93-9F
LA POLITIQUE AGRICOLE
Rédaction
: TABLE
DES MATIÈRES B. Le gouvernement
et la politique agricole LA POLITIQUE AGRICOLE* En 1989, à laube de la dernière décennie du siècle, le gouvernement du Canada a entrepris un examen denvergure du secteur agricole afin de déterminer quelles politiques permettraient à lindustrie de mieux relever les défis qui lattendent sur les plans de la concurrence, de la santé et de lenvironnement en cette période marquée par des changements rapides. Cet examen a permis aux agriculteurs, aux transformateurs, aux fournisseurs, aux consommateurs et aux pouvoirs publics de collaborer et délaborer une stratégie qui assurera la viabilité du secteur agricole en lan 2000 et au cours des années subséquentes. Le gouvernement fédéral a créé onze comités constitués de représentants des groupes susmentionnés. Pendant dix-huit mois, ces derniers se sont réunis pour élaborer des plans daction. En 1991, les comités avaient tous soumis leurs rapports aux ministres fédéraux-provinciaux, et le processus visant à concrétiser ces recommandations a débuté. Cela sest traduit, au cours des années 90, par une réduction des entraves au commerce et par linstitution de mécanismes de recouvrement des coûts et de frais dutilisation, ainsi que par lépanouissement du rôle du secteur privé. Le gouvernement élu à lautomne 1993 a maintenu cette orientation, convaincu que le Canada doit pouvoir soutenir la concurrence sur les marchés internationaux. Le gouvernement libéral pense de plus en plus que lagriculture doit être axée sur les lois du marché, être respectueuse de lenvironnement, dépendre moins des subventions du gouvernement et répondre davantage aux besoins alimentaires et non alimentaires en évolution des clients dici et de létranger. Dans le présent document, nous visons à examiner lévolution de la politique agricole fédérale, dont lobjectif premier est de donner au secteur agricole les outils dont il a besoin pour demeurer viable dans un monde nouveau caractérisé par la libéralisation des échanges. Lindustrie agroalimentaire est une source importante de richesse au Canada; en 1988, elle représentait en effet 8 p. 100 du produit intérieur brut et comptait pour 15 p. 100 de lensemble des emplois au pays. Les variations environnementales et climatiques au Canada contribuent à donner à lagriculture un caractère essentiellement régional. Le secteur agricole de lEst est fondé sur lélevage du bétail et des troupeaux laitiers, ainsi que sur les céréales et les cultures spéciales, et il dessert surtout le marché intérieur. Dans lOuest, particulièrement dans les Prairies, cest la monoculture du grain, destiné à lexportation, qui prédomine. Les exportations de grain, qui comptent pour plus du tiers des recettes agricoles, ont augmenté par suite de lintroduction de nouvelles technologies destinées à accroître la production alimentaire. De manière générale, la production agricole a presque doublé entre 1961 et 1984; par exemple, le rendement par hectare est passé de 1,5 à 2,2 tonnes, de sorte quun travailleur agricole peut maintenant nourrir plus de 100 personnes. Le Canada, petite puissance sur léchiquier international, est beaucoup plus vulnérable à la concurrence que ne le sont les pays ou les blocs commerciaux plus grands et plus autonomes, comme les États-Unis ou la Communauté européenne. Au pays, les familles continuent dexploiter 98 p. 100 des fermes, ce qui donne à penser que lexploitation agricole familiale sadapte fort bien aux changements économiques et climatiques ainsi quà lévolution des marchés. Toutefois, la croissance de lendettement, la sécheresse et les guerres commerciales des années 80 ont eu pour effet de modifier en profondeur la structure du secteur agricole canadien. Dune part, on remarque que le nombre de fermes a continué de régresser comme il le fait depuis 50 ans, quoique de façon moins rapide que durant les années 50 et 60. Après avoir atteint un sommet de 730 000 en 1941, il sest effondré à 280 000 en 1991, selon le recensement de cette année-là. Dautre part, la taille des exploitations sest accrue; le nombre dexploitations dont les ventes dépassent 50 000 $ a presque doublé entre 1971 et 1986. En 1991, ces fermes représentaient 42 p. 100 de toutes les exploitations canadiennes et comptaient pour 86 p. 100 des ventes. Ces facteurs ont contribué à linstabilité du secteur et entraîné une baisse correspondante de la productivité. Les gouvernements, aussi bien fédéral que provinciaux, ont senti le besoin dintervenir pour venir en aide aux agriculteurs en période de difficulté. Entre 1984 et 1992, laide financière accordée aux agriculteurs a atteint 22,4 milliards; toutefois, le niveau dendettement du secteur est demeuré le même pendant cette période. Certains pays, notamment ceux qui sont très industrialisés, ont accru les subventions versées à leurs agriculteurs pour les aider à demeurer compétitifs. En 1991, les 24 pays membres de lOCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques) ont consacré 321 milliards de dollars au soutien du secteur agricole. Aujourdhui, tous ces pays, y compris le Canada, constatent quils doivent réévaluer leurs politiques daide pour tenir compte de la libéralisation des marchés mondiaux. De nombreux consommateurs sopposent à laide que le gouvernement accorde aux agriculteurs; toutefois, ces mêmes consommateurs sattendent à avoir accès à une vaste gamme de produits de haute qualité, et ce, pendant toute lannée. En effet, le secteur agricole offre aux Canadiens des produits de grande qualité, très variés, à des prix fort raisonnables. Au Canada, le coût des aliments par rapport au revenu est le plus bas au monde après celui des États-Unis. (Cette moyenne, bien entendu, masque les disparités qui existent dans le pouvoir dachat des particuliers.) Lancien ministre de lAgriculture a déclaré, en juin 1993, que le niveau de vie dune société est fonction du prix des aliments. Autrement dit, lorsquune personne ne consacre que 10 p. 100 environ de son revenu disponible à la nourriture, elle peut utiliser le reste (soit 90 p. 100) pour léducation, les soins de santé, les loisirs, etc. En labsence dun secteur agricole dynamique, le Canada serait très vulnérable aux effets des politiques alimentaires des autres pays. Peu de gens se rendent compte à quel point ils ont de la chance. Dans un sondage réalisé récemment aux États-Unis, 49 p. 100 des répondants ont déclaré ne pas savoir que le pain blanc contenait du blé. Rares également sont ceux qui savent que les agriculteurs reçoivent très peu dargent pour le blé qui entre dans la composition dun pain. Dans les années 80, les prix de détail ont presque triplé par rapport aux prix à la ferme. Par exemple, dans le cas du lait, lécart entre le prix à la ferme et le prix de détail était de 37 cents le litre en 1980, et de 91 cents en 1990. Les habitants des grandes villes ne semblent pas comprendre quils ont intérêt à ce que les agriculteurs, grâce auxquels ils bénéficient de tant davantages, reçoivent une rémunération. En Saskatchewan, province essentiellement agricole, 60 p. 100 des agriculteurs vivent des produits de la terre, tandis que 40 p. 100 ont besoin de revenus dappoint pour subvenir à leurs besoins. Au Canada, la capacité du secteur agricole de continuer à approvisionner la population est également menacée par lexpansion tentaculaire des villes. Les meilleures terres agricoles sont en train de disparaître pour faire place aux grandes villes. Malgré les efforts déployés par les provinces pour protéger les terres agricoles et le mode de vie des communautés rurales, le secteur agricole continue de perdre et des terres et des agriculteurs. Daprès Statistique Canada, moins de 7 000 personnes nées entre 1961 et 1971 ont choisi de se consacrer à lagriculture. Le fait de devoir produire des denrées alimentaires à des prix raisonnables crée un stress financier pour les agriculteurs, qui sont obligés de cultiver des terres peu productives pour survivre, ce qui a pour effet de nuire à la conservation des sols (voir à ce sujet le Bulletin dactualité 87-8F, La conservation des sols agricoles : politique fédérale). Malgré les pressions énormes quoccasionne lapprovisionnement dune population mondiale sans cesse croissante, la production agricole devra, à lavenir, se faire à partir de terres dont la superficie ne cesse de diminuer. Néanmoins, le secteur agricole sest sorti peu à peu du marasme des années 80. À titre dexemple, indiquons que la valeur des exportations agroalimentaires canadiennes est passée de 13 milliards de dollars en 1993 à 22 milliards de dollars en 1997. La cible des 20 milliards de dollars dexportation en lan 2000, fixée en 1993 par lindustrie agroalimentaire, a été atteinte dès 1996. La vocation exportatrice du secteur est donc clairement affichée, et le Conseil canadien de commercialisation agroalimentaire (CCCA) a fixé un nouvel objectif : augmenter la part canadienne du commerce agroalimentaire mondial de 3 à 4 p 100 dici lan 2005 (soit la porter de 22 milliards à 40 milliards de dollars). Vues sous cet angle, les mesures prises par le gouvernement pour soutenir la production agricole (soutien du revenu, financement de la recherche et autres stimulants) constituent un investissement. Elles doivent également permettre que les bénéfices soient partagés par lensemble du secteur, du producteur au consommateur en passant par les transformateurs. Dans les parties qui suivent, nous examinerons certains des domaines où le gouvernement est intervenu pour appuyer la politique agricole. . B. Le gouvernement et la politique agricole 1. Nouvelles structures ministérielles Depuis le milieu des années 80, Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC), le ministère chargé de favoriser la croissance du secteur agroalimentaire canadien et dagir comme principal mécanisme dintervention auprès de lindustrie, a vu son rôle passer de lamélioration et du maintien de la productivité à laccroissement de la compétitivité du secteur. Les objectifs de la politique au milieu des années 80 étaient les suivants : assurer le maintien de loffre et permettre aux agriculteurs, aux transformateurs et aux distributeurs de tirer des revenus plus importants de leurs activités, rendre le système de commercialisation plus efficace et accroître la viabilité économique du secteur agroalimentaire. Actuellement, lessentiel de la politique vise à assurer la viabilité du secteur dans un contexte de libéralisation des échanges. Ce changement de politique est devenu évident en juillet 1993, avec :
Dautres changements sajoutent aux réorganisations qua subies le ministère depuis quinze ans dans le but daccroître lefficacité des services et de réduire les chevauchements :
Depuis 1998, AAC sest doté dun cadre de rendement qui vise à cibler les objectifs du ministère tout en permettant une meilleure analyse des résultats. Quatre secteurs dactivité principaux ont été définis pour former ce cadre danalyse :
Les enveloppes budgétaires sont maintenant distribuées aux diverses directions du ministère selon la relation administrative que chacune delles entretient avec les quatre secteurs cibles dactivités. Les trois premiers secteurs dactivités définissent les objectifs que le ministère se donne pour que ce secteur devienne une industrie agroalimentaire concurrentielle, obéissant aux lois du marché, moins dépendante de laide du gouvernement et capable de soutenir la concurrence sur les marchés internationaux. La diminution des budgets du ministère (2,86 milliards de dollars en 1992-1993 contre environ 1,6 milliards en 1998-1999) a eu pour conséquence la réduction de laide gouvernementale. Les efforts du ministère ont davantage porté sur la croissance du secteur et la sécurité financière. Le ministère a ainsi élaboré des programmes de développement des marchés et négocié des ententes commerciales afin daméliorer les échanges (négociations du GATT en 1992). La recherche a également été réorganisée, notamment par la réaffectation des ressources au profit dinitiatives de recherche en coûts partagés conduites par lindustrie. Les principaux axes de recherche sont la mise au point de pratiques dagriculture durable et le développement de produits alimentaires et non alimentaires à valeur ajoutée. Les mesures liées à la stabilisation du revenu font lobjet de la partie suivante, puis nous verrons les politiques spécifiques à chaque filière. 2. La stabilisation du revenu agricole La réduction des budgets dAAC a eu pour effet de réduire les aides gouvernementales accordées au secteur. On note principalement :
Les programmes de soutien du revenu agricole passent donc progressivement des mesures de soutien des prix à une stabilisation du revenu essentiellement sous forme de filet de sécurité applicable à lensemble des fermes et neutre sur le plan du commerce et de la production, et sous forme de protection contre les risques de production (assurance-récolte), sauf pour les produits soumis à la gestion de loffre, qui font lobjet dune politique particulière. En décembre 1994, après un an de consultation auprès des associations agricoles, les gouvernements fédéral et provinciaux ont défini un nouveau système de programmes de protection du revenu agricole. À linverse des mesures de soutien des prix, ce système a été mis au point pour ne pas influer sur les pratiques de gestion et les décisions de production et pour être compatible avec les règles du commerce international. Il fonctionne sur des ententes fédérales-provinciales et se divise en trois composantes :
En décembre 1997, AAC a annoncé le début des travaux de révision du système de protection du revenu agricole. Le cadre de ce système a été discuté lors de la conférence des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de lagriculture qui sest tenue en juillet 1998. Les ministres :
Il est à noter quen plus des programmes de stabilisation du revenu agricole, la Loi sur les grains du Canada ? qui sapplique pour les quatre provinces de lOuest seulement ? oblige les négociants en grain à obtenir une licence et à verser une garantie qui serviront à rembourser les agriculteurs en cas de défaut de paiement ou de faillite du négociant. En décembre 1997, le projet de loi C-26 a été déposé à la Chambre des communes. Il proposait la modification de la Loi sur les grains du Canada pour permettre la séparation de loctroi des licences du dépôt de garantie pour les cultures spéciales. Il avait été soutenu jusquici que limpossibilité de séparer ces deux activités avait été lentrave principale à la mise en place dun système dassurance pour lindustrie des cultures spéciales dans lOuest du Canada. Le projet de loi proposait aussi que la Commission canadienne des grains administre elle aussi un système dassurance à participation volontaire pour cette industrie. Après avoir franchi toutes les étapes à la Chambre et au Sénat, il a reçu la sanction royale le 18 juin 1998. Avec leffondrement du prix des denrées à léchelle mondiale, le revenu agricole net connaît une baisse importante depuis 1997. Des données de Statistiques Canada portant sur les recettes monétaires agricoles des trois premiers trimestres de 1998 sont venues confirmer cette chute, et les projections de AAC montrent des baisses de revenu agricole net de 69,2 et 72,2 p. 100 pour les provinces du Manitoba et de la Saskatchewan. Pour remédier à cette « crise », le ministre de lAgriculture et de lAgroalimentaire a annoncé en décembre 1998, un programme fédéral global daide financière de 900 millions de dollars en deux ans à lintention des producteurs. Ce programme dAide en cas de catastrophe liée au revenu agricole (ACRA) a été cofinancé à hauteur de 40 p. 100 par les provinces, ce qui a permis de porter lenveloppe à 1,5 milliards de dollars. De plus, le programme comprenait une approche sur lensemble de lexploitation, ce qui a permis denglober tous les produits. Les paiements ont été calculés au moyen de la marge brute de lexploitation (ventes moins dépenses variables) ainsi que dune marge de référence (trois années précédentes). LACRA était lié aux autres programmes de sécurité du revenu, et dans son budget des dépenses de 1999-2000, AAC envisageait la possibilité de lintégrer à la protection du revenu à long terme. En mars 2000, les ministres fédéral et provinciaux de lagriculture se sont entendus sur le cadre dun programme de base de protection du revenu (CSRN, assurance-récolte) et un élément pour soutenir le revenu en cas de désastre (inspiré du programme ACRA). Lentente prévoit le versement de 665 millions de dollars pour les programmes de base de protection du revenu et de 435 millions de dollars pour les programmes daide en cas de catastrophe pour chacune des trois prochaines années. Le calcul des allocations provinciales reposerait sur limportance de lindustrie agricole dans chaque province. Le ministre fédéral de lAgriculture et de lAgroalimentaire sest engagé à obtenir des fonds afin de sassurer quaucune province ne reçoive moins que son allocation actuelle. Il existe des interventions particulières pour certains types produits, à savoir la Commission canadienne du blé pour les céréales de lOuest du Canada, et les organismes de gestion de loffre pour les produits laitiers, les volailles et les ufs. Ces organismes, issus de politiques plus anciennes que celles en cours actuellement, ont été maintenus, notamment parce que le Canada estime quils ne constituent pas des mesures de distorsion sur les marchés internationaux. a. La Commission canadienne du blé (CCB) Les nombreux acheteurs et vendeurs de céréales qui étaient autrefois présents sur les marchés mondiaux ont été remplacés dans une large mesure par des organismes nationaux. Au Canada, cest la Commission canadienne du blé (CCB) qui assure la mise en marché des céréales. Au cours des 50 dernières années, le commerce mondial des céréales a augmenté, tandis que le nombre de joueurs, lui, a diminué. Au début des années 80, le commerce des céréales était contrôlé dans une proportion de 75 p. 100 par un tout petit noyau de personnes. Le rôle joué par la Commission a toujours été objet de controverse. Créée de toute urgence pour faire face à une série de désastres économiques et environnementaux sans précédents dans lOuest canadien, la Commission était considérée, au mieux, comme une « intruse » aux yeux des membres de la classe politique. Elle a été mise sur pied une première fois en 1917 pendant la guerre, et ensuite en 1935, pour organiser la vente des céréales dans des conditions difficiles. Elle constituait à lorigine une solution de compromis qui devait contribuer à accroître les recettes et à stabiliser les revenus; la participation des agriculteurs y était facultative. En 1943, lorsque la production agricole et lapprovisionnement des Alliés sont redevenues un important objectif pour le Canada, ladhésion des agriculteurs à la Commission du blé est devenue obligatoire. La Commission est également devenue, en 1949, lorganisme exclusif de mise en marché de lavoine et de lorge. Lavoine a été rayée de son mandat le 1er août 1989, tandis que lorge destiné aux marchés américains la été le 1er août 1993. Dans ce dernier cas, la décision prise par décret a été renversée par la Cour fédérale le 10 septembre, soit dix jours avant son entrée en vigueur, au motif que le mandat de la Commission pouvait être modifié uniquement par le Parlement, et non par le Cabinet. En effet, la Prairie Pools Inc. a soutenu devant les tribunaux que les pouvoirs de commercialisation de la Commission, vu leur caractère historique et leur importance, ne pouvaient être modifiés de façon arbitraire par un décret du Cabinet. Les producteurs ont réclamé la tenue dun plébiscite sur la question, puisquune grande majorité dagriculteurs sopposait à la décision qui avait été prise. Le 20 novembre 1993, le nouveau gouvernement libéral a annoncé quil navait pas lintention dinterjeter appel du jugement du 10 septembre, comme en avait décidé le gouvernement conservateur sortant. Le mandat premier de la Commission est de vendre au meilleur prix possible le blé cultivé au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta et dans certaines régions de la Colombie-Britannique. Elle a le pouvoir exclusif de commercialiser le blé et lorge destinés à lexportation, et agit en qualité de principal fournisseur des céréales destinées à la consommation humaine. Dans ce dernier cas, les ventes sont effectuées par la Commission ou directement par les négociants en grains. La Commission est considérée comme une société dÉtat au sens de la Loi sur la gestion des finances publiques. Le chiffre daffaires de ce vaste organisme est de trois à six milliards de dollars. La Commission se compose dun président, dun vice-président et de trois autres commissaires. Toutes ses activités sont financées par les producteurs de céréales de lOuest. Un comité consultatif formé dagriculteurs élus conseille la Commission. En octobre 1990, un groupe détude a rendu public un rapport sur les défis et les occasions de croissance quoffriront à la Commission les années 90 et celles qui suivront. En plus de se pencher sur les méthodes de commercialisation, de transport et de manutention du grain, le groupe a recommandé que les cinq commissaires, actuellement nommés par le gouvernement, soient plutôt remplacés par un président et un vice-président désignés par un conseil dadministration composé de membres à temps partiel. Les agriculteurs occuperaient la majorité des sièges au sein du conseil, qui comprendrait également des représentants de lindustrie et du gouvernement. Cette structure, semble-t-il, placerait davantage lorganisme sous lautorité de ses actionnaires, cest-à-dire les agriculteurs canadiens, et permettrait au président directeur-général de soccuper des activités courantes de la Commission. Certaines des recommandations formulées par le groupe détude ont été mises en uvre, tandis que dautres, comme celle qui porte sur la nouvelle structure, nont pas été retenues. Les opérations de vente et les comptes de mise en commun de la Commission permettent aux agriculteurs des Prairies de recevoir pour leur produit un prix qui tient compte des conditions du marché, et non pas des fluctuations quotidiennes des cours sur les marchés internationaux. La Commission verse le prix initial que garantit le gouvernement aux producteurs, et calcule ensuite la moyenne annuelle (mise en commun) du prix initial à la production. Elle tient des comptes distincts pour tous les grains quelle commercialise durant chaque campagne agricole. Dès quelle est payée intégralement pour les grains livrés pendant une campagne agricole, la Commission calcule le surplus et, une fois les frais dexploitation déduits, distribue celui-ci aux producteurs sous forme de paiement final, en fonction des livraisons effectuées. Sil y a déficit, celui-ci est assumé par le Trésor fédéral aux termes de la Loi sur la Commission canadienne du blé. Le gouverneur en conseil désigne un membre du Cabinet, pour agir en qualité de ministre aux fins de lapplication de la Loi. La Commission utilise les silos primaires situés dans les régions de lOuest pour entreposer les grains livrés par les producteurs, verser les paiements initiaux, et assurer le stockage, la manutention et la livraison de grains, selon les besoins. La Commission ne possède ni nexploite dinstallations de manutention des céréales; ce sont des entreprises qui achètent, manutentionnent et parfois vendent les céréales à titre de mandataires de la Commission. La Commission vend du grain à des organismes nationaux ou à des sociétés céréalières internationales. Elle traite avec 70 pays, et offre à ses clients une grande diversité doptions dachat et de livraison. La stratégie globale de mise en marché de la Commission canadienne du blé repose sur lobjectif suivant : faire en sorte que les types et les qualités du grain exigé par les contrats de vente soient livrés à lendroit désigné, au moment voulu. La question de savoir si la Commission devrait continuer de soccuper des ventes dorge destinées aux États-Unis ne fait quajouter à la controverse entourant le rôle de la Commission, qui tient lieu dorganisme exclusif de mise en marché. Depuis lentrée en vigueur, en 1989, de lAccord de libre-échange Canada-États-Unis (ALÉ), les États-Unis soutiennent que certaines exportations canadiennes (le porc, le bois duvre, les bovins et le blé dur) sont contraires à laccord. En février 1993, le comité spécial binational a statué que la Commission ne pratiquait pas le dumping dans le cas du blé dur; elle a toutefois recommandé que les méthodes de vente de la Commission fassent lobjet dun examen annuel confidentiel. Malgré ces conclusions, la North Dakota Wheat Commission a continué dutiliser le pouvoir de négociation que lui confère lALÉNA (Accord de libre-échange nord-américain) signé en janvier 1994 pour demander limposition de sanctions commerciales contre les importations de blé dur. À la fin de 1993, elle a accusé la Commission canadienne de blé davoir recours à des subventions au transport trop généreuses et à des pratiques commerciales déloyales pour obtenir des avantages concurrentiels injustes. Daprès les représentants de lindustrie canadienne, si leurs ventes aux États-Unis ont augmenté, cest parce que les États-Unis exportent de grandes quantités de blé en vertu de leur programme dencouragement des exportations, privant ainsi leurs transformateurs du blé dur dont ils ont besoin pour fabriquer des pâtes et créant du coup un marché lucratif pour le blé dur canadien de qualité. Au milieu de janvier 1994, le président Clinton a ordonné à la Commission du commerce international dexaminer les pratiques de mise en marché du blé dur du Canada, et de lui en faire rapport dans un délai de six mois. Au cours de la campagne agricole 1992-1993, le Canada a exporté 708 000 tonnes de blé dur aux États-Unis, sur un total de 2,25 millions de tonnes. Les conclusions du premier examen indépendant de la Commission canadienne du blé pour la période comprise entre le 1er janvier 1989 et le 31 juillet 1992 ont été rendues publiques le 10 mars 1994. Sur les 105 contrats de vente de blé dur remplis, trois seulement contrevenaient aux dispositions du paragraphe 703.1 de lALÉ. Aux termes de ce paragraphe, la Commission canadienne du blé est tenue de ne pas vendre de blé dur aux États-Unis à un prix inférieur au prix dachat de ces produits, majoré des frais dentreposage, de manutention ou autres quelle a dû assumer. Le 22 avril 1994, les États-Unis ont informé le Secrétariat du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) de leur intention de renégocier, en vertu de lArticle XXVIII du GATT, les tarifs applicables au blé et à lorge. Les États-Unis doivent attendre 90 jours après avoir signalé leur intention dimposer de nouveaux tarifs sur le blé dur, après quoi le Canada est libre dinterdire lexportation au Canada de produits américains dégale valeur. Les produits américains qui pourraient être visés sont le vin, les pâtes et les céréales pour le petit déjeuner. Au Canada, les industries laitière et de la volaille craignent que le système de gestion de loffre ne soit menacé par les efforts déployés pour apaiser les États producteurs de blé. En vertu dun accord bilatéral conclu avec le Canada le 1er août 1994, les États-Unis ont affirmé quils renonçaient à la renégociation des tarifs en vertu de lArticle XXVIII, évitant ainsi une éventuelle guerre du marché de lalimentation. En vertu de laccord, qui a pris fin le 12 septembre 1995, des tarifs punitifs étaient imposés sur le blé exporté aux États-Unis au-delà de 1,5 million de tonnes; un total jamais égalé de 2,5 millions de tonnes a été expédié vers le sud en 1993-1994. Lentente ne visait pas les 400 000 tonnes dorge, de semoule et de blé, provenant principalement du Québec et de lOntario, qui ne passent pas par la Commission canadienne du blé. Une commission canado-américaine dexperts mise sur pied en septembre 1994 avait un an pour étudier le différend et six mois pour formuler des recommandations préliminaires. La Commission canado-américaine conjointe sur les céréales a publié son rapport préliminaire le 22 juin 1995; elle y recommande lélimination des politiques discrétionnaires sur les prix dans les deux pays. Cela entraînerait labolition du programme américain dencouragement des exportations; de son côté, la Commission canadienne du blé serait davantage exposée aux risques et aux avantages du marché et devrait faire preuve dune plus grande transparence dans ses méthodes détablissement des prix. On reprochait à la Commission ses pratiques de mise en commun qui cassent les prix, bien que son mandat soit de respecter les règles du commerce et de vendre le blé à des prix non inférieurs aux prix du marché. La Commission a recommandé quil soit permis aux producteurs de participer ou non aux mises en commun du blé et de lorge canadien. Les États-Unis voudraient que les tarifs et les contingents soient prolongés au-delà du 12 septembre 1995, mais il faudrait pour imposer dautres restrictions en faire officiellement la demande au Congrès américain, une éventualité qui est peu probable. Le rapport final du 11 septembre 1995 examine le détail du fonctionnement des deux systèmes de vente de céréales et recommande la création dun comité consultatif pour régler les questions transfrontalières à court terme. Les détracteurs de la Commission canadienne du blé soutiennent que les opérations de vente de lorganisme doivent faire lobjet dune plus grande transparence et quil faut offrir aux agriculteurs des mécanismes qui leur permettront dobtenir un juste prix pour leur produit. En mars 1992, la Commission a modifié son système de mise en commun en vue de permettre aux agriculteurs dacheminer directement leur grain aux marchés américains par camion, au lieu de passer par les silos. Toutefois, elle a carrément refusé de céder le monopole quelle détient sur les ventes dorge destinées aux États-Unis. Les partisans de la Commission soutiennent que les États-Unis cherchent, depuis lentrée en vigueur de lAccord de libre-échange, à réduire les pouvoirs de mise en marché de la Commission. À leur avis, les prix initiaux garantis par le gouvernement et la centralisation des ventes constituent les deux facteurs qui permettent à la Commission de verser aux agriculteurs des Prairies des revenus plus élevés. La Commission est née de la confusion et de la faiblesse de léconomie de marché qui caractérisaient les années 20 et 30, de sorte que les luttes qui ont marqué sa création ne sont plus aujourdhui que de lointains souvenirs. Les agriculteurs progressifs ne sont plus nécessairement ceux qui misent sur les coopératives ou lapproche collective pour défendre leurs intérêts. La nouvelle génération dagriculteurs préfère gérer elle-même ses affaires. Il est évident que la libéralisation des marchés dans les années 90 a pour effet de remettre en question la position jusquici incontestée de la Commission. Certains agriculteurs ont défié la Commission et vendu leur grain directement aux États-Unis. En réponse à cela, le Cabinet a approuvé, le 17 mai 1996, un décret exigeant des exportateurs de blé et dorge quils prouvent à la frontière américaine quils ont un permis dexportation de la Commission canadienne du blé. Pour essayer de mettre un terme aux récriminations sur la façon dont le blé et lorge sont vendus, le ministre Goodale a constitué, en 1995, un Comité de la commercialisation des grains de lOuest, composé de neuf membres, dont le mandat était dexaminer tous les aspects de cette commercialisation, y compris la question du monopole de la CCB. Le 9 juillet 1996, le ministre Goodale a rendu publics les résultats de cette étude dun an. Le comité propose que lon permette que le quart de la récolte annuelle de blé, estimée à cinq milliards de dollars, ainsi que la totalité de la récole dorge fourragère évaluée à 250 millions de dollars soient vendus au cours commercial. La Commission resterait le seul acheteur des deux catégories de blé et elle paierait à lagriculteur soit le prix au comptant, soit le prix moyen de la mise en commun. Les modifications proposées à la Loi sur la Commission canadienne du blé dans une étude antérieure rendraient lexploitation de la Commission plus semblable à celle dune entreprise privée, et son conseil dadministration serait élu. Les résultats de létude ne semblent pas indiquer que lon ait résolu les différends qui existent dans la communauté agricole au sujet du rôle de la CCB. Le ministre a lintention de consulter les agriculteurs avant de procéder à une modification du mandat de la Commission. En décembre 1996, le gouvernement a déposé les modifications à la Loi sur la Commission canadienne du blé. Selon le projet de loi C-72, la CCB serait devenue une entreprise déconomie mixte dirigée par un président directeur général à plein temps et un conseil dadministration composé de membres à temps partiel. Toute modification du monopole de la Commission sur la commercialisation du blé et de lorge aurait été subordonnée à un décret et à un vote des producteurs. Avant létape de la deuxième lecture, le projet de loi C-72 a été soumis au Comité permanent de lagriculture et de lagroalimentaire de la Chambre des communes, en février 1997. Le Comité a entendu une centaine de témoins et apporté dimportantes modifications au projet de loi, en particulier au chapitre de la conduite des affaires de la Commission. Le 16 avril 1997, rapport a été fait à la Chambre des communes sur le projet de loi C-72, modifié par le Comité. Dans la version modifiée, le Comité disposait que dix administrateurs seraient élus par les producteurs. Dautres modifications concernaient une augmentation du pouvoir du conseil dadministration et un changement de statut de la CCB et du rôle du fonds de réserve. Le projet de loi C-72 est mort au Feuilleton avec la dissolution du Parlement en avril 1997 pour la tenue délections générales. En septembre 1997, le projet de loi C-4 : Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et dautres lois en conséquence, a franchi létape de la première lecture à la Chambre des communes. Il a été soumis au Comité permanent de lagriculture et de lagroalimentaire de la Chambre des communes en octobre 1997 avant létape de la deuxième lecture. Le projet de loi C-4 sinspire du projet de loi C-72 modifié en avril 1997 par le Comité permanent de lagriculture et de lagroalimentaire de la Chambre des communes avec quelques modifications de forme cependant (voir à ce sujet le résumé législatif LS-292F de la Direction de la recherche parlementaire). Les modifications les plus importantes concernaient la nomination dun président du conseil dadministration par ce même conseil et la possibilité dajouter des types de grain au mandat de la Commission si certaines conditions étaient remplies. Le Comité permanent de lagriculture et de lagroalimentaire de la Chambre des communes a apporté quelques amendements au projet de loi. En vertu de ceux-ci, notamment, seuls des producteurs de grains ont la possibilité décrire au ministre pour demander que leur type de grain soit ajouté au mandat de la Commission. Le Comité a fait rapport du projet de loi modifié à la Chambre des communes le 7 novembre 1997. Entre le 24 mars et le 2 avril 1998, le Comité sénatorial permanent de lagriculture et des forêts a tenu des audiences publiques à Brandon, Regina, Saskatoon, Calgary, Edmonton et Winnipeg. Il a entendu 92 agriculteurs, 34 organisations de producteurs et trois ministres provinciaux de lagriculture. Il a également entendu, à Ottawa, le ministre responsable de la CCB, ainsi que des représentants de la CCB et de AAC. Dans son rapport déposé au Sénat le 14 mai 1998, le Comité sénatorial a fait les recommandations suivantes :
Le Comité sénatorial a également recommandé :
Le projet de loi C-4 a reçu la sanction royale le 11 juin 1998 et depuis lautomne 1998, la nouvelle structure de la CCB est en place. Un président-directeur général supervise les activités quotidiennes et cest désormais un conseil dadministration qui est chargé de la stratégie de la CCB. Sur les 15 membres du conseil dadministration, 10 sont des agriculteurs élus et les cinq autres, dont le président-directeur général, sont nommés par le gouvernement. b. Organismes nationaux de gestion de loffre Les systèmes de gestion de loffre ont permis détablir un juste équilibre entre loffre et la demande. Les difficultés à ce chapitre se sont manifestées pour la première fois lors de la spécialisation du secteur de la volaille. Les percées technologiques des années 50 et 60 ont entraîné une baisse considérable des coûts, une hausse de la production, une chute des prix réels et dimportants changements structurels dans un climat plus marqué quauparavant par la concurrence. La faiblesse des prix et les fluctuations cycliques de prix enregistrées dans les années 60 ont favorisé les économies déchelle, acculant ainsi à la faillite les petits producteurs de volaille et dufs. Les prix avaient tendance à être fixés par les entreprises américaines, cest-à-dire par les fabricants daliments fourragers et les transformateurs dont les systèmes de production avicole étaient fortement intégrés verticalement, ce qui avait pour effet de les rendre plus compétitifs. Les arrangements contractuels conclus aux États-Unis, en vertu desquels les agriculteurs recevaient une rémunération pour les services quils fournissaient, reflétaient les disparités qui existaient entre le pouvoir de négociation des producteurs et des entreprises intégrées. En réponse, les provinces ont mis sur pied des offices de commercialisation pour stabiliser les prix ou la production, ou les deux. Dès les années 70, il devint toutefois évident que seul un système national de gestion de loffre permettrait de coordonner la production et la demande tout en empêchant la circulation incontrôlée de produits venant des États-Unis ou dautres provinces. La Loi sur les offices de commercialisation des produits de ferme, qui consacrait le principe de la gestion de loffre, est donc entrée en vigueur en 1972. Un Conseil national de commercialisation des produits de ferme a été créé en vertu de cette loi pour conseiller le ministre sur les questions relatives au fonctionnement des offices en vue de promouvoir lefficacité du secteur agricole. Dans les années qui ont suivi, des organismes nationaux ont été mis sur pied pour les ufs, la dinde et la volaille. Ces fédérations regroupaient les offices provinciaux de commercialisation, qui représentent une majorité de producteurs. Leur rôle consistait à établir des contingents nationaux axés sur les besoins du marché, à les répartir entre les provinces et à fixer des droits et des pénalités en cas de surproduction et de sous-production. Les offices provinciaux, quant à eux, allouaient des contingents aux producteurs et en assuraient le respect en imposant des pénalités lorsque la production excédait de plus de 1 p. 100 le quota établi. Ce sont les offices qui déterminaient quels agriculteurs pouvaient participer au système en fixant la taille des unités de production et les règles relatives au maintien et au transfert des contingents. Le système dallocation de contingents a permis aux transformateurs canadiens de sapprovisionner auprès de fournisseurs étrangers pour satisfaire une partie de leurs besoins. Ainsi, depuis la signature de lAccord de libre-échange Canada-États-Unis en octobre 1987, le contingent dimportation de poulets est fixé à 7,5 p. 100 de la consommation intérieure, et dans le cas de la dinde, à 3,7 p. 100. Même sil sagit là dune hausse de près dun point de pourcentage par rapport aux années antérieures, les transformateurs canadiens soutiennent quils ne peuvent avoir accès, quand ils le veulent, à des produits offerts à des prix concurrentiels. Aux États-Unis, ce sont les transformateurs qui contrôlent la production de poulets et daliments pour poulets ainsi que les aspects techniques, de sorte que ce sont eux qui déterminent combien de poulets entrent à lusine de conditionnement, et quand. Les producteurs reçoivent un prix fixé à lavance pour lutilisation et la gestion de leurs installations. Ils ne possèdent donc aucun pouvoir de négociation à ce chapitre, contrairement aux producteurs canadiens. Le système de gestion de loffre était censé permettre à lindustrie davoir son mot à dire au sujet des contingents qui sont alloués par province au cours de chaque période. Les partisans du système soutiennent que la gestion de loffre a permis de protéger les petites exploitations agricoles contre le haut niveau dintégration verticale qui caractérise lindustrie américaine, et de garantir aux agriculteurs canadiens des revenus suffisants aux titres de la main-duvre agricole, de la gestion et des investissements. La gestion de loffre favorise, à leur avis, la stabilité du marché. Les détracteurs soutiennent toutefois que ce système réglementaire est monopolistique et rigide, quil est incapable de sadapter aux besoins changeants des régions et des consommateurs, ni aux technologies nouvelles, éléments qui influent sur le marché ou les coûts de production. De plus, ils affirment que les prix fixés en vertu de ce système sont souvent supérieurs aux coûts du producteur le plus efficace. En vertu de lAccord de libre-échange Canada-États-Unis, les tarifs douaniers doivent être progressivement éliminés sur dix ans. Cette période est fixée à cinq ans dans le cadre de lALÉNA. Les régimes de gestion de loffre étaient protégés en vertu de lArticle XI du GATT, dont les dispositions autorisaient limposition de restrictions à limportation. Vers la fin des négociations de lUruguay Round, amorcé sept ans plus tôt dans le but, entre autres, de convertir les contrôles externes en tarifs, le Canada, qui demandait que larticle XI soit clarifié et renforcé, sest retrouvé de plus en plus isolé lorsque la Communauté européenne, la Norvège, Israël, la Suisse, le Japon et la Corée on cessé de lui accorder leur appui. En effet, la position du Canada sest trouvée affaiblie par le fait quil exigeait, en même temps que le maintien de la gestion de loffre, la réduction de toutes les subventions aux exportations pour les produits comme les céréales et la viande, dont le prix est fixé par le marché. Selon le nouvel accord GATT-OMC (Organisation Mondiale du commerce) conclu en décembre 1993 et signé le 15 avril 1994, les contingents dimportation à la frontière devaient être remplacés en 1995 par des tarifs douaniers pouvant atteindre au maximum 300 p. 100; ces tarifs ne devaient ensuite être réduits que de 15 p. 100 sur six ans. Le gouvernement estime que les règles du GATT-OMC devraient primer sur toute règle de lALÉ ou de lALÉNA, tandis que les Américains estiment que les nouvelles règles du GATT-OMC contreviennent à lALÉNA, qui proscrit les nouveaux tarifs et promet quil soit mis fin à tous les tarifs dici 1998. À la lumière de laccord du GATT, les négociateurs canadiens et américains essaient de parvenir à une entente sur les questions touchant les produits transformés, y compris le yogourt et la crème glacée. Les États-Unis veulent éliminer les tarifs proposés sur six ans, alors que le Canada propose de les réduire de 36 p. 100 sur six ans, et ensuite de les éliminer sur quatre ans. Daprès un observateur américain, les États-Unis accepteront peut-être déliminer progressivement les tarifs sur la crème glacée et le yogourt sur dix ans, si les tarifs applicables aux produits de la ferme soumis à une gestion de loffre, y compris les ufs, les poulets, le fromage et autres produits laitiers, sont assujettis au même échéancier. Les négociateurs canadiens ont proposé aux Américains de leur donner accès à 5 p. 100 du marché des produits laitiers si les États-Unis permettent aux producteurs canadiens davoir accès à 3 p. 100 du marché américain. Le 17 juillet 1995, les États-Unis ont demandé quun groupe spécial bilatéral examine limposition déquivalents tarifaires en vertu du chapitre 20 de lALÉNA. Les producteurs canadiens craignent que la suppression des tarifs protecteurs nentraîne la disparition de la gestion de loffre et que les géants américains de lindustrie laitière sapent les prix canadiens et semparent de leur part du marché intérieur. Le 26 février 1996, le Canada a déposé sa défense des tarifs de gestion de loffre quil a imposés lannée précédente pour respecter les nouvelles règles du commerce mondial. Une décision provisoire sur le différend, rendue en juillet, confirme le droit des 32 000 producteurs canadiens appartenant à un système de gestion de loffre de maintenir indéfiniment des droits de douane élevés, quoi que prévoient les dispositions de lALÉNA. Le sort réservé aux systèmes de gestion de loffre dans le présent accord du GATT (Uraguay Round) est analysé dans le Bulletin dactualité 89-7F, Le GATT : la onzième heure pour larticle XI. Quil suffise de dire que lavenir des offices de commercialisation est incertain, même si, de lavis du Canada, ils ninfluent aucunement sur le commerce international. On exige de plus en plus que les offices de commercialisation abandonnent leur politique protectionniste et souvrent davantage au marché. Ces demandes viennent surtout des transformateurs de volaille, qui affirment devoir verser 25 p. 100 de plus que leurs confrères américains pour les matières premières soumises à une gestion de loffre. Ils soutiennent que, une fois les tarifs visés par lALÉ éliminés, ils ne seront pas en mesure de faire concurrence aux produits américains moins coûteux, qui bénéficient également dautres avantages fiscaux. La gestion de loffre a été lun des premiers aspects à être étudié dans le cadre de lexamen de la politique agroalimentaire, annoncé en décembre 1989. Les groupes de travail formés de représentants du gouvernement et de lindustrie ont publié des rapports sur la volaille et les produits laitiers, rapports qui ont été examinés lors de la réunion des ministres de lAgriculture en juillet 1991. Un comité directeur a été mis sur pied pour élaborer un plan daction et mettre en uvre les recommandations des deux groupes. Onze principes ont été établis en vue de définir une « seconde génération » de systèmes de gestion des approvisionnements qui seraient plus souples et plus sensibles à la concurrence et à létat du marché. Depuis, les rapports annuels des divers organismes de gestion de loffre font état des efforts déployés pour mettre en place de tels systèmes. Agriculture et Agroalimentaire Canada a confié à un sous-ministre adjoint la responsabilité exclusive des systèmes nationaux de commercialisation. Le gouvernement a mis sur pied un groupe de travail de cinq membres chargé de déterminer les mesures que doivent prendre les offices de commercialisation pour se conformer au nouvel accord GATT-OMC. Le Groupe de travail était dirigé par Lyle Vanclief, alors secrétaire parlementaire du ministre de lAgriculture. Le 23 mars 1994, le Groupe de travail a publié son plan daction. Cinq comités sectoriels regroupant toutes les parties visées devaient se pencher sur le fonctionnement, par rapport aux nouvelles pratiques commerciales du GATT et de OMC, des plans nationaux, des formules de contingentement, des mécanismes de vérification de la conformité et ainsi de suite sappliquant aux produits laitiers, aux poulets, aux ufs dincubation de poulet à chair, au dindon et au secteur des ufs. La gestion de loffre traverse actuellement une période de remise en question autant de la part du gouvernement que de certains producteurs à lintérieur même des secteurs sous gestion de loffre. Le problème est de trouver léquilibre entre la volonté de croître par des exportations plus importantes et le maintien dune certaine rigidité de la production au pays pour permettre des prix au producteur plus élevés. Lapproche canadienne de double prix (un prix intérieur et un prix plus bas pour lexportation) est loin de faire lunanimité parmi nos partenaires commerciaux. Toutefois, le gouvernement maintient sa position; selon lui, la gestion de loffre telle quelle est actuellement ne pose pas de problème de distorsion sur les marchés extérieurs. Il cherche également à aider le secteur à élaborer une stratégie à long terme pour les marchés dexportation des produits à valeur ajoutée. Les États-Unis et la Nouvelle-Zélande soutiennent que le système de double tarification en vigueur pour les produits laitiers est une subvention à lexportation. Ils ont donc porté plainte devant lorgane de règlement des différends de lOrganisation mondiale du commerce (OMC). En mars 1999, un groupe spécial de lOMC a jugé que le Canada violait ses obligations au titre de laccord sur lagriculture de 1994 en fournissant des subventions à lexportation à son industrie laitière. Le gouvernement a fait appel du jugement en précisant que ce dernier naffectait pas la gestion de loffre en tant que telle. La question du GATT et de la gestion de loffre a été abordée à la Chambre en vertu de larticle 81 du Règlement le 12 février 1992, en réponse à la position du secrétaire général du GATT, M. Dunkel, qui sétait déclaré en faveur de la tarification. Le Parlement a alors adopté une motion appuyant larticle XI et le système de gestion de loffre. Un débat plus général a été tenu en vertu du même article du Règlement le 9 février 1993; il portait, entre autres, sur le GATT et sur le rôle de la Commission canadienne du blé en ce qui concerne les ventes dorge aux États-Unis. À la suite daudiences tenues à lautomne de 1992, le Comité permanent des finances a publié en janvier 1993 le rapport quavait préparé le Sous-comité de la réglementation et de la compétitivité. Le Sous-comité avait été invité, dans le budget déposé en février 1992, à participer à lexamen de la réglementation fédérale et de ses répercussions sur la concurrence. Des recommandations ont été formulées au sujet des ministères de lAgriculture, de la Consommation et des Affaires commerciales et des Transports. Après les audiences tenues à lautomne 1994, le Comité permanent de lagriculture et de lagroalimentaire de la Chambre des communes a publié un rapport sur ses priorités pour lavenir de lagriculture. Il y souligne limportance pour la recherche et la réglementation dassurer le caractère innovateur et la salubrité du système alimentaire. Le Comité permanent a toujours surveillé étroitement le budget des dépenses du ministère. En 1996-1997, le budget des dépenses a été utilisé comme lun des documents pilotes du projet dAmélioration des rapports au Parlement du Conseil du Trésor. Lun des principaux objectifs de cette initiative était daméliorer considérablement la capacité du Parlement de comprendre les plans de dépense des ministères et dinfluer sur eux. Le Comité a constaté que le nouveau format était moins simple quavant, mais il a reconnu quil contenait des renseignements additionnels utiles sur les activités du ministère. Le Comité sest inquiété de voir des modifications à des programmes sans indications adéquates des conséquences financières. Il a mentionné les « frais dutilisation » comme exemple de documentation insuffisante sur les conséquences cumulatives possibles pour les agriculteurs canadiens, vu que cela pourrait nuire à leur capacité de soutenir la concurrence à létranger. Au cours de la première session de la trente-sixième législature (1997-1998), le Parlement a étudié les projets de loi suivants :
Les projets de loi C-4 et C-26 ont reçu respectivement la sanction royale les 11 et 18 juin 1998. À lautomne 1998, le Comité a étudié la crise du revenu agricole au Canada; dans son rapport, il a recommandé « dajouter au filet de sécurité du revenu agricole actuel une troisième ligne de défense qui reposerait sur un programme national contre les catastrophes basé sur les revenus ». Il a également tenu des audiences exploratoires au sujet des négociations commerciales multilatérales (NCM) sur lagriculture qui ont eu lieu à la fin de lannée 1999. Ces audiences ont fourni aux différents groupes agricoles et agroalimentaires une occasion de discuter publiquement pour la première fois de leurs attentes au sujet des NCM sur lagriculture. septembre 1986 - Début des négociations de lUruguay Round du GATT à Punta del Este. décembre 1988 - Examen à mi-parcours du GATT sur les réductions proposées des subventions versées aux agriculteurs. janvier 1989 - Entrée en vigueur de lAccord de libre-échange Canada-États-Unis. avril 1989 - Adoption des réductions proposées lors de lexamen à mi-parcours du GATT. août 1989 - Les ventes davoine sont rayées du mandat de la Commission canadienne du blé. décembre 1989 - Lancement de lexamen de la politique Agroalimentaire du Canada, Partenaires dans la croissance. mai 1991 - Le Groupe de travail sur la politique laitière publie son rapport définitif, qui fait suite au rapport préliminaire publié en juin 1990. - Le Groupe de travail sur la volaille publie son rapport définitif, qui fait suite au rapport préliminaire publié en mai 1990. décembre 1991 - Publication des recommandations de M. Dunkel concernant les tarifs du GATT. décembre 1992 - Adoption dun règlement omnibus sur les changements apportés à la réglementation dAgriculture Canada. juillet 1993 - Agriculture Canada devient Agriculture et Agroalimentaire Canada. août 1993 - Les ventes dorge sont rayées du mandat de la Commission canadienne du blé. septembre 1993 - Les ventes dorge sont réintégrées au mandat de la Commission. décembre 1993 - Les négociations de lUruguay Round du GATT se terminent par la conclusion dun accord visant à remplacer les contingents dimportation par un système de tarifs. janvier 1994 - LAccord de libre-échange nord-américain entre en vigueur. avril 1994 - Signature de laccord du GATT qui met en application les propositions tarifaires de décembre 1993 et transforme le GATT en Organisation mondiale du commerce. décembre 1994 - La Loi portant mise en oeuvre de lAccord instituant lOrganisation mondiale du commerce (projet de loi C-57) reçoit la sanction royale. - Les modifications à la Loi sur les grains du Canada reçoit la sanction royale. février 1995 - Agriculture et Agroalimentaire Canada publie son document prospectif sur trois ans intitulé Programme : Emploi et croissance. mars 1996 - Agriculture et Agroalimentaire Canada produit une mise à jour du Programme emplois et croissance intitulée Sur le chemin du succès. avril 1997 - Création de lAgence canadienne dinspection des aliments. juin 1998 - Le projet de loi C-4 : Loi modifiant la loi sur la Commission canadienne du blé et dautres lois en conséquence reçoit la sanction royale. - Le projet de loi C-26 : Loi modifiant la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière dagriculture et dagroalimentaire et abrogeant la Loi sur les marchés de grain à terme reçoit la sanction royale. Agriculture Canada. Le défi des années 80, Une stratégie Agroalimentaire pour le Canada. Ministre de lAgriculture, 9 juillet 1981. Agriculture Canada. Partenaires dans la croissance : une vision de lindustrie Agroalimentaire canadienne. Ottawa, ministre des Approvisionnements et Services, 1989. Agriculture Canada. Groupe de travail sur la compétitivité dans le secteur Agroalimentaire. Ottawa, 1990. Agriculture Canada. Partenaires dans la croissance : Ériger un partenariat, Examen de la politique Agroalimentaire. Divers numéros, 1990-1992. Agriculture Canada. Agriplus. Volume 1. Divers numéros, 1992. Agriculture et Agroalimentaire Canada. Orientations futures du secteur canadien de lagriculture et de lAgroalimentaire. Ottawa, septembre 1994. Agriculture Canada et Consommation et Corporations Canada. A Food Strategy for Canada. Ottawa, c. 1977. Canada, Comité permanent de lAgriculture de la Chambre des communes. Lindustrie agro-alimentaire : le défi de la concurrence. Fascicule no 47. 8 novembre 1990. Canadian International Grains Institute. Grains and Oilseeds : Handling, Marketing and Processing. Vol. 1. Winnipeg, CIGI, 1993. Conseil économique du Canada. LÉtat et la prise de décisions : application aux politiques de développement des ressources humaines. Information Canada, septembre 1971. Forbes, J.D. Institutions and Influence Groups in Canadian Farm and Food Policy. Chapitre 6 (The Crow). Toronto, Institut dadministration publique du Canada, 1985. Forbes, J.D., R.D. Hughes et T.K. Warley. Lintervention de lÉtat dans le secteur agricole au Canada. Étude préparée pour le Conseil économique du Canada et lInstitut de recherches en politiques publiques. Ottawa, ministre des Approvisionnements et Services, 1982. Morriss, William E. Chosen Instrument, A History of the Canadian Wheat Board. The McIvor Years. Edmonton, Reidmore Books, c. 1987. Price Waterhouse. Review of Supply Management Operations in Chicken, Eggs and Turkey. Octobre 1987. Statistique Canada. Le quotidien : Le Recensement de lagriculture de 1991. 4 juin 1992. * La première version de ce bulletin dactualité a été publiée en février 1994. Le document a été sans cesse mis à jour depuis. |