après 1982, les déficits accusés aux deux paliers ont pris des proportions énormes. Mais alors que ceux des provinces se sont mis à diminuer tout de suite après 1983, celui du gouvernement fédéral a continué de prendre de l’ampleur jusqu’en 1985, et lorsqu’il est redescendu, la baisse a été beaucoup plus faible que dans les provinces. En 1990, le déficit fédéral correspondait à 75 p. 100 de ce qu’il était en 1985, lorsqu’il a atteint son sommet, et à peu près à ce qu’il était en 1983, à la fin de la récession.  En comparaison, le déficit de l’ensemble des provinces était, en 1990, de 32 p. 100 de son niveau le plus élevé, atteint en 1987, et de 48 p. 100 de ce qu’il était en 1983.

En 1992, le déficit des provinces a enregistré une hausse considérable, en raison essentiellement des faits nouveaux survenus en Ontario, et il a augmenté encore l’année suivante. D’après les Comptes nationaux, pour la première fois depuis le début des années 70, le rapport entre le déficit des provinces et celui du gouvernement fédéral a dépassé 0,60:1.

Par le passé, les gouvernements provinciaux ont, dans l’ensemble, mieux réussi que le gouvernement fédéral à équilibrer leurs budgets. Ils ont certes accusé des déficits élevés pendant toute la décennie 80, mais ils ont fait preuve de plus de prévoyance budgétaire que le gouvernement fédéral.

Le recul global des déficits provinciaux observé depuis 1983 ne s’est cependant pas fait sans inconvénients. Dans l’ensemble, ces déficits ont augmenté en 1986 et 1987, en raison surtout de la forte progression des déficits des quatre provinces de l’Ouest. En effet, après avoir, pour l’essentiel, équilibré leurs budgets en 1985, ces provinces avaient un déficit cumulatif de plus de 6,2 milliards de dollars en 1987. Cela s’explique aisément : entre ces deux années, les prix des ressources naturelles ont considérablement chuté, et la valeur réelle de la production a chuté de 5 p. 100 en 1986, et n’a pas remonté en 1987.

Cette explication ne vaut pas pour l’Ontario. De 1983 à 1989, cette province a connu une croissance réelle annuelle moyenne de 6,2 p. 100, un taux exceptionnellement élevé, quel que soit le critère utilisé. Pourtant, non seulement son déficit a-t-il diminué lentement au cours de cette période, mais en 1986, il a été deux fois plus élevé que l’année précédente. Au Québec, la courbe des déficits n’a varié que légèrement par rapport à celle de l’Ontario, même si le taux annuel moyen de croissance réelle de 4,7 p. 100 seulement qu’a connu la province, tout en étant très bon, était de 1,5 point de pourcentage inférieur à celui de l’Ontario.

Les graphiques 6 à 8 illustrent des données financières récentes sur le secteur public. Les chiffres sont tirés des tableaux de référence financiers publiés par le ministère des Finances sur la base des récents budgets. Les données sur la dette nette du Québec en 1998-1999 proviennent du numéro du 3 décembre 1999 de Provincial Pulse de la Banque de Nouvelle-Écosse.

Si les provinces ont à ce point mieux réussi à contrôler leurs déficits que le gouvernement fédéral ces dernières années, c’est notamment parce qu’elles les ont mieux évités par le passé. Il s’ensuit que, en 1999, elles n’ont consacré en moyenne que 1 $ pour chaque 7,90  $ de recettes au service de la dette, alors que le gouvernement fédéral a dû affecter plus de 1 $ pour chaque 3,80 $ de recettes.

Le graphique 6 illustre les frais de service de la dette du gouvernement fédéral et des provinces pour 1997 par rapport à 1998, en proportion des recettes totales de chaque gouvernement. C’est le gouvernement fédéral qui est aux prises avec le plus gros problème, et de loin, car il consacre un peu moins de 27 p. 100 de ses recettes au paiement de l’intérêt sur sa dette, soit plus de deux fois la moyenne provinciale. Par contre, les frais d’intérêt du Manitoba, de la Colombie-Britannique et de l’Alberta représentent moins de 10 p. 100 de leurs recettes.

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Les frais de service de la dette donnent une idée du degré de latitude des gouvernements en matière budgétaire. Certaines provinces, comme le Manitoba, la Colombie-Britannique et l’Alberta, consacrent la majeure partie de leurs recettes à des dépenses discrétionnaires, si bien qu’il leur est relativement plus facile, du moins en théorie, de comprimer leurs dépenses. Le gouvernement fédéral a une tâche beaucoup plus difficile du fait que plus du quart de ses recettes sont déjà engagées.

En 1996, le déficit fédéral correspondait à 3,5 p. 100 du PIB. Le graphique 7 illustre les déficits publics de 1998 et 1999 en pourcentage du PIB. Selon cette mesure, le gouvernement du Québec affiche les pires résultats en 1998, suivi de près par celui de l’Ontario. En 1999, cependant, ces mêmes provinces ont amélioré leur situation budgétaire, et le Québec a même enregistré un excédent. Cette fois, ce sont la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick qui ont affiché les pires résultats de toutes les provinces, mais la situation budgétaire s’est aussi détériorée en Colombie-Britannique. Pour sa part, le gouvernement fédéral a maintenu le cap, et les budgets fédéraux devraient continuer d’être équilibrés.

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Le graphique 8 contient les rapports de la dette publique au PIB pour 1998 et 1999. Le gouvernement fédéral se distingue avec un rapport qui est le double de la moyenne provinciale. Comme on pouvait s’y attendre, ce sont les gouvernements les plus endettés qui doivent assumer les frais de service de la dette les plus élevés, comme le confirme la comparaison des graphiques 6 et 8. Le gouvernement de l’Ontario semble cependant faire exception. Son endettement net correspond à la moyenne provinciale, mais ses frais de service de la dette sont bien supérieurs à la moyenne provinciale. Cela tient aux réductions de l’impôt provincial sur le revenu des particuliers, qui réduisent substantiellement les recettes du gouvernement.

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   D. Les transferts fédéraux aux provinces

Les budgets fédéraux de 1990 et 1991 ont restreint le montant des transferts pécuniaires que le gouvernement fédéral accorde aux provinces. En 1990, le gouvernement fédéral a annoncé un gel de deux ans des transferts individuels aux provinces dans le cadre du financement des programmes établis; le budget de 1991 a porté ce gel à trois ans. Les paiements versés conformément au Régime d’assistance publique du Canada aux provinces qui ne reçoivent pas de paiements de péréquation pourront augmenter seulement de 5 p. 100 au cours des cinq prochaines années. Le gouvernement fédéral diminuera ainsi le montant des transferts pécuniaires de plus de cinq milliards de dollars sur cinq ans, même si de tels transferts continueront à augmenter à des taux supérieurs à la croissance des dépenses fédérales affectées au financement des programmes.

Les provinces peuvent réagir à ces initiatives fédérales en réduisant leurs dépenses ou en augmentant leurs impôts. Elles sont d’ailleurs déjà habituées à moins compter sur les transferts pécuniaires fédéraux, qui représentaient 23 p. 100 de leurs recettes en 1987, mais seulement 19 p. 100 en 1989. De plus en plus, les provinces font appel à leurs propres mesures fiscales pour augmenter leurs recettes. Si la solution de rechange à ces mesures budgétaires consistait à assurer un niveau constant de transferts pécuniaires conjugués à des impôts fédéraux plus élevés, une augmentation de l’impôt provincial équivaudrait alors à convertir les transferts pécuniaires en transferts d’impôt, conformément à ce qui s’est produit par le passé.

À partir du 1er avril 1996, le gros des transferts fédéraux aux provinces ont pris la forme du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS) une subvention globale qui remplace les sommes versées dans le cadre du RAPC et du Financement des programmes établis, mais ne touche pas les paiements de péréquation. Cette réforme de structure s’est accompagnée d’une réduction du montant total des droits et des transferts pécuniaires des provinces.

Le budget de 1996 a établi un mécanisme de financement sur cinq ans aux termes duquel les droits demeuraient pendant deux ans au niveau de 1997-1998 (25 milliards de dollars), puis progressaient à un rythme croissant. Il garantissait aussi un plancher de 11 milliards de dollars pour les transferts pécuniaires. Cette mesure était importante parce que les provinces ont besoin d’une forte contribution en espèces du gouvernement fédéral pour respecter les dispositions de la Loi canadienne sur la santé et l’interdiction d’imposer une période de résidence minimale pour les fins de l’aide sociale, contribution que le gouvernement fédéral peut décider de retenir si une province ne respecte pas ses engagements en la matière. Le plancher des transferts pécuniaires a maintenant été porté à 14,5 milliards de dollars, montant qui ne comprend pas les suppléments pécuniaires au TCSPS annoncés dans les deux derniers budgets fédéraux.

Le budget de 1996 montrait par ailleurs que le gouvernement s’était efforcé dans une certaine mesure de remédier au caractère arbitraire de l’allocation initiale de droits aux termes du TCSPS. À l’origine, les droits de chaque province avaient été fixés à environ 9,5 p. 100 de moins que les droits de l’année précédente à l’égard du RAPC et du Financement des programmes établis, ce qui avait entraîné de grandes disparités dans le financement par habitant. Les trois provinces qui ne touchent pas de paiements de péréquation s’estimaient lésées parce qu’elles avaient été précédemment assujetties à un plafonnement du financement aux termes du RAPC, ce qui avait considérablement réduit leurs droits à des transferts fédéraux. Le gouvernement fédéral a procédé à une réforme de l’allocation des droits de manière que celle-ci tienne compte de la croissance démographique, ce qui a permis de réduire d’environ la moitié les disparités initiales dans les droits par habitant.

   E. La taxe de vente harmonisée (TVH)

Le 1er avril 1997, les résidents de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve ont vu disparaître la TPS et les taxes de vente provinciales, lesquelles ont été remplacées par une nouvelle taxe de 15 p. 100, la TVH, qui s’applique essentiellement à l’ancienne assiette fiscale de la TPS. Comme cette nouvelle taxe devait produire des recettes sensiblement inférieures à l’ancienne pour les provinces, le gouvernement fédéral a accordé à celles-ci un transfert de près de un milliard de dollars pour faciliter la transition.

Dans ces trois provinces, la TVH représente l’harmonisation de la TPS fédérale et des taxes de vente au détail provinciales sous la forme d’une nouvelle taxe sur la valeur ajoutée qui ressemble beaucoup à l’ancienne TPS. Au niveau des ventes de détail, les consommateurs de la province acquittent maintenant une taxe unique, appliquée à une assiette commune, et administrée par un seul gouvernement.

MESURES PARLEMENTAIRES

Les gouvernements fédéral et provinciaux établissent habituellement leurs politiques budgétaires lorsqu’ils présentent leurs budgets et que le Parlement du Canada et les assemblées législatives provinciales les approuvent. Le cadre fondamental dans lequel les transferts fédéraux aux provinces s’effectuent est constitué d’un certain nombre de lois fédérales, notamment la Loi de 1977 sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces sur le financement des programmes établis, la Loi de 1977 sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur les contributions fédérales en matière d’enseignement postsecondaire et de santé (adoptée en 1983), la Loi canadienne sur la santé et le Régime d’assistance publique du Canada.

CHRONOLOGIE

1975 - Le gouvernement de l’Alberta annonce un excédent budgétaire de 39 millions de dollars, sans compter les 646 millions déjà versés au Fonds du patrimoine de l’Alberta.

- Un nouvel arrangement fédéral-provincial sur le financement des programmes établis prévoit de nombreux transferts d’impôt. Les provinces haussent substantiellement leurs taux d’impôt sur le revenu des particuliers.

1977 - Dans son budget, Terre-Neuve établit le taux de l’impôt sur le revenu des particuliers à 58 p. 100 de l’impôt fédéral de base, un taux sensiblement supérieur à ceux des autres provinces.

1981 - Dans son budget, la Nouvelle-Écosse prévoit un déficit de plus du double de celui de l’année précédente et représentant 20 p. 100 des recettes prévues.

1982 - Dans son budget, Terre-Neuve établit le taux de la taxe de vente au détail à 12 p. 100, un taux sensiblement supérieur à ceux des autres provinces.

- Le déficit budgétaire du Québec atteint trois milliards de dollars pour la première fois, un niveau qu’il dépassera par la suite chaque année, jusqu’en 1987.

- Le gouvernement de l’Ontario étend l’assiette d’application de sa taxe de vente au détail, ce qui augmente considérablement ses recettes fiscales.

- Dans son budget, la Saskatchewan annonce un déficit, le premier depuis 1977.

1987 - Le gouvernement de l’Alberta prévoit un déficit de 2,1 milliards de dollars, même si les recettes tirées de l’exploitation des ressources ont été utilisées comme recettes fiscales au lieu d’être versées au Fonds du patrimoine de la province.

- Le gouvernement de la Saskatchewan annonce que le déficit budgétaire prévu, d’abord établi à 389 millions de dollars, sera en fait de 1,235 milliard de dollars. Son budget prévoit la suppression de 2 000 postes dans la fonction publique de la province.

1988 - Entrée en vigueur de la phase I de la réforme fiscale, qui prévoit une baisse générale des taux de l’impôt sur le revenu des particuliers et de l’impôt sur les sociétés et un élargissement de l’assiette des revenus imposables. Certaines provinces en profitent pour majorer leurs propres taux. L’Île-du-Prince-Édouard porte son taux d’impôt sur le revenu des particuliers de 55 à 57 p. 100 et prélève une surtaxe de 10 p. 100.

- Le gouvernement du Québec annonce un généreux régime de subventions pour les enfants dans le cadre duquel les familles nombreuses toucherait jusqu’à 3 000 $ par enfant.

avril 1989 - Dans son budget, le gouvernement fédéral limite la croissance du financement par habitant des programmes établis au taux de croissance du PNB moins 3 points de pourcentage.

février 1990 - Le budget fédéral prévoit un plan de contrôle des dépenses limitant les transferts aux provinces. Il gèle, pour les exercices 1991 et 1992, les paiements au titre du financement des programmes établis à leur niveau par habitant de 1990. Il limite également le taux de croissance annuelle des transferts au titre du Régime d’assistance publique du Canada à 5 p. 100 pour l’Ontario, l’Alberta et la Colombie-Britannique.

janvier 1991 - La taxe sur les produits et services entre en vigueur comme prévu. Le Québec intègre sa taxe de vente au détail à la TPS, mais sur les produits seulement.

juillet 1992 - Le Québec perçoit sa taxe de vente sur les services.

avril 1997 - La Taxe de vente harmonisée (15 p. 100) remplace la TPS et les taxes de vente au détail en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve.

févr.-mars 2000 - Le gouvernement fédéral annonce d’importants allégements fiscaux, et la plupart des provinces lui emboîtent le pas.

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Banque Toronto-Dominion.  Report on Provincial Government Finances. Août 1996.

Bureau canadien d’études fiscales. Provincial and Municipal Finances. Toronto, 1990.

Bureau canadien d’études fiscales. The National Finances. Toronto, 1990.

Canada, ministère des Finances. Le budget. Présenté à la Chambre des communes par l’honorable Michael H. Wilson, ministre des Finances, à Ottawa, le 20 février 1990.

Canada, ministère des Finances, Stratégie de gestion de la dette 2000-2001, Ottawa, 23 mars 2000.

Domingue, Richard. L’harmonisation des taxes de vente. Bulletin d’actualité 94-1F, septembre 1996.

Horry I.D. et M.A. Walker.  Government Spending Facts. Vancouver, L’Institut Fraser, 1989.

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Perry, J.H., A Fiscal History of Canada. The Postwar Years. Canadian Tax Paper No. 85. Toronto, Bureau canadien d’études fiscales, 1989.

Perry. J.H. Taxation in Canada. Cinquième édition. Canadian Tax Paper No. 89. Toronto, Bureau canadien d’études fiscales, 1990.

Revue de la Banque du Canada. Ottawa, divers numéros.

Statistique Canada. Les finances publiques provinciales. No de catalogue 68207. Annuel, Ottawa, divers numéros.

Wrobel, Marion G. Les budgets de 1996 : Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux maintiennent le cap sur l’austérité. BP-425F, août 1996.


La première version de ce bulletin d'actualité a été publiée en janvier 1991.  Le document a été périodiquement mis à jour depuis.