Bibliothèque du Parlement |
Les documents qui figurent sur ce site ont été rédigés par le personnel de la Direction de la recherche parlementaire; ils visent à tracer, à l'intention des parlementaires canadiens, dans un libellé simple et facile à saisir, le contexte dans lequel chaque projet de loi gouvernemental examiné a été élaboré et à fournir une analyse de celui-ci. Les résumés législatifs ne sont pas des documents gouvernementaux; ils n'ont donc aucun statut juridique officiel et ils ne constituent ni un conseil ni une opinion juridique. Prière de noter que la version du projet de loi décrite dans un résumé législatif est celle qui existait à la date indiquée au début du document. Pour avoir accès à la plus récente version publiée du projet de loi, veuillez vous rendre sur le site parlementaire Internet à l'adresse suivante www.parl.gc.ca. |
LS-300F
PROJET DE LOI C-220, LOI MODIFIANT LE
CODE CRIMINEL ET LA LOI SUR LE DROIT D'AUTEUR (FRUITS D'UNE OEUVRE LIÉE À LA
PERPÉTRATION D'UN ACTE CRIMINEL)
HISTORIQUE DU PROJET DE LOI C-220
TABLE DES MATIÈRES
PROJET DE LOI C-220, LOI
MODIFIANT LE CODE CRIMINEL
Le projet de loi C-220 est un projet de loi d'initiative parlementaire qui a été présenté à la Chambre des communes le 30 septembre 1997. Il cherche à empêcher les criminels de bénéficier de la commercialisation de leurs crimes, que ce soit au moyen de livres, de films ou d'autres médias. Le projet de loi C-220 a été déposé à la Chambre des communes une première fois le 22 février 1995 sous la désignation C-307 et une seconde fois, le 29 février 1996, sous la désignation C-205. Il est presque identique à son prédécesseur, le projet de loi C-205, qui a été adopté, modifié, par la Chambre des communes le 10 avril 1997, a franchi létape de la deuxième lecture au Sénat le 22 avril 1997, mais est mort au Feuilleton lorsque les élections générales ont été déclenchées à la fin d'avril 1997. Présenté de nouveau sous la désignation C-220 au cours de la présente législature, le projet de loi a été adopté à l'unanimité par la Chambre des communes le 1er octobre 1997 et renvoyé au Sénat. Dans un rapport déposé le 10 juin 1998, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a recommandé que le Sénat cesse de s'occuper du projet de loi. Le Sénat a accepté le rapport tel quel le même jour. Le projet de
loi C-220 renferme trois articles qui modifieraient le Code criminel et la Loi
sur le droit d'auteur. Article 1 : Produits de la criminalité L'article 1 du projet de loi C-220 modifierait la définition de « produits de la criminalité » à l'article 462.3 du Code criminel de façon à ce quelle englobe les produits obtenus directement ou indirectement de la création, au Canada ou hors du Canada, d'une oeuvre qui relate ou représente la perpétration d'une infraction réelle dont une personne a été déclarée coupable ou qui correspond essentiellement à une telle infraction ou aux faits d'une telle infraction, si :
Article 2 : Ordonnance relative au droit d'auteur L'article 2 du
projet de loi ajouterait au Code criminel le nouvel article 729.1 qui prévoirait
que lorsqu'une personne est déclarée coupable d'une infraction qui pourrait faire
l'objet d'un acte d'accusation, la peine prononcée serait réputée comporter une
ordonnance assujettissant la personne déclarée coupable et toute oeuvre liée à
l'infraction au nouvel article 12.1 de la Loi sur le droit d'auteur. Article 3 : Droit d'auteur dévolu à la Couronne L'article 3 du projet de loi ajouterait à la Loi sur le droit d'auteur le nouvel article 12.1. En vertu du nouveau paragraphe 12.1(1), serait dévolu à la Couronne tout droit d'auteur qui, autrement, appartiendrait à la personne déclarée coupable d'une infraction au Code criminel pouvant faire l'objet d'un acte d'accusation, si l'oeuvre visée a été créée, préparée ou publiée par la personne déclarée coupable et qu'elle relate en substance la perpétration de cette infraction ou les circonstances dans lesquelles elle a été perpétrée. Le droit d'auteur acquis par la Couronne dans de tels cas s'appliquerait à toute oeuvre publiée par la personne déclarée coupable d'un acte criminel, depuis la date du dépôt de l'acte d'accusation relatif à cette infraction ou à toute autre infraction découlant des mêmes faits (nouveau paragraphe 12.1(2)). Le droit d'auteur demeurerait dévolu à la Couronne pour la période pendant laquelle il aurait existé s'il avait appartenu à la personne déclarée coupable de l'infraction (nouveau paragraphe 12.1(1)) et il ne reviendrait pas à cette personne après qu'elle aurait purgé la peine imposée (nouveau paragraphe 12.1(3)). En empêchant les condamnés de tirer profit de leurs crimes, le projet de loi C-220 renforcerait une valeur fondamentale de la société canadienne, à savoir que les criminels ne devraient pas être avantagés par leurs crimes. Il confirmerait et concrétiserait le vieil adage : « le crime ne paie pas ». Le projet de loi assimilerait les produits tirés des récits d'actes criminels aux « produits de la criminalité » aux fins de la partie XII.2 du Code criminel. Ainsi, ces produits seraient soumis à la confiscation prévue à l'article 462.37. De plus, comme les criminels perdraient leur droit d'auteur sur leurs oeuvres, ils ne pourraient plus toucher les redevances versées pour la vente des livres, pour les droits cinématographiques et pour les interviews télévisées. Le projet de loi C-220 ne leur interdirait pas de raconter leur histoire; il les empêcherait seulement d'en tirer profit. S'il est adopté, le projet de loi C-220 serait la première initiative du genre à s'appliquer à l'échelle du Canada. En 1994, l'Ontario a adopté la Loi de 1994 sur le droit des victimes aux gains réalisés à la suite d'un acte criminel (Lois de l'Ontario, 1994, chap. 39). Calquée sur les lois américaines adoptées à cause du meurtrier appelé « Son of Sam », la loi ontarienne exige que les sommes payables en vertu d'un contrat conclu avec un criminel pour qu'il raconte ses crimes soient versées au curateur public et détenues par lui pendant une période déterminée afin d'indemniser les victimes qui ont obtenu une ordonnance judiciaire contre ce criminel. La Conférence pour l'harmonisation des lois au Canada a aussi produit une loi type, la Loi sur l'exploitation des crimes de violence par les criminels, qui a été adoptée à une réunion en août 1997. Cette loi type prévoirait que toute contrepartie due à un condamné pour la relation d'un crime de violence serait versée à un organisme nommé par le gouvernement, qui distribuerait les produits aux victimes du crime, chacune recevant une part proportionnelle au préjudice subi, tel quil en aurait été décidé par l'organisme nommé par le gouvernement (et non par les tribunaux comme le prévoit la loi ontarienne). L'une des failles perçues de la loi ontarienne et de la loi type de la Conférence pour l'harmonisation des lois, c'est que les deux s'appliqueraient uniquement dans la province qui les auraient édictées. Le projet de loi C-220, au contraire, s'appliquerait dans tout le Canada et les criminels ne pourraient donc pas contourner la loi en cherchant à faire publier leur récit dans une province ou un territoire qui n'aurait pas encore édicté une loi spoliatrice. Le projet de loi C-220 a provoqué une réaction mitigée. L'Association canadienne des policiers l'appuie en principe. Les associations s'occupant des victimes comme le Centre de ressources pour les victimes et les Victimes de violence ont aussi manifesté leur appui au projet de loi, surtout parce qu'il empêcherait les victimes de souffrir davantage en constatant que les criminels tirent profit de leur crime. Par contre, la Conférence canadienne des arts et des associations d'écrivains comme le Book and Periodical Council, PEN Canada et la Writers' Union of Canada, l'ont critiqué. Ces groupes soutiennent que le projet de loi pourrait porter atteinte à la liberté d'expression parce que son champ d'application est trop vaste. Faisant remarquer que le projet de loi s'appliquerait à des oeuvres canadiennes comme Tempting Fate de Patti Starr, Scapegoat de Kyle Brown, Jackrabbit de Stephen Reid et Go Boy de Roger Caron (gagnant du Prix littéraire du gouverneur général pour les études et essais en 1978), les associations d'écrivains ont peur que le projet de loi ait l'effet d'une douche froide dans le milieu littéraire et qu'il effraie les éditeurs, qui éviteront les écrits susceptibles d'être litigieux. Les associations d'écrivains craignent aussi que le projet de loi s'applique à des personnes victimes d'une erreur judiciaire et aux membres de la famille des criminels, et critiquent le fait qu'il continuerait de s'appliquer après que le criminel aurait fini de purger sa peine. Le risque d'une atteinte à la liberté d'expression garantie par l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés est une inquiétude qui revient souvent au sujet du projet de loi C-220. Comme nous l'avons signalé précédemment, toutefois, le projet de loi empêcherait les criminels non pas de raconter leur histoire mais d'en tirer profit. Les tribunaux pourraient donc conclure qu'il ne viole pas la liberté d'expression. Si, pourtant, ils concluaient qu'il y a effectivement violation, ils pourraient confirmer la validité du projet de loi en vertu de l'article premier de la Charte, parce quils jugent quil constitue une limite dont la justification peut se démontrer dans le cadre dune société libre et démocratique. C'est la position du parrain du projet de loi. Dans son témoignage devant le Comité permanent de la justice et des questions juridiques de la Chambre des communes, M. Wappel a déclaré que « la Cour suprême invoquerait l'article premier de la Charte pour valider le projet de loi, puisqu'il confirme un truisme qui existe depuis des siècles dans notre droit, c'est-à-dire qu'un criminel ne peut tirer profit de son crime »(1). On pourrait aussi se demander si le projet de loi outrepasse la compétence législative exclusive du Parlement fédéral en matière de droit pénal en vertu du paragraphe 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867. Comme il vise à confisquer les produits tirés non pas d'une infraction dont l'accusé a été déclaré coupable mais d'une activité ultérieure « licite », à savoir la création d'une oeuvre qui correspond essentiellement à l'infraction perpétrée, on pourrait soutenir que le projet de loi ne traite pas au fond d'une affaire de droit pénal et qu'il serait invalidé parce qu'ultra vires du Parlement. On pourrait aussi se demander, sur le plan de la forme, si les dispositions sur la confiscation de la partie XII.2 du Code criminel s'appliqueraient aux produits visés par le projet de loi. En règle générale, l'article 462.37 autorise le tribunal à ne rendre une ordonnance de confiscation que relativement aux produits tirés de la perpétration d'une « infraction de criminalité organisée ». Or, comme une partie seulement des infractions auxquelles s'applique le projet de loi sont désignées comme telles en vertu de l'art. 462.3, une ordonnance de confiscation ne pourrait pas être rendue relativement à ces infractions qui, quoique visées par le projet de loi (c.-à-d. toute infraction pouvant faire l'objet d'un acte d'accusation), n'ont pas été désignées comme des infractions de criminalité organisée. De plus, les produits susceptibles d'être confisqués en vertu de l'art. 462.37 sont ceux tirés de l'infraction de criminalité organisée pour laquelle l'accusé a été condamné. Pourtant, en vertu du projet de loi, les produits ne seraient pas tirés d'une telle infraction, mais plutôt d'une « oeuvre » créée en rapport avec l'infraction. Comme il y aurait un acte nouveau, à savoir la création d'une oeuvre, il n'est pas certain qu'une ordonnance de confiscation pourrait être rendue dans de tels cas, abstraction faite de la définition révisée de « produits de la criminalité » dans le projet de loi. Voici d'autres craintes que pourrait soulever le projet de loi :
Il est indubitable que de nombreux Canadiens, en particulier les victimes d'actes criminels, trouvent choquante l'idée que les criminels puissent tirer profit de leurs crimes. Une telle chose ne serait plus possible en vertu du projet de loi C-220, qui empêcherait les criminels de tirer des avantages de leurs actes criminels. Toutefois, la question qui se pose est la suivante : les mécanismes proposés dans le projet de loi permettraient-ils datteindre effectivement le but visé? (1) Comité permanent de la justice et des questions juridiques de la Chambre des communes, Témoignages, fascicule 70, p. 6 (6 novembre 1996). |