91-8F
AFFAIRES CRIMINELLES ET PÉNALES
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TABLE DES MATIÈRES A. L'interprétation d'une Charte intégrée à la Constitution B. Droits particuliers : article 11
1.
" Inculpé " - application de l'article 11 C. Traitements ou peine cruels et inusités : article 12 D. Témoignage incriminant - article 13 A. Loi C-70 : Loi modifiant le Code Criminel (jury), L.C. 1992, c. 41 B. Loi C-77 : Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, L.C. 1992, c. 16 AFFAIRES CRIMINELLES
ET PÉNALES : La Charte canadienne des droits et libertés est entrée en vigueur le 17 avril 1982. Les dispositions de la Charte qui énoncent les garanties juridiques quelle prévoit figurent aux articles 7 à 14 inclusivement, qui portent notamment sur le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité, la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives, les droits des personnes mises en état darrestation, les exigences relatives à certaines affaires criminelles et pénales et la protection contre les traitements ou peines cruels ou inusités. La présente analyse a pour but de déterminer lincidence des articles 11, 12 et 13 de la Charte sur lensemble du droit pénal. Les tribunaux ont maintenant rendu un grand nombre de décisions au sujet de ces articles. Dans le présent document, nous nous attachons aux jugements importants rendus par les cours dappel provinciales et la Cour suprême du Canada. A. L'interprétation d'une Charte intégrée à la Constitution Lorsquon analyse les décisions des tribunaux concernant ces articles, il importe de ne pas perdre de vue que la Charte fait partie de la Constitution du Canada et quen vertu du paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, « la Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit ». On pourrait soutenir que deux articles de la Charte constituent une tentative délibérée dempêcher les tribunaux canadiens dexercer une influence comparable à celle des tribunaux américains, de manière à préserver, dans une certaine mesure, la tradition canadienne de la suprématie parlementaire. En effet, larticle 1 permet aux corps législatifs dimposer des limites raisonnables aux droits et libertés, tandis que larticle 33 leur permet dadopter des lois, indépendamment des dispositions prévues dans certains articles de la Charte. Dans larrêt Southam, la Cour suprême du Canada a souligné que « linterprétation dune constitution et lexplication dune loi sont deux tâches fondamentalement différentes ». Lorsquon étudie lapplication de la Charte, il importe de reconnaître quil sagit dun document dont « lobjectif est de garantir et de protéger dans des limites raisonnables la jouissance des droits et libertés quelle accorde. Elle est censée empêcher le gouvernement de poser des gestes incompatibles avec ces droits et libertés, non lautoriser à y déroger ». Ces différences de principes entre la Charte et la déclaration américaine des droits servent de toile de fond à la présente analyse des garanties juridiques prévues aux articles 11, 12 et 13 de la Charte; nous donnons ensuite un aperçu de certaines décisions récentes des tribunaux en vue dillustrer les incidences de ces dispositions sur le système de justice pénale au Canada. B. Droits particuliers : article 11 Voici le libellé de cet article :
1. « Inculpé » - application de l'article 11 Dans R. c. Wigglesworth, la Cour suprême du Canada a déclaré que les droits garantis par larticle 11 « peuvent être invoqués par les personnes que lÉtat poursuit pour des infractions publiques comportant des sanctions punitives, c.-à-d. des infractions criminelles, quasi criminelles et de nature réglementaire, quelles aient été édictées par le gouvernement fédéral ou par les provinces ». Ainsi, une infraction mineure au Code de la route, même si elle nentraîne aucune conséquence lourde, entrerait dans le champ dapplication de larticle 11 en raison de la nature criminelle ou quasi criminelle des poursuites. En outre, la Cour a établi que larticle 11 sapplique aux procédures qui entraînent de véritables conséquences pénales. La possibilité que le Tribunal du service de la GRC inflige aux agents de cette force policière une peine demprisonnement dun an pour inconduite professionnelle grave tombe sous le coup de larticle 11, même si, tout compte fait, les procédures étaient davantage de nature disciplinaire que criminelle ou quasi criminelle. 2. Droit d'être informé d'une infraction précise - alinéa 11a) Les tribunaux ont interprété « le droit [dun inculpé] dêtre informé sans délai anormal de linfraction précise quon lui reproche » comme un droit qui sapplique au moment où linformation est donnée, c.-à-d. au moment où la personne est « accusée dune infraction ». Ils ont également déclaré que cet alinéa naltère en rien le droit de la Couronne de porter dautres accusations. Dans laffaire Ryan, qui illustre lapplication de cet alinéa, le tribunal a rejeté une plainte présentée deux mois après que laccusé eut reçu une citation à comparaître. Les tribunaux ont interprété de façon pragmatique lexpression « être informé de linfraction précise ». Selon eux, il sagit du droit dêtre informé de la nature de linfraction ainsi que des actes ou de la conduite qui auraient donné lieu à laccusation. 3. Droit d'être jugé dans un délai raisonnable - alinéa 11b) Expliquant la décision rendue à lunanimité par la Cour suprême le 18 octobre 1990 dans laffaire Askov, le juge Cory a déclaré que le droit dêtre jugé dans un délai raisonnable, tout comme dautres droits énoncés à larticle 11, est directement lié aux garanties juridiques fondamentales prévues à larticle 7. Selon la Cour, lalinéa 11b) de la Charte vise avant tout à protéger les droits individuels et à assurer une justice fondamentale à laccusé. Il impose lobligation de traiter avec justice et équité ceux qui font lobjet de poursuites judiciaires. En outre, linstruction rapide dun procès revêt un intérêt pratique étant donné que plus laffaire traîne, plus les souvenirs sestompent et plus on risque de perdre des témoins, pour cause de déménagement, de maladie ou de décès. Les victimes dactes criminels ont aussi intérêt à ce que les poursuites judiciaires se règlent dans un délai raisonnable. Essentiellement, pour le juge Cory, sil ne fonctionne pas de façon juste et efficace et ne respecte pas des délais raisonnables, le système de justice pénale va susciter le mécontentement de la population et risque même de lui faire perdre confiance en lappareil judiciaire. Le juge a ajouté que, pour déterminer si le délai de comparution est raisonnable, il faut examiner un certain nombre de facteurs, notamment : 1) le temps écoulé; 2) la raison du retard; 3) labandon par laccusé de son droit dêtre jugé rapidement (sil demande des ajournements, accepte quil y en ait ou nexige pas que le procès ait lieu le plus rapidement possible, par exemple); 4) le préjudice subi par laccusé. Plus lattente est longue, plus il devrait être difficile pour le tribunal de laccepter et, si elle se prolonge trop, il peut même devenir impossible de la justifier. Les retards qui feront pencher la balance en faveur de laccusé sont ceux qui sont provoqués par la Couronne, lappareil judiciaire ou les tribunaux; par contre, dans les cas complexes, les délais plus longs que ceux qui sont prévus pour des causes simples seront, jusquà un certain point, acceptables. Le juge Cory a déclaré que, dans létude de retards causés par linsuffisance des ressources du système judiciaire ¾ principale raison de lattente de deux ans dans laffaire Askov le tribunal peut comparer lappareil judiciaire de la province en cause (lOntario) à ceux « plus efficaces » dautres provinces canadiennes. Dans tous les cas, cest à la Couronne quil appartiendra de prouver que le retard est justifié. Elle pourra invoquer que laccusé a renoncé à ses droits, mais seulement sil la fait librement, en toute connaissance de cause et sans équivoque. La décision rendue dans laffaire Askov a semé la confusion dans les cours criminelles canadiennes. Entre la date où cette décision a été rendue et le 12 avril 1991, plus de 34 495 accusations ont été suspendues, rejetées ou retirées dans la seule province de lOntario, ce qui a apparemment eu pour effet débranler la confiance du public en ladministration de la justice. Le juge Cory, qui a rendu la décision, a été si troublé par les répercussions de cette dernière quil a déclaré lors dune conférence juridique que le tribunal navait pas été informé au moment de laudience de limpact possible du jugement. Il a ajouté que ce dernier avait peut-être été mal interprété par les tribunaux inférieurs et les avocats de la défense. Afin de garantir que la décision est bien comprise et bien appliquée partout en Ontario, la Cour dappel de lOntario a entendu et jugé six affaires spéciales. Dans la première affaire, R. c. Bennett, la Cour a conclu quun grand nombre daffaires avaient été suspendues à cause dune mauvaise interprétation de la décision dans laffaire Askov : on a cru quun retard systémique de plus de six à huit mois avant la tenue dun procès entraînait automatiquement la suspension ou le rejet de laccusation. Or, la Cour dappel a statué quil ne fallait pas sen tenir à un simple calcul de jours pour déterminer sil y avait eu délai déraisonnable. Selon elle, les tribunaux doivent mettre en équilibre les quatre facteurs susmentionnés. En outre, à cause de la décision, laccusé sest vu imposer le lourd fardeau de présenter des calculs statistiques poussés sur les retards systémiques de chaque juridiction afin dappuyer sa motion de suspension. Les décisions prises par la Cour dappel étaient censées réduire le nombre daccusations suspendues et retirées en vertu de lalinéa 11b). Dans laffaire subséquente Morin c. La Reine, dans un appel provenant de la Cour dappel de lOntario, la Cour suprême du Canada a été saisie de la question de savoir si les retards occasionnés par des facteurs systémiques pouvaient être « excusés » pendant une période transitoire de réforme visant à améliorer les délais avant la tenue des procès. Le 26 mars 1992, la Cour a soutenu quun retard institutionnel denviron douze mois nétait pas déraisonnable, compte tenu de labsence de préjudice grave pour laccusé et des contraintes imposées aux ressources institutionnelles par une augmentation denviron 70 p. 100 du nombre daffaires judiciaires mettant en cause des adultes dans le district en question sur une période de cinq ans. Dans laffaire subséquente R. c. Collins; R. c. Pelfrey, la Cour suprême du Canada a eu loccasion dexaminer les retards attribuables à des actes posés par le ministère public, plutôt quà des facteurs institutionnels ou systémiques. Les deux accusés dans laffaire avaient passé 22 mois en prison avant quil ny ait un verdict imposé dacquittement relativement aux accusations de meurtre au deuxième degré portées contre eux. La Cour dappel de lOntario a par la suite rejeté cet acquittement et ordonné la tenue dun nouveau procès. Le deuxième juge de première instance a alors suspendu les procédures judiciaires au motif que le premier retard de 22 mois avait enfreint les droits garantis aux accusés par lalinéa 11b); la Cour dappel a également renversé cette décision. Au nom de la majorité de la Cour suprême du Canada, le juge Sopinka a convenu que « le ministère public devait fournir une explication pour un délai de cinq à 10 mois attribuable à ses actes ». Il a ensuite indiqué que, alors que les appelants étaient en détention et demandaient « quun procès soit tenu à une date rapprochée », le ministère public avait prolongé lenquête préliminaire en retardant la communication de la preuve et avait demandé un long délai que les circonstances ne justifiaient pas. Conséquemment, le pourvoi des appelants a été accueilli et la suspension dinstance rétablie, confirmant ainsi la conclusion du juge de première instance que le délai était déraisonnable et enfreignait lalinéa 11b). La Cour suprême du Canada a également soutenu que les personnes accusées dune infraction en rapport avec lalinéa 11b) de la Charte comprenaient les personnes morales. Cependant, dans laffaire R. c. CIP Inc., la Cour a jugé quune personne morale ne pouvait invoquer une présomption de préjudice découlant dun retard excessif étant donné que cette présomption est fondée sur les droits à la liberté et à la sécurité de la personne garantis aux accusés par larticle 7, droits qui ne sétendent pas aux personnes morales. Une société mise en accusation devrait plutôt établir que son droit à un procès équitable a subi un préjudice irrémédiable. Étant donné que lappelant dans cette affaire navait pas allégué avoir été effectivement empêché de répondre et de se défendre pleinement des accusations portées contre lui, la Cour a rejeté un appel à lencontre de la décision du tribunal inférieur de supprimer la suspension initiale de laffaire. Dans larrêt R. c. Kalanj, la Cour suprême du Canada a établi que lalinéa 11b) ne sapplique pas dans le cas dun retard survenu avant que des accusations soient portées, puisque les accusés nétaient pas des « accusés » avant quune accusation officielle nait été portée contre eux. Dans R. c. L. (W.K), la Cour suprême a appliqué ce jugement « de façon à exclure lexamen de retards survenus avant que des accusations soient portées à moins que laccusé puisse établir quil y a eu violation des droits que lui garantit larticle 7 ». La Cour suprême du Canada a toutefois statué que lalinéa 11b) de la Charte sapplique au régime de détermination de la peine. Dans R. c. MacDougall, elle a jugé que cet alinéa garantit la liberté et la sécurité de laccusé et son droit à un procès équitable, toutes choses auxquelles un retard dans la détermination de la peine peut être préjudiciable. Dans larrêt R. c. Potvin, la Cour suprême a été appelée à décider si lalinéa 11b) sapplique dans le cas dun retard en cour dappel. Dans un jugement majoritaire rendu à six contre trois, la Cour a décidé que cet alinéa ne sapplique pas à un appel dune condamnation par un accusé ou à un appel dun acquittement ou dune suspension par la Couronne parce que lexpression « tout accusé » ne sapplique pas, en règle générale, à un accusé qui est partie à un appel. Toutefois, la Cour a indiqué que lappelant ou lintimé dans une affaire criminelle nest pas sans recours si un retard survenu dans le processus dappel entache léquité du procès; étant donné le principe de justice fondamentale enchâssé à larticle 7, le tribunal a le pouvoir de corriger un tel abus du processus. 4. Droit de ne pas être contraint de témoigner contre soi-même - alinéa 11c) La formulation de cet alinéa est vague et, pour cette raison, le professeur Martin Friedland est davis quil pourrait empêcher ladoption dune loi qui contraindrait laccusé à témoigner à une enquête préliminaire et à faire une déposition devant un agent de police. Le jugement rendu par la Cour dappel de lOntario dans laffaire Crooks indique que cet alinéa nempêche pas la Couronne de citer à témoigner pendant une enquête préliminaire une personne faisant lobjet dune accusation distincte relative à la même infraction. La Cour dappel du Québec sest penchée sur la question dans R. c. Zurlo, une affaire où laccusé et sa femme, ayant fait lobjet de poursuites distinctes, ont été contraints de témoigner lun contre lautre au cours de lenquête préliminaire. Puis, lors dun procès conjoint, le juge a refusé daccorder à laccusé le droit contre-interroger sa femme et a rejeté la demande dinstruction distincte. Concluant que le mari et la femme avaient fait lobjet de poursuites distinctes dans le seul but que leur droit au silence soit contourné, la Cour a annulé la condamnation, suspendu les procédures et déclaré quil y a avait eu violation du droit de laccusé à un procès équitable. Il convient également de noter que lalinéa a été interprété comme ne faisant pas obstacle à lusage de lalcootest. Dans laffaire Stasiuk, la Cour a établi que le droit de ne pas sincriminer est dune portée limitée; il ne vise laccusé quen tant que témoin et ne sapplique quà lobligation de témoigner. Lanalyse dun échantillon dhaleine na pas le caractère dune déclaration ni dun témoignage. Dans Caisse populaire Laurier d Ottawa Ltée c. Guertin et al., où lon demandait un recours civil, alors que des accusations relatives à la même situation de fait avaient été portées au criminel, la Cour a statué que lalinéa 11c) de la Charte ne signifie pas quune personne qui souhaite se défendre au civil ne peut être contrainte de témoigner dans la procédure civile relativement à des faits qui font simultanément lobjet dune procédure criminelle. La Haute Cour de justice de lOntario a ajouté que lalinéa 11c) et larticle 13 de la Charte nétayent en rien laffirmation selon laquelle le droit de ne pas témoigner contre soi-même autorise une partie à un procès à garder le silence dans une procédure civile parallèle. 5. Droit d'être présumé innocent - alinéa 11d) Cet alinéa comporte plusieurs éléments. Celui sur lequel sest penchée le plus souvent la jurisprudence est la présomption dinnocence. Un des points importants en litige a porté sur la constitutionnalité des lois comportant des dispositions prévoyant le transfert du fardeau de la preuve. Selon ces dispositions, laccusé est tenu de réfuter un élément de linfraction ou de prouver lexistence dune excuse ou dun fait qui lui permettra déviter dêtre déclaré coupable. La Cour suprême a étudié cette question à plusieurs reprises (à commencer par larrêt R. c. Oakes et plus récemment les arrêts R. c. Whyte, R. c. Keegstra et R. c. Chaulk), où elle a soutenu que de telles dispositions allaient à lencontre de lalinéa 11d). Lorsque le fardeau de la preuve incombe à laccusé, qui doit alors présenter des éléments de preuve pour ne pas être déclaré coupable, la présomption générale dinnocence en droit pénal se voit remplacée par une présomption de culpabilité. La Cour suprême, dans les arrêts Whyte et Keegstra, a statué que de telles dispositions sont inconstitutionnelles parce quelles comportent le risque que laccusé se voie condamner malgré lexistence dun doute raisonnable, cest-à-dire que laccusé ne parvienne pas à prouver lexistence dun élément susceptible de lexonérer bien que cet élément puisse effectivement exister. Bien que les lois en question puissent restreindre le droit prévu à lalinéa 11d), on peut considérer quelles imposent une restriction raisonnable au droit énoncé à larticle premier, lorsque cette restriction repose sur un objectif légitime visé par la législature ou le Parlement. Dans laffaire Keegstra, la Cour sest penchée sur les dispositions du Code criminel relatives à la propagande haineuse. Une majorité a soutenu lalinéa 11d) avait été enfreint par les dispositions exonérant laccusé de toute responsabilité si ce dernier arrive à prouver la véracité des déclarations contestées. Néanmoins, la Cour a jugé que ces dispositions constituaient une limite raisonnable en vertu de larticle premier, car autrement la Couronne serait tenue de prouver la fausseté des déclarations de laccusé hors de tout doute raisonnable. Cela aurait excusé une forte proportion de cette activité diffamatoire. De même, dans laffaire Chaulk, une majorité a soutenu que lalinéa 11d) se trouvait enfreint par les dispositions du Code criminel qui soulèvent la présomption que laccusé est sain desprit, ce qui loblige à prouver son aliénation mentale selon la prépondérance des probabilités afin de présenter une défense daliénation mentale. Une majorité a soutenu que ces dispositions constituaient une limite raisonnable à lalinéa 11d) parce que lautre solution ¾ consistant à exiger que la Couronne réfute laliénation mentale ¾ imposerait une charge beaucoup trop lourde. Dans larrêt R. c. Downey, la Cour suprême sest penchée sur lancien paragraphe 195(2) du Code criminel, devenu le paragraphe 212(3), libellé comme suit : « La preuve quune personne vit ou se trouve habituellement en compagnie de prostitués [...] constitue, en labsence de preuve contraire, une preuve quelle vit des produits de la prostitution ». De plus, aux termes de lalinéa 212(1)j), quiconque « vit entièrement ou en partie des produits de la prostitution dune autre personne » est coupable dun acte criminel et passible dun emprisonnement maximal de dix ans. Les sept juges qui ont entendu laffaire se sont entendus pour dire que le paragraphe contesté violait le droit de laccusé dêtre présumé innocent prévu à lalinéa 11d). Cependant, une majorité de quatre dentre eux a soutenu que cette violation constituait une limite raisonnable en vertu de larticle premier de la Charte canadienne des droits et libertés. Selon ces juges, la nécessité de combattre « le fléau social cruel et envahissant » de lexploitation par des souteneurs constitue un objectif suffisamment important pour justifier sa préséance sur un droit garanti par la Charte. De plus, la restriction imposée à ce droit est proportionnée à lobjectif de la loi, compte tenu de « la réticence des prostitués à témoigner contre des souteneurs » et du fait que les personnes innocentes nont quà présenter des preuves suffisantes pour faire naître un doute raisonnable à ce sujet. Dans laffaire R. c. Osolin, la Cour suprême du Canada a dû se pencher sur la question de savoir si le paragraphe 265(4) du Code criminel avait enfreint le droit de lappelant dêtre présumé innocent lors de son procès pour agression sexuelle. Le paragraphe 265(4) codifie la croyance erronée quant au consentement; depuis longtemps, linterprétation de ce paragraphe veut que laccusé présente une preuve suffisante de ce quil a cru de bonne foi quil y avait consentement, afin que la défense ait une apparence de vraisemblance. Une simple affirmation de la part de laccusé quil a cru de façon erronée quil y avait consentement nest pas suffisante pour quun juge de première instance se voit autorisé ou contraint de présenter au jury une défense de croyance erronée. Lappelant dans laffaire R. c. Osolin a affirmé que le fardeau de présentation quimpose le paragraphe 265(4) violait son droit dêtre présumé innocent. En outre, comme le juge de première instance avait refusé de présenter une telle défense au jury, lappelant a argué que lapparence de vraisemblance exigée le dépouillait de son droit à un procès avec jury, lequel droit est garanti en vertu de lalinéa 11f) de la Charte. En rejetant les deux arguments, le juge Cory a statué que le simple fait dexiger une apparence de vraisemblance nempêche pas laccusé dêtre présumé innocent. Bien que cette exigence impose un certain fardeau de présentation à laccusé qui doit donner une apparence de vraisemblance à sa défense afin que celle-ci soit présentée au jury, il incombe carrément à la Couronne de rassembler tous les éléments de preuve nécessaires pour prouver, hors de tout doute raisonnable, quil y a eu infraction. En outre, selon le juge, le droit de lappelant à un procès avec jury na pas été violé puisque la suffisance de la preuve dans une telle affaire est une question de droit et est donc vraiment du ressort du juge. Subséquemment, dans laffaire R. c. Laba, la Cour suprême du Canada a substitué un fardeau de présentation analogue à une disposition dans lalinéa 394(1)b) du Code criminel, selon laquelle est coupable dun acte criminel quiconque vend ou achète des métaux précieux « en labsence de preuve quil est le propriétaire ou lagent du propriétaire, ou quil agit avec autorisation légitime ». Étant donné quil incomberait à laccusé de prouver quil est propriétaire ou agent selon la prépondérance des probabilités, et que cette personne pourrait donc être reconnue coupable en dépit de lexistence dun doute raisonnable quant sa culpabilité, la Couronne avait admis que lalinéa 394(1)b) portait atteinte à lalinéa 11d) mais quil sagissait là dune limite raisonnable en vertu de larticle 1 de la Charte. Tout en estimant que lobjectif dempêcher le vol de métaux précieux était suffisamment valable pour quil soit justifié de passer outre à un droit constitutionnel, la Cour a jugé que lalinéa 394(1)b) ne portait pas atteinte aussi peu que raisonnablement possible au droit de laccusé dêtre présumé innocent. Déclarant que « limposition dune charge de présentation permettra effectivement de réaliser lobjectif du législateur », la Cour suprême du Canada a modifié le libellé de larticle contesté pour quune accusation soit portée contre quelquun seulement « en labsence de preuve soulevant un doute raisonnable » quil est le propriétaire ou lagent du propriétaire, ou quil agit avec autorisation légitime. La Cour dappel de lOntario a adopté une position similaire en ce qui a trait au paragraphe 215(2) du Code criminel, selon lequel commet une infraction quiconque, dans certaines circonstances prescrites et « sans excuse légitime », dont la preuve incombe à laccusé, ne fournit pas à dautres personnes les « choses nécessaires » à lexistence. Dans R. c. Curtis, un sergent de police avait été accusé de cette infraction à la suite du décès du détenu qui avait été confié à sa garde. Jugeant que la disposition renversant le fardeau de la preuve portait atteinte à lalinéa 11d) de la Charte dans une mesure telle quelle ne respectait plus le critère de « latteinte minimale », la Cour dappel a déclaré en substance que le membre de phrase « dont la preuve lui incombe » était sans effet. Dans laffaire R. c. Phillips, un tribunal de la Division générale de la Cour de lOntario a conclu que les dispositions du Code criminel criminalisant le fait dêtre passager dun véhicule automobile dans lequel on sait quil se trouve une arme à autorisation restreinte portaient atteinte aux droits protégés à lalinéa 11d) de la Charte. À lépoque, le paragraphe 91(3) excluait les cas dans lesquels un des passagers était titulaire dun permis lautorisant à avoir légalement larme sur lui dans un véhicule ou dans lesquels laccusé pouvait établir quil était fondé de croire que tel était le cas. Le juge Corbett a conclu que la disposition contestée pouvait obliger laccusé à établir lexistence dun fait dont il nétait pas informé, mais quelle ne constituait pas une limite raisonnable aux termes de larticle premier de la Charte. Il a donc déclaré le paragraphe 91(3) nul et non avenu. Il reste à voir si les modifications apportées en 1995 aux dispositions relatives à linfraction en question seront jugées constitutionnelles. Au 18 novembre 1997, elles navaient cependant pas encore été proclamées en vigueur. Dans laffaire R. c. Ellis-Don Ltd., la Cour dappel de lOntario a jugé inconstitutionnelle la défense de la diligence raisonnable dans le cas dune infraction à la réglementation provinciale. Laffaire portait sur un article de la Loi sur la santé et la sécurité au travail qui oblige un entrepreneur général à faire respecter les consignes de sécurité sur les chantiers. La Loi et la common law permettent lune et lautre une défense fondée sur la diligence raisonnable, obligeant ainsi laccusé à démontrer que, selon la prépondérance des probabilités, il a pris tous les moyens raisonnables pour éviter un accident. Si laccusé est incapable de le démontrer, le tribunal doit le condamner même sil a un doute raisonnable quant à la culpabilité de laccusé. La Cour a décidé, dans son analyse fondée sur larticle premier, que la disposition ne constituait pas une entrave minimale au droit visé à lalinéa 11d). La Cour suprême a finalement infirmé la décision rendue dans laffaire R. c. Ellis Don Ltd. Elle sest fondée pour ce faire sur son raisonnement dans larrêt The Wholesale Travel Group Inc. c. La Reine. Dans cet arrêt, datant de 1991, cinq juges sur neuf avaient confirmé la validité des dispositions relatives au transfert du fardeau de la preuve que renferme la Loi sur la concurrence; deux des juges avaient soutenu que lobligation faite à un accusé détablir selon la prépondérance des probabilités quil avait fait preuve de diligence raisonnable ne violait pas lalinéa 11d), tandis que trois autres juges avaient conclu que les dispositions en question se justifiaient au sens de larticle premier de la Charte canadienne des droits et libertés. 6. Procès équitable - Tribunal indépendant et impartial - alinéa 11d) Dans laffaire Corbett, la Cour suprême du Canada a statué que le fait dadmettre en preuve des condamnations criminelles antérieures ne privait pas un accusé du droit dêtre jugé équitablement, garanti par larticle 11 de la Charte. En vertu de la Loi sur la preuve au Canada, tout accusé qui témoigne en sa propre faveur peut être contre-interrogé sur les condamnations prononcées contre lui dans le passé. On présume en effet que ces condamnations peuvent influer sur la crédibilité du témoin. La Cour suprême du Canada a aussi jugé que les droits protégés à lalinéa 11d) de la Charte sappliquent tant dans les procédures pour infraction à la réglementation que dans les procédures pénales. On peut toutefois renoncer à exercer son droit à un procès dans la mesure où on le fait librement et en parfaite connaissance des conséquences. Dans laffaire R. c. Richard, la Cour a examiné la Loi sur la procédure applicable aux infractions provinciales du Nouveau-Brunswick, qui permet à un tribunal de condamner un accusé en son absence si, après avoir refusé de payer une amende, celui-ci ne se présente pas devant lui pour répondre à une contravention de police. Se fondant sur le fait que la loi ne prévoyait aucune possibilité demprisonnement, même lorsque laccusé refusait de payer lamende, la Cour a jugé que le fait pour les plaideurs de ne prendre aucune mesure pouvait amener lAssemblée législative à déduire quils avaient renoncé à leur droit à un procès et acceptaient dêtre trouvés coupables. Dans laffaire Vermette, la Cour suprême a déclaré que les déclarations faites à lAssemblée nationale par le premier ministre du Québec navaient pas nécessairement privé laccusé du droit dêtre jugé équitablement en raison des préjugés que cela pouvait susciter chez le jury. Cest au moment de la sélection du jury quil faut déterminer si des déclarations privent laccusé du droit dêtre jugé équitablement. Les déclarations faites par les politiciens ne peuvent pas toutefois entraver lensemble du processus judiciaire. Dans larrêt R. c. Valente, la Cour suprême a affirmé que pour quun tribunal soit considéré indépendant et impartial, il faut quil y ait indépendance individuelle (qui se traduit par linamovibilité et la sécurité financière) et indépendance institutionnelle (qui ressort des rapports administratifs du tribunal avec les organes législatifs et exécutifs du gouvernement). Le tribunal doit non seulement posséder ces caractéristiques mais également donner limpression de les posséder. Le Tribunal dappel des cours martiales a appliqué aux cours martiales tant permanentes que générales les critères élaborés dans larrêt Valente quant à lindépendance dun tribunal. Dans laffaire R. c. Ingebrigtson, la Cour a décidé que les présidents des cours martiales permanentes ne bénéficiaient pas de lindépendance financière étant donné que le Chef détat-major de la Défense avait le pouvoir de fixer leur rémunération en fonction du mérite. Par contre, dans laffaire R. c. Généreux, le Tribunal a affirmé que les cours martiales générales, constituées pour une affaire particulière, étaient indépendantes car leurs membres navaient pas à craindre une perte de salaire ou de rang. Le 13 février 1992, la Cour suprême du Canada a infirmé la décision rendue dans laffaire R. c. Généreux et ordonné la tenue dun nouveau procès, invoquant le fait que la cour martiale générale constituée pour juger laccusé avait violé le droit de ce dernier dêtre jugé par un tribunal indépendant et impartial conformément à lalinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés. Cinq des huit juges majoritaires ont jugé que la procédure de nomination et dévaluation des juges-avocats nétait pas conforme aux critères dinamovibilité et de sécurité financière élaborés dans larrêt Valente. De plus, selon eux, certains aspects du système ont semé un doute quant à lindépendance institutionnelle des cours martiales générales. Puisque les droits garantis à laccusé par lalinéa 11d) navaient pas été restreints dans la moindre mesure possible, il était, à leur avis, impossible dinvoquer larticle premier comme justification. La Cour a également soutenu que les récentes modifications aux Ordonnances et Règlements royaux applicables aux Forces canadiennes avaient effectivement remédié aux lacunes cernées. Le 6 mai 1992, le projet de loi C-77, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, a été adopté par la Chambre des communes après avoir été examiné par le Comité plénier. Ce projet de loi renfermait des propositions visant à remédier au manque apparent dindépendance institutionnelle dont la Cour suprême avait fait état dans larrêt Généreux. En vertu des modifications, le poursuivant et les membres de la Cour martiale qui agissent comme arbitres des faits en litige ne seront plus nommés par la même autorité convocatrice; le président et les autres membres de la cour seront plutôt nommés par un officier désigné par règlement. Avant que la Cour suprême ne rende son jugement dans laffaire Généreux, le pouvoir de nommer les juges-avocats avait été retiré au Juge-avocat général (un agent de lexécutif) et confié au Juge en chef ¾ Procès militaires. Cette mesure avait dissipé les sérieuses réserves de la Cour quant à lindépendance institutionnelle des cours martiales. Même si on examine habituellement les allégations de préjugé ou de partialité en tenant compte des circonstances particulières de chaque cas, la nature objective dun tribunal peut toucher son impartialité comme son indépendance. La Cour suprême du Canada sest penchée, dans laffaire R. c. Lippé, sur la notion dimpartialité exigée par lalinéa 11d) et a reconnu quune crainte raisonnable de partialité pouvait être suscitée sur le plan institutionnel ou structurel. Selon la Cour, par exemple, lexercice du droit par des juges à temps partiel de cours municipales suscite une crainte raisonnable de partialité qui peut toutefois être apaisée par lexistence de différentes mesures de protection. Le 23 janvier 1992, les juges de la Cour suprême, dans une majorité de quatre à trois, ont statué que les paragraphes 634(1) et (2) du Code criminel sont incompatibles avec lalinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés dans la mesure où le nombre de récusations péremptoires et de mises à lécart de jurés quils prévoient pour la Couronne dans le processus de formation du jury est au total supérieur au nombre de récusations péremptoires accordé à un accusé. En effet, en vertu de ces dispositions contestées, le poursuivant était non seulement autorisé à récuser péremptoirement quatre jurés, mais il pouvait ordonner la mise à lécart de jusquà 48 dentre eux. Laccusé, pour sa part, avait droit à vingt, douze ou quatre récusations péremptoires, selon la nature de laccusation pesant contre lui ou de la peine maximale pouvant être encourue. Sexprimant au nom de trois des juges de la majorité dans larrêt R. c. Bain, le juge Cory a statué que la supériorité numérique écrasante accordée au poursuivant dans le choix des jurés suscitait chez une personne raisonnable une crainte de partialité. De même, le juge Stevenson a conclu que lavantage substantiel que possédait la Couronne en ce qui a trait à la composition du jury entravait considérablement lapparence de justice et dimpartialité. La Cour a jugé que la loi ne pouvait se justifier en vertu de larticle premier, mais a « sursis » pour six mois à une déclaration de nullité afin de donner au Parlement le temps dédicter une nouvelle loi. Déposé le 6 avril 1992, le projet de loi C-70 avait pour but de combler le vide créé par larrêt R. c. Bain. Outre quil a aboli le droit de la Couronne de « tenir à lécart » des jurés éventuels, ce projet de loi a octroyé à la Couronne et à laccusé un nombre égal de récusations péremptoires et changé lordre dans lequel les déclarations doivent être faites. Le projet de loi a également abrogé les dispositions permettant quun jury soit constitué de six personnes uniquement au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest et codifié certains aspects de la sélection du jury précédemment endossés par les tribunaux. La procédure régissant les récusations pour cause est demeurée inchangée. La Cour suprême du Canada a également établi que le droit dêtre jugé par un tribunal indépendant et impartial signifie « quil faut [...] permettre [à laccusé] de récuser des candidats jurés lorsquil y a une possibilité réaliste quils aient des préjugés qui les dépouillent de leur impartialité ». Dans R. c. Williams, la Cour a soutenu que le fait quil existe des preuves que des préjugés raciaux sont répandus dans une collectivité suffit à établir quun accusé a le droit de récuser un juré puisque « [s]eul linterrogatoire dun juré peut permettre dobtenir une preuve tangible de sa capacité de laisser de côté ses préjugés raciaux ». 7. Mise en liberté assortie d'un cautionnement raisonnable - alinéa 11e) En général, le Code criminel exige de la poursuite quelle justifie la détention de laccusé avant le procès. La mise en liberté sous caution sera accordée sauf si la Couronne établit que la détention de laccusé est nécessaire pour assurer sa présence au procès ou à des fins dintérêt public. Dans laffaire R. c. Bray, la Cour dappel de lOntario a affirmé que les dispositions du Code criminel qui obligent une personne accusée de meurtre à démontrer que sa détention nest pas justifiée ne sont pas contraires à lalinéa 11e) et que, même si elles létaient, elles constitueraient une limite raisonnable au sens de larticle premier de la Charte. Par contre, dans laffaire R. c. Pearson, la Cour dappel du Québec a invalidé les dispositions du Code criminel qui prévoient que les personnes accusées dimportation ou de trafic de stupéfiants en vertu de la Loi sur les stupéfiants doivent être détenues, à moins quelles démontrent que cette détention nest pas justifiée. La Cour dappel, tout en reconnaissant que la lutte contre le trafic des stupéfiants est un objectif suffisamment important pour justifier latteinte à un droit garanti par la Constitution, a décidé que la loi ne satisfaisait pas au critère de la proportionnalité parce quelle était discriminatoire et arbitraire et ne constituait pas une atteinte minimale aux droits garantis par la Charte. Larrêt Pearson a été par la suite renversé par la majorité des juges de la Cour suprême du Canada, qui a décrété que lalinéa 515(6)d) du Code criminel nenfreint pas le droit à la mise en liberté assortie dun cautionnement raisonnable. La Cour a accepté largument selon lequel la nature lucrative du trafic et de limportation de stupéfiants peut inciter un accusé à continuer à adopter un comportement criminel après son arrestation et celui voulant que les trafiquants et les importateurs risquent davantage de sesquiver avant le procès que dautres accusés. La Cour a également souligné que le refus de la mise en liberté sous caution, en vertu de lalinéa 515(6)d), ne sapplique que dans certaines circonstances bien précises, quil est nécessaire pour favoriser le bon fonctionnement du système de cautionnement et quil ne sert pas à des fins nayant aucun rapport avec le système de cautionnement. Bien que lalinéa 515(6)d) puisse donner lieu à un refus de la mise en liberté sous caution dans certaines circonstances, la majorité des juges a décrété quil prévoit également une « raison valable » pour un tel refus et que, par conséquent, il ne va pas à lencontre de lalinéa 11e) de la Charte. Dans laffaire complémentaire R. c. Morales, la Cour suprême du Canada a confirmé les dispositions parallèles du Code criminel en vertu desquelles cest à linculpé, accusé dun acte criminel prétendument commis pendant sa mise en liberté sous caution, quil incombe de prouver que la détention nest pas justifiée. La Cour en est arrivée à cette décision en soulignant que la mise en liberté sous caution est accordée à la condition que laccusé cesse dadopter un comportement criminel; lalinéa 515(6)a) établit une série de règles spéciales relatives à la mise en liberté sous caution lorsquil y a des motifs raisonnables de croire que laccusé na pas respecté cette condition. Étant donné que la disposition est étroite et soigneusement conçue pour que le système de cautionnement fonctionne correctement, elle constitue une « raison valable » de refuser la mise en liberté sous caution et ne viole pas lalinéa 11e) de la Charte. Laffaire Morales concernait également une contestation de la validité des motifs justifiant la détention, motifs exposés à lalinéa 515(10)b) du Code criminel. En vertu de cette disposition, un accusé pouvait être mis en détention si la détention était « nécessaire dans lintérêt public », ou « pour la protection ou la sécurité du public, eu égard aux circonstances, y compris toute probabilité marquée que le prévenu, sil est mis en liberté, commettra une infraction criminelle ou nuira à ladministration de la justice ». Bien que la Cour nait pas eu de mal à confirmer les motifs liés à la « sécurité du public », elle a invalidé le critère « intérêt public », sous prétexte quil était trop vague et imprécis et quil ne pouvait donc pas constituer une raison valable de refuser une mise en liberté sous caution, dans le sens de lalinéa 11e) de la Charte. La majorité a jugé que lexpression donnait aux tribunaux trop de latitude quant à la définition des circonstances justifiant la détention avant le procès. Bien que prévenir des infractions ou empêcher toute entrave à ladministration de la justice soient des objectifs suffisamment pressants, le fait de limiter lalinéa 11e) ne pouvait pas, selon elle, être justifié en application de larticle 1 de la Charte. La majorité a jugé quil ny avait pas de lien rationnel entre les objectifs et la mesure législative, quil y avait plus quun affaiblissement minimal des droits et que les effets de cette limite dépassaient de loin les objectifs de la loi. Pour minimiser lintrusion de la Cour dans la fonction législative, les mots offensants « dans lintérêt public ou » ont été retranchés et invalidés, la partie constitutionnellement valable de lalinéa 515(10)b) subsistant sans changement. 8. Droit de bénéficier d'un procès avec jury - alinéa 11f) Dans laffaire Lee, la Cour suprême du Canada sest prononcée sur la constitutionnalité de la disposition du Code criminel qui refuse un procès avec jury à un accusé qui autrement y aurait droit lorsque, sans raison valable, il néglige dassister à son procès ou dy rester une fois que celui-ci est commencé. La Cour, en confirmant que cela nest pas contraire à la Constitution, a dit que cette disposition du Code allait au delà dune simple punition de laccusé qui néglige de paraître ou de rester à son procès avec jury. Selon elle, larticle a été adopté pour une raison valable, soit protéger ladministration de la justice contre les retards, les inconvénients, les dépenses et les abus, et assurer le respect du public à légard des procès criminels et, à son avis, comme il contrevient aussi peu que possible au droit à un procès devant jury pour atteindre cet objectif législatif, il est proportionnel à lobjectif de maintenir le respect à légard du système. 9. Droit de ne pas être jugé deux fois pour une même infraction - alinéa 11h) Dans laffaire Van Rassel, laccusé était un agent de la GRC membre dune équipe internationale antidrogue. Il a été arrêté en Floride et accusé aux États-Unis davoir demandé et accepté des pots-de-vin contre des renseignements que lui avaient communiqués les autorités américaines. Après avoir été acquitté lors de son procès, il a été accusé au Canada dabus de confiance en vertu du Code criminel. La Cour suprême du Canada a dit que les dispositions de la Charte ne sappliquent que lorsque les circonstances où les deux infractions dont une personne est accusée dont les mêmes, ce qui nétait pas le cas en lespèce, ces deux infractions étant liées à des activités différentes. Il nétait pas inadmissible, par conséquent, que laccusé soit poursuivi au Canada après avoir été acquitté aux États-Unis. Lalinéa 11h) a une origine commune aux défenses bien établies de l« autrefois acquit », de l« autrefois convict » et de l« issue estoppel », et à la règle formulée par la Cour suprême en 1975 dans laffaire Kienapple. Les défenses ou plaidoyers de lautrefois acquit et de lautrefois convict sont prévus par le Code criminel. Pour que lun des deux soit accueilli par le tribunal, laccusé doit démontrer que laffaire en question et celle pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné sont les mêmes; la nouvelle accusation doit être la même que laccusation qui a donné lieu au premier procès ou être implicitement incluse dans cette accusation. Il nest pas nécessaire que les accusations soient rigoureusement identiques. Il suffit de démontrer que laccusé aurait pu être reconnu coupable, lors du premier procès, de laccusation à laquelle il fait maintenant face. La défense de lissue estoppel est fondée sur le principe quun tribunal ne doit pas juger une question qui a déjà été entendue par un autre tribunal. Ce principe a été reconnu par la Cour suprême du Canada dans laffaire Gushue. La décision rendue dans laffaire Kienapple veut quun accusé ne puisse être reconnu coupable dune deuxième accusation sil a déjà été reconnu coupable dune accusation découlant de la même affaire. Ainsi, dans une affaire de vol à létalage, lorsquune personne est en même temps accusée de vol et de recel, elle ne peut être condamnée que pour lune des deux infractions si les biens visés dans les deux accusations sont les mêmes. Cela est vrai également lorsquune personne qui aurait, selon lalcootest, dépassé la limite permise est accusée à la fois davoir dépassé la limite permise et davoir conduit son véhicule avec des facultés affaiblies. La Cour suprême du Canada a récemment examiné ce principe dans laffaire Prince et décidé que la règle ne sapplique pas lorsquil y a plus dune victime, même si les faits sont les mêmes. Dans laffaire Shubley c. La Reine, la Cour suprême du Canada a affirmé quune condamnation à la suite de procédures disciplinaires dun établissement carcéral nempêche pas une poursuite subséquente fondée sur le même acte en vertu du Code criminel. Daprès elle, lalinéa 11h) ne sappliquerait pas étant donné que les procédures disciplinaires nentraînent pas de véritables conséquences pénales et ne visent pas à contraindre la personne reconnue coupable à rendre compte à la société dun crime contraire à lintérêt public. De même, une poursuite pénale pour voies de fait, intentée à la suite dune condamnation pour « infraction majeure ressortissant au service » aux termes de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, nest pas contraire à lalinéa 11h) vu que les « infractions » sont différentes. Dans larrêt R. c. Wigglesworth, la Cour suprême du Canada a jugé quun agent de la GRC pouvait être responsable dun acte ou dune conduite à la fois envers sa profession et envers la société en général. Malgré les conséquences pénales possibles, une condamnation par un tribunal disciplinaire nempêche une poursuite pénale pour voies de fait. C. Traitements ou peines cruels et inusités : article 12 Larticle 12 de la Charte édicte :
Bien que cet article nait pas été invoqué pour déclarer inconstitutionnelles les dispositions du Code criminel qui portent sur les délinquants dangereux, il a permis aux tribunaux de reconsidérer larticle du Code qui traite de lincarcération pour une période indéterminée. Le juge Allan Linden de la Cour suprême de lOntario a déclaré, dans laffaire Re Mitchell and the Queen, que le fait de détenir indéfiniment une personne qui nest pas considérée comme une menace pour la société constitue un traitement ou une peine cruelle et inusitée et contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés. Cependant, il ny aurait pas violation de larticle 12 dans les cas où il pourrait être démontré que laccusé(e) représenterait un véritable danger pour autrui sil(elle) napprenait pas à se contrôler. Dans laffaire Mitchell, la Cour suprême de lOntario a tenté détablir une norme qui permettrait de déterminer si le traitement ou la peine infligés peuvent être qualifiés de cruels et dinusités. La Cour a affirmé quil faudrait que le traitement ou la peine soient jugés excessifs au point de ne pas être compatibles avec la dignité humaine et de dépasser toute limite jugée raisonnable à cet égard. « Il est question ici de disproportion : juge-t-on le traitement ou la peine disproportionnés par rapport à linfraction et au coupable? Le fait de démontrer que le traitement ou la peine infligés sont anormalement sévères et excessifs ¾ en ce sens quils ne se révèlent pas plus efficaces, du point de vue pénal, quun traitement ou une peine moins importants ¾ suffit à prouver le caractère disproportionné du traitement ». Ce critère a été davantage précisé dans laffaire Soenan, qui avait trait aux plaintes formulées par un détenu en instance de jugement. En lespèce, le tribunal a défini ce quon entend par « traitement cruel et inusité ». Il a statué que les facteurs qui doivent être pris en considération sont les suivants : Le traitement est-il approprié et conforme aux normes publiques quand au respect de la dignité humaine? Est-il jugé inutile en raison de lexistence de solutions de rechange adéquates et peut-il être appliqué de façon rationnelle et conformément à des normes établies ou vérifiables? En se fondant sur ces critères et en appliquant de nouveaux (par exemple, « Le traitement a-t-il une utilité sociale et peut-il être appliqué sur une base rationnelle conformément à des normes vérifiables? »), la Section de première instance de la Cour fédérale a jugé, dans laffaire Belliveau no 2), que le programme de surveillance obligatoire nautorise pas lapplication de traitements ou de peines cruels et inusités. Dans laffaire Smith, la Cour suprême du Canada devait décider si la peine minimale de sept ans prévue par le paragraphe 5(2) de la Loi sur les stupéfiants pour limposition de stupéfiants contrevenait à larticle 12 de la Charte. La Cour, à lexception dune voix dissidente, a affirmé que le paragraphe en question contrevenait effectivement à larticle 12 et quil ne constituait pas une limite raisonnable au sens de larticle premier. Le fait que lobjet de la loi, à savoir décourager le commerce des drogues et punir les importateurs de drogues, était tout à fait valable na pas empêché la Cour de se prononcer sur la validité de la disposition. Le juge Lamer (aux motifs duquel a souscrit le juge en chef Dickson) a étudié la question des limites quimpose la Charte au sujet des « traitements ou peines ». Il a déclaré quil est généralement admis, dans une société comme la nôtre, que lÉtat peut infliger à un particulier « un traitement ou une peine » lorsque cela est nécessaire à la réalisation dune fin légitime et que la procédure prévue est suivie. La protection accordée par larticle 12 régit la nature de la peine et vise leffet que celle-ci peut avoir sur la personne à qui elle est infligée. Les mots « cruels et inusités » doivent être lus ensemble et interprétés comme lexpression concise dune norme. Le critère qui doit être appliqué consiste à se demander « si la peine infligée est excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine »; en dautres termes, leffet de cette peine ne doit pas être exagérément disproportionné à ce qui aurait été approprié. Ce raisonnement est très semblable à celui qui a été suivi dans laffaire Mitchell. En vérifiant si une peine est exagérément disproportionnée, le tribunal doit dabord tenir compte de la gravité de linfraction commise, des caractéristiques personnelles du contrevenant et des circonstances particulières de laffaire afin de déterminer quelle peine aurait été appropriée pour punir, réhabiliter ou dissuader ce contrevenant particulier ou pour protéger le public contre celui-ci. Ainsi, les autres objectifs que peut viser limposition dune peine, en particulier la dissuasion dautres contrevenants éventuels, sont sans importance à cette étape de lanalyse. Cela signifie non pas que le juge ou le législateur ne peut plus, en déterminant la peine à infliger, prendre en considération la dissuasion générale ou dautres objectifs pénologiques qui vont au-delà du contrevenant particulier, mais seulement que la peine infligée ne doit pas être exagérément disproportionnée à ce que mérite le contrevenant. Notant que rien nindiquait que la peine de huit ans imposée à cet appelant était cruelle et inusitée en soi, le juge Lamer a ensuite constaté quune peine minimale demprisonnement de sept ans était quand même disproportionnée « compte tenu de la portée du paragraphe 5(1) ». Parce que tant linfraction dimportation que la sentence minimale obligatoire font totalement abstraction de la quantité de drogue en cause, de lobjet de limportation et de lexistence ou de labsence de condamnations antérieures pour des infractions de nature similaire, le tribunal a jugé quil était inévitable que, dans certains cas, un verdict de culpabilité entraîne limposition dune peine demprisonnement « exagérément disproportionnée ». Il a indiqué que même si lobjectif de la loi suffit à justifier la suppression dun droit garanti par la Constitution, les moyens choisis ne sont pas proportionnels, puisquil nest pas nécessaire de condamner les « petits contrevenants » à sept ans de prison pour dissuader lauteur dune infraction grave. Par conséquent, le tribunal a jugé que la loi ne peut être justifiée comme étant une limite raisonnable en vertu de lart. 1 de la Charte. Le 14 novembre 1991, la Cour suprême du Canada a statué que le fait dimposer une peine demprisonnement obligatoire dune durée minimale de sept jours à une personne ayant conduit alors que son permis était suspendu ne contrevenait pas à larticle 12. Les circonstances de cette affaire mettaient en cause une disposition de la Motor Vehicle Act, R.S.B.C. 1979, c. 288, qui permettait au surintendant des véhicules automobiles dinterdire la conduite automobile à une personne dont les antécédents de conducteur nétaient pas satisfaisants. Reconnaissant son obligation dexaminer la disposition législative à la lumière de circonstances hypothétiques raisonnables, la Cour a néanmoins maintenu quelle nétait pas autorisée à linvalider sur la base dexemples éloignés ou extrêmes. Cependant, la décision rendue par une majorité de six juges contre trois dans laffaire R. c. Goltz laisse entendre que le résultat aurait pu être différent si une peine demprisonnement obligatoire avait été imposée à une personne dont le permis aurait été suspendu pour une infraction dordre administratif ou dautres motifs relativement sans gravité, ainsi que le prévoit également la Loi. Se fondant sur le raisonnement de la Cour suprême du Canada dans les affaires Smith et Goltz, la Cour dappel du Manitoba a par la suite statué quune partie de larticle 85 du Code criminel navait pas force exécutoire parce quelle contrevenait à larticle 12 de la Charte. Larticle 85 prévoit limposition de peines minimales et consécutives pour lusage dune arme à feu lors de la perpétration dun acte criminel. Dans laffaire R. c. Brown, la défense a admis que la peine de treize ans imposée pour les infractions ne permettait pas de conclure à première vue quon avait empiété sur les droits garantis au contrevenant par larticle 12. Toutefois, la formulation de larticle 85 est suffisamment globale pour inclure ce qui est décrit comme un petit contrevenant ou un contrevenant innocent, et la Cour a jugé que, dans un cas semblable, il pouvait y avoir violation de larticle 12. Étant donné quà son avis, la dérogation à larticle 12 était attribuable à lobligation dinfliger des peines demprisonnement devant être purgées consécutivement aux peines imposées pour un ou des actes criminels et à dautres sentences, la Cour a choisi de supprimer les mots « or series of events » dans la version anglaise du paragraphe 85(2). Ainsi, seule a été supprimée lobligation dimposer des peines devant être purgées consécutivement les unes aux autres pour des infractions commises avec une arme à feu. La Cour suprême du Canada a par la suite infirmé la décision de la Cour dappel dans laffaire Brown, estimant quil ny a pas violation de larticle 12 « lorsque linfraction sousjacente est un vol qualifié ». Invoquant les motifs cités dans larrêt Goltz, la Cour a spécifiquement refusé de mettre en question la validité de larticle 85 « relativement à dautres actes criminels sous-jacents potentiels ». Dans laffaire Lyons c. La Reine, la Cour suprême du Canada a affirmé que limposition à un « délinquant dangereux » dune peine de détention pour une période indéterminée ne porte pas atteinte à la protection contre toutes peines cruelles et inusitées vu la possibilité, pour la personne condamnée, dobtenir une libération conditionnelle. Quelques années plus tard toutefois, dans laffaire Le directeur de létablissement Mountain c. Steele, la Cour suprême a déclaré quil pouvait y avoir violation de larticle 12 lorsquen raison de la mauvaise application ou de la non-application des critères dexamen (dans le cas des délinquants dangereux), un délinquant est resté en prison bien au delà du moment où il aurait dû obtenir une libération conditionnelle. Dans cette affaire, la Cour a jugé que la Commission nationale des libérations conditionnelles avait mal appliqué les critères relatifs à la mise en liberté. Dans laffaire Kindler c. Canada (Ministre de la Justice), la Cour suprême a affirmé à la majorité que la remise de fugitifs à des pays où la peine de mort est appliquée ne contrevient pas à la Charte; mais selon trois juges dissidents, la peine de mort constituerait une violation de larticle 12. Subséquemment, dans laffaire Chiarelli c. Canada (ministre de lEmploi et de lImmigration), la Cour suprême du Canada a examiné les dispositions de la Loi sur limmigration prévoyant lexpulsion des non-citoyens déclarés coupables dune infraction punissable dau moins cinq ans de prison. La Cour a statué que bien que cela puisse être considéré comme un « traitement », « lexpulsion dun résident permanent qui, en commettant une infraction criminelle grave, a délibérément violé une condition essentielle pour quil lui soit permis de demeurer au Canada, nest pas incompatible avec la dignité humaine » et ne constitue pas une punition ou un traitement cruel ou inusité. La Cour suprême a émis un avis semblable au sujet des peines infligées aux personnes trouvées coupables de « pratique corrompue ou illégale »; en contravention de la Loi électorale du Nouveau-Brunswick. Dans laffaire Harvey c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), elle a jugé que le retrait pour cinq ans du droit dêtre élu ou de siéger à la législature provinciale ne constituait pas un traitement cruel ou inhabituel contraire à larticle 12 de la Charte. Les autres affaires concernant lapplication de cet article ont surtout porté sur des questions telles que lisolement cellulaire et loccupation des cellules par deux détenus dans les pénitenciers. D. Témoignage incriminant - article 13 Larticle 13 prévoit :
Cet article ressemble au paragraphe 5(1) de la Loi sur la preuve au Canada, sauf sur un point important : contrairement à la Charte, la Loi sur la preuve au Canada prévoit que le témoin doit faire valoir son droit en soulevant une objection. En outre, la Charte permet des poursuites ultérieures pour témoignages contradictoires, et pas seulement pour parjure. Ce changement est devenu nécessaire parce que la définition du terme « parjure » de la Loi sur la preuve au Canada exclut, suivant linterprétation que les tribunaux lui ont donnée, les témoignages contradictoires. Il ne fait aucun doute que larticle 13 est lié à lalinéa 11c). Il assure une protection contre les témoignages sous contrainte, qui est meilleure que celle qui existait avant lentrée en vigueur de la Charte puisque le témoin nest plus tenu de demander expressément cette protection pour en bénéficier; cependant, le témoin na pas le droit absolu de refuser de répondre aux questions. Cest la position qua adoptée la Cour suprême du Canada dans laffaire Thomson Newspapers Ltd. La Cour a confirmé que la Commission sur les pratiques restrictives du commerce peut interroger sous serment des représentants de sociétés soupçonnées davoir violé la Loi sur la concurrence. Comme il sagissait dune procédure « inquisitoire » (et non « contradictoire ») qui ne visait pas à rendre une décision définitive quant à la responsabilité criminelle, la société navait pas le droit absolu de refuser de répondre aux questions. Si ce droit existait, il créerait un déséquilibre dangereux et inutile entre les droits des particuliers et lintérêt légitime de la collectivité qui a le droit de savoir la vérité quant à lexistence des pratiques que la Loi interdit afin de protéger le public. Selon la Cour, le droit dune personne dempêcher lutilisation subséquente de déclarations incriminantes existe dans tous les cas et nest pas modifié par cette exigence. Ainsi, il existe un équilibre adéquat entre les droits de lindividu et ceux de lÉtat. Laffaire Dubois a donné lieu à une situation intéressante. En effet, la Cour dappel de lAlberta a décidé que la déposition dun accusé qui a témoigné à son propre procès peut être utilisée contre lui par la Couronne dans un nouveau procès ordonné par la Cour dappel, après que lintéressé a interjeté appel de sa condamnation. La Cour a jugé que le second procès de laccusé pour la même infraction ne constitue pas « une autre procédure » au sens de larticle 13 et que, par conséquent, sa déposition antérieure peut être utilisée contre lui. La Cour suprême du Canada a toutefois infirmé ce jugement et établi que le témoignage incriminant dun accusé dans un premier procès ne peut être utilisé contre lui dans un nouveau procès ordonné par une cour dappel. Elle a par ailleurs indiqué que si lon permet au procureur de la poursuite dutiliser le témoignage antérieur de laccusé, cela revient à forcer ce dernier à témoigner, ce qui porte atteinte à son droit de garder le silence et dêtre présumé innocent. Elle na toutefois pas indiqué si elle déclarerait irrecevable lutilisation dun témoignage antérieur aux fins dun contre-interrogatoire mené dans le cadre dun nouveau procès. Cette question a été tranchée dans deux arrêts par la suite. Dans laffaire R. c. Mannion, la Cour suprême a affirmé quil y avait violation de larticle 13 lorsque le témoignage présenté par laccusé à un procès précédent a été utilisé aux fins dun contre-interrogatoire de manière à contredire ce témoignage et à établir sa culpabilité. Cependant, dans laffaire Kuldip, la Cour suprême a soutenu que lutilisation dun tel témoignage dans le cadre dun contre-interrogatoire pour attaquer la crédibilité de laccusé nest pas contraire à larticle 13; ce témoignage nest pas utilisé dans le but précis d« incriminer » laccusé, mais uniquement pour mettre en doute la véracité de son témoignage. A. Loi C-70 : Loi modifiant le Code criminel (jury), L.C. 1992, c. 41 Cette loi a aboli le droit de la Couronne de mettre à lécart des jurés éventuels. De plus, elle a octroyé à la Couronne et à laccusé un nombre égal de récusations péremptoires et changé lordre dans lequel les déclarations doivent être faites. B. Loi C-77 : Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, L.C. 1992, c. 16 Cette loi a modifié le processus de nomination du président et des autres membres dune cour martiale. Elle a également donné au président dune telle cour lautorité dexclure le public dun procès ou dune partie dun procès et au juge-avocat celle de déterminer les questions de droit ou celles de droit et de fait. Hogg, Peter W. Canada Act 1982 Annotated. Toronto, Carswell, 1982. McDonald, Hon. David C. Legal Rights in the Canadian Charter of Rights and Freedoms: A Manual of Issues and Sources. Toronto, Carswell, 1982. Tarnopolsky, W. et G. Beaudoin. Charte canadienne des droits et libertés. Sorel, Montréal, Wilson/Lafleur 1982. Caisse populaire Laurier dOttawa Ltée c. Guertin et al. (1983), 150 D.L.R. (3d) 541 (H.C. Ont.) Chiarelli c. Canada (Ministre de lEmploi et de l Immigration) (1992), 5 R.C.S. 711 Gushue c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 798 Harvey c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1996] 2 R.C.S. 876 Kienapple c. R., [1975] 1 R.C.S. 729 Kindler c. Canada (Ministre de la justice), [1991] 2 R.C.S. 779 Le directeur de létablissement Mountain c. Steele, [1990] 2 R.C.S. 1385 Lyons c. La Reine, [1987] 2 R.C.S. 309 R. c. Askov, [1990] 2 R.C.S. 1199 R. c. Bain, [1992] 1 R.C.S. 91 R. c. Belliveau (nº 2) (1984), 12 W.C.B. 191 (C.F. 10 inst.) R. c. Bennett (1991), 3 O.R. (3d) 193 (C.A. Ont.) R. c. Bray (1983), 2 C.C.C. (3d) 325 (C.A. Ont.) R. c. Brown, [1994] 3 R.C.S. 749 R. c. Chaulk, [1990] R.C.S. 1303 R. c. CIP Inc., [1992] 1 R.C.S. 843 R. c. Corbett, [1988] 1 R.C.S. 670 R. c. Crooks (1982), 8 W.C.B. 107 (H.C. Ont.) R. c. Curtis, 1998, [38] O.R. (3d) 135 R. c. Collins; R. c. Pelfrey, [1995] 2 R.C.S. 1104 R. c. Downey, [1992] 2 R.C.S. 10 R. c. Dubois (1984), 11 W.C.B. 406 (C.A. Alberta) R. c. Ellis-Don Ltd. (1990), 76 D.L.R. (4th) 347 (C.A. Ont.) R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259 R. c. Goltz, [1991] 3 R.C.S. 485 R. c. Ingebrigtson (1990), 76 D.L.R. (4th) 481 (C.M.A.C.) R. c. Kalanj, [1989] 1 R.C.S. 1594 R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 R. c. Kuldip, [1990] 3 R.C.S. 618 R. c. L.(W.K), [1991] 1 R.C.S. 1091 R. c. 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