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LS-323F

PROJET DE LOI C-55 :  LOI CONCERNANT LES
SERVICES PUBLICITAIRES FOURNIS PAR DES ÉDITEURS
ÉTRANGERS DE PÉRIODIQUES

 

Rédaction :
Terrence J. Thomas
Division de l'économie 
Le 28 octobre 1998
Révisé le 28 janvier 1999


 

HISTORIQUE DU PROJET DE LOI C-55

 

CHAMBRE DES COMMUNES

SÉNAT

Étape du Projet de loi Date Étape du projet de loi Date
Première lecture : 8 octobre 1998 Première lecture : 16 mars 1999
Deuxième lecture : 3 novembre 1998 Deuxième lecture : 24 mars 1999
Rapport du comité : 2 décembre 1998 Rapport du comité : 31 mai 1999
Étape du rapport : 8 mars 1999 Étape du rapport : 8 juin 1999
Troisième lecture : 15 mars 1999 Troisième lecture : 8 juin 1999

Message envoyé à la Chambre des communes :  8 juin 1999
Acceptation des amendements du Sénat : 10 juin 1999

Sanction royale : 17 juin 1999
Lois du Canada 1999, chapitre 23







N.B. Dans ce résumé législatif, tout changement d'importance depuis la dernière publicaiton est indiqué en caractères gras.

 

 

 

 

TABLE DES MATIÈRES

CONTEXTE

DESCRIPTION

COMMENTAIRE

ANNEXE :  CHRONOLOGIE


PROJET DE LOI C-55 : LOI CONCERNANT LES SERVICES PUBLICITAIRES FOURNIS PAR DES ÉDITEURS ÉTRANGERS DE PÉRIODIQUES

 

CONTEXTE

Le projet de loi C-55, qui a été déposé à la Chambre des communes par la ministre du Patrimoine canadien, Mme Sheila Copps, et adopté en première lecture le 8 octobre 1998, constitue la dernière étape d’un long processus visant à protéger le secteur canadien des périodiques. (Le lecteur trouvera en annexe une brève chronologie des diverses mesures prises dans ce domaine.) Le projet de loi constitue plus particulièrement la réplique du gouvernement à la tentative qu’a faite en 1993 le magazine Sports Illustrated de produire une édition à tirage dédoublé à l’intention du Canada, c’est-à-dire une édition dont le corps rédactionnel est essentiellement le même que celui de la revue distribuée aux États-Unis, mais dont les pages publicitaires ciblent le public canadien.

De 1965 à 1993, le gouvernement s’est appuyé sur l’article 9958 du Tarif des douanes pour interdire l’importation physique des éditions à tirage dédoublé à la frontière. Au début de 1993, Sports Illustrated a toutefois commencé à avoir recours à la transmission par satellite pour envoyer des États-Unis aux imprimeries au Canada le corps rédactionnel de la publication. Bien que le résultat, Sports Illustrated Canada, contrevenait de toute évidence à l’esprit de l’article 9958 du Tarif des douanes, il était impossible d’arrêter la revue à la frontière.

Par la suite, le Parlement a adopté le projet de loi C-103, Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi de l’impôt sur le revenu (qui a obtenu la sanction royale en décembre 1995) pour qu’une taxe de 80 p. 100 soit imposée sur la valeur de la publicité figurant dans une édition à tirage dédoublé d’un périodique et que soit ainsi mis fin aux éditions à tirage dédoublé au Canada. Bien que des recommandations aient été formulées pour que Sports Illustrated Canada soit exonéré de cette taxe, cela n’a pas été fait.

En mars 1996, les États-Unis ont saisi l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de l’affaire. Le Canada a fait valoir que le projet de loi C-103 portait sur des services (de publicité) et non sur des biens (les périodiques). C’est l’Accord général sur le commerce des services (GATS) qui traite des services et l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), des biens. Le premier est moins restrictif que le second.

L’OMC a produit son rapport final, en faveur de la position américaine, au milieu du mois de mars 1997. Elle s’est prononcée sur quatre mesures canadiennes concernant les périodiques : contre l’article 9958 du Tarif des douanes, contre l’imposition de la taxe de 80 p. 100 sur les éditions à tirage dédoublé, contre l’application de tarifs postaux différents selon que les publications sont nationales ou étrangères, mais pour le Programme des tarifs postaux préférentiels appliqué aux périodiques canadiens.

En septembre 1997, après que l’Organe d’appel de l’OMC a rejeté l’appel interjeté par le Canada en juin 1997, ce dernier a avisé l’Organe de règlement des différends de cet organisme qu’il appliquerait la décision d’ici la fin octobre 1998. Pendant la période de transition de 15 mois convenue par le Canada et les États-Unis, le ministère du Patrimoine canadien a lancé plusieurs ballons d’essai afin de tester différentes solutions permettant de protéger l’industrie canadienne des périodiques. C’est ainsi que, finalement, le projet de loi C-55 a été déposé.

DESCRIPTION

Le titre abrégé du projet de loi C-55 est Loi sur les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers (article 1). Le terme « services » anticipe sur toute action contre le projet de loi intentée en vertu du droit commercial international : de par son titre du moins, le projet de loi est censé porter sur les services et non sur les biens, bien que cela n’évitera pas les argumentations sur sa substance.

Le projet de loi C-55 stipule qu’ : « [i]l est interdit à tout éditeur étranger de fournir des services publicitaires destinés au marché canadien à un annonceur canadien ou à une personne agissant pour son compte » (paragraphe 3(1)). L’article 2 définit les termes « Canadien », « annonceur canadien », « société canadienne » et « éditeur étranger », et les paragraphes (2) à (7) de l’article 3 stipulent que les éditeurs sont réputés être éditeurs étrangers dans certaines circonstances précises (organismes sous licences ou contrôlés par des membres non canadiens) et précisent le statut de membre étranger.

Le ministre pourrait désigner un enquêteur qu’il chargerait d’examiner la fourniture de services publicitaires présumée être en contravention de l’article 3 du projet de loi. En vertu d’un mandat délivré sous le régime de l’article 487 du Code criminel, l’enquêteur pourrait procéder à toute enquête en tout lieu, exiger que lui soient fournis des documents, quel qu’en soit le support, et enquêter sur les négociations et les opérations ayant trait à la fourniture de services publicitaires (paragraphe 4(2) et article 5).

Le ministre pourrait adresser une mise en demeure à un éditeur étranger pour que celui-ci cesse de fournir des services publicitaires en contravention du projet de loi ou mette fin à une opération qui violerait ce dernier. Si l’éditeur n’obtempère pas, le Ministre pourrait demander une ordonnance judiciaire afin d’empêcher l’éditeur de fournir les services publicitaires. Si elle conclut que la situation est effectivement urgente, la juridiction saisie pourrait rendre l’ordonnance sur demande ex parte, c’est-à-dire sans que l’éditeur étranger ne soit présent, pour une durée maximale de 10 jours.

Le projet de loi prévoit des amendes d’un maximum de 250 000 $, dans le cas d’une personne morale, et de 100 000 $, dans le cas d’une personne physique. Si le tribunal décide que la perpétration de l’infraction a donné lieu à des avantages financiers, il pourrait ordonner à la personne déclarée coupable de payer une amende dont le montant serait égal à ces avantages. Un éditeur étranger qui, à l’étranger, commet un acte qui, s’il est commis au Canada, constituerait une infraction serait réputé l’avoir commis au Canada (paragraphe 15(1)).

Le projet de loi C-55 a été renvoyé au Comité permanent du patrimoine de la Chambre des communes, qui en a fait rapport le 2 décembre 1998 avec quatre amendements. Deux de ceux-ci sont des modifications de forme et de définition, tandis que les deux autres proposent des changements reflétant les préoccupations de certains grands périodiques.

Le Reader’s Digest est considéré comme un périodique canadien aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu depuis 1976, époque à laquelle une restructuration avait été effectuée pour que le périodique ait exactement 75 p. 100 de propriété canadienne. Un des amendements au projet de loi C-55 (article 2) remplacerait les mots « plus de 75 pour cent » par les mots « au moins 75 pour cent », ce qui permettrait au Reader’s Digest de conserver son statut de périodique canadien sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle restructuration.

La revue Time offre depuis longtemps des services de publicité sur le marché canadien, et la version initiale du projet de loi C-55 aurait conféré à Time un droit acquis à ce sujet en précisant qu’un éditeur étranger pourrait continuer de fournir légalement des services publicitaires destinés au marché canadien « pour autant qu’il ne le fasse pas dans une plus grande mesure » qu’il ne le faisait dans l’année précédant le 8 octobre 1998, date à laquelle le projet de loi a été déposé à la Chambre des communes. L’amendement (article 21) permettrait à l’éditeur étranger de continuer à fournir des services publicitaires « dans le cadre de l’exploitation du même périodique ». Ainsi, on éviterait de plafonner éventuellement les services de publicité fournis par Time; si le marché de la publicité dans les périodiques canadiens devait augmenter, par exemple, Time serait en mesure de conserver sa part du marché.

COMMENTAIRE

Peu après le dépôt du projet de loi, la représentante américaine du commerce extérieur, Mme Charlene Barshefsky, a diffusé un communiqué dans lequel elle a vivement critiqué les mesures prises par le gouvernement canadien. Elle y a déclaré que le projet de loi perpétue les politiques anticoncurrentielles traditionnelles et est protectionniste et discriminatoire. Elle a ajouté que les États-Unis étudiaient tous les scénarios possibles et comptaient bien défendre vigoureusement leurs intérêts commerciaux. Elle a indiqué qu’entre autres, ils songeaient à saisir de nouveau l’OMC de la question ou invoquer l’ALÉNA.

Pour les États-Unis, le projet de loi impose des restrictions continues à l’accès au marché des périodiques, ce qui revient à dire qu’en substance il porte essentiellement sur des biens et non sur des services.

Il y a également au Canada certains opposants à ce projet de loi; ils estiment que ce dernier refuse à certaines entreprises canadiennes la possibilité d’utiliser des moyens attrayants et nouveaux d’atteindre un public national. Le milieu publicitaire canadien invoquera peut-être la Charte canadienne des droits et libertés pour contester le projet de loi, qui constitue à son avis une atteinte à la liberté d’expression.

Bien entendu, le secteur canadien des périodiques appuie le projet de loi, car celui-ci protège les sources nationales de recettes publicitaires. Les groupes artistiques canadiens appuient également le projet de loi, qu’ils associent à la bataille menée pour protéger la culture canadienne des attaques américaines. Comme l’a déclaré Sheila Copps : « Nous devons mettre l’accent sur notre propre espace culturel — espace où nous pouvons exprimer nos idées, nos valeurs et notre identité. Cette loi est fidèle aux politiques culturelles canadiennes de longue date et respecte nos obligations commerciales internationales » (Patrimoine Canada, Communiqué « Dépôt d’un nouveau projet de loi concernant les services publicitaires », 8 octobre 1998). La ministre a fait remarquer : « Nous n’empêchons pas les périodiques étrangers d’entrer au Canada. Au contraire, le Canada continuera d’avoir un des marchés les plus ouverts aux publications étrangères. Plus de 80 p. 100 des périodiques vendus dans les kiosques à journaux canadiens sont étrangers, la majorité provenant des États-Unis ». Pour ce qui est des annonceurs canadiens, la ministre a signalé qu’ils « auront les mêmes occasions que dans le passé ».

Une fois de plus, on estimera que le projet de loi respecte ou viole les obligations actuelles en matière de commerce international selon que l’on juge qu’il porte sur des biens ou sur des services. Quelle que soit l’issue de la bataille, le projet de loi est évidemment présenté au Canada comme faisant partie de la politique culturelle canadienne, alors qu’aux États-Unis il est considéré comme s’inscrivant dans une politique commerciale restrictive.

On a beaucoup spéculé, dans la presse canadienne, sur la réaction des États-Unis au projet de loi. Dans un des scénarios, les États-Unis imposaient des mesures de rétorsion dont les retombées seraient d’une valeur commerciale égale aux effets du projet de loi C-55 sur l’industrie des périodiques. En janvier 1999, les journaux canadiens ont rapporté que les États-Unis envisageaient de bloquer l’entrée sur leur territoire des produits de quatre secteurs (acier, textiles et vêtement, bois et matières plastiques). Les estimations des coûts que de telles mesures entraîneraient pour le Canada variaient de 350 millions de dollars (ou moins) à 4 milliards de dollars.

Au début de 1999, la situation n’avait pas dépassé le stade de la « guerre fictive ». Les États-Unis ne sont pas intervenus concrètement et ont dit qu’ils attendraient que le projet de loi C-55 soit promulgué pour décider de la suite des événements. On ne connaît donc encore ni la réaction des États-Unis ni les coûts qu’elle entraînera. Tout ce qui est clair, c’est que les États-Unis s’opposent véhémentement au projet de loi C-55.


Annexe

CHRONOLOGIE

1944

Début de la publication de TIME Canada.

1960

Le gouvernement du Canada constitue la Commission royale d’enquête sur les publications.

1961

Le Rapport de la Commission royale d’enquête sur les publications (Rapport O’Leary) constitue le fondement de la politique fédérale en matière de publication de périodiques.

1965

Le gouvernement du Canada ajoute i) l’article 19 à la Loi de l’impôt sur le revenu afin de limiter la déductibilité des dépenses engagées pour faire paraître des annonces publicitaires dans les périodiques autres que canadiens qui s’adressent essentiellement au marché canadien et ii) l’article 9958 au Tarif des douanes, qui interdit l’importation au Canada des éditions à tirage dédoublé.

11 janvier 1993

TIME Canada Ltd. annonce qu’il a l’intention de publier Sports Illustrated Canada, après avoir confirmé au gouvernement du Canada que cela ne contreviendrait pas à la loi canadienne.

26 mars 1993

Le gouvernement canadien annonce la constitution d’un Groupe de travail sur l’industrie canadienne des périodiques, cinq jours après que les premiers numéros de Sports Illustrated Canada apparaissent dans les kiosques à journaux.

1er avril 1993

Parution du premier numéro de Sports Illustrated Canada.

8 avril 1993

Le sous-ministre de Revenu Canada écrit à TIME Canada Ltd. pour indiquer que l’article 9958 du Tarif des douanes ne s’applique pas à Sports Illustrated Canada, qui est imprimé au Canada.

juillet 1993

Les directives découlant de la Loi sur Investissement Canada sont publiées dans la Gazette du Canada et précisent que tout investissement effectué par une entité non canadienne dans le but de publier un périodique au Canada doit être notifié, ce qui signifie qu’Investissement Canada peut en faire l’examen.

24 mars 1994

Le Groupe de travail sur l’industrie canadienne des périodiques publie son rapport final, dans lequel il demande que soit instaurée une taxe d’accise de 80 p. 100 qui ne s’appliquerait pas à sept des numéros de Sports Illustrated Canada publiés dans une année (nombre de numéros effectivement publié en 1993).

22 décembre 1994

Le ministre du Patrimoine canadien, M. Dupuy, annonce l’intention du gouvernement de donner suite aux recommandations du Groupe de travail, à l’exception de l’exclusion de Sports Illustrated Canada de l’application de la taxe d’accise de 80 p. 100.

22 juin 1995

Première lecture du projet de loi C-103 à la Chambre des communes.

25 septembre 1995

Deuxième lecture du projet de loi C-103 à la Chambre des communes et renvoi du projet de loi devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes.

2 novembre 1995

Troisième lecture du projet de loi C-103 à la Chambre des communes.

2 novembre 1995

Première lecture du projet de loi C-103 au Sénat.

7 novembre 1995

Deuxième lecture du projet de loi C-103 au Sénat et renvoi devant le Comité sénatorial des banques.

14 novembre 1995

Troisième lecture du projet de loi C-103 au Sénat.

15 décembre 1995

Le projet de loi C-103 reçoit la sanction royale.

mars 1996

Les États-Unis saisissent l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de l’affaire.

janvier 1997

L’OMC rend une décision préliminaire en faveur des États-Unis.

14 mars 1997

L’OMC présente son rapport définitif, qui défend les positions des États-Unis; le Canada annonce son intention d’appeler de la décision.

30 juin 1997

L’organe d’appel de l’OMC rejette la demande du Canada; le Canada dispose de 15 mois, soit jusqu’au 30 octobre 1998, pour appliquer la décision.

septembre 1997

Le Canada avise l’Organe de règlement des différends qu’il se pliera à la décision et appliquera cette dernière d’ici le 30 octobre 1998.

8 octobre 1998

Première lecture du projet de loi C-55 à la Chambre des communes.

3 novembre 1998

Deuxième lecture du projet de loi C-55 à la Chambre des communes.

2 décembre 1998

Le Comité permanent du patrimoine canadien fait rapport du projet de loi à la Chambre des communes.

Sources :

Sports Illustrated Canada, feuillet d’information, 18 octobre 1995 et Direction de la recherche parlementaire de la Bibliothèque du Parlement.