LES RELATIONS FÉDÉRALES-PROVINCIALES
TABLE
DES MATIÈRES C. Les années Mulroney D. Évolution et perspectives LES RELATIONS FÉDÉRALES-PROVINCIALES* Les relations fédérales-provinciales concernent la plupart des grandes activités du gouvernement au Canada et elles sont en évolution quasi constante. Ces changements trouvent principalement leur source dans :
Dans ce bulletin, nous faisons état des événements survenus sur la scène fédérale-provinciale sous langle des enjeux et des tendances. Nous visons ainsi à prévoir les orientations probables des relations fédérales-provinciales et des institutions. La situation actuelle des relations fédérales-provinciales est le résultat de plusieurs tendances connexes et persistantes. La portée et lampleur du rôle de lÉtat se sont constamment accrues au cours du siècle. Les gouvernements sont intervenus dans toute une gamme de domaines que navaient pas envisagés les Pères de la Confédération et ont en quelque sorte comblé le « vide » qui existait entre les questions dintérêt national et les questions dintérêt purement local énumérées aux articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. En outre, laccroissement des activités traditionnelles de base a révélé que, dans la pratique, peu dactivités locales nont aucune conséquence sur le plan national, et que rares sont les questions autrefois considérées comme purement nationales qui naient une incidence locale. Il en est résulté une tendance à remplacer, dans la pratique, le partage constitutionnel des pouvoirs et des compétences exclusives, conçu par les premiers fédéralistes, par des arrangements circonstanciels et constamment renégociés, qui permettent à chaque ordre de gouvernement dutiliser les moyens à sa disposition pour exercer ses responsabilités fondamentales comme il les conçoit. Dans ce modèle, lélectorat joue le rôle de cour dappel ultime, tandis que la décision de demander aux tribunaux de se prononcer sur des questions de compétence constitue généralement un dernier recours stratégique pour les gouvernements. Pendant que prenaient forme les arrangements législatifs et administratifs complexes caractérisant le fédéralisme moderne, les relations fédérales-provinciales ont traversé plusieurs phases distinctes. Les années 50 et 60 sont généralement connues comme lère du fédéralisme de coopération, période pendant laquelle laugmentation constante des ressources et un consensus fédéral-provincial général en matière de priorités ont favorisé la coopération technique des fonctionnaires. Cette époque a été marquée par de faibles niveaux dantagonisme et laccroissement rapide des programmes cofinancés. À mesure que prenait forme lappareil moderne de coordination des activités, des tensions sont apparues. Les craintes des provinces au sujet des priorités faussées imposées par les initiatives fédérales se sont manifestées en particulier par laffirmation nouvelle du Québec; elles ont vu le jour parce que les nouveaux moyens dont disposaient les provinces leur permettaient dadopter des politiques distinctes et parce que de nouveaux rôles suscitaient de nouveaux sujets de divergence entre le gouvernement fédéral et les provinces. Les relations fédérales-provinciales entrèrent de ce fait dans une seconde phase, généralement appelée fédéralisme exécutif, caractérisée par :
Les restrictions financières des années 70 et la centralisation de ladministration des relations fédérales-provinciales dans les mains de spécialistes ont contribué à créer ces tensions et ont eu pour effet de substituer la concurrence en matière de compétence à la coopération entre les fonctionnaires dans des domaines communs. Le retour au pouvoir, en 1980, dun gouvernement libéral dirigé par Pierre Trudeau a inauguré une période au cours de laquelle un grand nombre des tensions propres au fédéralisme exécutif ont pris la forme de conflits ouverts. Au début des années 80, le gouvernement fédéral a de plus en plus manifesté une propension à lintervention unilatérale sans accord fédéral-provincial, notamment lorsquil a menacé de rapatrier la Constitution et quil a mis en place le Programme énergétique national en 1980. Au début des années 80, le gouvernement fédéral a imposé des restrictions financières aux paiements de transfert aux provinces, notamment en modifiant, en 1984, la Loi sur les accords fiscaux et le financement des programmes établis, sans consultation des provinces, afin dassujettir laide financière fédérale dans les secteurs de la santé et de lenseignement post-secondaire au programme de restrictions des « 6 et 5 p. 100 ». Toujours au cours de cette période, le gouvernement fédéral, préoccupé par le manque de visibilité des contributions fédérales aux programmes à frais partagés, a été porté à mettre en oeuvre lui-même ses propres programmes plutôt quà financer dans lombre les programmes administrés par les provinces. Ce changement dorientation est illustré par la conclusion dAccords globaux de développement économique et régional, favorisant la planification coordonnée mais prévoyant des mécanismes dexécution parallèles, qui ont remplacé les Accords généraux de développement des années 70, axés sur des programmes conjoints de développement régional. Un changement dorientation semblable est survenu dans le cas du financement fédéral. La Loi canadienne sur la santé de 1984, par exemple, exigeait de la part des provinces la reconnaissance du financement fédéral des programmes dassurance-maladie provinciaux. En outre, cette loi manifestait un souci renouvelé du gouvernement fédéral de maintenir des normes nationales, et la volonté dimposer des sanctions financières aux provinces qui ne respecteraient pas les normes établies à léchelon fédéral. Lorsque lère Trudeau a pris fin, une question fondamentale concernant les relations fédérales-provinciales est demeurée sans réponse. Les graves conflits du début des années 80 et la controverse persistante sur, entre autres, la Loi canadienne sur la santé, étaient-ils le résultat inévitable de lévolution survenue au cours des années 70 et, faisant ainsi obstacle à des réformes fondamentales, indiquaient-ils ce que serait probablement lavenir? Par ailleurs, les conflits étaient-ils principalement attribuables au fait que le pays était aux prises à ce moment-là avec des questions fort délicates et ardues et que, par ailleurs, il était dirigé par des personnes aux vues et aux intérêts diamétralement opposés? Lintérêt soutenu accordé par le gouvernement Trudeau à la possibilité de réformes majeures des institutions fédérales, y compris le renforcement de la représentation des régions au sein du gouvernement fédéral par lintermédiaire dun Sénat élu, répond en partie à cette question. Les Progressistes conservateurs ont fait valoir un point de vue différent, tant avant quaprès les élections. Pendant la campagne électorale de 1984, Brian Mulroney et les Progressistes conservateurs ont insisté sur limportance de la coopération fédérale-provinciale, sur les avantages de la négociation et de la conciliation et sur lobjectif implicitement politique (plutôt que constitutionnel) de la réconciliation nationale. Ces thèmes ont présidé à laction initiale du nouveau gouvernement. Pendant ses premiers mois, le premier gouvernement Mulroney a réduit sensiblement les tensions fédérales-provinciales en revoyant les ententes de politique énergétique et en signant avec plusieurs provinces des ententes-cadres de développement régional. Il a aussi évité de gros conflits en répondant favorablement aux demandes daide fédérale dans le secteur de lagriculture. Enfin, cest aux qualités de conciliateur du premier ministre Mulroney quon a attribué le fait que le gouvernement fédéral et les provinces soient parvenus à sentendre, le 30 avril 1987 au lac Meech, sur des modifications constitutionnelles répondant aux revendications traditionnelles du Québec. Cette nouvelle harmonie na pas cependant éliminé tous les sujets de conflit. Le budget fédéral du 23 mai 1985, qui prévoyait la réduction du taux daugmentation de certains paiements de transfert fédéraux, a constitué la première dune série de compressions budgétaires qui ont suscité de la part des provinces des protestations toujours plus fortes. Dautres questions comme la participation des provinces aux négociations du libre-échange, la crise de trésorerie dans lindustrie pétrolière en 1986 et certaines décisions de développement régional ont également créé des tensions. Le deuxième gouvernement Mulroney a mené les relations fédérales-provinciales à peu près comme le premier. Toutefois, lharmonie du milieu des années 80 ne sest jamais tout à fait rétablie à cause dun ensemble de facteurs systémiques comme la diminution du soutien politique au niveau fédéral (ce qui a enhardi les provinces), des ressentiments découlant de conflits passés et des divergences de priorité entre le gouvernement fédéral et certains gouvernements provinciaux nouvellement élus. Les affaires constitutionnelles, qui sont souvent une source de conflits fédéraux-provinciaux, ont pris de plus en plus dimportance pendant cette période. En 1990, les gouvernements élus à Terre-Neuve et au Manitoba après la signature de lAccord du lac Meech ont refusé daccorder à lentente lappui nécessaire à sa ratification en dépit dun effort massif orchestré par le gouvernement fédéral. Les ressentiments découlant de ce processus étaient encore vifs en 1992 bien quils naient pas empêché la conclusion, dans le cadre dune « ronde Canada », dun accord fédéral-provincial sur un ambitieux projet de modification, qui a été rejeté lors dun référendum national. Pendant cette période, la réduction des paiements de transfert fédéraux a rencontré de plus en plus dopposition de la part des provinces. Certaines ont engagé des poursuites devant les tribunaux et un premier ministre provincial a même accusé le gouvernement fédéral de « terrorisme fiscal ». Il y a eu aussi de graves désaccords avec certaines provinces sur les avantages de la stimulation de léconomie par les dépenses par opposition à ceux de la réduction du déficit et de laustérité fiscale, désaccords qui ont conduit à des politiques antagonistes. Dans dautres secteurs, le deuxième gouvernement Mulroney a généralement maintenu le cap. Des ententes comme lEntente Canada-Québec sur limmigration, signée le 5 février 1991, témoignent du style accommodant qui a présidé largement aux relations provinciales entre 1984 et 1993. Le bilan des gouvernements Mulroney fait mieux comprendre lopposition entre la réforme des institutions et la politique de réconciliation qui sest manifestée au début des années 80. Il ne fait aucun doute que lapproche plus souple adoptée dans les relations fédérales-provinciales après 1984 a rapporté dimportants dividendes, comme en fait foi notamment le règlement rapide dune série de conflits qui étaient dans limpasse à ce moment-là. Il faut reconnaître toutefois que, malgré le nouvel esprit de conciliation du gouvernement fédéral, les provinces périphériques sont non seulement restées convaincues quil fallait des réformes structurelles pour éliminer les distorsions centristes du système fédéral, mais ont fait valoir ce point de vue avec force; rappelons à cet égard, la conviction des partisans de la réforme du Sénat au moment des discussions constitutionnelles de 1992. Et lapproche du fédéralisme des gouvernements Mulroney ne semble pas non plus avoir apaisé les revendications du Québec. Les effets positifs de cette approche dans la province semblent avoir été annulés par le mécontentement constitutionnel et les difficultés économiques. On ne sait trop si le bilan des gouvernements Mulroney prouve que le fédéralisme accommodant a ses limites ou bien quil est difficile pour un gouvernement de se montrer accommodant dans une situation daustérité budgétaire. De toute manière, les pressions en vue de la réalisation de réformes structurelles qui se sont fait jour au début des années 80 étaient toujours dactualité durant les années 90, et les opinions sur la mesure dans laquelle les institutions existantes peuvent désamorcer les pressions existantes étaient tout aussi partagées. Deux problèmes fondamentaux demeurés sans solution au cours des années 80 ont continué dinfluer sur les prises de décision dans toute la gamme des relations fédérales-provinciales. Le premier de ces problèmes est lunité nationale, qui a pour pivot une insatisfaction de longue date au Québec, mais qui comprend dorénavant aussi les préoccupations des Autochtones et celles de lOuest. Si cette question a été le moteur de plusieurs cycles de débats constitutionnels depuis lépoque qui a précédé le rapatriement de la Constitution, en 1982, elle a également eu des conséquences pour une vaste gamme dinitiativesdans dautres domaines. Dans certains cas, ces initiatives ont pour effet de réduire ou de retarder les pressions exercées en vue dun changement constitutionnel. Elles peuvent également être considérées comme les facteurs potentiels dune évolution constitutionnelle, si, en habituant les Canadiens à des pratiques ou à des principes nouveaux, elles favorisent lapparition du consensus nécessaire à la mise en place de modifications constitutionnelles. Quant au deuxième problème qui se pose constamment à propos du fédéralisme canadien, il concerne les ressources financières et en particulier les conséquences pour les relations fédérales-provinciales dune série de réductions des montants transférés aux provinces. Au départ, lobjectif des importants transferts en matière de santé, déducation et de bien-être social était la mise en place, dans ces domaines de compétence provinciale, de programmes nationaux fondés sur des normes uniformes, malgré les moyens financiers insuffisants de plusieurs provinces. Lamenuisement des transferts a accru les pressions de la part des provinces pour une diminution de linfluence fédérale dans ces champs daction, ce qui a provoqué des conflits fédéraux-provinciaux à répétition au sujet de la responsabilité de tel ou tel ordre de gouvernement dans la réduction des programmes et a encouragé lapparition de propositions de réforme, qui vont du « désengagement » (en vertu duquel chaque ordre de gouvernement se procurerait les revenus dont il a besoin, réduisant ainsi les transferts) à diverses formules de cogestion. Qui plus est, la diminution importante des montants transférés à toutes les provinces a mis en lumière limportance de la redistribution (acheminement de recettes en provenance des provinces les plus riches vers les provinces plus pauvres, par lentremise du gouvernement fédéral), contribuant peut-être ainsi à rendre plus critiques les provinces « en amont » de ces transferts. Les enjeux de lunité nationale et du fédéralisme fiscal sont examinés séparément ci-après, bien que dans la réalité ils soient en interaction continue. La question plus vaste des rapports de coopération est également examinée, en dehors de ces deux enjeux récurrents. 1. La dimension politique de lunité nationale Les élections de 1993 ont amené au pouvoir un gouvernement central fermement décidé à privilégier léconomie plutôt quà tenter une nouvelle fois de réformer la Constitution; toutefois, les événements survenus au Québec ont vite mis la question du statut futur de cette province à lavant-plan. Les dates les plus marquantes sont les suivantes :
Les initiatives fédérales en faveur de lunité, au lendemain du référendum, ont été généralement décrites comme réunissant, dans un premier temps, les éléments dun « Plan A » (démontrer la capacité du système fédéral dévoluer et de répondre aux besoins des Québécois) et, dans un second temps, dun « Plan B » (réagir à la possibilité dune victoire dun « Oui » à loccasion dun futur référendum sur la sécession du Québec). Les principaux faits nouveaux sont les suivants :
Au cours de son premier mandat (et par la suite), le gouvernement a adopté la position quil faudrait au préalable un consensus national pour que les négociations constitutionnelles portent des fruits. Mais les résultats de lélection fédérale de juin 1997 nont pas vraiment indiqué quil y avait eu élargissement du consensus sur les questions constitutionnelles chez les Canadiens; il y a eu de forts écarts régionaux dans lappui accordé à tous les partis et les Libéraux nont fait que des gains minimes aux dépens du Bloc québécois, tout en ne parvenant pas à freiner laccroissement des appuis du Parti réformiste dans lOuest. Les Libéraux ont repris le pouvoir avec une majorité sensiblement réduite à la Chambre des communes, et sans grande marge de manoeuvre sur les questions constitutionnelles. Cette situation explique peut-être que, depuis, les initiatives fédérales font davantage appel à dautres acteurs (notamment les provinces et la Cour suprême). Lors dune rencontre tenue les 14 et 15 septembre 1997, les premiers ministres provinciaux (à lexception de M. Bouchard) se sont entendus sur une proposition constitutionnelle à soumettre aux assemblées législatives provinciales, à la suite dune consultation publique dans chaque province. Les principaux points de la proposition sont les suivants :
On ne sattendait pas à une entente substantielle sur la Constitution, puisque lobjectif annoncé de la réunion des premiers ministres était de définir un processus de consultation sur les questions dunité nationale. Cette entente est le fruit de contacts étroits avec les provinces au cours des semaines qui ont précédé la réunion et de lacceptation par le gouvernement fédéral (au fur et à mesure que la réunion progressait) des demandes des provinces en vue dune réunion fédérale-provinciale sur les questions sociales plus tard à lautomne de 1997. Au cours des derniers mois de 1997, les provinces (sauf le Québec) et les territoires ont amorcé un processus de consultation publique, par la mise sur pied dun comité législatif, comme cest la coutume. (La C.-B. a pour sa part créé un comité nommé par le gouvernement et composé délus et dautres personnalités, alors que Terre-Neuve sest contentée de consultations faites par des députés de la Chambre dassemblée.) Ces consultations ont donné lieu à des débats parlementaires au cours des premiers mois de 1998, qui ont débouché, dans la plupart des provinces, à un appui unanime à laccord de Calgary. À lexception dun cas dindividualisme en Ontario, où un député a voté contre laccord, cest en Colombie-Britannique que lécart par rapport à la tendance a été le plus marqué : lassemblée a modifié laccord en y ajoutant trois principes. Ces principes affirment le rôle des provinces dans la définition de normes nationales, légalité des transferts fédéraux daprès la population, et une responsabilité accrue des provinces dans des domaines particulièrement importants pour elles (comme les pêches en C.-B.). Au Québec, des audiences législatives ont été tenues avec un certain retard, soit en juin 1998. Largement considérées comme un moyen de démontrer que les libéraux de la province appuyaient une proposition « moins que Meech », les audiences ont été boycottées par le Parti libéral du Québec. À lissue des audiences, le premier ministre Bouchard a déclaré que laccord de Calgary avait été clairement rejeté par les Québécois, parce quil ne reconnaît pas le peuple québécois et quil légitime les incursions fédérales dans les champs de compétence provinciale. Bien que les sondages au printemps 1998 aient montré que 67 p. 100 des Québécois étaient en faveur de laccord de Calgary, si le gouvernement fédéral devait lappuyer, cela risquerait de provoquer une forte réaction du gouvernement du Québec, du moins tant que le Parti québécois serait au pouvoir. Dautre part, les modifications proposées par la Colombie-Britannique semblent indiquer que cette province nappuierait probablement pas une modification constitutionnelle qui reprendrait le libellé de laccord. Devant ces réalités, le gouvernement fédéral sest abstenu de demander lapprobation du Parlement, de sorte que la déclaration de Calgary est tombée dans un semi-oubli. b. Le renvoi à la Cour suprême Le 20 août 1998, la Cour suprême du Canada a fait connaître sa réponse aux questions dont elle avait été saisie dans les derniers mois de 1996. La Cour a constaté que la Constitution du Canada ne prévoit pas la sécession unilatérale dune province. Elle a toutefois ajouté quaux termes du système des règles et principes qui, avec les textes écrits, constituent la Constitution, les Canadiens à lextérieur du Québec seraient obligés de reconnaître la légitimité dun vote majoritaire clair au Québec en réponse à une question claire sur la séparation, et quun tel résultat devrait être suivi de négociations. Un tel processus devrait concilier les droits et devoirs légitimes de toutes les parties, notamment des deux majorités devenues légitimes soit la majorité de la population du Québec et celle de lensemble du Canada , dont lune naurait pas le droit dimposer ses conditions à lautre. La Cour a également jugé quen droit international le droit à la sécession unilatérale nexiste que dans le cas dun peuple soumis à la domination coloniale ou à dautres formes de domination étrangère, ou qui est empêché dexercer utilement son droit à lautodétermination au sein dun État. Dans dautres circonstances, les peuples sont censés réaliser leur autodétermination dans le cadre de lÉtat existant, et lÉtat a le droit de maintenir son intégrité territoriale. La Cour a ensuite reconnu la possibilité quune sécession unilatérale se produise indépendamment du droit international, observant que le succès dune telle sécession dépendrait en définitive du fait que la communauté internationale reconnaîtrait ou non la nouvelle entité politique. Enfin, la Cour a conclu quil ny a pas de conflit entre la Constitution canadienne et le droit international pour ce qui est du droit à la sécession et quen conséquence, elle navait pas à décider lequel devrait avoir préséance. Une fois connue la décision de la Cour suprême, le gouvernement fédéral et celui du Québec ont tous deux prétendu quelle établissait le bien-fondé de leur position constitutionnelle. Le premier ministre Bouchard a soutenu que la décision était un encouragement pour les souverainistes, puisque les électeurs du prochain référendum sauraient que le gouvernement fédéral serait tenu de négocier avec le Québec dans le cas dun vote majoritaire en faveur de la sécession. Au niveau fédéral, le premier ministre Chrétien a déclaré que la décision était une victoire pour le fédéralisme, et le ministre des Affaires intergouvernementales, lhonorable Stéphane Dion, a affirmé que, de lavis de la Cour, le gouvernement du Québec na pas le droit dimposer unilatéralement le processus et les conditions dune sécession (par exemple, les futures limites de la province). Il a également soutenu que la communauté internationale nappuierait pas une sécession unilatérale, ce qui la rendrait impraticable. On ne sait pas quel sera à terme limpact de la décision de la Cour suprême, mais il est intéressant de noter que les affirmations du droit à la sécession fondé sur le droit international ont à peu près disparu des déclarations des nationalistes québécois. On invoque plutôt largument que la communauté internationale accepterait une sécession qui traduit clairement la volonté démocratique des Québécois. Le 28 octobre 1998, M. Bouchard a annoncé que les Québécois se rendraient aux urnes le 30 novembre. Lélection provinciale a renforcé temporairement du moins la tendance du gouvernement fédéral à éviter les initiatives ou les déclarations qui prêtent à controverse. La grande exception a été lentretien que le premier ministre Chrétien a donné peu avant lélection; dans cette entrevue, qui a été largement rendue publique, M. Chrétien a soutenu que la nécessité dune réforme constitutionnelle navait rien de pressant et que les demandes traditionnelles du Québec avaient été satisfaites. Le chef du Parti libéral du Québec, Jean Charest, a vivement réagi à ces propos, réaffirmant que les demandes de réforme en profondeur de la fédération sont une donnée fondamentale de la réalité politique canadienne, et que les responsables politiques doivent en prendre acte ou céder leur place. À mesure que la campagne avançait et que les sondages indiquaient un fléchissement de lappui aux libéraux, M. Charest a mis de côté ses premiers appels à une réduction du rôle du gouvernement dans léconomie pour parler des questions de santé et critiquer plus sévèrement lengagement du Parti québécois à tenir un référendum sur la séparation. Fort des sondages confirmant un solide appui au PQ pour son travail comme gouvernement ou tout au moins le sentiment dans la population quun gouvernement libéral ne pourrait faire beaucoup mieux, M. Bouchard sest employé à élargir lappui de son parti. Il na cessé de répéter que si le gouvernement péquiste était réélu, il mettrait laccent sur la création de « conditions gagnantes » sans lesquelles il ny aurait pas de référendum. Dans la dernière ligne droite de la campagne, il a été régulièrement question de tenter dobtenir, à lintérieur de la fédération, des avantages pour le Québec, notamment par lapplication des principes de lunion sociale que le Québec et dautres provinces avaient approuvés plus tôt dans lannée (voir « Normes nationales et union sociale » ci-après). À lélection, le PQ a recueilli 42,7 p. 100 des suffrages exprimés et 75 sièges, tandis que les Libéraux ont récolté 43,7 p. 100 des voix et 48 sièges et le Parti action démocratique, dirigé par Mario Dumont, 11,8 p. 100 des voix et un siège. Ces résultats nindiquent pas décart significatif dans lappui aux partis par rapport à lélection de 1994. d. Loi fédérale sur la clarté référendaire (projet de loi C-20) À la suite du jugement de la Cour suprême relatif au renvoi du gouverneur en conseil sur la sécession du Québec, le ministre des Affaires intergouvernementales du Canada, lhonorable Stéphane Dion a déposé à la Chambre des communes le projet de loi C-20 sur la clarté référendaire le 17 décembre 1999. Après avoir été adopté par la Chambre des communes et le Sénat, le projet de loi a reçu la sanction royale le 29 juin 2000. Les principales dispositions de la loi sont les suivantes :
Même si le projet de loi a reçu un accueil plutôt favorable au Canada et a été vu comme une garantie supplémentaire contre tout projet de sécession de la part du Québec, plusieurs commentateurs ont critiqué le gouvernement Chrétien pour avoir adopté la ligne dure envers le Québec et lont accusé de poursuivre son plan B. Malgré ladoption du projet de loi, plusieurs sénateurs ont vigoureusement protesté contre le fait que seule la Chambre des communes serait habilitée, en cas de référendum, à se prononcer sur la clarté de la question et de la majorité obtenue. Par ailleurs, bon nombre de fédéralistes québécois ont déploré que le gouvernement libéral ferme la porte à un renouvellement du fédéralisme par la voie constitutionnelle. Le Parti libéral du Québec sest aussi opposé au projet de loi et a continué à affirmer quil privilégiait une réforme de la fédération plutôt que la poursuite du plan B dOttawa. e. La réplique du gouvernement québécois (loi no 99) En réponse au projet de loi C-20, le gouvernement du Québec na pas tardé à condamner vigoureusement linitiative dOttawa. Le gouvernement a lancé une vaste campagne publicitaire dans les journaux québécois pour dénoncer la mesure législative fédérale. Le premier ministre Bouchard a indiqué que son gouvernement répondrait au projet de loi C-20 par la voie législative. Le 15 décembre 1999, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, Joseph Facal, a déposé à lAssemblée Nationale le projet de loi no 99 intitulé Loi sur lexercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de lÉtat du Québec. Après avoir été étudié en comité parlementaire, le projet de loi a été amendé pour inclure certaines dispositions reconnaissant les droits autochtones. Adoptée seulement un an plus tard, en décembre 2000, la loi réaffirme différents principes et prérogatives politiques inhérents à la société québécoise et à lAssemblée nationale. Vu le peu de tollé suscité au Québec par ladoption du projet de loi C-20, la loi no 99 na pas fait lobjet dune attention soutenue de la part des médias québécois et canadiens et son adoption est passée presque inaperçue. Il est à noter que les députés du Parti libéral du Québec et le chef de lADQ, Mario Dumont, ont voté contre le projet de loi. f. L'élection fédérale (novembre 2000) Seulement 40 mois après avoir été élu, le premier ministre Chrétien a décidé de déclencher de nouvelles élections générales. Le 22 octobre, malgré lavis de bon nombre de ses conseillers et députés, le premier ministre Chrétien sest rendu à Rideau Hall pour demander à la gouverneure générale du Canada, Adrienne Clarkson, de dissoudre le Parlement. La campagne-éclair, qui na duré que 36 jours, a été dominée notamment par le débat sur la santé, les principaux partis accusant lAlliance canadienne de vouloir créer un système à deux vitesses. La campagne a été marquée par des attaques personnelles véhémentes. Le chef libéral a mené son parti à un troisième mandat majoritaire, répétant lexploit réalisé par le libéral Wilfrid Laurier. Les Libéraux ont récolté 172 sièges, soit 17 de plus quaux élections précédentes. LAlliance canadienne compte maintenant 66 députés dans le nouveau Parlement, soit six de plus que le lancien Parti réformiste. Le Bloc québécois a perdu six sièges et compte 38 députés, le Nouveau Parti démocratique a perdu huit sièges et compte 13 députés, et le Parti conservateur a lui aussi perdu huit sièges et compte 12 députés. Le taux de participation a tout juste dépassé les 60 p. 100. 2. Le fédéralisme fiscal et son influence Les arrangements fiscaux entre les gouvernements fédéral et provinciaux portent sur les paiements de transfert et sur des questions comme la perception des impôts et des taxes. Les deux principaux paiements de transfert sont les paiements de péréquation, qui ont pour but de donner à toutes les provinces les moyens dassurer des niveaux de service minimaux, et le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS), qui regroupe les contributions fédérales à lappui de lenseignement postsecondaire, des soins de santé et de lassistance sociale. Sétablissant à environ 30 milliards de dollars par an, les paiements au titre du TCSPS sont les plus importants que le gouvernement fédéral consente aux provinces, puisque les paiements de péréquation ne sélèvent quà environ dix milliards par an. À un moment où tous les gouvernements continuent de subir des pressions financières considérables, la question des transferts intergouvernementaux est, on le comprend, délicate. Elle lest dautant plus dans le contexte fédéral canadien, toutefois, car le gouvernement central utilise depuis longtemps son pouvoir de dépenser pour soutenir des programmes qui traduisent ses priorités dans les provinceset pour faire en sorte que ces programmes soient conformes aux normes nationales. Compte tenu de la réduction sensible des dépenses fédérales ces dernières années, les provinces insistent de plus en plus pour que la présence fédérale soit réduite en conséquence. a. Questions relatives aux transferts La réaction des provinces au budget de 1995-1996 a amplement montré le caractère délicat des questions de transfert. Il a été annoncé que les transferts versés en vertu du FPÉ et du Régime dassistance publique du Canada seraient remplacés par un programme de financement global, le Transfert social canadien, lequel a entraîné des réductions générales de quelque 2,5 milliards de dollars en 1996-1997 et des réductions supplémentaires de deux milliards de dollars en 1997-1998. La première réaction de la plupart des gouvernements provinciaux a été dure, mais la réaction plutôt positive du public est venue atténuer ces critiques (ouvertement du moins) au cours des semaines qui ont suivi le budget. Le pouvoir discrétionnaire accru des provinces sur la répartition du financement entre les divers programmes, rendu possible par le nouveau transfert, a sans nul doute été un facteur qui a joué dans le même sens. Leffet de ces réductions, notamment sur les dépenses provinciales dans les domaines de léducation et la santé, est une source continue de tensions entre le fédéral et les provinces depuis 1995. Les demandes provinciales répétées de rétablissement du financement ont buté contre linsistance du fédéral que les provinces garantissent que toute nouvelle somme serait effectivement consacrée à la santé et aux écoles (et non pas à la réduction des impôts, ce que plusieurs provinces ont fait tout en dénonçant la réduction des transferts fédéraux). Depuis le milieu de 1997, lamélioration de la situation budgétaire du gouvernement fédéral est venue nourrir la grogne des provinces concernant les transferts. Avec lamélioration continue des finances fédérales, les provinces ont accru leurs demandes et réclament maintenant le plein rétablissement des transferts. Cest ainsi quà la réunion fédérale-provinciale des ministres des Finances tenue le 15 juin 1998, les provinces sauf le Québec (absent) et Terre-Neuve ont demandé soit une augmentation de 6,2 milliards (plein rétablissement), soit une somme moins élevée qui tienne compte de réductions dites semblables à celles quOttawa sétait imposées. Des demandes semblables ont été faites à la rencontre annuelle des premiers ministres des provinces à Saskatoon le 7 août suivant. En août 1999, lors de leur réunion annuelle à Québec, les premiers ministres provinciaux et les chefs territoriaux ont exprimé leurs préoccupations quant à la prestation de services de santé accessibles à tous et financés publiquement. Au cours de cette réunion, les premiers ministres et les chefs des territoires ont établi trois priorités en matière de santé :
Les premiers ministres et les chefs des territoires ont aussi réclamé du gouvernement fédéral quil rétablisse complètement le financement au titre du TCSPS à son niveau de 1994-1995 et quil lassortisse dune formule dindexation adéquate des transferts pécuniaires du TCSPS pour tenir compte de laugmentation des coûts et des pressions particulières sur la demande de services. En août 2000, à Winnipeg, les premiers ministres ont exprimé leurs inquiétudes au sujet de lécart croissant entre la capacité du gouvernement fédéral et celle des provinces et territoires de financer leurs propres programmes. Selon les provinces et les territoires, lefficience et léquité en matière de prestation de services et de programmes impliquent que lon corrige le déséquilibre fiscal vertical chronique qui existe entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires, tout autant que le déséquilibre fiscal horizontal qui existe entre les provinces et les territoires. Les premiers ministres ont souligné quen raison de la structure actuelle des revenus, des programmes et des arrangements financiers, les surplus du gouvernement fédéral devraient augmenter rapidement au cours des vingt prochaines années, pendant que les provinces, dans lensemble, auront de la difficulté à équilibrer leurs budgets. Ils se sont dits préoccupés de ce que les finances de leurs gouvernements soient particulièrement vulnérables à une augmentation, même modérée, des pressions sur les coûts des services publics essentiels ou à un ralentissement de la croissance économique. Aussi, ils ont réclamé du gouvernement fédéral quil renforce son engagement à légard du programme de péréquation afin que celui-ci réponde à ses objectifs constitutionnels. En plus du rétablissement du transfert pécuniaire du TCSPS et de la mise en place dun mécanisme dindexation approprié, les premiers ministres ont réclamé le renforcement du programme de péréquation, notamment par la suppression immédiate du plafond sur les paiements de péréquation. Les premiers ministres ont convenu que la question du déséquilibre fiscal constituait un défi financier urgent auquel est confrontée la fédération. Ils ont demandé aux ministres des Finances de faire progresser davantage les travaux afin de formuler des propositions de réforme susceptibles de régler de façon plus permanente les déséquilibres fiscaux horizontal et vertical au Canada. Enfin, ils ont reconnu la nécessité dun financement fédéral adéquat, prévisible et permanent pour léducation postsecondaire et le développement des compétences. Ils ont aussi élaboré un plan daction détaillé concernant le développement de la petite enfance. b. Normes nationales et union sociale Depuis 1995, la limitation des transferts fédéraux a coïncidé avec lessai par les provinces de nouveaux mécanismes de prestation, notamment dans le domaine de la santé. Dans plusieurs cas, les initiatives des provinces ont suscité une contre-attaque du fédéral pour maintenir les normesou pratiques prescrites par lui, ce qui a provoqué des affrontements importants avec certaines provinces. Un exemple frappant de ces affrontements est le différend entre le fédéral et lAlberta, au cours de 1995 et 1996, à propos des « frais détablissement » exigés par les cliniques privées. Cela a abouti à des sanctions fédérales et, au bout du compte, le gouvernement provincial a accepté dassumer les frais exigés des usagers des cliniques. Présenté le 2 mars 2000 à lAssemblée législative de lAlberta par le ministre albertain de la Santé, le projet de loi no 11 a aussi suscité une certaine controverse sur le plan des relations fédérales-provinciales. Plusieurs commentateurs ont maintenu que le projet de loi ne respectait pas lesprit de la Loi canadienne sur la santé et quà long terme, il ouvrait la voie à un système à deux vitesses. Le gouvernement fédéral, bien quil ne se soit pas opposé publiquement au projet de loi, a toutefois émis des réserves. Dans une lettre adressée à son homologue albertain, le ministre fédéral de la Santé, lhonorable Allan Rock, a présenté la position de son gouvernement. La loi vise avant tout à permettre aux autorités régionales de la santé, avec lapprobation du ministre, de sous-traiter des interventions chirurgicales mineures, qui constituent des services assurés pour lesquels des prestations sont versées conformément à lAlberta Health Care Insurance Act à des établissements privés de chirurgie approuvés par le gouvernement. Lautre aspect important du projet de loi est la plus grande réglementation des établissements privés de chirurgie qui offrent des services non assurés et nécessitant une hospitalisation de plus dun jour. Les divergences dopinion sur lexclusivité dont devrait jouir le gouvernement fédéral pour ce qui est dappliquer des normes nationales dans des champs de compétence provinciale sont devenues depuis un des éléments majeurs dun débat plus général sur le rôle et les responsabilités dans les programmes sociaux. La position des provinces est énoncée en détail dans un rapport de décembre 1995 présenté par les provinces (le Québec excepté) comme base de réforme de la fédération. Dans ce rapport, qui a été remis au premier ministre pour quil y réponde à la conférence des premiers ministres provinciaux de 1996, les provinces ont énoncé diverses demandes :
En août 1997, la Conférence annuelle des premiers ministres provinciaux a adopté un rapport détape sur les thèmes définis lannée précédente. Les premiers ministres ont convenu de tenter dobtenir un accord-cadre avec le gouvernement fédéral sur des enjeux intersectoriels tels que les principes communs, lexercice du pouvoir fédéral de dépenser et de nouveaux mécanismes de règlement des différends. Le mois suivant, en contrepartie de leur adoption de linitiative de Calgary, les provinces obtenaient la promesse que les représentants fédéraux se réuniraient avec eux à lautomne pour discuter des enjeux de lunion sociale. Le 12 décembre 1997, les premiers ministres provinciaux ont convenu quun accord-cadre sur lunion sociale serait mis au point, par lentremise du Conseil fédéral-provincial-territorial sur le renouvellement de la politique sociale (un forum permanent de discussions intergouvernementales sur la politique sociale), avec comme date-butoir juillet 1998. Les pourparlers sur laccord-cadre ont officiellement commencé le 13 mars 1998, sous la coprésidence de la ministre fédérale de la Justice, lhonorable Anne McLellan, et du ministre des Affaires intergouvernementales et autochtones de la Saskatchewan, Bernhard Wiens. Dès juin 1998, les provinces (sans le Québec) avaient mis au point une proposition concernant le « processus » de léventuel accord-cadre. La proposition énonçait diverses formes de collaboration et prévoyait lassujettissement des programmes nationaux (nouveaux ou modifiés) dans les champs de compétence provinciale (à frais partagés ou pas) au consentement de la majorité des provinces. En outre, elle aurait obligé le gouvernement fédéral à fournir une compensation à tout territoire ou province qui choisit de ne pas y participer, à condition quil ou elle mette en place son propre programme axé sur les aspects prioritaires du programme national. À la mi-juillet, une rencontre des ministres fédéraux et provinciaux, où le gouvernement fédéral devait faire connaître sa réponse aux propositions des provinces, a été annulée. Plus tard au cours du même mois, le gouvernement fédéral a refusé de limiter son pouvoir de dépenser au-delà de ce à quoi il sétait engagé en 1996, et il a réaffirmé la nécessité du rôle exclusif du fédéral dans linterprétation et lapplication de normes nationales. Le fédéral sest néanmoins montré réceptif à lidée de consultations plus poussées avec les provinces sur lélaboration et la mise en oeuvre de nouveaux programmes sociaux, notamment un préavis de 12 mois avant linstauration dun programme de ce type. À leur conférence annuelle des 5 au 7 août 1998, les premiers ministres provinciaux ont réaffirmé leur position sur le cadre dunion sociale annoncé en juin et réclamé un projet dentente avant la fin de lannée. Geste significatif, le premier ministre du Québec, Lucien Bouchard, a approuvé à la conférence les propositions provinciales sur le cadre dunion sociale. Jusque-là, le Québec avait rejeté les propositions de partage des pouvoirs au motif que le gouvernement fédéral na rien à faire dans un champ de compétence provinciale. c. Entente sur l'union sociale (février 1999) Le 4 février 1999, le premier ministre du Canada, les premiers ministres des provinces, à lexception du Québec, et les chefs territoriaux ont signé une nouvelle entente-cadre sur lunion sociale. Selon le gouvernement fédéral, lentente, qui sera réexaminée après trois ans, vise à favoriser légalité des chances entre Canadiens, peu importe où ils vivent au Canada, et à améliorer leur mobilité. Dans lentente, le gouvernement fédéral sest engagé à ne pas lancer de nouvelles initiatives pancanadiennes dans le domaine social sans le consentement de la majorité des provinces et à travailler en collaboration avec elles pour déterminer les objectifs à poursuivre. Dautre part, lentente-cadre met en relief la nécessité daccroître la transparence et loligation de rendre compte des gouvernements. Elle prévoit également des mécanismes de prévention et de règlement des différends. En dépit du refus du gouvernement du Québec dy adhérer, lentente sur lunion sociale intervenue entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux le 4 février 1999 a marqué une étape importante dans lévolution des relations intergouvernementales, et ce, malgré son caractère administratif. Dans son rapport de suivi sur lentente remis aux premiers ministres le 10 août 2000, le Conseil provincial/territorial sur le renouvellement de la politique sociale a exprimé certaines réserves quant à la mise en uvre de laccord. Le Conseil a entre autres reproché au gouvernement fédéral de ne pas avoir tenu compte de lesprit de lentente dans la mise sur pied du programme daide aux sans-abri, la première annonce importante à survenir après la signature de lentente. Par ailleurs, la légitimation du pouvoir fédéral de dépenser dans le secteur des programmes sociaux et le recours par le gouvernement fédéral à des transferts directs aux particuliers et aux organisations pour lancer de nouvelles initiatives sociales pancanadiennes constituent les principaux motifs du refus du gouvernement du Québec de signer lentente. d. Entente sur le financement des soins de santé Le 11 septembre 2000, à loccasion dune réunion fédérale-provinciale, les premiers ministres se sont entendus sur une vision, des principes et un plan daction pour guider leurs interventions au cours des prochaines années dans le domaine de la santé et du développement de la petite enfance. Le gouvernement du Québec a toutefois choisi de ne pas donner son appui à laccord régissant le développement de la petite enfance, jugeant quil sagissait dune compétence constitutionnelle réservée aux provinces, mais a consenti à recevoir les sommes additionnelles pour le financement des soins de santé. Par suite des ententes conclues par les premiers ministres, le gouvernement fédéral sest engagé à investir 23,4 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. De ce montant, le gouvernement investira 21,1 milliards de dollars dans le TCSPS. La loi régissant le TCSPS a ainsi été prorogée afin que les provinces et les territoires puissent bénéficier dune aide financière stable et prévisible jusquen 2005-2006. Le gouvernement fédéral fournira également une aide financière ciblée de 2,3 milliards de dollars pour permettre aux provinces et aux territoires de faire face aux défis spécifiques auxquels ils sont confrontés en matière de soins de santé. Dans le fédéralisme contemporain, les gouvernements fédéral et provinciaux agissant chacun dans sa sphère de compétence se trouvent à intervenir dans des domaines que navaient jamais envisagés les Pères de la Confédération. Afin de coordonner les activités, de clarifier les rôles et datteindre certains objectifs, les gouvernements ont conclu des ententes en bonne et due forme dans beaucoup de ces domaines. Ainsi, malgré le battage autour des tensions sur les questions fiscales et dunité nationale et sur les rôles en matière de politique sociale, il y a de grands secteurs où la coopération fonctionne bien. Depuis peu après lélection du présent gouvernement, un processus dexamen des responsabilités fédérales et provinciales dans divers secteurs, de clarification des rôles, de réduction des doubles emplois et damélioration de lefficience, progresse régulièrement. On a obtenu des résultats tangibles, tels que :
Agriculture : Les négociations pour créer un filet de sécurité agricole national, dont le fédéral et les provinces partageront le coût, sont un exemple récent du processus dententes intergouvernementales, et des aléas qui peuvent faire traîner les choses en longueur. Au cours de 1996, des ententes ont été signées par le gouvernement fédéral et lAlberta, lOntario, lÎle-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse. Vers la fin de 1996, lAlberta a retiré sa participation, pour tenir compte des critiques que faisaient valoir depuis longtemps les agriculteurs de cette province. Le 7 janvier 1997, le ministre fédéral de lAgriculture, lhonorable Ralph Goodale, a répondu en engageant le gouvernement fédéral à récupérer la part du financement dévolue à lAlberta, ce qui permettrait au programme de continuer à être entièrement financé. Depuis, une entente Canada-Manitoba a été annoncée le 3 avril 1997, et une entente Canada-Québec a vu le jour le 14 novembre suivant. Le 24 février 1999, à Victoria, le gouvernement fédéral et les provinces se sont entendus sur la mise sur pied dun programme daide aux fermiers financé dans une proportion de 60 p. 100 par le fédéral et de 40 p. 100 par les provinces. Au cours dune réunion de deux jours des ministres fédéral et provinciaux de lAgriculture, neuf provinces ont convenu quelles participeraient au programme dAide en cas de catastrophe liée au revenu agricole (ACRA), sous réserve dune décision favorable de leur gouvernement. La Nouvelle-Écosse na pas pris dengagement, mais a indiqué quelle poursuivait ses pourparlers avec le gouvernement fédéral en vue dadhérer au programme. Le gouvernement fédéral sest engagé à verser jusquà 900 millions de dollars en vertu du principe de partage des coûts selon un rapport de 60:40. Puisque le programme ACRA est régi par la demande, les dépenses engagées à ce titre dépendaient de lampleur des difficultés financières des agriculteurs au cours de 1998 et 1999. Le 10 mars 1999, une entente entre la Saskatchewan et le gouvernement fédéral a été conclue et prévoit loctroi dune somme additionnelle de 85 millions de dollars aux agriculteurs de cette province. En juillet 2000, à Fredericton, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de lAgriculture ont conclu un accord-cadre de trois ans en matière de protection du revenu agricole. Le nouvel accord-cadre visait à accorder plus de stabilité financière au secteur agricole. Laccord jette les bases dune série de programmes visant à solutionner divers problèmes liés au revenu agricole et résultant de plusieurs facteurs, notamment la fluctuation des prix, les mauvaises conditions climatiques et les subventions étrangères. Conformément à laccord, le gouvernement fédéral consentira jusquà 3,3 milliards de dollars au cours des trois prochaines années. Les provinces pourront investir jusquà 2,2 milliards de dollars. Les coûts des programmes conjoints seront partagés entre les gouvernements fédéral et provinciaux selon la proportion habituelle de 60:40. Laide aux agriculteurs est demeurée un sujet dactualité à la fin de lannée 2000 et au début de lannée 2001. Prestation nationale pour enfants : Des discussions sur une approche coordonnée face à la pauvreté des enfants qui intégrerait les prestations fiscales fédérales et les prestations sociales des provinces ont commencé à la fin de 1996, sorte de pourparlers complémentaires continus sur lunion sociale. Dès le début de 1997, les gouvernements sétaient entendus sur les paramètres de la prestation, et sur les rôles du fédéral et des provinces. Le niveau du financement fédéral a fait lobjet dun débat : les provinces ont maintenu leurs pressions pour un financement accru jusquà ce que le budget de février 1997 fixe le paiement fédéral à 600 millions de dollars par année, en sus des 250 millions du Supplément du revenu gagné annoncés une année plus tôt. Jusquen 1998, les gouvernements se sont entendus sur des modalités de mise en application (dont une formule innovatrice de redditions de comptes comportant la publication annuelle de données sur le rendement). Dans le budget du 24 février 1998, le gouvernement fédéral a annoncé des paiements additionnels de 425 millions pour juillet 1999, et un montant de 425 millions pour juillet 2000. La Prestation nationale pour enfants est entrée en vigueur le 1er juillet 1998 dans toutes les provinces, sauf le Québec (qui gérera son propre régime de prestations pour enfants comme supplément du revenu). Depuis son implantation, le gouvernement fédéral a continué dinvestir des sommes considérables dans ce programme, et ce, à chacun des exercices budgétaires. Dans son budget de février 2000, il a annoncé quil injecterait 2.5 milliards de dollars jusquen 2004. Formation de la main-doeuvre : Le processus de discussion et dententes sur le transfert aux provinces de la responsabilité de la formation de la main-doeuvre, lancé par le gouvernement fédéral à la suite du référendum au Québec, sest poursuivi. La première entente a été signée avec lAlberta le 6 décembre 1996, et celle entre le gouvernement fédéral et le Québec est intervenue le 21 avril 1997. La plus récente est celle avec la Saskatchewan, signée le 6 février 1998; comme les autres, elle a pour objet de donner à la province la responsabilité délaborer et de fournir des programmes et services demploi financés sur le Compte dassurance-emploi. Le 7 avril 1998, on a annoncé lamorce de négociations officielles entre le gouvernement fédéral et lOntario, le seul gouvernement à ne pas avoir conclu dentente dans ce domaine. Lenvironnement : LAccord pancanadien sur lharmonisation environnementale, signé le 29 janvier 1998 par le gouvernement fédéral et toutes les provinces à lexception du Québec, est un autre exemple probant de coopération intergouvernementale. LAccord prévoit la coordination des instances existantes en vue daméliorer la gestion de lenvironnement. Cela a mis en branle un processus qui a abouti, le 11 septembre 1998, à des ententes auxiliaires sur des principes de reddition de comptes et de participation des parties prenantes à lélaboration de normes environnementales. Au Canada, les relations fédérales-provinciales ressemblent à un mélange subtil daffrontements et de coopération, tenant à des impératifs à la fois politiques et pratiques. Ces dernières années, les enjeux de lunité nationale, sajoutant aux tensions dues aux compressions budgétaires, ont eu un impact profond sur la sphère des relations fédérales-provinciales. Plus récemment, comme lindiquent les ententes sur lharmonisation environnementale et lentente sur lunion sociale, on semble mettre laccent sur la définition officielle des rôles et responsabilités. Si cette tendance porte ses fruits, il pourrait en résulter une meilleure gestion des relations fédérales-provinciales au moyen de normes, de règles et de principes paraconstitutionnels. Cette approche pourrait prendre le relais des ententes ponctuelles du passé, ce qui favoriserait une responsabilité accrue des deux ordres de gouvernement devant les citoyens. Sur une note moins optimiste, cette tendance pourrait entraver les processus établis de coopération fonctionnelle en les soumettant à de longs débats sur des enjeux quasi constitutionnels comme les pouvoirs, la reconnaissance et le statut juridique. Les relations fédérales-provinciales sont centralisées au niveau des exécutifs, ces contacts donnant épisodiquement lieu à des initiatives qui doivent être ratifiées par les assemblées législatives. Mais une fois quune entente intergouvernementale intervient, la marge de manoeuvre du Parlement est normalement très réduite. Si une assemblée y apportait des modifications, cela pourrait entraîner des délais importants, ou la disparition de lentente. Plusieurs mécanismes permettent dassocier le Parlement dès le départ, notamment les consultations prébudgétaires du Comité permanent des finances, les comités spéciaux créés périodiquement pour consulter le public sur des propositions constitutionnelles, et les études spéciales des comités permanents sur des enjeux de nature intergouvernementale. Les gouvernements peuvent accepter ou rejeter les résultats de ces initiatives. 21 décembre 1993 - Les premiers ministres fédéral et provinciaux conviennent de procéder de concert à une refonte globale des rôles et responsabilités des deux ordres de gouvernement en vue déliminer les dédoublements et chevauchements. 21 janvier 1994 - Les gouvernements des provinces accueillent favorablement les modifications apportées par le gouvernement fédéral à la formule de péréquation. 14 avril 1994 - LAssemblée nationale du Québec adopte une résolution, appuyée par le Parti libéral et le Parti québécois, affirmant la compétence exclusive de la province en matière de formation de la main-doeuvre. 27 février 1995 - Les réductions des transferts aux provinces annoncées dans le budget fédéral suscitent de sévères critiques de la part des premiers ministres provinciaux. 30 octobre 1995 - Le camp fédéraliste remporte de peu la victoire avec 50,6 p. 100 des voix lors du référendum québécois. 25 septembre 1996 - Le ministre de la Justice, lhonorable Allan Rock, annonce le renvoi à la Cour suprême de trois questions concernant la légalité dune sécession unilatérale du Québec. 2 juin 1997 - Lélection fédérale se traduit par une majorité libérale (réduite), laissant léchiquier politique presque inchangé par rapport à ce quil était en 1993. 15 septembre 1997 - Les premiers ministres provinciaux (en labsence de celui du Québec) sentendent sur un ensemble de principes (laccord de Calgary) qui serviront de point de départ aux consultations sur lunité nationale. 15 mars 1998 - Des pourparlers sont entamés sur un accord-cadre général sur lunion sociale. 20 août 1998 - La Cour suprême du Canada rend publique sa décision sur le renvoi de 1996 relatif à la question de la sécession unilatérale. 4 février 1999 - Une entente sur lunion sociale est signée entre le premier ministre du Canada et les premiers ministres provinciaux et les chefs territoriaux (le Québec nadhère pas à lentente). 1er avril 1999 - Création du territoire du Nunavut. 29 juin 2000 - Le projet de loi C-20 sur la clarté référendaire reçoit la sanction royale. Asselin, Robert. Lunion sociale canadienne : questions relatives au partage des pouvoirs et au fédéralisme fiscal. PRB 00-31F, Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement, mars 2001. Canada, Gouvernement. Renouvellement de la fédération canadienne : Rapport détape. Document dinformation pour la Conférence des premiers ministres, 20 et 21 juin 1996. Ottawa, 1996. Banting, Keith, Douglas M. Brown et Thomas J. Courchene (dir.). The Future of Fiscal Federalism, Kingston, School of Policy Studies, Université Queens, 1994. Cairns, Alan C. Reconfigurations: Canadian Citizenship and Constitutional Change. Douglas E. Williams (dir.). Toronto, McClelland and Stewart Inc., 1995. Courchene, Thomas J. Access - A Convention on the Canadian Economic and Social Systems.Document de travail pour le ministre des Affaires intergouvernementales. Gouvernement de lOntario, août 1996. Knop, Karen, Sylvia Ostry, Richard Simeon et Katherine Swinton (dir.). Rethinking Federalism: Citizens, Markets and Gouvernements in a Changing World. Vancouver, UBC Press, 1995. Oiling, R.D. et M. Westmacott (dir.). Perspectives on Canadian Federalism. Scarborough, Prentice-Hall Canada Inc., 1988. Renvoi relatif à la sécession du Québec. Cour suprême du Canada, 20 août 1988. Simeon, Richard. Le partage des pouvoirs et la politique dÉtat. Commission royale sur lunion économique et les perspectives de développement du Canada. Ottawa, Centre dédition du Gouvernement du Canada, Approvisionnements et Services Canada, 1985. Stilborn, Jack. Normes nationales et programmes sociaux : Que peut faire le gouvernement fédéral? Étude générale BP-379F, Direction de la recherche parlementaire, Bibliothèque du Parlement, septembre 1997. * La première version de ce bulletin d'actualité a été publiée en février 1994. Le document a été sans cesse mis à jour depuis. Pour un compte rendu plus détaillé des relations fédérales-provinciales entre 1986 et 1993, voir Jack Stilborn, Les relations fédérales-provinciales (1986-1993), CIR 86-2F (archivé), Bibliothèque du Parlement. |