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LS-298F
PROJET DE LOI S-5 : LOI MODIFIANT LA
LOI
HISTORIQUE DU PROJET DE LOI S-5
TABLE DES MATIÈRES
B. Le régime canadien des droits de la personne MODIFICATIONS RELATIVES AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES : A. Le système de justice pénale B. Le régime des droits de la personne : La Loi
canadienne sur les droits de la personne AUTRES MODIFICATIONS À LA LOI CANADIENNE SUR LES
DROITS DE LA A. Le Tribunal canadien des droits de la personne
Articles 27 à 29
C. Autres modifications dignes de mention PROJET DE LOI S-5 : LOI MODIFIANT LA
LOI SUR
Le 9 octobre 1997, le Leader du gouvernement au Sénat a déposé au Sénat le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur la preuve au Canada et le Code criminel, la Loi canadienne sur les droits de la personne relativement aux personnes handicapées et, en ce qui concerne la Loi canadienne sur les droits de la personne, à dautres matières, et modifiant dautres lois en conséquence. Ce projet de loi avait tout dabord été déposé à la Chambre des communes, sous la désignation C-98, en avril 1997 par lancien ministre de la Justice et Solliciteur général du Canada, M. Allan Rock; le projet de loi C-98 est toutefois mort au Feuilleton à la dissolution du Parlement. Le projet de loi S-5 contient un certain nombre de propositions visant à éliminer des obstacles à la pleine participation et à garantir aux personnes handicapées leurs droits à légalité. Il comprend également quelques changements de fond et des changements administratifs à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans les sections du présent document consacrées à la description, à lanalyse et au commentaire, les trois textes de loi que modifierait le projet de loi S-5 seront examinés séparément. Nous traiterons des principaux changements proposés par le projet de loi et de leur contexte historique, procéderons à une certaine analyse et ferons état de commentaires publics. Mais tout dabord, nous donnerons des renseignements dordre général sur les problèmes de droits des personnes handicapées et de droits de la personne couverts par le projet de loi. Aujourdhui, au Canada, plus de quatre millions de personnes, soit 16 p. 100 de la population, sont atteintes dun handicap. Malheureusement, ces personnes continuent de se heurter quotidiennement à des obstacles dans des secteurs tels que lemploi, la formation, les transports, les communications et le logement, où la plupart des Canadiens tiennent légalité pour acquise. Voilà près de vingt ans maintenant que les groupes de défense des droits des personnes handicapées préconisent une réforme dans ce domaine. La question a été soulevée à plusieurs reprises au Parlement. Lancien Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées défendait activement les droits à légalité des Canadiens handicapés. Dans son rapport de juin 1990, intitulé Sentendre pour agir : lintégration économique des personnes handicapées, le Comité recommandait une réforme législative qui obligerait tous les ministères et organismes fédéraux et toutes les sociétés dÉtat à examiner et, si nécessaire, à modifier leurs lois et règlements afin que les personnes handicapées bénéficient des programmes fédéraux existants. En réponse à ce rapport, le gouvernement a accepté de procéder à une révision exhaustive des lois fédérales afin de définir les mesures législatives à prendre pour éliminer les obstacles à lintégration économique et sociale des personnes handicapées. Il a également promis quune consultation avec la collectivité des personnes handicapées ferait partie intégrante de la révision. Au début des années 90, la communauté des personnes handicapées a lancé lidée dun projet de loi omnibus qui permettrait de modifier simultanément plusieurs instruments législatifs et, dainsi répondre aux préoccupations des Canadiens handicapés, lobjectif étant de rendre les lois fédérales conformes à larticle 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit aux personnes atteintes dune déficience mentale ou physique le droit à légalité. En 1990, les organismes de défense des droits des personnes handicapées ont été encouragés dans leurs efforts par ladoption, aux États-Unis, de lAmericans with Disabilities Act, projet de loi consacré aux droits civils des Américains handicapés. À lautomne 1990, des groupes communautaires canadiens représentant les personnes handicapées ont donné pour mandat au Conseil canadien des droits des personnes handicapées (CCDPH), groupe national de défense des droits juridiques, de procéder à un examen approfondi des lois fédérales afin de déterminer en quoi elles étaient discriminatoires à légard de ces personnes, que ce soit délibérément ou par omission. Ce processus a débouché sur la rédaction, à lintention du gouvernement, de propositions précises visant à rectifier les dispositions législatives discriminatoires(1). En juin 1992, le Parlement a adopté le projet de loi C-78, Loi modifiant certaines lois relativement aux personnes handicapées, qui a modifié six textes de loi fédéraux. Parallèlement, le gouvernement sest engagé à donner suite aux propositions du CCDPH dont il navait pas été tenu compte dans le projet de loi (à savoir celles se rapportant au Code criminel et à la Loi sur la preuve au Canada). En juin 1996, un Groupe de travail fédéral concernant les personnes handicapées a été chargé détudier le rôle fédéral par rapport aux droits des personnes handicapées. Dans son rapport intitulé Donner un sens à notre citoyenneté canadienne : la volonté dintégrer les personnes handicapées, le Groupe de travail a recommandé que le gouvernement fédéral travaille en collaboration avec les provinces, le secteur privé, les organismes bénévoles et la collectivité des personnes handicapées afin de définir une démarche pancanadienne pour régler les problèmes que rencontrent ces dernières. Il a demandé instamment au gouvernement fédéral de tenir compte de ces personnes dans toutes les politiques et tous les programmes importants, et de montrer lexemple en déposant des projets de loi généraux et en mettant en place le financement dinfrastructures et les mécanismes de responsabilité voulus. Plus particulièrement, le Groupe de travail a recommandé dans son rapport que les modifications apportées au Code criminel et à la Loi sur la preuve au Canada permettent aux personnes handicapées davoir plus facilement accès au système de justice pénale. Il a également demandé que la Loi canadienne sur les droits de la personne soit modifiée de manière quy soit prévue une obligation de tenir compte de la situation de ces personnes. B. Le régime canadien des droits de la personne La Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi) a été promulguée en 1977 afin de mettre en place un processus informel et efficace de règlement des cas de discrimination dans les domaines de compétence fédérale. Comme la plupart des textes législatifs provinciaux portant sur la non-discrimination, la Loi crée un système de recours spécialisé visant à utiliser la persuasion et léducation pour décourager quiconque de commettre des actes ou dadopter des attitudes discriminatoires, et à obliger les auteurs de tels actes à supporter les frais dindemnisation des victimes. La Loi sapplique à tous les ministères et organismes fédéraux et aux sociétés dÉtat, ainsi quaux entreprises et aux secteurs dactivité assujettis à la réglementation fédérale (par ex., banques, transports et communications). Le régime des droits de la personne est essentiellement fondé sur les plaintes. Autrement dit, il faut quune plainte pour discrimination soit déposée devant la Commission canadienne des droits de la personne pour que le processus se mette en marche. En outre, ce régime est autonome en ce sens quil est impossible de sadresser directement aux tribunaux pour obtenir réparation dactes discriminatoires. Dans larrêt rendu dans laffaire Bhadauria c. Board of Governors of Seneca College, [1981] 2 S.C.R. 183, la Cour suprême du Canada a estimé que la législation des droits de la personne est si complète, avec ses dispositions relatives à ladministration et à larbitrage, que lobjectif en est manifestement de limiter lexécution des interdictions relatives à la discrimination aux mesures prévues par la loi elle-même, et non de conférer aux tribunaux des pouvoirs supplémentaires en la matière. La Commission canadienne des droits de la personne est lorgane administratif chargé de mieux faire connaître, accepter et respecter la Loi. Elle est indépendante et se compose dun commissaire à plein temps (le commissaire en chef), et de quatre commissaires à temps partiel, tous nommés par le gouverneur en conseil. La fonction décisionnelle prévue par la Loi est assurée par des tribunaux des droits de la personne auxquels siègent des membres dun Comité du tribunal des droits de la personne indépendant de la Commission, également nommés par le gouverneur en conseil. Ces tribunaux tiennent des audiences officielles afin dexaminer les plaintes pour discrimination et ils sont habilités à imposer des réparations générales pour remédier aux problèmes sociaux uniques à lorigine de ces plaintes. Au printemps 1986, le gouvernement fédéral a annoncé le lancement dun examen global de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans sa réponse au Sous-comité sur les droits à légalité de la Chambre des communes, présentée dans un document de mars 1986 intitulé Cap sur légalité, il précisait que cet examen devait porter sur les propositions et les idées de modifications émanant essentiellement de trois grandes sources : 1) Légalité ça presse!, rapport présenté en mars 1984 par le Comité spécial de la Chambre des communes sur les minorités visibles dans la société canadienne; 2) Égalité pour tous, rapport présenté en octobre 1985 par le Sous-comité sur les droits à légalité du Comité permanent de la justice et des affaires juridiques de la Chambre des communes; et 3) les rapports annuels de la Commission canadienne des droits de la personne. Durant tout lété 1986, le ministère de la Justice, qui est chargé de veiller à lapplication de la Loi canadienne sur les droits de la personne, a consulté divers groupes dintérêt. Dans le discours du Trône prononcé le 1er octobre 1986, le gouvernement a fait part de son intention de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne. Depuis lors, les ministres de la Justice successifs ont réaffirmé la volonté du gouvernement à cet égard. Le 10 décembre 1992, la ministre de la Justice de lépoque, lhonorable Kim Campbell, a déposé à la Chambre des communes le projet de loi C-108, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et dautres lois en conséquence. Cependant, avec la dissolution du Parlement, ce projet de loi a expiré au Feuilleton. En juin 1996, au cours de la dernière session de la trente-cinquième législature, une modification a été apportée à la Loi fédérale sur les droits de la personne (projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne) afin dajouter lorientation sexuelle aux motifs de discrimination illicites. Depuis lors, le législateur nest plus intervenu en la matière. MODIFICATIONS RELATIVES AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES : DESCRIPTION, ANALYSE ET COMMENTAIRE A. Le système de justice pénale Supprimer des obstacles afin de faciliter légalité daccès au système de justice pénale canadien figure depuis longtemps parmi les objectifs des personnes handicapées. Daucuns soutiennent que ces dernières sont depuis trop longtemps soit qualifiées de déficients mentaux, soit privées des moyens nécessaires pour quelles puissent communiquer dans un tribunal. On peut affirmer que, faute de changer les attitudes et les dispositions législatives excluant le témoignage de personnes handicapées, ces personnes continueront dêtre des victimes de choix et les agresseurs, sils sont tenus responsables, continueront de contester la compétence de leur victime. Les défenseurs des droits des personnes handicapées recommandent, entre autres :
Il est particulièrement inquiétant de constater que de plus en plus de personnes handicapées sont victimes dagressions physiques et sexuelles mais ne peuvent obtenir la protection du système de justice pénale. En janvier 1988, le projet de loi C-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la preuve au Canada, a été adopté afin de remédier aux problèmes que rencontraient les enfants victimes de violence sexuelle qui sadressaient aux tribunaux pénaux pour obtenir justice. Les défenseurs des droits des personnes handicapées font valoir que nombre des réformes engagées pour protéger les enfants sont également nécessaires pour protéger les personnes handicapées. Selon eux, les changements apportés par le projet de loi C-15, et même ceux apportés par le projet de loi omnibus de 1992 sur les droits des personnes handicapées (voir sous « Contexte », dans le présent document, la partie consacrée au projet de loi C-78), nallaient pas assez loin à cet égard. Nombre des amendements proposés dans le projet de loi S-5 visent à répondre aux préoccupations susmentionnées. 1. La Loi sur la preuve au Canada Article 1 Larticle 1 du projet de loi S-5 remplacerait larticle 6 de la Loi sur la preuve au Canada, qui autorise actuellement les témoins incapables de parler à témoigner de toute autre manière par laquelle ils peuvent se faire comprendre. Larticle 1 élargirait cette autorisation aux personnes ayant des difficultés à communiquer en raison dune déficience quelconque. Elles pourraient, par exemple, recourir à des interprètes gestuels ou oraux, à des dispositifs techniques pour malentendants ou à un sous-titrage simultané. Si le tribunal décidait quune personne atteinte de déficience mentale peut témoigner aux termes de larticle 16 de la Loi sur la preuve au Canada, et que cette personne a des difficultés à communiquer à cause dun handicap physique ou mental, elle pourrait témoigner en utilisant tout moyen ordonné par le tribunal. Larticle 1 créerait également un nouvel article 6.1 afin de permettre à un témoin de donner des preuves visuelles de lidentité dun accusé ou dutiliser toute méthode didentification sensorielle. Les tribunaux pourraient donc juger recevable lidentification dune personne accusée par la voix ou le toucher. Cette disposition remédierait aux problèmes que pose la juste identification dun accusé par une personne handicapée. Dans la plupart des cas, les victimes reconnaissent dabord laccusé visuellement, dans un alignement de confrontation puis, dans la salle de tribunal, dans le cadre du témoignage. Toutefois, les personnes atteintes de cécité et les malvoyants sont souvent incapables didentifier un accusé de cette manière. Les modifications à la Loi sur la preuve au Canada proposés par le projet de loi S-5 répondraient aux recommandations formulées par le CCDPH en 1991 (voir sous « Contexte », dans le présent document, la référence au Conseil canadien des droits des personnes handicapées). Cependant, le CCDPH a également recommandé denvisager des exceptions à la règle du ouï-dire afin de permettre à un tiers de témoigner à la place de la victime sil nexiste aucun autre moyen de faire entendre le témoignage en cour. Seraient visées, par exemple, les situations où les victimes handicapées sont incapables dappeler au secours ou de se défendre seules. Il reste à déterminer si les modifications proposées en ce qui concerne les personnes atteintes de déficience mentale régleraient ce problème. De plus, en 1991, le CCDPH sinquiétait de labsence de disposition autorisant un témoin qui a de la difficulté à communiquer à ne pas prêter serment. Autrement dit, la Loi sur la preuve au Canada nautorise pas quune personne témoigne uniquement en fonction des moyens par lesquels elle peut communiquer. On continue de soutenir que les personnes handicapées sont victimes de discrimination si le privilège de témoigner est limité aux personnes qui peuvent convaincre le tribunal du fait quelles sont aptes à livrer leur témoignage et quelles comprennent la nature dun serment, dune affirmation solennelle ou dune promesse de dire la vérité. Pour ce qui est de tenir compte des besoins des personnes handicapées en matière de communication, le CCDPH a recommandé que toute modification législative stipule que les frais occasionnés soient supportés par le tribunal et non par la personne handicapée. La question des frais nest pas abordée dans le projet de loi. Les provinces, à qui incombe ladministration de la justice, semblent avoir accepté dabsorber les frais des témoins à charge, mais le projet de loi ne dit pas clairement si tous les frais afférents aux témoins seraient couverts de la même façon. En 1991, le CCDPH sest également interrogé sur les modalités de laide à la communication. Les victimes ou les témoins handicapés auraient-ils voix au chapitre dans ce processus et dans quelle mesure? Par exemple, auraient-ils droit à un interprète professionnel de leur choix ou avec qui ils se sentent en confiance? Enfin, le CCDPH a recommandé que les besoins des témoins handicapés soient précisés aux juges et aux jurés dans la procédure judiciaire. Ces renseignements devraient être jugés pertinents et recevables sils peuvent aider le tribunal à comprendre les besoins dun témoin en particulier, à savoir quelles dispositions prendre, et à connaître les détails de toute méthode de communication convenable. Le CCDPH a même recommandé que, dans son enquête sur la capacité de communication dun témoin aux termes de larticle 16 de la Loi sur la preuve au Canada, un juge devrait être tenu de contacter des services daide à la communication. Dans le mémoire quelle a présenté au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, lAssociation canadienne pour lintégration communautaire a recommandé que le système de justice pénale prévoie des normes pour soutenir et aider les personnes handicapées. Pour illustrer ce à quoi elle aspirait, lAssociation a cité les protocoles denquête et de poursuite dans des affaires mettant en cause des personnes ayant des besoins de communication particuliers qui ont été adoptés par le Manitoba et la Nouvelle-Écosse. 2. Le Code criminel Articles 2 à 8 a. Crime dexploitation sexuelle Article 2 Aux termes des dispositions du Code criminel relatives à la violence sexuelle à lendroit des enfants (article 153), toute personne en situation dautorité ou de confiance qui exploite sexuellement une jeune personne âgée de 14 à 18 ans commet un acte criminel. Il y a également acte criminel lorsquune personne exploite sexuellement une jeune personne avec qui elle entretient une relation de dépendance. Larticle 2 du projet de loi S-5 appliquerait les mêmes interdictions vis-à-vis des personnes handicapées. Il utilise le même libellé que lalinéa b) du paragraphe 153(1) pour interdire à quiconque se trouvant dans un type de relations similaire dinviter, dengager ou dinciter une personne handicapée à avoir, sans y consentir, un comportement de nature sexuelle. Larticle 2 ne reprendrait cependant pas lalinéa a) de ce même paragraphe, qui interdit aux personnes entretenant ce type de relations de toucher le corps dune personne handicapée à des fins sexuelles. Cela tient sans doute à ce que ces situations seraient visées par la disposition générale relative aux agressions sexuelles. Larticle 2 créerait une infraction mixte, punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible dune peine demprisonnement maximale de dix-huit mois ou, si lacte criminel est reconnu, dune peine demprisonnement maximale de cinq ans. Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, de la Chambre des communes, a exprimé des inquiétudes quant au libellé du projet darticle 153.1. On a en particulier fait valoir que le mot « consentement » pourrait être interprété comme sappliquant aux actes dinviter, dengager ou dinciter, que larticle vise à interdire, ce qui donne corps à létrange concept dun consentement à la formulation dune invitation. Le Comité a, par conséquent, amendé larticle proposé pour préciser que labsence de consentement ne sappliquerait quaux touchers effectués par la personne déficiente. Larticle 2 créerait donc une nouvelle infraction, à savoir lexploitation sexuelle de personnes handicapées, qui serait distincte de linfraction générale dagression sexuelle. Pourquoi? Il semblerait que, si lon souhaite créer une nouvelle infraction distincte de linfraction générale dagression sexuelle, cest, en partie du moins, parce quen reconnaissant quil existe diverses manières dexploiter sexuellement des personnes handicapées, on pourrait engager la responsabilité pénale dautrui pour une gamme bien plus grande de comportements inopportuns à caractère sexuel et dégradants. De plus, il serait facile de reconnaître, dans un casier judiciaire, cette nouvelle infraction comme étant dirigée contre des personnes handicapées se trouvant dans des situations les rendant vulnérables, par opposition à laccusation générique dagression sexuelle. Contrairement aux dispositions relatives à la violence sexuelle à lendroit denfants de larticle 153 (où le consentement à une activité sexuelle ne peut être invoqué comme défense), le consentement pourrait être invoqué comme défense dans un crime dexploitation sexuelle de personnes handicapées. Le libellé du paragraphe 273.1 du Code criminel (relativement aux agressions sexuelles) serait utilisé pour définir le « consentement » comme étant « laccord volontaire du plaignant à lactivité sexuelle ». Le libellé du paragraphe 273.1(2) serait également retenu pour invalider tout consentement obtenu dans certaines circonstances. Ces circonstances, qui sont exposées dans le projet de loi, ne seraient toutefois pas exhaustives. Ainsi, il ny aurait pas consentement si laccord est manifesté par un tiers, si le plaignant était incapable de consentir à lactivité (en raison de son handicap), ou si le plaignant sest livré à lactivité parce que laccusé a abusé de la confiance ou de lautorité dont il était investi. De même, il ny aurait pas consentement si le plaignant manifestait, par des paroles ou par son comportement, labsence daccord à lactivité ou à la poursuite de celle-ci. Un organisme de défense des droits des personnes handicapées a expliqué pendant lexamen de larticle 273.1, quand il a été proposé dans le projet de loi C-49, Loi modifiant le Code criminel (agression sexuelle), que les personnes handicapées risquaient de se trouver dans des situations où il nest pas possible de consentir à une activité sexuelle ou de la refuser de la manière habituelle, soit verbalement, soit par un comportement. Il a proposé que le concept de communication soit élargi afin dinclure tous les modes de communication (à savoir les paroles, les gestes, le comportement et tout autre moyen de communication). Cette préoccupation est sans doute pertinente en ce qui concerne larticle 2 du projet de loi S-5. Bien que le libellé du paragraphe 153.1(3) proposé soit tiré de lactuel article 273.1 du Code criminel, les mots « invite, engage ou incite » ont remplacé « persuade » à lalinéa 153.1(3)c) pour invalider le consentement si laccusé a abusé de la confiance, du pouvoir ou de lautorité dont il était investi. Les membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, se sont demandé pourquoi le libellé avait été changé. Afin de préciser que laccusé doit, pour quil y ait infraction, avoir insisté dune façon ou dune autre, le Comité a amendé lalinéa 153.1(3)c) en abrogeant lexpression « linvite ». Enfin, le libellé des paragraphes (5) et (6) de larticle 153.1 proposé à larticle 2 du projet de loi est également tiré darticles existants du Code criminel. Le paragraphe (5) adopterait le libellé de larticle 273.2, qui exclut du moyen de défense la croyance erronée au consentement si cette croyance découle de laffaiblissement volontaire des facultés de laccusé, de son insouciance ou dun aveuglement volontaire. Le libellé du paragraphe (6) est semblable à celui du paragraphe 265(4) (dispositions relatives aux agressions), qui oblige le juge à demander au jury de prendre en considération la présence ou labsence de motifs raisonnables de croire en la sincérité de laccusé lorsquil avance pour sa défense avoir pensé que le plaignant avait donné son consentement. b. Service judiciaire Articles 4 à 7 Les articles 4 à 7 du projet de loi visent à faciliter linclusion de personnes handicapées parmi les jurés. Larticle 4 permettrait à un juré handicapé physique par ailleurs qualifié pour être juré, dobtenir les aménagements nécessaires pour quil puisse sacquitter de son devoir. Larticle 6 du projet de loi vise les récusations motivées par un poursuivant ou un accusé. Actuellement, lalinéa 638(1)e) du Code criminel autorise à récuser un juré sil est incapable physiquement de remplir ses obligations de façon convenable. Larticle 6 modifierait cet alinéa de manière à empêcher quun handicap puisse constituer en soit un obstacle au service judiciaire, particulièrement si des aménagements sont prévus pour la personne handicapée, qui est alors capable de remplir son rôle de juré. Cependant, un handicap pourrait être une cause dexclusion si, malgré des services de soutien, des services techniques ou personnels et la présence dun interprète, la personne demeurait physiquement incapable de sacquitter de ses obligations de juré. Cela pourrait se produire, par exemple, si laffaire jugée comporte de nombreuses preuves visuelles et que le juré potentiel est aveugle. On se demande, par rapport à ces dispositions du projet de loi, comment et dans quelle mesure il faut prévoir des aménagements dans ces cas. Par exemple, quelles limites faut-il imposer à lobligation de tenir compte des besoins des personnes handicapées? Quarriverait-il si un juré potentiel demandait les services dun interprète que lon ne pourrait lui fournir faute den trouver un dans la localité où se déroule le procès? En quoi les personnes handicapées participeraient-elles à ce processus? Les frais engagés influeraient-ils sur la décision de tenir compte des besoins de ces personnes et, dans laffirmative, dans quelle mesure? À qui incomberait-il de régler ces frais? c. Témoignage recueilli sur bande magnétoscopique Article 8 Les dispositions du Code criminel relatives à la violence sexuelle à lendroit des enfants autorisent actuellement les plaignants âgés de moins de 18 ans à témoigner dune infraction sexuelle sur bande magnétoscopique, à condition que celle-ci soit enregistrée dans des délais raisonnables après la perpétration de linfraction et que le plaignant confirme dans son témoignage le contenu de cette bande. Lintention de larticle 715.1 est de préserver le témoignage denfants qui risqueraient autrement de ne pas se rappeler des événements qui se sont produits des mois ou des années auparavant et aussi déliminer la nécessité pour eux de répéter leur histoire à de nombreuses reprises, devant un tribunal ou ailleurs. Larticle 8 du projet de loi autoriserait des témoignages recueillis sur bande magnétoscopique par des personnes handicapées qui risqueraient autrement déprouver des difficultés à communiquer directement, en raison de leur handicap. B. Le régime des droits de la personne : La Loi
canadienne sur les droits de la personne Suite à lengagement pris par le gouvernement dans Cap sur légalité, réponse apportée en mars 1986 au Sous-comité de la Chambre des communes sur les droits à légalité, et en réponse au rapport récent du Groupe de travail fédéral concernant les personnes handicapées (voir sous « Contexte », dans le présent document, la section consacrée aux droits de la personne), larticle 10 du projet de loi S-5 ferait obligation de tenir compte dexigences professionnelles justifiées et de motifs justifiables aux termes de larticle 15 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Les employeurs et les fournisseurs de services assujettis à la Loi devraient répondre aux besoins des personnes handicapées et dautres groupes visés par la Loi, sauf si cela constitue pour eux une contrainte excessive. Autrement dit, une personne mise en cause dans une plainte pour discrimination qui naurait pas raisonnablement répondu aux besoins de la personne ou du groupe concerné, ne pourrait invoquer des exigences professionnelles ou un motif justifié, à moins de pouvoir démontrer que répondre aux besoins du plaignant aurait entraîné une contrainte excessive. Larticle 10 limiterait les critères dévaluation dune contrainte excessive à des critères de santé, de sécurité et de coût, cest-à-dire aux trois critères déjà énoncés dans le Code des droits de la personne de lOntario. À linstar de lOntario à cet égard, le projet de loi S-5 autoriserait le gouverneur en conseil à prendre des règlements définissant les critères dévaluation dune contrainte excessive. En outre, le projet de loi ferait obligation à la Commission canadienne des droits de la personne de tenir des consultations publiques concernant tout projet de règlement et de faire ensuite rapport au ministre de la Justice. Cependant, le paragraphe 15(7) proposé permettrait au gouverneur en conseil de procéder à la prise du règlement six mois après sa publication dans la Gazette du Canada, même si la Commission canadienne des droits de la personne na pas présenté de rapport au Ministre. Certains témoins qui se sont présentés devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ont remis en question le fait que lon permette au gouverneur en conseil de définir les facteurs dévaluation de la contrainte excessive au paragraphe 15(3) proposé. Ils ont soutenu quune telle disposition permettrait en fait au gouvernement détablir lui-même les lignes directrices à respecter pour lapplication de la Loi canadienne sur les droits de la personne, alors quil doit souvent répondre à des plaintes formulées en vertu de la Loi. Ils ont estimé que la Commission canadienne des droits de la personne, étant donné ses connaissances poussées de ces questions, est mieux placée que le gouvernement pour établir les normes requises pour évaluer la contrainte excessive. Toutefois, il a été proposé que, si ce nest pas la Commission qui établit ces normes, celles-ci soient fixées par suite de décisions de tribunaux des droits de la personne. Des groupes revendiquant le droit à légalité ont dit craindre que le paragraphe 15(7) proposé ne garantisse pas que le gouverneur en conseil, en prenant des règlements sur la contrainte excessive, tienne compte des consultations publiques organisées par la Commission canadienne des droits de la personne, surtout si ces consultations nont pas été terminées dans un délai de six mois. Il a été recommandé que le projet de loi soit modifié pour prévoir que ce règlement respecte le rapport de la Commission des droits de la personne. En loccurrence, les tribunaux ont tendance à faire la distinction entre des formes de discrimination directe et indirecte. La discrimination directe se définit comme une règle ou un acte qui, en soi, constitue une discrimination dont les motifs sont illicites (par ex., le sexe ou lâge). La discrimination indirecte, en revanche, se produit lorsquune règle ou un acte est neutre en pratique mais a un effet préjudiciable sur une personne ou un groupe de personnes en raison dun motif illicite. Daucuns, y compris des cours et des tribunaux, trouvent cette distinction compliquée et troublante, au point quil peut ne pas être facile de lappliquer dans les faits. Par exemple, peut-on parler de discrimination indirecte si lon exige des candidats à un emploi quils sachent conduire, car cette règle apparemment neutre est préjudiciable aux personnes aveugles? Ou bien sagit-il dune discrimination directe parce que lemployeur doit savoir quelle interdit, de fait, aux personnes aveugles de postuler lemploi? Ce que les groupes de défense de légalité des droits trouvent le plus troublant dans ces distinctions que lon fait entre discrimination directe et indirecte, cest que la norme dexamen judiciaire et le type de réparation possible semblent dépendre de la catégorie dans laquelle tombe un acte discriminatoire particulier. Larticle 10 du projet de loi répondrait à toutes ces préoccupations en éliminant la distinction entre discrimination directe et indirecte, ou effet préjudiciable. Lobligation de tenir compte des besoins qui serait faite, sappliquerait indépendamment de la catégorie dans laquelle se range lacte discriminatoire. Larticle 10 du projet de loi sappliquerait sous réserve de lobligation de service imposée aux membres des Forces canadiennes, qui doivent être prêts au combat en permanence et en toutes circonstances, indépendamment des fonctions auxquelles ils peuvent être tenus. Cette modification mettrait la Loi au diapason de la jurisprudence récente qui reconnaît tous les membres des Forces canadiennes comme étant avant tout des soldats. Pour lessentiel, cette exception exempterait les Forces davoir à se conformer à lobligation de tenir compte de la situation dune personne. La signification de « coût » dans la détermination des cas entraînant une contrainte excessive est un des points les plus épineux en ce qui concerne lobligation de tenir compte de la situation dune personne. Certains groupes de défense des droits à légalité préféreraient quaucun facteur de coût ne soit pris en considération en lespèce, car ils redoutent, dans le cas contraire, de voir se créer deux catégories de requérants dans les affaires de droits de la personne : ceux que lon peut se permettre de traiter équitablement et les autres. Toutefois, si le coût doit être une considération pertinente dans lévaluation dune contrainte excessive, ils aimeraient le voir limité au coût financier, comme cest le cas dans le Code des droits de la personne de lOntario, ou le voir modifié par lajout du qualificatif « excessif ». En revanche, une interprétation très restrictive de ce qui constitue une « contrainte excessive » inquiète les employeurs et les fournisseurs de services, qui aimeraient voir ajouter au projet de loi dautres facteurs de contrainte excessive reconnus par les tribunaux(3) : rupture de convention collective, interchangeabilité de la main-duvre et des installations (facilité dadaptation) et problèmes de moral parmi dautres employés. En ce qui concerne les coûts, ils souhaitent avoir lassurance que les coûts légitimes indirects ou non quantifiables seront pris en considération parallèlement aux coûts concrets et quantifiables. Enfin, certains groupes de défense des droits à légalité jugent la notion même dadaptation offensante. Selon eux, les notions dadaptation et de contrainte excessive créent une version secondaire des droits qui est inacceptable. Lidée que les besoins de personnes défavorisées sont spéciaux et quil faut, dans la mesure du possible, en tenir compte, présuppose que lon jauge ces personnes par rapport à une norme. Quiconque nest pas conforme à cette norme est jugé différent ou « anormal » et il faut tenir compte de ses besoins, mais seulement sils ne se traduisent pas par une contrainte excessive pour la personne qui doit en tenir compte. De plus, en choisissant cette méthode pour arriver à légalité, on ne remet pas en question des hypothèses, des institutions et des relations qui sous-tendent les règles discriminatoires. Ladaptation permet à un employeur, par exemple, de ne pas avoir à répondre dun acte qui, par ailleurs, serait jugé discriminatoire. Ladaptation réduira les effets de la méthode de légalité de traitement dans certaines situations, mais elle ne changera pas lincidence systémique globale de certaines règles. Daprès certains, il vaudrait mieux, en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, faire obligation aux employeurs et aux fournisseurs de services dappliquer une norme dégalité et leur demander de justifier tout écart par rapport à cette norme, plutôt que de maintenir des actes discriminatoires et de tenter dintégrer dans la pratique générale les personnes auxquelles ces actes sont préjudiciables. A. Le Tribunal canadien des droits de la personne Articles 27 à 29 1. Structure et procédure article 27 Larticle 27 du projet de loi S-5 restructurerait le Comité spécial existant du Tribunal des droits de la personne dans le cadre de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Actuellement, larticle 48.1 de la Loi crée un comité appelé Comité du Tribunal des droits de la personne qui se compose dun président et de 43 membres à temps partiel nommés par le gouverneur en conseil. Le Comité est donc indépendant de la Commission canadienne des droits de la personne. Le projet de loi S-5 créerait un Tribunal canadien des droits de la personne permanent, plus restreint et auquel siégeraient des spécialistes. Il serait composé dun président, dun vice-président et de 15 membres au plus. Des membres pourraient être nommés à titre temporaire pour faire face à la charge de travail. Les nominations au Tribunal seraient fondées sur lexpérience, les compétences, lintérêt et la sensibilité en matière de droits de la personne, et viseraient à assurer une représentation régionale. Le président, le vice-président et au moins deux autres membres du Tribunal devraient posséder certaines compétences juridiques et, conformément au projet de paragraphe 49(5) de la Loi, un des membres ayant une formation juridique présiderait les audiences portant sur des cas comprenant des rapports entre la Loi canadienne sur les droits de la personne et tout autre loi ou règlement. Actuellement, le président du Comité du Tribunal des droits de la personne peut être nommé pour un mandat de trois ans seulement. Cependant, le projet de loi S-5 prévoirait la possibilité de prolonger de sept ans au maximum le mandat du président et du vice-président sils donnaient toute satisfaction. Les autres membres conserveraient leur mandat pendant cinq ans au maximum pour les mêmes raisons. Le président et le vice-président seraient nommés en tant que membres à plein temps du Tribunal, tandis que les autres pourraient être nommés à plein temps ou à temps partiel. Le président serait le premier dirigeant du Tribunal, dont il surveillerait les activités, y compris la répartition des tâches entre les membres du Tribunal et la gestion des affaires internes du Tribunal. Larticle 27 comprend des dispositions (article 48.3 proposé) concernant des mesures correctives et disciplinaires qui pourraient être prises à lencontre de tout membre du Tribunal. En vertu de larticle 27, à tout moment après le dépôt dune plainte pour discrimination, la Commission canadienne des droits de la personne pourrait demander au président du Tribunal canadien des droits de la personne dinstruire la plainte, si elle est convaincue que celle-ci est justifiée. Le président répondrait en demandant à un membre du Tribunal dentendre la cause. Si la plainte est compliquée, un comité composé de trois membres pourrait linstruire. Larticle 27 permettrait au président de définir des règles de procédure pour les audiences du Tribunal. Ces règles couvriraient des points tels que la convocation de témoins, la production et la signification de documents, la présentation de preuves, la durée des audiences, et la prise de décision. Elles pourraient prévoir ladjonction à la procédure de parties et de personnes intéressées. Enfin, larticle 27 créerait un nouvel article 52 de la Loi afin dautoriser les membres et les comités du Tribunal à prendre des mesures pour garantir la confidentialité de linstruction dans certaines circonstances, par exemple, sil existe un risque réel ou substantiel que la divulgation de renseignements personnels puisse causer des difficultés indues aux personnes concernées. À lheure actuelle, larticle 52 de la Loi prévoit des audiences publiques, exception faite du cas où lexclusion de certaines personnes relève de lintérêt public. 2. Ordonnances Articles 27 à 29 Aux termes de larticle 53 de la Loi actuelle, si à lissue de son instruction, le tribunal juge la plainte non fondée, il doit la rejeter. Sil la juge fondée, cependant, il peut rendre une ordonnance contre la personne qui sest rendue coupable dun acte discriminatoire. Il continuerait den être ainsi en vertu du projet de loi S-5. En vertu de larticle 57 de la Loi, les ordonnances du tribunal resteraient assimilées, au plan de lexécution, à des ordonnances rendues par la Cour fédérale du Canada, y compris les nouvelles ordonnances ajoutées par le projet de loi. Le projet de loi supprimerait les articles 55 et 56 éliminant ainsi la structure de tribunal dappel qui existe actuellement. Les tribunaux des droits de la personne peuvent rendre diverses ordonnances spéciales, notamment pour indemniser la victime de discrimination de toute perte de salaire, des frais occasionnés par le recours à dautres services ou moyens dhébergement ou pour le préjudice moral quelle a subi. Le paragraphe 53(3) de la présente Loi autorise également le tribunal à ordonner le versement dune indemnisation spéciale lorsquil est jugé que lacte discriminatoire était ou est délibéré ou inconsidéré. Larticle 27 du projet de loi conférerait toujours ce pouvoir dindemnisation spéciale au titre du préjudice moral ou en cas dacte discriminatoire délibéré ou inconsidéré. Cependant, il en porterait le montant maximal à 20 000 $, alors quil est de 5 000 $ aujourdhui. La raison en est que certaines lois provinciales sur les droits de la personne ne plafonnent pas le montant de lindemnisation du plaignant, tandis que dautres prévoient des sommes maximales allant de 2 000 $ à 10 000 $. En relevant le plafond dans le cadre de la Loi canadienne sur les droits de la personne, on donnerait suffisamment de latitude aux tribunaux pour quils accordent une somme jugée juste dans les circonstances. En vertu de larticle 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, lutilisation du téléphone ou de tout autre moyen de télécommunication aux fins de communiquer des messages qui risquent dexposer une ou plusieurs personnes à la haine ou au mépris en raison de leur appartenance à un groupe identifiable, pour des motifs illicites (par. ex, la race et lorigine nationale ou ethnique), constitue un acte discriminatoire. Aux termes de larticle 54 de la Loi, le tribunal peut seulement rendre une ordonnance en désistement en vertu de lalinéa 53(2)a), sil estime fondée une plainte tombant sous le coup de larticle 13. Larticle 28 élargirait le pouvoir décisionnel des tribunaux dans ces cas. Il les autoriserait à indemniser les victimes nommément identifiées dans la communication discriminatoire en leur accordant au maximum 20 000 $, si lacte discriminatoire est ou a été jugé délibéré ou inconsidéré. Le tribunal pourrait également infliger une amende maximale de 10 000 $ au communicateur. Avant dimposer une sanction pécuniaire, le tribunal devra tenir compte de facteurs tels que la nature et la gravité de lacte et la volonté ou lintention du communicateur. Larticle 28 est une réponse à la multiplication des crimes haineux dans le monde. Le gouvernement estime que des mesures plus rigoureuses sont nécessaires pour dissuader des particuliers et des organisations de diffuser des messages haineux. Il espère y parvenir en permettant aux victimes de tels messages de demander à être indemnisées et en infligeant des sanctions financières aux contrevenants. Des témoins qui se sont présentés devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ont soulevé un certain nombre de points concernant le projet dun nouveau Tribunal canadien des droits de la personne. Ils ont soutenu, notamment, que les dispositions envisagées dans le projet de loi S-5 ne seraient pas suffisantes pour faire en sorte que ce Tribunal soit indépendant de la Commission canadienne des droits de la personne. En fait, lors de sa comparution devant le Comité sénatorial, la présidente du Comité du Tribunal canadien des droits de la personne a déclaré quau fil des ans, on avait souvent contesté lindépendance du Tribunal à plusieurs égards. Il y a par exemple eu des contestations concernant le paragraphe 27(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui confère à la Commission canadienne des droits de la personne le pouvoir dadopter des lignes directrices prescrivant dans quelle mesure et de quelle manière une disposition quelconque de la Loi sapplique à un cas particulier. Le paragraphe 27(3) stipule quune fois publiées, les lignes directrices de la Commission ne lient pas seulement cette dernière, mais aussi tout tribunal des droits de la personne. Il est intéressant de noter quen vertu des modifications proposées antérieurement (projet de loi C-108, mort au Feuilleton en 1993), les lignes directrices nauraient pas eu ce caractère obligatoire, et les tribunaux des droits de la personne auraient été indépendants de la Commission. Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, a amendé larticle 20 du projet de loi S-5 pour traduire la réalité selon laquelle, même si larticle 27 de la Loi canadienne sur les droits de la personne habilite la Commission canadienne des droits de la personne à prendre des ordonnances sur des cas particuliers, dans la pratique la Commission émet seulement des lignes directrices concernant lapplication générale de la Loi. Un autre point qui a été porté à lattention du Comité sénatorial concernait le paragraphe 48.8(2) proposé, qui permettrait au président du Tribunal dengager des experts pour aider ou conseiller les membres du Tribunal sur diverses questions. Des témoins se sont inquiétés du manque de détails, dans le projet de loi, au sujet du rôle de ces experts et de la capacité des parties, lors des audiences du tribunal, de contester leurs connaissances spécialisées. Certains organismes ont vigoureusement recommandé que la Loi canadienne sur les droits de la personne exige que toutes les audiences du tribunal soient présidées par une personne ayant une formation juridique. Dautres se sont inquiétés de la proposition de retirer les tribunaux de révision envisagée dans le projet de loi. Un témoin a même dit que lon ne devrait pas plafonner les indemnités imposées par le tribunal, soutenant que les tribunaux des droits de la personne devraient être libres dévaluer les indemnités au cas par cas, compte tenu des circonstances particulières en jeu. B. Obligations de soumettre des rapports Article 32 Depuis mars 1984, dans le rapport du Comité spécial sur les minorités visibles dans la société canadienne (Légalité, ça presse!), on demande que la Loi canadienne sur les droits de la personne soit modifiée afin que la Commission canadienne des droits de la personne relève directement du Parlement. Actuellement, aux termes de larticle 61 de la Loi, la Commission transmet son rapport annuel et tout rapport spécial au ministre de la Justice, qui les dépose au Parlement. On craint que, dans la mesure où la Commission instruit des plaintes concernant des ministères fédéraux, dans des affaires soumises aux tribunaux des droits de la personne, elle se trouve dans une situation conflictuelle avec les avocats du ministère de la Justice. On pourrait faire valoir quil y a au moins une impression de conflit dintérêts, et la Commission elle-même a demandé à plusieurs reprises dans ses rapports annuels que lon renforce son indépendance en la faisant relever directement du Parlement, comme le réclament dautres défenseurs des droits des Canadiens tels que le vérificateur général et le Commissaire à la protection de la vie privée. Larticle 32 du projet de loi S-5 répondrait à ces demandes en exigeant que la Commission soumette tous ses rapports au Parlement par lintermédiaire des présidents des deux Chambres. Cet article est également important en ceci quil ferait obligation au nouveau Tribunal canadien des droits de la personne de remettre au Parlement un rapport annuel sur ses activités. Cela assurerait une transparence de ses travaux et permettrait de garantir lindépendance du Tribunal par rapport à la Commission. C. Autres modifications dignes de mention 1. Collecte de renseignements relatifs à un motif de distinction illicite Article 16 Larticle 16 du projet de loi permettrait la collecte des renseignements relatifs à un motif de distinction illicite, à condition que ce soit pour sen servir lors de ladoption ou de la mise en oeuvre de programmes, de plans ou darrangements spéciaux. Larticle 16 de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit des programmes spéciaux pour diminuer ou prévenir les désavantages dans lemploi ou dans la fourniture de biens et de services que subit ou peut vraisemblablement subir un groupe dindividus pour des motifs de race, dorigine nationale ou ethnique, de couleur, de religion, dâge, de sexe, détat matrimonial ou dinvalidité. Un plan de promotion sociale est un exemple de programme spécial. Des questions de vie privée peuvent être invoquées relativement à larticle 16. On ne sait pas clairement si les dispositions de la Loi sur la protection de la vie privée fédérale régleraient ces préoccupations, étant donné que cette loi sapplique à la collecte, à lutilisation, à la divulgation et à la gestion de renseignements personnels uniquement par le gouvernement et des organismes gouvernementaux. Des groupes de défense des droits à légalité ont dit au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles que le projet de loi S-5 ne réglait pas une incohérence qui existe encore dans de la Loi canadienne sur les droits de la personne et qui fait que, tandis que larticle 16 énumère les motifs de distinction illicite par rapport à ladoption ou à lexécution de programmes spéciaux, il ninclut pas tous les motifs énoncés à larticle 3 de la Loi; or, la liste des motifs de distinction illicite devrait être la même dans toutes les lois. Le Comité sénatorial permanent na trouvé aucune raison pour quil en soit autrement. Par conséquent, il a modifié larticle 16 du projet de loi S-5 en remplaçant la liste précise des motifs énoncés à larticle 16 par lexpression générale « motifs de distinction illicite », ce qui a eu pour effet de corriger lomission et dassurer une uniformité avec les dispositions de la loi fédérale sur les droits de la personne. Cette modification a par la suite été adoptée par le Sénat dans son ensemble. 2. Impossibilité didentifier la victime de discrimination Paragraphe 23(2) Le paragraphe 23(2) du projet de loi autoriserait le dépôt de plaintes de discrimination dans la fourniture de biens et de services même sil ny a pas de victime identifiable. Grâce à cette modification, de telles plaintes faites dans le cadre de la Loi canadienne sur la protection des droits de la personne seraient dorénavant traitées comme celles se rapportant à lemploi (voir lalinéa 40(5)b) de la Loi). Cette disposition inspire des craintes à certains fournisseurs de biens et de services, qui doutent que la Commission canadienne des droits de la personne soit bien placée pour traiter des plaintes de discrimination sans victime identifiable. Ils estiment que les mis en cause nauraient pas tous les détails nécessaires à la préparation de leur défense. Ils prétendent aussi quil serait difficile de conclure à la discrimination dans de tels cas et dapprécier les redressements à accorder. Les fonctionnaires du ministère de la Justice ont informé le Comité que la disposition autoriserait la Commission canadienne des droits de la personne à traiter des plaintes même lorsquune victime identifiée refuse de se présenter ou est incapable de le faire, sil y a des preuves quil y a eu acte discriminatoire. Autrement dit, cette disposition porterait sur les cas de discrimination systémique. En outre, même sil pouvait ny avoir aucun plaignant identifiable dans certains cas, il serait toujours possible didentifier la victime dune politique ou dun acte discriminatoire. Actuellement, aux termes des articles 59 et 60 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, quiconque exerce une discrimination ou menace ou intimide une personne qui a porté plainte pour discrimination ou a témoigné ou aidé dune manière quelconque au dépôt ou à linstruction dune plainte ou dune procédure en vertu de la Loi, est coupable dune infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité. À ce jour, toutefois, on dénombre peu de poursuites pour représailles, et celles entamées naboutissent généralement pas. Fondamentale-ment, il est difficile de réunir les éléments nécessaires pour obtenir une déclaration de culpabilité dans ces affaires, par exemple, pour prouver hors de tout doute raisonnable quune mesure a été prise contre un plaignant dans lintention de le forcer à abandonner sa plainte pour atteinte aux droits de la personne. En outre, il y a une réticence naturelle de la part de lappareil judiciaire à condamner pour ces motifs, probablement parce que ces types de menaces ne sont pas considérés comme étant des actes criminels. Aux termes de larticle 14 du projet de loi S-5, les représailles consécutives à une plainte constitueraient un acte discriminatoire qui serait traité, en vertu de la Loi, comme tout autre cas de discrimination. Lidée semble être que le système de non-discrimination créé par la Loi canadienne sur les droits de la personne conviendrait mieux que les tribunaux pénaux pour juger de ces affaires. La possibilité de poursuites demeurerait aux termes de la Loi, cependant, en cas de représailles contre des témoins ou dautres personnes qui ont apporté leur concours à lenquête ou à linstruction dune plainte en vertu de la loi. Il se peut que dans ces cas, le harcèlement ne soit pas fondé sur un motif de discrimination illicite, mais quil vise, en fait, à entraver la procédure de la Commission canadienne des droits de la personne et du nouveau Tribunal canadien des droits de la personne. Un témoin qui sest présenté devant le Sous-comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a recommandé quon prévoie une procédure accélérée pour les cas de récidive quand les circonstances justifient une intervention plus rapide que celle prévue par le processus ordinaire de règlement des plaintes établi dans la Loi. 4. Ordonnances de règlement - article 26 Aux termes de larticle 48 de la Loi, la Commission canadienne des droits de la personne doit approuver tout règlement intervenant entre les parties à une plainte dans la phase préparatoire à laudience. La Commission nest liée par aucun accord non approuvé et elle peut continuer dinstruire la plainte. Larticle 26 du projet de loi ajoute quun règlement approuvé pourrait être assimilé à une ordonnance de la Cour fédérale du Canada soit par la Commission, soit sur requête dune des parties. On obtiendrait ainsi la garantie de pouvoir en faire exécuter les dispositions de la même manière que celles dune ordonnance de la Cour fédérale. Le paragraphe 31(1) du projet de loi abrogerait lalinéa 60(1)a) de la Loi (dispositions relatives aux infractions et aux sanctions) qui assimile à une infraction le non-respect des termes dun règlement approuvé. 5. Infractions et sanctions - Article 31 En vertu de larticle 60 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, quiconque ne se conforme pas aux conditions dun règlement approuvé par la Commission, entrave laction dun tribunal dans lexercice de ses fonctions ou enfreint les prescriptions de la Loi, commet une infraction. Les employeurs, les associations patronales ou les organisations syndicales reconnues coupables sont passibles dune amende maximale de 50 000 $. Dans tous les autres cas, lamende ne doit pas être supérieure à 5 000 $. Aux termes du paragraphe 31(3), quiconque serait déclaré coupable dune infraction à la Loi, sur déclaration de culpabilité sommaire, sexposerait à une amende maximale de 50 000 $. Cette modification proposée est conforme aux recommandations de la Commission canadienne des droits de la personne, qui souhaite que tous les employeurs et les fournisseurs de services soient passibles de la même amende en vertu de la loi. En outre, le paragraphe 31(5) limiterait à un an le délai à lintérieur duquel il serait possible dentamer des poursuites pour une infraction à larticle 60. Ladoption de ces modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne attendus de longue date ne soulève guère lenthousiasme. La plupart dentre elles sont manifestement jugées positives (par exemple, la création dun tribunal permanent), mais lattention semble aller en majeure partie à ce qui ne figure pas dans le projet de loi. On peut dire la même chose de la réaction de la collectivité des personnes handicapées aux modifications proposées à la Loi sur la preuve au Canada et au Code criminel. Parmi les préoccupations manifestées par rapport à la Loi canadienne sur les droits de la personne figure le regret que le projet de loi ne traite pas, par exemple, de lajout de nouveaux motifs de distinction illicite (p. ex., la pauvreté) ni des dispositions relatives à la retraite obligatoire de lalinéa 15c) de la Loi. En outre, on continue de réclamer lélargissement des compétences de la Commission canadienne des droits de la personne pour quelle puisse soccuper des problèmes de diffusion de messages haineux sous quelque forme que ce soit (par ex., téléphone, courrier et radio), quils soient exportés ou importés. Il est également recommandé de mettre à jour la Loi afin de faire barrage à la transmission de messages haineux au moyen de technologies nouvelles telles quInternet, et de définir expressément la diffusion des thèses révisionnistes (négation de lHolocauste) comme constitutive de propagande haineuse aux termes de la Loi. Lapplication de la Loi canadienne sur les droits de la personne à la Loi sur les Indiens (art. 67), qui est une loi fédérale, et au Parlement du Canada sont des points qui ne sont pas encore réglés, tout comme la question du pouvoir de la Commission canadienne des droits de la personne de traiter de la discrimination systémique. Enfin, diverses parties intéressées, quelles approuvent ou pas à la Loi canadienne sur les droits de la personne actuelle, sont favorables à un examen approfondi du système fédéral de défense des droits de la personne existant afin dévaluer sa capacité de promouvoir et de protéger ces droits au XXIe siècle. La réalisation de cet objectif a été promise par lactuel ministre de la Justice, Anne McLennan, lorsque le projet de loi a été déposé. (1) Rosalind Currie, Réforme législative pour les personnes handicapées... Propositions, modifications Loi sur la mise en uvre des droits à légalité des personnes handicapées, 1991, Winnipeg, Conseil canadien des droits des personnes handicapées, 1991. (2) Donner un sens à notre citoyenneté canadienne : la volonté dintégrer les personnes handicapées, Rapport du Groupe de travail fédéral concernant les personnes handicapées, 1996. (3) Voir la décision de la Cour suprême du Canada dans Alberta Human Rights Commission c. Central Alberta Dairy Pool, [1990] 2 S.C.R. 489. |