Direction de la recherche parlementaire


PRB 98-6F

 

LIGNES DIRECTRICES FÉDÉRALES SUR LES
PENSIONS ALIMENTAIRES POUR ENFANTS

 

Rédaction :
Margaret Young
Division du droit et du gouvernement
Octobre 1998


Le 1er mai 1997, le mode de calcul des pensions alimentaires pour enfants en cas d’éclatement de la famille a considérablement changé au Canada. Ce jour-là, en effet, les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants(1) sont entrées en vigueur, après modification, plus tôt au cours de l’année, de la Loi sur le divorce(2). Ainsi, le gouvernement fédéral a pu adopter le nouveau système par règlement. Toutefois, les Lignes directrices fédérales sont d’une portée plus grande que les dispositions relatives aux pensions alimentaires pour enfants prévues dans la Loi sur le divorce(3).  La plupart des provinces (à l’exception du Québec, qui a élaboré ses propres lignes directrices) ont adopté les Lignes directrices fédérales telles quelles ou après les avoir légèrement modifiées. Par conséquent, partout au Canada, sauf au Québec, ces dernières s’appliquent désormais en cas d’éclatement de la famille, qu’il y ait divorce ou non.

Les Lignes directrices visent quatre objectifs :

  • faire en sorte que les enfants jouissent d’un soutien alimentaire convenable qui leur permette de continuer de bénéficier des ressources financières des deux parents après la séparation;

  • réduire les conflits entre parents séparés en remplaçant le modèle antérieur, fondé sur des procédures judiciaires aboutissant à des résultats décidés au cas par cas, par un mode de calcul plus objectif du montant des ordonnances alimentaires;

  • améliorer l’efficacité du processus judiciaire en guidant les tribunaux et les parents dans la détermination du montant approprié des ordonnances alimentaires et en favorisant le règlement des affaires;

  • faire en sorte que tous les parents et les enfants qui se trouvent dans des situations semblables soient traités de la même façon(4).

Les Lignes directrices fédérales reposent sur un concept qui est nouveau en droit canadien : en règle générale, le montant payable n’est fonction que du revenu du parent payeur. On suppose que le parent receveur participera normalement au soutien alimentaire de l’enfant d’une manière qui sera typique des personnes dans sa situation. Sauf en de rares cas de difficultés excessives, le revenu du ménage de chacun des parents n’est pas pris en compte(5). Les tables qui figurent dans les Lignes directrices établissent donc le montant de base qu’un parent payeur devrait verser, compte tenu de son revenu et du nombre d’enfants. Il y a des tables pour chaque province, qui tiennent compte de l’imposition du revenu aux niveaux provincial et fédéral.

Le montant de base prévu dans les tables peut être rajusté en cas de dépenses extraordinaires ou spéciales, à condition que celles-ci soient raisonnables et nécessaires, compte tenu des besoins des enfants et des moyens financiers des parents. Pour effectuer ce rajustement, il sera tenu compte à la fois du revenu du parent receveur et des habitudes de dépenses de la famille avant la séparation.

Les frais indiqués les plus importants sont :

  • les frais de garderie nets;

  • les frais médicaux et les frais relatifs aux soins de santé non couverts par des régimes d’assurance;

  • les dépenses extraordinaires relatives aux études primaires ou secondaires ou à un programme spécial;

  • les frais relatifs aux études postsecondaires; et

  • les frais extraordinaires relatifs à des activités parascolaires(6).

Les dispositions des Lignes directrices relatives aux dépenses spéciales ou extraordinaires ont donné lieu à de grandes difficultés d’interprétation et à une jurisprudence disparate.

La garde partagée est une autre question qui a occasionné des difficultés d’interprétation et des conflits entre parents. Reconnaissant que les deux parents participent souvent largement à la vie de leurs enfants, les Lignes directrices stipulent que, lorsqu’un des parents exerce son droit d’accès auprès d’un enfant ou en a la garde physique pendant au moins 40 p. 100 du temps, le montant de l’ordonnance alimentaire devra en tenir compte, c’est à dire qu’il dépendra des trois facteurs suivants : les montants figurant dans les tables applicables à l’égard de chaque époux, les coûts plus élevés associés à la garde partagée et la situation générale de chaque parent et de l’enfant. La manière d’établir si le seuil de 40 p. 100 du temps a été respecté a soulevé bien des questions. Il semblerait aussi, à en juger par les nombreux témoignages abondant dans ce sens, que certains parents s’efforcent d’atteindre la barre des 40 p. 100 afin d’abaisser le montant de l’ordonnance alimentaire qu’ils ont à payer.

Le Parlement a déjà examiné les Lignes directrices fédérales. En 1997, pour accélérer le passage du projet de loi C-41 devant le Comité sénatorial chargé de l’étudier, le gouvernement a convenu d’appuyer un ordre de renvoi à l’endroit du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie afin que celui-ci se penche sur les Lignes directrices au plus vite. Le Comité a étudié le document au cours de l’hiver et du printemps 1998 et en a fait rapport au Sénat en juin de la même année(7). Ce comité envisage de jouer un rôle de surveillance relativement aux Lignes directrices de façon permanente et il s’est engagé à aborder de nouveau la question dans les 18 mois suivant le dépôt de son rapport.

Le Comité sénatorial s’est concentré sur les deux questions problématiques déjà mentionnées, à savoir les dépenses extraordinaires ou spéciales et le partage du rôle parental. Il a recommandé une nouvelle définition de l’expression « dépenses extraordinaires » afin de clarifier l’intention du législateur et proposé que ce terme ne désigne que les « dépenses qui dépassent ce que dépensent normalement des parents du même revenu pour les fins en question »(8).

En enquêtant sur les questions liées au partage du rôle parental, le Comité a reconnu les besoins financiers des deux parents : les dépenses qu’engage le principal parent gardien sont fixes et ne diminuent pas lorsque l’autre parent dépasse le seuil des 40 p. 100; toutefois, les dépenses que ce dernier assume augmentent forcément à mesure que s’accroît la période pendant laquelle il joue son rôle de parent. Cela constitue un problème en particulier pour les parents dont les revenus sont de faibles à moyens. Le Comité a recommandé que le gouvernement examine d’autres méthodes permettant de répartir plus objectivement les coûts des tâches parentales et de protéger la situation des parents gardiens à revenu modeste(9).

Le Comité a également formulé des recommandations concernant le traitement du soutien alimentaire des enfants adultes fréquentant des établissements d’enseignement postsecondaire, les dispositions relatives aux « difficultés excessives », la reconnaissance des coûts d’accès et les divers aspects de l’exécution des décisions en matière de soutien alimentaire.

Aux termes de la Loi sur le divorce, le ministre de la Justice est tenu de faire un examen détaillé des Lignes directrices et de déposer au Parlement un rapport sur le sujet dans les cinq années qui suivent leur entrée en vigueur (c.-à-d. d’ici le 1er mai 2002)(10). Le ministère suit donc de près l’application de ces lignes directrices et il a mis sur pied un cadre de recherche global pour mesurer leurs répercussions(11). Toutefois, le Comité sénatorial a pressé le gouvernement de modifier les Lignes directrices dès que le besoin s’en fait sentir plutôt que d’attendre les résultats de l’examen complet; il lui a également demandé de le consulter avant de procéder à tout changement de fond(12).


(1) DORS/97-175

(2) Projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada. L.C. 1997, ch. 1. sanctionnée le 19 février 1997 et entrée en vigueur le 1er mai 1997.

(3) Loi sur le divorce, L.R.C. (1985), ch. 3 (2e suppl.) (D-3.4, modifiée).

(4) Lignes directrices, article 1.

(5) Pour faire diminuer pour raison de difficultés excessives le montant de l’ordonnance alimentaire qu’il verse, le parent payeur doit établir que le niveau de vie de son ménage sera inférieur au niveau de vie du ménage du parent bénéficiaire. Voir l’article 10 des Lignes directrices.

(6) Ibid., article 9.

(7) Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, Les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants — Rapport intérimaire, juin 1998.

(8) Ibid., recommandation 4, p. 9.

(9) Ibid., recommandation 6, p. 13.

(10) Loi sur le divorce, article 28.

(11) L’adresse électronique de la page d’accueil du ministère de la Justice sur les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants est la suivante : http://canada.justice.gc.ca/Orientations/Pensions/Child/index_fr.html. Il est possible de trouver dans ce site des renseignements utiles ainsi que le texte des Lignes directrices et un aperçu de la stratégie et du cadre en matière de recherches du ministère.

(12) Voir ci-dessus la note 7, recommandations 1 et 2, p. 5.