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LS-318F

 

PROJET DE LOI S-15 :
LOI SUR LA SANCTION ROYALE

 

Rédaction

James R. Robertson  
Division du droit et du gouvernement

Le 26 août 1998
Révisé le 20 janvier 1999
     


 

HISTORIQUE DU PROJET DE LOI S-15

 

CHAMBRE DES COMMUNES

SÉNAT

Étape du Projet de loi Date Étape du projet de loi Date
Première lecture :   Première lecture : 2 avril 1998
Deuxième lecture :   Deuxième lecture : 9 juin 1998
Rapport du comité :   Rapport du comité : 18 juin 1998
Étape du rapport :   Étape du rapport :  
Troisième lecture :   Troisième lecture :  


Sanction royale :
Lois du Canada







N.B. Dans ce résumé législatif, tout changement d'importance depuis la dernière publicaiton est indiqué en caractères gras.

 

 

 

 

TABLE DES MATIÈRES

 

CONTEXTE

   A.  Propositions canadiennes de réforme de la procédure d'octroi de la santion royale

      1.  Motion d'interpellation au Sénat (1983)
      2.  Comité McGrath (1985)
      3.  Rapport du Comité sénatorial permanent du Règlement et de la procédure (1985)
      4.  Projet de loi S-19 sur la sanction royale (1988)
      5.  Comité permanent de gestion de la Chambre des communes (1993)

   B.  Procédure d'octroi de la sanction royale dans d'autres pays du Commonwealth

DESCRIPTION ET ANALYSE

COMMENTAIRE


PROJET DE LOI S-15 : LOI SUR LA SANCTION ROYALE*

 

CONTEXTE

Le projet de loi S-15 a été déposé au Sénat par le sénateur John Lynch-Staunton, leader de l’opposition au Sénat, le 2 avril 1998. Il a été débattu à trois reprises avant d’être adopté en deuxième lecture et renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 9 juin 1998. Après avoir tenu une audience sur le projet de loi le 17 juin 1998, le Comité en a fait rapport avec amendements le 18 juin 1998. Le rapport a fait l’objet d’un bref débat au Sénat le 18 juin 1998 avant l’ajournement d’été.

Le projet de loi S-15 offre une solution de rechange à la procédure d’octroi de la sanction royale en usage au Parlement canadien. Il permettrait que la sanction royale soit signifiée par une déclaration écrite un peu comme cela se fait en Australie depuis nombre d’années. Il est à peu près identique au projet de loi S-19 déposé en juillet 1988 par le sénateur Lowell Murray, alors leader du gouvernement au Sénat.

La sanction royale est la dernière étape que doit franchir une loi du Parlement avant d’entrer en vigueur. Elle est octroyée par ou au nom du souverain aux projets de loi après qu’ils ont été adoptés sous leur forme définitive à la fois par le Sénat et la Chambre des communes. Selon le commentaire 753 de la sixième édition de la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne : « Dès lors que des projets de loi d’intérêt public ou privé ont été adoptés sous leur forme définitive par le Sénat et la Chambre des communes, ils n’attendent plus que l’annonce au Parlement de la sanction royale, acte de leur édiction ».

L’article 17 de la Loi constitutionnelle de 1867 se lit comme suit :

Il y aura pour le Canada, un parlement qui sera composé de la Reine, d’une chambre haute appelée le Sénat, et de la Chambre des Communes.

Les articles 55 à 67 de la Loi constitutionnelle de 1867 traitent de l’octroi de la sanction royale par le gouverneur général et des circonstances dans lesquelles elle peut être désavouée ou refusée. Ces articles ne précisent pas de procédure à suivre.

Au Canada, une cérémonie de la sanction royale se déroule dans l’enceinte du Sénat après convocation de la Chambre des communes. Au nom de la reine, le gouverneur général ou son suppléant accorde la sanction royale aux projets de loi qui lui sont présentés. En règle générale, la sanction royale est accordée par un juge de la Cour suprême du Canada agissant en qualité de suppléant du gouverneur général. Les Lettres patentes constituant la charge de gouverneur général autorisent la nomination de suppléants tout en précisant que chacun d’entre eux doit « exercer, durant le plaisir de Notre gouverneur général, les pouvoirs, attributions et fonctions de Notre gouverneur général que celui-ci jugera nécessaire ou opportun [de lui] assigner ». La délégation du pouvoir d’accorder la sanction royale aux juges de la Cour suprême semble se pratiquer depuis 1885.

La cérémonie de la sanction royale remonte à l’époque où, en Grande-Bretagne, les projets de loi étaient soumis par les Lords et les Communes à l’approbation du souverain. Le rassemblement des trois pouvoirs dans le cadre d’une cérémonie officielle faisait partie intégrante du processus et confirmait leurs liens et leurs rôles respectifs.

La plupart des pays dotés d’un système parlementaire de type britannique ont abandonné la cérémonie de la sanction royale. Le Canada semble être le seul pays du Commonwealth à l’avoir conservée. En 1958 déjà, on disait que « la cérémonie canadienne semblait être celle qui ressemblait le plus à l’originale » (Norman Wilding et Philip Laundy, An Encyclopaedia of Parliament, Londres, Cassell and Company Ltd., 1958, p. 501-502 (traduction)).

Il y a eu plusieurs propositions de réforme de la procédure d’octroi de la sanction royale depuis une quinzaine d’années. On trouvera ci-dessus les plus importantes ainsi que l’évolution de la sanction royale dans d’autres pays du Commonwealth.

   A. Propositions canadiennes de réforme de la procédure d’octroi de la sanction royale

      1. Motion d’interpellation au Sénat (1983)

Le 28 avril 1983, le sénateur Royce Frith, alors leader adjoint du gouvernement, a déposé l’avis de motion que voici : « Qu’il attirera l’attention du Sénat sur l’opportunité d’établir d’autres procédures d’octroi de la sanction royale aux projets de loi ». Dans le long discours qu’il a prononcé le 10 mai 1983, le sénateur s’est demandé s’il convenait de simplifier la procédure et, si oui, quelle forme elle devrait revêtir et comment il faudrait s’y prendre pour la mettre en oeuvre. Il a passé en revue l’histoire de la sanction royale en Grande-Bretagne ainsi que la procédure suivie au Parlement canadien. Il a exposé les arguments en faveur de l’établissement de procédures de rechange : les précédents dans d’autres pays; l’avantage qu’il y aurait à ne pas devoir réunir les deux chambres; et l’avantage qu’il y aurait à exprimer la sanction royale par écrit au moyen, par exemple, d’une proclamation. Il a également examiné les dimensions juridiques et constitutionnelles de la question. Le débat sur la motion a été ajourné.

      2. Comité McGrath (1985)

Dans son deuxième rapport, le Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes (communément appelé le comité McGrath, du nom de son président, l’hon. James A. McGrath) traite de la question de la sanction royale. Il note que, dans la première session de la 32e législature, la cérémonie de la sanction royale a absorbé plus que l’équivalent d’un jour de séance tout en interrompant la conduite des affaires de la Chambre. Il observe que les Parlements du Royaume-Uni et d’autres pays du Commonwealth ont abandonné la procédure utilisée au Canada et exprime une opinion favorable sur la procédure australienne. Il recommande :

Que le Parlement du Canada adopte la formule selon laquelle la sanction royale est donnée par message écrit et que le gouvernement entreprenne les discussions nécessaires à cette fin. Par contre, on devrait également prévoir la possibilité de recourir à la pratique actuelle si c’est là le bon vouloir de Son Excellence ou le conseil de ses ministres.

      3. Rapport du Comité sénatorial permanent du Règlement et de la procédure (1985)

Dans son quatrième rapport déposé le 6 novembre 1985, le Comité sénatorial permanent du Règlement et de la procédure note qu’il a beaucoup été question au Sénat et à la Chambre des communes de modifications pouvant être apportées à la cérémonie de la sanction royale et que la question a été soulevée plusieurs fois au Sénat pendant la période de questions. Après avoir tenu à ce sujet une série de réunions entre mai et octobre 1985, le Comité a fait les recommandations suivantes :

  1. Que la présente formule traditionnelle de la sanction royale soit retenue et qu’elle soit utilisée : a) à la demande du Gouverneur général ou de l’une ou l’autre des Chambres du Parlement et b) au moins une fois par session, par exemple à la prorogation d’une session.

  1. Qu’en surcroît, une procédure simplifiée qui respecterait les principes suivants soit établie : a) que la procédure suivie engage et le Sénat et la Chambre des communes à y participer, b) qu’elle soit publique, et c) qu’après chaque cérémonie l’on fasse rapport aux deux Chambres du Parlement sur la sanction royale déclarée.

  1. Que des représentants du Sénat rencontrent des représentants de la Chambre des communes pour rédiger une résolution en vue de la préparation d’une adresse qui doit être présentée conjointement par les deux Chambres à Son Excellence le Gouverneur général la priant de bien vouloir approuver certaines modifications à la cérémonie de la sanction royale décrites dans ce rapport.

      4. Projet de loi S-19 sur la sanction royale (1988)

En juillet 1988, le sénateur Lowell Murray, alors leader du gouvernement au Sénat, a déposé le projet de loi S-19 concernant l’octroi de la sanction royale par le gouverneur général au nom de la reine aux projets de loi adoptés par les deux chambres du Parlement. Le projet de loi prévoyait le remplacement de la procédure par la procédure en usage en Australie depuis nombre d’années. Il tenait compte de beaucoup des recommandations du Comité sénatorial permanent du Règlement et de la procédure, mais pas de toutes. Il a été débattu plusieurs fois, mais il n’avait pas encore été adopté en deuxième lecture lorsque le Parlement a été dissous le 1er octobre 1988 et il n’a pas été déposé de nouveau au cours de la législature suivante.

      5. Comité permanent de gestion de la Chambre des communes (1993)

En 1993, le Comité permanent de gestion de la Chambre des communes a déposé un rapport sur la réforme parlementaire où il est question, entre autres, de la sanction royale. Il reproche à la procédure en usage de prendre beaucoup de temps, d’interrompre les travaux de la Chambre et, lorsqu’une des deux chambres n’est pas en session, d’exiger le rappel de celle-ci. Le Comité croyait qu’il convenait de donner suite à la recommandation du comité McGrath qu’il reprend à peu près telle quelle dans son rapport :

que la déclaration de la sanction royale par message écrit soit adoptée au Canada, et que le gouvernement entreprenne les discussions nécessaires pour procéder à ce changement. On devrait pouvoir continuer à utiliser la procédure actuelle lorsque Son Excellence le souhaite, sur les conseils de Ses Ministres.

   B. Procédure d’octroi de la sanction royale dans d’autres pays du Commonwealth

Il convient également d’examiner l’évolution de la sanction royale dans d’autres pays, notamment ceux de tradition parlementaire britannique.

Au Royaume-Uni, la sanction royale a été octroyée par le souverain en personne jusqu’en 1541. Cette année-là, pour épargner au roi l’indignité d’octroyer en personne la sanction royale au Bill of Attainder (décret de confiscation de biens et de mort civile), qui châtiait la reine Catherine pour haute trahison, la tâche fut confiée pour la première fois à une commission royale. La nomination de lords commissaires chargés d’octroyer la sanction royale au nom du souverain est devenue de plus en plus courante. La dernière fois que le monarque en personne a octroyé la sanction royale en Grande-Bretagne remonte au 12 août 1854, sous la reine Victoria.

Dans les années 60, il est survenu au Parlement britannique deux incidents qui ont conduit à l’abolition de la cérémonie de la sanction royale. En 1960 et de nouveau en 1965, il est arrivé que le gentilhomme huissier de la verge noire frappe à la porte de la Chambre des communes alors qu’elle était engagée dans un débat passionné. Un certain nombre de députés ont alors protesté haut et fort et refusé d’assister à la sanction royale. En 1965, ils ont poursuivi le débat même après que le Président eut quitté le fauteuil.

D’où le Royal Assent Act of 1967, qui prévoit deux procédures d’octroi de la sanction royale. Il confirme la procédure traditionnelle suivant laquelle trois lords commissaires octroient la sanction royale en présence des deux chambres à la Chambre des lords dans les formes en usage avant l’adoption de la loi. Mais il stipule que la sanction royale peut être signifiée à chacune des chambres du Parlement, siégeant séparément, par le Président de la chambre ou, en son absence, par son suppléant. La sanction royale est alors octroyée par les lords commissaires au nom de Sa Majesté (d’ordinaire à Buckingham Palace) et relayée à chacune des chambres par le Président ou le Président suppléant à un moment opportun pendant la séance. À la Chambre des lords, la sanction royale peut être signifiée à n’importe quel moment opportun durant une séance. À la Chambre des communes, la sanction royale peut être signifiée immédiatement après la prière, avant l’étude des affaires d’intérêt public, entre les questions à l’ordre du jour, entre les discours dans un débat et entre les amendements au moment de l’examen d’un projet de loi. La Chambre des communes a également statué qu’elle ne s’ajourne qu’après l’octroi de la sanction royale. La procédure traditionnelle est suivie lorsque les commissaires sont chargés par lettres patentes du souverain de proroger le Parlement et d’octroyer la sanction royale aux projets de loi restants.

Bien que la procédure d’octroi de la sanction royale en usage au Parlement australien soit semblable à celle en usage en Grande-Bretagne et au Canada, elle n’a pas eu lieu depuis les débuts du Commonwealth australien. L’usage veut que la chambre qui a initié le projet de loi en transmette des copies à la résidence du gouverneur général. Après que le gouverneur général y a apposé sa signature, la sanction est signifiée par un message au Président du Sénat et au Président de la Chambre des communes, qui en informent chacun leur chambre.

En Nouvelle-Zélande, le gouverneur général ne se déplace pas pour proroger le Parlement ou octroyer la sanction royale aux projets de loi depuis 1875. Il octroie la sanction royale aux projets de loi en signant les deux copies qui lui sont envoyées et les retourne à la Chambre avec un message en ce sens. Le Président fait lecture du message s’il le reçoit pendant que la Chambre siège.

DESCRIPTION ET ANALYSE

L’article 1 donne le titre abrégé du projet de loi — Loi sur la sanction royale.

Comme l’octroi de la sanction royale est une prérogative royale, la marche à suivre pour la modifier a déjà fait l’objet de discussions. En 1988, par exemple, à l’occasion de l’étude du projet de loi S-19, on a estimé dans l’ensemble qu’il conviendrait de faire adopter le projet de loi par les deux chambres du Parlement et de le soumettre par la suite au gouverneur général pour la sanction royale.

L’article 2 prévoit que l’octroi de la sanction royale par le gouverneur général au nom de Sa Majesté aux projets de loi adoptés par le Sénat et la Chambre des communes pourrait s’effectuer comme à l’heure actuelle par la cérémonie de la sanction royale dans l’enceinte du Sénat ou par une déclaration écrite. À l’origine, l’article excluait la possibilité de recourir à la procédure de la déclaration écrite dans le cas du premier projet de loi de crédits et du premier projet de loi de toute autre nature présentés lors d’une session. Il s’agissait de garantir que la cérémonie officielle de la sanction royale aurait lieu au moins deux fois par session parlementaire. La distinction entre les deux genres de projets de loi s’explique du fait que, dans le cas des projets de loi de crédits, le Président des Communes rappelle que c’est la Chambre qui accorde les crédits et qu’elle a le rôle prépondérant en la matière. Les deux projets de loi en question, à savoir le premier projet de loi de crédits et le premier projet de loi de toute autre nature, auraient pu être les mêmes ou auraient pu être présentés en même temps. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a amendé l’article 2 après la deuxième lecture de manière que seul le premier projet de loi de crédits d’une session soit soumis à la procédure formelle d’octroi de la sanction royale.

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a ajouté un nouvel article 3 qui prévoit que la procédure traditionnelle d’octroi de la sanction royale devrait avoir lieu au moins une fois par année civile. Comme il n’est pas rare qu’une session parlementaire dure de deux à trois ans, la cérémonie de la sanction royale risquerait de ne pas avoir lieu pendant longtemps sans cette disposition.

Selon l’article 4 [ancien article 3], la déclaration écrite serait présentée devant le Sénat et la Chambre des communes par son président ou le suppléant de celui-ci. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a supprimé la disposition en vertu de laquelle il aurait fallu que cela se fasse dans les quinze premiers jours de séance suivant la signature de la déclaration.

L’article 5 [ancien article 4] prévoit que, lorsque la sanction royale est octroyée par déclaration écrite, la déclaration porterait la date du jour où elle a été présentée devant les deux chambres du Parlement; si cette déclaration était présentée dans chaque chambre à des jours différents, la sanction royale serait réputée avoir été donnée le dernier de ces jours. Cette disposition aurait son importance dans le cas des projets de loi qui entrent en vigueur au moment de l’octroi de la sanction royale ou dans un délai lié à la date de la sanction royale. Cette disposition pourrait poser des difficultés lorsqu’une des chambres ne siège pas comme c’est souvent le cas avant Noël et pendant l’été, par exemple, lorsque la Chambre des communes s’ajourne avant le Sénat. Le gouvernement aurait normalement intérêt à ce que les deux chambres siègent de manière qu’il soit possible de leur présenter la déclaration; néanmoins, il vaudrait peut-être mieux prévoir la marche à suivre en pareille éventualité dans le Règlement du Sénat ou dans le Règlement de la Chambre.

À l’heure actuelle, il semble que la sanction royale soit octroyée au moment où le gouverneur général ou son suppléant exprime son assentiment en inclinant la tête. De même, aux termes du projet de loi, la sanction royale serait apparemment octroyée au moment où la déclaration écrite est signée, non au moment où elle est présentée. De toute évidence, il importe que la sanction royale soit formellement signifiée aux deux chambres. Il serait sans doute plus efficace, moins coûteux et plus rapide en cas d’urgence de déposer une déclaration écrite auprès du Greffier de l’une et l’autre chambre, mais il faudrait qu’elle soit présentée d’une façon ou d’une autre aux parlementaires.

L’article 6 [ancien article 5] prévoit que la déclaration écrite de la sanction royale ne serait pas un texte réglementaire au sens de la Loi sur les textes réglementaires. Tout ce que la définition intentionnellement large de « textes réglementaires » englobe est sujet à l’examen parlementaire ainsi qu’à d’autres procédures. La sanction royale sous forme de déclaration écrite n’est évidemment pas destinée à un tel traitement.

Ajouté par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pendant son examen du projet de loi, l’article 7 se rattache au nouvel article 3 ajouté en même temps. Il prévoit qu’aucune sanction royale ne serait invalide du fait qu’il n’y a pas eu de cérémonie traditionnelle de la sanction royale pendant l’année. Cette disposition semble avoir pour but de dissiper les doutes concernant la validité d’une sanction royale octroyée par déclaration écrite au cours d’une année où, pour une raison ou une autre, la procédure formelle n’aurait pas eu lieu. (Par exemple, il se pourrait qu’une cérémonie traditionnelle n’ait pas été nécessaire ou qu’une prorogation ou la dissolution soit intervenue avant qu’elle ait lieu.) On s’est demandé, cependant, si cette disposition ne pourrait pas servir à éviter complètement de recourir à la cérémonie traditionnelle.

COMMENTAIRE

L’insatisfaction concernant l’actuelle procédure d’octroi de la sanction royale couve depuis plusieurs années. L’assistance à cette cérémonie est souvent clairsemée et elle peut avoir lieu à des moments qui ne conviennent pas aux sénateurs, aux députés et au gouverneur général et à ses suppléants. La délégation de juges de la Cour suprême du Canada à cette cérémonie pose également des difficultés : outre que les juges sont très occupés, cette fonction les place dans une situation difficile du fait qu’ils peuvent être appelés à statuer dans les contestations dont les projets de loi qu’ils ont sanctionnés au nom du souverain font l’objet. En outre, par suite des travaux de rénovation de l’Édifice du Centre qui auront lieu au cours des prochaines années, il arrivera que les deux chambres ne siègent pas dans le même immeuble, ce qui compliquera la fixation des date et heure de la cérémonie de la sanction royale.

À l’encontre de ces arguments, on fait remarquer que la cérémonie de la sanction royale est une tradition importante et significative et qu’elle fait partie de notre héritage parlementaire. Comme il s’agit d’une des rares occasions où les trois éléments du Parlement se rassemblent, elle rappelle aux parlementaires et au grand public que les lois ne sont édictées qu’une fois approuvées par le Sénat, la Chambre et le gouverneur général. L’élimination de la cérémonie diminuerait encore plus, soutient-on, l’importance du Sénat et du gouverneur général. Les tenants de ce point de vue soutiennent que ce n’est pas parce que d’autres pays ont laissé tomber la cérémonie que le Canada doit les imiter.

Il a été question du projet de loi S-15 dans les médias, mais il ne semble pas avoir suscité jusqu’ici de grand débat public. La Ligue monarchiste du Canada a comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pendant son examen du projet de loi. Elle s’est opposée fermement au projet de loi, soutenant que la cérémonie de la sanction royale est importante sur les plans constitutionnel et symbolique et qu’elle ne doit pas être abandonnée, que la procédure de rechange proposée dans le projet de loi risque fort de devenir la norme et qu’il y a d’autres moyens de régler les problèmes qui se posent.

La constitution du Canada ne fixe pas de procédure à suivre pour l’octroi de la sanction royale et, comme il est noté ci-dessus, la plupart des autres gouvernements parlementaires se dispensent de la cérémonie. Les partisans du projet de loi S-15 et de son prédécesseur font remarquer que le projet de loi n’a pas pour but d’abolir la cérémonie de la sanction royale. Le projet de loi modifié prévoit, en effet, qu’il devrait y avoir une cérémonie traditionnelle à l’occasion du premier projet de loi de crédits dans chaque session et au moins une fois par an. En outre, il s’agirait là d’un minimum seulement. Il a été proposé qu’une cérémonie de la sanction royale ait lieu dans le cas des projets de loi importants comme les projets de modification de la constitution ou les projets de loi d’importance historique. Selon le sénateur Lynch-Staunton, parrain du projet de loi, si la cérémonie de la sanction royale avait lieu moins souvent, peut-être obtiendrait-elle plus de respect et revêtirait-elle plus d’importance qu’à l’heure actuelle.

Le projet de loi S-15 vise à assortir la procédure traditionnelle d’une démarche qui soit plus simple, plus expéditive et plus pratique. D’autres solutions ont été proposées aux problèmes que pose la procédure actuelle. Certains parlementaires estiment qu’il est essentiel que le gouverneur général assiste personnellement à la cérémonie de la sanction royale ou du moins qu’il y a assiste plus fréquemment qu’il ne l’a fait ces dernières années. On propose également que le gouverneur général confie à d’éminents Canadiens comme les compagnons de l’Ordre du Canada la tâche de présider la cérémonie. Il serait aussi possible de tenir à intervalle fixe la cérémonie de la sanction royale, par exemple, tous les quatre jeudis, afin de permettre au parlement et aux parlementaires de prendre leurs dispositions.

Certains proposent qu’il ne soit fait recours à la procédure de rechange que lorsque le Sénat et la Chambre ne siègent pas en même temps. On réglerait ainsi le problème qui se pose lorsque la Chambre s’ajourne avant le Sénat, laissant à celui-ci des projets de loi à adopter. Il arrive souvent que la Chambre ne soit alors représentée que par un Président adjoint et un ou deux députés. La cérémonie traditionnelle serait maintenue dans tous les autres cas.

On pourrait également ajouter au projet de loi S-15 un article permettant à l’une ou l’autre chambre, aux leaders parlementaires ou à un certain nombre ou pourcentage de sénateurs et(ou) de députés de demander qu’il y ait une cérémonie traditionnelle de la sanction royale. Le gouvernement pourrait toujours opter pour la cérémonie traditionnelle et cette disposition permettrait aux autres parlementaires d’en faire la demande.

Mis à part la proposition portant que la sanction royale soit signifiée par une déclaration écrite, le projet de loi S-15 ne donne pas de détails concernant la procédure de rechange. Il a été proposé, par exemple, que des représentants du gouvernement et de l’opposition au Sénat et à la Chambre des communes soient présents lorsque le projet de loi est présenté au gouverneur général bien qu’on ne sache pas trop si cela se ferait en public ou en privé. Il y en a qui craignent que cette exigence ne donne lieu à une cérémonie d’octroi de la sanction royale semblable à la cérémonie de signature des projets de loi par le président des États-Unis. Les modalités restent à déterminer.


* Le sénateur John Lynch-Staunton, qui avait déposé le projet de loi en avril dernier, a décidé de le retirer le 8 décembre 1998.   Il a alors indiqué ce qui suit : « Au cours du congé, j'essaierai de faire rédiger un autre avant-projet à présenter dès notre retour et qui répondra, je l'espère, aux préoccupations qui ont été soulevées ici et au comité ».