93-10F

 

LES RELATIONS FÉDÉRALES-PROVINCIALES

 

Rédaction :
Jack Stilborn
Robert B. Asselin
Division des affaires politiques et sociales
Révisé le 1er mai 2001


TABLE DES MATIÈRES


DÉFINITION DU SUJET

SITUATION ET ANALYSE

   A. Évolution de la situation

   B. Le début des années 80

   C. Les années Mulroney
      1. 1984-1988
      2. 1988-1993
      3. Observations

   D. Évolution et perspectives
      1. La dimension politique de l’unité nationale
         a. L’initiative de Calgary
        
b. Le renvoi à la Cour suprême
        
c. L’élection au Québec
         d. Loi fédérale sur la clarté référendaire (projet de loi C-20)
         e. La réplique du gouvernement québécois (loi no 99)
         f. L'élection fédérale (novembre 2000)
      2. Le fédéralisme fiscal et son influence
         a. Questions relatives aux transferts
         b. Normes nationales et union sociale
         c. Entente sur l'union sociale (février 1999)
         d. Entente sur le financement des soins de santé
      3. Vue d’ensemble
      4. Conclusion

MESURES PARLEMENTAIRES

CHRONOLOGIE

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE


LES RELATIONS FÉDÉRALES-PROVINCIALES*

DÉFINITION DU SUJET

Les relations fédérales-provinciales concernent la plupart des grandes activités du gouvernement au Canada et elles sont en évolution quasi constante.  Ces changements trouvent principalement leur source dans :

  • l’élection de nouveaux gouvernements, qui ont des priorités politiques nouvelles et une conception neuve du fédéralisme;

  • l’environnement social et politique, qui suscite constamment de nouveaux problèmes et de nouvelles questions;

  • l’expérience de relations intergouvernementales de plus en plus complexes, qui requièrent des ajustements sur le plan des politiques et des institutions.

Dans ce bulletin, nous faisons état des événements survenus sur la scène fédérale-provinciale sous l’angle des enjeux et des tendances.  Nous visons ainsi à prévoir les orientations probables des relations fédérales-provinciales et des institutions.

SITUATION ET ANALYSE

   A. Évolution de la situation

La situation actuelle des relations fédérales-provinciales est le résultat de plusieurs tendances connexes et persistantes.  La portée et l’ampleur du rôle de l’État se sont constamment accrues au cours du siècle.  Les gouvernements sont intervenus dans toute une gamme de domaines que n’avaient pas envisagés les Pères de la Confédération et ont en quelque sorte comblé le « vide » qui existait entre les questions d’intérêt national et les questions d’intérêt purement local énumérées aux articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867.  En outre, l’accroissement des activités traditionnelles de base a révélé que, dans la pratique, peu d’activités locales n’ont aucune conséquence sur le plan national, et que rares sont les questions autrefois considérées comme purement nationales qui n’aient une incidence locale.  Il en est résulté une tendance à remplacer, dans la pratique, le partage constitutionnel des pouvoirs et des compétences exclusives, conçu par les premiers fédéralistes, par des arrangements circonstanciels et constamment renégociés, qui permettent à chaque ordre de gouvernement d’utiliser les moyens à sa disposition pour exercer ses responsabilités fondamentales comme il les conçoit.  Dans ce modèle, l’électorat joue le rôle de cour d’appel ultime, tandis que la décision de demander aux tribunaux de se prononcer sur des questions de compétence constitue généralement un dernier recours stratégique pour les gouvernements.

Pendant que prenaient forme les arrangements législatifs et administratifs complexes caractérisant le fédéralisme moderne, les relations fédérales-provinciales ont traversé plusieurs phases distinctes.  Les années 50 et 60 sont généralement connues comme l’ère du fédéralisme de coopération, période pendant laquelle l’augmentation constante des ressources et un consensus fédéral-provincial général en matière de priorités ont favorisé la coopération technique des fonctionnaires.  Cette époque a été marquée par de faibles niveaux d’antagonisme et l’accroissement rapide des programmes cofinancés.  À mesure que prenait forme l’appareil moderne de coordination des activités, des tensions sont apparues.  Les craintes des provinces au sujet des priorités faussées imposées par les initiatives fédérales se sont manifestées en particulier par l’affirmation nouvelle du Québec; elles ont vu le jour parce que les nouveaux moyens dont disposaient les provinces leur permettaient d’adopter des politiques distinctes et parce que de nouveaux rôles suscitaient de nouveaux sujets de divergence entre le gouvernement fédéral et les provinces.  Les relations fédérales-provinciales entrèrent de ce fait dans une seconde phase, généralement appelée fédéralisme exécutif, caractérisée par :

  • la politisation des relations intergouvernementales;

  • une interpénétration et une interdépendance poussées des deux ordres de gouvernement;

  • la volonté d’affirmation des provinces;

  • une intensification des conflits.

Les restrictions financières des années 70 et la centralisation de l’administration des relations fédérales-provinciales dans les mains de spécialistes ont contribué à créer ces tensions et ont eu pour effet de substituer la concurrence en matière de compétence à la coopération entre les fonctionnaires dans des domaines communs.

   B. Le début des années 80

Le retour au pouvoir, en 1980, d’un gouvernement libéral dirigé par Pierre Trudeau a inauguré une période au cours de laquelle un grand nombre des tensions propres au fédéralisme exécutif ont pris la forme de conflits ouverts.  Au début des années 80, le gouvernement fédéral a de plus en plus manifesté une propension à l’intervention unilatérale sans accord fédéral-provincial, notamment lorsqu’il a menacé de rapatrier la Constitution et qu’il a mis en place le Programme énergétique national en 1980.  Au début des années 80, le gouvernement fédéral a imposé des restrictions financières aux paiements de transfert aux provinces, notamment en modifiant, en 1984, la Loi sur les accords fiscaux et le financement des programmes établis, sans consultation des provinces, afin d’assujettir l’aide financière fédérale dans les secteurs de la santé et de l’enseignement post-secondaire au programme de restrictions des « 6 et 5 p. 100 ».

Toujours au cours de cette période, le gouvernement fédéral, préoccupé par le manque de visibilité des contributions fédérales aux programmes à frais partagés, a été porté à mettre en oeuvre lui-même ses propres programmes plutôt qu’à financer dans l’ombre les programmes administrés par les provinces.  Ce changement d’orientation est illustré par la conclusion d’Accords globaux de développement économique et régional, favorisant la planification coordonnée mais prévoyant des mécanismes d’exécution parallèles, qui ont remplacé les Accords généraux de développement des années 70, axés sur des programmes conjoints de développement régional.  Un changement d’orientation semblable est survenu dans le cas du financement fédéral.  La Loi canadienne sur la santé de 1984, par exemple, exigeait de la part des provinces la reconnaissance du financement fédéral des programmes d’assurance-maladie provinciaux.  En outre, cette loi manifestait un souci renouvelé du gouvernement fédéral de maintenir des normes nationales, et la volonté d’imposer des sanctions financières aux provinces qui ne respecteraient pas les normes établies à l’échelon fédéral.

Lorsque l’ère Trudeau a pris fin, une question fondamentale concernant les relations fédérales-provinciales est demeurée sans réponse.  Les graves conflits du début des années 80 et la controverse persistante sur, entre autres, la Loi canadienne sur la santé, étaient-ils le résultat inévitable de l’évolution survenue au cours des années 70 et, faisant ainsi obstacle à des réformes fondamentales, indiquaient-ils ce que serait probablement l’avenir?  Par ailleurs, les conflits étaient-ils principalement attribuables au fait que le pays était aux prises à ce moment-là avec des questions fort délicates et ardues et que, par ailleurs, il était dirigé par des personnes aux vues et aux intérêts diamétralement opposés?  L’intérêt soutenu accordé par le gouvernement Trudeau à la possibilité de réformes majeures des institutions fédérales, y compris le renforcement de la représentation des régions au sein du gouvernement fédéral par l’intermédiaire d’un Sénat élu, répond en partie à cette question.  Les Progressistes conservateurs ont fait valoir un point de vue différent, tant avant qu’après les élections.

   C. Les années Mulroney

      1. 1984-1988

Pendant la campagne électorale de 1984, Brian Mulroney et les Progressistes conservateurs ont insisté sur l’importance de la coopération fédérale-provinciale, sur les avantages de la négociation et de la conciliation et sur l’objectif implicitement politique (plutôt que constitutionnel) de la réconciliation nationale.  Ces thèmes ont présidé à l’action initiale du nouveau gouvernement.

Pendant ses premiers mois, le premier gouvernement Mulroney a réduit sensiblement les tensions fédérales-provinciales en revoyant les ententes de politique énergétique et en signant avec plusieurs provinces des ententes-cadres de développement régional.  Il a aussi évité de gros conflits en répondant favorablement aux demandes d’aide fédérale dans le secteur de l’agriculture.  Enfin, c’est aux qualités de conciliateur du premier ministre Mulroney qu’on a attribué le fait que le gouvernement fédéral et les provinces soient parvenus à s’entendre, le 30 avril 1987 au lac Meech, sur des modifications constitutionnelles répondant aux revendications traditionnelles du Québec.

Cette nouvelle harmonie n’a pas cependant éliminé tous les sujets de conflit.  Le budget fédéral du 23 mai 1985, qui prévoyait la réduction du taux d’augmentation de certains paiements de transfert fédéraux, a constitué la première d’une série de compressions budgétaires qui ont suscité de la part des provinces des protestations toujours plus fortes.  D’autres questions comme la participation des provinces aux négociations du libre-échange, la crise de trésorerie dans l’industrie pétrolière en 1986 et certaines décisions de développement régional ont également créé des tensions.

      2. 1988-1993

Le deuxième gouvernement Mulroney a mené les relations fédérales-provinciales à peu près comme le premier.  Toutefois, l’harmonie du milieu des années 80 ne s’est jamais tout à fait rétablie à cause d’un ensemble de facteurs systémiques comme la diminution du soutien politique au niveau fédéral (ce qui a enhardi les provinces), des ressentiments découlant de conflits passés et des divergences de priorité entre le gouvernement fédéral et certains gouvernements provinciaux nouvellement élus.

Les affaires constitutionnelles, qui sont souvent une source de conflits fédéraux-provinciaux, ont pris de plus en plus d’importance pendant cette période.  En 1990, les gouvernements élus à Terre-Neuve et au Manitoba après la signature de l’Accord du lac Meech ont refusé d’accorder à l’entente l’appui nécessaire à sa ratification en dépit d’un effort massif orchestré par le gouvernement fédéral.  Les ressentiments découlant de ce processus étaient encore vifs en 1992 bien qu’ils n’aient pas empêché la conclusion, dans le cadre d’une « ronde Canada », d’un accord fédéral-provincial sur un ambitieux projet de modification, qui a été rejeté lors d’un référendum national.

Pendant cette période, la réduction des paiements de transfert fédéraux a rencontré de plus en plus d’opposition de la part des provinces.   Certaines ont engagé des poursuites devant les tribunaux et un premier ministre provincial a même accusé le gouvernement fédéral de « terrorisme fiscal ».  Il y a eu aussi de graves désaccords avec certaines provinces sur les avantages de la stimulation de l’économie par les dépenses par opposition à ceux de la réduction du déficit et de l’austérité fiscale, désaccords qui ont conduit à des politiques antagonistes.

Dans d’autres secteurs, le deuxième gouvernement Mulroney a généralement maintenu le cap.  Des ententes comme l’Entente Canada-Québec sur l’immigration, signée le 5 février 1991, témoignent du style accommodant qui a présidé largement aux relations provinciales entre 1984 et 1993.

      3. Observations

Le bilan des gouvernements Mulroney fait mieux comprendre l’opposition entre la réforme des institutions et la politique de réconciliation qui s’est manifestée au début des années 80.  Il ne fait aucun doute que l’approche plus souple adoptée dans les relations fédérales-provinciales après 1984 a rapporté d’importants dividendes, comme en fait foi notamment le règlement rapide d’une série de conflits qui étaient dans l’impasse à ce moment-là.

Il faut reconnaître toutefois que, malgré le nouvel esprit de conciliation du gouvernement fédéral, les provinces périphériques sont non seulement restées convaincues qu’il fallait des réformes structurelles pour éliminer les distorsions centristes du système fédéral, mais ont fait valoir ce point de vue avec force; rappelons à cet égard, la conviction des partisans de la réforme du Sénat au moment des discussions constitutionnelles de 1992.  Et l’approche du fédéralisme des gouvernements Mulroney ne semble pas non plus avoir apaisé les revendications du Québec.  Les effets positifs de cette approche dans la province semblent avoir été annulés par le mécontentement constitutionnel et les difficultés économiques.

On ne sait trop si le bilan des gouvernements Mulroney prouve que le fédéralisme accommodant a ses limites ou bien qu’il est difficile pour un gouvernement de se montrer accommodant dans une situation d’austérité budgétaire.  De toute manière, les pressions en vue de la réalisation de réformes structurelles qui se sont fait jour au début des années 80 étaient toujours d’actualité durant les années 90, et les opinions sur la mesure dans laquelle les institutions existantes peuvent désamorcer les pressions existantes étaient tout aussi partagées. 

   D. Évolution et perspectives

Deux problèmes fondamentaux demeurés sans solution au cours des années 80 ont continué d’influer sur les prises de décision dans toute la gamme des relations fédérales-provinciales.  Le premier de ces problèmes est l’unité nationale, qui a pour pivot une insatisfaction de longue date au Québec, mais qui comprend dorénavant aussi les préoccupations des Autochtones et celles de l’Ouest.  Si cette question a été le moteur de plusieurs cycles de débats constitutionnels depuis l’époque qui a précédé le rapatriement de la Constitution, en 1982, elle a également eu des conséquences pour une vaste gamme d’initiativesdans d’autres domaines.  Dans certains cas, ces initiatives ont pour effet de réduire ou de retarder les pressions exercées en vue d’un changement constitutionnel.  Elles peuvent également être considérées comme les facteurs potentiels d’une évolution constitutionnelle, si, en habituant les Canadiens à des pratiques ou à des principes nouveaux, elles favorisent l’apparition du consensus nécessaire à la mise en place de modifications constitutionnelles.

Quant au deuxième problème qui se pose constamment à propos du fédéralisme canadien, il concerne les ressources financières  et en particulier les conséquences pour les relations fédérales-provinciales d’une série de réductions des montants transférés aux provinces.  Au départ, l’objectif des importants transferts en matière de santé, d’éducation et de bien-être social était la mise en place, dans ces domaines de compétence provinciale, de programmes nationaux fondés sur des normes uniformes, malgré les moyens financiers insuffisants de plusieurs provinces.  L’amenuisement des transferts a accru les pressions de la part des provinces pour une diminution de l’influence fédérale dans ces champs d’action, ce qui a provoqué des conflits fédéraux-provinciaux à répétition au sujet de la responsabilité de tel ou tel ordre de gouvernement dans la réduction des programmes et a encouragé l’apparition de propositions de réforme, qui vont du « désengagement » (en vertu duquel chaque ordre de gouvernement se procurerait les revenus dont il a besoin, réduisant ainsi les transferts) à diverses formules de cogestion.  Qui plus est, la diminution importante des montants transférés à toutes les provinces a mis en lumière l’importance de la redistribution (acheminement de recettes en provenance des provinces les plus riches vers les provinces plus pauvres, par l’entremise du gouvernement fédéral), contribuant peut-être ainsi à rendre plus critiques les provinces « en amont » de ces transferts.

Les enjeux de l’unité nationale et du fédéralisme fiscal sont examinés séparément ci-après, bien que dans la réalité ils soient en interaction continue.  La question plus vaste des rapports de coopération est également examinée, en dehors de ces deux enjeux récurrents.

      1. La dimension politique de l’unité nationale

Les élections de 1993 ont amené au pouvoir un gouvernement central fermement décidé à privilégier l’économie plutôt qu’à tenter une nouvelle fois de réformer la Constitution; toutefois, les événements survenus au Québec ont vite mis la question du statut futur de cette province à l’avant-plan.   Les dates les plus marquantes sont les suivantes :

  • le 12 septembre 1994, l’arrivée au pouvoir du Parti québécois de conviction indépendantiste;

  • le lancement officiel d’une consultation populaire sur la souveraineté, avec le dépôt d’une loi à l’Assemblée nationale, le 6 décembre 1994;

  • la tenue du référendum le 30 octobre 1995 et la victoire fédéraliste par une marge extrêmement mince, c’est-à-dire 50,6 p. 100 des suffrages.

Les initiatives fédérales en faveur de l’unité, au lendemain du référendum, ont été généralement décrites comme réunissant, dans un premier temps, les éléments d’un « Plan A » (démontrer la capacité du système fédéral d’évoluer et de répondre aux besoins des Québécois) et, dans un second temps, d’un « Plan B » (réagir à la possibilité d’une victoire d’un « Oui » à l’occasion d’un futur référendum sur la sécession du Québec).  Les principaux faits nouveaux sont les suivants :

  • Une loi établissant des veto régionaux de fait sur toute modification de la    Constitution a été accueillie avec froideur par de nombreux Québécois, tout en provoquant une controverse dans l’Ouest.  (Le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles, a reçu la sanction royale le 2 février 1996.)

  • Une résolution parlementaire reconnaissant le caractère de société distincte du Québec a été jugée insuffisante par la province, parce qu’elle n’était pas incorporée à la Constitution.

  • Il est dit dans le discours du Trône de février 1996 que le gouvernement fédéral ne se servirait pas de son pouvoir de dépenser pour créer de nouveaux programmes à frais partagés dans des domaines de compétence provinciale sans le consentement de la majorité des provinces, et que tout nouveau programme de ce genre reconnaîtrait à chacune des provinces le droit de retrait avec compensation, à condition qu’elle mette en place des initiatives « équivalentes ou comparables ».

  • La volonté du gouvernement fédéral de décentraliser certaines responsabilités administratives dans le domaine de la formation de la main-d’oeuvre a suscité des réactions diverses de la part des provinces, mais a été accueillie positivement au Québec, à la suite de l’annonce d’une proposition officielle le 30 mai 1996 (voir les détails plus bas sous la rubrique Vue d’ensemble – Formation de la main-d’oeuvre).

  • Lors de la Conférence des premiers ministres des 20 et 21 juin 1996, les participants se sont entendus pour dire qu’en plaçant la question de la procédure d’amendement à l’ordre du jour, pour brève discussion (discussion au cours de laquelle le premier ministre québécois, Lucien Bouchard, a fait une très notoire visite aux toilettes), le premier ministre Chrétien avait satisfait à l’exigence contenue dans la Constitution de 1982, selon laquelle ce texte de loi devait faire l’objet d’une révision ministérielle au plus tard en 1997.

  • Le 9 juillet 1996, la création du Bureau d’information Canada, chargé d’informer les Canadiens sur le système fédéral et de promouvoir l’unité canadienne, a provoqué, au Québec et ailleurs, des réactions allant d’un scepticisme prudent à la dérision.

  • Le 26 septembre 1996, il a été annoncé que trois questions liées aux motifs éventuels (tant en droit constitutionnel qu’en droit international) de la sécession unilatérale du Québec seraient soumises à la Cour suprême du Canada.  Ce renvoi a été décrié comme antidémocratique par le gouvernement du Québec et s’est attiré les critiques de plusieurs fédéralistes québécois de renom. Les ministres fédéraux l’ont défendu, soutenant que c’était la réponse aux prétentions du gouvernement du Québec que le droit international lui reconnaît le droit de se séparer unilatéralement du Canada, et ont fait valoir que cela traduisait le besoin de règles claires et ne se voulait pas une tentative d’empêcher une séparation sanctionnée démocratiquement. 

  • Le 29 juin 2000, le gouvernement fédéral a adopté le projet de loi C-20 sur la clarté référendaire, qui énonce que toute négociation suivant un projet de sécession devra faire l’objet d’une résolution favorable de la Chambre des communes sur la clarté de la question référendaire et de la majorité des suffrages obtenus.

Au cours de son premier mandat (et par la suite), le gouvernement a adopté la position qu’il faudrait au préalable un consensus national pour que les négociations constitutionnelles portent des fruits.  Mais les résultats de l’élection fédérale de juin 1997 n’ont pas vraiment indiqué qu’il y avait eu élargissement du consensus sur les questions constitutionnelles chez les Canadiens; il y a eu de forts écarts régionaux dans l’appui accordé à tous les partis et les Libéraux n’ont fait que des gains minimes aux dépens du Bloc québécois, tout en ne parvenant pas à freiner l’accroissement des appuis du Parti réformiste dans l’Ouest.  Les Libéraux ont repris le pouvoir avec une majorité sensiblement réduite à la Chambre des communes, et sans grande marge de manoeuvre sur les questions constitutionnelles.  Cette situation explique peut-être que, depuis, les initiatives fédérales font davantage appel à d’autres acteurs (notamment les provinces et la Cour suprême).

         a. L’initiative de Calgary

Lors d’une rencontre tenue les 14 et 15 septembre 1997, les premiers ministres provinciaux (à l’exception de M. Bouchard) se sont entendus sur une proposition constitutionnelle à soumettre aux assemblées législatives provinciales, à la suite d’une consultation publique dans chaque province.  Les principaux points de la proposition sont les suivants :

  • Tous les Canadiens sont égaux et ils ont les mêmes droits, qui sont protégés par la loi.

  • Toutes les provinces, malgré leurs caractéristiques différentes, possèdent le même statut.

  • Le Canada est sans rival dans le monde pour ce qui est de la diversité, de la tolérance, de la compassion et de l’égalité des chances.

  • L’atout que constitue la diversité du Canada repose sur les populations et les cultures autochtones, la vitalité des langues anglaise et française et une population multiculturelle ayant des racines dans toutes les parties du monde.

  • Dans le système fédéral canadien, où le respect de la diversité et de l’égalité sert de fondement à l’unité, le caractère unique de la société québécoise, y compris de sa majorité francophone, de sa culture et de sa tradition juridique fondée sur le droit civil, constitue un élément essentiel au bien-être du Canada.  Il s’ensuit que l’Assemblée nationale et le gouvernement du Québec ont comme mission de protéger et de développer le caractère unique de la société québécoise au sein du Canada.

  • Si une modification constitutionnelle future avait pour effet de conférer des pouvoirs supplémentaires à une province, il faudrait que ces pouvoirs soient offerts à toutes les autres provinces.

On ne s’attendait pas à une entente substantielle sur la Constitution, puisque l’objectif annoncé de la réunion des premiers ministres était de définir un processus de consultation sur les questions d’unité nationale.   Cette entente est le fruit de contacts étroits avec les provinces au cours des semaines qui ont précédé la réunion et de l’acceptation par le gouvernement fédéral (au fur et à mesure que la réunion progressait) des demandes des provinces en vue d’une réunion fédérale-provinciale sur les questions sociales plus tard à l’automne de 1997.  Au cours des derniers mois de 1997, les provinces (sauf le Québec) et les territoires ont amorcé un processus de consultation publique, par la mise sur pied d’un comité législatif, comme c’est la coutume.  (La C.-B. a pour sa part créé un comité nommé par le gouvernement et composé d’élus et d’autres personnalités, alors que Terre-Neuve s’est contentée de consultations faites par des députés de la Chambre d’assemblée.)

Ces consultations ont donné lieu à des débats parlementaires au cours des premiers mois de 1998, qui ont débouché, dans la plupart des provinces, à un appui unanime à l’accord de Calgary.  À l’exception d’un cas d’individualisme en Ontario, où un député a voté contre l’accord, c’est en Colombie-Britannique que l’écart par rapport à la tendance a été le plus marqué : l’assemblée a modifié l’accord en y ajoutant trois principes.  Ces principes affirment le rôle des provinces dans la définition de normes nationales, l’égalité des transferts fédéraux d’après la population, et une responsabilité accrue des provinces dans des domaines particulièrement importants pour elles (comme les pêches en C.-B.).

Au Québec, des audiences législatives ont été tenues avec un certain retard, soit en juin 1998.  Largement considérées comme un moyen de démontrer que les libéraux de la province appuyaient une proposition « moins que Meech », les audiences ont été boycottées par le Parti libéral du Québec.  À l’issue des audiences, le premier ministre Bouchard a déclaré que l’accord de Calgary avait été clairement rejeté par les Québécois, parce qu’il ne reconnaît pas le peuple québécois et qu’il légitime les incursions fédérales dans les champs de compétence provinciale.

Bien que les sondages au printemps 1998 aient montré que 67 p. 100 des Québécois étaient en faveur de l’accord de Calgary, si le gouvernement fédéral devait l’appuyer, cela risquerait de provoquer une forte réaction du gouvernement du Québec, du moins tant que le Parti québécois serait au pouvoir.  D’autre part, les modifications proposées par la Colombie-Britannique semblent indiquer que cette province n’appuierait probablement pas une modification constitutionnelle qui reprendrait le libellé de l’accord.  Devant ces réalités, le gouvernement fédéral s’est abstenu de demander l’approbation du Parlement, de sorte que la déclaration de Calgary est tombée dans un semi-oubli.

         b. Le renvoi à la Cour suprême

Le 20 août 1998, la Cour suprême du Canada a fait connaître sa réponse aux questions dont elle avait été saisie dans les derniers mois de 1996.

La Cour a constaté que la Constitution du Canada ne prévoit pas la sécession unilatérale d’une province.  Elle a toutefois ajouté qu’aux termes du système des règles et principes qui, avec les textes écrits, constituent la Constitution, les Canadiens à l’extérieur du Québec seraient obligés de reconnaître la légitimité d’un vote majoritaire clair au Québec en réponse à une question claire sur la séparation, et qu’un tel résultat devrait être suivi de négociations.  Un tel processus devrait concilier les droits et devoirs légitimes de toutes les parties, notamment des deux majorités devenues légitimes – soit la majorité de la population du Québec et celle de l’ensemble du Canada –, dont l’une n’aurait pas le droit d’imposer ses conditions à l’autre.

La Cour a également jugé qu’en droit international le droit à la sécession unilatérale n’existe que dans le cas d’un peuple soumis à la domination coloniale ou à d’autres formes de domination étrangère, ou qui est empêché d’exercer utilement son droit à l’autodétermination au sein d’un État.   Dans d’autres circonstances, les peuples sont censés réaliser leur autodétermination dans le cadre de l’État existant, et l’État a le droit de maintenir son intégrité territoriale.  La Cour a ensuite reconnu la possibilité qu’une sécession unilatérale se produise indépendamment du droit international, observant que le succès d’une telle sécession dépendrait en définitive du fait que la communauté internationale reconnaîtrait ou non la nouvelle entité politique.

Enfin, la Cour a conclu qu’il n’y a pas de conflit entre la Constitution canadienne et le droit international pour ce qui est du droit à la sécession et qu’en conséquence, elle n’avait pas à décider lequel devrait avoir préséance.

Une fois connue la décision de la Cour suprême, le gouvernement fédéral et celui du Québec ont tous deux prétendu qu’elle établissait le bien-fondé de leur position constitutionnelle.  Le premier ministre Bouchard a soutenu que la décision était un encouragement pour les souverainistes, puisque les électeurs du prochain référendum sauraient que le gouvernement fédéral serait tenu de négocier avec le Québec dans le cas d’un vote majoritaire en faveur de la sécession.  Au niveau fédéral, le premier ministre Chrétien a déclaré que la décision était une victoire pour le fédéralisme, et le ministre des Affaires intergouvernementales, l’honorable Stéphane Dion, a affirmé que, de l’avis de la Cour, le gouvernement du Québec n’a pas le droit d’imposer unilatéralement le processus et les conditions d’une sécession (par exemple, les futures limites de la province).  Il a également soutenu que la communauté internationale n’appuierait pas une sécession unilatérale, ce qui la rendrait impraticable.

On ne sait pas quel sera à terme l’impact de la décision de la Cour suprême, mais il est intéressant de noter que les affirmations du droit à la sécession fondé sur le droit international ont à peu près disparu des déclarations des nationalistes québécois.  On invoque plutôt l’argument que la communauté internationale accepterait une sécession qui traduit clairement la volonté démocratique des Québécois.

         c. L’élection au Québec

Le 28 octobre 1998, M. Bouchard a annoncé que les Québécois se rendraient aux urnes le 30 novembre.  L’élection provinciale a renforcé – temporairement du moins – la tendance du gouvernement fédéral à éviter les initiatives ou les déclarations qui prêtent à controverse.  La grande exception a été l’entretien que le premier ministre Chrétien a donné peu avant l’élection; dans cette entrevue, qui a été largement rendue publique, M. Chrétien a soutenu que la nécessité d’une réforme constitutionnelle n’avait rien de pressant et que les demandes traditionnelles du Québec avaient été satisfaites.   Le chef du Parti libéral du Québec, Jean Charest, a vivement réagi à ces propos, réaffirmant que les demandes de réforme en profondeur de la fédération sont une donnée fondamentale de la réalité politique canadienne, et que les responsables politiques doivent en prendre acte ou céder leur place.

À mesure que la campagne avançait et que les sondages indiquaient un fléchissement de l’appui aux libéraux, M. Charest a mis de côté ses premiers appels à une réduction du rôle du gouvernement dans l’économie pour parler des questions de santé et critiquer plus sévèrement l’engagement du Parti québécois à tenir un référendum sur la séparation.  Fort des sondages confirmant un solide appui au PQ pour son travail comme gouvernement – ou tout au moins le sentiment dans la population qu’un gouvernement libéral ne pourrait faire beaucoup mieux–, M. Bouchard s’est employé à élargir l’appui de son parti.  Il n’a cessé de répéter que si le gouvernement péquiste était réélu, il mettrait l’accent sur la création de « conditions gagnantes » sans lesquelles il n’y aurait pas de référendum.  Dans la dernière ligne droite de la campagne, il a été régulièrement question de tenter d’obtenir, à l’intérieur de la fédération, des avantages pour le Québec, notamment par l’application des principes de l’union sociale que le Québec et d’autres provinces avaient approuvés plus tôt dans l’année (voir « Normes nationales et union sociale » ci-après).

À l’élection, le PQ a recueilli 42,7 p. 100 des suffrages exprimés et 75 sièges, tandis que les Libéraux ont récolté 43,7 p. 100 des voix et 48 sièges et le Parti action démocratique, dirigé par Mario Dumont, 11,8 p. 100 des voix et un siège.  Ces résultats n’indiquent pas d’écart significatif dans l’appui aux partis par rapport à l’élection de 1994.

         d. Loi fédérale sur la clarté référendaire (projet de loi C-20)

À la suite du jugement de la Cour suprême relatif au renvoi du gouverneur en conseil sur la sécession du Québec, le ministre des Affaires intergouvernementales du Canada, l’honorable Stéphane Dion a déposé à la Chambre des communes le projet de loi C-20 sur la clarté référendaire le 17 décembre 1999.  Après avoir été adopté par la Chambre des communes et le Sénat, le projet de loi a reçu la sanction royale le 29 juin 2000.  Les principales dispositions de la loi sont les suivantes :

  • Dans les trente jours suivant le dépôt à l’assemblée législative d’une province, ou toute autre communication officielle, par le gouvernement de cette province, du texte de la question qu’il entend soumettre à ses électeurs dans le cadre d’un référendum sur un projet de sécession de la province du Canada, la Chambre des communes examine la question et détermine, par résolution, si la question est claire.

  • Dans le cadre de l’examen de la clarté de la question référendaire, la Chambre des communes détermine si la question permettrait à la population de la province de déclarer clairement si elle veut ou non que celle-ci cesse de faire partie du Canada et devienne un État indépendant.

  • Le gouvernement du Canada n’engage aucune négociation sur les conditions auxquelles une province pourrait cesser de faire partie du Canada si la Chambre des communes conclut que la question référendaire n’est pas claire et, par conséquent, ne permettrait pas à la population de la province de déclarer clairement si elle veut ou non que celle-ci cesse de faire partie du Canada.

  • Dans le cas où le gouvernement d’une province, après la tenue d’un référendum sur un projet de sécession de celle-ci du Canada, cherche à engager des négociations sur les conditions auxquelles la province pourrait cesser de faire partie du Canada, la Chambre des communes, sauf si elle a conclu que la question référendaire n’était pas claire, procède à un examen et, par résolution, détermine si, dans les circonstances, une majorité claire de la population de la province a déclaré clairement qu’elle veut que celle-ci cesse de faire partie du Canada.

  • Le gouvernement du Canada n’engage aucune négociation sur les conditions auxquelles la province pourrait cesser de faire partie du Canada, à moins que la Chambre des communes ne conclue qu’une majorité claire de la population de cette province a déclaré clairement qu’elle veut que celle-ci cesse de faire partie du Canada.

  • Aucun ministre ne peut proposer de modification constitutionnelle portant sur la sécession d’une province du Canada, à moins que le gouvernement du Canada n’ait traité, dans le cadre de négociations, des conditions de sécession applicables dans les circonstances, notamment :

- la répartition de l’actif et du passif;

- toute modification des frontières de la province;

- les droits, intérêts et revendications territoriales des peuples autochtones du Canada;

- la protection des droits des minorités.

Même si le projet de loi a reçu un accueil plutôt favorable au Canada et a été vu comme une garantie supplémentaire contre tout projet de sécession de la part du Québec, plusieurs commentateurs ont critiqué le gouvernement Chrétien pour avoir adopté la ligne dure envers le Québec et l’ont accusé de poursuivre son plan B.  Malgré l’adoption du projet de loi, plusieurs sénateurs ont vigoureusement protesté contre le fait que seule la Chambre des communes serait habilitée, en cas de référendum, à se prononcer sur la clarté de la question et de la majorité obtenue. 

Par ailleurs, bon nombre de fédéralistes québécois ont déploré que le gouvernement libéral ferme la porte à un renouvellement du fédéralisme par la voie constitutionnelle.  Le Parti libéral du Québec s’est aussi opposé au projet de loi et a continué à affirmer qu’il privilégiait une réforme de la fédération plutôt que la poursuite du plan B d’Ottawa.

         e. La réplique du gouvernement québécois (loi no 99)

En réponse au projet de loi C-20, le gouvernement du Québec n’a pas tardé à condamner vigoureusement l’initiative d’Ottawa.  Le gouvernement a lancé une vaste campagne publicitaire dans les journaux québécois pour dénoncer la mesure législative fédérale.  Le premier ministre Bouchard a indiqué que son gouvernement répondrait au projet de loi C-20 par la voie législative.  Le 15 décembre 1999, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, Joseph Facal, a déposé à l’Assemblée Nationale le projet de loi no 99 intitulé Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec.  Après avoir été étudié en comité parlementaire, le projet de loi a été amendé pour inclure certaines dispositions reconnaissant les droits autochtones.  Adoptée seulement un an plus tard, en décembre 2000, la loi réaffirme différents principes et prérogatives politiques inhérents à la société québécoise et à l’Assemblée nationale.  Vu le peu de tollé suscité au Québec par l’adoption du projet de loi C-20, la loi no 99 n’a pas fait l’objet d’une attention soutenue de la part des médias québécois et canadiens et son adoption est passée presque inaperçue.   Il est à noter que les députés du Parti libéral du Québec et le chef de l’ADQ, Mario Dumont, ont voté contre le projet de loi.

         f. L'élection fédérale (novembre 2000)

Seulement 40 mois après avoir été élu, le premier ministre Chrétien a décidé de déclencher de nouvelles élections générales.  Le 22 octobre, malgré l’avis de bon nombre de ses conseillers et députés, le premier ministre Chrétien s’est rendu à Rideau Hall pour demander à la gouverneure générale du Canada, Adrienne Clarkson, de dissoudre le Parlement. La campagne-éclair, qui n’a duré que 36 jours, a été dominée notamment par le débat sur la santé, les principaux partis accusant l’Alliance canadienne de vouloir créer un système à deux vitesses.  La campagne a été marquée par des attaques personnelles véhémentes.

Le chef libéral a mené son parti à un troisième mandat majoritaire, répétant l’exploit réalisé par le libéral Wilfrid Laurier.  Les Libéraux ont récolté 172 sièges, soit 17 de plus qu’aux élections précédentes.  L’Alliance canadienne compte maintenant 66 députés dans le nouveau Parlement, soit six de plus que le l’ancien Parti réformiste.  Le Bloc québécois a perdu six sièges et compte 38 députés, le Nouveau Parti démocratique a perdu huit sièges et compte 13 députés, et le Parti conservateur a lui aussi perdu huit sièges et compte 12 députés.  Le taux de participation a tout juste dépassé les 60 p. 100.

      2. Le fédéralisme fiscal et son influence

Les arrangements fiscaux entre les gouvernements fédéral et provinciaux portent sur les paiements de transfert et sur des questions comme la perception des impôts et des taxes.  Les deux principaux paiements de transfert sont les paiements de péréquation, qui ont pour but de donner à toutes les provinces les moyens d’assurer des niveaux de service minimaux, et le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS), qui regroupe les contributions fédérales à l’appui de l’enseignement postsecondaire, des soins de santé et de l’assistance sociale.  S’établissant à environ 30 milliards de dollars par an, les paiements au titre du TCSPS sont les plus importants que le gouvernement fédéral consente aux provinces, puisque les paiements de péréquation ne s’élèvent qu’à environ dix milliards par an.

À un moment où tous les gouvernements continuent de subir des pressions financières considérables, la question des transferts intergouvernementaux est, on le comprend, délicate.  Elle l’est d’autant plus dans le contexte fédéral canadien, toutefois, car le gouvernement central utilise depuis longtemps son pouvoir de dépenser pour soutenir des programmes qui traduisent ses priorités dans les provinceset pour faire en sorte que ces programmes soient conformes aux normes nationales.  Compte tenu de la réduction sensible des dépenses fédérales ces dernières années, les provinces insistent de plus en plus pour que la présence fédérale soit réduite en conséquence.

         a. Questions relatives aux transferts

La réaction des provinces au budget de 1995-1996 a amplement montré le caractère délicat des questions de transfert.  Il a été annoncé que les transferts versés en vertu du FPÉ et du Régime d’assistance publique du Canada seraient remplacés par un programme de financement global, le Transfert social canadien, lequel a entraîné des réductions générales de quelque 2,5 milliards de dollars en 1996-1997 et des réductions supplémentaires de deux milliards de dollars en 1997-1998.  La première réaction de la plupart des gouvernements provinciaux a été dure, mais la réaction plutôt positive du public est venue atténuer ces critiques (ouvertement du moins) au cours des semaines qui ont suivi le budget.  Le pouvoir discrétionnaire accru des provinces sur la répartition du financement entre les divers programmes, rendu possible par le nouveau transfert, a sans nul doute été un facteur qui a joué dans le même sens.

L’effet de ces réductions, notamment sur les dépenses provinciales dans les domaines de l’éducation et la santé, est une source continue de tensions entre le fédéral et les provinces depuis 1995.  Les demandes provinciales répétées de rétablissement du financement ont buté contre l’insistance du fédéral que les provinces garantissent que toute nouvelle somme serait effectivement consacrée à la santé et aux écoles (et non pas à la réduction des impôts, ce que plusieurs provinces ont fait tout en dénonçant la réduction des transferts fédéraux).

Depuis le milieu de 1997, l’amélioration de la situation budgétaire du gouvernement fédéral est venue nourrir la grogne des provinces concernant les transferts.  Avec l’amélioration continue des finances fédérales, les provinces ont accru leurs demandes et réclament maintenant le plein rétablissement des transferts.  C’est ainsi qu’à la réunion fédérale-provinciale des ministres des Finances tenue le 15 juin 1998, les provinces – sauf le Québec (absent) et Terre-Neuve – ont demandé soit une augmentation de 6,2 milliards (plein rétablissement), soit une somme moins élevée qui tienne compte de réductions dites semblables à celles qu’Ottawa s’était imposées.  Des demandes semblables ont été faites à la rencontre annuelle des premiers ministres des provinces à Saskatoon le 7 août suivant.

En août 1999, lors de leur réunion annuelle à Québec, les premiers ministres provinciaux et les chefs territoriaux ont exprimé leurs préoccupations quant à la prestation de services de santé accessibles à tous et financés publiquement.

Au cours de cette réunion, les premiers ministres et les chefs des territoires ont établi trois priorités en matière de santé :

  • la viabilité du système se soins de santé, par un financement fédéral stable et prévisible, par la satisfaction des besoins anticipés en matière de ressources humaines et professionnelles, et par l’amélioration des systèmes d’information qui aident à la prise de décisions;

  • la santé de la population, y compris l’amélioration de la santé des Canadiens;

  • la clarté des rôles et des responsabilités.

Les premiers ministres et les chefs des territoires ont aussi réclamé du gouvernement fédéral qu’il rétablisse complètement le financement au titre du TCSPS à son niveau de 1994-1995 et qu’il l’assortisse d’une formule d’indexation adéquate des transferts pécuniaires du TCSPS pour tenir compte de l’augmentation des coûts et des pressions particulières sur la demande de services.

En août 2000, à Winnipeg, les premiers ministres ont exprimé leurs inquiétudes au sujet de l’écart croissant entre la capacité du gouvernement fédéral et celle des provinces et territoires de financer leurs propres programmes.  Selon les provinces et les territoires, l’efficience et l’équité en matière de prestation de services et de programmes impliquent que l’on corrige le déséquilibre fiscal vertical chronique qui existe entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires, tout autant que le déséquilibre fiscal horizontal qui existe entre les provinces et les territoires.

Les premiers ministres ont souligné qu’en raison de la structure actuelle des revenus, des programmes et des arrangements financiers, les surplus du gouvernement fédéral devraient augmenter rapidement au cours des vingt prochaines années, pendant que les provinces, dans l’ensemble, auront de la difficulté à équilibrer leurs budgets.  Ils se sont dits préoccupés de ce que les finances de leurs gouvernements soient particulièrement vulnérables à une augmentation, même modérée, des pressions sur les coûts des services publics essentiels ou à un ralentissement de la croissance économique.

Aussi, ils ont réclamé du gouvernement fédéral qu’il renforce son engagement à l’égard du programme de péréquation afin que celui-ci réponde à ses objectifs constitutionnels.  En plus du rétablissement du transfert pécuniaire du TCSPS et de la mise en place d’un mécanisme d’indexation approprié, les premiers ministres ont réclamé le renforcement du programme de péréquation, notamment par la suppression immédiate du plafond sur les paiements de péréquation.

Les premiers ministres ont convenu que la question du déséquilibre fiscal constituait un défi financier urgent auquel est confrontée la fédération.  Ils ont demandé aux ministres des Finances de faire progresser davantage les travaux afin de formuler des propositions de réforme susceptibles de régler de façon plus permanente les déséquilibres fiscaux horizontal et vertical au Canada.

Enfin, ils ont reconnu la nécessité d’un financement fédéral adéquat, prévisible et permanent pour l’éducation postsecondaire et le développement des compétences.  Ils ont aussi élaboré un plan d’action détaillé concernant le développement de la petite enfance.

         b. Normes nationales et union sociale

Depuis 1995, la limitation des transferts fédéraux a coïncidé avec l’essai par les provinces de nouveaux mécanismes de prestation, notamment dans le domaine de la santé.  Dans plusieurs cas, les initiatives des provinces ont suscité une contre-attaque du fédéral pour maintenir les normesou pratiques prescrites par lui, ce qui a provoqué des affrontements importants avec certaines provinces.

Un exemple frappant de ces affrontements est le différend entre le fédéral et l’Alberta, au cours de 1995 et 1996, à propos des « frais d’établissement » exigés par les cliniques privées.  Cela a abouti à des sanctions fédérales et, au bout du compte, le gouvernement provincial a accepté d’assumer les frais exigés des usagers des cliniques.  Présenté le 2 mars 2000 à l’Assemblée législative de l’Alberta par le ministre albertain de la Santé, le projet de loi no 11 a aussi suscité une certaine controverse sur le plan des relations fédérales-provinciales.  Plusieurs commentateurs ont maintenu que le projet de loi ne respectait pas l’esprit de la Loi canadienne sur la santé et qu’à long terme, il ouvrait la voie à un système à deux vitesses.  Le gouvernement fédéral, bien qu’il ne se soit pas opposé publiquement au projet de loi, a toutefois émis des réserves.  Dans une lettre adressée à son homologue albertain, le ministre fédéral de la Santé, l’honorable Allan Rock, a présenté la position de son gouvernement.

La loi vise avant tout à permettre aux autorités régionales de la santé, avec l’approbation du ministre, de sous-traiter des interventions chirurgicales mineures, qui constituent des services assurés pour lesquels des prestations sont versées – conformément à l’Alberta Health Care Insurance Act – à des établissements privés de chirurgie approuvés par le gouvernement.  L’autre aspect important du projet de loi est la plus grande réglementation des établissements privés de chirurgie qui offrent des services non assurés et nécessitant une hospitalisation de plus d’un jour.

Les divergences d’opinion sur l’exclusivité dont devrait jouir le gouvernement fédéral pour ce qui est d’appliquer des normes nationales dans des champs de compétence provinciale sont devenues depuis un des éléments majeurs d’un débat plus général sur le rôle et les responsabilités dans les programmes sociaux.  La position des provinces est énoncée en détail dans un rapport de décembre 1995 présenté par les provinces (le Québec excepté) comme base de réforme de la fédération.  Dans ce rapport, qui a été remis au premier ministre pour qu’il y réponde à la conférence des premiers ministres provinciaux de 1996, les provinces ont énoncé diverses demandes :

  • assujettissement de l’action fédérale dans les champs de compétence provinciale à des consultations intergouvernementales et à un accord provincial-territorial;

  • rationalisation fiscale (transfert de ressources aux provinces pour leur permettre de remplir leurs responsabilités sans dépendre des transferts fédéraux);

  • acceptation du principe que les dépenses fédérales dans un champ de compétence provinciale ou à compétence partagée n’autorisent pas le gouvernement fédéral à imposer la formule du programme;

  • remplacement de l’actuel rôle du fédéral comme unique responsable et interprète de la Loi canadienne sur la santé par une forme de partage fédéral-provincial des pouvoirs.

En août 1997, la Conférence annuelle des premiers ministres provinciaux a adopté un rapport d’étape sur les thèmes définis l’année précédente.  Les premiers ministres ont convenu de tenter d’obtenir un accord-cadre avec le gouvernement fédéral sur des enjeux intersectoriels tels que les principes communs, l’exercice du pouvoir fédéral de dépenser et de nouveaux mécanismes de règlement des différends.  Le mois suivant, en contrepartie de leur adoption de l’initiative de Calgary, les provinces obtenaient la promesse que les représentants fédéraux se réuniraient avec eux à l’automne pour discuter des enjeux de l’union sociale.

Le 12 décembre 1997, les premiers ministres provinciaux ont convenu qu’un accord-cadre sur l’union sociale serait mis au point, par l’entremise du Conseil fédéral-provincial-territorial sur le renouvellement de la politique sociale (un forum permanent de discussions intergouvernementales sur la politique sociale), avec comme date-butoir juillet 1998.  Les pourparlers sur l’accord-cadre ont officiellement commencé le 13 mars 1998, sous la coprésidence de la ministre fédérale de la Justice, l’honorable Anne McLellan, et du ministre des Affaires intergouvernementales et autochtones de la Saskatchewan, Bernhard Wiens.

Dès juin 1998, les provinces (sans le Québec) avaient mis au point une proposition concernant le « processus » de l’éventuel accord-cadre.   La proposition énonçait diverses formes de collaboration et prévoyait l’assujettissement des programmes nationaux (nouveaux ou modifiés) dans les champs de compétence provinciale (à frais partagés ou pas) au consentement de la majorité des provinces.  En outre, elle aurait obligé le gouvernement fédéral à fournir une compensation à tout territoire ou province qui choisit de ne pas y participer, à  condition qu’il ou elle mette en place son propre programme axé sur les aspects prioritaires du programme national.

À la mi-juillet, une rencontre des ministres fédéraux et provinciaux, où le gouvernement fédéral devait faire connaître sa réponse aux propositions des provinces, a été annulée.  Plus tard au cours du même mois, le gouvernement fédéral a refusé de limiter son pouvoir de dépenser au-delà de ce à quoi il s’était engagé en 1996, et il a réaffirmé la nécessité du rôle exclusif du fédéral dans l’interprétation et l’application de normes nationales.  Le fédéral s’est néanmoins montré réceptif à l’idée de consultations plus poussées avec les provinces sur l’élaboration et la mise en oeuvre de nouveaux programmes sociaux, notamment un préavis de 12 mois avant l’instauration d’un programme de ce type.

À leur conférence annuelle des 5 au 7 août 1998, les premiers ministres provinciaux ont réaffirmé leur position sur le cadre d’union sociale annoncé en juin et réclamé un projet d’entente avant la fin de l’année.   Geste significatif, le premier ministre du Québec, Lucien Bouchard, a approuvé à la conférence les propositions provinciales sur le cadre d’union sociale.  Jusque-là, le Québec avait rejeté les propositions de partage des pouvoirs au motif que le gouvernement fédéral n’a rien à faire dans un champ de compétence provinciale.

         c. Entente sur l'union sociale (février 1999)

Le 4 février 1999, le premier ministre du Canada, les premiers ministres des provinces, à l’exception du Québec, et les chefs territoriaux ont signé une nouvelle entente-cadre sur l’union sociale.  Selon le gouvernement fédéral, l’entente, qui sera réexaminée après trois ans, vise à favoriser l’égalité des chances entre Canadiens, peu importe où ils vivent au Canada, et à améliorer leur mobilité.  Dans l’entente, le gouvernement fédéral s’est engagé à ne pas lancer de nouvelles initiatives pancanadiennes dans le domaine social sans le consentement de la majorité des provinces et à travailler en collaboration avec elles pour déterminer les objectifs à poursuivre.  D’autre part, l’entente-cadre met en relief la nécessité d’accroître la transparence et l’oligation de rendre compte des gouvernements.   Elle prévoit également des mécanismes de prévention et de règlement des différends.

En dépit du refus du gouvernement du Québec d’y adhérer, l’entente sur l’union sociale intervenue entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux le 4 février 1999 a marqué une étape importante dans l’évolution des relations intergouvernementales, et ce, malgré son caractère administratif.   Dans son rapport de suivi sur l’entente remis aux premiers ministres le 10 août 2000, le Conseil provincial/territorial sur le renouvellement de la politique sociale a exprimé certaines réserves quant à la mise en œuvre de l’accord.  Le Conseil a entre autres reproché au gouvernement fédéral de ne pas avoir tenu compte de l’esprit de l’entente dans la mise sur pied du programme d’aide aux sans-abri, la première annonce importante à survenir après la signature de l’entente.

Par ailleurs, la légitimation du pouvoir fédéral de dépenser dans le secteur des programmes sociaux et le recours par le gouvernement fédéral à des transferts directs aux particuliers et aux organisations pour lancer de nouvelles initiatives sociales pancanadiennes constituent les principaux motifs du refus du gouvernement du Québec de signer l’entente.

         d. Entente sur le financement des soins de santé

Le 11 septembre 2000, à l’occasion d’une réunion fédérale-provinciale, les premiers ministres se sont entendus sur une vision, des principes et un plan d’action pour guider leurs interventions au cours des prochaines années dans le domaine de la santé et du développement de la petite enfance.  Le gouvernement du Québec a toutefois choisi de ne pas donner son appui à l’accord régissant le développement de la petite enfance, jugeant qu’il s’agissait d’une compétence constitutionnelle réservée aux provinces, mais a consenti à recevoir les sommes additionnelles pour le financement des soins de santé.

Par suite des ententes conclues par les premiers ministres, le gouvernement fédéral s’est engagé à investir 23,4 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.  De ce montant, le gouvernement investira 21,1 milliards de dollars dans le TCSPS.  La loi régissant le TCSPS a ainsi été prorogée afin que les provinces et les territoires puissent bénéficier d’une aide financière stable et prévisible jusqu’en 2005-2006.   Le gouvernement fédéral fournira également une aide financière ciblée de 2,3 milliards de dollars pour permettre aux provinces et aux territoires de faire face aux défis spécifiques auxquels ils sont confrontés en matière de soins de santé.

      3. Vue d’ensemble

Dans le fédéralisme contemporain, les gouvernements fédéral et provinciaux agissant chacun dans sa sphère de compétence se trouvent à intervenir dans des domaines que n’avaient jamais envisagés les Pères de la Confédération.  Afin de coordonner les activités, de clarifier les rôles et d’atteindre certains objectifs, les gouvernements ont conclu des ententes en bonne et due forme dans beaucoup de ces domaines.  Ainsi, malgré le battage autour des tensions sur les questions fiscales et d’unité nationale et sur les rôles en matière de politique sociale, il y a de grands secteurs où la coopération fonctionne bien.

Depuis peu après l’élection du présent gouvernement, un processus d’examen des responsabilités fédérales et provinciales dans divers secteurs, de clarification des rôles, de réduction des doubles emplois et d’amélioration de l’efficience, progresse régulièrement.  On a obtenu des résultats tangibles, tels que :

  • des ententes entre le gouvernement fédéral et plusieurs provinces en vue du financement mixte des centres d’information des entreprises;

  • des ententes avec l’Ontario et l’Alberta pour supprimer les chevauchements dans le domaine de la promotion des échanges internationaux;

  • une entente innovatrice entre les ministères fédéraux et provinciaux de l’agriculture, de la santé et des pêches (exception faite du Québec) en vue de l’instauration d’un système unique d’inspection des aliments.

Agriculture : Les négociations pour créer un filet de sécurité agricole national, dont le fédéral et les provinces partageront le coût, sont un exemple récent du processus d’ententes intergouvernementales, et des aléas qui peuvent faire traîner les choses en longueur.  Au cours de 1996, des ententes ont été signées par le gouvernement fédéral et l’Alberta, l’Ontario, l’Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse.   Vers la fin de 1996, l’Alberta a retiré sa participation, pour tenir compte des critiques que faisaient valoir depuis longtemps les agriculteurs de cette province.  Le 7 janvier 1997, le ministre fédéral de l’Agriculture, l’honorable Ralph Goodale, a répondu en engageant le gouvernement fédéral à récupérer la part du financement dévolue à l’Alberta, ce qui permettrait au programme de continuer à être entièrement financé.  Depuis, une entente Canada-Manitoba a été annoncée le 3 avril 1997, et une entente Canada-Québec a vu le jour le 14 novembre suivant. 

Le 24 février 1999, à Victoria, le gouvernement fédéral et les provinces se sont entendus sur la mise sur pied d’un programme d’aide aux fermiers financé dans une proportion de 60 p. 100 par le fédéral et de 40 p. 100 par les provinces.  Au cours d’une réunion de deux jours des ministres fédéral et provinciaux de l’Agriculture, neuf provinces ont convenu qu’elles participeraient au programme d’Aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole (ACRA), sous réserve d’une décision favorable de leur gouvernement.  La Nouvelle-Écosse n’a pas pris d’engagement, mais a indiqué qu’elle poursuivait ses pourparlers avec le gouvernement fédéral en vue d’adhérer au programme.  Le gouvernement fédéral s’est engagé à verser jusqu’à 900 millions de dollars en vertu du principe de partage des coûts selon un rapport de 60:40.  Puisque le programme ACRA est régi par la demande, les dépenses engagées à ce titre dépendaient de l’ampleur des difficultés financières des agriculteurs au cours de 1998 et 1999.   Le 10 mars 1999, une entente entre la Saskatchewan et le gouvernement fédéral a été conclue et prévoit l’octroi d’une somme additionnelle de 85 millions de dollars aux agriculteurs de cette province.

En juillet 2000, à Fredericton, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de l’Agriculture ont conclu un accord-cadre de trois ans en matière de protection du revenu agricole.  Le nouvel accord-cadre visait à accorder plus de stabilité financière au secteur agricole.  L’accord jette les bases d’une série de programmes visant à solutionner divers problèmes liés au revenu agricole et résultant de plusieurs facteurs, notamment la fluctuation des prix, les mauvaises conditions climatiques et les subventions étrangères.   Conformément à l’accord, le gouvernement fédéral consentira jusqu’à 3,3 milliards de dollars au cours des trois prochaines années.  Les provinces pourront investir jusqu’à 2,2 milliards de dollars.  Les coûts des programmes conjoints seront partagés entre les gouvernements fédéral et provinciaux selon la proportion habituelle de 60:40. 

L’aide aux agriculteurs est demeurée un sujet d’actualité à la fin de l’année 2000 et au début de l’année 2001.

Prestation nationale pour enfants : Des discussions sur une approche coordonnée face à la pauvreté des enfants – qui intégrerait les prestations fiscales fédérales et les prestations sociales des provinces – ont commencé à la fin de 1996, sorte de pourparlers complémentaires continus sur l’union sociale.  Dès le début de 1997, les gouvernements s’étaient entendus sur les paramètres de la prestation, et sur les rôles du fédéral et des provinces.  Le niveau du financement fédéral a fait l’objet d’un débat : les provinces ont maintenu leurs pressions pour un financement accru jusqu’à ce que le budget de février 1997 fixe le paiement fédéral à 600 millions de dollars par année, en sus des 250 millions du Supplément du revenu gagné annoncés une année plus tôt.  Jusqu’en 1998, les gouvernements se sont entendus sur des modalités de mise en application (dont une formule innovatrice de redditions de comptes comportant la publication annuelle de données sur le rendement).  Dans le budget du 24 février 1998, le gouvernement fédéral a annoncé des paiements additionnels de 425 millions pour juillet 1999, et un montant de 425 millions pour juillet 2000.   La Prestation nationale pour enfants est entrée en vigueur le 1er juillet 1998 dans toutes les provinces, sauf le Québec (qui gérera son propre régime de prestations pour enfants comme supplément du revenu).

Depuis son implantation, le gouvernement fédéral a continué d’investir des sommes considérables dans ce programme, et ce, à chacun des exercices budgétaires.  Dans son budget de février 2000, il a annoncé qu’il injecterait 2.5 milliards de dollars jusqu’en 2004.

Formation de la main-d’oeuvre : Le processus de discussion et d’ententes sur le transfert aux provinces de la responsabilité de la formation de la main-d’oeuvre, lancé par le gouvernement fédéral à la suite du référendum au Québec, s’est poursuivi.  La première entente a été signée avec l’Alberta le 6 décembre 1996, et celle entre le gouvernement fédéral et le Québec est intervenue le 21 avril 1997.  La plus récente est celle avec la Saskatchewan, signée le 6 février 1998; comme les autres, elle a pour objet de donner à la province la responsabilité d’élaborer et de fournir des programmes et services d’emploi financés sur le Compte d’assurance-emploi.  Le 7 avril 1998, on a annoncé l’amorce de négociations officielles entre le gouvernement fédéral et l’Ontario, le seul gouvernement à ne pas avoir conclu d’entente dans ce domaine.

L’environnement : L’Accord pancanadien sur l’harmonisation environnementale, signé le 29 janvier 1998 par le gouvernement fédéral et toutes les provinces à l’exception du Québec, est un autre exemple probant de coopération intergouvernementale.   L’Accord prévoit la coordination des instances existantes en vue d’améliorer la gestion de l’environnement.  Cela a mis en branle un processus qui a abouti, le 11 septembre 1998, à des ententes auxiliaires sur des principes de reddition de comptes et de participation des parties prenantes à l’élaboration de normes environnementales.

      4. Conclusion

Au Canada, les relations fédérales-provinciales ressemblent à un mélange subtil d’affrontements et de coopération, tenant à des impératifs à la fois politiques et pratiques.

Ces dernières années, les enjeux de l’unité nationale, s’ajoutant aux tensions dues aux compressions budgétaires, ont eu un impact profond sur la sphère des relations fédérales-provinciales.  Plus récemment, comme l’indiquent les ententes sur l’harmonisation environnementale et l’entente sur l’union sociale, on semble mettre l’accent sur la définition officielle des rôles et responsabilités.

Si cette tendance porte ses fruits, il pourrait en résulter une meilleure gestion des relations fédérales-provinciales au moyen de normes, de règles et de principes paraconstitutionnels.  Cette approche pourrait prendre le relais des ententes ponctuelles du passé, ce qui favoriserait une responsabilité accrue des deux ordres de gouvernement devant les citoyens.  Sur une note moins optimiste, cette tendance pourrait entraver les processus établis de coopération fonctionnelle en les soumettant à de longs débats sur des enjeux quasi constitutionnels comme les pouvoirs, la reconnaissance et le statut juridique.

MESURES PARLEMENTAIRES

Les relations fédérales-provinciales sont centralisées au niveau des exécutifs, ces contacts donnant épisodiquement lieu à des initiatives qui doivent être ratifiées par les assemblées législatives.  Mais une fois qu’une entente intergouvernementale intervient, la marge de manoeuvre du Parlement est normalement très réduite.  Si une assemblée y apportait des modifications, cela pourrait entraîner des délais importants, ou la disparition de l’entente.

Plusieurs mécanismes permettent d’associer le Parlement dès le départ, notamment les consultations prébudgétaires du Comité permanent des finances, les comités spéciaux créés périodiquement pour consulter le public sur des propositions constitutionnelles, et les études spéciales des comités permanents sur des enjeux de nature intergouvernementale.  Les gouvernements peuvent accepter ou rejeter les résultats de ces initiatives.

CHRONOLOGIE

21 décembre 1993 - Les premiers ministres fédéral et provinciaux conviennent de procéder de concert à une refonte globale des rôles et responsabilités des deux ordres de gouvernement en vue d’éliminer les dédoublements et chevauchements.

21 janvier 1994 - Les gouvernements des provinces accueillent favorablement les modifications apportées par le gouvernement fédéral à la formule de péréquation.

14 avril 1994 - L’Assemblée nationale du Québec adopte une résolution, appuyée par le Parti libéral et le Parti québécois, affirmant la compétence exclusive de la province en matière de formation de la main-d’oeuvre.

27 février 1995 - Les réductions des transferts aux provinces annoncées dans le budget fédéral suscitent de sévères critiques de la part des premiers ministres provinciaux.

30 octobre 1995 - Le camp fédéraliste remporte de peu la victoire avec 50,6 p. 100 des voix lors du référendum québécois.

25 septembre 1996 - Le ministre de la Justice, l’honorable Allan Rock, annonce le renvoi à la Cour suprême de trois questions concernant la légalité d’une sécession unilatérale du Québec.

2 juin 1997 - L’élection fédérale se traduit par une majorité libérale (réduite), laissant l’échiquier politique presque inchangé par rapport à ce qu’il était en 1993.

15 septembre 1997 - Les premiers ministres provinciaux (en l’absence de celui du Québec) s’entendent sur un ensemble de principes (l’accord de Calgary) qui serviront de point de départ aux consultations sur l’unité nationale.

15 mars 1998 - Des pourparlers sont entamés sur un accord-cadre général sur l’union sociale.

20 août 1998 - La Cour suprême du Canada rend publique sa décision sur le renvoi de 1996 relatif à la question de la sécession unilatérale.

4 février 1999 - Une entente sur l’union sociale est signée entre le premier ministre du Canada et les premiers ministres provinciaux et les chefs territoriaux (le Québec n’adhère pas à l’entente).

1er avril 1999 - Création du territoire du Nunavut.

29 juin 2000 - Le projet de loi C-20 sur la clarté référendaire reçoit la sanction royale.

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Asselin, Robert.  L’union sociale canadienne : questions relatives au partage des pouvoirs et au fédéralisme fiscalPRB 00-31F, Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement, mars 2001.

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* La première version de ce bulletin d'actualité a été publiée en février 1994.  Le document a été sans cesse mis à jour depuis.  Pour un compte rendu plus détaillé des relations fédérales-provinciales entre 1986 et 1993, voir Jack Stilborn, Les relations fédérales-provinciales (1986-1993), CIR 86-2F (archivé), Bibliothèque du Parlement.