93-6F

 

LE MULTICULTURALISME CANADIEN

 

Rédaction :
Marc Leman
Division des affaires politiques et sociales
Révisé le 15 février 1999


 

TABLE DES MATIÈRES

DÉFINITION DU SUJET

CONTEXTE ET ANALYSE

   A. Le multiculturalisme comme fait de société dans la vie canadienne

   B. Le multiculturalisme comme politique officielle au niveau fédéral

      1. La naissance (avant 1971)
      2. La formation (1971-1981)
      3. L'institutionnalisation (de 1982 à aujourd'hui)

   C. Attitudes à l'égard du multiculturalisme

   D. Politiques provinciales de multiculturalisme

MESURES PARLEMENTAIRES

   A. Projet de loi C-93 (Loi sur le multiculturalisme canadien)

   B. Projet de loi C-37 (Loi sur l'Institut canadien des langues patrimoniales)

   C. Projet de loi C-63 (Loi constituant la Fondation canadienne des relations raciales)

   D. Rapport du Comité permanent du multiculturalisme et de la citoyenneté, juin 1993

CHRONOLOGIE

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

 


LE MULTICULTURALISME CANADIEN*

DÉFINITION DU SUJET

L'idée que le Canada est une « société multiculturelle » peut s'interpréter de différentes manières : de façon descriptive (fait de société), de manière normative (idéologie), d'un point de vue politique (orientation) ou comme une dynamique complexe dans les relations entre groupes (processus).

En fait, le « multiculturalisme » au Canada désigne la présence et à la survie de diverses minorités raciales et ethniques qui se définissent comme différentes et tiennent à le demeurer. Sur le plan des idées, le multiculturalisme recouvre un ensemble relativement cohérent de notions et d'idéaux qui concernent la mise en valeur de la mosaïque culturelle au Canada. Politiquement, le multiculturalisme se structure autour de la gestion de la diversité par des initiatives officielles aux échelons fédéral, provincial et municipal. Enfin, le multiculturalisme est le processus par lequel les minorités raciales et ethniques s’efforcent d’obtenir des autorités centrales les moyens d’atteindre leurs objectifs et de satisfaire certaines leurs aspirations.

Dans le présent bulletin, nous analysons le multiculturalisme canadien à la fois comme réalité démographique et comme orientation politique.

CONTEXTE ET ANALYSE

   A. Le multiculturalisme comme fait de société dans la vie canadienne

Le Canada pourrait être défini comme une société multiculturelle dont la diversité raciale et ethnique s'exprime de diverses manières. Depuis quelques années, une politique d'immigration proactive a fait croître le nombre de demandes en provenance de régions comme l'Asie, l'Afrique, l'Amérique centrale et les Antilles, qui, traditionnellement, n'avaient pas fourni beaucoup d'immigrants au pays. À en juger par les niveaux d'immigration actuels, la diversité multiculturelle du Canada continuera de s'épanouir d'une manière ou d'une autre au XXIe siècle. Il convient de noter que c'est surtout en Ontario, particulièrement dans l'agglomération torontoise, ainsi que dans les régions urbaines de Vancouver et de Montréal, que cette diversité est manifestée.

Sur le plan démographique, certains analystes proposent de distinguer dans la société canadienne trois grandes « forces ». La première est celle des Autochtones, et elle englobe les Indiens inscrits et non inscrits, les Métis et les Inuits. La Loi constitutionnelle de 1982 définit ces populations comme des peuples autochtones. En 1991, 1 002 675 personnes, soit environ 3,7 p. 100 de la population totale, se déclaraient entièrement ou partiellement d'origine autochtone. La deuxième force se compose des groupes colonisateurs qui ont fini par se définir comme les membres fondateurs de la société canadienne. Il s’agit des collectivités francophone et anglophone, qui sont connues comme les groupes fondateurs. La troisième force est celle des minorités raciales et ethniques n'appartenant pas aux groupes fondateurs; elle regroupe les Autochtones et les Canadiens nés au Canada ou à l'étranger et dont les ancêtres ne sont ni français ni britanniques.

Les membres de ces trois grands groupes sont arrivés au Canada petit à petit ou en foule au fil des ans; les premiers ont été les ancêtres des Amérindiens, venus d'Asie, et ils ont été suivis, des milliers d'années plus tard, par les colons français et britanniques, qui se sont arrogé le titre de fondateurs du Canada. Au début du siècle, le Canada a ouvert ses portes à d'autres Européens et Asiatiques, bien que cela n'ait pas été sans susciter une certaine hostilité de la part d'une partie assez importante de la population. Ces dernières années, le nombre d'immigrants acceptés au Canada, bien qu'il soit non négligeable, est resté en deça de celui des grandes périodes qui ont précédé la Première Guerre mondiale et suivi la Seconde. Les tendances se sont également modifiées en faveur de régions qui n'avaient pas fourni jusque-là beaucoup d'immigrants, comme l'Asie, les Antilles, l'Amérique du Sud et l'Amérique centrale. Fait tout aussi important, un nombre sans précédent de réfugiés — dont beaucoup provenaient de pays du tiers monde — ont demandé leur admission au pays.

La composition ethnique et immigrante de la population est une indication manifeste de la diversité culturelle du Canada. À l'époque de la Confédération, la population canadienne était avant tout britannique (60 p. 100) et française (environ 30 p. 100). En 1981, en raison de la baisse de la natalité et de l'apport de l'immigration non européenne, les groupes d'origine britannique et française ne représentaient plus que 40 et 27 p. 100. Les chiffres de 1991 sont encore plus révélateurs, bien qu’il soit possible que le déclin de la population totale des groupes d'origine exclusivement britannique et française soit en partie attribuable à l'ajout de la catégorie des origines multiples dans les formulaires de recensement. Sur les 26 994 045 habitants que compte le Canada, plus de 11 millions (11 252 335), soit 41,7 p. 100, ont déclaré avoir certaines origines non britanniques ou non françaises. La proportion des Canadiens d'origine exclusivement britannique a diminué (de 33,6 p. 100 en 1986 à 28,6 en 1991), tout comme celle des Canadiens d'origine exclusivement française (de 24,4 p. 100 en 1986 à 22,9 en 1991). Ceux qui ont déclaré avoir des origines et britanniques et françaises représentent 4 p. 100 de la population.

Dans le recensement de 1996, au moins 44 p. 100 des Canadiens ont indiqué une origine autre que française, britannique ou canadienne. Les Canadiens d’origine allemande, italienne, autochtone, chinoise, sud-asiatique et philippine comptaient parmi les quinze plus grands groupes ethniques. En outre, 3,2 millions de personnes, soit 11,2 p. 100 de la population, se sont identifiées comme appartenant à une minorité visible. Les Chinois, les Sud-Asiatiques et les Noirs constituent les deux tiers des minorités visibles.

La diversité linguistique est également au coeur du pluralisme canadien. D'après le recensement de 1991, l'anglais domine comme première langue (maternelle), étant parlé par 60,6 p. 100 de la population; le français vient au deuxième rang, à 23,8 p. 100, ce qui laisse 13 p. 100 pour les autres langues. Si l’on tient compte des personnes qui déclarent avoir plus d'une langue maternelle, les proportions s'établissent respectivement à 62,9, 24,9 et 14,9 p. 100. Le degré de diversité diminue quelque peu, si on l'évalue d'après la langue parlée au foyer. Sur ce plan, l'anglais prédomine, d'après le recensement, car son usage au foyer atteint 68,5 p. 100, contre 23,5 p. 100 pour le français et 8 p. 100 pour les autres langues. En ce qui concerne les autres langues « patrimoniales », les statistiques révèlent que l'italien et l'allemand dominent, parmi les langues non officielles, avec environ 700 000 locuteurs chacun. Viennent ensuite le chinois, parlé par plus de 550 000 personnes, l'espagnol, parlé par plus de 400 000 personnes et le portugais, avec plus de 250 000 personnes. Si l'on tient compte de la langue d'usage au foyer, l'ordre est le suivant : chinois, italien, portugais, espagnol et allemand. Ces chiffres se passent de commentaires : dans les faits la société canadienne est multiculturelle.

   B. Le multiculturalisme comme politique officielle au niveau fédéral

Les analystes conviennent généralement que le multiculturalisme au niveau fédéral, dans sa nature même et ses caractéristiques, s'est développé en trois phases : la naissance (avant 1971), la formation (1971-1981) et l’institutionnalisation (de 1982 à nos jours).

      1. La naissance (avant 1971)

La meilleure description qu'on puisse donner de l'époque antérieure à 1971 est celle d'un évolution graduelle vers l'acceptation de la diversité ethnique comme aspect légitime et indissociable de la société canadienne. Les efforts d'édification de la nation, aux plans des symboles et de la culture, tendaient à reproduire au Canada une société de type britannique. Culturellement, cela se voyait dans les institutions politiques, économiques et sociales du pays. Tous les Canadiens étaient définis comme des sujets britanniques jusqu'à l'adoption de la Loi sur la citoyenneté canadienne, en 1947, et divers symboles culturels tendaient à légitimer les fondements britanniques du Canada d'expression anglaise. Essentiellement, les autorités centrales ne reconnaissaient pas de valeur à l'hétérogénéité culturelle, estimant que les différences raciales et ethniques allaient à l'encontre des intérêts nationaux et nuisaient au caractère et à l'intégrité du Canada. Seule l'arrivée massive d'immigrants européens après la Seconde Guerre mondiale a pu inciter les autorités centrales à repenser le rôle et le statut des « autres groupes ethniques » dans la dynamique en mutation de la société canadienne.

L’évolution des années 60, sous la poussée des événements, a préparé la disparition de la politique officielle d'assimilation et l'émergence du multiculturalisme. Les pressions en faveur de ce changement sont venues de l'affirmation de plus en plus ferme des Autochtones, d'un nationalisme québécois fort et d'un vif ressentiment des minorités ethniques à l'égard de leur place dans la société.

      2. La formation (1971-1981)

Le quatrième livre du rapport de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme traite de la contribution des groupes ethniques à l'enrichissement de la culture canadienne; il recommande que le gouvernement intègre (et non assimile) dans la société canadienne les groupes ethniques non fondateurs en leur reconnaissant tous les droits accordés aux citoyens et en les faisant participer sur un pied d'égalité aux institutions du pays. Les recommandations de la Commission ont hâté l’élaboration d'une politique ethnoculturelle innovatrice. Les objectifs clés de la politique, annoncés en octobre 1971 et précisés au fil des ans, étaient les suivants :

  • Aider les groupes culturels à conserver et à affirmer leur identité.

  • Aider les groupes culturels à surmonter les obstacles qui entravent leur pleine participation à la société canadienne (ainsi, la politique de multiculturalisme préconisait la participation pleine et égale des minorités ethniques aux institutions centrales, sans leur nier le droit de s'identifier à certains éléments de leur passé culturel).

  • Promouvoir des échanges fructueux entre tous les groupes culturels au Canada.

  • Aider les immigrants à apprendre au moins l'une des deux langues officielles.

La poursuite de ces objectifs dépendait du financement offert par l'État. Au cours de la première décennie d'application, près de 200 millions de dollars ont été affectés à des initiatives spéciales favorisant la conservation des langues et cultures. La création d'une Direction du multiculturalisme au Secrétariat d'État a été approuvée en 1972 pour faciliter la mise en oeuvre de politiques et programmes multiculturels. Les activités parrainées par la Direction visaient à aider les minorités ethniques dans divers domaines : droits de la personne, lutte contre la discrimination raciale, citoyenneté, immigration et diversité culturelle. Un ministère d’État au Multiculturalisme a été mis sur pied en 1973 pour veiller à la concrétisation des initiatives multiculturelles dans les ministères. En outre, des mécanismes officiels assurant des liens entre le gouvernement et les organismes ethniques ont vu le jour, comme le Conseil canadien du multiculturalisme, en 1973, qui est devenu par la suite le Conseil ethnoculturel du Canada.

C’est surtout en termes linguistiques et culturels que les architectes de la politique de 1971 avaient vu les obstacles à l’adaptation sociale et à la réussite économique. L’augmentation marquée du nombre d'immigrants de minorités visibles, dont les préoccupations premières étaient l'emploi, le logement et la discrimination, exigeait un changement de cap. L’égalité par la suppression des barrières de la discrimination raciale devint le premier objectif des programmes multiculturels, et des politiques et programmes de relations raciales furent mis en place afin de déceler, de cerner et de combattre la discrimination raciale au niveau personnel et institutionnel. On a fortement encouragé la prise de mesures favorisant la pleine participation des minorités culturelles à la vie de la société canadienne.

      3. L'institutionnalisation (de 1982 à aujourd'hui)

Au cours des années 80, la politique multiculturelle s'est progressivement institutionnalisée. Ses mutations ont coïncidé avec une période de difficultés dans les relations interraciales au Canada. Dans les grandes villes, en un court laps de temps, l’immigration a transformé profondément la composition démographique. Le Canada a aussi vu apparaître des individus et des groupes faisant la promotion d'idées racistes. Le gouvernement a d'abord fait porter ses efforts sur les réformes institutionnelles afin d'aider les institutions canadiennes à s'adapter à la présence de nouveaux groupes d'immigrants. Un autre coup de barre a été l'implantation de programmes antidiscrimination favorisant l'abolition des barrières sociales et culturelles qui séparent les groupes minoritaires et majoritaires au Canada.

En 1982, la notion du multiculturalisme a été enchâssée dans la Charte canadienne des droits et libertés. L'article 27 de la Charte dispose :

Toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens.

Cette disposition revêt une importance critique pour ce qui est de situer le multiculturalisme dans le cadre plus large de la société canadienne. Elle permet aux tribunaux de tenir compte de la réalité multiculturelle du Canada aux plus hauts niveaux de la prise de décisions. Pour reprendre l'expression d'un ancien commissaire aux droits de la personne, elle est un « prisme » guidant l'interprétation des tribunaux lorsqu'ils doivent faire la part des droits individuels et multiculturels (souvent collectifs). Un exemple pertinent est l'opposition entre la liberté d'expression et l'interdiction des calomnies et de la propagande haineuse à connotation raciale. En vertu de la Charte, le principe même de la liberté d'expression est incompatible avec une liberté d'expression absolue.

En outre, la Charte canadienne des droits et libertés parle de l'élimination des manifestations de discrimination en garantissant à tous l'égalité et la justice devant la loi, sans égard à la race ou à l'origine ethnique. Le paragraphe 15(1) dispose :

La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

En outre, le paragraphe 15(2) établit que le droit à des avantages non discriminatoires, sans interdire la nécessité de mesures spéciales pour aider les groupes défavorisés.

En 1984, le Comité parlementaire spécial sur les minorités visibles a publié un rapport très connu, L'égalité, ça presse! et, en 1985, le Comité permanent de la Chambre sur le multiculturalisme a vu le jour. Le Comité, dans un long rapport présenté en 1987, a réclamé une nouvelle politique de multiculturalisme et la création d'un ministère du Multiculturalisme.

Une nouvelle politique de multiculturalisme aux objectifs et à l'orientation plus clairs est entrée en vigueur en juillet 1988, avec l’adoption de la Loi sur le multiculturalisme par le Parlement. Le Canada a été le premier pays au monde à adopter une loi nationale sur le multiculturalisme. Cette loi reconnaît le multiculturalisme comme une caractéristique fondamentale de la société canadienne, qui doit faire partie intégrante du processus de prise de décisions à l'échelon fédéral. La Loi sur le multiculturalisme, dont l'objectif est de préserver et de renforcer le multiculturalisme au Canada, tend à faciliter la préservation de la culture et de la langue, à combattre la discrimination, à favoriser la sensibilisation et la compréhension culturelles et à promouvoir au niveau fédéral des changements institutionnels qui tiennent compte de la dimension culturelle.

La Loi, pour maintenir l'équilibre entre le caractère distinctif et l'égalité des cultures, précise le droit de tous de s'identifier au patrimoine culturel de leur choix tout en continuant de participer de façon pleine et équitable à tous les aspects de la société canadienne. En fait, la Loi vise à préserver, à renforcer et à intégrer les différences culturelles dans le fonctionnement de la société canadienne, tout en assurant l'égalité d'accès et la pleine participation de tous les Canadiens dans les sphères sociale, politique et économique. Elle porte également sur l'éradication du racisme et la suppression des barrières discriminatoires, qui sont inconciliables avec l'engagement du Canada en faveur des droits de la personne.

En outre, le multiculturalisme est un bon instrument de changement pour supprimer les barrières faisant obstacle à la participation des citoyens à l'équité, à l'accès et à la représentation au sein des institutions. La Loi reconnaît la nécessité d'accroître la participation des minorités aux grandes institutions du Canada en y faisant régner la diversité comme un élément naturel, normal et positif dans la prise des décisions, la répartition des ressources et l'établissement des priorités. Tous les organismes gouvernementaux, les ministères et les sociétés d'État, et pas seulement le ministère chargé du Multiculturalisme, doivent maintenant prendre des initiatives pour promouvoir la diversité culturelle au Canada, et participer à la conception et à la mise en oeuvre de plans, programmes, procédures et stratégies de prise de décisions afin de faciliter une participation entière et égale des minorités dans les institutions.

La mesure créant un ministère du Multiculturalisme et de la Citoyenneté en bonne et due forme a été déposée au Parlement à l'automne de 1989 et adoptée dans sa forme définitive au début de 1991. Les programmes officiels établis dans le cadre du nouveau ministère sont les suivants :

  • Relations interraciales et compréhension interculturelle, dont le but est de « promouvoir entre Canadiens et auprès des institutions canadiennes l'appréciation et l'acceptation des principes du multiculturalisme ainsi que leur mise en pratique ».

  • Cultures et langues ancestrales, qui a pour objet d'« aider les Canadiens à conserver, à valoriser et à partager leur culture, leur langue et leur identité ethnoculturelle ».

  • Participation et appui communautaire, « pour favoriser la participation pleine et entière à la vie de la société canadienne pour les particuliers et les groupes issus des minorités ethnoculturelles du Canada ».

Alors que les premières politiques multiculturelles portaient avant tout sur la préservation des cultures et le partage entre les diverses cultures par la promotion d’une presse et festivals ethniques, la version « rajeunie » du programme de multiculturalisme met l’accent sur la compréhension interculturelle et sur l'intégration sociale et économique par la suppression des obstacles discriminatoires, la réforme des institutions et les mesures de promotion sociale visant à assurer l'égalité des chances.

Toutefois, le nouveau ministère n'a pas vécu longtemps. À l'automne de 1993, il a été démantelé, et les programmes de multiculturalisme ont été intégrés à un nouveau ministère plus important, le Patrimoine canadien, qui est également chargé des domaines d'activités suivants : langues officielles, arts et culture, radiodiffusion, parcs nationaux et lieux historiques, organismes volontaires, droits de la personne, sport amateur, protocole d'État et Commission de la capitale nationale. De plus, un secrétaire d'État au Multiculturalisme a été nommé au sein du portefeuille du ministre du Patrimoine, tandis que la citoyenneté (enregistrement et promotion) a été confiée au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, nouvellement établi.

Avec l’augmentation des critiques à l’égard du programme de multiculturalisme, provenant de groupes et d’individus de divers secteurs de la société canadienne, le ministère a entrepris en 1995 une étude complète de ses activités dans le domaine. À la fin d’octobre 1996, la secrétaire d’État au Multiculturalisme, Hedy Fry, a annoncé la mise en place d’un programme renouvelé mettant l’accent sur trois objectifs : l’édification d’une société juste et équitable, la participation civique (permettant aux Canadiens de toutes origines de contribuer à façonner nos collectivités et notre pays) et l’identité (favorisant une société qui reconnaît respecte et traduit la diversité culturelle afin que les gens de tous les horizons sentent qu’ils font partie du Canada).

Le programme renouvelé privilégie les projets qui contribuent à l’élaboration de stratégies destinées à favoriser la participation pleine et active des communautés ethniques, raciales, religieuses et culturelles au Canada; qui appuient les initiatives collectives des communautés en réponse aux conflits interethniques, interraciaux, religieux et culturels et aux activités haineuses; qui améliorent la capacité des institutions publiques à prendre en compte la diversité ethnique, raciale, religieuse et culturelle; qui contribuent à l’élaboration de politiques, programmes et pratiques anti-exclusion au sein des ministères et organismes fédéraux; qui favorisent le dialogue public; et qui contribuent à la sensibilisation et à la compréhension du multiculturalisme, du racisme et de la diversité culturelle du Canada.

La secrétaire d’État a également annoncé la création de la Fondation canadienne des relations raciales, qui a notamment pour mandat d’effectuer de la recherche, de recueillir des données et de créer une base d’information nationale pour une meilleure compréhension du racisme et de la discrimination raciale; de fournir des renseignements pour appuyer une formation efficace en relations interraciales et l’élaboration de normes professionnelles; et de diffuser de l’information pour sensibiliser le public à l’importance d’éliminer le racisme. La Fondation, qui a son siège à Toronto, est régie par un conseil composé d’un président, de 15 administrateurs nommés pour une période maximale de trois ans et d’un directeur exécutif à temps plein. Elle a bénéficié au départ d’un fonds de dotation unique de 24 millions de dollars consenti par le gouvernement fédéral, puis elle fonctionne depuis grâce à des investissements, des dons et des collectes de fonds. M. Lincoln M. Alexander, ancien lieutenant-gouverneur de l’Ontario, est le premier président de la Fondation.

   C. Attitudes à l'égard du multiculturalisme

Diverses publications et sondages indiquent que les Canadiens sont généralement favorables au multiculturalisme, du moins en principe sinon toujours en pratique. Pourtant, beaucoup de Canadiens ne savent pas trop ce qu'est le multiculturalisme, ce vers quoi il tend et pour quelle raison, ni ce qu'il peut effectivement accomplir dans une société libérale et démocratique comme le Canada. Le multiculturalisme, c’est à la fois le chant, la danse, la cuisine et les festivals folkloriques, l’art et l'artisanat, les musées, les langues patrimoniales, les études ethniques, les relations interraciales, le partage culturel et les droits de la personne. La confusion vient en grande partie de ce qu'on utilise le terme pour tout un ensemble de situations, d’usages, d'attentes et d'objectifs sans faire de distinctions.

Depuis l’adoption du multiculturalisme, les Québécois se disent mal à l'aise, voire hostiles à cette politique. En grande partie, cela tient au fait qu'ils y perçoivent une nouvelle ingérence des autorités fédérales dans les affaires intérieures de leur province. Pour beaucoup, le multiculturalisme est un stratagème pour ramener la société distincte des Québécois au niveau d'une culture ethnique minoritaire sous la domination du Canada anglophone. Le multiculturalisme est donc perçu comme une tentative pour diluer le fait français au Canada, affaiblir la position des francophones et menacer l'association à deux entre anglophones et francophones. Pour bien des Québécois, l'idée de ramener les droits des Canadiens francophones au même niveau que ceux des autres minorités ethnoraciales au nom de l'égalitarisme multiculturel cadre mal avec l'entente spéciale qui lie francophones et anglophones au Canada.

Mais le Forum des citoyens sur l'avenir du Canada, mis sur pied en 1991, a aussi constaté un certain malaise dans l'opinion au sujet de la politique de multiculturalisme. Il a découvert un fossé entre une attitude largement positive vis-à-vis la diversification ethnique du Canada et une opposition à ce qui est perçu comme le multiculturalisme officiel. Si l’on est fermement attaché à la diversité culturelle, on ne croit pas moins fermement que pour que le pays demeure uni, il faut que les citoyens se voient d’abord comme des Canadiens.

C'est là l'opinion de l'énorme majorité des participants qui nous ont rappelé que, pour édifier un pays uni, il convient de mettre l'accent sur nos traits communs plutôt que de nous accrocher à nos différentes origines. [...] Bien qu'ils acceptent et apprécient la diversité culturelle du pays, les Canadiens ne prisent pas la plupart des activités prévues dans le cadre du programme du multiculturalisme. Ils les perçoivent comme coûteuses et comme source de divisions, du fait qu'elles rappellent aux Canadiens leurs origines diverses plutôt que leurs symboles, leur société et leur avenir communs.

Depuis quelques années, de plus en plus, on semble craindre que la politique de multiculturalisme ne favorise trop la diversité aux dépens de l'unité. Les critiques prétendent que la politique est source de divisions, du fait qu’elle insiste trop sur les différences, plutôt que sur les valeurs qui sont canadiennes. On a l’impression que la culture et les symboles canadiens sont rejetés au profit d’autres cultures.

Dans son livre Le marché aux illusions : la méprise du multiculturalisme, paru en 1994, le romancier Neil Bissoondath, né à Trinidad, mène l'attaque contre la politique de multiculturalisme du gouvernement. Il y exprime sa crainte que la promotion de la diversité culturelle par le gouvernement porte en soi le risque de la division. À son avis, le gouvernement, en encourageant les différences ethniques, amène les immigrants à adopter une « psychologie de la séparation » de la culture dominante. Bissoondath rend le multiculturalisme responsable de l'isolement des groupes ethnoraciaux en des enclaves distinctes en favorisent une mentalité de repli sur soi-même qui crée un fossé entre les Canadiens de différentes origines. Selon l’auteur, l'unité et la cohésion sont sacrifiées à une idée qui sépare les gens, exacube la mésentente et l'hostilité et oppose les groupes dans une lutte pour le pouvoir et les ressources. Bissoondath soutient que, plutôt que de faire des nouveaux arrivés des Canadiens unis en un même tissu social, le multiculturalisme officiel les encourage à se raccrocher à leurs traditionnels et au pays ancestral et à croire que là-bas est plus important qu'ici. Selon lui, en encourageant les groupes ethnoculturels à perpétuer ce qui les distingue des autres, la politique de multiculturalisme les empêche de s'intégrer dans la société dominante. Bissoondath recommande que la culture personnelle et l'ethnicité cessent de faire partie du domaine de la politique gouvernementale pour redevenir l'apanage des particuliers et des familles. À son avis, les programmes de multiculturalisme et les activités qui en découlent devraient mettre l'accent sur la lutte contre le racisme, institutionnaliser l'intégration et financer des programmes communautaires qui sensibilisent les enfants aux autres et insistent non pas sur les différences qui les séparent mais les points communs qui les unissent. Même s'il favorise le maintien du financement gouvernemental pour ces programmes, Bissoondath propose la création d'une agence autonome qui serait chargée de les mettre en oeuvre, un peu comme le fait dans son domaine le Conseil des arts du Canada.

D’autres auteurs bien connus, comme Richard Gwyn dans Nationalism without Walls et Jack Granatstein dans son essai Who Killed Canadian History, ont critiqué ce qu’ils voient comme les effets négatifs de la politique de multiculturalisme. D’après Gwyn, l’élite politique s’est trompée en présumant que la réaction contre le multiculturalisme était due à une crainte passagère de perte d’emplois au début des années 90, plutôt qu’à la crainte généralisée que les Canadiens ne soient en train de devenir des étrangers dans leur propre pays. Dans son essai, Granatstein accuse le multiculturalisme officiel et la rectitude politique de la mort de l’histoire canadienne dans les écoles et chez les jeunes en général. Il avance que diverses études dans les écoles et les établissements postsecondaires indiquent que les Canadiens étudient de moins en moins leur histoire, au point d’échouer à des interrogations élémentaires sur des événements et des personnages historiques. Dans un chapitre intitulé la « manie multiculturelle », Granatstein raconte que le titulaire de la chaire des études ethniques dans une grande université s’est vu obligé de démissionner parce qu’un de ses ouvrages était jugé inacceptable par la communauté ethnique qui, en liaison avec le programme de multiculturalisme du gouvernement, avait financé la chaire. Granatstein affirme également que les politiques de multiculturalisme ont contribué à répandre parmi les immigrants, et même parmi les Canadiens nés au pays, l’idée que le Canada, et notamment le Canada anglais, n’a pas d’identité et de culture propres. Il estime que l’accent mis par le multiculturalisme et l’antiracisme sur les doléances a contribué à la disparition des cours d’histoire, particulièrement de l’histoire politique. À la place, on a droit aux « histoires » de cultures distinctes et isolées. Là où l’histoire est toujours enseignée, elle doit être inoffensive et liée aux préoccupations de l’heure.

   D. Politiques provinciales de multiculturalisme

Toutes les provinces et plusieurs municipalités ont adopté une forme de politique de multiculturalisme. Pour l'instant, six provinces (Alberta, Saskatchewan, Manitoba, Ontario, Québec et Nouvelle-Écosse) ont légiféré en matière de multiculturalisme. Dans quatre provinces (Saskatchewan, Manitoba, Ontario et Québec), le multiculturalisme relève d'un conseil consultatif qui relève du ministre chargé de la Loi. En Nouvelle-Écosse, la Loi est appliquée à la fois par un comité du Cabinet sur le multiculturalisme et par des conseils consultatifs.

La Saskatchewan a été la première à légiférer. Le Saskatchewan Multiculturalism Act a été adopté en 1974 et modifié en 1983. Cette loi définit le multiculturalisme comme le droit des différentes collectivités de conserver leur propre culture et de la partager avec les autres. La Loi a également créé le Multicultural Council, dont voici les fonctions : conseiller le ministre en matière de multiculturalisme; évaluer les programmes gouvernementaux de multiculturalisme; assurer la liaison avec d'autres ministères qui ont des responsabilités à l'égard du multiculturalisme; promouvoir des programmes pour préserver et promouvoir le multiculturalisme dans la province.

Le Manitoba a adopté le Manitoba Intercultural Council Act en 1984. Aux termes de cette loi, le mandat du Conseil est de conseiller le gouvernement, par l'entremise du ministre chargé des questions ethnoculturelles, sur l'éducation, les droits de la personne, l'établissement des immigrants, les médias, les communications et le patrimoine culturel. À l'été de 1992, l'Assemblée législative du Manitoba a adopté une nouvelle Loi sur le multiculturalisme dont le préambule dit :

[...] la société multiculturelle du Manitoba n'est pas un amalgame de nombreuses sociétés séparées, divisées par la langue et la culture, mais constitue plutôt une société unique unie par des lois, des valeurs, des aspirations et des responsabilités communes.

Établi « afin de trouver des mesures visant à contribuer à la réalisation d'une société multiculturelle prospère au Manitoba », un secrétariat du multiculturalisme qui fonctionne sous la direction du ministre permet à celui-ci de veiller à l’application de la Loi.

L'Alberta a adopté sa première loi sur le multiculturalisme en 1984, l’Alberta Cultural Heritage Act. La Loi définissait le multiculturalisme comme une caractéristique fondamentale de la société albertaine, qui confère des avantages économiques, sociaux et culturels à tous les Albertains. Elle a été remplacée en 1990 par l’Alberta Multiculturalism Act, qui vise principalement à faire connaître et respecter, l’héritage multiculturel des Albertains, ainsi qu’à créer un milieu où tous les citoyens puissent contribuer à la vie culturelle, sociale, économique et politique de leur province. La Loi a établi la Multiculturalism Commission, chargée de conseiller le gouvernement sur les politiques et les programmes de multiculturalisme, ainsi que le Multiculturalism Advisory Council, qui conseille la commission en matière de politiques. On a aussi créé le Multicultural Fund pour financer les programmes et les services dans ce domaine et subventionner des particuliers et des organismes.

Dans la foulée de la rationalisation de ses programmes et activités, le gouvernement conservateur a proposé, au printemps de 1996, une nouvelle loi portant fusion des programmes des droits de la personne et du multiculturalisme. Aux termes du Human Rights and Citizenship Act, l’Alberta Human Rights Commission est devenue l’Alberta Human Rights and Citizenship Commission et elle a pris la relève de l’ancienne Multiculturalism Commission. En outre, le Multicultural Fund est devenu le Human Rights, Citizenship and Multiculturalism Fund.

Bien que, l'Ontario ait adopté, dès 1977, une politique officielle de multiculturalisme favorisant les activités culturelles des divers groupes ethniques, il a fallu attendre jusqu'en 1982 une loi créant le ministère de la Citoyenneté et de la Culture. Aux termes de cette loi, le ministère est responsable de la promotion du multiculturalisme dans la province et le Conseil consultatif du multiculturalisme l'appuie de ses conseils. L'un des grands objectifs du ministère est de promouvoir la pleine participation de tous les Ontariens comme membres à part entière de la collectivité en encourageant le partage du patrimoine culturel tout en faisant valoir les éléments communs à tous. En 1987, le gouvernement a réaffirmé sa politique de multiculturalisme fondée sur les principes suivants :

  • reconnaissance de la diversité et promotion de la connaissance, de la compréhension, de l'acceptation et de la célébration de cette diversité;

  • engagement à assurer l’égalité d’accès aux membres de tous les groupes culturels et raciaux et leur participation comme citoyens responsables;

  • engagement à assurer des services adaptés aux valeurs et aux traditions culturelles.

Le Québec parle d’« interculturalisme » pour décrire sa politique. Elle vise avant tout l'acceptation, la communication et l'interaction entre des groupes aux cultures diverses (les communautés culturelles), sans impliqua toutefois qu'il y ait égalité intrinsèque entre ces cultures. La diversité est tolérée et même encouragée, mais seulement dans un cadre qui garantit la suprématie incontestée du français comme langue et culture du Québec.

En 1981, le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration a énoncé les objectifs de sa politique d'interculturalisme dans un plan d'action intitulé Autant de façons d'être Québécois. Le plan parlait de l'élaboration d'une stratégie visant :

  • à développer les communautés culturelles et à protéger leur originalité;

  • à sensibiliser les francophones à la contribution des communautés culturelles au patrimoine et au développement culturel du Québec;

  • à faciliter l'intégration des communautés culturelles dans la société québécoise, notamment dans les secteurs où il y a eu par le passé exclusion et sous-représentation au niveau institutionnel.

En 1984, l'Assemblée nationale a adopté une loi créant le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration. Cet organisme conseille le ministre sur la planification et l'application des politiques gouvernementales relativement aux communautés culturelles et d’immigration. Il commande également des études et fait des recherches.

L'orientation interculturelle du Québec à l'égard des immigrants et de la diversité a été confirmée à la fin de 1990 dans le Livre blanc intitulé Pour bâtir ensemble - Énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration. Trois principes sont renforcés dans la politique du gouvernement, à savoir que le Québec est :

  • une société dont le français est la langue commune de la vie publique;

  • une société démocratique où la participation et la contribution de tous sont attendues et favorisées;

  • une société pluraliste ouverte aux multiples apports dans les limites qu'impose le respect des valeurs démocratiques fondamentales.

Pour respecter ces obligations, le Livre blanc propose un « contrat moral » explicite entre les immigrants et les Québécois de souche. Le Québec déclare être une société francophone et pluraliste, mais soucieuse de la diversité culturelle. Les immigrants souscrivent à la Charte québécoise des droits et contribuent à édifier la nation québécoise en collaboration avec les Québécois de souche.

La Nouvelle-Écosse a adopté sa loi sur le multiculturalisme en 1989. L’Act to Promote and Preserve Multiculturalism reconnaît le multiculturalisme comme une caractéristique inhérente à la société néo-écossaise et engage le gouvernement à maintenir de bonnes relations entre les diverses collectivités culturelles. La Loi prévoit deux structures administratives qui veillent à son application : un comité du Cabinet chargé du multiculturalisme, qui surveille l'application de la politique dans l'ensemble de l'administration publique, et un conseil consultatif, qui conseille le comité du Cabinet et examine les programmes.

MESURES PARLEMENTAIRES

   A. Projet de loi C-93 (Loi sur le multiculturalisme canadien)

Ce projet de loi, cadre de la politique actuelle, a été adopté par le Parlement en juillet 1988 et a immédiatement reçu la sanction royale. Cette mesure donne au principe de l'égalité raciale et culturelle le caractère d'une loi.

Le législateur reconnaît dans cette loi la nécessité d'accroître la participation des minorités en leur ouvrant les grandes institutions canadiennes. De plus, tous les organismes, ministères et sociétés d'État — et pas non uniquement le ministre chargé du Multiculturalisme — doivent maintenant prendre des initiatives pour promouvoir la diversité culturelle du Canada.

Il convient également de noter qu’aux termes de la Loi, le gouvernement doit répondre à la fois au Parlement et au public de l'application de celle-ci, qui exige le dépôt de rapports annuels. Un secrétariat du multiculturalisme a été mis sur pied afin d'aider le gouvernement à assurer de meilleurs services dans les institutions fédérales.

   B. Projet de loi C-37 (Loi sur l'lnstitut canadien des langues patrimoniales)

Ce projet de loi, présenté à la Chambre des communes en septembre 1989 et adopté en janvier 1991, prévoit l'établissement de l'Institut des langues patrimoniales, à Edmonton. Le rôle de cet organisme est d'élaborer des normes nationales pour la formation des enseignants et le programme d'enseignement pour les classes en langues ethniques minoritaires au Canada.

Dans son budget de février 1992, le ministre des Finances, Don Mazankowski, a suspendu jusqu'à nouvel ordre la mise sur pied de l'Institut.

   C. Projet de loi C-63 (Loi constituant la Fondation canadienne des relations raciales)

Présenté à la Chambre des communes en février 1990, ce projet de loi a été adopté en janvier 1991. Il prévoit l'établissement à Toronto d'une Fondation des relations raciales, dont la mission est de contribuer à l'élimination du racisme et de la discrimination raciale par la sensibilisation de l'opinion. Toutefois, dans les budgets déposés au cours des années subséquentes, le gouvernement fédéral a différé le financement nécessaire à la création de la Fondation.

À la fin d’octobre 1996, la secrétaire d’État au Multiculturalisme, Hedy Fry, a annoncé l’établissement de la Fondation, pourvue d’un fonds de dotation unique de 24 millions de dollars consenti par le gouvernement fédéral.

   D. Rapport du Comité permanent du multiculturalisme et de la citoyenneté, juin 1993

Le dernier rapport du Comité permanent du multiculturalisme et de la citoyenneté, intitulé Étude de l'application de la Loi sur le multiculturalisme canadien dans les institutions fédérales, est paru en juin 1993.

Dans plusieurs de ses principales recommandations, le Comité propose des façons de renforcer l'évaluation des progrès dans l'application de la Loi sur le multiculturalisme canadien par les institutions fédérales. D’autres recommandations clés proposent des mesures spécifiques par lesquelles les ministères et organismes pourraient renforcer leur engagement à l'égard des principes de la Loi.

CHRONOLOGIE

1948 - Le Canada adhère à la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui s'applique à tous les êtres humains sans égard au sexe, à la race, à la religion, à la culture ou à l'idéologie.

1960 - Le Parlement adopte la Déclaration canadienne des droits, qui interdit la discrimination fondée sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion ou le sexe.

1967 - Les dispositions de la discrimination raciale qui existaient dans la législation canadienne de l'immigration depuis le début du XXe siècle sont abrogées.

1969 - La Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme publie son quatrième livre, consacré à la contribution des groupes ethniques à l'enrichissement de la culture canadienne.

1970 - Le Canada ratifie la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, qui était entrée en vigueur en janvier 1969.

1971 - Le gouvernement fédéral annonce sa politique de multiculturalisme dans un cadre bilingue.

1972 - Nomination d'un ministre du Multiculturalisme (ministre de second plan).

1973 - Création du Conseil consultatif canadien du multiculturalisme (rebaptisé plus tard Conseil canadien du multiculturalisme), organe chargé de conseiller le ministre.

1974 - La Saskatchewan est la première province à légiférer en matière de multiculturalisme.

1977 - Le Parlement adopte la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui crée la Commission canadienne des droits de la personne, chargée de contrôler les conflits relatifs aux droits de la personne et de servir de médiateur.

1982 - La Charte canadienne des droits et libertés consacre les droits à l'égalité dans la Constitution et reconnaît le patrimoine multiculturel du Canada.

1984 - Publication du rapport du Comité spécial de la Chambre des communes sur la participation des minorités visibles à la société canadienne, intitulé L'égalité, ça presse!

1985 - Création du Comité permanent du multiculturalisme de la Chambre des communes.

1988 - La Loi sur le multiculturalisme canadien reçoit la sanction royale après avoir été adoptée par la Chambre des communes et le Sénat avec l'appui de tous les partis.

1990 - Multiculturalisme Canada dépose son premier rapport annuel sur la mise en oeuvre de la Loi canadienne sur le multiculturalisme par le gouvernement du Canada.

1991 - Le 17 janvier, la Loi sur le ministère du Multiculturalisme et de la Citoyenneté reçoit la sanction royale. Le 21 avril, le nouveau ministère est officiellement mis sur pied et son premier titulaire à temps plein est Gerry Weiner.

1993 - Le gouvernement libéral élu en octobre annonce que les deux grands secteurs de Multiculturalisme et Citoyenneté Canada seront divisés : les programmes de multiculturalisme seront confiés au ministère du Patrimoine canadien, créé par le gouvernement précédent, et ceux qui concernent la citoyenneté iront au nouveau ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.

décembre 1994 - Le gouvernement fédéral annonce qu'il ne versera aucune compensation aux groupes ethniques pour réparer les affronts que le gouvernement du Canada aurait pu leur faire subir par le passé. Cette décision contraste avec celle du gouvernement conservateur précédent, qui a versé des millions de dollars d’indemnisation aux familles des Canadiens d'origine japonaise internés durant la Seconde Guerre mondiale.

1997 - La ministre d’État au Multiculturalisme, Mme Hedy Fry, annonce un programme de multiculturalisme renouvelé.

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La première version de ce bulletin d’actualité a été publiée en janvier 1994. Le document a été sans cesse mis à jour depuis.