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Les documents qui figurent sur ce site ont été rédigés par le personnel de la Direction de la recherche parlementaire; ils visent à tracer, à l'intention des parlementaires canadiens, dans un libellé simple et facile à saisir, le contexte dans lequel chaque projet de loi gouvernemental examiné a été élaboré et à fournir une analyse de celui-ci. Les résumés législatifs ne sont pas des documents gouvernementaux; ils n'ont donc aucun statut juridique officiel et ils ne constituent ni un conseil ni une opinion juridique. Prière de noter que la version du projet de loi décrite dans un résumé législatif est celle qui existait à la date indiquée au début du document. Pour avoir accès à la plus récente version publiée du projet de loi, veuillez vous rendre sur le site parlementaire Internet à l'adresse suivante www.parl.gc.ca.


LS-320F

PROJET DE LOI C-40 :  UNE NOUVELLE LOI
SUR L'EXTRADITION

 

Rédaction :
David Goetz
Division du droit et du gouvernement

Le 10 septembre 1998
Révisé le 30 novembre 1998


 

HISTORIQUE DU PROJET DE LOI C-40

 

CHAMBRE DES COMMUNES

SÉNAT

Étape du Projet de loi Date Étape du projet de loi Date
Première lecture : 5 mai 1998 Première lecture : 2 décembre 1998
Deuxième lecture : 20 octobre 1998 Deuxième lecture : 10 décembre 1998
Rapport du comité : 25 novembre 1998 Rapport du comité : 25 mars 1999
Étape du rapport : 30 novembre 1998 Étape du rapport :  
Troisième lecture : 1 décembre 1998 Troisième lecture : 12 mai 1999


Sanction royale : 17 juin 1999
Lois du Canada
1999, chapitre 18






N.B. Dans ce résumé législatif, tout changement d'importance depuis la dernière publicaiton est indiqué en caractères gras.

 

 

 

 

 

TABLE DES MATIÈRES

CONTEXTE

DESCRIPTION ET ANALYSE

   A. Extradition du Canada
       1. Nouvelle terminologie (article 2)
         a. « Accord d’extradition »
         b. « Partenaire »
       2. Situations donnant lieu à l’extradition
       3. Fonctions du ministre de la Justice
       4. Publication des accords d’extradition
       5. Accords spécifiques
       6. Réception des demandes d’extradition
       7. Mandat d’arrestation provisoire
       8. Arrêté introductif d’instance
       9. Mandat d’arrestation ou sommation
     10. Comparution devant le tribunal et mise en liberté provisoire par voie judiciaire
     11. Consentement à l’incarcération et à l’extradition et renonciation à la procédure d’extradition
     12. Audience d’extradition
     13. Règles de la preuve
         a. Aperçu
         b. Dossier d’instruction certifié
         c. Éléments de preuve obtenus au Canada
         d. Divers
     14. Responsabilités et pouvoirs du juge qui rend l’ordonnance d’incarcération
     15. Refus d’extradition
         a. Motifs de refus dans tous les cas
         b. Autres motifs de refus en l’absence d’un accord bilatéral
         c. Libération en cas de refus d’extradition
     16. Extradition
     17. Appel de la décision d’incarcération en vue de l’extradition
     18. Contrôle judiciaire de l’ordonnance d’extradition rendue par le Ministre
     19. Recours en cas de retard d’extradition
     20. Extradition temporaire

   B. Statut de réfugié et extradition

   C. Extradition au Canada
     1. Demande d’extradition
     2. Transfert sous l’autorité du Canada
     3. Maintien de la règle de la spécificité
     4. Extradition temporaire au Canada

   D. Transit de personnes extradées par le Canada

   E. Assistance juridique mutuelle
     1. La Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle
    
2. Assistance juridique mutuelle et tribunaux criminels internationaux
     3. Accord d’entraide juridique
     4. Témoignages par le biais de techniques audiovisuelles

   F. Les témoignages audiovisuels et le Code criminel

COMMENTAIRE

ANNEXE: EXTRADITION DU CANADA SELON LE PROJET DE LOI C-140
(GRAPHIQUE DE CHEMINEMENT)

 


PROJET DE LOI C-40 : UNE NOUVELLE
LOI SUR L’EXTRADITION

 

CONTEXTE

Le projet de loi C-40 a été déposé à la Chambre des Communes et a franchi l’étape de la première lecture le 5 mai 1998. Il s’agit d’une refonte importante du droit relatif à l’extradition au Canada.

Par extradition, on entend le processus juridique par lequel un État livre des personnes présentes sur son territoire à un autre État pour qu’elles y soient poursuivies ou punies en raison de crimes commis dans cet autre État. C’est un mécanisme nécessaire en partie à cause de la notion durable de souveraineté nationale. Le respect de la souveraineté nationale signifie tout d’abord que l’État qui veut arrêter, poursuivre et punir des personnes se trouvant sur le territoire d’un autre État ne peut pas simplement les y appréhender directement, encore que l’on ait parfois eu recours à cette méthode. Les agents et les mandats du premier État n’ont pas de statut juridique dans le second. Le respect de la souveraineté nationale interdit également au second État de poursuivre le criminel présumé, puisqu’il n’est pas compétent pour le faire au regard des crimes commis sur le territoire d’un autre État.

Les États souhaitent bien entendu s’entraider en se livrant les personnes qui ont commis des crimes en dehors de leur territoire. Bien qu’ils aient sans doute des raisons assez égoïstes de vouloir s’en débarrasser et d’éviter d’être un havre pour les criminels, les États inscrivent souvent les facteurs incitant à accueillir favorablement les demandes d’extradition sous la rubrique des « considérations de courtoisie internationale ». Le droit relatif à l’extradition se trouve en quelque sorte au carrefour des principes de la souveraineté nationale et de la territorialité dans la juridiction pénale et de la promotion de la courtoisie internationale. Comme les dimensions transnationales accroissent la vulnérabilité de tous les pays à l’égard de la criminalité, le droit relatif à l’extradition a de plus en plus tendance à mettre l’accent sur le principe de la courtoisie internationale et donc à faciliter l’extradition. Les modifications proposées dans le projet de loi C-40 sont tout à fait dans le droit fil de cette tendance.

Les articles 129 et 130 du projet de loi permettraient d’abroger respectivement l’actuelle Loi sur l’extradition(1) (promulguée pour la première fois en 1877) et la Loi sur les criminels fugitifs(2) (promulguée pour la première fois en 1882). Tous les cas de figure seraient regroupés sous un même régime d’extradition. À l’heure actuelle, la Loi sur les criminels fugitifs prévoit entre les pays du Commonwealth une procédure d’extradition qui est, du point de vue du régime et de la méthode, distincte de la procédure d’extradition prévue par la Loi sur l’extradition, bien qu’elle y soit très similaire.

Aux termes de la nouvelle Loi, la procédure de base et les principales conditions d’extradition resteraient les mêmes. Il y a extradition si, après audition, un juge estime que les preuves attestent que l’infraction présumée a effectivement été commise et qu’elle est également considérée comme un crime au Canada. Si le juge est convaincu de ce fait, il fait écrouer l’intéressé en attendant son extradition par le ministre de la Justice. Après un délai permettant de présenter des observations écrites, le ministre de la Justice décide du sort de l’intéressé (rappel que la décision d’extrader des personnes se trouvant sur le territoire canadien appartient en fin de compte à l’exécutif)(3). De plus, le projet de loi conserverait les modifications de 1992 (L.C. (1992), ch. 13), qui avaient pour objet de simplifier et d’accélérer la procédure d’extradition en établissant un système regroupé et combiné d’appel (de la décision judiciaire relative à l’incarcération) et de contrôle judiciaire (de la décision exécutive relative à l’extradition).

Le projet de loi C-40 propose également un certain nombre de changements législatifs qui ont généralement pour objet d’assouplir le système. Les changements importants seraient les suivants :

Le projet de loi entraînerait la modification de la Loi sur l’immigration(5) en raison des cas où il y aurait demande de statut de réfugié au cours de la procédure d’extradition. Aux termes du projet de loi C-40, dans certains cas, la décision relative au statut de réfugié serait concommitante à la décision relative à l’extradition. Les personnes extradées pour des infractions qui, au Canada, seraient sanctionnées par des peines allant jusqu’à dix ans ou plus de prison seraient réputées non admissibles au statut de réfugié.

Le projet de loi C-40 comporte également des propositions de modification à la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle(6), à la Loi sur la preuve au Canada(7) et au Code criminel(8) pour permettre de fournir et de recevoir des témoignages par le biais de communications audiovisuelles en direct.

DESCRIPTION ET ANALYSE

   A. Extradition du Canada

      1. Nouvelle terminologie (article 2)

         a. « Accord d’extradition »

Un traité ou toute autre entente ayant trait à l’extradition, considérés actuellement comme des « traités d’extradition », seraient désormais envisagés comme des « accords d’extradition » et seraient définis comme suit : « accord en vigueur auquel le Canada est partie, qui porte en tout ou en partie sur l'extradition, à l'exception de tout accord spécifique »(9). Cette nouvelle définition permettrait de couvrir les ententes multilatérales et internationales en plus des ententes bilatérales, ainsi que les ententes ayant trait à des questions plus vastes et où l’extradition peut n’être qu’un aspect. À l’heure actuelle, la notion de « traité d’extradition » est définie comme suit : « traité, convention ou arrangement conclu par Sa Majesté avec un État étranger et liant le Canada en matière d’extradition de criminels fugitifs ».

         b. « Partenaire »

Le projet de loi remplacerait l’expression « État étranger » par « partenaire ». Ce changement a principalement pour objet de tenir compte de l’existence des tribunaux criminels internationaux auxquels le Canada désirerait livrer des personnes.

Le terme « partenaire » est défini comme suit : « État ou entité qui est soit partie à un accord d’extradition, soit signataire d’un accord spécifique avec le Canada ou dont le nom figure à l’annexe ». L’annexe du projet de loi énumère trente-et-un États et les deux tribunaux de guerre internationaux spéciaux (qui s’occupent respectivement des crimes commis dans l’ancienne Yougoslavie et au Rwanda), qui seraient considérés comme des « partenaires » selon le paragraphe 9(1). Le paragraphe 9(2) permettrait au ministre des Affaires étrangères, avec l’accord du ministre de la Justice, d’ordonner que des États ou entités soient ajoutés ou supprimés dans la liste des partenaires d’extradition.

L’article 2 définit comme suit les termes « État ou entité » :

a) un État étranger;

b) une province, un État ou une autre subdivision politique d’un État étranger;

c) une colonie, une dépendance, une possession, un territoire géré en condominium ou placé sous le protectorat, la tutelle ou, d’une façon générale, la dépendance d’un État étranger;

d) un tribunal pénal international;

e) un territoire.

Comme nous l’avons dit, le principal changement proposé par cette nouvelle définition est l’ajout des tribunaux internationaux parmi les partenaires auxquels le Canada pourrait livrer des fugitifs.

Cette inclusion des tribunaux internationaux parmi les « entités » visées par la Loi est la source des remaniements de texte et changements corrélatifs apportés dans l’ensemble du projet de loi.

      2. Situations donnant lieu à l’extradition

L’article 3 définit les conditions d’extradition aux termes de la nouvelle Loi proposée. On conserverait le principe de la correspondance des infractions, c’est-à-dire que le Canada ne livrerait que des personnes recherchées pour un crime qui est également un crime ici (qui, actuellement, ne s’applique pas aux personnes livrées au sein du Commonwealth aux termes de la Loi sur les criminels fugitifs). L’article 3 remplacerait cependant le concept actuel des « crimes donnant lieu à l’extradition » énumérés dans la Loi par un critère fondé sur le seuil de peine maximum. Cette approche permettrait entre autres d’ajouter automatiquement de nouvelles infractions sans qu’il soit nécessaire de modifier la Loi.

Aux termes du paragraphe 3(1),  toute personne pourrait être extradée du Canada, en conformité avec la Loi proposée et tout accord applicable, à la demande d’un partenaire [voir la définition ci-haut] eu égard à :

a) une infraction punissable par le partenaire par une privation de liberté de deux ans ou plus ou par une peine plus sévère;

b) une conduite punissable au Canada (si les actes avaient été commis au Canada), dans le cas où la demande d’extradition renvoie à un accord spécifique, par une peine d’emprisonnement de cinq ans ou par une peine plus sévère ou, dans tous les autres cas, par une peine d’emprisonnement de deux ans ou par une peine plus sévère.

Dans le cas d’une personne déjà condamnée, le paragraphe 3(3) limiterait l’extradition aux cas où la personne recherchée par l’État ou l’entité qui demande l’extradition doit encore purger au moins six mois de la peine ou purger une peine plus sévère. Exception faite de l’exigence que la conduite qui justifie une demande d’extradition renvoyant à un accord spécifique devrait être punissable au Canada par une peine maximale de cinq ans de prison ou par une peine plus sévère, les autres seuils de peine prévus aux paragraphes 3(1) et 3(3) sont explicitement assujettis à l’existence d’un « accord applicable ». Cela signifie que ces seuils pourraient être abaissés si le Canada concluait des traités ou d’autres ententes internationales à cet égard(10).

Le paragraphe 3(2) expliciterait le fait que, concernant l’application du critère énoncé au paragraphe 3(1), la conduite en question devrait pouvoir être considérée comme une infraction dans les deux États (le partenaire qui demande l’extradition et le Canada). Les différences de désignation, de définition ou de caractérisation de l’infraction entre le Canada et l’État qui demande l’extradition n’auraient pas d’importance.

Aux termes de l’article 4, la libération d’une personne à la suite d’une audience d’extradition n’exclurait pas la possibilité d’autres tentatives pour l’extrader, à moins que le juge soit d’avis que de telles démarches ne constituent un abus du processus judiciaire.

L’article 5 prévoit qu’une personne pourrait être extradée même si les actes pour lesquels on demande son extradition n’ont pas été commis sur le territoire du partenaire qui demande l’extradition et même si le Canada ne pourrait exercer sa compétence dans des circonstances analogues. Cette disposition est proposée pour régler le problème des activités criminelles à dimensions transnationales. Elle permettrait d’empêcher que les règles canadiennes applicables à la compétence en matière de poursuites servent à entraver les poursuites intentées par d’autres États aux règles moins strictes, et cela éliminerait le risque que le Canada ne devienne, pour cette raison, une base opérationnelle pour ce genre d’activités criminelles transnationales ou un lieu de refuge après coup. Aux termes de l’article 5, l’évaluation de la validité de la compétence du partenaire qui demande l’extradition serait en fait confiée au Ministre ou, après l’extradition, en fonction du droit et des procédures internes du partenaire(11).

L’article 6 prévoit que l’extradition serait possible même si les actes reprochés ont été commis avant l’entrée en vigueur de la Loi proposée ou de tout accord général ou spécifique d’extradition applicable.

      3. Fonctions du ministre de la Justice

Aux termes de l’article 7, le ministre de la Justice [ci-après le Ministre] serait chargé de l’application des accords d’extradition, de l’application de la Loi proposée et du traitement des demandes d’extradition déposées en vertu de la Loi ou de ces accords.

      4. Publication des accords d’extradition

L’article 8 prévoit que, dans les soixante jours suivant son entrée en vigueur, tout accord d’extradition devrait être publié soit dans le Recueil des traités du Canada, soit dans la Gazette du Canada. Une fois publiés, les accords seraient de notoriété publique (c’est-à-dire que leur existence et leur contenu n’auraient pas à être prouvés dans le cadre d’une procédure). Cela changerait la règle actuelle énoncée à l’article 8 de la Loi, qui dispose que seuls les accords publiés dans la Gazette du Canada peuvent être considérés comme de notoriété publique. Cela éliminerait également l’exigence légale actuelle énoncée à l’article 7 de la Loi concernant cette publication et la présentation de ces accords aux deux chambres du Parlement.

      5. Accords spécifiques

Le paragraphe 10(1) prévoit la conclusion d’ententes avec d’autres États ou entités pour donner force de loi aux demandes d’extradition dans certains cas. Il s’agirait d’une nouvelle disposition applicable aux cas où il n’existe pas d’accord d’extradition général.

Ces accords pourraient être conclu par le ministre des Affaires étrangères, avec l’accord du ministre de la Justice. Le paragraphe 10(2) prévoit que la Loi proposée l’emporterait au cas où il y aurait incompatibilité entre ses dispositions et celles d’un accord spécifique. Aux termes du paragraphe 10(3), un certificat délivré par ou au nom du ministre des Affaires étrangères attesterait de façon concluante l’existence dudit accord spécifique, ainsi que son contenu. 

      6. Réception des demandes d’extradition

Aux termes de l’article 11, le partenaire qui désire obtenir l’arrestation provisoire ou l’extradition d’une personne devrait adresser sa demande au ministre de la Justice et il pourrait le faire par l’intermédiaire d’Interpol. Cette disposition permettrait aux autorités étrangères ou internationales compétentes de transmettre leur demande directement au ministre responsable au lieu de passer par les voies diplomatiques, comme le protocole l’exigerait autrement.

      7. Mandat d’arrestation provisoire

Si, après qu’un partenaire lui a demandé de procéder à l’arrestation provisoire d’une personne, le ministre de la Justice est convaincu que cette demande a trait à une infraction qui remplit le critère du seuil de peine énoncé à l’alinéa 3(1)a) et que le partenaire fera une demande d’extradition, il pourrait, aux termes de l’article 12, autoriser le procureur général du Canada [ci-après le procureur général] à demander un mandat d’arrestation provisoire.

Le paragraphe 13(1) prévoit qu’un juge (de la cour supérieure de la province ou du territoire en question) pourrait délivrer ce genre de mandat à la demande ex parte du procureur général (c’est-à-dire en l’absence de l’autre partie, autrement dit du fugitif présumé). Pour ce faire, le juge devrait être convaincu : qu’il est nécessaire et dans l’intérêt public d’arrêter l’intéressé, par exemple, pour l’empêcher de s’échapper ou de commettre une infraction; que celui-ci réside habituellement au Canada; qu’il est venu au Canada ou qu’il se dirige vers le Canada; et qu’un mandat d’arrestation ou une autre ordonnance du même genre a déjà été délivré (par le partenaire qui demande l’extradition) ou que la personne a déjà été condamnée pour ladite infraction. Le paragraphe 13(2) fixerait certaines conditions techniques concernant le contenu de ces mandats d’arrestation provisoire. Aux termes du paragraphe 13(3), un mandat d’arrestation provisoire ainsi délivré pourrait être exécuté n’importe où au Canada sans avoir à être visé; ainsi, un mandat provisoire délivré par un juge compétent dans une province ou un territoire pourrait être exécuté dans une autre province ou un autre territoire sans autre intervention du système judiciaire.

Le paragraphe 14(1) fixerait des échéances aux autorités compétentes qui assument la conduite de la procédure d’extradition applicable à une personne assujettie à une arrestation provisoire. Premièrement, le partenaire devrait fournir une demande d’extradition et les documents à l’appui, puis le ministre de la Justice devrait autoriser le procureur général à demander au tribunal, pour le compte du partenaire, une ordonnance permettant d’incarcérer la personne incriminée en vue de la livrer. Si le délai dans lequel la demande d’extradition et les documents à l’appui doivent être remis était précisé dans l’accord d’extradition applicable, c’est cette échéance qui s’appliquerait (voir le sous-alinéa 14(1)b)(i)). Si le délai est respecté, le ministre de la Justice aurait alors trente jours pour autoriser le procureur général à donner suite à l’affaire (sous-alinéa 14(1)b)(ii)). S’il n’existe pas d’accord d’extradition ni de dispositions utiles dans un accord existant, le partenaire aurait soixante jours à compter de la date de l’arrestation provisoire pour faire une demande d’extradition et fournir les documents à l’appui (sous-alinéa 14(1)c)(i)). Si le délai est respecté, le ministre de la Justice aurait alors trente jours de plus pour autoriser le procureur général à donner suite à l’affaire (sous-alinéa 14(1)c)(ii)).

Si le partenaire qui a demandé l’extradition ou le ministre de la Justice ne respectent pas ces échéances, il faudrait remettre en liberté la personne arrêtée (paragraphe 14(1)), sous réserve de la décision du juge de proroger les délais, à la demande du procureur général (paragraphe 14(2)). Le juge qui accorde ce genre de prolongation délai aurait également le droit d’accorder une mise en liberté provisoire par voie judiciaire, ou d’en modifier les termes, à la personne arrêtée (paragraphe 14(3)). L’intéressé serait également remis en liberté si le ministre de la Justice informait le tribunal que l’arrêté introductif d’instance ne serait pas délivré (alinéa 14(1)a)).

Aux termes du paragraphe 15(4), un exemplaire télécopié de l’arrêté introductif d’instance du Ministre aurait la même valeur probante que l’original.

      8. Arrêté introductif d’instance

Après avoir reçu une demande d’extradition, s’il est convaincu que l’extradition est demandée au titre d’une infraction qui remplit le critère des seuils de peine eu égard au partenaire (voir l’alinéa 3(1)a) et le paragraphe 3(3) ci-dessus), le ministre de la Justice pourrait autoriser le procureur général à donner suite à l’affaire, ce qui permettrait à celui-ci de demander, pour le compte du partenaire, une ordonnance prévoyant l’incarcération de la personne en vue de la livrer (paragraphe 15(1)). Aux termes du paragraphe 15(2), c’est au Ministre qu’il appartiendrait de déterminer l’ordre dans lequel seraient traitées des demandes d’extradition concurrentes.

Selon l’article 23, le Ministre pourrait, en tout temps avant une audience d’extradition, modifier l’ordre de traitement des demandes : tous les documents établis et les ordonnances rendues par le tribunal resteraient valides, à moins que, à la demande de l’intéressé ou du procureur général, le tribunal n’en décide autrement. Lorsque l’arrêté introductif d’instance aurait été remplacé par un autre, le juge pourrait, à la demande de l’intéressé, fixer une nouvelle date pour l’audition. Une fois que l’audience a commencé, l’arrêté introductif d’instance pourrait être modifié par le juge à la demande du procureur général. Celui-ci pourrait, en tout temps, retirer un arrêté introductif d’instance, auquel cas le tribunal devrait libérer la personne et annuler toute ordonnance rendue à l’égard de la détention de celle-ci ou de sa mise en liberté provisoire par voie judiciaire.

      9. Mandat d’arrestation ou sommation

Aux termes du paragraphe 16(1), une fois que le Ministre a délivré un arrêté introductif d’instance, le procureur général pourrait faire une demande ex parte de sommation à comparaître ou de mandat d’arrestation à l’intention de la personne incriminée. La demande de sommation ou de mandat d’arrestation devrait être adressée à un juge de la province dans laquelle se trouve la personne recherchée ou vers laquelle elle se dirige, d’après le procureur général. Cette procédure ne serait pas nécessaire si l’intéressé a déjà été arrêté aux termes d’un mandat d’arrestation provisoire (paragraphe 16(2)).

Le juge qui donne suite à une demande de sommation ou de mandat d’arrestation serait tenu, conformément au paragraphe 507(4) du Code criminel (paragraphe 16(3)), de délivrer une sommation si le procureur a déjà prouvé la nécessité de faire comparaître la personne. Le juge serait tenu de délivrer un mandat d’arrestation s’il existe des motifs raisonnables de croire que cela serait nécessaire dans l’intérêt public. Le paragraphe 16(4) prévoit que les sommations pourraient être notifiées et les mandats d’arrestation, exécutés, n’importe où au Canada. Une sommation devrait fixer une date de comparution dans un délai maximum de quinze jours à compter de la date de la sommation (alinéa 16(5)a)) et elle devrait exiger que la personne incriminée comparaisse à une heure et un lieu donnés pour qu’on prenne ses empreintes digitales et des photos et qu’on prenne d’autres mesures d’identification autorisées aux termes de la Loi sur l’identification des criminels(12) (à laquelle serait assujettie toute personne comparaissant dans ces conditions, conformément au paragraphe 16(6)).

      10. Comparution devant le tribunal et mise en liberté provisoire par voie judiciaire

L’article 17 prévoit qu’une personne arrêtée en vertu de la Loi comparaîtrait devant un juge, un juge de la Cour provinciale ou un juge de paix dans les 24 heures de son arrestation. Si aucun juge n’était disponible dans ce délai, l’intéressé devrait être amené devant un juge le plus tôt possible. Toutefois, le juge de la Cour provinciale ou le juge de paix pourraient seulement ordonner que l’intéressé soit mis sous garde et comparaisse devant un juge. Le juge devrait soit libérer la personne arrêtée, sous ou sans conditions, ou ordonner sa mise sous garde (paragraphe 18(1)). Aux termes du paragraphe 19, les dispositions du Code criminel (Partie XVI) ayant trait à la comparution préliminaire et à la mise en liberté provisoire par voie judiciaire des accusés s’appliqueraient (avec les modifications utiles) aux personnes faisant l’objet d’une arrestation ou d’une sommation aux termes de la Loi proposée. Le paragraphe 18(2) prévoit la possibilité de procéder au contrôle judiciaire de la décision d’un juge qui a accordé une mise en liberté provisoire par voie judiciaire, par un juge de la cour d’appel de cette juridiction.

L’alinéa 21(1)a) prévoit que le juge devrait ordonner à une personne arrêtée provisoirement (c’est-à-dire arrêtée avant la date de l’arrêté introductif d’instance délivré par le Ministre) de comparaître devant le tribunal de temps à autre au cours de la période prévue pour l’établissement de la demande d’extradition et l’envoi des documents justificatifs par le partenaire qui demande l’extradition et pour la délivrance de l’arrêté introductif d’instance par le Ministre (voir l’article 14 ci-dessus). Le juge devrait ensuite fixer la date de l’audience d’extradition (alinéa 21(1)b)). Si l’arrestation ou la sommation a eu lieu après la délivrance de l’arrêté introductif d’instance, le juge devrait fixer la date de l’audience d’extradition (paragraphe 21(2)). Aux termes du paragraphe 21(3), le juge serait tenu de fixer une date à courte échéance, sans égard aux séances déjà prévues du tribunal. L’article 22 permettrait le transfert de la procédure d’extradition à un autre endroit du Canada, à la demande de la personne concernée ou du procureur général, si le juge est convaincu que ce transfert est nécessaire  « dans l’intérêt de la justice ».

L’article 20 prévoit que l’article 679 du Code criminel, qui a trait à la mise en liberté provisoire par voie judiciaire d’un accusé en attendant l’audition de son appel, s’appliquerait à la mise en liberté provisoire par voie judiciaire en attendant a) la décision relative à l’appel d’une ordonnance concernant l’incarcération de l’intéressé en vue de le livrer, b) la décision du Ministre concernant son extradition, et c) la décision relative au contrôle judiciaire de la décision du Ministre d’extrader l’intéressé.

      11. Consentement à l’incarcération et à l’extradition et renonciation à la procédure d’extradition

À l’heure actuelle, la Loi ne prévoit pas la possibilité de renoncer ou de consentir à l’une ou l’autre des étapes de la procédure d’extradition. Il existe cependant des cas de renonciation à la procédure d’extradition, et les tribunaux l’ont permis(13). Le projet de loi C-40 prévoit des dispositions explicites concernant les personnes recherchées par des partenaires qui désireraient consentir à leur incarcération et à leur extradition ou renoncer complètement à la procédure d’extradition.

L’article 70 permettrait à l’intéressé de consentir à son incarcération en vue de l’extradition à tout moment après que le Ministre a délivré un arrêté introductif d’instance. Ce consentement devrait être adressé par écrit à un juge, qui devrait alors ordonner l’incarcération de l’intéressé en attendant son extradition et transmettre une copie du consentement au Ministre.

L’article 71 permettrait à l’intéressé de consentir à son extradition en tout temps après son arrestation ou sa comparution devant le tribunal. Ce consentement devrait également être adressé par écrit à un juge, lequel prendrait les mêmes mesures que dans le cas du consentement à l’incarcération. Dans le cas d’un consentement à l’extradition, le Ministre pourrait, dès que cela est possible après la réception du consentement, ordonner personnellement que l’intéressé soit extradé.

Le paragraphe 72(1) permettrait à l’intéressé, à tout moment après son arrestation ou sa comparution, de renoncer à la procédure d’extradition : il suffirait d’en faire la demande par écrit à un juge. Le juge serait tenu d’informer l’intéressé des conséquences de sa décision, à savoir la perte de la garantie de la « spécificité » (protection par ailleurs accordée dans le cadre de la procédure d’extradition) et le fait que l’intéressé sera remis sans délai au partenaire (paragraphe 72(2)). La spécificité est la règle selon laquelle une personne extradée ne peut être poursuivie ou punie pour une infraction commise avant son extradition en dehors de celle au titre de laquelle elle a été extradée (à moins que l’intéressé n’ait l’occasion de retourner dans le pays d’où il a été extradé)(14). Celui qui renonce complètement à la procédure d’extradition consent en fait à être traité comme s’il avait été appréhendé dans l’État étranger ou par l’entité étrangère et il renonce par conséquent aux garanties des accords d’extradition en question.

Le juge devrait ordonner que la personne qui a renoncé à la procédure d’extradition soit remise au partenaire qui a demandé l’extradition et transmettre au Ministre un exemplaire du renoncement et l’ordonnance de transfert (paragraphe 72(3)).

L’article 73 permettrait d’assujettir les personnes qui s’évadent pendant leur garde à vue en attendant leur transfert à la loi applicable aux personnes qui s’échappent alors qu’elles sont accusées ou condamnées pour une infraction aux lois du Canada, auquel cas l’agent chargé de la garde à vue aurait le droit d’arrêter l’intéressé lors d’une poursuite immédiate. Cette disposition ramènerait la situation à la configuration prévue à l’alinéa 494(1)b) du Code criminel et permettrait donc à l’agent chargé de la garde à vue ou à toute autre personne d’arrêter l’évadé sans mandat.

   12. Audience d’extradition

Sous réserve du reste de la Loi proposée, et avec les modifications que les circonstances exigeraient, le juge qui dirige une audience d’extradition aurait tous les pouvoirs conférés à un juge de cour provinciale ou à un juge dirigeant une enquête préliminaire dans le cadre d’une affaire criminelle, conformément aux dispositions de la Partie XVIII du Code criminel (paragraphe 24(2)). Aux termes de l’article 28, le juge qui dirige une audience d’extradition ou une audience de mise en liberté provisoire par voie judiciaire dans le cadre d’une affaire d’extradition pourrait assigner un témoin à comparaître à l’audience; les articles 698 à 708 du Code criminel (qui ont trait à la délivrance et à la notification des assignations, à la délivrance et à l’exécution des mandats d’arrestation de témoins, aux témoins qui s’esquivent, à la détention des témoins arrêtés et à la punition, pour outrage au tribunal, des témoins qui s’esquivent ou des témoins défaillants) s’appliqueraient avec les modifications qui s’imposeraient.

L’article 25 conserverait les modifications apportées en 1992 à la Loi sur l’extradition, qui donnaient aux juges d’extradition le pouvoir de trancher les questions relevant de la Charte canadienne des droits et libertés, alors qu’ils ne le pouvaient pas auparavant(15).

L’article 26 donnerait au juge, à l’audience d’extradition ou à l’audience de mise en liberté provisoire par voie judiciaire dans le cadre d’une affaire d’extradition, le pouvoir de rendre, à la demande de l’intéressé ou du procureur général, une ordonnance limitant la publication ou la radiodiffusion des éléments de preuve, s’il est convaincu que cela risque de nuire à la tenue d’un procès juste par le partenaire. Cette restriction s’appliquerait jusqu’à ce que l’intéressé soit libéré ou, si l’extradition est accordée, ait subi son procès. L’article 27 donnerait au juge, dans les mêmes circonstances, le pouvoir d’exclure certaines personnes s’il est d’avis que « la moralité publique, le maintien de l’ordre ou la bonne administration de la justice l’exige ».

Dans le cas d’une personne recherchée par un partenaire pour être poursuivie, le paragraphe 29(1) exigerait que le juge ordonne l’incarcération de l’intéressé en attendant son extradition s’il est convaincu que celui-ci est bien la personne recherchée et qu’il existe des preuves (recevables aux termes de la Loi proposée) qu’il a commis des actes qui, au Canada, justifieraient son incarcération et un procès pour une infraction équivalente, ainsi que l’énonce l’arrêté introductif d’instance. Le juge devrait ordonner l’incarcération d’une personne qui a déjà été condamnée par le partenaire et est recherchée pour purger une peine, s’il est convaincu que la condamnation concerne effectivement cette personne et qu’elle a trait à des actes correspondant à l’infraction désignée dans l’arrêté introductif d’instance. Sous réserve d’un accord d’extradition à l’effet contraire, l’extradition d’une personne eu égard à une déclaration de culpabilité in absentia serait traitée comme une extradition en vue d’une poursuite plutôt qu’en vue de l’exécution d’une sentence (paragraphe 29(5)).

Dans tous les autres cas, aux termes du paragraphe 29(3), le juge devrait ordonner la libération de l’intéressé.

Le paragraphe 30(1) prévoit que l’ordonnance d’incarcération constituerait un pouvoir suffisant pour garder l’intéressé en détention, sous réserve d’une ordonnance de mise en liberté provisoire par voie judiciaire. Aux termes du paragraphe 30(2), une ordonnance d’incarcération resterait en vigueur tant que la personne ne serait pas livrée au partenaire ou remise en liberté ou tant qu’on n’aurait pas ordonné une nouvelle audience à la suite d’un appel.

      13. Règles de la preuve

         a. Aperçu

L’une des principales caractéristiques du projet de loi est qu’on y instaurerait des règles de la preuve spéciales pour permettre l’admission d’éléments de preuve produits par le partenaire qui, sinon, ne seraient pas recevables dans le cadre de la procédure juridique canadienne.

Les articles 14 à 17 de la Loi prévoient la recevabilité des témoignages oraux sous serment ou affirmation solennelle, des dépositions ou des déclarations dûment authentifiées faites à l’étranger ou de copies de celles-ci et des certificats ou documents judiciaires étrangers dûment authentifiés attestant la condamnation. Cependant, sous réserve de ces dispositions, les preuves utilisées pour justifier l’extradition doivent être actuellement admissibles aux termes du droit de la preuve au Canada et être notamment assujetties à la règle générale rejetant les preuves par ouï-dire.

Le projet de loi C-40 assouplirait considérablement le fardeau de la preuve imposé à cet égard à l’État qui fait la demande en permettant au juge d’extradition d’admettre en preuve un « dossier d’instruction » certifié dans lequel l’État qui demande l’extradition n’aurait qu’à confirmer un résumé des preuves accumulées contre la personne recherchée et attester que ces preuves étaient disponibles pour le procès et qu’elles étaient suffisantes pour justifier une poursuite dans cet État ou qu’elles ont du moins été obtenues légalement selon les lois de cet État. En bref, les preuves réunies à l’étranger à l’appui d’une demande d’extradition n’auraient plus à être conformes aux normes générales applicables à la preuve au Canada. De plus, ces preuves auraient seulement à être décrites et non pas à être effectivement produites.

Ces dispositions seront peut-être controversées et elles pourraient bien faire l’objet d’une contestation constitutionnelle devant les tribunaux par les accusés qui s’opposent à leur extradition. Si les dispositions proposées au sujet de la preuve semblent s’écarter considérablement des règles actuelles, les tribunaux estiment quant à eux que les normes d’équité qui s’appliquent à la procédure d’extradition sont différents de celles qu’exigent les procès criminels(16). Les tribunaux considèrent par exemple comme constitutionnelles les dispositions actuelles concernant l’admission des affidavits et des dépositions aux audiences d’extradition alors qu’il n’est pas loisible au fugitif de contre-interroger la source de ces éléments de preuve(17). De plus, les tribunaux ont indiqué que la procédure d’extradition n’est pas un moyen d’assujettir d’autres États aux normes et aux règles canadiennes en matière de justice criminelle(18). Tout au contraire, la Cour suprême du Canada, par exemple, a indiqué que, en appliquant le principe de l’application régulière de la loi (garantie à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés) dans le cadre de la procédure d’extradition, il y a lieu d’aplanir les différences entre le système de justice criminelle canadien et celui de l’État qui demande l’extradition.

         b. Dossier d’instruction certifié

L’alinéa 32(1)a) permettrait la recevabilité d’un « dossier d’instruction » certifié à une audience d’extradition. Aux termes de l’article 33, cela devrait inclure un résumé des éléments de preuve dont dispose le partenaire, dans le cas d’une personne recherchée pour être poursuivie, et un exemplaire du dossier de la condamnation et une description des actes justifiant la condamnation, dans le cas d’une personne recherchée pour exécution d’une sentence. On pourrait inclure également d’autres documents utiles ayant trait à l’identification de la personne dont on demande l’extradition. Selon le paragraphe 33(4), à moins qu’un accord d’extradition s’y oppose, aucune authentification de ces documents ne serait nécessaire.

Aux termes du paragraphe 33(3), si une personne est recherchée pour être poursuivie, une autorité judiciaire ou une partie poursuivante devrait attester que les preuves résumées ou contenues dans le dossier d’instruction étaient disponibles pour le procès et qu’elles étaient suffisantes, selon le droit du partenaire, pour justifier une poursuite ou qu’elles ont été réunies conformément aux lois du partenaire. Si une personne est recherchée pour purger une peine, il faudrait qu’une autorité judiciaire, une partie poursuivante ou une autorité correctionnelle atteste que les documents contenus dans le dossier d’instruction sont exacts.

         c. Éléments de preuve obtenus au Canada

Selon le paragraphe 32(2), cependant, les preuves réunies au Canada devraient toujours se conformer aux règles de la preuve au Canada pour être admissibles à une audience d’extradition.

         d. Divers

Parmi les autres éléments de preuve qui, selon l’article 32, pourraient être recevables à une audience d’extradition sans égard à leur admissibilité dans le cadre d’autres procédures juridiques canadiennes, il y a le contenu de documents présentés en vertu d’un accord d’extradition et tous les éléments de preuve produits par la personne recherchée que le juge estimera valables.

Le projet de loi propose d’autres règles assouplies pour les audiences d’extradition. L’article 34 prévoit la possibilité d’admettre des documents avec ou sans déclaration solennelle ou serment, tandis que l’article 35 dispenserait de toute exigence d’authentifier la signature d’une autorité judiciaire, d’une partie poursuivante, d’une autorité correctionnelle ou d’un représentant gouvernemental sur un document. Aux termes de l’article 36, la traduction d’un document dans l’une des langues officielles du Canada pourrait être admise sans autre formalité. Pour prouver que la personne qui comparaît est bien la personne recherchée, il suffirait que son nom soit le même que celui qui se trouve dans les documents produits par le partenaire et que ses caractéristiques physiques soient les mêmes que celles qu’attestent les photos, les empreintes digitales et d’autres éléments de preuve descriptifs (article 37).

      14. Responsabilités et pouvoirs du juge qui rend l’ordonnance d’incarcération

Comme l’exige actuellement l’alinéa 19b) de la Loi sur l’extradition, le paragraphe 38(1) prévoit que le juge qui rend l’ordonnance d’incarcération d’une personne qui sera livrée devrait transmettre au Ministre un exemplaire de l’ordonnance, une copie de tous les éléments de preuve produit à l’audience que le Ministre n’a pas déjà en sa possession et tout rapport que le juge estimera utile.

Le paragraphe 38(2) conserverait l’exigence que le juge, conformément à l’alinéa 19b) de la Loi, informe l’intéressé qu’il a le droit de faire appel de l’ordonnance d’incarcération et qu’il ne sera pas livré avant trente jours. Le paragraphe 38(2) ajouterait que le juge doit également informer l’intéressé qu’il a le droit de demander une mise en liberté provisoire par voie judiciaire (en attendant l’audition de l’appel).

Sous réserve d’un accord d’extradition applicable, l’article 39 conserverait le pouvoir du juge, aux termes de l’article 27 de la Loi, de transférer au partenaire, au moment de l’extradition, des biens saisis qui pourraient constituer des preuves importantes dans la poursuite. Ce pouvoir continuerait d’être assujetti aux droits établis de tiers au titre desdits biens saisis. Cependant, l’article 39 préciserait clairement que la décision de transférer ces biens serait de nature judiciaire. Le paragraphe 39(1) prévoit que le juge d’extradition qui transférerait ces biens au partenaire rendrait une ordonnance à cet égard. Le paragraphe 39(2) prévoit que le juge qui rendrait cette ordonnance pourrait l’assortir des conditions qu’il jugera souhaitables, notamment de conditions relatives à la protection et au retour au Canada d’un bien ainsi transféré et à la protection des droits de tiers sur ce bien. Le paragraphe 39(1) clarifierait également le fait que pour que ce bien soit susceptible d’être transféré au partenaire, il n’est pas nécessaire qu’on l’ait trouvé sur l’intéressé. Le paragraphe 39(1) renvoie aux « biens saisis lors de l’arrestation », alors que l’article 27 de la Loi renvoie aux « biens que le fugitif avait en sa possession lors de son arrestation (…) ».

      15. Refus d’extradition

         a. Motifs de refus dans tous les cas

L’article 44 prévoit les motifs pour lesquels on pourrait dans tous les cas, qu’il existe ou non un accord d’extradition, refuser de livrer une personne à un partenaire Aux termes du paragraphe 44(1), le ministre de la Justice devrait refuser de livrer une personne s’il est convaincu que l’extradition serait injuste ou tyrannique compte tenu de toutes les circonstances ou que la demande d’extradition a pour but de poursuivre ou de punir l’intéressé pour des motifs fondés sur la race, la religion, la nationalité, l’origine ethnique, la langue, la couleur, les convictions politiques, le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge, la déficience physique ou mentale, ou le statut de l’intéressé ou qu’il pourrait être porté atteinte à sa situation pour l’un de ces motifs. Le paragraphe 44(2) donnerait précisément au Ministre le pouvoir discrétionnaire de refuser de livrer une personne en raison d’une infraction pour laquelle il risque la peine de mort.

         b. Autres motifs de refus en l’absence d’un accord bilatéral

Sous réserve des dispositions contraire d’un accord multilatéral, le Ministre devrait refuser de livrer une personne s’il est convaincu que la poursuite de l’intéressé est prescrite en vertu du droit du partenaire, que les actes reprochés constituent une infraction militaire sans constituer par ailleurs une infraction criminelle au civil ou que les actes reprochés constituent une infraction à caractère politique (paragraphe 46(1)). Cependant, le paragraphe 46(2) prévoit que certains actes ne constituent pas une infraction à caractère politique au sens du paragraphe 46(1), à savoir le meurtre ou l’homicide involontaire coupable, l’infliction de lésions corporelles graves, l’agression sexuelle, l’enlèvement, le rapt, la prise d’otage ou l’extorsion, la tentative, le complot, la complicité après le fait, le conseil, l’aide ou l’encouragement à l’égard des actes que l’on vient d’énumérer et tous les actes qui constituent une infraction au titre de laquelle le Canada, en tant que partie à un accord d’extradition multilatéral, doit entamer des poursuites contre le coupable ou l’extrader.

Aux termes de l’article 47 (et sous réserve des dispositions contraires d’un accord multilatéral), le Ministre aurait le pouvoir discrétionnaire de refuser de livrer une personne pour les motifs suivants : l’intéressé, s’il subissait son procès au Canada, bénéficierait d’une libération du fait d’une condamnation ou d’un acquittement antérieurs; l’intéressé a été condamné par défaut et ne pourrait, une fois extradé, obtenir une révision de son procès; l’intéressé avait moins de dix-huit ans à l’époque de l’infraction, et le droit applicable par le partenaire est incompatible avec les principes fondamentaux régissant la Loi sur les jeunes contrevenants(19); l’intéressé fait l’objet d’une poursuite criminelle au Canada pour les actes qui sont à l’origine de la demande d’extradition; aucun des actes qui sont à l’origine de la demande d’extradition n’a été commis sur le territoire du partenaire.

         c. Libération en cas de refus d’extradition

Aux termes du paragraphe 48(1), si le Ministre décide de ne pas livrer l’intéressé, il devrait ordonner sa libération. S’il ordonne la libération d’une personne qui demande le statut de réfugié au sens de la Convention aux termes de la Loi sur l’immigration, le Ministre devrait envoyer des exemplaires de tous les documents utiles au ministre responsable de l’application de cette Loi (paragraphe 48(2)).

      16. Extradition

Aux termes de l’alinéa 62(1)a), nul ne pourrait être livré avant l’expiration du délai de trente jours suivant la date de l’ordonnance d’incarcération, à moins que l’intéressé ait renoncé par écrit à ce délai, conformément au paragraphe 62(2). On ne pourrait pas non plus livrer quelqu’un tant qu’une demande d’appel ou de contrôle judiciaire aux termes de la Loi proposée est en souffrance (alinéa 62(1)b)).

Aux termes du paragraphe 43(1), la personne que l’on s’est engagé à livrer disposerait de trente jours à partir de la date de l’ordonnance d’incarcération pour faire des observations écrites au ministre de la Justice concernant tout ce qui touche à la décision du Ministre de la livrer au partenaire. Le paragraphe 43(2) permettrait au Ministre d’accepter des observations après l’expiration du délai.

Si la personne a demandé le statut de réfugié au sens de la Convention aux termes de la Loi sur l’immigration, le Ministre devrait se concerter avec le ministre responsable de l’application de cette Loi avant de décider de livrer l’intéressé (paragraphe 40(2)).

Selon le paragraphe 40(3), le ministre de la Justice pourrait demander au partenaire de lui fournir les assurances qu’il estime indiquées ou poser les conditions qui lui paraissent appropriées. Ces conditions pourraient être par exemple que l’intéressé ne soit pas poursuivi pour une infraction autre que celle à laquelle renvoie l’ordonnance d’extradition ou qu’une certaine peine ne soit pas imposée ou infligée à l’intéressé. Si le Ministre assujettit l’extradition à ce genre d’assurances ou de conditions, il n’y aurait pas extradition tant que le Ministre ne serait pas convaincu que les assurances demandées ont été données ou que les conditions imposées ont été acceptées par le partenaire (paragraphe 40(4)).

Aux termes du paragraphe 40(1), le Ministre aurait quatre-vingt-dix jours à compter de l’incarcération de l’intéressé pour ordonner personnellement qu’on le livre au partenaire. Cependant, selon le paragraphe 40(5), le Ministre pourrait proroger ce délai de soixante jours s’il estime qu’il a besoin de plus temps pour évaluer les observations communiquées par l’intéressé aux termes de l’article 43. Le Ministre devrait déposer un avis de prorogation auprès de la cour d’appel si l’on a fait appel de l’ordonnance d’incarcération (paragraphe 40(6)). Le Ministre pourrait également décider de reporter l’ordonnance d’extradition en attendant la décision relative à l’appel de l’ordonnance d’incarcération (article 41) et il devrait dans ce cas déposer un avis de prorogation auprès de ce tribunal (alinéa 41(1)b)). Le Ministre aurait alors quarante-cinq jours à partir de la date de la décision de la cour d’appel concernant l’incarcération pour rendre l’ordonnance d’extradition (alinéa 41(1)c)). L’article 58 prévoit le contenu obligatoire de l’ordonnance d’extradition.

Sous réserve d’un accord d’extradition applicable, si la demande d’extradition renvoyait à plus d’une infraction, l’article 59 permettrait au Ministre d’ordonner qu’on livre la personne recherchée pour toutes les infractions, qu’elles remplissent ou non le critère des seuils de peine énoncé à l’article 3. Toutes les infractions en question devraient renvoyer à des actes qui constitueraient également des infractions au Canada, et au moins une d’entre elles devrait remplir le critère des seuils de peine énoncé à l’article 3.

L’article 60 permettrait aux personnes désignées dans l’ordonnance d’extradition rendue aux termes de l’alinéa 58e) de prendre en charge et de mettre l’intéressé sous garde, puis de le livrer au partenaire.

Toute personne qui s’évade tandis qu’elle se trouve en garde à vue serait assujettie aux dispositions applicables aux personnes qui s’évadent alors qu’elles sont accusées ou ont été trouvées coupables d’une infraction aux lois du Canada (article 61). Dans ce cas, la personne ou la catégorie de personnes (désignée dans l’ordonnance d’extradition rendue aux termes de l’alinéa 58e)) à qui l’intéressé a été confié pour être extradé aurait le pouvoir de l’arrêter lors d’une poursuite immédiate(20).

L’article 63 permettrait de livrer l’intéressé n’importe où au Canada ou à l’étranger selon l’entente conclue entre le Canada et le partenaire.

À moins que le Ministre n’en décide autrement (comme dans le cas d’une extradition temporaire ? voir plus bas), un arrêté d’extradition n’aurait pas force de loi tant que l’intéressé ne serait pas libéré ? en raison d’un acquittement, de l’expiration de la peine ou pour toute autre raison ? eu égard à des accusations portées au Canada ou des condamnations rendues au Canada renvoyant à des actes autres que ceux pour lesquels l’extradition est ordonnée (article 64). L’article 65 prévoit qu’une personne qui purge une peine au Canada au moment de son extradition et qui revient au Canada par la suite devrait purger le reste de sa peine au Canada.

Aux termes de l’article 42, le Ministre pourrait modifier l’arrêté d’extradition tant qu’il n’aurait pas été mis à exécution.

      17. Appel de la décision d’incarcération en vue de l’extradition

Comme c’est actuellement le cas aux termes de l’article 19.2 de la Loi sur l’extradition par suite des modifications apportées en 1992, l’intéressé et le procureur général, pour le compte du partenaire, auraient le droit de s’adresser à la cour d’appel de la province où l’audience d’extradition a lieu (article 49). Les motifs d’appel prévus à l’article 49 seraient à peu près identiques à ceux qui sont énoncés à l’article 19.2 de la Loi : question de droit; question de droit et de fait, avec l’autorisation de la cour d’appel ou de l’un de ses juges; et tout autre motif d’appel, avec l’autorisation de la cour d’appel, que cette cour juge suffisant.

L’article 50 du projet de loi reproduirait l’article 19.3 de la Loi actuelle, qui dispose que l’appel ou l’autorisation d’interjeter appel est formé par le dépôt d’un avis dans les trente jours suivant la décision du juge d’extradition, sous réserve de la décision discrétionnaire de la cour d’appel ou de l’un de ses juges d’accorder une prorogation de délai fugitif ou d’arrêter la procédure.

L’article 51 est identique à l’article 19.4 de la Loi, qui dispose que l’appel doit être inscrit pour audition dans le meilleur délai que la cour soit ou non en session. L’article 51 conserverait également la possibilité actuelle de la cour de différer l’audition de l’appel d’une ordonnance d’incarcération jusqu’à ce que le ministre de la Justice ait rendu une décision sur l’extradition de l’appelant. Cependant, comme le prévoit actuellement le paragraphe 25.1(2) de la Loi, le paragraphe 41(2) du projet de loi interdirait cette procédure si le Ministre a déposé un avis de prorogation de la décision relative à l’extradition (voir, ci-dessus, l’analyse de l’article 41), en attendant que la cour d’appel ait tranché en l’espèce.

L’article 52 reprendrait les dispositions de l’article 19.5 de la Loi, qui dispose que les articles 677, 678.1, 679, 682 à 685 et 688 du Code criminel(21) ainsi que les règles applicables par la cour d’appel pertinente aux termes de l’article 482 du Code criminel s’appliquent aux appels de décisions d’extradition.

L’article 53, qui a trait aux pouvoirs de la cour d’appel eu égard à l’appel d’une décision d’incarcération, conserverait les dispositions de l’article 19.6 de la Loi actuelle. Aux termes de ces dispositions, la cour d’appel peut accueillir l’appel d’une ordonnance d’incarcération si elle est d’avis que l’ordonnance devrait être cassée au motif qu’elle n’est pas raisonnable ou qu’elle n’est pas justifiée par les éléments de preuve, qu’une décision erronée a été rendue sur une question de droit ou que, pour un motif quelconque, il y a eu erreur judiciaire. La cour d’appel peut rejeter l’appel d’une ordonnance d’incarcération si elle n’accepte aucun des motifs invoqués ci-dessus ou si elle estime qu’on a rendu une décision erronée sur une question de droit, mais que, selon elle, il n’y a pas eu de tort grave ni de déni de justice et que l’ordonnance devrait être confirmée. Les dispositions sont essentiellement les mêmes que celles qui régissent les appels dans les affaires criminelles (voir les alinéas 686(1)a) et b) du Code criminel).

Si l’appel d’une ordonnance d’incarcération est accueilli, l’article 54, comme l’article 19.7 de la Loi actuelle, disposerait que la cour d’appel doit soit casser l’ordonnance d’incarcération et libérer l’intéressé ou ordonner une nouvelle audience, soit supprimer de l’ordonnance d’incarcération une infraction à l’égard de laquelle la cour estime qu’il n’y avait pas lieu d’incarcérer l’intéressé pour l’un des motifs énoncés à l’article 53 (voir ci-haut).

Pour ce qui est des pouvoirs de la cour d’appel eu égard à l’appel d’une décision du juge d’extradition de libérer l’intéressé ou de suspendre la procédure(22), l’article 55 conserverait les dispositions de l’article 19.8 de la Loi actuelle. Selon ces dispositions, la cour d’appel peut accueillir l’appel si elle est d’avis que l’ordonnance de libération devrait être cassée au motif qu’elle n’est pas raisonnable ou qu’elle n’est pas justifiée par les éléments de preuve, ou que l’ordonnance de libération ou de suspension de procédure devrait être cassée au motif qu’elle n’est pas raisonnable ou n’est pas justifiée par les éléments de preuve, parce qu’une décision erronée a été rendue sur une question de droit, ou que, pour un motif quelconque, il y a eu erreur judiciaire. Sinon, la cour peut rejeter l’appel. Si elle suspend la procédure, elle peut ordonner une nouvelle audience. Si elle casse une ordonnance de libération, par contre, elle peut ordonner une nouvelle audience ou ordonner elle-même l’incarcération de l’intéressé en vue de son extradition. La raison de cette différence de traitement est que, dans le cas d’une suspension de procédure, il est plus probable que l’audience d’extradition n’aura pas donné lieu à un dossier d’instruction suffisant pour que la cour d’appel puisse se former une opinion sur le bien-fondé de la décision d’incarcérer l’intéressé.

Comme l’article 19.9 de la Loi actuelle, l’article 56 permettrait à la Cour suprême du Canada de différer l’audition de n’importe quelle demande d’appel d’une ordonnance d’extradition en attendant que le ministre de la Justice ait rendu une décision concernant l’extradition de l’intéressé ou que la cour d’appel provinciale compétente ait rendu une décision sur une demande de contrôle judiciaire de la décision du Ministre.

      18. Contrôle judiciaire de l’ordonnance d’extradition rendue par le Ministre

L’article 57 du projet de loi conserverait les dispositions de l’article 25.2 de la Loi actuelle eu égard au contrôle judiciaire d’une ordonnance d’extradition rendue par le ministre de la Justice. Ce dispositions, qui ont été promulguées dans le cadre des modifications apportées à la Loi en 1992, prévoient le regroupement de la procédure de contrôle judiciaire de l’ordonnance du Ministre et la procédure d’appel concernant l’ordonnance d’incarcération rendue par le juge d’extradition. Ce regroupement prend deux formes. Tout d’abord, aux termes du paragraphe 25.2(1) de la Loi (paragraphe 57(1) du projet de loi), la compétence initiale exclusive pour entendre et trancher les demandes de contrôle judiciaire de l’ordonnance d’extradition rendue par le Ministre appartient à la cour d’appel de la province où la personne a fait l’objet d’une ordonnance d’incarcération par un juge d’extradition. Mais, aux termes de cette disposition, le contrôle judiciaire de la décision d’un ministre fédéral relèverait de la compétence exclusive de la section de première instance de la Cour fédérale, conformément au paragraphe 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale(23). Deuxièmement, le paragraphe 25.2(9) de la Loi (paragraphe 57(9) du projet de loi) autorise une cour d’appel provinciale saisie d’un appel d’une ordonnance d’incarcération à grouper l’audition de la demande de contrôle judiciaire de l’ordonnance d’extradition rendue par le Ministre et celle de l’appel de l’ordonnance d’incarcération. Avant les modifications apportées en 1992, il y avait souvent des procédures parallèles, à l’échelle fédérale et à l’échelle provinciale, au sujet d’une même affaire. Les autres dispositions ayant trait à la procédure de contrôle judiciaire d’une ordonnance d’extradition sont les suivantes.

La demande de contrôle judiciaire d’une ordonnance d’extradition peut être faite par la personne qui fait l’objet de l’ordonnance (par. 57(2) du projet de loi, par. 25.2(2) de la Loi). Autrement dit, il n’existe pas de disposition prévoyant le contrôle judiciaire d’un refus du Ministre d’extrader une personne.

Par. 57(3) du projet de loi/par. 25.2(3) de la Loi : le délai de dépôt de la demande de contrôle judiciaire de la décision du Ministre est de trente jours, encore que ce délai puisse être prorogé par la cour d’appel.

Par. 57(4) du projet de loi/par. 25.2(4) de la Loi : eu égard à la mise en liberté provisoire par voie judiciaire en attendant la décision relative à la demande de contrôle judiciaire, ce sont les dispositions du Code criminel régissant la mise en liberté provisoire par voie judiciaire en attendant la décision relative à l’appel dans les affaires criminelles (article 679) qui s’appliquent, avec les modifications qui s’imposent.

Par. 57(5) du projet de loi/par. 25.2(5) de la Loi : comme dans le cas des autres procédures judiciaires ayant trait à l’extradition, la cour d’appel saisie d’une demande de contrôle judiciaire est tenue de procéder à une audience dans les plus brefs délais, sans égard aux séances régulières prévues à son calendrier.

Par. 57(6) du projet de loi/par. 25.2(6) de la Loi : la cour d’appel saisie d’une demande de contrôle judiciaire peut ordonner au Ministre de faire ce qu’il a illégalement omis ou refusé de faire ou dont il a déraisonnablement retardé l’exécution; elle peut aussi casser la décision du Ministre, renvoyer l’affaire au Ministre pour qu’il rende une nouvelle décision conformément aux directives qu’elle jugera utile de lui donner ou interdire au Ministre d’ordonner l’extradition de l’intéressé ou l’en empêcher.

Par. 57(7) du projet de loi/par. 25.2(7) de la Loi : la cour d’appel saisie d’une demande de contrôle judiciaire peut accorder la réparation ci-dessus pour les mêmes raisons qu’un juge de la Cour fédérale aux termes du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale, à savoir, décider que le Ministre :

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer;

b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

e) a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages;

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

Par. 57(8) du projet de loi/par. 25.2(8) de la Loi : si le seul motif justifiant le contrôle judiciaire est un vice de forme ou une irrégularité technique, la cour d’appel peut refuser d’accorder une réparation si elle conclut qu’il n’y a pas eu de préjudice sérieux; elle peut aussi rendre une ordonnance validant l’ordonnance d’extradition et lui donner effet au moment et dans les termes qu’elle jugera utiles. Cette dernière solution permet à la cour d’appel de donner au Ministre la possibilité de corriger tout vice de forme ou irrégularité technique sans qu’il soit nécessaire d’annuler la décision d’extrader et de retarder indûment l’affaire.

Par. 57(10) du projet de loi/par. 25.2(10) de la Loi : sauf autre disposition contraire de la Loi, les lois et les règles provinciales applicables à la procédure de contrôle judiciaire s’appliquent également au contrôle judiciaire des ordonnances d’extradition, sous réserve des modifications qui s’imposent.

      19. Recours en cas de retard d’extradition

Aux termes de la Loi comme du projet C-40, une personne incarcérée en vue de son extradition qui n’a pas encore fait l’objet d’une ordonnance d’extradition ou n’a pas encore été extradée conformément à cette ordonnance dans les délais prévus par la Loi peut demander que les tribunaux déterminent la validité de sa détention prolongée. Dans ce cas, l’article 69 du projet de loi conserverait les dispositions de l’article 28 de la Loi, aux termes duquel la personne incarcérée en vue de son extradition peut demander à un juge de la cour supérieure de la province où elle est détenue de rendre une ordonnance la remettant en liberté, à moins qu’on puisse justifier sa détention.

      20. Extradition temporaire

L’extradition temporaire de personnes purgeant des peines de prison au Canada pour qu’elles subissent un procès au titre d’infractions commises ailleurs serait une caractéristique nouvelle de la législation de l’extradition au Canada. Le projet de loi C-40 disposerait également que le Canada pourrait demander l’extradition temporaire de personnes d’autres juridictions dans les mêmes circonstances. L’extradition temporaire a l’avantage de permettre de régler rapidement les accusations criminelles en souffrance sans porter atteinte à l’intégrité des peines déjà imposées. Le règlement rapide des accusations criminelles permet d’éviter, entre autres, que les éléments de preuve se détériorent ou subissent un préjudice (s’agissant notamment de la mémoire des témoins), et il est donc dans l’intérêt de la partie poursuivante comme de l’accusé.

Le paragraphe 66(1) permettrait au Ministre d’ordonner l’extradition d’une personne incarcérée dans ce but et qui purgeait une peine de prison au Canada pour la remettre à un partenaire afin qu’elle subisse un procès ou participe à une procédure d’appel la concernant. La décision du Ministre d’extrader temporairement une personne serait assujettie aux mêmes échéances qu’une extradition ordinaire (par. 66(2)).

Le Ministre ne pourrait ordonner l’extradition qu’à condition que le partenaire ait donné des assurances que la personne restera en détention pendant la période d’extradition temporaire, sous réserve des délais différents prévus dans un accord d’extradition, et que l’intéressé sera rendu au Canada dans les trente jours suivant la fin de la procédure en raison de laquelle il est temporairement extradé (paragraphes 66(1) et 66(3)). Le Ministre aurait également le pouvoir discrétionnaire d’exiger que le partenaire donne des assurances que la personne extradée sera rendue au Canada à une date précise ou sur demande (paragraphe 66(4)). Par ailleurs, le paragraphe 66(10) permettrait au Ministre, après concertation avec le Solliciteur général du Canada ou le ministre provincial compétent responsable des services correctionnels, de renoncer à demander le retour d’une personne extradée temporairement.

Sous réserve du pouvoir discrétionnaire du Ministre de révoquer l’ordonnance d’extradition et de libérer l’intéressé (par. 66(7)), une personne temporairement extradée et renvoyée au Canada qui a été condamnée par le partenaire à une peine de prison devrait en fin de compte être extradée, sans autre modalité, dès qu’elle aura fini de purger sa peine au Canada (ou plus tôt, si le Ministre en décide ainsi (par. 66(6)). Aux termes du paragraphe 66(11), le Ministre pourrait ordonner l’extradition définitive de l’intéressé, même si la durée d’emprisonnement imposée par le partenaire ne remplit pas le critère des seuils de peine énoncé à l’article 3.

Pour faciliter cette extradition définitive, le paragraphe 66(8) prévoit que l’on demanderait aux autorités qui détiennent l’intéressé de donner au Ministre un avis raisonnable du moment où la peine arrivera à échéance. Cependant, aux termes du paragraphe 66(9), si la peine purgée au Canada vient à échéance durant la période d’extradition temporaire, l’extradition temporaire deviendrait une extradition définitive.

L’article 68 prévoit qu’on porterait au crédit d’une personne faisant l’objet d’une ordonnance d’extradition temporaire la peine purgée à l’étranger au cours de la période d’extradition temporaire et que l’intéressé demeurerait admissible aux remises de peine conformément aux lois du système correctionnel responsable de l’exécution de sa peine au Canada.

L’article 67 prévoit qu’une ordonnance d’extradition l’emporterait sur tout autre mandat ou ordonnance antérieurs ayant donné lieu à la détention ou à la liberté conditionnelle de l’intéressé au Canada. Comme nous l’avons vu, le paragraphe 64(1) retarderait l’entrée en vigueur d’une ordonnance d’extradition jusqu’à l’expiration des peines purgées au Canada, à moins que le Ministre n’en décide autrement. C’est-à-dire, en fin de compte, qu’une ordonnance d’extradition l’emporterait sur l’ensemble des autres mandats ou ordonnances de détention ou de liberté conditionnelle n’ayant pas trait à une condamnation (détention préventive ou mise en liberté provisoire par voie judiciaire (caution), par exemple) et sur l’ensemble des mandats et ordonnances ayant trait à une condamnation, si le Ministre en décide ainsi. C’est ainsi que seraient préservées les règles énoncées aux paragraphes 25(4) et 25(5) de la Loi.

Grâce aux dispositions supplémentaires ci-dessus concernant l’extradition temporaire, la législation donnerait plus de latitude au Ministre. Si celui-ci veut extrader une personne purgeant une peine au Canada pour qu’elle subisse un procès à l’étranger, mais qu’il veut également s’assurer de son retour pour qu’elle termine de purger sa peine, il pourrait recourir à la procédure d’extradition temporaire et demander les assurances voulues pour le retour de l’intéressé après son procès. Mais, si le Ministre accorde moins d’importance au fait que l’intéressé purge sa peine intégralement, il pourrait simplement donner « une instruction contraire » aux termes du paragraphe 64(1), et l’ordonnance d’extradition l’emporterait sur l’achèvement de la peine au Canada. La personne ainsi extradée serait cependant tenue de purger le reste de sa peine si elle revient au Canada par la suite (article 65).

   B. Statut de réfugié et extradition

Le projet de loi C-40 prévoit le règlement de certaines revendications du statut de réfugié dans le cadre même de la procédure d’extradition.

L’article 96 du projet de loi modifierait le paragraphe 69.1 de la Loi sur l’immigration pour disposer qu’une audience de détermination du statut de réfugié ne pourrait pas commencer ou serait ajournée (selon le cas), si le ministre de la Justice délivrait un arrêté introductif d’instance (aux termes de l’article 15 de la nouvelle Loi sur l’extradition, analysé plus haut) dans une affaire où l’extradition est demandée eu égard à une infraction qui serait punissable au Canada par une peine pouvant aller jusqu’à dix ans de prison ou par une peine plus sévère. C’est une fois que le requérant serait finalement libéré de la procédure d’extradition que l’on pourrait procéder à l’audience de détermination du statut de réfugié.

Cependant, si le ministre de la Justice ordonne l’extradition d’un demandeur du statut de réfugié qui a été incarcéré par le juge d’extradition pour une infraction punissable au Canada par une peine pouvant aller jusqu’à dix ans de prison ou par une peine plus sévère, aux termes du nouveau paragraphe 69.1(14) de la Loi sur l’immigration, l’ordonnance d’extradition serait réputée être une décision rendue par la Section du statut de réfugié de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié comme quoi le requérant n’est pas un réfugié au sens de la Convention selon l’alinéa 1.F.b) de la Convention(24). Cette décision ne serait cependant pas assujettie à la procédure d’appel ou de contrôle judiciaire applicable aux décisions de la Section du statut de réfugié. L’intéressé conserverait bien entendu le droit intégral de demander un contrôle judiciaire de l’ordonnance d’extradition en tant que telle. Cependant, cette nouvelle disposition semble exiger qu’un juge d’extradition ait rendu une ordonnance d’incarcération pour que l’ordonnance d’extradition rendue par le ministre de la Justice constitue un règlement de la demande de statut de réfugié. Cette disposition semblerait donc ne pas s’appliquer aux cas où le demandeur de statut de réfugié renoncerait à la procédure d’extradition aux termes de l’article 72, auquel cas il n’y aurait ni ordonnance d’incarcération ni ordonnance d’extradition. Un nouveau paragraphe 69.1(15) disposerait qu’il n’est pas possible de demander le statut de réfugié une fois que le ministre de la Justice a rendu une ordonnance d’extradition.

Aux termes de l’article 96, on admet que, comme la nécessité d’incarcérer et de livrer une personne aux fins de son extradition d’une part et la validité de la revendication du statut de réfugié d’autre part semblent soulever les mêmes questions, il serait logique de conjuguer, dans une certaine mesure, les deux décisions (l’extradition et le statut de réfugié) et, plus précisément, les procédures respectives d’appel et de contrôle judiciaire. Cependant, même les actes criminels les plus graves ne justifient pas toujours la décision d’extrader ou de renvoyer des personnes dans d’autres États. Au moins dans les cas où il y a risque de torture dans l’État qui fait la demande, l’expulsion d’une personne, sans évaluation correcte des risques, aux termes de la Loi sur l’immigration, même si la personne a commis des actes criminels graves, peut constituer une infraction à la Charte canadienne des droits et libertés, surtout lorsqu’elle est interprétée au regard des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne(25). Bien entendu, la manière dont la personne risque d’être traitée dans le pays qui fait la demande d’extradition est un élément dont le ministre de la Justice doit tenir compte dans sa décision. De plus, le paragraphe 44(1) du projet de loi exigerait que le Ministre refuse l’extradition si elle est « injuste ou tyrannique compte tenu de toutes les circonstances ».

   C. Extradition au Canada

      1. Demande d’extradition

Selon l’article 78 du projet de loi, le ministre de la Justice pourrait, à la demande d’une autorité compétente, demander à un État ou une entité d’extrader ou d’arrêter provisoirement une personne dans le but de la poursuivre ou de faire exécuter une sentence la concernant, au titre d’une infraction à l’égard de laquelle le Canada est compétent. Dans le cas d’une personne recherchée pour être poursuivie ou recevoir une sentence, l’« autorité compétente », aux termes de l’article 77, est définie comme étant le procureur général du Canada ou le procureur général de la province responsable de la poursuite. Dans le cas d’une personne recherchée pour purger une peine, l’« autorité compétente » est définie, s’il s’agit d’une peine de prison, comme étant le solliciteur général du Canada et, dans tous les autres cas, le ministre provincial compétent responsable des services correctionnels.

La Loi actuelle prévoit des dispositions concernant les demandes ministérielles d’extradition de personnes d’autres États vers le Canada, alors que le projet de loi ne prévoit pas de dispositions concernant la demande émanant de l’autorité compétente en matière de poursuite ou de peine à purger non plus qu’au sujet d’une demande d’arrestation provisoire en attendant l’élaboration d’une demande d’extradition complète (voir l’article 30 de la Loi).

Comme l’article 31 de la Loi actuelle, l’article 79 du projet de loi prévoit la possibilité de recueillir des éléments de preuve à l’appui d’une demande d’extradition et, à cet égard, il donnerait au juge le pouvoir d’assigner des témoins à comparaître et d’ordonner la production de documents. Selon l’article 79, cependant, les juges qui sont compétents pour procéder à une audience d’extradition (juges de cours supérieures) sont ceux-là même qui réuniraient les éléments de preuve étayant une demande d’extradition ; aux termes de l’article 31 de la Loi, cela incombe aux juges de paix ou aux juges des cours provinciales. De plus, l’alinéa 79(1)b) prévoit la production de « données, sous quelque forme que ce soit », comparativement à la notion limitée de « documents ou autres pièces utiles » énoncée au paragraphe 31(2) de la Loi. L’alinéa 79(1)d) prévoit explicitement que les juges dirigeant ces procédures pourraient certifier ou authentifier les éléments de preuve réunis selon les critères de la juridiction à qui est adressée la demande d’extradition.

Le paragraphe 79(2) prévoit l’application de la Partie XXII du Code criminel à toutes les ordonnances assignant des témoins à comparaître, exigeant la production de documents, recevant et enregistrant des éléments de preuve ou certifiant ou authentifiant les éléments de preuve conformément aux exigences de la juridiction à qui la demande d’extradition est adressée. La Partie XXII du Code criminel comporte des règles applicables à la délivrance, à la notification et à l’exécution des assignations de témoins, aux témoins qui s’esquivent ou aux témoins défaillants, à la collecte et à l’utilisation des éléments de preuve recueillis par commission rogatoire, à l’utilisation d’éléments de preuve recueillis antérieurement et à l’utilisation d’éléments de preuve enregistrés sur vidéo.

      2. Transfert sous l’autorité du Canada

L’article 81 prévoit que les personnes extradées au Canada pourraient y être amenées et confiées aux autorités canadiennes compétentes. Cette procédure est actuellement couverte par l’article 32 de la Loi. Cependant, l’article 81 du projet de loi concerne plus précisément le pouvoir des agents de la juridiction à qui la demande d’extradition est adressée d’amener les personnes extradées au Canada sur le territoire canadien et de les maintenir sous garde. Le paragraphe 81(1) précise que leur entrée serait assujettie à l’approbation du ministre de la Justice, et le paragraphe 81(2) les autoriserait explicitement à les maintenir sous garde jusqu’à ce qu’ils les livrent aux autorités canadiennes. Le paragraphe 81(3) prévoit que toute personne qui échappe à ces agents seraient assujetties aux dispositions du droit pénal canadien ayant trait à l’évasion. Enfin, le paragraphe 81(4) prévoit explicitement que les agents autorisés de la juridiction à qui est adressée la demande d’extradition auraient officiellement le pouvoir d’arrêter toute personne en fuite lors d’une poursuite immédiate. L’effet combiné de ces deux dernières dispositions permettrait à ces agents ou à d’autres d’arrêter les fuyards sans mandat, comme le prévoit l’alinéa 494(1)b) du Code criminel.

      3. Maintien de la règle de la spécificité

L’article 80 du projet de loi maintiendrait l’application de la règle de la spécificité à la poursuite et à la punition des personnes extradées au Canada. Selon cette règle, qui est prévue à l’article 33 de la Loi actuelle, les personnes qui sont extradées en raison de certaines infractions ne doivent être poursuivies ou punies que pour ces infractions par les États qui ont demandé l’extradition, à moins d’être préalablement renvoyées dans le pays d’origine ou de se voir accorder une possibilité raisonnable d’y retourner. Comme le prévoit l’article 33 de la Loi, l’application de la règle de la spécificité selon l’article 80 serait assujettie aux dispositions de l’accord d’extradition.

L’article 80 apporterait cependant certaines précisions à la règle prévue à l’article 33 de la Loi, par exemple que le départ de l’intéressé en conformité avec la règle de la spécificité doit être volontaire. L’article 80 élargirait la protection de cette règle à la détention aussi bien qu’à la poursuite, à la condamnation et à la punition. Autrement dit, une personne extradée ne pourrait pas, par exemple, être placée en détention préventive avant son procès pour une infraction autre que celle pour laquelle elle a été extradée. L’alinéa 80b) étendrait encore l’application de la règle à la détention des personnes extradées au Canada qui étaient détenues en vue de leur extradition vers une tierce juridiction. Par ailleurs, le sous-alinéa 80a)(i) prévoit explicitement qu’une personne extradée pour une certaine infraction pourrait être poursuivie, condamnée ou punie pour une infraction incluse. De plus, les sous-alinéas 80a)(ii) et (iii) prévoient la possibilité, pour l’État qui a procédé à l’extradition et pour la personne extradée, de renoncer à l’application de la règle de la spécificité.

      4. Extradition temporaire au Canada

Les articles 82 et 83 auraient trait aux personnes détenues dans d’autres États qui ont été temporairement extradées au Canada pour y être poursuivies ou être parties à des procédures d’appel connexes.

Le paragraphe 82(1) exigerait que le juge, suite à une demande de l’« autorité compétente » (procureur général fédéral ou procureur général provincial compétent qui assume la poursuite) présentée en tout temps avant l’extradition temporaire, ordonne la garde à vue de la personne extradée. Aux termes du paragraphe 82(2), l’ordonnance devrait préciser que la détention ne doit pas se prolonger au-delà d’une certaine date ou dépasser quarante-cinq jours après l’achèvement du procès (si la personne est extradée pour subir un procès) ou trente jours après l’achèvement de l a procédure à laquelle la personne devait être partie (si elle a été extradée pour être présente à l’audition de l’appel). Aux termes du paragraphe 82(3), une ordonnance de détention rendue conformément au paragraphe 82(1) l’emporterait sur toute autre ordonnance rendue par un tribunal canadien à l’égard d’un fait antérieur à l’extradition temporaire de l’intéressé au Canada. Cependant, ces échéances et les autres conditions énoncées dans l’ordonnance de détention pourraient être modifiées par le tribunal (paragraphe 82(4)).

Selon le paragraphe 82(5), une personne temporairement extradée au Canada devrait retourner dans l’État qui l’a extradée soit lorsque la procédure pour laquelle elle a été extradée est achevée ou à l’échéance de l’ordonnance de détention rendue aux termes du paragraphe 82(1), le délai le plus court étant retenu. Cependant, le paragraphe 82(6) prévoit un délai d’au plus trente jours après le jugement pour le dépôt d’un appel, à moins que l’intéressé ou la partie poursuivante, selon le cas, déclare qu’il n’y aurait pas d’appel. S’il y a appel et que la personne extradée retourne dans l’État qui l’a extradée, la cour d’appel pourrait recommander, sur demande, que le Ministre demande une autre extradition temporaire, pourvu qu’elle soit convaincue que la présence de la personne est nécessaire dans l’intérêt de la justice (paragraphe 82(7)).

Lorsqu’une personne condamnée au Canada au cours de sa période d’extradition temporaire a purgé sa peine dans l’État qui l’a extradée, elle serait sujette à une « extradition définitive » au Canada pour y purger la peine qui lui a été infligée eu égard à cette infraction. Les paragraphes 83(1) et (2) prévoient que la peine commencerait au moment de l’extradition définitive au Canada. Cependant, aux termes du paragraphe 83(3), le juge qui a condamnée cette personne aurait la possibilité d’ordonner que la peine infligée au Canada soit purgée concurremment à la peine infligée par l’État qui l’a extradée. Dans ce cas, l’intéressé aurait seulement à purger ce qui resterait de sa peine au moment de son extradition définitive au Canada.

   D. Transit de personnes extradées par le Canada

Les articles 74 à 76 prévoient la réglementation du transit par le Canada de personnes extradées et leur détention légale au Canada en attendant leur transfert à l’État qui a demandé leur extradition. Les traités actuels prévoient déjà que le Canada facilitera ainsi l’extradition entre d’autres États(26).

Aux termes du paragraphe 74(1), le ministre de la Justice pourrait consentir au transit par le Canada d’une personne extradée par un État ou une entité vers un autre, aux conditions qu'il jugera nécessaires. Ce consentement autoriserait l’agent de l’État qui extrade ou qui reçoit l’intéressé à maintenir celui-ci sous garde au Canada (paragraphe 74(2)).

Le paragraphe 74(3) prévoit, avec les modifications qui s’imposent, que certaines dispositions du projet de loi concernant l’extradition de personnes par le Canada s’appliqueraient au consentement au transit : teneur obligatoire de l’ordonnance (article 58); pouvoir des personnes désignées de recevoir, de maintenir sous garde et de remettre les personnes extradées à l’État qui a demandé l’extradition (article 60); application de la loi canadienne aux personnes qui s’évadent pendant la procédure d’extradition (paragraphe 61(1)); pouvoirs des personnes qui avaient la garde des personnes évadées de les arrêter lors d’une poursuite immédiate (paragraphe 61(2)); et droit de la personne maintenue sous garde en vue de son extradition de contester la validité de sa détention prolongée lorsque son extradition ou la décision de l’extrader a été retardée au-delà des délais permis (article 69). Ces dispositions sont analysées plus haut (voir les sections A.16 et A.19).

Le paragraphe 75(1) permettrait au Ministre d’autoriser l’entrée au Canada, en vue de son transit dans le cadre d’une mesure d’extradition, d’une personne qui, par ailleurs, n’aurait pas le droit d’y entrer aux termes de l’article 19 de la Loi sur l’immigration. Les catégories de personnes non admissibles selon l’article 19 englobent les personnes qui ont commis des crimes graves. L’autorisation du Ministre à cet égard pourrait comporter les conditions qu’il jugerait utiles et préciserait le lieu d’entrée de l’intéressé ainsi que le lieu où il resterait pendant le transit ainsi que la période autorisée de séjour (paragraphe 75(1)). Toutes les conditions dont cette autorisation est assortie, notamment la durée de l’autorisation, pourraient être modifiées par le Ministre (paragraphe 75(2)). Aux termes du paragraphe 75(3), toute personne faisant l’objet d’une autorisation de ce genre qui se trouve ailleurs qu’à l’endroit désigné ou a enfreint les conditions de l’autorisation serait réputée, aux fins de la Loi sur l’immigration, être restée au Canada au-delà de l’échéance de son statut de visiteur et risquerait donc de faire l’objet d’une ordonnance d’interdiction de séjour ou d’expulsion aux termes de la Loi.

Toute personne extradée d’un État à une autre qui se présente au Canada sans autorisation préalable de transit pourrait, à la demande de l’agent qui a sa garde, être confiée à un juge de paix canadien pendant un maximum de vingt-quatre heures, en attendant que le Ministre ait reçu la demande de transit de l’État qui demande le transit (article 76).

   E. Assistance juridique mutuelle

      1. La Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle

La Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle(27) prévoit que le Canada participe à un système international d’assistance réciproque en matière d’enquêtes et de poursuites criminelles. Il s’agit d’un système analogue à l’extradition, qui la complète. Les États qui sont parties à des ententes d’assistance juridique mutuelle peuvent se demander réciproquement de l’aide pour obtenir des éléments de preuve (par exemple, en obtenant et en exécutant des mandats de recherche ou des ordonnances de tribunal permettant de prendre les dépositions orales de témoins).

      2. Assistance juridique mutuelle et tribunaux criminels internationaux

Le projet de loi C-40 modifierait la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle pour que le système d’entraide ait trait à des autorités internationales comme les tribunaux criminels internationaux. Le paragraphe 2(1) comporterait une nouvelle définition des termes « État ou entité », qui remplacerait celle de l’expression « État étranger » et engloberait les tribunaux criminels internationaux énumérés à l’annexe (paragraphe 97(3)). De plus, un nouvel article 4, proposé à l’article 99 du projet de loi, permettrait de prévoir que les tribunaux internationaux de la nouvelle annexe seraient désignés comme États ou entités aux fins de la Loi. L’annexe proposée dans l’article 128 du projet de loi énumère les tribunaux de guerre spéciaux actuels des Nations Unies qui ont été créés en raison des crimes commis dans l’ancienne Yougoslavie et au Rwanda.

De plus, aux termes de l’article 101 du projet de loi, un nouveau paragraphe 8(2) serait ajouté pour permettre que les tribunaux internationaux suscitent la coopération la plus large. Aux termes de l’article 8 de la Loi (paragraphe 8(1) proposé), les demandes d’entraide juridique adressées dans le cadre d’une entente sont limitées aux objets prévus dans l’entente, mais, aux termes du projet de paragraphe 8(2), il serait permis au ministre de la Justice de faire droit à la demande d’un État ou d’une entité dont la désignation se trouve dans l’annexe (il s’agirait, aux termes des articles 2, 4 et 128, de tribunaux criminels internationaux) sans égard à l’objet de la demande.

      3. Accord d’entraide juridique

Le projet de loi remplacerait également le terme actuel de « traité » et sa définition par un nouveau terme, « accord » (paragraphe 97(3)). Tout comme les modifications analogues proposées à la Loi sur l’extradition, ce nouveau terme couvrirait les ententes bilatérales, multilatérales et internationales comportant des dispositions ayant trait aux mesures d’entraide juridique dans les affaires criminelles, alors que le terme actuel ne couvre que les ententes où l’entraide est l’objet principal de l’entente ou en est un élément important.

L’article 99 modifierait l’article 4 de la Loi et éliminerait l’exigence actuelle selon laquelle le gouverneur en conseil doit maintenir et modifier, par décret, dans une annexe de la Loi, une liste de toutes les parties aux accords multilatéraux pertinents et leurs dates d’accession. Dans la nouvelle version, l’annexe ne comporterait que les noms des tribunaux criminels internationaux pertinents, et elle pourrait être modifiée par le ministre des Affaires étrangères, avec l’accord du ministre de la Justice.

L’article 99 modifierait également l’article 5 de la Loi pour offrir une solution de rechange à la publication officielle et à la connaissance d’office des accords pertinents auxquels le Canada est partie à cet égard. Ces accords pourraient être publiés dans les Recueils de traités du Canada dans les soixante jours suivant leur entrée en vigueur, et cette publication aurait la même valeur que leur publication dans la Gazette du Canada. Ces accords feraient l’objet d’une connaissance d’office.

      4. Témoignages par le biais de techniques audiovisuelles

L’article 113 modifierait la Loi pour y ajouter de nouveaux articles autorisant les témoignages par le biais de techniques audiovisuelles dans le cadre des procédures criminelles étrangères ou internationales à l’extérieur du Canada.

Aux termes du nouvel article 22.1 de la Loi, le ministre de la Justice recevrait et pourrait approuver les demandes émanant d’un État ou d’une entité visant à contraindre un témoin, au Canada, à fournir des éléments de preuve ou à faire une déposition par le biais de techniques audiovisuelles dans le cadre de procédures criminelles sur le territoire où l’État ou l’entité qui fait la demande est compétent. Si le Ministre approuve la demande, il devrait remettre à l’« autorité compétente » (aux termes du paragraphe 2(1) de la Loi, il s’agirait du procureur général du Canada, du procureur général de la province concernée ou de leurs agents chargés des enquêtes ou des poursuites) les documents ou l’information nécessaire pour demander une ordonnance en ce sens. L’autorité à qui seraient remis ces documents ou cette information demanderait à un juge de la province où se trouve peut-être la personne en question, sans avertir celle-ci, une ordonnance permettant de prendre son témoignage.

Le nouveau paragraphe 22.2(1) de la Loi prévoit que le juge qui reçoit une demande de ce genre pourrait rendre une ordonnance en ce sens s’il est convaincu, en s’appuyant sur des motifs raisonnables, qu’il y a effectivement eu une infraction à l’égard de laquelle l’État ou l’entité qui fait la demande est compétent et que l’État ou l’entité en question estime effectivement que le témoignage de la personne recherchée serait utile dans le cadre de l’enquête ou de la poursuite relatives à cette infraction.

Selon le nouveau paragraphe 22.2(2), une ordonnance de ce genre contraindrait le témoin à se rendre à un endroit fixé par le juge pour y rendre son témoignage et à y rester jusqu’à ce qu’il soit libéré par les autorités de l’État ou de l’entité qui a fait la demande, à répondre à leurs questions conformément au droit qui leur est applicable, à faire une copie d’un document et/ou à apporter un document ou une copie de document et à apporter tout document ou objet en sa possession ou sous son contrôle afin de le montrer aux autorités de l’État ou de l’entité. Selon le nouveau paragraphe 22.2(3), ce type d’ordonnance pourrait être exécuté n’importe où au Canada.

Le nouveau paragraphe 22.2(4) prévoit que le juge pourrait assortir l’ordonnance permettant d’obtenir ce genre d’éléments de preuve des conditions qu’il estimerait utiles, notamment au regard de la protection des intérêts de la personne dont on veut obtenir un témoignage et de parties tierces. Le juge, ou tout autre juge du même tribunal, serait en mesure de modifier les conditions de l’ordonnance (nouveau paragraphe 22.2(5)). Aux termes du nouveau paragraphe 22.2(6), la personne assujettie à ce type d’ordonnance aurait le droit d’être indemnisée pour ses frais de déplacement et de subsistance de la même façon que si elle était tenue de se présenter comme témoin devant le juge qui a rendu l’ordonnance.

Selon le nouvel article 22.3 de la Loi, les lois de la preuve et de la procédure de l’État ou de l’entité qui obtient les éléments de preuve s’appliqueraient au témoignage, mais le témoin ne pourrait pas être tenu de divulguer de l’information qui par ailleurs serait protégée par les lois canadiennes. Cependant, aux termes du nouvel article 22.4 proposé, la loi canadienne relative à l’outrage au tribunal s’appliquerait si le témoin refuse de répondre à une question ou de produire un document ou un objet demandé par le juge aux termes du nouvel article 22.2. Par conséquent, le paragraphe 114(1) du projet de loi modifierait l’alinéa 23(1)c) de la Loi pour prévoir la délivrance d’un mandat d’arrestation à l’endroit des témoins qui ne se présentent pas ou ne restent pas contrairement à l’ordre qu’on leur a donné conformément aux dispositions du nouvel article 22.2 ou qui sont sur le point de s’esquiver.

L’article 89 du projet de loi modifierait la Loi sur la preuve au Canada pour permettre aux tribunaux canadiens d’ordonner l’interrogatoire de témoins pour la procédure de tribunaux étrangers par le biais de techniques audiovisuelles, dans le cadre d’affaires civiles ou commerciales aussi bien que d’affaires criminelles. Comme dans le cas des témoignages rendus aux termes des dispositions proposées pour la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle, ces témoignages seraient assujettis aux lois de la preuve et de la procédure du tribunal étranger ou international, mais le témoin ne pourrait pas être tenu de divulguer de l’information qui serait par ailleurs protégée par les lois canadiennes. Le refus de coopérer assujettirait le témoin aux lois canadiennes relatives à l’outrage au tribunal (article 90).

   F. Les témoignages audiovisuels et le Code criminel

Outre qu’il rendrait possible de rendre des témoignages par le biais de techniques audiovisuelles dans le cadre de procédures judiciaires non canadiennes, le projet de loi C-40 autoriserait l’audition et l’admission de ces éléments de preuve dans le cadre de procédures criminelles au Canada. L’article 95 du projet de loi permettrait d’ajouter des articles au Code criminel eu égard à l’utilisation de ce genre d’éléments de preuve dans le cadre de procédures au Canada.

Le nouvel article 714.1 permettrait à un tribunal d’ordonner l’audition d’un témoin par le biais de techniques audiovisuelles dans le cadre d’une procédure appliquée ailleurs au Canada, s’il estime que c’est la meilleure solution compte tenu de toutes les circonstances, notamment en ce qui a trait au lieu de résidence et à la situation personnelle du témoin, aux frais de déplacement du témoin et à la nature du contenu prévisible du témoignage.

Le nouveau paragraphe 714.2(1) exigerait que le tribunal recoure à cette méthode si le témoin se trouve à l’étranger, à moins que l’une des parties le convainque que cette méthode porte atteinte au principe de la justice fondamentale. Le nouveau paragraphe 714.2(2) exigerait que la partie qui demande ce genre de témoignage donne un préavis de dix jours au tribunal et aux autres parties à la procédure.

Les nouveaux articles 714.3 et 714.4 prévoient la possibilité que les tribunaux ne reçoivent de témoignages par seule retransmission de la voix que lorsque les circonstances le justifient. Si le témoin proposé se trouve ailleurs au Canada, le tribunal pourrait admettre ce type de témoignage pour les mêmes raisons que celles qui sont énoncées dans le nouvel article 714.1, mais il lui faudrait également peser les préjudices que le fait de ne pas voir le témoin pourrait entraîner pour l’une ou l’autre partie. Si le témoin se trouve à l’étranger, contrairement aux dispositions relatives aux techniques audiovisuelles (voir le nouvel article 714.2 proposé, ci-dessus), il n’y aurait pas de présomption en faveur d’un témoignage par seule retransmission de la voix. Le tribunal devrait tenir compte de toutes les circonstances, notamment de la nature du contenu prévisible du témoignage et des préjudices éventuels que le fait de ne pas voir le témoin pourrait causer à l’une ou l’autre partie.

Nonobstant ce qui précède, selon le nouvel article 714.8, rien d’interdirait l’admission de témoignages audiovisuels ou par seule retransmission de la voix si toutes les parties en conviennent. Le nouvel article 714.7 prévoit que la partie qui désire introduire ce genre d’éléments de preuve devrait assumer les frais d’utilisation de la technologie en question.

Le nouvel article 714.5 prévoit que, si ce genre de témoignage est rendu à l’étranger, le témoin devrait prêter serment ou faire une déclaration solennelle conformément au droit canadien, au droit du pays où il se trouve ou de toute autre façon attestant que le témoin est tenu de dire la vérité. De plus, aux termes du nouvel article 714.6, ce témoignage serait réputé avoir été rendu au Canada et sous serment ou après avoir été fait dans une déclaration solennelle conformément au droit canadien, aux fins du droit relatif à la preuve, à la procédure, au parjure et à l’outrage au tribunal.

L’article 92 du projet de loi modifierait les dispositions du Code criminel relatives au parjure (article 131) en y ajoutant un nouveau paragraphe (131(1.1)) pour s’assurer que les témoins qui, au Canada, rendent un témoignage par le biais de techniques audiovisuelles dans le cadre d’une procédure étrangère aux termes des nouvelles dispositions de la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle et de la Loi sur la preuve au Canada (voir plus haut) pourraient être poursuivis pour parjure au Canada. Le nouveau paragraphe expliciterait le fait que l’infraction prévue au Code criminel eu égard au parjure serait applicable, que le témoignage ait été rendu ou non sous serment ou après déclaration solennelle aux termes du droit canadien, du moment qu’il a fait l’objet des formalités exigées par la loi de l’endroit où se déroulait la procédure.

De même, l’article 93 modifierait l’article (136) du Code criminel qui a trait à l’infraction qui consiste à rendre un témoignage contradictoire dans le cadre d’une procédure judiciaire dans l’intention de tromper. Un nouveau paragraphe (136(1.1)) serait ajouté au Code; selon celui-ci, les témoignages rendus par le biais de techniques audiovisuelles aux termes de l’un ou l’autre des nouveaux articles proposés à la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle, à la Loi sur la preuve au Canada ou au Code criminel seraient réputés avoir été rendus dans le cadre d’une procédure judiciaire et pourraient donc être assujettis aux dispositions relatives à cette infraction.

L’article 94 modifierait également le Code criminel en y ajoutant un nouvel article (700.1) prévoyant la délivrance d’assignations aux personnes qui, au Canada, doivent rendre un témoignage par le biais de techniques audio ou audiovisuelles conformément aux dispositions pertinentes (voir plus haut) du Code criminel, de la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle ou de la Loi sur la preuve au Canada. Selon le nouvel article 700.1(1), un tribunal criminel compétent là où le témoin est censé rendre son témoignage et où la technologie est disponible devrait délivrer une assignation contraignant le témoin à comparaître à l’endroit en question. Le nouveau paragraphe 700.1(2) prévoit que les articles du Code criminel ayant trait à la délivrance, au contenu, à la notification et à l’exécution des assignations (articles 699 à 703.2) seraient applicables dans ce cas. Cette disposition est destinée à s’assurer que les tribunaux et les autorités chargées de l’application de la loi qui sont compétents là où le témoin rendrait son témoignage auraient le pouvoir de contraindre le témoin à rendre son témoignage.

COMMENTAIRE

Le projet de loi C-40 est une refonte en profondeur du droit canadien en matière d’extradition. Une grande partie de la législation et des pratiques actuelles serait maintenue, mais le projet comporte quelques nouveautés. Le projet de loi C-40 a donné lieu à peu de réactions jusqu’ici. Les médias, au moment où le projet de loi a été présenté, ont eu tendance à attirer l’attention sur les dispositions qui permettraient d’extrader des personnes à la demande des tribunaux criminels internationaux(28). Comme on pouvait s’y attendre, cet aspect du projet de loi C-40 n’a pas soulevé de controverse. Il a même été applaudi par les divers groupes qui ont jusqu’à maintenant présenté des mémoires: le Conseil canadien pour les réfugiés; le Comité inter-églises pour les réfugiés; le représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés; Amnistie internationale et la Criminal Lawyers’ Association of Ontario. Ces groupes ont toutefois exprimé des réserves ou des critiques à l’égard d’autres éléments du projet de loi C-40.

Ainsi, ils ont tous émis des doutes au sujet des garanties procédurales destinées à protéger les demandeurs du statut de réfugié qui risquent l’extradition et, plus particulièrement, de l’article 96 du projet de loi qui, dans certains cas, assimilerait un arrêté du ministre de la Justice à un rejet de la demande d’asile par la Section du statut de réfugié de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, sans la tenue d’une audience en bonne et due forme. Toutefois, il resterait toujours possible d’en appeler de l’ordonnance d’incarcération d’un juge, ou de demander une révision judiciaire de l’arrêté du ministre. De plus, d’après le projet de loi C-40, en prenant la décision d’extrader, le ministre de la Justice devrait tenir compte de facteurs analogues à ceux qui entreraient en ligne de compte pour une demande de statut de réfugié (voir le paragraphe 40(2) et l’article 44). Certains groupes de défense des droits des réfugiés déplorent aussi le fait qu’on n’ait pas saisi cette occasion pour intégrer expressément dans le texte de loi certaines normes internationales, notamment l’interdiction absolue d’expulser, de renvoyer ou d’extrader toute personne se trouvant en danger d’être assujettie à la torture(29).

Amnistie internationale reproche surtout au sujet du projet de loi C-40 de soumettre tous les cas d’extradition aux mêmes procédures. L’organisme pense qu’il faudrait prévoir un mécanisme différent et moins onéreux pour les cas où la personne est recherchée par un tribunal international. Plus précisément, cette association soutient que les dispositions en vertu desquelles le ministre de la Justice doit ou peut refuser d’extrader quelqu’un ne devraient pas s’appliquer aux cas mettant en cause des tribunaux internationaux (voir les articles 46 et 47), et que les objections ou les limites à la compétence d’un tribunal international, dans un cas particulier, devraient être tranchées par les tribunaux eux-mêmes, et non par le ministre. Amnistie internationale soutient également que les garanties traditionnelles du droit relatif à l’extradition — l’exception concernant l’infraction à caractère politique (alinéa 41(1)c)) et la règle de la double criminalité (alinéa 3(1)b)) — ne devraient pas s’appliquer aux affaires des tribunaux internationaux. L’organisme s’est dit particulièrement inquiet de l’application de la règle de la double criminalité dans les cas de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité allégués, compte tenu de l’interprétation judiciaire canadienne, laquelle requiert l’intention criminelle pour justifier une condamnation pour ces infractions aux termes du Code criminel (paragraphe 7(3.71))(30). Mais, selon les fonctionnaires du ministère de la Justice, ces arguments accordent trop d’importance au rôle que joue la règle de la double criminalité dans le mécanisme d’extradition et ne font pas la différence entre les normes juridiques et les normes de preuve s’appliquant à l’extradition, par opposition à la condamnation(31).

Pour sa part, la Criminal Lawyers’ Association of Ontario s’inquiète surtout des nouvelles règles de preuve applicables à l’extradition, qui sont envisagées dans les articles 32 et 33 du projet de loi C-40. Ces dispositions exigeraient du juge qu’il accepte comme preuve un sommaire écrit des éléments réunis contre une personne attesté par un fonctionnaire de la poursuite ou par un fonctionnaire judiciaire du pays demandeur. Toutefois, cela ne s’appliquerait qu’aux éléments de preuve recueillis à l’extérieur du Canada. L’association craint que le fait d’autoriser l’extradition en se fondant uniquement sur de simples ouï-dire n’entraîne la violation du droit à une audition impartiale, conformément à la justice fondamentale, particulièrement en cas d’absence d’une obligation définie de rendre compte de la part des auteurs de l’attestation, pour le cas où les attestations se révélaient erronées, trompeuses ou fausses. De son côté, le ministère de la Justice soutient que ces dispositions sont nécessaires pour faciliter l’extradition à destination d’un certain nombre de pays, notamment ceux de droit civil, qui trouvent difficile de se conformer aux règles canadiennes normales de la preuve, par exemple à l’exigence voulant que tout témoignage extrajudiciaire soit présenté sous la forme d’un affidavit à la première personne et ne contienne aucun ouï-dire. On s’attend à ce que ces nouvelles dispositions en matière de preuve fassent l’objet de contestations judiciaires en vertu de la Constitution devant les tribunaux.

 


 

ANNEXE

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(1) L.R.C. (1985), ch. E-23, modifiée.

(2) L.R.C. (1985), ch. F-32, modifiée.

(3) Schmidt c. La Reine (1987), 33 C.C.C. (3d) 193 (R.C.S.), et Republique d’Argentine c. Mellino (1987), 33 C.C.C. (3d) 334 (R.C.S.), p. 353.

(4) Il existe actuellement deux tribunaux criminels internationaux spéciaux : les tribunaux sur les crimes de guerre commis dans l’ancienne Yougoslavie et au Rwanda. De plus, à la Conférence diplomatique des Nations Unies qui a eu lieu à Rome en juillet 1998, la collectivité internationale est convenue de créer un tribunal criminel international permanent.

(5) L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée.

(6) L.R.C. (1985), ch. 30 (4e suppl.), modifiée.

(7) L.R.C. (1985), ch. C-5, modifiée.

(8) L.R.C. (1985), ch. C-46, modifiée.

(9) Par « accord spécifique », on entend, selon l’article 10 du projet de loi, un accord spécifique d’extradition donnant effet à une demande d’extradition dans un cas déterminé.

(10) Il faut cependant se rappeler qu’un « accord d’extradition » (voir ci-dessus) exclut, par définition, les « accords spécifiques » ayant trait à des cas particuliers. C’est ainsi que seul un accord général permettrait d’abaisser le seuil établi à l’article 3 eu égard à un partenaire d’une entente d’extradition, mais qu’on ne saurait simplement y passer outre dans un cas particulier.

(11) C’est, en fait, la perspective à adopter selon la législation actuelle. Voir : Etats-Unis d’Amérique c. Lépine, [1994] 1 R.C.S. 286, 87 C.C.C. (3d) 385, 111 D.L.R. (4th) 31.

(12) L.R.C. (1985), ch. I-1, modifiée.

(13) Anne Warner, LaForest's Extradition to and from Canada, 3e éd., Aurora (Ont.), Canada Law Books Inc., 1991, p. 45-46 et Gouvernement du Canada, communiqué de presse, « Présentation des réformes en matière d’extradition », Ottawa, 5 mai 1998 (voir document d’information ci-joint).

(14) Ibid., p. 31-32. Bien entendu, la règle ne s'applique qu'aux infractions commises avant l'extradition dans le pays demandant l'extradition.

(15) L.C. (1992), ch. 13, art. 2. Il fallait pour cela promulguer une loi, puisque les juges présidant des audiences d’extradition le faisaient aux termes d’un pouvoir légal spécial et non pas en vertu de leur compétence intrinsèque de juges d’un tribunal supérieur (et ce bien qu’ils aient toujours été des juges d’un tribunal supérieur). Puisque, aux termes de la Loi, leur rôle était équivalent à celui d’un juge de cour provinciale ou d’un juge de paix dans le cadre de l’enquête préliminaire d’une procédure criminelle, ils étaient censés n’être pas compétents pour accorder des réparations aux termes de la Charte au sens de l’article 24 de celle-ci : Mills c. La Reine (1986), 26 C.C.C. (3d) 481, [1986] 1 R.C.S. 863; Mellino (supra), États-Unis d’Amérique c. Allard et Charette (1987), 33 C.C.C. (3d) 501 (R.C.S.).

(16) Re Kindler et Canada (Ministre de la Justice) (1991), 67 C.C.C. (3d) 1 (R.C.S.), p. 51, selon le juge McLachlin (les juges L’Heureux-Dubé et Gonthier exprimant une opinion concordante).

(17) Re Decter and United States of America (1983), 5 C.C.C. (3d) 364 (N.S.S.C.), confirmée par 5 C.C.C. (3d) 381n (C.A. N.-É.) et Re United States of America and Smith (1984), 10 C.C.C. (3d) 540 (C.A. Ont.).

(18) Schmidt, p. 211 et Kindler, p. 52.

(19) L.R.C. (1985), ch. Y-1, modifiée.

(20) Conjuguées à l’alinéa 494(1)b) du Code criminel, ces dispositions du projet de loi permettraient à ces agents, ou à quiconque, d’arrêter les fugitifs sans mandat.

(21) Ces articles ont trait aux questions suivantes eu égard aux appels relevant du Code criminel : énoncé des motifs de dissidence; signification de l’appel ou de la demande d’autorisation d’interjeter appel quand l’intimé est introuvable; remise en liberté en attendant l’audition de l’appel; transmission et distribution des exemplaires du dossier d’instruction; pouvoir du tribunal d’appel d’ordonner la production de différents types d’éléments de preuve et de les admettre; pouvoir du tribunal d’appel d’assigner un avocat et d’ordonner le financement public de l’avocat d’une partie à l’appel dans certaines circonstances; pouvoir de rendre une décision sommaire sur les appels futiles; et droit des accusés d’être présents à l’audition de leur appel et d’y participer.

(22) Dans le cadre d’une audience d’extradition, un sursis de l’instance serait accordé à titre de réparation au regard d’une infraction aux droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. C’est à partir de 1992 que la Loi, modifiée, a fait état d’une audience d’extradition se terminant par un sursis d’instance et c’est aussi à partir de ce moment-là que les juges d’extradition ont été considérés en tant que tels comme compétents pour régler les demandes de réparation aux termes de la Charte.

(23) L.R.C. (1985), ch. F-7, modifiée.

(24) L'alinéa 1.Fb) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés se lit comme suit :

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser (…) b) qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés (…).

(25) Farhadi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration) (20 mars 1998), IMM-3846-96 (C.F. 1re inst.). Voir, en particulier, l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1987 R.T.Can., no 36, qui se lit comme suit : « Aucun État partie n’expulsera, ne refoulera, ni n’extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. »

(26) LaForest (1991), p. 48.

(27) L.R.C. (1985), ch. 30 (4e suppl., modifiée).

(28) Anne McIlroy, « Overhaul of Old Law Removes Loophole », Globe and Mail (Toronto), 5 mai 1998; Stephen Bindman, « Canada Allows War Crime Suspects to Be Extradited », Ottawa Citizen, 5 mai 1998; Gilles Toupin, « Un projet de loi fédéral vise à autoriser désormais l’extradition des présumés criminels de guerre », La Presse (Montréal), 6 mai 1998.

(29) Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1987, Recueil des traités du Canada, no 36, article 3.

(30) Voir R. c. Finta, [1994] 1 R.C.S. 701, 88 C.C.C. (3d) 417.

(31) Brian Laghi et Erin Anderssen, « War-crimes Extradition Bill Called Weak », The Globe and Mail (Toronto), 23 novembre 1998.