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LS-339F

 

PROJET DE LOI C-69 :  LOI MODIFIANT
LA LOI SUR LE CASIER JUDICIAIRE

 

Rédaction :
David Goetz
Division du droit et du gouvernement
Le 22 avril 1999
Révisé le 31 mai 1999


HISTORIQUE DU PROJET DE LOI C-69

 

CHAMBRE DES COMMUNES

SÉNAT

Étape du Projet de loi Date Étape du projet de loi Date
Première lecture : 15 mars 1999 Première lecture : 31 mai 1999
Deuxième lecture : 21 avril 1999 Deuxième lecture :: 8 juin 1999
Rapport du comité : 12 mai 1999 Rapport du comité :  
Étape du rapport : 14 mai 1999 Étape du rapport :  
Troisième lecture : 14 mai 1999 Troisième lecture :  


Sanction royale :
Lois du Canada







N.B. Dans ce résumé législatif, tout changement d'importance depuis la dernière publicaiton est indiqué en caractères gras.

 

 

 

 

TABLE DES MATIÈRES

CONTEXTE

DESCRIPTION ET ANALYSE

   A. Procédure de la Commission nationale des libérations conditionnelles

      1. Clarification des procédures de refus et de révocation
      2. Restrictions sur les nouvelles demandes

   B. Effet de la réhabilitation
      1. Loi actuelle : article 5
      2. Effet de l’article 4

   C. Divulgation de la condamnation dans certaines circonstances

   D. Nullité de la réhabilitation dans certains cas

   E. Divers

COMMENTAIRE


PROJET DE LOI C-69 :  LOI MODIFIANT
LA LOI SUR LE CASIER JUDICIAIRE

CONTEXTE

Le projet de loi C-69, qui propose des modifications à la Loi sur le casier judiciaire, a été présenté à la Chambre des communes et adopté en première lecture le 15 mars 1999. Il a franchi l’étape de la deuxième lecture le 21 avril 1999 et il a été renvoyé au Comité de la justice et des droits de la personne.

La Loi sur le casier judiciaire, S.R.C. 1985, ch. C-47, modifiée, permet aux personnes qui ont été reconnues coupables d’un acte criminel d’obtenir leur réhabilitation après une période minimum de bon comportement, sans autre condamnation (trois ans s’il y a eu déclaration de culpabilité par procédure sommaire, et cinq ans dans les cas de mise en accusation), après avoir purgé leur peine. Une personne qui souhaite obtenir sa réhabilitation aux termes de la Loi sur le casier judiciaire doit adresser une demande à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Si la demande concerne une condamnation ayant trait à une déclaration de culpabilité par procédure sommaire, la Commission accorde automatiquement la réhabilitation, une fois qu’elle a acquis la conviction que le demandeur n’a fait l’objet d’aucune autre condamnation depuis la fin de sa peine. Lorsqu’il y a eu condamnation par voie de mise en accusation, la Commission fait des recherches pour vérifier la conduite du demandeur depuis sa condamnation.

La réhabilitation délivrée ou octroyée par la Commission nationale des libérations conditionnelles en vertu de la Loi indique qu’il a été décidé que la condamnation au pénal ne doit plus avoir de conséquences préjudiciables pour la réputation du réhabilité. La réhabilitation vise à faciliter la réadaptation des délinquants en leur permettant de ne plus tenir compte des actes délictueux dont ils se sont rendus coupables par le passé et de se rétablir comme membres de la collectivité productifs et respectueux des lois.

L’obtention de la réhabilitation fait disparaître un certain nombre d’inconvénients pour les personnes reconnues coupables au pénal, notamment en ce qui concerne l’emploi et les déplacements. Conformément à la Loi sur le casier judiciaire, la réhabilitation supprime certaines incapacités juridiques qui découlent d’une condamnation au pénal; oblige les ministères et organismes fédéraux à conserver les dossiers des réhabilités séparément des autres casiers judiciaires; et interdit la divulgation de l’existence de ces dossiers, sauf autorisation du solliciteur général dans l’intérêt de l’administration de la justice ou de la sécurité nationale, ou pour confirmer l’identité d’une personne à partir des empreintes digitales relevées sur les lieux d’un crime, ou encore pour tenter d’identifier une personne décédée ou amnésique. La Loi ne s’applique qu’aux ministères et organismes fédéraux, mais de nombreux services provinciaux et municipaux chargés de faire respecter la loi collaborent en restreignant l’accès au casier judiciaire lorsque la réhabilitation a été accordée. La Loi interdit également, dans le secteur public fédéral et dans les industries de ressort fédéral, l’usage de tout formulaire de demande d’emploi qui exige que le demandeur divulgue une condamnation au pénal à l’égard de laquelle la réhabilitation a été accordée. En outre, les lois fédérales et provinciales sur les droits de la personne interdisent la discrimination en matière d’emploi et de services fondée sur une condamnation au pénal pour laquelle la réhabilitation a été accordée.

Une réhabilitation accordée en vertu de la Loi sur le casier judiciaire cesse automatiquement d’avoir effet lorsque celui qui l’a obtenue est subséquemment condamné pour une infraction de ressort fédéral par voie de mise en accusation. En outre, la Commission nationale des libérations conditionnelles peut révoquer la réhabilitation si la personne est subséquemment reconnue coupable d’une infraction punissable par déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou si la Commission acquiert la conviction que la personne n’est plus de bonne moralité ou n’a pas été honnête dans sa demande de réhabilitation.

Les principaux changements proposés dans le projet de loi C-69 sont les suivants :

  • l’imposition d’un délai d’un an, après le refus d’une demande de réhabilitation, avant la présentation d’une nouvelle demande;
  • la révocation automatique de la réhabilitation sur condamnation subséquente pour infraction mixte (qui peut être poursuivie soit par procédure sommaire, soit par mise en accusation, sous réserve de certaines exceptions); et
  • une disposition concernant le repérage, dans le fichier automatisé des relevés de condamnations criminelles, des dossiers des personnes qui ont obtenu une réhabilitation à l’égard d’une infraction afin de permettre leur communication dans le cadre de l’examen des candidatures à un emploi qui mettrait ces personnes en situation de confiance ou d’autorité par rapport à des enfants ou à des personnes vulnérables.

Outre les réhabilitations octroyées en vertu de la Loi sur le casier judiciaire, il est possible d’obtenir du gouverneur général ou du gouverneur en conseil des réhabilitations à l’égard de certaines condamnations pénales ou peines aux termes de l’article 748 du Code criminel, S.R.C. 1985, ch. C-46, ou en vertu de la prérogative royale de clémence. Exception faite de l’obligation de conserver à part et de ne pas communiquer les dossiers des réhabilités, et de l’interdiction de l’usage des formulaires de demande d’emploi qui exigent la divulgation de condamnations visées par une réhabilitation, la Loi sur le casier criminel ne s’applique pas à ces autres réhabilitations. Rien, dans le projet de loi C-69, n’aurait d’effet sur les réhabilitations accordées en vertu du Code criminel ou de la prérogative royale de clémence.

DESCRIPTION ET ANALYSE

   A. Procédure de la Commission nationale des libérations conditionnelles

      1. Clarification des procédures de refus et de révocation

Dans les cas où la Commission nationale des libérations conditionnelles propose de refuser une réhabilitation ou de la révoquer, la Loi accorde à la personne en cause certains droits liés à l’application régulière de la loi. Dans les deux cas, la Loi dispose que la personne doit recevoir notification du refus ou de la révocation, selon le cas, et être informée de son droit de présenter à la Commission les observations qu’elle juge pertinentes (paragraphes 4.2(2) et 7.1(1)). La Loi exige également que la Commission prenne connaissance de toute observation verbale ou écrite faite par l’intéressé avant de décider de refuser ou de révoquer la réhabilitation (paragraphes 4.2(3) et 7.1(2)).

Lorsque la Commission envisage de refuser la réhabilitation, il n’est pas précisé dans la Loi actuelle que le demandeur doit en être informé par écrit. L’article 2 du projet de loi modifierait le paragraphe 4.2(2) de la Loi pour exiger que cet avis soit donné par écrit. Le paragraphe 7.1(1) de la Loi prévoit déjà que l’avis doit être donné par écrit lorsque la Commission se propose de révoquer la réhabilitation. Les articles 2 et 7 du projet de loi modifieraient également les paragraphes 4.2(2) et 7.1(1) de la Loi, respectivement, pour prévoir expressément que, tant pour les refus que pour les révocations envisagés, les observations pourraient être présentées à la Commission par une personne autre que l’intéressé (p. ex., un ami, un membre de sa famille, un agent ou un avocat)(1). Les articles 2 et 7 du projet de loi modifieraient aussi les paragraphes 4.2(2) et 7.1(1), respectivement, pour préciser que, si la Commission est habilitée à recevoir des observations verbalement ou par écrit, il lui appartiendrait de décider si elle les recevra verbalement dans un cas donné. À l’heure actuelle, le libellé de la Loi indique que l’intéressé peut décider de la nature des observations qu’il présente à la Commission.

      2. Restrictions sur les nouvelles demandes

À l’heure actuelle, aucune disposition de la Loi n’empêche un demandeur à qui la réhabilitation a été refusée de réitérer sa demande immédiatement. En outre, chaque fois qu’une demande valable est reçue, la Commission nationale des libérations conditionnelles est tenue par l’article 4.2 de la Loi de prendre certaines mesures. Lorsque la réhabilitation demandée concerne une condamnation par mise en accusation, la Commission peut faire des recherches sur la conduite du demandeur depuis la date de sa condamnation. Dans tous les cas, la Commission doit prévenir le demandeur si elle se propose de rejeter la demande et, avant de prendre sa décision, elle doit donner au demandeur l’occasion de présenter des observations. Il faut donc consacrer un certain temps et des efforts à l’étude de chaque demande. L’article 2 du projet de loi ajouterait un nouveau paragraphe (4.2(4)) qui prévoirait que le demandeur qui a essuyé un refus ne peut réitérer sa demande avant qu’une année ne se soit écoulée après le refus.

   B. Effet de la réhabilitation

      1. Loi actuelle : article 5

L’article 5 de la Loi décrit l’effet inhérent et la signification de la réhabilitation au sens de la Loi. L’alinéa 5a) dit que la réhabilitation témoigne du fait que la condamnation visée ne devrait plus avoir d’effet préjudiciable sur la réputation de l’intéressé. La réhabilitation accordée à l’égard d’une condamnation par voie de mise en accusation signifie que, après avoir fait des recherches, la Commission nationale des libérations conditionnelles a acquis la conviction que l’intéressé a eu une bonne conduite. L’alinéa 5b) stipule que, sauf cas de révocation ultérieure ou de nullité, la réhabilitation « efface les conséquences de la condamnation et, notamment, fait cesser toute incapacité que celle-ci pouvait entraîner aux termes d’une loi fédérale »; une exception est toutefois prévue pour certaines ordonnances d’interdiction que le tribunal peut avoir prises en prononçant la sentence dans certaines causes relatives à la possession d’armes à feu et d’autres armes et objets connexes(2); d’activités particulières qui amènent une personne à voir des contacts fréquents avec des enfants(3); et de l’utilisation d’un véhicule automobile(4).

   2. Effet de l’article 4

L’article 4 du projet de loi ferait disparaître de l’alinéa 5b) de la Loi les mots disant que la réhabilitation a pour effet d’annuler la condamnation visée. Le terme « vacate » employé dans la version anglaise de cet alinéa a donné lieu à une certaine confusion au sujet de l’effet précis de la réhabilitation accordée aux termes de la Loi sur le casier judiciaire sur la condamnation au pénal.

La position de la Commission nationale des libérations conditionnelles et du ministère du Solliciteur général est que, bien que la réhabilitation exige que le dossier soit scellé, elle ne fait pas disparaître le fait que l’intéressé a été reconnu coupable d’une infraction(5). La signification normale du terme « vacate », lorsqu’il s’agit d’une décision judiciaire, est la suivante : « annul », « set aside »,  «cancel », « rescind », « render void »(6). Autrement dit, en employant ce terme, le Parlement donnait à entendre que, tant qu’elle s’applique et est assujettie au besoin (strictement contrôlé) de consultation du dossier, la réhabilitation accordée en vertu de la Loi aurait le même effet que la décision d’une cour d’appel d’annuler la condamnation. Dans un certain nombre de cas, les tribunaux semblent avoir interprété de cette manière l’alinéa 5b) de la Loi(7). En outre, cette interprétation de la réhabilitation comme annulant une condamnation semble correspondre aux recommandations du Rapport du Comité canadien de la réforme pénale et correctionnelle de 1969, sur lequel s’est fondée au départ la Loi sur le casier judiciaire(8). Dans d’autres causes, les tribunaux ont statué qu’une réhabilitation, ainsi que la définit l’alinéa 5b) de la Loi, ne change en fait rien à la condamnation visée(9). La situation est encore embrouillée par la version française de l’alinéa 5b), qui disait au départ (conformément à la version anglaise) que, en l’absence de révocation ou de nullité, la réhabilitation « annule la condamnation… » (c’est-à-dire rend la condamnation nulle, sans effet ou la révoque). Dans les Lois révisées de 1985, cependant, ce passage a été remplacé par « efface les conséquences de la condamnation… » (c’est-à-dire faire disparaître les conséquences de la condamnation).

Le nouveau libellé de l’alinéa 5b) de la Loi proposé à l’article 4 du projet de loi ferait disparaître toute mention de l’effet de la réhabilitation sur la condamnation en soi et indiquerait plutôt simplement que la réhabilitation « entraîne le classement du dossier ou du relevé de la condamnation à part des autres dossiers judiciaires »; cette disposition tient compte de l’obligation faite par le paragraphe 6(2) de la Loi à tous les ministères et organismes fédéraux relativement aux dossiers visés par une réhabilitation dont ils ont la garde.

   C. Divulgation de la condamnation dans certaines circonstances

Une fois que la réhabilitation a été délivrée ou octroyée à l’égard d’une condamnation au pénal aux termes de la Loi, le paragraphe 6(1) autorise le solliciteur général à ordonner à toute personne ayant la garde ou la responsabilité d’un dossier judiciaire sur cette condamnation de le confier à la garde du commissaire de la GRC. Le paragraphe 6(2) interdit à la GRC et à tout autre ministère ou organisme fédéral ayant la garde d’un dossier visé par une réhabilitation de communiquer ce dossier ou d’en divulguer l’existence ou encore de divulguer le fait de la condamnation. Les exceptions à cette interdiction sont énoncées au paragraphe 6(3) et à l’article 6.2 de la Loi. Le paragraphe 6(3) permet la divulgation d’un dossier visé par une réhabilitation lorsque le solliciteur général a la conviction qu’il y va de l’intérêt de l’administration de la justice ou pour toute autre fin liée à la sûreté ou à la sécurité du Canada ou de tout autre État lié ou associé au Canada. L’article 6.2 permet de communiquer à la police le nom, la date de naissance et la dernière adresse connue de la personne pour confirmer l’identité d’une personne dont les empreintes digitales ont été relevées sur les lieux d’un crime ou pour tenter d’identifier une personne décédée ou qui souffre d’amnésie.

L’article 6 du projet de loi créerait une nouvelle exception à la règle générale de non-communication des dossiers, comme il est stipulé au paragraphe 6(2) de la Loi. Lorsqu’une personne postule un poste de confiance ou d’autorité auprès d’enfants ou d’autres personnes vulnérables ¾ poste rémunéré ou bénévole ¾ , le nouvel article 6.3 permettrait que l’information concernant des dossiers visés par une réhabilitation à l’égard de certaines infractions soit communiquée aux personnes ou organisations chargées de veiller au bien-être de ces personnes. Les infractions pertinentes seraient établies dans le règlement pris par le gouverneur en conseil aux termes de l’article 9.1 de la Loi, modifié par l’article 8 du projet de loi (voir plus précisément l’alinéa 9.1a)). Bien que rien, dans le projet de loi, ne limiterait le pouvoir du gouverneur en conseil de désigner des infractions aux fins de l’article 6.3 qui est proposé, le gouvernement a précisé que son intention, en proposant cette modification, était de désigner les infractions à caractère sexuel(10). La définition des termes « enfants » et « personnes vulnérables » serait également arrêtée par règlement (voir l’article 8 du projet de loi, alinéa 9.1c) proposé).

Le paragraphe 6.3(1) proposé exigerait du commissaire de la GRC qu’il inclut dans le fichier automatisé des relevés de condamnation toute indication donnant à la police ou à d’autres organismes autorisés la possibilité de savoir si une personne a un dossier visé par une réhabilitation à l’égard d’une infraction prévue au règlement. L’article 8 du projet de loi (voir l’alinéa 9.1b) proposé) autoriserait le gouverneur en conseil à prendre un règlement au sujet de ces indications.

Avant qu’un corps policier ou un autre organisme puisse vérifier si une personne fait l’objet d’une indication révélant l’existence d’un dossier qui concerne une infraction prévue et est visé par une réhabilitation, il faudrait qu’une personne ou un organisme chargé du bien-être d’enfants ou d’autres personnes vulnérables ait demandé cette vérification à l’égard d’un postulant à un poste de confiance ou d’autorité par rapport à ces personnes vulnérables et que le postulant ait consenti par écrit à la vérification (paragraphe 6.3(2) proposé). La nature précise du consentement à la vérification et l’information à fournir aux postulants avant d’obtenir leur consentement seraient arrêtées par règlement établi sous l’empire de l’alinéa 9.1d) de la Loi (article 8 du projet de loi). Le paragraphe 6.3(3) proposé, interprété de pair avec l’article 10 de la Loi, ferait de toute utilisation du processus de vérification proposé en dehors des circonstances décrites plus haut une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire (paragraphe 6.3(2) proposé)(11).

Un corps policier ou autre organisme autorisé qui a vérifié qu’un postulant est visé par une indication qui révèle l’existence d’un dossier visé par une réhabilitation à l’égard d’une infraction prévue (paragraphe 6.3(4) proposé) demanderait ensuite au commissaire de la GRC de transmettre le dossier au solliciteur général. Le commissaire de la GRC transmettrait alors le dossier au solliciteur général à qui il incomberait de révéler la totalité ou une partie de ce dossier au corps policier ou à l’organisme autorisé qui en a fait la demande (paragraphes 6.3(4) et 6.3(5) proposés). Les règlements pris en vertu de l’alinéa 9.1c.1) (article 8 du projet de loi) prescriraient les ciritères dont le solliciteur général devrait tenir compte pour décider s’il y a lieu de divulguer un dossier visé par une réhabilitation. Le corps policier ou l’organisme autorisé transmettrait alors l’information à la personne ou à l’organisation qui en a fait la demande, pourvu que le postulant y ait consenti par écrit (paragraphe 6.3(6) proposé). La nature précise du consentement à la vérification et l’information à fournir aux postulants avant d’obtenir leur consentement seraient arrêtées par règlement établi en vertu du paragraphe 9.1d) de la Loi (article 8 du projet de loi).

Le paragraphe 6.3(7), interprété de pair avec l’article 10 de la Loi, ferait de toute utilisation ou divulgation de l’information communiquée en vertu du paragraphe 6.3(6) une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire (paragraphe 6.3(2) proposé)(12).

L’article 6 du projet de loi ajouterait également l’article 6.4 qui stipule que l’article 6.3 s’appliquerait au dossier ou relevé d’une condamnation pour toute infraction à l’égard de laquelle il a été octroyé ou délivré une réhabilitation, indépendamment de la date de la condamnation ou de la réhabilitation. De la sorte, l’indication et le processus de divulgation décrits plus haut pour les dossiers visés par une réhabilitation à l’égard d’infractions prévues s’appliqueraient aux dossiers existants tout autant qu’à ceux postérieurs à l’entrée en vigueur du projet de loi.

   D. Nullité de la réhabilitation dans certains cas

Outre les situations dans lesquelles une réhabilitation a été révoquée par décision discrétionnaire de la Commission nationale des libérations conditionnelles (p. ex., dans le cas d’une condamnation ultérieure pour infraction de ressort fédéral punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, ou lorsque la Commission est convaincue que la personne n’a plus une bonne conduite ou lui a menti, l’a induite en erreur ou a dissimulé des renseignements importants relativement à sa demande de réhabilitation), la Loi sur le casier judiciaire prévoit également des situations où la réhabilitation devient automatiquement nulle sans aucune intervention de la Commission. À l’heure actuelle, l’article 7.2 de la Loi stipule que toute condamnation pour une infraction à une loi fédérale punissable par voie de mise en accusation entraîne la nullité de la réhabilitation.

L’article 7 du projet de loi modifierait l’article 7.2 de la Loi pour étendre cette nullité automatique aux cas où le réhabilité est reconnu coupable d’une infraction mixte (c’est-à-dire punissable par mise en accusation ou sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire) prévue par les lois suivantes, même si la déclaration de culpabilité par procédure sommaire est appliquée :

  • le Code criminel, à l’exception de l’infraction prévue au paragraphe 255(1) de cette loi (conduite en état d’ébriété, conduite avec un taux d’alcoolémie supérieur à 80 mg par 100 ml et refus de se plier à une demande d’alcootest ou de prise de sang);
  • la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch. 19;
  • la Loi sur les armes à feu, L.C. 1995, ch. 39;
  • les parties III et IV de la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. (1985), ch. F-27 (les parties III et IV traitent de diverses infractions liées aux drogues « contrôlées » ou « d’usage restreint »); et
  • la Loi sur les stupéfiants, L.R.C. (1985), ch. N-1.

L’article 7 du projet de loi étendrait également l’application de la Loi relative à la nullité automatique aux cas où :

  • le réhabilité a été reconnu coupable d’une infraction militaire aux termes de la Loi sur la défense nationale, S.R.C. (1985), ch. N-5 et punissable d’une amende de plus de 2 000 $ d’une peine de détention de plus de six mois, de renvoi du service de Sa Majesté, d’une peine d’emprisonnement de plus de six mois ou de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté;
  • la Commission nationale des libérations conditionnelles a acquis la conviction, à la lumière de renseignements nouveaux, que la personne n’était pas admissible à la réhabilitation au départ.

   E. Divers

L’article 1 du projet de loi apporterait une modification de forme mineure à la version française de l’article 4. Les articles 3, 5 et 9 modifieraient la Loi et le paragraphe 750(4) du Code criminel pour y ajouter la mention de réhabilitations « octroyées » ou « délivrées ». Cette série de modifications assureraient la conformité à la distinction terminologique qui est faite à l’article 4.1 de la Loi entre les réhabilitations pour infractions poursuivies par procédure sommaire, que la Commission nationale des libérations conditionnelles « délivre », et les réhabilitations à l’égard d’infractions poursuivies par mise en accusation, que la Commission « octroie ». L’article 10 dispose que la nouvelle loi ou telle de ses dispositions entrerait en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret.

COMMENTAIRE

Les commentaires sur le projet de loi C-69 ont porté surtout sur la proposition de l’article 6 prévoyant le signalement de l’existence de certains dossiers d’infractions visés par la réhabilitation et autorisant la communication de ces dossiers pour la sélection de postulants à certains types de postes. Cette initiative est fortement appuyée par les groupes de défense des droits des victimes, notamment Victims of Violence - Centre for Missing Children et Resource Centre for Victims of Crime, et par des organisations représentant les policiers comme l’Association canadienne des policiers et l’Association canadienne des chefs de police, ainsi que par d’autres groupes et personnes, dont le Churchill Park Family Care Society (organisation albertaine d’éducateurs et de dispensateurs de soins pour la petite enfance) et la Canada Family Action Coalition(13).

D’un autre côté, des groupes qui se préoccupent surtout de la réhabilitation et de la réinsertion des délinquants comme la Société John Howard, la Société Elizabeth Fry et la Société Saint Léonard, ont souligné la nécessité de préserver l’intégrité et la valeur des réhabilitations(14). Ces préoccupations sont partagées par la Criminal Lawyers’ Association et Volunteer Canada(15). Toutefois, de ces groupes, seuls la Société Elizabeth Fry et la Criminal Lawyers’ Association semblent réellement s’opposer à ce qu’on ajoute d’autres moyens de divulguer les dossiers visés par une réhabilitation comme on le propose dans le projet de loi C-69. Ces deux groupes soutiennent que le fait de faciliter davantage la communication de ces dossiers compromettrait la réhabilitation et la réadaptation des délinquants et qu’on ne dispose pas de preuves suffisantes que la loi actuelle ne suffit pas à protéger la société(16).

Volunteer Canada, la Société John Howard et la Société Elizabeth Fry craignent également que le fait de mettre l’accent sur l’accès aux dossiers de réhabilitation ne procure un faux sentiment de sécurité en reléguant dans l’ombre d’autres éléments clés de la sélection du personnel pour des postes de confiance par rapport à des personnes vulnérables(17).


(1) La Loi prévoit déjà cette possibilité. En effet, le paragraphe 4.2(3) stipule déjà que la Commission doit tenir compte des observations verbales ou écrites qui lui sont présentées « par le demandeur ou pour son compte » avant de rendre sa décision, lorsqu’elle a donné avis de son intention de rejeter la demande.

(2) Code criminel, articles 109 et 110, et Loi sur la Défense nationale, S.R.C. (1985), ch. N-5, modifiée, paragraphe 147.1(1).

(3) Code criminel, article 161.

(4) Ibid., article 259.

(5) Commission nationale des libérations conditionnelles, Faits : les réhabilitations, p. 1; et Solliciteur général du Canada, Le gouvernement fédéral comble un vide dans le filtrage des délinquants sexuels réhabilités, document d’information, Ottawa, mars 1999.

(6) Henry Campbell Black, Black’s Law Dictionary, 6e éd., St. Paul (Minnesota), West Publishing Co., 1990, p. 1548.

(7) Silver c. Silver (1980), 15 R.F.L. (2d) 142 (C.A. Alb.); Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Burgon, [1991] 3 C.F. 44 (C.A.), p. 59-60; et Lui c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1997), 39 Imm. L.R. (2d) 60, 134 F.T.R. 308.

(8) Chapitre 23, p. 447 du rapport : « Le Comité recommande que, sous réserve du contenu du présent rapport en ce qui a trait à l’enquête criminelle et des garanties et restrictions y stipulées, une condamnation qui a été invalidée ou annulée est censée ne jamais avoir existé, relativement à tout ce qui relève de la compétence du Parlement […] »

(9) Smith c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 3 C.F. 144 (T.D.); et C.(J.) c. B.C. (Director of Child, Family and Community Services) (1997), 42 B.C.L.R. (3d) 178 (S.C.).

(10) Solliciteur général du Canada, Communiqué, « Le gouvernement fédéral comble un vide dans le filtrage des délinquants sexuels réhabilités », Ottawa, 15 mars 1999. Cet insistance sur les infractions à caractère sexuel est également évident dans les projets de règlements afférents à la loi.

(11) Comme la Loi ne précise aucune sanction pour quiconque est reconnu coupable d’une infraction prévue à l’article 10, les infractions tombent sous le coup de la disposition générale du Code criminel pour les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire (paragraphe 787(1)), qui prévoit une amende maximum de 2 000 $ et une peine d’emprisonnement d’au plus six mois, ou l’une de ces deux peines.

(12) Voir la note 11 en bas de page.

(13) Chambre des communes, Comité permanent de la justice et des droits de la personne, Procès-verbaux et témoignages, 1re session, 36e législature, 18 mars 1999 et 23 mars 1999.

(14) Ibid. et lettre de la Société Saint Léonard du 17 mars 1999.

(15) Lettre de la Criminal Lawyers’ Association du 18 mars 1999, et Chambre des communes, Comité permanent de la justice et les droits de la personne, 23 mars 1999.

(16) Ibid.

(17) Chambre des communes, Comité de la justice et des droits de la personne, 18 et 23 mars 1999.