Bibliothèque du Parlement |
Les documents qui figurent sur ce site ont été rédigés par le personnel de la Direction de la recherche parlementaire; ils visent à tracer, à l'intention des parlementaires canadiens, dans un libellé simple et facile à saisir, le contexte dans lequel chaque projet de loi gouvernemental examiné a été élaboré et à fournir une analyse de celui-ci. Les résumés législatifs ne sont pas des documents gouvernementaux; ils n'ont donc aucun statut juridique officiel et ils ne constituent ni un conseil ni une opinion juridique. Prière de noter que la version du projet de loi décrite dans un résumé législatif est celle qui existait à la date indiquée au début du document. Pour avoir accès à la plus récente version publiée du projet de loi, veuillez vous rendre sur le site parlementaire Internet à l'adresse suivante www.parl.gc.ca. |
LS-329F
PROJET DE LOI C-59 : LOI MODIFIANT LA
LOI SUR
HISTORIQUE DU PROJET DE LOI C-59
TABLE DES MATIÈRES A. Sociétés dassurance vie Cadre législatif 1. Mutuelles et sociétés par actions en assurance-vie : aspects juridiques 2. Le
statut de souscripteur et dactionnaire en vertu de 2. Le cas de la Laurentienne, compagnie mutuelle dassurance C. Les sociétés dassurances mutuelles à létranger B. Considérations dordre international
PROJET DE LOI C-59 :
LOI MODIFIANT LA LOI SUR Le 1er décembre 1998, M. Jim Peterson, Secrétaire dÉtat, Institutions financières internationales, a déposé le projet de loi C-59, qui précise le cadre en fonction duquel les grandes mutuelles dassurance-vie sous réglementation fédérale pourraient se démutualiser, à condition que leurs souscripteurs admissibles approuvent dabord cette transformation. La démutualisation est un processus suivant lequel une société mutuelle se transforme en société par actions. Daprès son rapport annuel de 1997-1998, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) régit 57 compagnies dassurance-vie détenues par des intérêts canadiens et 72 autres détenues par des intérêts étrangers. Six des 57 compagnies canadiennes sont des mutuelles : la Financière Manuvie, Sun Life, Canada-Vie, la Mutuelle du Canada, Toronto Life et Equitable Life. Une compagnie dassurance-vie mutuelle na pas dactionnaires ordinaires et lensemble de son conseil dadministration est élu par les souscripteurs. En outre, elle na pas accès à des actions ordinaires. Les dispositions du projet de loi C-59 visent les six compagnies dassurance susmentionnées mais pas les mutuelles détenues par des intérêts étrangers qui font affaire au Canada, ni les mutuelles sous réglementation provinciale, ni les mutuelles dassurance générale. Les procédures de démutualisation applicables à ces dernières devraient être proposées dans le courant de lannée prochaine. On parle de démutualisation depuis 1992, soit depuis la réforme de la législation relative aux institutions financières sous réglementation fédérale. En août 1998, le ministère des Finances a publié un document de consultation intitulé Régime de démutualisation des mutuelles dassurance-vie canadiennes. Le régime en question sarticule autour de six éléments :
Les différentes étapes du processus de démutualisation sont les suivantes : autorisation par le conseil dadministration, préparation de la documentation, examen de cette documentation par le BSIF, qui sera appelé à donner son autorisation, tenue dune assemblée spéciale sur le thème de la démutualisation (les deux tiers au moins des souscripteurs admissibles, votant en personne ou par procuration, devront alors approuver la démutualisation pour que le processus puisse se poursuivre) et demande de lapprobation du ministre. Les renseignements devant être communiqués aux souscripteurs constituent un élément essentiel du processus. Les compagnies devront répondre à plusieurs questions : Pourquoi les souscripteurs ont-ils avantage à approuver la démutualisation ? Pourquoi la compagnie veut-elle se démutualiser ? Quelle valeur monétaire la démutualisation représentera-t-elle pour les souscripteurs ? Lactuaire de la compagnie et un actuaire indépendant seront invités à donner leur opinion sur des aspects tels que la méthode de répartition de la valeur de la compagnie ainsi que sur sa solidité et sa viabilité financières après la démutualisation. En outre, un expert-évaluateur indépendant sera appelé à donner son opinion sur la valeur globale estimée de la compagnie. En dernier lieu, la compagnie convertie sera autorisée à établir une compagnie de portefeuille réglementée dont elle deviendra la filiale, afin doffrir les mêmes options de structure organisationnelle que celles des compagnies dassurance par actions. Au Canada, plusieurs sociétés dassurance-vie se sont transformées en mutuelles vers les années 60 par suite de modifications législatives pour parer aux prises de contrôle par les étrangers.* À cette époque, deux compagnies détenaient à elles seules 95 p. 100 de lactif total des sept mutuelles canadiennes sous autorité fédérale : La Mutuelle du Canada (fondée en 1870 sous forme de mutuelle) et la Nord Américaine, Compagnie dassurance pour la vie (fondée en 1881 mais mutuelle depuis 1931). En tout 32, compagnies dassurance-vie canadiennes relevaient du gouvernement fédéral. En 1957, pour répondre à certaines inquiétudes à légard des possibilités de transferts dactifs à la propriété étrangère, une nouvelle loi fédérale a traité, dans une de ses parties, de la mutualisation des compagnies par actions canadiennes en assurance-vie (article 91, Loi sur les compagnies dassurance canadiennes et britanniques). Dans les 11 années qui ont suivi, Canada Life, Sun Life, Equitable, Confederation et Manufacturers se sont mutualisées. Des modifications qui visaient à contraindre la propriété étrangère ont été présentées en 1964. De plus, en 1973, la Loi sur les placements étrangers comportait des dispositions sur le contrôle de la propriété étrangère. Laccès au capital constitue le motif principal derrière le souhait dune mutuelle de se transformer en société par actions. Toutefois, aux États-Unis, plusieurs démutualisations ont eu lieu pour palier à une mauvaise santé financière. De plus, il arrive que le désir daccéder au capital de risque soit motivé par un groupe de gestionnaires désireux dobtenir une rémunération comparable à celle qui est offerte dans certaines compagnies offrant des régimes doptions pour actions (stock option plan). Le besoin dun règlement peut différer selon la situation dune société mutuelle et selon les raisons qui motivent sa transformation. Dans tous les cas, les mesures réglementaires doivent être justes et équitables. Dans ce contexte, une évaluation de la situation et une autorisation ministérielle devraient assurer que le déclenchement dune réorganisation est bien fondé. Le rôle des compagnies dassurance-vie a évolué radicalement au fil des ans. Le Comité sénatorial des banques et du commerce a appris de la bouche du directeur de la Sun Life que lorsque la compagnie a entrepris ses activités, tout ce quelle faisait avait trait à lassurance-vie. Lorsque, en 1962, elle a achevé le processus de mutualisation, lassurance-vie ne comptait plus que pour à peu près la moitié des activités de la compagnie. Aujourdhui, si le mot protection couvre lassurance-vie individuelle, toute forme dassurance-santé et invalidité et lassurance-vie collective, 13 p. 100 des activités de la compagnie concernent la protection. Le reste, 87 p. 100, concerne la gestion dinvestissements, lépargne-retraite, les fonds mutuels de placement et diverses formes de capitalisation garantie. La principale source de capital dune mutuelle est laccumulation des surplus provenant des primes versées par les souscripteurs. Dans lensemble, les sociétés dassurance-vie canadiennes tirent près du tiers de leurs revenus au moyens de primes payées par des assurés vivant à létranger. Les moyens privilégiés pour accéder au capitaux peuvent varier dune mutuelle à lautre, suivant leur position concurrentielle et leur planification stratégique respective. Les mutuelles peuvent préférer se démutualiser purement et simplement; elles peuvent aussi se réorganiser et choisir de conclure des alliances stratégiques, des ententes de partenariats ou encore de procéder à des fusions. Dans une optique de marchés financiers mondiaux, il est important que les sociétés jouissent dune certaine liberté de mouvement. Dans tous les cas, elles doivent se conformer aux mesures juridiques et réglementaires des pays où elles font affaire. La législation canadienne ne prévoit la mutualisation que depuis les années 60. La législation portant sur les instituions financières, entrée en vigueur le 1er juin 1992, comportait pour la première fois des dispositions pour la transformation dune société mutuelle. Le document de travail du ministère des Finances découle dailleurs de cette législation. Dans la prochaine section, nous examinons de plus près le cadre législatif entourant la transformation des sociétés mutuelles. On y constatera un enjeu principal : celui du droit au surplus, ou en dautres mots de lexcédent distribuable. A. Sociétés dassurance vie Cadre législatif 1. Mutuelles et sociétés par actions en assurance-vie : aspects juridiques Il nexiste par de théorie unique en ce qui concerne la répartition des droits de vote dans une mutuelle. De plus, il existe un débat sur la répartition de lexcédent. Certains prétendent que cet excédent revient à tous ceux qui y ont contribué, cest-à-dire à tous les détenteurs (anciens et actuels) dune police; dautres soutiennent que seuls les souscripteurs avec participation y ont droit. Dautres encore croient quil faut fixer des limites (cest à dire opter que le surplus devrait appartenir à tous les souscripteurs actuels durant une période donnée). Enfin, certains croient que lexcédent appartient à « la société », celle-ci layant créée depuis quelle existe. Dans le cas dune société éprouvant de réels problèmes de financement, la question ne se pose quen théorie. Cependant, pour les sociétés ayant un excédent appréciable, elle mérite dêtre sérieusement étudiée. À ce point, il est utile de comprendre comment la Loi sur les sociétés dassurances traite les détenteurs dactions et les souscripteurs. Selon la Loi, une société par actions est :
Les administrateurs dune société possédant des actions ordinaires et les souscripteurs habiles à voter détermineront le nombre dadministrateurs, ou le nombre minimal ou maximal dadministrateurs à élire par les actionnaires et les souscripteurs (art. 73). Une société mutuelle est une société qui ne peut émettre dactions permettant à leur détenteur :
Les articles 226 à 236 de la Loi traitent de la transformation dune société par actions en société par actions en société mutuelle. Le conseil dadministration doit dabord obtenir lapprobation des actionnaires et des souscripteurs habiles à voter (par. 228(1)). Ensuite, il doit présenter au ministre une proposition de mutualisation qui énonce les modalités de transformation. Fait à souligner, toute action (assortie ou non du droit de vote) dune société qui présente une proposition de mutualisation « emporte droit de vote quant à la proposition » (par. 228(2)). Une fois la proposition approuvée par le ministre, le surintendant surveille le processus. La loi fournit de nombreuses précisions sur le processus de mutualisation. Larticle 237 traite de la transformation dune société mutuelle en une société par actions. Les détails doivent être énoncés dans les règlements. 2. Le
statut de souscripteur et dactionnaire en vertu de Une police dassurance-vie est un contrat par lequel un assureur accepte de verser à un bénéficiaire désigné une somme dargent précise lorsquun certain événement se produit. Les trois principaux régimes dassurance sont les suivants : lassurance temporaire, lassurance vie entière et lassurance mixte. Lassurance temporaire prévoit le versement dune somme fixe si lassuré meurt avant une date déterminée; dans le cas de lassurance vie entière, la somme est payable au moment du décès, peu importe le moment où il survient. Quant à lassurance mixte, lassuré reçoit une somme fixe à la fin dune période précise, sil est toujours vivant; sinon, un bénéficiaire désigné reçoit la somme au moment du décès de lassuré. Pour quune société dassurance affiche un excédent, la somme de ses revenus provenant des primes versées et de ses gains de placements doit être supérieure au montant quelle verse aux bénéficiaires de police dassurance. Cette société peut alors décider de distribuer son excédent sous une forme quelconque ou de la conserver pour linvestir. Le droit à lexcédent dépendra de la structure de lentreprise (sagit-il dune société mutuelle ou dune société par actions) et de la nature de la police (sagit-il dune police avec participation ou sans privilège de participation (voir la définition ci-dessous)). a) Au sens financier du terme, une action est un certificat qui indique une propriété dans une société. Il existe diverses catégories dactions, entre autres les actions ordinaires et les actions privilégiées (art. 64 et 65). Les détenteurs dactions ordinaires possèdent un intérêt dans une partie du capital par actions. Cette part peut être achetée et vendue. Ils peuvent toucher des dividendes et/ou des gains en capital. Ils ont droit de participer au prorata à toute distribution de lactif de la société si cette dernière est dissoute. Les souscripteurs acquièrent certains droits et certains avantages lorsquils achètent une police avec participation. Ces droits ne sont pas transférables. Ils comportent entre autres : le droit demprunter sur la valeur de rachat brute de la police, le droit à des dividendes si et lorsque ces dividendes sont déclarés par le conseil dadministration, et, en cas de dissolution (uniquement à la suite dune faillite), le droit davoir préséance sur les autres créanciers de la société et sur les actionnaires dune société dassurance-vie par actions. Une police sans privilège de participation ne confère à son détenteur aucun droit de participer à la distribution de lexcédent. b) Droits de vote des détenteurs dactions ordinaires et des souscripteurs habiles à voter :
c) Les détenteurs dactions ordinaires et les souscripteurs ont le droit délire les administrateurs dune société par actions (art. 50 et 173); les souscripteurs ont le droit délire les administrateurs dune société mutuelle. d) Les actionnaires ou les souscripteurs habiles à voter aux assemblées annuelles peuvent présenter des propositions qui seront examinées dans le cadre de lassemblée annuelle (art. 147 et 198). e) Les administrateurs peuvent soumettre à lapprobation des actionnaires et des souscripteurs des règlements administratifs régissant les affaires de la société (art. 50 et 197). f) Les détenteurs des actions et/ou les souscripteurs habiles à voter peuvent exiger des administrateurs la convocation dune assemblée de souscripteurs ou dactionnaires et de souscripteurs, pour les fins indiquées dans leur requête (article 159). g) Plusieurs règles à légard des non-résidents et non-citoyens existent. Au moins la moitié des administrateurs dune société filiale dune institution étrangère et au moins les trois quarts des administrateurs de toute autre société doivent être résidents canadiens, au moment de leur élection ou de leur nomination (art. 167). Toutefois, une mutuelle est résidente si son siège social et ses activités daffaires sont au Canada, et si au moins les trois quarts de son conseil dadministration et de chacun des comités dadministrateurs sont citoyens canadiens, résidant ordinairement au Canada. Il ny a pas de limite sur la distribution des polices participantes ? c.-à-d. sur les personnes qui votent pour les administrateurs (par. 427 (5)). Dautre part, les non résidents dune société par actions ne peuvent acquérir plus de 25 p. 100 des droits de vote (par. 429). Le ministre peut renoncer à cette restriction pour toute société mutuelle convertie en société par actions (par. 429(6)), mais ne peut y renoncer pour une société par actions existante. Certains croient quil est important que le ministre exerce son pourvoir dexemption de façon libérale. h) Les actionnaires et les souscripteurs habiles à voter doivent approuver les propositions visant à : transférer lensemble ou une partie substantielle des polices; réassurer lensemble ou une partie substantielle des risques assumés; vendre lensemble ou une partie substantielle de lactif (art. 257). En ce cas, chaque action de la société est assortie du droit de vote pour proposition dentente (ou convention), que cette action soit assortie ou non du droit de vote (par. 257(2)). Seuls les souscripteurs habiles à voter emportent droit de vote quant à la convention. i) Certains affirment quune fois la réorganisation mutuelle effective, lentité qui en résulte (soit la société mutuelle de gestion et la société dassurance par actions) peut encore être considérée en tant que mutuelle (c.-à-d. une entête contrôlée par les souscripteurs). Lorsque les souscripteurs détiennent plus de 50 p. cent des droits de vote dune entité, cette dernière est considérée comme une mutuelle. Il est très important que lautorité chargée de réglementer puisse déterminer sous quelles conditions une entreprise peut être considérée comme étant largement détenue. Ceci savère nécessaire dans le cas où le ministre doit renoncer à lobligation en matière de détention publique (art. 411 et 414 de la Loi sur les compagnies dassurances). Cette question savère clairement légale et sinscrit bien au-delà du cadre de cette étude. j) Une société qui offre des polices avec participation doit tenir des comptes séparés de ceux à légard dautres polices (art. 456). De plus, certaines règles sont prévues pour la répartition des revenus et des frais parmi les comptes de participation (art. 457 et 458). Des dispositions prévoient également que les sociétés par actions peuvent verser à leurs actionnaires des sommes prélevées sur un compte de participation (art. 461). Enfin, la société peut attribuer des avantages sous forme de participation aux bénéfices ou aux bonis, aux souscripteurs de police à participation (art. 464). Bref, bien quil existe des similitudes de traitement entre les actionnaires et les souscripteurs habiles à voter, particulièrement les souscripteurs de polices avec participation, il nen reste pas moins dimportantes différences sur le plan légal. En effet, les actionnaires dune société par actions détiennent clairement un titre leur donnant droit à une fraction du capital social ? et le droit de vendre ce titre ?, tandis que la participation des titulaires de police avec participation se limite à la période pendant laquelle leur police avec participation est en règle et elle ne leur permet pas de transférer leur part. De plus, le nombre de voix dun actionnaire est proportionnel à la part quil détient dans les actions en circulation de la société, mais chaque titulaire de police avec participation na quune voix, indépendamment de limportance ou du nombre de ses polices. De fait, une théorie veut que nulle personne ou personnes identifiables ne puisse posséder une société mutuelle, parce quil sagit dune entité autonome dont le capital sest constitué avec le temps par laccumulation de la différence entre les primes encaissées et les intérêts perçus, dune part, et les montants dépensés en frais dexploitation, en impôt et en versements aux bénéficiaires de polices, dautre part. La contribution aux excédents peut donc être le fait de toutes les générations précédentes de titulaires de polices avec participation ? de même que de tous les autres souscripteurs qui ont aussi contribué à laccumulation. Cette théorie poserait de sérieux problèmes au législateur aux prises avec une transformation dune mutuelle et la répartition dun excédent qui serait substantiel. À toutes fins utiles, ni les actionnaires de grandes compagnies ni les souscripteurs de grandes sociétés mutuelles ne disposent de mécanismes pratiques pour jouer un rôle significatif dans le choix des administrateurs ou pour participer à la gestion générale des activités de lentreprise. Les conseils dadministration des deux types de société se renouvellent largement par cooptation et prennent des décisions sur lesquelles les actionnaires ou souscripteurs ont très peu de prise. Dans son document de discussion du 21 mai 1992 sur la transformation des sociétés dassurance mutuelle, le gouvernement a adopté la position selon laquelle les souscripteurs actuels dune société mutuelle, habiles à voter lors dune assemblée convoquée pour examiner une proposition de transformation, doivent approuver la proposition. De plus, lexcédent distribuable (à déterminer) doit être réparti intégralement dans un groupe déterminé de souscripteurs admissibles ? à lexclusion des souscripteurs sans participation et sans droit de vote. Par ailleurs, les conditions dont sont assorties les actions ordinaires émises en faveur des souscripteurs admissibles doivent comporter un droit de préemption sur les actions ordinaires que pourrait émettre la société dans les deux ans de sa transformation. Par conséquent, le gouvernement se fonde sur la théorie implicite que la société appartient aux souscripteurs « admissibles » actuels. Les compagnies dassurances de personnes au Québec tirent leurs origines du fraternalisme et du coopératisme : « Le coopératisme est un système économique par lequel des personnes sapproprient au coût de revient les biens et services dont ils ont besoin, à lintérieur dassociations démocratiques dont ils sont propriétaires à parts égales ». Cela caractérise les compagnies québécoises et contribue à expliquer les divers choix de réorganisation. Selon certains auteurs, cela explique aussi les distinctions entre les compagnies dassurance de personnes québécoises et canadiennes-anglaises. Les mouvements fraternaliste et de coopération sont souvent nés en réaction aux excès du capitalisme et sont basés sur des critères de solidarité et dentraide, un point de vue qua semblé accepter lAssemblée nationale du Québec. Dautre part, aux États-Unis, le législateur a toujours été convaincu de la nature capitaliste dune mutuelle. Notons que si des différences existent entre le produit offert par une société dassurance mutuelle et celui offert par une compagnie dassurance à capital-actions (voir partie A.1 : aspects juridiques), elles se situent principalement au niveau du droit de vote et au niveau de la participation aux dividendes obtenus en échange de lachat dune police dassurance, selon les dispositions du contrat. Depuis 1985, plusieurs groupes ont tenté dexaminer la possibilité dimplanter un cadre législatif. En 1987, au Québec, un projet mis de lavant pour légiférer sur la question na pas été implanté. Une conclusion commune à ces groupes a consisté à préférer un traitement « cas par cas », vu le caractère complexe des contrats dassurance entre les compagnies, de même quà lintérieur de celles-ci. Ce contexte étant posé, il convient dexaminer les possibilités daccès aux capitaux, qui constituent lobjet de la section qui suit. Le financement des mutuelles dassurances est problématique, vu laccès relativement difficile au capital de risque. Comme les mutuelles nont pas accès au financement par capital de risque, elles doivent faire appel à lautofinancement par le biais de titres dendettement, dobligations non-garanties et de billets. Parmi les compagnies québécoises réorganisées, mentionnons La Laurentienne (1988). Il existe en réalité huit lois privées pour la réorganisation de mutuelles au Québec qui se basent toutes sur le modèle de la Laurentienne. De plus, la mainmise étrangère au sein des mutuelles pousse le gouvernement à intervenir. Lusage des règles actuarielles est requis et des exigences sur le capital sont établies. Toutefois, des critères détaillés traitant la nature changeante des compagnies qui se démutualisent sont rares. En mars 1991, une commission parlementaire du Québec sest penchée sur le financement des mutuelles. Dans le rapport Garneau, qui venait dêtre déposé, on examinait les divers moyens de financement dont disposent les sociétés mutuelles. Il sagit en loccurrence des actions privilégiées, des obligations non garanties, des billets, du holding en aval et de la démutualisation. Or, le holding en aval (voir la section Le cas de La Laurentienne, plus bas) semble être le mécanisme de financement le plus efficace pour une mutuelle. Dans son rapport, M. Garneau a recommandé le recours à la dette comme instrument de financement, pour tenter déviter les conflits dintérêts pouvant résulter de la cohabitation dintérêts privés. Comme il a déjà été mentionné, certaines sociétés dassurances à charte fédérale doivent surmonter leurs problèmes de financement et daccès au capital. La démutualisation « pure » nest pas une solution retenue par toutes les compagnies, vu le risque de prise de contrôle qui laccompagne. Il leur faut dautres formules de transformation. Dans la section qui suit, nous examinons le cas de la Laurentienne. 2. Le cas de La Laurentienne, compagnie mutuelle dassurance En 1988, La Laurentienne a entrepris sa transformation. Elle souhaitait une transformation qui respecte et conserve sa nature mutuelle. Pour ce faire, elle a dabord créé un véhicule de financement public : la Corporation du Groupe La Laurentienne (1985). Elle a ensuite obtenu, par voie législative (Projet de loi 206, le 17 juin 1988), le droit de scinder la Mutuelle dassurance en deux entités : une société mutuelle et une société par actions qui pouvait servir de véhicule de financement public. À cet effet et suite à une résolution en conseil dadministration, un Comité dexperts a été chargé :
Ce comité a remis son rapport le 21 décembre 1988. Afin de remplir son mandat dévaluation, le comité a dabord présenté une discussion des droits des assurés, des droits des membres de la mutuelle et de ceux de la Corporation de gestion, ainsi que de ceux des souscripteurs « participants » comparativement à ceux des détenteurs dactions privilégiées. La définition de ces droits permettait la distribution du surplus, qui est considéré dans le calcul de la valeur marchande de la La Laurentienne, compagnie mutuelle dassurance, selon la méthode de calcul choisie et selon la valeur des actions ordinaires à être émises à la Corporation de Gestion. Dans les conclusions de son rapport, le comité a souligné que le processus de transformation a réussi à ne pas modifier les droits des membres, assurés et détenteurs de titres privilégiés; que les mesures nécessaires pour assurer la protection des droits des assurés, des membres et des détenteurs de titres privilégiés avaient été réduits le plus possible; que les provisions pour couvrir les paiements futurs étaient suffisantes; et que lanticipation de dividendes était chose réaliste. À la troisième et dernière étape législative la structure juridique de la Corporation du Groupe La Laurentienne a été modifiée afin de permettre le passage des activités dassurance en aval ainsi que les activités communes à la Laurentienne Vie et à dautres filiales de la Corporation. Lexemple de la Laurentienne illustre donc quil est possible de transformer une mutuelle, pour accéder au marché des capitaux, tout en préservant le principe de la mutualité qui lui est propre. La Loi 206, loi concernant La Laurentienne, Mutuelle dassurance témoigne de la décision de lAssemblée nationale du Québec dadopter une approche « cas par cas » à légard des réorganisations des mutuelles. Huit lois privées du Québec calquent pour lessentiel la Loi 206, cest-à-dire quelles utilisent la formule de la mutuelle de gestion. Certaines caractéristiques sont à surveiller lors dune transformation. Il sagit du traitement équitable du patrimoine mutualiste, de lobligation pour les gestionnaires à se soumettre à la discipline du marché ainsi que de la possibilité dun passage du contrôle de lentreprise à des intérêts étrangers. Dans le cas de La Laurentienne, compagnie mutuelle dassurance, la prise de contrôle de lentreprise par actionnaires a été évitée de justesse. De fait, puisque la plupart des mutualisations se sont effectuées afin déviter les prises de contrôle par des étrangers, il serait assez ironique quune démutualisation les expose davantage à de tels risques. Voici maintenant un aperçu de lexpérience à lextérieur du Canada. C. Les sociétés dassurances mutuelles à létranger Les démutualisations survenues dans dautres pays ont souligné limportance primordiale de déterminer la propriété du surplus. De plus, certaines combinaisons de transformation ont eu du succès. Aux États-Unis, la législation sur la démutualisation existe depuis longtemps; elle varie cependant selon lÉtat. Certains États autorisent la transformation dune mutuelle. Ainsi, au Wisconsin, la législation à cet égard est centenaire. Dans les années 50, un modèle a été élaboré sur celui du Wisconsin. Ce modèle appelé « Williams Model » fait aujourdhui partie de la législation de 18 États. Vingt autres États ont un modèle de transformation qui diffère du modèle Williams. Enfin, quatre États interdisent toute transformation dune compagnie dassurance-vie mutuelle et dix ne possèdent aucune loi à cet égard. Le cadre législatif canadien suit dassez près la structure de certains États américains. Ceci est particulièrement vrai pour lÉtat de New York. Avant les années 80, cet État interdisait la transformation dune mutuelle. Sa loi en prévoit maintenant plusieurs formes de transformation autorisées; lune vise particulièrement les compagnies sans capital extérieur, une autre vise les petites compagnies. De plus, le surintendant peut déterminer une forme particulière de transformation selon le cas. En 1986, la Union Mutual a réussi sa démutualisation. Dautres tentatives américaines, par contre, nont pas été aussi fructueuses. Les plans dexpansion de la Union Mutual justifiaient de nouveaux besoins de capitaux. Par ailleurs, avec la réforme fiscale américaine, des mesures dissuasives accentuaient le désir de transformation. Au cours des dernières décennies, de nombreuses compagnies (en assurance-vie surtout) ont tenté de se transformer pour améliorer leur situation financière. Les changements structurels au sein des compagnies dassurance sont significatifs. En 1960, cinq compagnies mutuelles américaines sinscrivaient parmi les 10 plus grandes institutions financières (pour ce qui est du capital), aux États-Unis. En 1985, il nen restait plus que deux. Au Canada cest le phénomène inverse quon remarque. La plupart des sociétés mutuelles comptent au nombre des grandes sociétés dassurance-vie canadiennes. Par-dessus tout, les chances de réussite dune transformation dune compagnie reposent sur son état de santé initial et sur les motifs qui la poussent à se transformer. Quel que soit le contexte législatif ou fiscal, les chances de réussite dune transformation pour une compagnie en bonne santé sont certainement plus grandes que celles dune compagnie qui a des difficultés. Car laccès aux capitaux devient crucial pour la survie de cette dernière. Le projet de loi C-59, relativement bref, renferme dix modifications techniques à la Loi sur les sociétés dassurances. Ces modifications sont destinées à sassurer quà loccasion du processus de démutualisation, les souscripteurs seront tenus pleinement informés, quils auront le temps voulu pour étudier les enjeux et quils seront traités de façon équitable par les compagnies. Larticle 1, qui remplacerait lalinéa 142(1)d) de la Loi sur les sociétés dassurances, redéfinit les pouvoirs dont disposent les administrateurs dune compagnie mutuelle de fixer la date à laquelle un souscripteur aurait le droit de recevoir des avantages à légard de la démutualisation. Larticle 2, qui modifierait lalinéa 143(1)b) de la Loi et modifierait lalinéa 143(1)c), précise la durée du préavis (exprimé en nombre de jours) à la tenue dune assemblée portant sur la démutualisation. Larticle 3, qui modifierait le paragraphe 149(1.2) de la Loi, indique quand la liste des souscripteurs devrait être dressée en vue de lassemblée de la compagnie. Larticle 4 ajouterait quatre définitions au paragraphe 236(1) de la Loi, à savoir « proposition de transformation » (pour transformer une mutuelle en société par capital-action); « société en transformation » (au sens des règlements); « souscripteur admissible » (au sens des règlements) et « lettres patentes de transformation » (soit les lettres patentes délivrées en vertu de lalinéa 237(1)b de la Loi). Larticle 5, qui remplacerait le paragraphe 237(1) ainsi que les alinéas 237(2)a) et b), qui modifierait le paragraphe 237(2) et abrogerait le paragraphe 236(3) de la Loi, traite des aspects suivants : renseignements devant être fournis dans une demande de démutualisation; valeur établie pour la compagnie désireuse de se convertir; renseignements que la société en transformation doit envoyer à ses souscripteurs; processus dinformation des souscripteurs au sujet de la conversion; dédommagement versé ou actions ou options remises aux administrateurs et aux dirigeants de la société en transformation, et date à laquelle lavis de convocation dassemblée spéciale portant sur la proposition de transformation doit être envoyé aux souscripteurs. Cest essentiellement le surintendant des Institutions financières qui aurait le pouvoir de contrôler toutes ces questions et de donner des consignes aux dirigeants des compagnies pour quils se plient aux conditions énoncées. Larticle 6 remplacerait le paragraphe 237.1 de la Loi pour préciser quand la compagnie cesse dêtre une compagnie mutuelle. Larticle 7 remplacerait le paragraphe 407(4) de la Loi pour imposer à la compagnie transformée de devenir une institution à capital dilué (cest-à-dire pour que personne ni aucun groupe de personnes agissant de concert ne puisse contrôler plus de 10 p. 100 des parts donnant droit au vote, en circulation, de la compagnie transformée). Larticle 8 modifierait larticle 462 de la Loi pour permettre des transferts dun compte participant afin de favoriser la réalisation de la démutualisation. Larticle 9, qui modifierait larticle 587.1 de la Loi, traite du cas des compagnies étrangères changeant dagent principal ou modifiant ladresse de ce dernier. Cet article na rien à voir avec la démutualisation. Aux termes de larticle 10, ce projet de loi entrerait en vigueur à une date fixée par décret. B. Considérations dordre international Les compagnies dassurances canadiennes sont des organismes internationaux puisquelles vendent des polices dans le monde entier. Ainsi, les quatre grandes compagnies mutuelles (La Financière Manuvie, la Sun Life, la Canada-Vie et la Mutuelle vie du Canada) comptent des centaines de milliers de souscripteurs aux États-Unis. Cela revient à dire quune compagnie mutuelle envisageant de se convertir, communiquera avec ses assurés participants, dans le monde entier. Aux États-Unis, les compagnies dassurances sont réglementées par les États. Les compagnies canadiennes ayant décidé de faire du Michigan leur port dentrée pour toutes leurs transactions dassurance aux États-Unis, le commissaire aux assurances de lÉtat du Michigan sintéresse de très près à la démutualisation des quatre compagnies susmentionnées. Il sintéresse surtout au règlement qui limiterait la distribution de la valeur de la compagnie aux seuls souscripteurs ayant droit de vote. Au Michigan, tous les souscripteurs, participants comme non-participants, sont membres à part entière des compagnies mutuelles et, en tant que tels, ont un droit de vote. Le commissaire a indiqué quil jugerait inéquitable que tous les souscripteurs nayant pas droit de vote ne puissent pas bénéficier du produit des transformations. Ce sont là donc autant daspects quil conviendra de régler avec lorganisme de réglementation du Michigan. * Les paragraphes qui suivent (jusquà la rubrique « Projet de loi C-59 » en page 15) sont tirés du vingt-deuxième rapport (Rapport sur la transformation des sociétés mutuelles du Canada) du Comité sénatorial des banques et du commerce, 22 juin 1992, avec quelques modifications. |