Direction de la recherche parlementaire


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LS-342F

PROJET DE LOI C-62 :  LOI SUR LES EAUX DU NUNAVUT
ET LE TRIBUNAL DES DROITS DE SURFACE DU NUNAVUT

Rédaction :
Mary C. Hurley, Division du droit et du gouvernement
Jill Wherrett, Division des affaires politiques et sociales

Le 9 juin 1999


 

HISTORIQUE DU PROJET DE LOI C-62

 

CHAMBRE DES COMMUNES

SÉNAT

Étape du Projet de loi Date Étape du projet de loi Date
Première lecture : 4 décembre 1998 Première lecture :  
Deuxième lecture :   Deuxième lecture :  
Rapport du comité :   Rapport du comité :  
Étape du rapport :   Étape du rapport :  
Troisième lecture :   Troisième lecture :  


Sanction royale :
Lois du Canada







N.B. Dans ce résumé législatif, tout changement d'importance depuis la dernière publicaiton est indiqué en caractères gras.

 

 

 

 

TABLE DES MATIÈRES

CONTEXTE

   A. Généralités

   B. Les institutions de gestion des ressources et des terres du Nunavut

DESCRIPTION ET ANALYSE

   A. Dispositions préliminaires

   B. Partie 1 : Eaux du Nunavut
      1. Aperçu
      2. Articles 4 à 13 : Dispositions générales
      3. Section 1 (articles 14 à 41) : Office des eaux du Nunavut
      4. Section 2 (articles 42 à 80) : Attribution de permis
      5. Section 3 (articles 81 à 93) : Règlements et décrets, contrôle d’application,
          et infractions et peines

   C. Partie 2 : Tribunal des droits de surface du Nunavut
      1. Dispositions préliminaires (articles 94 à 96)
      2. Section 1 (articles 98 à 131) : Mise en place du Tribunal
      3. Section 2 (articles 132 à 141) : Ordonnances relatives aux terres inuit
      4.   Section 3 : Ordonnances relatives à l’entrée sur les terres non inuit (articles 142 à 148)
      5. Section 4 (articles 149 et 150) : Droit minier et pierre à sculpter
      6. Section 5 (articles 151 à 157) : Indemnités relatives aux ressources fauniques
      7. Section 6 (articles 158 à 169) : Dispositions générales

   D. Partie 3 (articles 170 à 205) : Dispositions transitoires, modifications de la présente loi
        et d’autres lois, modification conditionnelle

COMMENTAIRE

   A. Réflexions de la NTI sur le projet de loi C-51

   B. Le projet de loi C-62

   C. Opinion de la NTI sur le projet de loi C-62


 

PROJET DE LOI C-62 : LOI SUR LES EAUX DU NUNAVUT
ET LE TRIBUNAL DES DROITS DE SURFACE DU NUNAVUT

 

CONTEXTE

Le projet de loi C-62, Loi concernant les ressources en eau du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut et modifiant diverses lois en conséquence (Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut), a été présenté à la Chambre des communes le 4 décembre 1998. Il mettrait en œuvre les dispositions de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut de 1993 se rapportant à la gestion des eaux et à la création d’un Tribunal des droits de surface pour le nouveau territoire du Nunavut, fondé le 1er avril 1999.

   A. Généralités

En 1977, Inuit Tapirisat du Canada (ITC) a réclamé le territoire le plus étendu jamais demandé dans l’histoire du Canada. Sa revendication visait 1 900 000 kilomètres carrés au centre et dans l’est des Territoires du Nord-Ouest, ainsi que des zones extracôtières adjacentes, et la création d’un nouveau territoire politique qui s’appellerait le Nunavut. ITC a ensuite accepté que la création du Nunavut soit traitée à part de la négociation des revendications globales.

En 1982, la Fédération Tunngavik du Nunavut (FTN) a remplacé ITC comme organe de négociation des Inuit. En 1990, la FTN, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et le gouvernement fédéral ont conclu une entente de principe (EP) puis, à la fin de 1991, l’accord définitif sur les principaux éléments de la revendication territoriale.

L’article 4 de l’accord définitif, intitulé « Évolution politique du Nunavut » a été déterminant pour l’issue des négociations sur les revendications territoriales du Nunavut. En vertu de celui-ci, le Canada s’engageait à créer le territoire et le gouvernement du Nunavut à l’issue de la négociation d’un accord politique sur la date, la procédure à suivre et les questions de fond à régler. En octobre 1992, après un plébiscite victorieux sur le principe de la division des Territoires du Nord-Ouest, l’accord politique du Nunavut garantissant la création du Nunavut au plus tard en 1999 a été signé.

En novembre 1992, à peu près 70 p. 100 des Inuit de l’est de l’Arctique ont ratifié l’accord définitif. L’Accord entre les Inuit de la région du Nunavut et Sa Majesté la Reine du chef du Canada a été signé par des représentants du gouvernement fédéral, du gouvernement territorial et de la FTN en mai 1993. Aux termes de l’article 2.2.1, cet accord sur les revendications territoriales du Nunavut (ci-après « l’Accord ») « constitue un accord sur des revendications territoriales au sens de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 ». L’article 4 prévoit toutefois que ni l’accord politique, ni aucune mesure législative édictée conformément à celui-ci ne fait partie de l’Accord ni ne bénéficie de la protection de l’article 35 à titre d’accord sur des revendications territoriales.

L’Accord délimite la région du Nunavut, qui s’étend sur près de deux millions de kilomètres carrés, soit à peu près le cinquième de la superficie totale de la partie terrestre du Canada. Il prévoit une indemnité monétaire de 1,14 milliard de dollars, dont le versement à la Fiducie du Nunavut pour les Inuit sera étalé sur 14 ans, et la propriété par les Inuit de 350 000 kilomètres carrés de territoire à l’intérieur de la région du Nunavut, y compris les droits miniers sur près de 10 p. 100 de cette superficie. En contrepartie de ces avantages et des autres garanties de l’Accord, les Inuit acceptent l’extinction de leurs droits ancestraux sur les terres et les eaux ailleurs au Canada ou sur les régions extracôtières adjacentes où le Canada exerce sa compétence ou sa souveraineté.

La loi fédérale ratifiant l’Accord (la Loi concernant l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut(1)) et celle créant le territoire du Nunavut le 1er avril 1999 (la Loi sur le Nunavut(2)) ont reçu la sanction royale en juin 1993. La Loi concernant l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut est entrée en vigueur le 9 juillet 1993, mettant ainsi un terme à la procédure de ratification de l’Accord. Toujours en 1993, on a confié à la Nunavut Tunngavik Incorporated (NTI), l’organisation qui a succédé à la FTN, la responsabilité de mettre en œuvre les obligations des Inuit aux termes de l’Accord et de s’assurer que les gouvernements signataires de l’Accord remplissent leurs obligations respectives.

   B. Les institutions de gestion des ressources et des terres du Nunavut

L’Accord établit, pour la région du Nunavut, les autorités chargées de la protection de l’environnement et de la gestion de la faune, des terres et des ressources. Conformément à l’article 5, le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut (CGRFN) est une « institution gouvernementale » constituée à la date de ratification de l’Accord. Les articles 11 à 13 prévoient aussi la création de la Commission d’aménagement du Nunavut (CAN), de la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions (CNER) et de l’Office des eaux du Nunavut (« l’Office »). En vertu de l’article 21, un tribunal des droits de surface (le « Tribunal ») doit être constitué à la demande d’une organisation inuit désignée ou peut être établie sur l’initiative du Gouvernement.

Les articles 10.1.1 et 10.2.1 de l’Accord prévoient que, contrairement à la CGRFN, les autres institutions énumérées sont constituées « par mesure législative » et leurs pouvoirs, fonctions, objectifs et obligations substantiels doivent être énoncés dans une loi. Selon l’échéancier prévu à l’article 10, le Tribunal serait constitué « six mois après » la date de ratification de l’Accord, tandis que la CNER et l’Office seraient constitués au plus tard à la date du deuxième anniversaire de la ratification.

L’article 10.10.1 prévoit l’éventualité que la loi requise tarde à être adoptée. Il se lit comme suit :

Si la mesure législative ayant pour objet de constituer l’une des institutions mentionnées à l’article 10.1.1 n’est pas en vigueur au premier anniversaire de la date prévue pour la constitution de cette institution :

a) s’il s’agit du Tribunal, le ministre en nomme les membres;

b) dans le cas de la CNER, de la CAN ou de l’Office, les dispositions de l’Accord régissant la nomination des membres de l’institution concernée sont réputées être en vigueur à cette date anniversaire.

Dès leur nomination, les membres sont réputés avoir, à toutes fins que de droit, les attributions prévues par l’Accord.

Comme aucune loi fédérale respectant les échéances fixées à l’article 10.1.1 n’a été adoptée, les quatre institutions en question exercent depuis 1996 les « attributions prévues par l’Accord ». Malgré ce fait, l’article 10.10.3 de l’Accord prévoit aussi que le « [g]ouvernement peut, en tout temps, de la manière prévue par les autres parties du présent chapitre et en conformité avec [les autres parties de l’article 10], constituer de nouveau les institutions déjà constituées en application de l’article 10.10.1 ».

De l’avis du gouvernement fédéral, l’Accord l’oblige à constituer l’Office et le Tribunal par mesure législative, quelle que soit leur situation(3). Dans le cas de l’Office, la loi est rendue nécessaire, dit-on, « par les lacunes que comporte la description des pouvoirs de l’office des eaux dans l’Accord et par le manque de certitude concernant la compétence du nouvel office par rapport à celle de l’actuel Office des eaux des Territoires du Nord-Ouest »(4). Dans le cas du Tribunal, le gouvernement est tenu « d’établir par voie législative l’ensemble des pouvoirs, des fonctions, des objectifs et des obligations effectifs du Tribunal »(5).

DESCRIPTION ET ANALYSE

Le projet de loi C-62 comprend un préambule, 205 articles et deux annexes. Nous nous bornons ci-après à souligner certaines de ses dispositions sans examiner chaque article.

   A. Dispositions préliminaires

Le préambule du projet de loi indique que le contexte de la Loi proposée est constitué des éléments suivants : la signature de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut; le fait que l’Accord est entré en vigueur le 9 juillet 1993; et le fait que le gouvernement du Canada s’est engagé, dans l’Accord, à faire en sorte que l’Office et le Tribunal soient constitués en organismes publics dont les pouvoirs, les fonctions, les objectifs et les obligations substantiels doivent être énoncés dans une loi.

Comme d’autres lois donnant effet aux dispositions des traités modernes comparables à l’Accord, le projet de loi C-62 rappelle expressément les termes de l’Accord prévoyant que ses dispositions l’emportent sur les dispositions incompatibles de la Loi et que celles-ci l’emportent sur les dispositions incompatibles de toute autre loi fédérale, à l’exception de la Loi concernant l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut (article 3).

   B. Partie 1 : Eaux du Nunavut

      1. Aperçu

Le projet de loi C-62 est le second projet de loi à traiter de la constitution de l’Office. Le projet de loi C-51, Loi concernant les ressources en eaux du Nunavut, a été présenté en juin 1996, pendant la trente-cinquième législature, et il a été renvoyé au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord qui a entendu des témoins en novembre 1996. Le projet de loi n’a pas dépassé l’étape de l’étude en comité, surtout parce qu’on a estimé que les négociations devaient reprendre entre les fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (le « Ministère ») et la NTI afin de régler les différends en suspens sur la façon de s’assurer que la loi de mise en œuvre reflète les clauses de l’Accord.

À l’instar du projet de loi C-51, la partie 1 du projet de loi C-62 constituerait l’Office en vue de l’attribution des permis d’utilisation de l’eau et de rejet de déchets au Nunavut. Elle définit les pouvoirs de l’Office et sa compétence en matière de réglementation, d’utilisation et de gestion des eaux dans la région du Nunavut. Ces pouvoirs équivaudraient à ceux de l’Office des eaux des Territoires du Nord-Ouest, constitué en vertu de la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest, sous réserve de dispositions spécifiques de l’Accord. Ainsi, les permis relatifs à l’eau dans la région du Nunavut seraient attribués au Nunavut plutôt que dans les Territoires du Nord-Ouest (T. N.-O.).

La partie 1 obligerait l’Office à travailler conjointement avec la CAN sur l’élaboration des plans d’utilisation des terres ayant un effet sur l’eau, et avec la CNER (ou, tel que le prévoit l’Accord, une commission fédérale d’évaluation environnementale(6)) pour évaluer les incidences environnementales des projets concernant l’eau proposés pour le Nunavut.

      2. Articles 4 à 13 : Dispositions générales

L’article 4 définit toute une série de termes employés dans cette partie de la Loi. En vertu de l’article 8, la propriété et le droit d’utilisation des eaux du Nunavut et de leur énergie motrice seraient dévolus à Sa Majesté, sous réserve des droits sur les eaux conférés aux termes de l’Accord à « l’organisation inuit désignée » (la NTI ou une organisation désignée par elle). L’article 9 autoriserait le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (le « ministre ») à déléguer au ministre territorial chargé des ressources en eau diverses attributions qui lui seraient conférées par la Loi. L’article 11 interdirait l’utilisation des eaux du Nunavut sans permis, sauf certaines exceptions expresses telles que l’utilisation à des fins domestiques ou dans certains cas d’urgence.

      3. Section 1 (articles 14 à 41) : Office des eaux du Nunavut

Cette partie du projet de loi a trait à la constitution et à l’organisation de l’Office. Elle comporte des dispositions régissant la composition de l’Office et la nomination de ses membres, leur mandat et leur rémunération. En vertu du paragraphe 14(3), la moitié des membres de l’Office seraient nommés sur la recommandation de l’organisation inuit désignée.

L’article 25 prévoit que l’Office serait tenu d’exercer ses activités et de mener ses enquêtes publiques dans les deux langues officielles et, sur demande, en inuktitut. L’article 26 porte que le siège de l’Office se trouverait à Gjoa Haven. Les dispositions des articles 28 à 31 concernant le statut et les pouvoirs généraux de l’Office autoriseraient celle-ci à acquérir et à aliéner des biens, à conclure des contrats et à ester en justice sous son propre nom.

En vertu du paragraphe 32(1), l’Office soumettrait annuellement un budget à l’examen du ministre. Le paragraphe 32(4) prévoit que les comptes de l’Office seraient vérifiés chaque année et, à la demande du ministre, par le vérificateur général du Canada. Le vérificateur de l’Office et, le cas échéant, le vérificateur général seraient tenus de présenter leurs rapports à l’Office et au ministre.

L’article 35 énonce la mission de l’Office, qui consisterait à veiller à la conservation et à l’utilisation des eaux du Nunavut  —  à l’exclusion de celles des parcs nationaux — de la façon la plus avantageuse possible pour les habitants du Nunavut et tous les Canadiens. L’Office serait tenu, en vertu des articles 36 et 37, de collaborer à l’élaboration par la CAN des plans d’aménagement qui touchent les eaux, et de collaborer avec la CAN et la CNER, ou toute commission fédérale d’évaluation environnementale mentionnée à l’article 12.4.7 de l’Accord, à la coordination de l’examen des demandes. Dans les circonstances prévues aux articles 38 et 39, l’exercice du pouvoir conféré à l’Office de délivrer, de modifier ou de renouveler un permis pourrait être restreint ou retardé par la CAN ou la CNER. Le paragraphe 41(1) autoriserait l’Office, soit individuellement, soit conjointement avec la CAN, la CNER et le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, à faire des recommandations concernant les zones marines.

      4. Section 2 (articles 42 à 80) : Attribution de permis

Ces articles énoncent les règles, les formalités et les conditions d’attribution des permis par l’Office. Ainsi, les articles 51 et 52 décrivent les circonstances dans lesquelles l’Office pourrait ou devrait tenir une enquête publique sur les demandes de permis. Le paragraphe 56(1) prévoit que la délivrance, le renouvellement, la modification et l’annulation d’un permis de type A et, dans les cas où une enquête publique est tenue, de type B seraient subordonnés à l’approbation du ministre(7). Les articles 58 à 60 visent la question de l’indemnisation des titulaires actuels de permis et d’autres lorsqu’un projet d’utilisation des eaux ou de rejet de déchets nuirait ou serait susceptible de nuire à leur utilisation des eaux. L’article 61 énumère les facteurs que l’Office serait tenu de prendre en compte pour déterminer si l’indemnité est suffisante.

Les articles 62 à 67 traitent expressément de la délivrance des permis touchant l’utilisation des eaux et le rejet de déchets sur des « terres inuit », c’est-à-dire les terres appartenant aux Inuit sous le régime de l’Accord. L’article 62 conférerait à l’utilisation existante des eaux par les Inuit la priorité sur les activités de tout titulaire de permis qui est titulaire d’un droit minier. En vertu du paragraphe 63(1), il serait interdit à l’Office de délivrer un permis susceptible de modifier d’une façon importante la qualité, la quantité ou le débit des eaux traversant une terre inuit, sauf si le demandeur a conclu un accord d’indemnisation avec l’organisation inuit désignée ou si l’Office a fixé une indemnité convenable. De plus, aux termes de l’article 64, l’Office serait tenu de collaborer avec son homologue des T. N.-O. pour fixer conjointement l’indemnité à verser pour l’utilisation d’eau, à l’extérieur du Nunavut, qui serait susceptible de modifier de façon importante les eaux traversant des terres inuit. Selon l’article 65, il est entendu que ces règles d’indemnisation s’appliqueraient aux plans d’eau qui délimitent des terres inuit et « d’autres terres ». Les facteurs dont l’Office devrait tenir compte pour déterminer l’indemnité sont énumérés à l’article 67; ils comprennent les effets cumulatifs du changement, l’attachement culturel des Inuit pour les terres concernées, toute atteinte causée aux droits des Inuit découlant de l’Accord, et ainsi de suite.

Les articles 69 à 74 conféreraient à l’Office le pouvoir d’assortir un permis « des conditions qu’il juge indiquées ». Ils préciseraient que les conditions doivent être de nature à atténuer soit les effets nuisibles de l’utilisation de l’eau ou du rejet de déchets, soit les entraves que ces activités causent; et exigeraient que les conditions assortissant un permis remplissent certaines normes minimales dans certaines circonstances, ayant trait, par exemple, à la qualité des eaux ou à certains règlements sur les pêches.

L’article 76 est une longue disposition visant l’expropriation d’une terre ou d’un intérêt afférent au Nunavut. En vertu du paragraphe 76(1), le demandeur d’un permis pourrait être autorisé à exproprier une telle terre ou un intérêt conformément à la Loi sur l’expropriation (fédérale), si le ministre, sur la recommandation de l’Office, est convaincu que certaines conditions, y compris le critère de l’intérêt public, sont réunies. Le paragraphe 76(4) énonce la procédure de règlement, par la négociation ou l’arbitrage, des différends sur l’indemnisation entre l’organisation inuit désignée et le demandeur d’un permis. En vertu du paragraphe 76(11), les terres fédérales au Nunavut, ou les terres dont le gouvernement fédéral a le pouvoir de disposer, ne pourraient pas être expropriées. L’expropriation des terres inuit serait assujettie à la partie pertinente de l’Accord, selon le paragraphe 76(12).

      5. Section 3 (articles 81 à 93) : Règlements et décrets, contrôle d’application,
          et infractions et peines

L’article 81 conférerait au gouverneur en conseil, sur la recommandation du ministre, le pouvoir de prendre des règlements visant divers sujets reliés à la gestion des eaux et au rejet de déchets au Nunavut, notamment pour autoriser l’utilisation sans permis des eaux et en déterminer les conditions et pour déterminer les critères que l’Office devra suivre pour décider du type de permis requis par un projet d’utilisation des eaux ou de rejet de déchets. Aux termes de l’article 82, le gouverneur en conseil pourrait ordonner à l’Office de ne pas délivrer de permis concernant les eaux désignées, ou interdire l’utilisation des eaux ou le rejet de déchets, dans les circonstances prévues, afin de permettre l’étude et la planification détaillées de l’utilisation de ces eaux, y compris la planification par la CAN.

Les articles 84 à 88 énoncent les mesures proposées pour le contrôle d’application par le ministre ou par des inspecteurs désignés par lui. L’article 85 autoriserait un inspecteur à procéder à la visite de tout lieu, sauf une habitation, s’il a des motifs raisonnables de croire que c’est nécessaire pour faire observer la partie 1, ses règlements ou un permis. En outre, en vertu de l’article 86, un inspecteur pourrait, dans certaines circonstances expresses, ordonner la prise de mesures qu’il juge « raisonnable d’imposer », y compris la cessation de toute activité, pour empêcher l’utilisation des eaux, le rejet de déchets ou une défaillance d’un travail ayant trait à l’une ou l’autre de ces activités, ou encore pour en neutraliser, atténuer ou réparer les effets nuisibles. Toute mesure ainsi ordonnée serait communiquée à l’Office ou au ministre qui, après révision, pourrait les modifier ou les révoquer. L’article 87 prévoit que, dans certaines circonstances, le ministre pourrait prendre les mesures nécessaires pour empêcher ou réparer tout effet nuisible résultant de la fermeture ou de l’abandon d’un ouvrage lié à l’utilisation des eaux ou au rejet de déchets.

Les articles 89 et 90 définissent la conduite qui pourrait constituer une infraction à la Loi, punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, et les amendes ou peines d’emprisonnement assorties.

   C. Partie 2 : Tribunal des droits de surface du Nunavut

La partie 2 du projet de loi créerait le Tribunal et lui conférerait la compétence de régler un certain nombre d’affaires, notamment les différends entre des Inuit et des personnes qui veulent avoir accès à des terres inuit, les différends entre des personnes qui occupaient des terres domaniales et des titulaires de droits d’exploitation du sous-sol qui veulent avoir accès à des terres domaniales, et les différends concernant les pertes subies par les Inuit par suite des dommages causés à la faune par des activités d’aménagement.

      1. Dispositions préliminaires (articles 94 à 96)

L’article 94 renferme la définition de divers termes employés dans la partie 2. Les articles 95 et 96 tiennent compte du fait que des peuples autochtones autres que les Inuit au Canada ont présenté des revendications territoriales visant le Nunavut(8). L’article 95 obligerait le ministre à examiner avec les représentants de ces peuples l’application des dispositions de la partie 2 — à l’exclusion de celles mettant en œuvre des obligations de l’Accord — afin de déterminer s’il y aurait lieu de modifier ces dispositions parce qu’elles sont incompatibles avec les questions en négociation. L’article 96 porte que, sous réserve de l’Accord, nul autre qu’un Inuk ne pourrait entrer dans le Nunavut sans le consentement de l’organisation inuit désignée. De plus, nulle ordonnance relative à l’entrée n’aurait pour effet de soustraire le titulaire à une obligation prévue par une loi fédérale ou par l’Accord.

      2. Section 1 (articles 98 à 131) : Mise en place du Tribunal

Ces articles prévoient la constitution du Tribunal et énoncent les pouvoirs et les règles de procédure de celui-ci. Les articles 98 à 103 portent que les membres du Tribunal seraient nommés par le ministre et précisent leur mandat et leur rémunération. Comme c’est le cas pour l’Office constitué à la partie 1, au moins deux des membres du Tribunal devraient résider au Nunavut.

En vertu de l’article 105, le Tribunal serait tenu d’exercer ses activités et de tenir ses audiences dans les deux langues officielles et, sur demande, en inuktitut. L’article 106 prévoit que le siège du Tribunal serait situé à Iqaluit et, aux termes de l’article 111, le Tribunal, à l’instar de l’Office, aurait le pouvoir d’acquérir et d’aliéner des biens, de conclure des contrats et d’ester en justice sous son propre nom. Selon l’article 113, les comptes du Tribunal seraient vérifiées annuellement par le vérificateur général du Canada, tandis que l’article 114 obligerait le Tribunal à soumettre un rapport d’activité annuel au ministre.

En vertu de l’article 116, toute demande portée devant le Tribunal serait irrecevable si le demandeur n’a pas tenté d’abord de négocier un règlement suivant les règles prescrites. Le paragraphe 116(2) et l’article 117 restreindraient le pouvoir du Tribunal de rendre des ordonnances dans certaines circonstances; par exemple, il ne pourrait statuer sur une question dont il n’a pas été saisi par les parties.

L’article 118 obligerait le Tribunal à instruire les affaires avec célérité et sans formalisme, à accorder l’importance voulue aux connaissances des Inuit en matière de ressources fauniques et d’environnement, et, dans le cas de certaines demandes, à prendre en considération l’importance des ressources fauniques pour les Inuit.

Les autres articles de la section 1 portent surtout sur des questions de procédure telles que l’instruction des demandes, les décisions, les dossiers et l’établissement des règles concernant la procédure, la médiation et les frais et dépens.

      3. Section 2 (articles 132 à 141) : Ordonnances relatives aux terres inuit

Ces articles conféreraient au Tribunal le pouvoir de rendre des ordonnances d’accès. Ils fixeraient les conditions auxquelles on peut entrer sur une terre inuit, en faire usage et l’occuper en vue de l’exercice de droits miniers attribués par la Couronne ou par une loi fédérale, celles auxquelles on peut traverser une terre inuit pour des activités commerciales et celles auxquelles on peut entrer sur une terre inuit, à la demande du gouvernement fédéral ou territorial, pour y prendre du gravier, du sable ou tout autre matériau de construction. L’article 138 énumère d’autres conditions dont le Tribunal pourrait assortir une ordonnance relative à l’entrée, notamment certaines visant à réduire les entraves à l’usage et à la jouissance paisible des Inuit ou de l’occupant. L’article 139 énonce les facteurs que le Tribunal pourrait ou devrait prendre en considération pour déterminer le montant de l’indemnité à payer à l’organisation inuit désignée ou à l’occupant de la terre, et propose des modalités de paiement.

      4. Section 3 : Ordonnances relatives à l’entrée sur les terres non inuit (articles 142 à 148)

Cette section conférerait au Tribunal le pouvoir de rendre des ordonnances relatives à l’entrée et de les assortir de conditions touchant le droit d’accès, pour l’exercice de certains droits miniers, à des terres non inuit (définies comme étant des terres du Nunavut qui ne sont pas des terres inuit et qui n’appartiennent pas à la Couronne ou qui ne sont pas occupées par elle). L’article 146 énumère les facteurs que le Tribunal devrait prendre en considération pour déterminer l’indemnité à payer aux termes de l’ordonnance.

      5. Section 4 (articles 149 et 150) : Droit minier et pierre à sculpter

L’article 149 traite du rôle du Tribunal dans l’évaluation de l’enlèvement des « matières spécifiées »(9) sur une terre inuit par rapport à l’exercice des droits miniers. L’article 150 autoriserait le Tribunal à trancher les conflits entre l’organisation inuit désignée qui détient un permis ou un bail pour l’extraction de la pierre à sculpter sur une terre domaniale et le titulaire des droits miniers sur ces terres(10).

     6. Section 5 (articles 151 à 157) : Indemnités relatives aux ressources fauniques

En vertu de l’article 152 du projet de loi, un « entrepreneur » serait responsable de manière absolue, sous réserve de certaines exceptions expresses, des pertes ou dommages associés à l’exploitation des ressources fauniques qu’a subis un réclamant (un Inuk ou Inuit d’après la définition) à cause de « ses activités de développement »(11). L’alinéa 152(2)c) fixerait à vingt millions de dollars le plafond pour l’ensemble des pertes et dommages dont un entrepreneur serait responsable pour un même incident. Le paragraphe 152(4) énonce les principes qui s’appliqueraient à la détermination de l’indemnité à payer, y compris la règle générale qu’une telle indemnité « ne peut prendre la forme d’un revenu annuel garanti à perpétuité ». L’article 153 prévoit d’autres règles qui, relativement à la responsabilité, s’appliqueraient dans les circonstances prévues au ministre ou à la Caisse d’indemnisation constituée sous le régime de la Loi sur la marine marchande du Canada.

D’après les articles 154 à 156, il incomberait au Tribunal de statuer sur les demandes ayant trait à une indemnité pour pertes ou dommages sous le régime de cette partie.

      7. Section 6 (articles 158 à 169) : Dispositions générales

Cette section inclut des dispositions générales se rapportant aux décisions du Tribunal, à la révision des ordonnances du Tribunal et au pouvoir de réglementation du gouverneur en conseil. En vertu de l’article 162, par exemple, une ordonnance du Tribunal resterait exécutoire pour ceux qui acquéreraient ultérieurement un intérêt sur la terre visée. L’article 165 prévoit que certaines décisions du Tribunal auraient force de chose jugée, sous réserve des exceptions prévues, y compris le pouvoir du Tribunal de réviser ses propres ordonnances.

   D. Partie 3 (articles 170 à 205) : Dispositions transitoires, modifications de la présente loi
        et d’autres lois, modification conditionnelle

La partie 3 renferme des dispositions relativement courantes telles que des dispositions transitoires (articles 170 à 174) et des modifications corrélatives rendues nécessaires par le projet de loi même (articles 175 à 203). Par exemple, l’article 170 prévoit que l’Office des eaux du Nunavut déjà constitué sous le régime de l’Accord serait le même que celui constitué par la Loi, et que les actes et décisions de l’Office qui ont précédé la prise d’effet de la Loi seraient valides, dans la mesure où ils sont valides au regard de la Loi. Sous réserve de la même condition, les approbations ministérielles et les actes des inspecteurs seraient aussi réputés valides. Les articles 171 à 173 permettraient la transition entre l’Office des eaux des T. N.-O. et l’Office des eaux du Nunavut, y compris l’application de certains règlements pris sous le régime de la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest (article 173). L’article 174 prévoit la continuité du Tribunal des droits de surface du Nunavut constitué sous le régime de l’Accord.

COMMENTAIRE

   A. Réflexions de la NTI sur le projet de loi C-51

Lors de l’étude du projet de loi C-51 par le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord en 1996, la NTI a exprimé de nombreuses réserves au sujet de la façon dont le projet de loi avait été élaboré et de ses dispositions de fond(12). De manière générale, elle s’inquiétait essentiellement de ce qui lui semblait être des incompatibilités entre le projet de loi et l’Accord. Elle a fait part des préoccupations générales suivantes :

La NTI a exposé des réserves précises découlant de ces objections générales et se rapportant à des articles précis du projet de loi C-51 et à des dispositions nouvelles ou amendées. Elle a aussi signalé plusieurs discordances entre les textes anglais et français du projet de loi. Quand ils ont témoigné devant le Comité, les représentants de l’Office ont souscrit à l’analyse faite par la NTI. Un représentant de la CAN a insisté sur les craintes concernant le rapport entre celle-ci et l’Office sous le régime du projet de loi.

   B. Le projet de loi C-62

Le projet de loi C-62 apporte plusieurs amendements aux dispositions du projet de loi C-51. Certains améliorent la compatibilité avec l’Accord; d’autres donnent suite, à divers degrés, aux remarques faites par la NTI. Nous indiquons ci-après quelques-uns des changements apportés aux dispositions du projet de loi C-51.

   C. Opinion de la NTI sur le projet de loi C-62

La NTI a fait part de certaines réserves que continuent de lui inspirer quelques articles de la partie 1 du projet de loi C-62(14). Plusieurs avaient déjà été exposées en regard du projet de loi C-51.


(1) L.C. 1993, ch. 29 (L.R.C. 1985, ch. N-28.7)

(2) L.C. 1993, ch. 28 (L.R.C. 1985, ch. N-28.6). La Loi a été modifiée par L.C. 1998, ch. 15 et par L.C. 1999, ch. 3.

(3) La CAN et la CNER seront constituées par une loi ultérieure.

(4) Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, Document d’information, « L’Office des eaux du Nunavut », Ottawa, 4 décembre 1998.

(5) Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, Document d’information, « Le Tribunal des droits de surface du Nunavut », Ottawa, 4 décembre 1998.

(6) Le projet de loi C-51 ne prévoyait pas de commission fédérale d’évaluation environnementale.

(7) Les critères pour décider du type de permis seront déterminés par règlement.

(8) Ainsi, les premières nations denesulines du nord de la Saskatchewan et du Manitoba soutiennent que leurs droits issus de traités comprennent le droit de mener des activités traditionnelles sur des milliers de kilomètres au nord du 60º, c’est-à-dire au nord de la limite sud du Nunavut, et les Cris du Nord québécois revendiquent les îles Belcher qui, selon eux, feraient partie de leur territoire ancestral.

(9) Suivant la définition donnée à l’article 2 du projet de loi, ces matières comprendraient le sable, le gravier, le calcaire, le marbre, l’argile, la pierre à sculpter, etc.

(10) Aux termes de la partie 9 du chapitre 19 de l’Accord, les Inuit ont certains droits relativement à la pierre à sculpter sur des terres de la Couronne.

(11) Les « activités de développement » s’entendent des activités exercées sur le sol ou dans les eaux de la région du Nunavut ou des zones I ou II au sens de l’Accord, y compris toute entreprise commerciale ou industrielle, toute entreprise d’une administration gouvernementale et le transport maritime lié à une entreprise.

(12) Nunavut Tunngavik Incorporated, « Mémoire présenté au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord sur le projet de loi C-51 (Loi sur les eaux du Nunavut) », 18 novembre 1996.

(13) La Loi sur les eaux internes du Nord, qui est entrée en vigueur en 1972, visait la gestion des eaux dans les T. N.-O. et constituait l’Office des eaux des T. N.-O. En 1993, cette loi a été remplacée par la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest.

(14) Renseignements obtenus par l’une des auteures au cours de discussions avec le conseiller juridique de la NTI.