Bibliothèque du Parlement

LS-324F

PROJET DE LOI C-49 :  LOI PORTANT RATIFICATION DE L'ACCORD-CADRE RELATIF À LA GESTION DES TERRES
DES PREMIÈRES NATIONS ET VISANT SA PRISE D'EFFET

 

Rédaction :
Jill Wherrett
Division des affaires politiques et sociales
Le 22 octobre 1998


 

HISTORIQUE DU PROJET DE LOI C-49

 

CHAMBRE DES COMMUNES

SÉNAT

Étape du Projet de loi Date Étape du projet de loi Date
Première lecture : 11 juin 1998 Première lecture : 9 mars 1999
Deuxième lecture : 1er décembre 1998 Deuxième lecture : 13 avril 1999
Rapport du comité : 4 décembre 1998 Rapport du comité : 13 mai 1999
Étape du rapport : 1er mars 1999 Étape du rapport : 13 mai 1999
Troisième lecture : 8 mars 1999 Troisième lecture : 13 mai 1999


Message envoyé à la Chambre des communes : 13 mai 1999
Acceptation des amendements du Sénat : 11 juin 1999


Sanction royale : 17 juin 1999
Lois du Canada 1999, chapitre 24







N.B. Dans ce résumé législatif, tout changement d'importance depuis la dernière publicaiton est indiqué en caractères gras.

 

 

 

 

TABLE DES MATIÈRES

 

CONTEXTE

   A. Gestion des terres de la Loi sur les Indiens

   B. L’accord-cadre relatif à la gestion des terres des premières nations

DESCRIPTION ET ANALYSE

   A. Préambule

   B. Articles 1 à 5 : Définitions et dispositions générales

   C. Mise en place du régime de gestion des terres
      1. Articles 6 et 7 : Code foncier et accord spécifique
      2. Articles 8 à 16 : Vérification et consultation populaire
      3. Article 17 : Règles particulières : échec du mariage
      4. Articles 18 et 19 : Pouvoirs généraux de la première nation
      5. Articles 20 à 24 : Pouvoirs législatifs
      6. Articles 25 : Registre des terres des premières nations
      7. Articles 26 à 33 : Restrictions en matière d’aliénation des terres

   D. Articles 34 à 36 : Responsabilité, immunité et contrôle judiciaire

   E. Cadre législatif
      1. Article 38 : Application de la Loi sur les Indiens
     
2. Articles 37 et 39 à 44 : Application d’autres lois fédérales

   F. Modification de l’annexe

   G. Disposition transitoire et modifications conditionnelles

   H. Examen de l’accord relatif à la gestion des terres

COMMENTAIRE


 

PROJET DE LOI C-49 : LOI PORTANT RATIFICATION DE
L’ACCORD-CADRE RELATIF À LA GESTION DES TERRES DES
PREMIÈRES NATIONS ET VISANT SA PRISE D’EFFET

 

Le projet de loi C-49 a été déposé à la Chambre des communes et lu pour la première fois le 11 juin 1998. Il ratifierait l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres des premières nations (« l’accord »), signé par un groupe de premières nations et le gouvernement fédéral le 12 février 1996, et apporterait les changements législatifs nécessaires au niveau fédéral.

Le projet de loi C-49 permettrait aux premières nations participantes de se soustraire aux articles de la Loi sur les Indiens qui ont trait à la gestion des terres et d’établir leurs propres codes fonciers pour gérer les terres et les ressources de la réserve. Quatorze premières nations sont signataires de l’accord qui serait ratifié par le projet de loi. Celui-ci ne modifierait pas directement la Loi sur les Indiens, mais permettrait aux premières nations signataires de se soustraire de l’application des articles de cette Loi qui ont trait à la gestion des terres, lorsqu’elles auraient suivi la procédure établie pour mettre en place leurs propres régimes de gestion des terres.

Une version précédente du projet de loi (projet de loi C-75) a été déposée au cours de la 35e législature, mais est morte au Feuilleton avec la dissolution du Parlement. Le projet de loi C-49 apporte plusieurs modifications au projet de loi précédent, dont des dispositions concernant l’utilisation, l’occupation et la possession des terres des premières nations, et le partage des intérêts sur celles-ci, en cas d’échec du mariage.

CONTEXTE

   A. Gestion des terres en vertu de la Loi sur les Indiens

Aux termes du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, le gouvernement fédéral exerce un pouvoir exclusif sur les terres et les ressources des réserves. Seul le Parlement peut légiférer sur l’utilisation des terres de réserve. Les lois fédérales que sont la Loi sur les Indiens, la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, ainsi que les règlements pris en application de ces lois délèguent le contrôle, la gestion et l’aliénation des terres et des ressources indiennes au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (« le ministère »). La Loi sur les Indiens renferme des dispositions concernant les fins auxquelles les terres de réserve peuvent être employées; les droits des Indiens de posséder des terres de réserve; la violation du droit de propriété dans les réserves; la cession et la désignation des terres de réserve(1); la gestion des terres de réserve, des terres cédées et des terres désignées; et d’autres questions(2). Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (« le ministre ») jouit d’un vaste pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l’utilisation des terres et des ressources des réserves.

À cause de ces dispositions, les premières nations exercent peu de contrôle direct sur la gestion de leurs terres et soutiennent que les procédures que leur impose la Loi sur les Indiens compliquent et retardent les transactions foncières. Les bandes peuvent assumer certains pouvoirs délégués de gestion des terres en vertu des articles 53 et 60 de la Loi sur les Indiens. En vertu de l’article 60, le gouverneur en conseil peut donner à une bande le pouvoir d’exercer le contrôle et l’administration des terres de la réserve, mais il peut retirer ce pouvoir en tout temps. La délégation aux bandes ne dégage pas le ministre de sa responsabilité légale à l’égard de la gestion des terres de réserve. Par conséquent, toutes les transactions doivent se conformer à la Loi sur les Indiens. En mars 1997, 16 premières nations participaient au programme de délégation des terres, et 126 autres, au programme régional d’administration des terres, un programme ministériel de cogestion.

   B. L’accord-cadre relatif à la gestion des terres des premières nations

Les lacunes du cadre législatif concernant la gestion des terres de réserve ont poussé les premières nations et le ministère à chercher d’autres solutions. En 1988, un groupe de chefs de toutes les régions du Canada a amorcé un examen de la politique fédérale relative aux pouvoirs fonciers délégués dans le cadre d’une vaste recherche de solutions de remplacement à la Loi sur les Indiens. Ce groupe a commencé à rédiger une nouvelle ébauche de projet de loi en 1991 et le ministre des Affaires indiennes a convenu d’appuyer ses travaux. Un avant-projet de loi sur les terres visées par la Charte, qui aurait permis à toutes les premières nations d’adhérer à un nouveau régime de gestion des terres, a été présenté officiellement au ministre en décembre 1992. Mais ce document s’est buté à une vive opposition de certaines premières nations qui voyaient dans ses dispositions une menace éventuelle aux droits ancestraux et qui ont soutenu que l’avant-projet de loi ne se limitait pas aux premières nations qui l’avaient proposé.

Le Groupe de travail des chefs a continué de chercher d’autres solutions et il a élaboré l’accord-cadre en 1994-1995. Cet accord-cadre ne s’applique qu’aux premières nations qui en sont signataires. Treize premières nations l’ont signé en février 1996 : Westbank, Musqueam, Lheit-Lit’en, N’Quatqua et Squamish (Colombie-Britannique); Siksika (Alberta); Muskoday et Cowessess (Saskatchewan); Cris Opaskwayak (Manitoba); et Nipissing, Mississaugas de Scugog Island, Chippewas de Georgina Island et Chippewas de Mnjakaning (Ontario). En vertu d’une modification du 12 mai 1998, la première nation de Saint Mary’s (Nouveau-Brunswick) compte parmi les signataires de l’accord-cadre depuis le 10 décembre 1996. Les 14 premières nations ont de l’expérience dans la gestion des terres et souhaitent mettre davantage en valeur leurs terres de réserve.

L’accord-cadre contient des dispositions, qui portent sur la procédure d’adhésion, les droits et pouvoirs de gestion des terres de la première nation, les attributions législatives de la première nation, la protection de l’environnement, le financement, l’expropriation de terres de la première nation par le Canada, le Conseil consultatif des terres, le règlement des différends ainsi que la ratification et la mise en oeuvre par les parties. En résumé, chaque première nation élaborera un code foncier exposant ses lois fondamentales de gestion des terres. Les premières nations pourront aussi adopter des lois sur la mise en valeur, la protection, l’utilisation et la possession de leurs terres, ainsi que délivrer des baux, des droits d’usage et d’autres droits sur leurs terres. Les premières nations concluront des accords spécifiques avec le Canada pour déterminer le financement de fonctionnement de la gestion des terres ainsi que la transition par rapport aux dispositions de la Loi sur les Indiens. L’accord prévoit un mécanisme complet de consultation populaire pour l’approbation des codes fonciers ainsi que des accords sur le financement et la transition. Un Conseil consultatif des terres sera établi par les premières nations pour élaborer des modèles de codes financiers, négocier les accords spécifiques et surveiller le processus.

L’accord ne constitue pas un traité et ne bénéficie pas de la protection constitutionnelle prévue par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Les codes fonciers et les lois fédérales doivent se conformer à l’accord, qui ne peut être modifié qu’avec le consentement des parties. Par l’article 1.4 de l’accord, les parties reconnaissent que la Couronne maintiendra la relation spéciale qu’elle entretient avec les premières nations. L’article 1.6 stipule que l’accord n’a pas pour but de définir le droit inhérent ou autre des premières nations d’exercer un contrôle sur leurs terres et leurs ressources ni d’y porter atteinte, ni d’empêcher que ce droit fasse l’objet de négociations.

Comme nous l’avons indiqué plus haut, l’accord-cadre a été modifié le 12 mai 1998 pour inclure la première nation de Saint Mary’s au rang des signataires. Un second accord modificateur a été signé le 12 mai 1998 pour clarifier l’intention des parties concernant plusieurs dispositions de l’accord-cadre et l’intention des premières nations d’examiner les questions relatives à l’utilisation et à la possession de leurs terres et au partage des intérêts sur celles-ci en cas d’échec du mariage.

DESCRIPTION ET ANALYSE

Le projet de loi C-49 contient un bref préambule, 48 articles et une annexe contenant la liste des premières nations visées par la loi. Il mettrait en œuvre les dispositions de l’accord-cadre relatif à la gestion des terres des premières nations et soustrairaient les premières nations parties à l’accord de l’application de certains articles de la Loi sur les Indiens. Les principales dispositions du projet de loi sont analysées ci-dessous en fonction des grandes rubriques du projet de loi. Les articles correspondants de l’accord sont indiqués entre parenthèses.

   A. Préambule

Les articles du projet de loi C-49 sont précédés d’un préambule qui définit le contexte et l’intention du projet de loi. Ce préambule affirme que Sa Majesté du chef du Canada et un groupe déterminé de premières nations ont signé, le 12 février 1996, un accord-cadre et que la ratification de cet accord exige l’adoption d’une loi du Parlement.

   B. Articles 1 à 5 : Définitions et dispositions générales

L’article 1 donne le titre abrégé du projet de loi, soit la Loi sur la gestion des terres des premières nations.

L’article 2 prévoit une série de définitions de termes employés dans le projet de loi. « première nation » désigne une bande dont le nom figure à l’annexe et les « terres de la première nation » sont les terres d’une réserve auxquelles s’applique le code foncier; ce terme comprend les droits réels qui y sont afférents et les ressources qui s’y trouvent, dans la mesure où ils sont de compétence fédérale. « Texte législatif » désigne un texte législatif adopté par une première nation en vertu du nouveau régime crée par le projet de loi et « ministre » désigne le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. En vertu du paragraphe 2(2), les autres termes du projet de loi s’entendent au sens de la Loi sur les Indiens, « sauf indication contraire ».

L’article 4 ratifierait légalement et mettrait en œuvre l’accord-cadre, conformément à l’article 48 de l’accord.

L’article 5 précise que, sauf en cas d’« échange » de terres de la première nation(3), l’accord et le projet de loi n’auraient pas pour effet de modifier le droit de propriété des terres de la première nation. Ainsi, les terres visées par un code foncier et qui ne sont pas « échangées » demeureraient des terres de réserve au sens du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867; leur droit de propriété continuerait d’être détenu par la Couronne et elles seraient mises de côté « à l’usage et au profit » de la bande en conformité avec le paragraphe 2(1) de la Loi sur les Indiens.

   C. Mise en place du régime de gestion des terres

      1. Articles 6 et 7 : Code foncier et accord spécifique

Le paragraphe 6(1) exige qu’une première nation adopte un code foncier dont certaines dispositions (qui sont aussi énoncés à l’article 5.2 de l’accord) l’obligent à créer son régime de gestion des terres. Le code foncier comprendrait une description officielle des terres visées; les règles de procédure et autres règles applicables en matière de droit d’utilisation et d’occupation des terres de la première nation — notamment en vertu d’un permis ou d’un bail ou en vertu d’un intérêt découlant soit de la possession accordée en conformité avec le paragraphe 20(1) de la Loi sur les Indiens, soit de la coutume de la première nation — ainsi que de droit de dévolution successorale de droits réels sur ces terres; les règles concernant les revenus tirés des ressources naturelles de ces terres; les règles applicables en matière de responsabilité, devant les membres de la première nation, en ce qui touche la gestion des terres et des fonds des premières nations; les règles d’édiction de lois de la première nation; la procédure d’approbation en matière d’« échange » de terres; ainsi que les règles applicables en matière de conflits d’intérêts dans la gestion des terres, de règlement des différends, d’expropriation, de délégation des pouvoirs de gestion et de modification du code foncier. L’alinéa 6(1)f) exigerait aussi que le code foncier prévoie un processus de consultation populaire visant l’établissement de règles applicables, en cas d’échec du mariage, en matière soit d’utilisation, d’occupation ou de possession des terres de la première nation, soit de partage des intérêts sur celles-ci. Cette disposition, absente dans le projet de loi C-75, fait suite à une modification apportée à l’accord-cadre (paragraphe 5.4). En réalité, le code foncier décrirait comment la première nation exercerait les pouvoirs de gestion des terres qui lui seraient délégués par le projet de loi C-49.

En vertu du paragraphe 6(4), la mise en place d’un régime de gestion des terres serait en outre subordonnée à la conclusion, par le ministre et la première nation et en conformité avec l’accord-cadre, d’un accord spécifique qui, en plus de mentionner les terres visées, fixerait les modalités de transfert des pouvoirs et fonctions en matière de gestion des terres. L’accord renfermerait aussi une description des intérêts et des droits d’usage qui auraient été accordés par Sa Majesté, indiquerait le moment et les modalités de leur transfert et établirait le régime d’évaluation environnementale. Ces accords sont exigés par l’article 6 de l’accord-cadre. Ils fixeraient les ressources que le Canada s’engage à fournir à la première nation pour que celle-ci gère les terres de la première nation et édicte, administre et applique les lois de la première nation adoptées en vertu du code foncier (article 30.1 de l’accord).

Même si le paragraphe 6(1) prévoit que le code foncier porte sur l’ensemble des terres comprises dans la réserve de la première nation, l’article 7 permettrait de soustraire certaines parties de la réserve, ayant fait l’objet d’un arpentage sous le régime de la Loi sur l’arpentage des terres du Canada si elles sont dans un très mauvais état pour ce qui est de l’environnement, font l’objet d’un litige, sont inhabitables, ou pour d’autres raisons convenues par la première nation et le ministre. Si l’exclusion cessait d’être justifiée, ces terres pourraient être ajoutées au code foncier.

      2. Articles 8 à 16 : Vérification et consultation populaire

Le projet de loi C-49 prévoit des mécanismes détaillés de vérification et de consultation populaire pour l’approbation du projet de code foncier et de l’accord spécifique.

En vertu de l’article 8, chaque première nation et le ministre nommeraient conjointement un vérificateur ayant pour tâche de s’assurer que le projet de code foncier et le mécanisme de consultation proposé sont conformes à l’accord-cadre et au projet de loi, et d’attester la validité du code foncier et de l’accord spécifique approuvés par le mécanisme de consultation(4). Le vérificateur serait nommé en conformité de l’article 44 de l’accord, qui prévoit que le Canada, les premières nations et le Conseil consultatif des terres (établi en conformité de l’article 38 de l’accord) nomment les vérificateurs indépendants.

Le mécanisme de consultation populaire pour l’approbation du projet de code foncier et de l’accord spécifique est défini aux articles 10 à 13 du projet de loi et à l’article 7 de l’accord. Ces dispositions prévoient que le projet de code foncier et l’accord spécifique seraient soumis à l’approbation des membres de la première nation et définissent les procédures connexes. Tous les membres de la première nation âgés de 18 ans ou plus, qu’ils résident ou non dans la réserve, auraient le droit de voter dans une consultation populaire. En vertu de l’article 12, la première nation pourrait faire un choix parmi divers mécanismes d’approbation conformes à l’article 7.3 de l’accord. Plus de 25 p. 100 des électeurs admissibles devraient voter en faveur du code foncier et de l’accord spécifique pour que l’approbation soit valide. L’article 12(3) permettrait au conseil de bande de fixer un pourcentage supérieur.

En vertu de la Loi sur les Indiens, la plupart des fonctions du gouvernement de bande sont confiées au conseil de bande, même si certains pouvoirs, tels que celui de décider de céder des terres, sont confiés à l’ensemble de la bande(5). L’article 10 empêcherait la première nation de choisir d’assumer des pouvoirs de gestion des terres par voie de résolution du conseil de bande adoptée par la majorité des membres du conseil. Tous les membres de la bande auraient plutôt la possibilité de participer à la décision. La disposition permettant aux membres qui résident hors de la réserve de voter est importante, car le projet de loi donnerait aux bandes des pouvoirs importants en ce qui touche l’utilisation et l’aliénation des ressources collectives de la bande. La participation des membres qui résident hors des réserves aux décisions a fait l’objet de différends et de poursuites(6).  En vertu de la Loi sur les Indiens, un « électeur » « réside ordinairement » sur la réserve, de sorte que les membres de la bande qui vivent hors de la réserve sont automatiquement inhabiles à voter lorsqu’il faut être « électeur » pour participer au vote. Le projet de loi C-49 emploie le terme « habile à voter », qui désigne un membre d’une première nation âgé d’au moins 18 ans, plutôt que le terme « électeur ».

En vertu de l’article 14, le vérificateur serait tenu d’attester la validité du code foncier dûment approuvé et d’adresser à la première nation et au ministre une copie du code dont il a attesté la validité. L’article 15 prévoit que le code foncier entrerait en vigueur à la date de l’attestation ou à la date précisée dans le code.

L’article 16 prévoit que l’acquisition ou l’attribution d’intérêts ou de permis relatifs aux terres de la première nation ne pourraient, à compter de l’entrée en vigueur du code foncier, être effectués qu’en conformité avec celui-ci. Les droits réels et les droits d’usage — de même que les conditions dont ils sont assortis — détenus sur les terres de la première nation avant l’entrée en vigueur du code foncier seraient maintenus. Les intérêts des membres de la première nation sur les terres de la première nation seraient assujettis à des dispositions précises du code foncier. Les droits et obligations de la Couronne au titre de concédant d’intérêts et de droits d’usage existants, qui sont précisés dans l’accord spécifique approuvé, seraient transférés à la première nation lorsque le code foncier entrerait en vigueur.

      3. Article 17 : Règles particulières : échec du mariage

Selon l’article 17, la première nation devrait veiller à l’établissement, au terme du processus de consultation populaire prévu à cette fin dans le code foncier, de règles, — de procédure et autres —, applicables, en cas d’échec du mariage, aux questions touchant les terres. Selon le paragraphe 17(2), la première nation serait tenue, dans les douze mois qui suivent l’entrée en vigueur du code foncier, d’insérer ces règles dans son code ou de prendre des textes législatifs sur le sujet.

      4. Articles 18 et 19 : Pouvoirs généraux de la première nation

Les pouvoirs dont serait investie la première nation conformément à la loi sont énoncés au paragraphe 18(1). Ils comprennent le pouvoir de recevoir et d’utiliser les fonds que percevrait la première nation sous le régime de son code foncier, le pouvoir d’attribuer des droits d’usage relativement aux terres et les pouvoirs généraux d’un propriétaire foncier relativement aux terres. Le paragraphe 18(3) prévoit que le conseil de la première nation exercerait lui-même le pouvoir de gestion des terres ou pourrait déléguer, en conformité avec le code foncier, l’une ou l’autre de ses attributions à ce titre à un organe ou à une personne.

Le paragraphe 18(2) donnerait à la première nation, à l’égard de ses terres, la capacité juridique d’acquérir et de détenir des biens meubles et immeubles, de conclure ces contrats, de contracter des emprunts, de dépenser ou placer des fonds et d’ester en justice (voir l’article 12.4 de l’accord). Par contre, en vertu du paragraphe 18(4), tout organe mis sur pied par la première nation en vue de la gestion des terres serait une entité juridique dotée de la capacité d’une personne physique (voir l’article 12.6 de l’accord). La Loi sur les Indiens ne prévoit aucune disposition explicite en ce qui concerne le statut juridique des bandes assujetties à cette loi. Même si dans la plupart des décisions récentes les tribunaux ont établi qu’une bande a la capacité d’intenter des poursuites et de faire l’objet de poursuites, ils ont, dans d’autres décisions, conclu qu’une bande n’est pas une « personne », n’a pas de personnalité juridique et ne peut pas posséder des biens immeubles(7).  La capacité juridique incertaine des bandes et des conseils de bande crée des ennuis aux bandes qui veulent conclure des accords contractuels en vue de mettre en valeur des terres de réserve. Les paragraphes 18(2) et (4) préciseraient la capacité juridique de la première nation et de toute personne ou organe à qui le conseil de la première nation déléguerait des attributions pour gérer les terres de la première nation.

En vertu de la Loi sur les Indiens, « argent des Indiens » désigne les « sommes d'argent perçues, reçues ou détenues par Sa Majesté à l'usage et au profit des Indiens ou des bandes ». L’argent des Indiens qui provient de la vente de terres cédées ou de biens en capital (y compris les revenus provenant du pétrole et du gaz) d’une bande sont des « sommes d’argent au compte de capital », tandis que l’argent des Indiens qui provient d’autres sources, telles que la location ou la cession à bail de terres de la bande, la vente de ressources renouvelables ou l’intérêt sur le compte en capital et le compte de revenu sont des « sommes d’argent du compte de revenu ». L’argent des Indiens est détenu par le ministère, au nom des bandes, au Trésor. La dépense de sommes d’argent du compte de revenu par une bande doit être autorisée par le ministre; mais de nombreuses bandes sont investies des pouvoirs prévus à l’article 69 de la Loi sur les Indiens, qui leur permettent de contrôler, gérer et dépenser de l’argent de leur compte de revenu. L’article 19 du projet de loi C-49 prévoit le transfert à la première nation des fonds versés au compte de revenu, qui cesseraient d’être de l’argent des Indiens au sens de la Loi sur les Indiens. En application du paragraphe 18(1) et de l’article 19, les fonds déjà versés au compte de revenu et ceux que percevrait ensuite la première nation en application de son code foncier relèveraient directement de la première nation. Ces dispositions élimineraient l’obligation que les dépenses de la première nation se conforment à l’article 66 de la Loi sur les Indiens (et soient ainsi assujetties à un certain contrôle de la part du ministre) et permettraient à la première nation de percevoir ces sommes en son nom ou au nom de ses membres. Comme nous l’avons fait remarquer au sujet de l’article 6, la première nation devrait rendre compte à ses membres de l’utilisation de ces sommes perçues conformément à son code foncier.

      5. Articles 20 à 24 : Pouvoirs législatifs

Les types de lois que pourrait édicter le conseil de la première nation en conformité avec son code foncier sont décrits au paragraphe 20(1). Les lois pourraient porter sur les droits réels et les droits d’usage relatifs aux terres de la première nation; la mise en valeur, la conservation, la protection, la gestion, l’utilisation et la possession des terres de la première nation; et d’autres questions qui découlent de l’exercice de ces pouvoirs (article 18.1 de l’accord). Le paragraphe 20(2) décrit d’autres domaines où la première nation pourrait édicter des lois, sans que soit limitée la portée des pouvoirs prévus au paragraphe précédent (article 18.2 de l’accord). Ces lois pourraient notamment :

À l’heure actuelle, la Loi sur les Indiens accorde aux bandes certains pouvoirs relatifs à la gestion des terres par l’entremise du pouvoir de prendre des règlements administratifs prévu à l’article 81. De plus, l’article 60 permet au gouverneur en conseil d’accorder aux bandes le droit d’exercer d’autres pouvoirs de gestion des terres. Ce droit peut être retiré en tout temps. Les pouvoirs accordés en vertu de l’article 60 varient selon les bandes et très peu de bandes ont été investies de pouvoirs en application de l’article 60. Le projet de loi C-49 élargirait la portée des pouvoirs que la première nation pourrait exercer et ne les laisseraient plus à la discrétion du gouverneur en conseil ou du ministre.

En vertu du paragraphe 20(3) du projet de loi, les lois de la première nation pourraient prévoir, en matière de contrôle d’application, des mesures compatibles avec le droit fédéral. Le paragraphe 20(4) prévoit que le code foncier de la première nation l’emporterait sur les dispositions incompatibles des règlements administratifs pris en vertu de la Loi sur les Indiens, ainsi que des lois de la première nation édictées en vertu de la loi proposée.

Le projet de loi C-49 prévoit aussi des dispositions relatives à la protection de l’environnement et à l’évaluation environnementale des terres de la première nation. En conformité avec l’article 24 de l’accord, l’article 21 du projet de loi obligerait la première nation à conclure un accord avec le ministre et le ministre de l’Environnement avant d’édicter des lois en matière de protection de l’environnement. Les normes de protection environnementales fixées dans le cadre d’un tel accord, ainsi que les peines afférentes, devraient être au moins aussi rigoureuses que celles prévues dans la province où se trouve la première nation. Le paragraphe 21(3) stipule que les lois édictées par la première nation en matière d’évaluation environnementale devraient prévoir la mise sur pied du processus d’évaluation environnementale applicable à tout projet sur les terres de la première nation dont celle-ci est le promoteur ou le commanditaire, ou qui nécessite son approbation ou est assujetti à son pouvoir de réglementation. En vertu de l’article 25.3 de l’accord, le processus d’évaluation environnementale mis sur pied par la première nation doit être compatible avec les exigences de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale. Les parties à l’accord ont aussi convenu d’harmoniser leurs régimes et processus environnementaux respectifs, en invitant les provinces à participer à cette opération si celles-ci le souhaitent, dans le but de promouvoir l’uniformité et l’efficacité des régimes (articles 23.5 et 25.7).

Les articles 22 à 24 du projet de loi portent sur l’application des lois. En vertu du paragraphe 22(1), les lois de la première nation pourraient créer des infractions punissables par procédure sommaire et prévoir les peines correspondantes : amende, emprisonnement, restitution, travaux d’intérêt collectif ou toute autre peine. Le paragraphe 22(2) prévoit que les lois de la première nation pourraient reproduire ou incorporer par renvoi la procédure sommaire prévue par le Code criminel. En vertu du paragraphe 22(3), la première nation pourrait déterminer les modalités de poursuites des infractions créées par ses lois. La première nation pourrait, en vertu du paragraphe 24(1), nommer des juges de paix ou, après avoir conclu un accord avec la Couronne, faire nommer des juges par le gouverneur en conseil (voir les sections 19.3 et 19.8 de l’accord). Le paragraphe 24(5) stipule que, à défaut de nomination de juges, ce serait les tribunaux provinciaux qui veilleraient à l’application des lois de la première nation.

      6. Articles 25 : Registre des terres des premières nations

En vertu de l’article 25, le ministre établirait un registre des terres des premières nations, qui serait tenu selon les mêmes modalités que le Registre des terres de réserve établi sous le régime de la Loi sur les Indiens. Le Registre des terres de réserve est un registre tenu par le ministère, où sont inscrits les détails concernant les certificats de possession et certificats d'occupation et les autres opérations relatives aux terres situées dans une réserve.

Le projet de loi C-49 et l’accord prévoient que le gouverneur en conseil pourrait, sur recommandation du ministre, prendre des règlements concernant la tenue du registre des terres des premières nations et l’enregistrement de droits réels (article 51 de l’accord). La Loi sur les Indiens ne confère pas au gouverneur en conseil un pouvoir semblable de prendre des règlements relatifs aux fonctions d’enregistrement dans le Registre des terres de réserve. L’absence de ce pouvoir de réglementation a empêché certains types de mise en valeur(8).

      7. Articles 26 à 33 : Restrictions en matière d’aliénation des terres

Le projet de loi imposerait des restrictions en matière d’aliénation des terres de la première nation en prévoyant, à l’article 26, que ces terres ne sont pas susceptibles d’être aliénées, si ce n’est dans le cadre d’un échange, et que seuls Sa Majesté et la première nation peuvent procéder à l’expropriation d’intérêts sur ces terres. En vertu de l’article 27 du projet de loi et de l’article 14 de l’accord, l’échange visant des terres de la première nation ne serait valide que si la contrepartie consistait dans des terres destinées à acquérir cette qualité et si Sa Majesté du chef du Canada acceptait que celles-ci soient mise de côté à titre de réserve. Le ministre devrait donner son agrément. En vertu du paragraphe 27(4), l’échange de terres de la première nation devrait être approuvé par les membres de la première nation, selon les modalités prévues par le code foncier de la première nation, puis être réalisé conformément à l’accord.

À l’heure actuelle, l’article 37 de la Loi sur les Indiens permet la cession et la vente de terres de réserve, mais pas le remplacement des terres vendues. Le projet de loi C-49 soustrairait les premières nations sous le régime d’un code foncier de l’application de cet article, de sorte qu’elles ne pourraient vendre des terres de réserve que si ces terres étaient échangées contre d’autres qui deviendraient des terres de réserve. Des terres qui ne sont pas destinées à devenir des terres de la première nation pourraient constituer une contrepartie supplémentaire(9).

Le projet de loi C-49 prévoit aussi des dispositions relatives à l’expropriation de droits réels sur les terres de la première nation. L’article 28 autoriserait la première nation à procéder à l’expropriation de droits réels sur ses terres dont elle a besoin, de l’avis du conseil, à des fins d’intérêt collectif, notamment la réalisation d’ouvrages devant servir à la collectivité. La première nation devrait verser une indemnité et ne pourrait pas exproprier les droits obtenus sous le régime de l’article 35 de la Loi sur les Indiens ou détenus par le Canada (article 17 de l’accord).

L’article 35 de la Loi sur les Indiens prévoit que le gouverneur en conseil peut permettre l’expropriation de terres de réserve par des autorités provinciales ou locales pour cause d’utilité publique. Cette disposition ne s’appliquerait plus aux bandes en vertu du projet de loi C-49. L’article 29 du projet de loi permettrait cependant à la Couronne d’autoriser l’expropriation de droits réels sur les terres de la première nation si cette expropriation est requise par un ministère ou organisme fédéral, ou par ordre du gouverneur en conseil, à condition que l’expropriation soit « justifiable » et « nécessaire » à des fins poursuivies dans l’intérêt public national. Certaines conditions minimales devraient être remplies avant que des terres puissent être prises (article 32 de l’accord). En vertu de l’article 31 du projet de loi, une indemnité serait versée. Cette indemnité consisterait la plupart du temps en des terres destinées à devenir des terres de la première nation et d’une autre indemnité calculée en fonction d’éléments prescrits (article 33 de l’accord).

En vertu de l’article 30 du projet de loi, dans les cas où l’expropriation ne porte pas sur la totalité des droits réels de la première nation sur les terres en question, ces terres demeureraient des terres de la première nation assujetties aux dispositions du code foncier et des lois de la première nation qui seraient compatibles avec les conditions de l’expropriation. La première nation aurait le droit de continuer d’occuper et d’utiliser ces terres pour autant qu’elle ne contreviendrait pas aux conditions de l’expropriation.

L’article 32 prévoit la restitution à la première nation des droits réels expropriés qui ne sont plus nécessaires aux fins ayant donné lieu à l’expropriation. La restitution serait effectuée selon les modalités fixées par la première nation et l’expropriant.

   D. Articles 34 à 36 : Responsabilité, immunité et contrôle judiciaire

L’article 34 du projet de loi porte sur la responsabilité de la première nation et du Canada relatives aux actes ou omissions commis à l’égard des terres de la première nation. La première nation ne serait pas responsable des actes ou omissions commis par le Canada ou ses agents avant l’entrée en vigueur du code foncier et serait indemnisée par le Canada des dommages subis en raison de ces actes ou omissions. De même, le Canada ne serait pas responsable des actes ou omissions commis par la première nation après l’entrée en vigueur du code foncier et serait indemnisé par la première nation des dommages subis en raison de ces actes ou omissions.

L’article 35 protégerait les vérificateurs, arbitres, médiateurs et autres personnes nommés sous le régime de la Loi ou de l’accord contre des poursuites civiles en matière ou pénale relatives à leurs actes ou omissions accomplis de bonne foi dans l’exercice de leurs fonctions (article 50 de l’accord). En vertu de l’article 36, les décisions des vérificateurs et des arbitres ne pourraient être contestées devant la Cour fédérale que si les vérificateurs et les arbitres avaient agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer ou n’avaient pas observé un principe de justice naturelle.

   E. Cadre législatif

      1. Article 38 : Application de la Loi sur les Indiens

L’article 38 du projet de loi dresse la liste des dispositions de la Loi sur les Indiens qui cesseraient de s’appliquer à la première nation à l’entrée en vigueur de son code foncier (article 21 de l’accord). Les dispositions non applicables seraient les suivantes :

De plus, l’alinéa 38(1)c) du projet de loi prévoit que les règlements pris en application des articles 42 et 73 de la Loi sur les Indiens ne s’appliqueraient pas s’ils étaient incompatibles avec l’accord, le code foncier ou les lois de la première nation. L’article 42 accorde au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements à l’égard des biens des Indiens décédés. L’article 73 autorise le gouverneur en conseil à prendre des règlements dans plusieurs domaines, notamment la protection de la faune et du poisson; la circulation dans la réserve; la prestation de traitements médicaux et de services d’hygiène; le fonctionnement des salles de billard, des salles de danse et autres endroits d’amusement dans les réserves; et l’emprunt d’argent pour des entreprises de la bande ou à des fins d’habitation.

En vertu du paragraphe 38(2) du projet de loi, le paragraphe 89(1.1) de la Loi sur les Indiens continuerait de s’appliquer en ce qui touche les baux relatifs aux terres de la première nation qui, avant l’entrée en vigueur du code foncier, étaient des terres désignées. Cette disposition de la Loi sur les Indiens prévoit que les droits découlant d’un bail sur une terre désignée peuvent faire l’objet d’une hypothèque ou d’une saisie, contrairement aux autres biens situés dans la réserve. En vertu du paragraphe 38(3), le code foncier de la première nation pourrait étendre l’application du paragraphe 89(1.1) à tout autre bail relatif aux terres de la première nation.

      2. Articles 37 et 39 à 44 : Application d’autres lois fédérales

En vertu de l’article 37, le projet de loi C-49, s’il est adopté, l’emporterait sur les dispositions incompatibles de toute autre loi fédérale d’application générale.

L’article 39 prévoit que la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, qui régit l’administration et l’aliénation des ressources pétrolières et gazières sur les terres de réserve, continuerait de s’appliquer aux terres de la première nation (voir l’article 3 de l’accord). Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements concernant l’exploration du pétrole et du gaz dans les réserves, notamment accorder des droits réels dans le pétrole et le gaz et percevoir des redevances. Le consentement ou l’approbation du conseil de bande est requis en cas d’aliénation ou de modification. Le projet de loi C-49 donnerait donc aux premières nations des pouvoirs relatifs au bois de construction et aux ressources minérales, mais le régime actuel relatif au pétrole et au gaz continuerait de s’appliquer.

L’article 40 du projet de loi est une autre disposition visant à s’assurer que les lois environnementales sont compatibles. Il prévoit que les dispositions fédérales en matière de protection de l’environnement l’emporteraient sur les dispositions incompatibles du code foncier et des lois des premières nations. En vertu du paragraphe 40(2), le projet de loi C-49, s’il est adopté, ne modifierait pas les droits ou pouvoirs en matière de pêche, d’oiseaux migrateurs ou d’espèces menacées d’extinction (voir l’article 23.6 de l’accord).

En vertu de l’article 41, l’article 10 de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale ne s’appliquerait pas aux projets de développement sur les terres de la première nation (article 25.5 de l’accord). Cette disposition prévoit que le conseil de la première nation doit veiller à ce qu’une évaluation environnementale du projet soit effectuée conformément aux règlements pris en application de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale avant qu’une personne ou un organisme puisse recevoir, de la part d'une autorité fédérale, une aide financière permettant la réalisation d'un projet en tout ou en partie dans une réserve. L’article 10 serait remplacé par les mécanismes d’évaluation environnementale prévus par les dispositions du projet de loi C-49 et de l’accord.

En vertu de l’article 42, la Loi sur les mesures d’urgence (qui autorise des mesures temporaires pour assurer la sécurité nationale en cas d’urgence) continuerait de s’appliquer aux terres de la première nation, mais l’utilisation de ces terres requise par cette loi devrait être autorisée par un décret (article 20.2 de l’accord).

L’article 43 maintient l’application de la Loi sur le contrôle de l’énergie atomique aux terres de la première nation.

L’article 44 prévoit que la Loi sur les textes réglementaires ne s’appliquerait pas au code foncier ni aux lois de la première nation édictées en vertu du paragraphe 19(1).

   F. Modification de l’annexe

L’article 45 permet au gouverneur en conseil ajouter à l’annexe le nom d’autres nations qui pourraient ainsi, en devenant parties à l’accord-cadre, participer au nouveau régime de gestion des terres créé par le projet de loi. En vertu de l’article 48, l’article 45 n’entrerait en vigueur qu’à la fin de l’examen de l’accord-cadre et des consultations que le gouverneur en conseil jugerait utiles.

   G. Disposition transitoire et modifications conditionnelles

L’article 46 du projet de loi est une disposition transitoire qui stipule que les actes accomplis et les décisions prises sous le régime de l’accord avant l’entrée en vigueur du projet de loi C-49 seraient réputés avoir été pris sous le régime de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, dans la mesure de leur validité au regard des dispositions de la loi précisées.

L’article 47 est une modification de forme conditionnelle qui prévoit le remplacement textuel de l’article 43 à la date d’entrée en vigueur de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaire.

   H. Examen de l’accord relatif à la gestion des terres

L’accord-cadre relatif à la gestion des terres des premières nations prévoit que le ministre et le Conseil consultatif des terres procéderont conjointement à un examen de l’accord dans les quatre ans suivant l’entrée en vigueur de la loi fédérale (article 56.2 de l’accord).

COMMENTAIRE

Les 14 premières nations qui sont parties à l’accord-cadre ont toutes exprimé leur appui au projet de loi C-49. Elles se réjouissent de la possibilité d’exercer un plus grand contrôle sur les terres et les ressources des réserves et soutiennent que les changements proposés leur permettraient d’intervenir plus rapidement pour profiter de débouchés économiques.

La version précédente du projet de loi s’est butée à une certaine opposition de la part d’autres premières nations. Même si la loi ne doit s’appliquer qu’aux premières nations participantes, certaines autres premières nations ont dit craindre que le projet de loi ne crée un précédent pour d’autres. D’autres ont soutenu que les questions relatives à la gestion des terres devraient être examinées dans le contexte des revendications territoriales et des traités ou laissé entendre que le projet de loi isole la gestion des terres de la problématique générale de l’autonomie gouvernementale. Certaines parties ont dit également craindre que le projet de loi ne favorise une nouvelle érosion des terres de réserve, puisque les premières nations pourraient échanger les terres de réserve existantes contre des terres d’égale superficie situées hors de la réserve.

En mars 1997, la British Columbia Native Women’s Society et deux particuliers ont intenté une action contre le gouvernement fédéral devant la Cour fédérale, soutenant que le gouvernement avait failli à ses obligations de fiduciaire envers les Indiens quant au partage du foyer conjugal en cas d’échec du mariage. La question des biens conjugaux est délicate car la Cour a jugé que les lois provinciales en matière de partage des biens conjugaux ne s’appliquent pas aux femmes et aux hommes des premières nations habitant dans des réserves parce que c’est la Loi sur les Indiens, et non la loi provinciale, qui régit les biens immobiliers dans les réserves. Toutefois, comme la Loi sur les Indiens ne traite pas de la question des biens conjugaux en cas d’échec du mariage, il y a un vide juridique.

Même si l’action en justice visait surtout la Loi sur les Indiens, les plaignants ont soutenu que, en prenant des mesures pour mettre en oeuvre l’accord-cadre sur la gestion des terres sans assurer aux Indiennes mariées vivant dans des réserves la protection de leurs biens conjugaux, le gouvernement fédéral manquait à ses obligations fiduciaires et violait le paragraphe 15(1) de la Charte. Puis, comme il a été mentionné, on a modifié l’accord-cadre pour exiger des premières nations qu’elles établissent des règles de partage des biens conjugaux et prévu des dispositions à cet égard dans le projet de loi C-49. En juin 1998, la British Columbia Native Women’s Society aurait envisagé de demander une injonction qui aurait empêché le gouvernement de conclure des ententes séparées avec les premières nations, conformément aux exigences du projet de loi C-49. La Société a soutenu que, même si le projet de loi exigeait des bandes qu’elles examinent la question des biens conjugaux, il ne précisait pas comment le partage d’une propriété située dans une réserve se ferait en cas d’échec du mariage(10). Également en juin 1998, le ministre des Affaires indiennes a annoncé son intention de mettre sur pied une mission d’enquête chargée d’examiner les conséquences de l’échec d’un mariage sur les droits des membres des premières nations à l’égard de biens fonciers, qu’il s’agisse de terrains ou d’immeubles.

Des tiers qui jouissent de droits réels sur les terres de réserve pourraient aussi s’opposer au projet de loi. Dans certaines régions qui seraient touchées par le projet de loi C-49, les propriétaires de chalet et d’autres titulaires de domaine à bail ont exprimé leur crainte que le transfert de l’administration aux premières nations ne menace l’avenir de leurs baux sur les terres de réserve.

 


(1) La cession, soit l’abandon juridique de terres de réserve à la Couronne par la bande, exige le consentement de la majorité des électeurs d’une bande. Attacher des conditions à la cession permet à la bande de contrôler l’utilisation des terres ainsi que la nature des aliénations. Le ministre administre les conditions, gère les terres et effectue les aliénations. Une modification apportée en 1988 à la Loi sur les Indiens a créé les terres désignées; au lieu de céder les terres, les premières nations peuvent les « désigner » en vue de leur aménagement. Les premières nations doivent procéder de la même façon que pour une cession, mais une fois la terre désignée, elle fait encore partie de la réserve pour de nombreuses fins importantes.

(2) J. Woodward, Native Law, Toronto, Carswell, 1994 (mis à jour), p. 89-90.

(3) Voir l’analyse de l’article 27.

(4) D’autres fonctions du vérificateur sont énoncées aux articles 8 et 9.

(5) Woodward (1994), p. 164.

(6) Dans une décision qui se limite jusqu’ici à la bande du nord de l’Ontario en cause, la Section d’appel de la Cour fédérale a statué que le paragraphe 77(1) de la Loi sur les Indiens, qui rend les membres de la bande qui ne résident ordinairement pas sur la réserve inhabiles à voter aux élections de la bande, porte atteinte aux droits des membres qui résident hors de la réserve affirmés par l’article 5 de la Charte canadienne des droits et libertés : Bande indienne Batchewana c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord), 20 novembre 1996, [1996] C.F.J. no 1486 (Q.L.)

(7) Woodward (1994), p. 19 - 20.1, 395-397.

(8) Voir Affaires indiennes et du Nord Canada, Examen du secteur Terres, Revenus et Fiducie : Rapport de la Phase II, Ottawa, Ministère des Approvisionnements et Services, 1990.

(9) Les articles 14.4 à 14.6 de l’accord stipulent que le titre des terres reçues en échange des terres de la première nation serait transféré au Canada. Cette disposition ne s’appliquerait pas aux terres remises à une première nation à titre de contrepartie supplémentaire et qui ne sont pas destinées à devenir des terres de la première nation. Lorsque l’échange est approuvé par la première nation conformément à son code foncier, la première nation pourrait adresser au Canada une autorisation de procéder au transfert des titres sur les terres en question. Sur réception de cette autorisation, le Canada procéderait au transfert de titre des terres, en conformité avec les termes de celle-ci et de l’acte d’échange.

(10) « Native Women Launch Fight over Divorce Law », The Globe and Mail (Toronto), 11 juin 1998.