Direction de la recherche parlementaire |
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99-16F
LES DROITS AUTOCHTONES
Rédaction :
TABLE
DES MATIÈRES
CONFIRMATION CONSTITUTIONNELLE INTERPRÉTATION JURIDIQUE : DROITS ANCESTRAUX INTERPRÉTATION JURIDIQUE : DROITS ISSUS DE TRAITÉS LES DROITS AUTOCHTONES Confirmation constitutionnelle Dans les années 70, les tribunaux canadiens ont commencé à reconnaître que loccupation des terres par les peuples autochtones depuis des temps immémoriaux leur conférait des droits juridiques qui nétaient pas prévus dans des traités ni dans des lois. La constitutionnalisation des droits ancestraux et des droits issus de traités en 1982 a créé un nouveau cadre juridique pour lexamen des revendications autochtones de longue date. Larticle 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 na pas créé de droits; elle ne fait que reconnaître et confirmer les « droits existants ancestraux ou issus de traités » des peuples autochtones du Canada. Le texte précise en outre que ces droits ne sont pas assujettis à la Charte canadienne des droits et libertés, et plus particulièrement à la clause limitative quest larticle premier. Vu labsence de définition des droits, il revenait manifestement aux tribunaux dinterpréter la portée de larticle 35. Interprétation juridique : Droits ancestraux Les causes étudiées par la Cour suprême du Canada jusquà maintenant ont porté dans une large mesure sur les revendications des Autochtones en ce qui concerne les droits de pêche, dans le contexte daccusations portées aux termes de divers règlements sur les pêches. On sest attardé, dans les décisions rendues, à préciser les principes généraux, tout en soulignant que le dénouement de chaque cause touchant les droits ancestraux dépend des faits de lespèce. En 1990, larrêt Sparrow, qui fait jurisprudence, a établi un cadre initial dinterprétation. La Cour a alors déterminé que, pour ce qui est des droits, le mot « existants » signifie « non éteints ». Même si les droits conférés par larticle 35 peuvent limiter lapplication des lois fédérales et provinciales aux peuples autochtones, il ne faut pas en déduire que ces derniers ne sont pas assujettis à la réglementation gouvernementale. Cependant, la Couronne doit démontrer que toute atteinte, par la voie législative, à un droit autochtone existant est justifiée. Du fait de ce critère, la Couronne doit donc prouver que les mesures qui portent atteinte au droit visent un « objectif législatif valide » comme la conservation de richesses naturelles et quelles respectent la responsabilité et lobligation spéciale de fiduciaire du gouvernement fédéral envers les peuples autochtones. Pour trancher la question, il faut aussi déterminer, suivant les circonstances, si latteinte a été minime, si une indemnisation juste a été accordée (dans les cas dexpropriations) et si le groupe autochtone touché a été consulté. Plusieurs décisions rendues en 1996 sont venues compléter les lignes directrices découlant de laffaire Sparrow. Dans la trilogie darrêts portant sur le droit de pêcher à des fins commerciales (Van der Peet, Gladstone et Smokehouse), la majorité des juges de la Cour a défini les droits ancestraux comme des droits découlant de pratiques, de traditions et de coutumes qui étaient fondamentales pour les sociétés autochtones avant larrivée des Européens. Pour être reconnues comme droits ancestraux, ces pratiques et traditions doivent même si elles ont évolué et pris des formes modernes avoir fait partie intégrante de la culture distinctive des peuples autochtones. Les juges dissidents et dautres ont estimé que cette définition est trop limitative et quelle impose un lourd fardeau de la preuve aux demandeurs autochtones. Dans cette trilogie, la Cour a également établi que la constitutionnalisation des droits ancestraux était destinée à concilier loccupation antérieure de lAmérique du Nord par les peuples autochtones avec laffirmation de la souveraineté de la Couronne sur le territoire canadien. Dans les arrêts Côté et Adams sur les droits de pêche, la Cour a jugé que la protection des droits ancestraux aux termes de larticle 35 ne dépend ni des titres autochtones ni de la reconnaissance de ces droits par les puissances coloniales après larrivée des Européens en Amérique du Nord. Dans laffaire Pamajewon, qui soulevait des questions dautonomie gouvernementale en ce qui concerne les jeux dargent aux enjeux élevés, la Cour a statué quen présupposant que larticle 35 sapplique aux revendications touchant lautonomie gouvernementale, ces dernières sont assujetties au même cadre analytique que les autres revendications de droits autochtones. En décembre 1997, la Cour a rendu larrêt Delgamuukw, qui fait jurisprudence relativement au titre aborigène. Elle a alors précisé les principes sappliquant à cette catégorie de revendication de droits ancestraux. Même si la Cour ne sest pas prononcée sur le fond dans sa décision sur cette affaire, elle a confirmé que larticle 35 avait constitutionnalisé dans sa forme complète le titre aborigène en common law et quil existait une distinction entre le titre aborigène et les autres droits ancestraux, parce quil naît du rapport entre un territoire et un groupe. La Cour a jugé que le degré de rattachement avec le territoire est déterminant pour établir la portée des droits ancestraux, quelle a situés dans un spectre. À une extrémité du spectre, il y a le titre aborigène, qui confère le droit le plus vaste, soit le droit au territoire même. Après avoir défini les critères servant à prouver le titre aborigène (occupation relativement exclusive du territoire avant laffirmation de la souveraineté de la Couronne sur celui-ci, occupation qui sest poursuivie de façon relativement continue jusquà nos jours), la Cour a exposé les critères justifiant une atteinte à ce titre, suivant les principes généraux établis dans ses décisions antérieures relatives à larticle 35. Les objectifs législatifs pouvant être invoqués pour porter atteinte au titre aborigène sont donc relativement vastes, alors que la nature de lobligation de fiduciaire du gouvernement est fonction de la nature du titre. Le fait que le titre aborigène englobe le droit dutiliser et doccuper en exclusivité les terres est pertinent lorsque vient le temps de déterminer le degré dexamen requis à légard de la mesure ou de lintervention causant latteinte; le fait que ce titre englobe également le droit de choisir comment les terres seront utilisées influe sur la nature et la portée de lobligation de la Couronne de consulter le ou les groupes autochtones touchés par latteinte; et le fait que le titre comporte une dimension économique influe sur le montant de lindemnisation à accorder. À souligner également que la Cour a confirmé, dans larrêt Delgamuukw, que les tribunaux sont tenus dadapter les règles de preuve quand ils établissent des droits ancestraux. En loccurrence, ils doivent accepter les récits oraux des sociétés autochtones, récits qui quelquefois sont les seuls témoignages de leur passé, et leur accorder la même importance que les documents historiques présentés en preuve. Interprétation juridique : Droits issus de traités Les quelques décisions qua rendues la Cour suprême du Canada concernant les droits issus de traités au sens de larticle 35 définissent la portée et linterprétation à donner maintenant aux droits de pêche et de chasse prévus dans les traités historiques relatifs au territoire ou « de paix et damitié ». Dhabitude, comme dans les affaires touchant les droits ancestraux, ces décisions sont rendues après que des accusations de nature pénale ont été portées, en vertu de la législation provinciale, relativement à des activités de chasse ou de pêche. Les accusés font valoir, à légard de ces activités, des droits issus de traités. Et, comme dans les affaires touchant les droits ancestraux, la Cour fait ressortir limportance non seulement de respecter les principes généraux dinterprétation, mais aussi de tenir compte du contexte dans chaque cas. Dans les arrêts R. c. Badger et R. c. Sundown quelle a rendus en 1996 et 1999 touchant les droits de chasse, la Cour a examiné les principes applicables dinterprétation des traités selon lesquels :
Dans larrêt R. c. Marshall concernant les droits de pêche que la Cour a rendu en septembre 1999, lapplication de ces principes dinterprétation et de ces considérations de fait a confirmé que des droits conférés par traité aux Premières nations mikmaq et maliseet des provinces de lAtlantique et du Québec nétaient pas éteints. Il sen est suivi une controverse qui persiste sur la façon dont ces droits peuvent être exercés et par qui. Linterprétation juridique de larticle 35 est assez récente. De nombreuses questions se posent encore au sujet de la portée des « droits ancestraux et des droits issus de traités qui existent ». Les tribunaux canadiens se penchent régulièrement sur des questions relatives au titre aborigène le moment où les gouvernements doivent sacquitter de leur obligation de consulter les Autochtones et létendue de cette obligation, létendue du pouvoir gouvernemental de réglementer lexercice des droits issus de traités, le droit inhérent à lautonomie gouvernementale et dautres questions dintérêt fondamental pour les Autochtones. Il reste à débattre de la mesure dans laquelle la protection accordée par larticle 35 doit être vaste pour mener à un règlement juste pour les peuples autochtones du Canada. Certains estiment quune protection large pourrait donner lieu à un traitement qui ne serait pas égal parmi les Canadiens et Canadiennes ou entraîner dautres conséquences négatives du point de vue de la politique gouvernementale. Dautres craignent que ladoption dun point de vue plus étroit par le gouvernement ou le pouvoir judiciaire nenlève toute signification aux droits ancestraux reconnus dans la Constitution. Il est probable que ces questions demeureront pendant un certain temps encore des sujets de discussion dans les milieux politiques et judiciaires. Allain, Jane May. Les droits des autochtones. Bulletin dactualité 89-11F. Ottawa, Bibliothèque du Parlement, Direction de la recherche parlementaire. Allain, Jane May. Les droits de pêche ancestraux : Arrêts de la Cour suprême. BP-428F. Ottawa, Bibliothèque du Parlement, Direction de la recherche parlementaire, octobre 1996. Hurley, Mary C. Titre aborigène : La décision de la Cour suprême du Canada dans Delgamuukw c. Colombie-Britannique. BP-459F. Ottawa, Bibliothèque du Parlement, Direction de la recherche parlementaire, révisé en août 1999. |