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Les documents qui figurent sur ce site ont été rédigés par le personnel de la Direction de la recherche parlementaire; ils visent à tracer, à l'intention des parlementaires canadiens, dans un libellé simple et facile à saisir, le contexte dans lequel chaque projet de loi gouvernemental examiné a été élaboré et à fournir une analyse de celui-ci. Les résumés législatifs ne sont pas des documents gouvernementaux; ils n'ont donc aucun statut juridique officiel et ils ne constituent ni un conseil ni une opinion juridique. Prière de noter que la version du projet de loi décrite dans un résumé législatif est celle qui existait à la date indiquée au début du document. Pour avoir accès à la plus récente version publiée du projet de loi, veuillez vous rendre sur le site parlementaire Internet à l'adresse suivante www.parl.gc.ca.


LS-298F

 

PROJET DE LOI S-5 :  LOI MODIFIANT LA LOI
SUR LA PREUVE AU CANADA, LE CODE CRIMINEL ET
LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE


                Rédaction :   Nancy Holmes
                                         Division du droit et du gouvernement

                                         Le 14 octobre 1997
                                         Révisé le 12 novembre 1998

     


 

HISTORIQUE DU PROJET DE LOI S-5

 

CHAMBRE DES COMMUNES

SÉNAT

Étape du Projet de loi Date Étape du projet de loi Date
Première lecture : 2 février 1998 Première lecture : 9 octobre 1997
Deuxième lecture : 11 février 1998 Deuxième lecture :: 29 octobre 1997
Rapport du comité : 2 avril 1998 Rapport du comité : 4 décembre 1997
Étape du rapport : 30 avril 1998 Étape du rapport : 8 décembre 1997
Troisième lecture : 30 avril 1998 Troisième lecture : 11 décembre 1997


Message envoyé au Sénat : 30 avril 1998
Acceptation des amendements de la Chambre des communes : 6 mai 1998


Sanction royale : 12 mai 1998
Lois du Canada 1998, chapitre 9




N.B. Dans ce résumé législatif, tout changement d'importance depuis la dernière publicaiton est indiqué en caractères gras.

 

 

 

 

 

TABLE DES MATIÈRES

 

CONTEXTE

   A. Personnes handicapées

   B. Le régime canadien des droits de la personne

MODIFICATIONS RELATIVES AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES :
DESCRIPTION, ANALYSE ET COMMENTAIRE

   A. Le système de justice pénale
      1. La Loi sur la preuve au Canada – Article 1
      2. Le Code criminel – Articles 2 à 8 8
         a. Crime d’exploitation sexuelle – Article 2
         b. Service judiciaire – Articles 4 à 7
         c. Témoignage recueilli sur bande magnétoscopique – Article 8

   B. Le régime des droits de la personne : La Loi canadienne sur les droits de la personne
       – Articles 9 et 10

AUTRES MODIFICATIONS À LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA
PERSONNE : DESCRIPTION, ANALYSE ET COMMENTAIRE

   A. Le Tribunal canadien des droits de la personne – Articles 27 à 29
      1.  Structure et procédure – article 27
      2. Ordonnances – Articles 27 à 29
      3. Commentaire


   B. Obligations de soumettre des rapports – Article 32

C. Autres modifications dignes de mention
      1.  Collecte de renseignements relatifs à un motif de distinction illicite –Article 16
      2. Impossibilité d’identifier la victime de discrimination – Paragraphe 23(2)
      3. Représailles – Article 14
      4. Ordonnances de règlement – Article 26
      5. Infractions et sanctions – Article 31


   D. Points non réglés


PROJET DE LOI S-5 : LOI MODIFIANT LA LOI SUR
LA PREUVE AU CANADA, LE CODE CRIMINEL ET LA LOI CANADIENNE
SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

 

Le 9 octobre 1997, le Leader du gouvernement au Sénat a déposé au Sénat le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur la preuve au Canada et le Code criminel, la Loi canadienne sur les droits de la personne relativement aux personnes handicapées et, en ce qui concerne la Loi canadienne sur les droits de la personne, à d’autres matières, et modifiant d’autres lois en conséquence. Ce projet de loi avait tout d’abord été déposé à la Chambre des communes, sous la désignation C-98, en avril 1997 par l’ancien ministre de la Justice et Solliciteur général du Canada, M. Allan Rock; le projet de loi C-98 est toutefois mort au Feuilleton à la dissolution du Parlement. Le projet de loi S-5 contient un certain nombre de propositions visant à éliminer des obstacles à la pleine participation et à garantir aux personnes handicapées leurs droits à l’égalité. Il comprend également quelques changements de fond et des changements administratifs à la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Dans les sections du présent document consacrées à la description, à l’analyse et au commentaire, les trois textes de loi que modifierait le projet de loi S-5 seront examinés séparément. Nous traiterons des principaux changements proposés par le projet de loi et de leur contexte historique, procéderons à une certaine analyse et ferons état de commentaires publics. Mais tout d’abord, nous donnerons des renseignements d’ordre général sur les problèmes de droits des personnes handicapées et de droits de la personne couverts par le projet de loi.

CONTEXTE

   A. Personnes handicapées

Aujourd’hui, au Canada, plus de quatre millions de personnes, soit 16 p. 100 de la population, sont atteintes d’un handicap. Malheureusement, ces personnes continuent de se heurter quotidiennement à des obstacles dans des secteurs tels que l’emploi, la formation, les transports, les communications et le logement, où la plupart des Canadiens tiennent l’égalité pour acquise.

Voilà près de vingt ans maintenant que les groupes de défense des droits des personnes handicapées préconisent une réforme dans ce domaine. La question a été soulevée à plusieurs reprises au Parlement. L’ancien Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées défendait activement les droits à l’égalité des Canadiens handicapés. Dans son rapport de juin 1990, intitulé S’entendre pour agir : l’intégration économique des personnes handicapées, le Comité recommandait une réforme législative qui obligerait tous les ministères et organismes fédéraux et toutes les sociétés d’État à examiner et, si nécessaire, à modifier leurs lois et règlements afin que les personnes handicapées bénéficient des programmes fédéraux existants. En réponse à ce rapport, le gouvernement a accepté de procéder à une révision exhaustive des lois fédérales afin de définir les mesures législatives à prendre pour éliminer les obstacles à l’intégration économique et sociale des personnes handicapées. Il a également promis qu’une consultation avec la collectivité des personnes handicapées ferait partie intégrante de la révision.

Au début des années 90, la communauté des personnes handicapées a lancé l’idée d’un projet de loi omnibus qui permettrait de modifier simultanément plusieurs instruments législatifs et, d’ainsi répondre aux préoccupations des Canadiens handicapés, l’objectif étant de rendre les lois fédérales conformes à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit aux personnes atteintes d’une déficience mentale ou physique le droit à l’égalité. En 1990, les organismes de défense des droits des personnes handicapées ont été encouragés dans leurs efforts par l’adoption, aux États-Unis, de l’Americans with Disabilities Act, projet de loi consacré aux droits civils des Américains handicapés.

À l’automne 1990, des groupes communautaires canadiens représentant les personnes handicapées ont donné pour mandat au Conseil canadien des droits des personnes handicapées (CCDPH), groupe national de défense des droits juridiques, de procéder à un examen approfondi des lois fédérales afin de déterminer en quoi elles étaient discriminatoires à l’égard de ces personnes, que ce soit délibérément ou par omission. Ce processus a débouché sur la rédaction, à l’intention du gouvernement, de propositions précises visant à rectifier les dispositions législatives discriminatoires(1). En juin 1992, le Parlement a adopté le projet de loi C-78, Loi modifiant certaines lois relativement aux personnes handicapées, qui a modifié six textes de loi fédéraux. Parallèlement, le gouvernement s’est engagé à donner suite aux propositions du CCDPH dont il n’avait pas été tenu compte dans le projet de loi (à savoir celles se rapportant au Code criminel et à la Loi sur la preuve au Canada).

En juin  1996, un Groupe de travail fédéral concernant les personnes handicapées a été chargé d’étudier le rôle fédéral par rapport aux droits des personnes handicapées. Dans son rapport intitulé Donner un sens à notre citoyenneté canadienne : la volonté d’intégrer les personnes handicapées, le Groupe de travail a recommandé que le gouvernement fédéral travaille en collaboration avec les provinces, le secteur privé, les organismes bénévoles et la collectivité des personnes handicapées afin de définir une démarche pancanadienne pour régler les problèmes que rencontrent ces dernières. Il a demandé instamment au gouvernement fédéral de tenir compte de ces personnes dans toutes les politiques et tous les programmes importants, et de montrer l’exemple en déposant des projets de loi généraux et en mettant en place le financement d’infrastructures et les mécanismes de responsabilité voulus. Plus particulièrement, le Groupe de travail a recommandé dans son rapport que les modifications apportées au Code criminel et à la Loi sur la preuve au Canada permettent aux personnes handicapées d’avoir plus facilement accès au système de justice pénale. Il a également demandé que la Loi canadienne sur les droits de la personne soit modifiée de manière qu’y soit prévue une obligation de tenir compte de la situation de ces personnes.

   B. Le régime canadien des droits de la personne

La Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi) a été promulguée en 1977 afin de mettre en place un processus informel et efficace de règlement des cas de discrimination dans les domaines de compétence fédérale. Comme la plupart des textes législatifs provinciaux portant sur la non-discrimination, la Loi crée un système de recours spécialisé visant à utiliser la persuasion et l’éducation pour décourager quiconque de commettre des actes ou d’adopter des attitudes discriminatoires, et à obliger les auteurs de tels actes à supporter les frais d’indemnisation des victimes. La Loi s’applique à tous les ministères et organismes fédéraux et aux sociétés d’État, ainsi qu’aux entreprises et aux secteurs d’activité assujettis à la réglementation fédérale (par ex., banques, transports et communications).

Le régime des droits de la personne est essentiellement fondé sur les plaintes. Autrement dit, il faut qu’une plainte pour discrimination soit déposée devant la Commission canadienne des droits de la personne pour que le processus se mette en marche. En outre, ce régime est autonome en ce sens qu’il est impossible de s’adresser directement aux tribunaux pour obtenir réparation d’actes discriminatoires. Dans l’arrêt rendu dans l’affaire Bhadauria c. Board of Governors of Seneca College, [1981] 2 S.C.R. 183, la Cour suprême du Canada a estimé que la législation des droits de la personne est si complète, avec ses dispositions relatives à l’administration et à l’arbitrage, que l’objectif en est manifestement de limiter l’exécution des interdictions relatives à la discrimination aux mesures prévues par la loi elle-même, et non de conférer aux tribunaux des pouvoirs supplémentaires en la matière.

La Commission canadienne des droits de la personne est l’organe administratif chargé de mieux faire connaître, accepter et respecter la Loi. Elle est indépendante et se compose d’un commissaire à plein temps (le commissaire en chef), et de quatre commissaires à temps partiel, tous nommés par le gouverneur en conseil. La fonction décisionnelle prévue par la Loi est assurée par des tribunaux des droits de la personne auxquels siègent des membres d’un Comité du tribunal des droits de la personne indépendant de la Commission, également nommés par le gouverneur en conseil. Ces tribunaux tiennent des audiences officielles afin d’examiner les plaintes pour discrimination et ils sont habilités à imposer des réparations générales pour remédier aux problèmes sociaux uniques à l’origine de ces plaintes.

Au printemps 1986, le gouvernement fédéral a annoncé le lancement d’un examen global de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans sa réponse au Sous-comité sur les droits à l’égalité de la Chambre des communes, présentée dans un document de mars 1986 intitulé Cap sur l’égalité, il précisait que cet examen devait porter sur les propositions et les idées de modifications émanant essentiellement de trois grandes sources : 1) L’égalité ça presse!, rapport présenté en mars 1984 par le Comité spécial de la Chambre des communes sur les minorités visibles dans la société canadienne; 2) Égalité pour tous, rapport présenté en octobre 1985 par le Sous-comité sur les droits à l’égalité du Comité permanent de la justice et des affaires juridiques de la Chambre des communes; et 3) les rapports annuels de la Commission canadienne des droits de la personne. Durant tout l’été 1986, le ministère de la Justice, qui est chargé de veiller à l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, a consulté divers groupes d’intérêt.

Dans le discours du Trône prononcé le 1er octobre 1986, le gouvernement a fait part de son intention de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne. Depuis lors, les ministres de la Justice successifs ont réaffirmé la volonté du gouvernement à cet égard. Le 10 décembre 1992, la ministre de la Justice de l’époque, l’honorable Kim Campbell, a déposé à la Chambre des communes le projet de loi C-108, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et d’autres lois en conséquence. Cependant, avec la dissolution du Parlement, ce projet de loi a expiré au Feuilleton. En juin 1996, au cours de la dernière session de la trente-cinquième législature, une modification a été apportée à la Loi fédérale sur les droits de la personne (projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne) afin d’ajouter l’orientation sexuelle aux motifs de discrimination illicites. Depuis lors, le législateur n’est plus intervenu en la matière.

MODIFICATIONS RELATIVES AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES : DESCRIPTION, ANALYSE ET COMMENTAIRE

   A. Le système de justice pénale

Supprimer des obstacles afin de faciliter l’égalité d’accès au système de justice pénale canadien figure depuis longtemps parmi les objectifs des personnes handicapées. D’aucuns soutiennent que ces dernières sont depuis trop longtemps soit qualifiées de déficients mentaux, soit privées des moyens nécessaires pour qu’elles puissent communiquer dans un tribunal. On peut affirmer que, faute de changer les attitudes et les dispositions législatives excluant le témoignage de personnes handicapées, ces personnes continueront d’être des victimes de choix et les agresseurs, s’ils sont tenus responsables, continueront de contester la compétence de leur victime. Les défenseurs des droits des personnes handicapées recommandent, entre autres :

  • d’éliminer les obstacles qui empêchent de recevoir la déposition de personnes handicapées;

  • d’autoriser les témoins à utiliser le moyen qui leur convient le mieux pour témoigner en cour;

  • d’autoriser les personnes handicapées à utiliser d’autres méthodes, comme l’identification de la voix, pour reconnaître l’accusé; et

  • d’éliminer la discrimination à l’encontre des personnes handicapées dans le processus de sélection du jury(2).

Il est particulièrement inquiétant de constater que de plus en plus de personnes handicapées sont victimes d’agressions physiques et sexuelles mais ne peuvent obtenir la protection du système de justice pénale. En janvier 1988, le projet de loi C-15, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la preuve au Canada, a été adopté afin de remédier aux problèmes que rencontraient les enfants victimes de violence sexuelle qui s’adressaient aux tribunaux pénaux pour obtenir justice. Les défenseurs des droits des personnes handicapées font valoir que nombre des réformes engagées pour protéger les enfants sont également nécessaires pour protéger les personnes handicapées. Selon eux, les changements apportés par le projet de loi C-15, et même ceux apportés par le projet de loi omnibus de 1992 sur les droits des personnes handicapées (voir sous « Contexte », dans le présent document, la partie consacrée au projet de loi C-78), n’allaient pas assez loin à cet égard. Nombre des amendements proposés dans le projet de loi S-5 visent à répondre aux préoccupations susmentionnées.

      1. La Loi sur la preuve au Canada – Article 1

L’article 1 du projet de loi S-5 remplacerait l’article 6 de la Loi sur la preuve au Canada, qui autorise actuellement les témoins incapables de parler à témoigner de toute autre manière par laquelle ils peuvent se faire comprendre. L’article 1 élargirait cette autorisation aux personnes ayant des difficultés à communiquer en raison d’une déficience quelconque. Elles pourraient, par exemple, recourir à des interprètes gestuels ou oraux, à des dispositifs techniques pour malentendants ou à un sous-titrage simultané. Si le tribunal décidait qu’une personne atteinte de déficience mentale peut témoigner aux termes de l’article 16 de la Loi sur la preuve au Canada, et que cette personne a des difficultés à communiquer à cause d’un handicap physique ou mental, elle pourrait témoigner en utilisant tout moyen ordonné par le tribunal.

L’article 1 créerait également un nouvel article 6.1 afin de permettre à un témoin de donner des preuves visuelles de l’identité d’un accusé ou d’utiliser toute méthode d’identification sensorielle. Les tribunaux pourraient donc juger recevable l’identification d’une personne accusée par la voix ou le toucher. Cette disposition remédierait aux problèmes que pose la juste identification d’un accusé par une personne handicapée. Dans la plupart des cas, les victimes reconnaissent d’abord l’accusé visuellement, dans un alignement de confrontation puis, dans la salle de tribunal, dans le cadre du témoignage. Toutefois, les personnes atteintes de cécité et les malvoyants sont souvent incapables d’identifier un accusé de cette manière.

Les modifications à la Loi sur la preuve au Canada proposés par le projet de loi S-5 répondraient aux recommandations formulées par le CCDPH en 1991 (voir sous « Contexte », dans le présent document, la référence au Conseil canadien des droits des personnes handicapées). Cependant, le CCDPH a également recommandé d’envisager des exceptions à la règle du ouï-dire afin de permettre à un tiers de témoigner à la place de la victime s’il n’existe aucun autre moyen de faire entendre le témoignage en cour. Seraient visées, par exemple, les situations où les victimes handicapées sont incapables d’appeler au secours ou de se défendre seules. Il reste à déterminer si les modifications proposées en ce qui concerne les personnes atteintes de déficience mentale régleraient ce problème.

De plus, en 1991, le CCDPH s’inquiétait de l’absence de disposition autorisant un témoin qui a de la difficulté à communiquer à ne pas prêter serment. Autrement dit, la Loi sur la preuve au Canada n’autorise pas qu’une personne témoigne uniquement en fonction des moyens par lesquels elle peut communiquer. On continue de soutenir que les personnes handicapées sont victimes de discrimination si le privilège de témoigner est limité aux personnes qui peuvent convaincre le tribunal du fait qu’elles sont aptes à livrer leur témoignage et qu’elles comprennent la nature d’un serment, d’une affirmation solennelle ou d’une promesse de dire la vérité.

Pour ce qui est de tenir compte des besoins des personnes handicapées en matière de communication, le CCDPH a recommandé que toute modification législative stipule que les frais occasionnés soient supportés par le tribunal et non par la personne handicapée. La question des frais n’est pas abordée dans le projet de loi. Les provinces, à qui incombe l’administration de la justice, semblent avoir accepté d’absorber les frais des témoins à charge, mais le projet de loi ne dit pas clairement si tous les frais afférents aux témoins seraient couverts de la même façon.

En 1991, le CCDPH s’est également interrogé sur les modalités de l’aide à la communication. Les victimes ou les témoins handicapés auraient-ils voix au chapitre dans ce processus et dans quelle mesure? Par exemple, auraient-ils droit à un interprète professionnel de leur choix ou avec qui ils se sentent en confiance?

Enfin, le CCDPH a recommandé que les besoins des témoins handicapés soient précisés aux juges et aux jurés dans la procédure judiciaire. Ces renseignements devraient être jugés pertinents et recevables s’ils peuvent aider le tribunal à comprendre les besoins d’un témoin en particulier, à savoir quelles dispositions prendre, et à connaître les détails de toute méthode de communication convenable. Le CCDPH a même recommandé que, dans son enquête sur la capacité de communication d’un témoin aux termes de l’article 16 de la Loi sur la preuve au Canada, un juge devrait être tenu de contacter des services d’aide à la communication. Dans le mémoire qu’elle a présenté au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, l’Association canadienne pour l’intégration communautaire a recommandé que le système de justice pénale prévoie des normes pour soutenir et aider les personnes handicapées. Pour illustrer ce à quoi elle aspirait, l’Association a cité les protocoles d’enquête et de poursuite dans des affaires mettant en cause des personnes ayant des besoins de communication particuliers qui ont été adoptés par le Manitoba et la Nouvelle-Écosse.

      2. Le Code criminel – Articles 2 à 8

         a. Crime d’exploitation sexuelle – Article 2

Aux termes des dispositions du Code criminel relatives à la violence sexuelle à l’endroit des enfants (article 153), toute personne en situation d’autorité ou de confiance qui exploite sexuellement une jeune personne âgée de 14 à 18 ans commet un acte criminel. Il y a également acte criminel lorsqu’une personne exploite sexuellement une jeune personne avec qui elle entretient une relation de dépendance. L’article 2 du projet de loi S-5 appliquerait les mêmes interdictions vis-à-vis des personnes handicapées. Il utilise le même libellé que l’alinéa b) du paragraphe 153(1) pour interdire à quiconque se trouvant dans un type de relations similaire d’inviter, d’engager ou d’inciter une personne handicapée à avoir, sans y consentir, un comportement de nature sexuelle. L’article 2 ne reprendrait cependant pas l’alinéa a) de ce même paragraphe, qui interdit aux personnes entretenant ce type de relations de toucher le corps d’une personne handicapée à des fins sexuelles. Cela tient sans doute à ce que ces situations seraient visées par la disposition générale relative aux agressions sexuelles. L’article 2 créerait une infraction mixte, punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d’une peine d’emprisonnement maximale de dix-huit mois ou, si l’acte criminel est reconnu, d’une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans.

Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, de la Chambre des communes, a exprimé des inquiétudes quant au libellé du projet d’article 153.1. On a en particulier fait valoir que le mot « consentement » pourrait être interprété comme s’appliquant aux actes d’inviter, d’engager ou d’inciter, que l’article vise à interdire, ce qui donne corps à l’étrange concept d’un consentement à la formulation d’une invitation. Le Comité a, par conséquent, amendé l’article proposé pour préciser que l’absence de consentement ne s’appliquerait qu’aux touchers effectués par la personne déficiente.

L’article 2 créerait donc une nouvelle infraction, à savoir l’exploitation sexuelle de personnes handicapées, qui serait distincte de l’infraction générale d’agression sexuelle. Pourquoi? Il semblerait que, si l’on souhaite créer une nouvelle infraction distincte de l’infraction générale d’agression sexuelle, c’est, en partie du moins, parce qu’en reconnaissant qu’il existe diverses manières d’exploiter sexuellement des personnes handicapées, on pourrait engager la responsabilité pénale d’autrui pour une gamme bien plus grande de comportements inopportuns à caractère sexuel et dégradants. De plus, il serait facile de reconnaître, dans un casier judiciaire, cette nouvelle infraction comme étant dirigée contre des personnes handicapées se trouvant dans des situations les rendant vulnérables, par opposition à l’accusation générique d’agression sexuelle.

Contrairement aux dispositions relatives à la violence sexuelle à l’endroit d’enfants de l’article 153 (où le consentement à une activité sexuelle ne peut être invoqué comme défense), le consentement pourrait être invoqué comme défense dans un crime d’exploitation sexuelle de personnes handicapées. Le libellé du paragraphe 273.1 du Code criminel (relativement aux agressions sexuelles) serait utilisé pour définir le « consentement » comme étant « l’accord volontaire du plaignant à l’activité sexuelle ». Le libellé du paragraphe 273.1(2) serait également retenu pour invalider tout consentement obtenu dans certaines circonstances. Ces circonstances, qui sont exposées dans le projet de loi, ne seraient toutefois pas exhaustives. Ainsi, il n’y aurait pas consentement si l’accord est manifesté par un tiers, si le plaignant était incapable de consentir à l’activité (en raison de son handicap), ou si le plaignant s’est livré à l’activité parce que l’accusé a abusé de la confiance ou de l’autorité dont il était investi. De même, il n’y aurait pas consentement si le plaignant manifestait, par des paroles ou par son comportement, l’absence d’accord à l’activité ou à la poursuite de celle-ci.

Un organisme de défense des droits des personnes handicapées a expliqué pendant l’examen de l’article 273.1, quand il a été proposé dans le projet de loi C-49, Loi modifiant le Code criminel (agression sexuelle), que les personnes handicapées risquaient de se trouver dans des situations où il n’est pas possible de consentir à une activité sexuelle ou de la refuser de la manière habituelle, soit verbalement, soit par un comportement. Il a proposé que le concept de communication soit élargi afin d’inclure tous les modes de communication (à savoir les paroles, les gestes, le comportement et tout autre moyen de communication). Cette préoccupation est sans doute pertinente en ce qui concerne l’article 2 du projet de loi S-5.

Bien que le libellé du paragraphe 153.1(3) proposé soit tiré de l’actuel article 273.1 du Code criminel, les mots « invite, engage ou incite » ont remplacé « persuade » à l’alinéa 153.1(3)c) pour invalider le consentement si l’accusé a abusé de la confiance, du pouvoir ou de l’autorité dont il était investi. Les membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, se sont demandé pourquoi le libellé avait été changé. Afin de préciser que l’accusé doit, pour qu’il y ait infraction, avoir insisté d’une façon ou d’une autre, le Comité a amendé l’alinéa 153.1(3)c) en abrogeant l’expression « l’invite ».

Enfin, le libellé des paragraphes (5) et (6) de l’article 153.1 proposé à l’article 2 du projet de loi est également tiré d’articles existants du Code criminel. Le paragraphe (5) adopterait le libellé de l’article 273.2, qui exclut du moyen de défense la croyance erronée au consentement si cette croyance découle de l’affaiblissement volontaire des facultés de l’accusé, de son insouciance ou d’un aveuglement volontaire. Le libellé du paragraphe (6) est semblable à celui du paragraphe 265(4) (dispositions relatives aux agressions), qui oblige le juge à demander au jury de prendre en considération la présence ou l’absence de motifs raisonnables de croire en la sincérité de l’accusé lorsqu’il avance pour sa défense avoir pensé que le plaignant avait donné son consentement.

         b. Service judiciaire – Articles 4 à 7

Les articles 4 à 7 du projet de loi visent à faciliter l’inclusion de personnes handicapées parmi les jurés. L’article 4 permettrait à un juré handicapé physique par ailleurs qualifié pour être juré, d’obtenir les aménagements nécessaires pour qu’il puisse s’acquitter de son devoir.

L’article 6 du projet de loi vise les récusations motivées par un poursuivant ou un accusé. Actuellement, l’alinéa 638(1)e) du Code criminel autorise à récuser un juré s’il est incapable physiquement de remplir ses obligations de façon convenable. L’article 6 modifierait cet alinéa de manière à empêcher qu’un handicap puisse constituer en soit un obstacle au service judiciaire, particulièrement si des aménagements sont prévus pour la personne handicapée, qui est alors capable de remplir son rôle de juré. Cependant, un handicap pourrait être une cause d’exclusion si, malgré des services de soutien, des services techniques ou personnels et la présence d’un interprète, la personne demeurait physiquement incapable de s’acquitter de ses obligations de juré. Cela pourrait se produire, par exemple, si l’affaire jugée comporte de nombreuses preuves visuelles et que le juré potentiel est aveugle.

On se demande, par rapport à ces dispositions du projet de loi, comment et dans quelle mesure il faut prévoir des aménagements dans ces cas. Par exemple, quelles limites faut-il imposer à l’obligation de tenir compte des besoins des personnes handicapées? Qu’arriverait-il si un juré potentiel demandait les services d’un interprète que l’on ne pourrait lui fournir faute d’en trouver un dans la localité où se déroule le procès? En quoi les personnes handicapées participeraient-elles à ce processus? Les frais engagés influeraient-ils sur la décision de tenir compte des besoins de ces personnes et, dans l’affirmative, dans quelle mesure? À qui incomberait-il de régler ces frais?

         c. Témoignage recueilli sur bande magnétoscopique – Article 8

Les dispositions du Code criminel relatives à la violence sexuelle à l’endroit des enfants autorisent actuellement les plaignants âgés de moins de 18 ans à témoigner d’une infraction sexuelle sur bande magnétoscopique, à condition que celle-ci soit enregistrée dans des délais raisonnables après la perpétration de l’infraction et que le plaignant confirme dans son témoignage le contenu de cette bande. L’intention de l’article 715.1 est de préserver le témoignage d’enfants qui risqueraient autrement de ne pas se rappeler des événements qui se sont produits des mois ou des années auparavant et aussi d’éliminer la nécessité pour eux de répéter leur histoire à de nombreuses reprises, devant un tribunal ou ailleurs. L’article 8 du projet de loi autoriserait des témoignages recueillis sur bande magnétoscopique par des personnes handicapées qui risqueraient autrement d’éprouver des difficultés à communiquer directement, en raison de leur handicap.

   B. Le régime des droits de la personne : La Loi canadienne sur les droits de la personne
        – Articles 9 et 10

Suite à l’engagement pris par le gouvernement dans Cap sur l’égalité, réponse apportée en mars 1986 au Sous-comité de la Chambre des communes sur les droits à l’égalité, et en réponse au rapport récent du Groupe de travail fédéral concernant les personnes handicapées (voir sous « Contexte », dans le présent document, la section consacrée aux droits de la personne), l’article 10 du projet de loi S-5 ferait obligation de tenir compte d’exigences professionnelles justifiées et de motifs justifiables aux termes de l’article 15 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Les employeurs et les fournisseurs de services assujettis à la Loi devraient répondre aux besoins des personnes handicapées et d’autres groupes visés par la Loi, sauf si cela constitue pour eux une contrainte excessive. Autrement dit, une personne mise en cause dans une plainte pour discrimination qui n’aurait pas raisonnablement répondu aux besoins de la personne ou du groupe concerné, ne pourrait invoquer des exigences professionnelles ou un motif justifié, à moins de pouvoir démontrer que répondre aux besoins du plaignant aurait entraîné une contrainte excessive.

L’article 10 limiterait les critères d’évaluation d’une contrainte excessive à des critères de santé, de sécurité et de coût, c’est-à-dire aux trois critères déjà énoncés dans le Code des droits de la personne de l’Ontario. À l’instar de l’Ontario à cet égard, le projet de loi S-5 autoriserait le gouverneur en conseil à prendre des règlements définissant les critères d’évaluation d’une contrainte excessive. En outre, le projet de loi ferait obligation à la Commission canadienne des droits de la personne de tenir des consultations publiques concernant tout projet de règlement et de faire ensuite rapport au ministre de la Justice. Cependant, le paragraphe 15(7) proposé permettrait au gouverneur en conseil de procéder à la prise du règlement six mois après sa publication dans la Gazette du Canada, même si la Commission canadienne des droits de la personne n’a pas présenté de rapport au Ministre.

Certains témoins qui se sont présentés devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ont remis en question le fait que l’on permette au gouverneur en conseil de définir les facteurs d’évaluation de la contrainte excessive au paragraphe 15(3) proposé. Ils ont soutenu qu’une telle disposition permettrait en fait au gouvernement d’établir lui-même les lignes directrices à respecter pour l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, alors qu’il doit souvent répondre à des plaintes formulées en vertu de la Loi. Ils ont estimé que la Commission canadienne des droits de la personne, étant donné ses connaissances poussées de ces questions, est mieux placée que le gouvernement pour établir les normes requises pour évaluer la contrainte excessive. Toutefois, il a été proposé que, si ce n’est pas la Commission qui établit ces normes, celles-ci soient fixées par suite de décisions de tribunaux des droits de la personne.

Des groupes revendiquant le droit à l’égalité ont dit craindre que le paragraphe 15(7) proposé ne garantisse pas que le gouverneur en conseil, en prenant des règlements sur la contrainte excessive, tienne compte des consultations publiques organisées par la Commission canadienne des droits de la personne, surtout si ces consultations n’ont pas été terminées dans un délai de six mois. Il a été recommandé que le projet de loi soit modifié pour prévoir que ce règlement respecte le rapport de la Commission des droits de la personne.

En l’occurrence, les tribunaux ont tendance à faire la distinction entre des formes de discrimination directe et indirecte. La discrimination directe se définit comme une règle ou un acte qui, en soi, constitue une discrimination dont les motifs sont illicites (par ex., le sexe ou l’âge). La discrimination indirecte, en revanche, se produit lorsqu’une règle ou un acte est neutre en pratique mais a un effet préjudiciable sur une personne ou un groupe de personnes en raison d’un motif illicite. D’aucuns, y compris des cours et des tribunaux, trouvent cette distinction compliquée et troublante, au point qu’il peut ne pas être facile de l’appliquer dans les faits. Par exemple, peut-on parler de discrimination indirecte si l’on exige des candidats à un emploi qu’ils sachent conduire, car cette règle apparemment neutre est préjudiciable aux personnes aveugles? Ou bien s’agit-il d’une discrimination directe parce que l’employeur doit savoir qu’elle interdit, de fait, aux personnes aveugles de postuler l’emploi? Ce que les groupes de défense de l’égalité des droits trouvent le plus troublant dans ces distinctions que l’on fait entre discrimination directe et indirecte, c’est que la norme d’examen judiciaire et le type de réparation possible semblent dépendre de la catégorie dans laquelle tombe un acte discriminatoire particulier. L’article 10 du projet de loi répondrait à toutes ces préoccupations en éliminant la distinction entre discrimination directe et indirecte, ou effet préjudiciable. L’obligation de tenir compte des besoins qui serait faite, s’appliquerait indépendamment de la catégorie dans laquelle se range l’acte discriminatoire.

L’article 10 du projet de loi s’appliquerait sous réserve de l’obligation de service imposée aux membres des Forces canadiennes, qui doivent être prêts au combat en permanence et en toutes circonstances, indépendamment des fonctions auxquelles ils peuvent être tenus. Cette modification mettrait la Loi au diapason de la jurisprudence récente qui reconnaît tous les membres des Forces canadiennes comme étant avant tout des soldats. Pour l’essentiel, cette exception exempterait les Forces d’avoir à se conformer à l’obligation de tenir compte de la situation d’une personne.

La signification de « coût » dans la détermination des cas entraînant une contrainte excessive est un des points les plus épineux en ce qui concerne l’obligation de tenir compte de la situation d’une personne. Certains groupes de défense des droits à l’égalité préféreraient qu’aucun facteur de coût ne soit pris en considération en l’espèce, car ils redoutent, dans le cas contraire, de voir se créer deux catégories de requérants dans les affaires de droits de la personne : ceux que l’on peut se permettre de traiter équitablement et les autres. Toutefois, si le coût doit être une considération pertinente dans l’évaluation d’une contrainte excessive, ils aimeraient le voir limité au coût financier, comme c’est le cas dans le Code des droits de la personne de l’Ontario, ou le voir modifié par l’ajout du qualificatif « excessif ».

En revanche, une interprétation très restrictive de ce qui constitue une « contrainte excessive » inquiète les employeurs et les fournisseurs de services, qui aimeraient voir ajouter au projet de loi d’autres facteurs de contrainte excessive reconnus par les tribunaux(3) : rupture de convention collective, interchangeabilité de la main-d’œuvre et des installations (facilité d’adaptation) et problèmes de moral parmi d’autres employés. En ce qui concerne les coûts, ils souhaitent avoir l’assurance que les coûts légitimes indirects ou non quantifiables seront pris en considération parallèlement aux coûts concrets et quantifiables.

Enfin, certains groupes de défense des droits à l’égalité jugent la notion même d’adaptation offensante. Selon eux, les notions d’adaptation et de contrainte excessive créent une version secondaire des droits qui est inacceptable. L’idée que les besoins de personnes défavorisées sont spéciaux et qu’il faut, dans la mesure du possible, en tenir compte, présuppose que l’on jauge ces personnes par rapport à une norme. Quiconque n’est pas conforme à cette norme est jugé différent ou « anormal » et il faut tenir compte de ses besoins, mais seulement s’ils ne se traduisent pas par une contrainte excessive pour la personne qui doit en tenir compte. De plus, en choisissant cette méthode pour arriver à l’égalité, on ne remet pas en question des hypothèses, des institutions et des relations qui sous-tendent les règles discriminatoires. L’adaptation permet à un employeur, par exemple, de ne pas avoir à répondre d’un acte qui, par ailleurs, serait jugé discriminatoire. L’adaptation réduira les effets de la méthode de l’égalité de traitement dans certaines situations, mais elle ne changera pas l’incidence systémique globale de certaines règles. D’après certains, il vaudrait mieux, en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, faire obligation aux employeurs et aux fournisseurs de services d’appliquer une norme d’égalité et leur demander de justifier tout écart par rapport à cette norme, plutôt que de maintenir des actes discriminatoires et de tenter d’intégrer dans la pratique générale les personnes auxquelles ces actes sont préjudiciables.

AUTRES MODIFICATIONS À LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE : DESCRIPTION, ANALYSE ET COMMENTAIRE

   A. Le Tribunal canadien des droits de la personne – Articles 27 à 29

      1. Structure et procédure – article 27

L’article 27 du projet de loi S-5 restructurerait le Comité spécial existant du Tribunal des droits de la personne dans le cadre de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Actuellement, l’article 48.1 de la Loi crée un comité appelé Comité du Tribunal des droits de la personne qui se compose d’un président et de 43 membres à temps partiel nommés par le gouverneur en conseil. Le Comité est donc indépendant de la Commission canadienne des droits de la personne.

Le projet de loi S-5 créerait un Tribunal canadien des droits de la personne permanent, plus restreint et auquel siégeraient des spécialistes. Il serait composé d’un président, d’un vice-président et de 15 membres au plus. Des membres pourraient être nommés à titre temporaire pour faire face à la charge de travail. Les nominations au Tribunal seraient fondées sur l’expérience, les compétences, l’intérêt et la sensibilité en matière de droits de la personne, et viseraient à assurer une représentation régionale. Le président, le vice-président et au moins deux autres membres du Tribunal devraient posséder certaines compétences juridiques et, conformément au projet de paragraphe 49(5) de la Loi, un des membres ayant une formation juridique présiderait les audiences portant sur des cas comprenant des rapports entre la Loi canadienne sur les droits de la personne et tout autre loi ou règlement.

Actuellement, le président du Comité du Tribunal des droits de la personne peut être nommé pour un mandat de trois ans seulement. Cependant, le projet de loi S-5 prévoirait la possibilité de prolonger de sept ans au maximum le mandat du président et du vice-président s’ils donnaient toute satisfaction. Les autres membres conserveraient leur mandat pendant cinq ans au maximum pour les mêmes raisons. Le président et le vice-président seraient nommés en tant que membres à plein temps du Tribunal, tandis que les autres pourraient être nommés à plein temps ou à temps partiel. Le président serait le premier dirigeant du Tribunal, dont il surveillerait les activités, y compris la répartition des tâches entre les membres du Tribunal et la gestion des affaires internes du Tribunal. L’article 27 comprend des dispositions (article 48.3 proposé) concernant des mesures correctives et disciplinaires qui pourraient être prises à l’encontre de tout membre du Tribunal.

En vertu de l’article 27, à tout moment après le dépôt d’une plainte pour discrimination, la Commission canadienne des droits de la personne pourrait demander au président du Tribunal canadien des droits de la personne d’instruire la plainte, si elle est convaincue que celle-ci est justifiée. Le président répondrait en demandant à un membre du Tribunal d’entendre la cause. Si la plainte est compliquée, un comité composé de trois membres pourrait l’instruire.

L’article 27 permettrait au président de définir des règles de procédure pour les audiences du Tribunal. Ces règles couvriraient des points tels que la convocation de témoins, la production et la signification de documents, la présentation de preuves, la durée des audiences, et la prise de décision. Elles pourraient prévoir l’adjonction à la procédure de parties et de personnes intéressées.

Enfin, l’article 27 créerait un nouvel article 52 de la Loi afin d’autoriser les membres et les comités du Tribunal à prendre des mesures pour garantir la confidentialité de l’instruction dans certaines circonstances, par exemple, s’il existe un risque réel ou substantiel que la divulgation de renseignements personnels puisse causer des difficultés indues aux personnes concernées. À l’heure actuelle, l’article 52 de la Loi prévoit des audiences publiques, exception faite du cas où l’exclusion de certaines personnes relève de l’intérêt public.

      2. Ordonnances – Articles 27 à 29

Aux termes de l’article 53 de la Loi actuelle, si à l’issue de son instruction, le tribunal juge la plainte non fondée, il doit la rejeter. S’il la juge fondée, cependant, il peut rendre une ordonnance contre la personne qui s’est rendue coupable d’un acte discriminatoire. Il continuerait d’en être ainsi en vertu du projet de loi S-5. En vertu de l’article 57 de la Loi, les ordonnances du tribunal resteraient assimilées, au plan de l’exécution, à des ordonnances rendues par la Cour fédérale du Canada, y compris les nouvelles ordonnances ajoutées par le projet de loi. Le projet de loi supprimerait les articles 55 et 56 éliminant ainsi la structure de tribunal d’appel qui existe actuellement.

Les tribunaux des droits de la personne peuvent rendre diverses ordonnances spéciales, notamment pour indemniser la victime de discrimination de toute perte de salaire, des frais occasionnés par le recours à d’autres services ou moyens d’hébergement ou pour le préjudice moral qu’elle a subi. Le paragraphe 53(3) de la présente Loi autorise également le tribunal à ordonner le versement d’une indemnisation spéciale lorsqu’il est jugé que l’acte discriminatoire était ou est délibéré ou inconsidéré. L’article 27 du projet de loi conférerait toujours ce pouvoir d’indemnisation spéciale au titre du préjudice moral ou en cas d’acte discriminatoire délibéré ou inconsidéré. Cependant, il en porterait le montant maximal à 20 000 $, alors qu’il est de 5 000 $ aujourd’hui. La raison en est que certaines lois provinciales sur les droits de la personne ne plafonnent pas le montant de l’indemnisation du plaignant, tandis que d’autres prévoient des sommes maximales allant de 2 000 $ à 10 000 $. En relevant le plafond dans le cadre de la Loi canadienne sur les droits de la personne, on donnerait suffisamment de latitude aux tribunaux pour qu’ils accordent une somme jugée juste dans les circonstances.

En vertu de l’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, l’utilisation du téléphone ou de tout autre moyen de télécommunication aux fins de communiquer des messages qui risquent d’exposer une ou plusieurs personnes à la haine ou au mépris en raison de leur appartenance à un groupe identifiable, pour des motifs illicites (par. ex, la race et l’origine nationale ou ethnique), constitue un acte discriminatoire. Aux termes de l’article 54 de la Loi, le tribunal peut seulement rendre une ordonnance en désistement en vertu de l’alinéa 53(2)a), s’il estime fondée une plainte tombant sous le coup de l’article 13.

L’article 28 élargirait le pouvoir décisionnel des tribunaux dans ces cas. Il les autoriserait à indemniser les victimes nommément identifiées dans la communication discriminatoire en leur accordant au maximum 20 000 $, si l’acte discriminatoire est ou a été jugé délibéré ou inconsidéré. Le tribunal pourrait également infliger une amende maximale de 10 000 $ au communicateur. Avant d’imposer une sanction pécuniaire, le tribunal devra tenir compte de facteurs tels que la nature et la gravité de l’acte et la volonté ou l’intention du communicateur.

L’article 28 est une réponse à la multiplication des crimes haineux dans le monde. Le gouvernement estime que des mesures plus rigoureuses sont nécessaires pour dissuader des particuliers et des organisations de diffuser des messages haineux. Il espère y parvenir en permettant aux victimes de tels messages de demander à être indemnisées et en infligeant des sanctions financières aux contrevenants.

      3. Commentaire

Des témoins qui se sont présentés devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ont soulevé un certain nombre de points concernant le projet d’un nouveau Tribunal canadien des droits de la personne. Ils ont soutenu, notamment, que les dispositions envisagées dans le projet de loi S-5 ne seraient pas suffisantes pour faire en sorte que ce Tribunal soit indépendant de la Commission canadienne des droits de la personne. En fait, lors de sa comparution devant le Comité sénatorial, la présidente du Comité du Tribunal canadien des droits de la personne a déclaré qu’au fil des ans, on avait souvent contesté l’indépendance du Tribunal à plusieurs égards. Il y a par exemple eu des contestations concernant le paragraphe 27(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui confère à la Commission canadienne des droits de la personne le pouvoir d’adopter des lignes directrices prescrivant dans quelle mesure et de quelle manière une disposition quelconque de la Loi s’applique à un cas particulier. Le paragraphe 27(3) stipule qu’une fois publiées, les lignes directrices de la Commission ne lient pas seulement cette dernière, mais aussi tout tribunal des droits de la personne. Il est intéressant de noter qu’en vertu des modifications proposées antérieurement (projet de loi C-108, mort au Feuilleton en 1993), les lignes directrices n’auraient pas eu ce caractère obligatoire, et les tribunaux des droits de la personne auraient été indépendants de la Commission. Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, a amendé l’article 20 du projet de loi S-5 pour traduire la réalité selon laquelle, même si l’article 27 de la Loi canadienne sur les droits de la personne habilite la Commission canadienne des droits de la personne à prendre des ordonnances sur des cas particuliers, dans la pratique la Commission émet seulement des lignes directrices concernant l’application générale de la Loi.

Un autre point qui a été porté à l’attention du Comité sénatorial concernait le paragraphe 48.8(2) proposé, qui permettrait au président du Tribunal d’engager des experts pour aider ou conseiller les membres du Tribunal sur diverses questions. Des témoins se sont inquiétés du manque de détails, dans le projet de loi, au sujet du rôle de ces experts et de la capacité des parties, lors des audiences du tribunal, de contester leurs connaissances spécialisées.

Certains organismes ont vigoureusement recommandé que la Loi canadienne sur les droits de la personne exige que toutes les audiences du tribunal soient présidées par une personne ayant une formation juridique. D’autres se sont inquiétés de la proposition de retirer les tribunaux de révision envisagée dans le projet de loi. Un témoin a même dit que l’on ne devrait pas plafonner les indemnités imposées par le tribunal, soutenant que les tribunaux des droits de la personne devraient être libres d’évaluer les indemnités au cas par cas, compte tenu des circonstances particulières en jeu.

   B. Obligations de soumettre des rapports – Article 32

Depuis mars 1984, dans le rapport du Comité spécial sur les minorités visibles dans la société canadienne (L’égalité, ça presse!), on demande que la Loi canadienne sur les droits de la personne soit modifiée afin que la Commission canadienne des droits de la personne relève directement du Parlement. Actuellement, aux termes de l’article 61 de la Loi, la Commission transmet son rapport annuel et tout rapport spécial au ministre de la Justice, qui les dépose au Parlement.

On craint que, dans la mesure où la Commission instruit des plaintes concernant des ministères fédéraux, dans des affaires soumises aux tribunaux des droits de la personne, elle se trouve dans une situation conflictuelle avec les avocats du ministère de la Justice. On pourrait faire valoir qu’il y a au moins une impression de conflit d’intérêts, et la Commission elle-même a demandé à plusieurs reprises dans ses rapports annuels que l’on renforce son indépendance en la faisant relever directement du Parlement, comme le réclament d’autres défenseurs des droits des Canadiens tels que le vérificateur général et le Commissaire à la protection de la vie privée.

L’article 32 du projet de loi S-5 répondrait à ces demandes en exigeant que la Commission soumette tous ses rapports au Parlement par l’intermédiaire des présidents des deux Chambres. Cet article est également important en ceci qu’il ferait obligation au nouveau Tribunal canadien des droits de la personne de remettre au Parlement un rapport annuel sur ses activités. Cela assurerait une transparence de ses travaux et permettrait de garantir l’indépendance du Tribunal par rapport à la Commission.

   C. Autres modifications dignes de mention

      1. Collecte de renseignements relatifs à un motif de distinction illicite – Article 16

L’article 16 du projet de loi permettrait la collecte des renseignements relatifs à un motif de distinction illicite, à condition que ce soit pour s’en servir lors de l’adoption ou de la mise en oeuvre de programmes, de plans ou d’arrangements spéciaux. L’article 16 de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit des programmes spéciaux pour diminuer ou prévenir les désavantages dans l’emploi ou dans la fourniture de biens et de services que subit ou peut vraisemblablement subir un groupe d’individus pour des motifs de race, d’origine nationale ou ethnique, de couleur, de religion, d’âge, de sexe, d’état matrimonial ou d’invalidité. Un plan de promotion sociale est un exemple de programme spécial.

Des questions de vie privée peuvent être invoquées relativement à l’article 16. On ne sait pas clairement si les dispositions de la Loi sur la protection de la vie privée fédérale régleraient ces préoccupations, étant donné que cette loi s’applique à la collecte, à l’utilisation, à la divulgation et à la gestion de renseignements personnels uniquement par le gouvernement et des organismes gouvernementaux.

Des groupes de défense des droits à l’égalité ont dit au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles que le projet de loi S-5 ne réglait pas une incohérence qui existe encore dans de la Loi canadienne sur les droits de la personne et qui fait que, tandis que l’article 16 énumère les motifs de distinction illicite par rapport à l’adoption ou à l’exécution de programmes spéciaux, il n’inclut pas tous les motifs énoncés à l’article 3 de la Loi; or, la liste des motifs de distinction illicite devrait être la même dans toutes les lois. Le Comité sénatorial permanent n’a trouvé aucune raison pour qu’il en soit autrement. Par conséquent, il a modifié l’article 16 du projet de loi S-5 en remplaçant la liste précise des motifs énoncés à l’article 16 par l’expression générale « motifs de distinction illicite », ce qui a eu pour effet de corriger l’omission et d’assurer une uniformité avec les dispositions de la loi fédérale sur les droits de la personne. Cette modification a par la suite été adoptée par le Sénat dans son ensemble.

      2. Impossibilité d’identifier la victime de discrimination –  Paragraphe 23(2)

Le paragraphe 23(2) du projet de loi autoriserait le dépôt de plaintes de discrimination dans la fourniture de biens et de services même s’il n’y a pas de victime identifiable. Grâce à cette modification, de telles plaintes faites dans le cadre de la Loi canadienne sur la protection des droits de la personne seraient dorénavant traitées comme celles se rapportant à l’emploi (voir l’alinéa 40(5)b) de la Loi).

Cette disposition inspire des craintes à certains fournisseurs de biens et de services, qui doutent que la Commission canadienne des droits de la personne soit bien placée pour traiter des plaintes de discrimination sans victime identifiable. Ils estiment que les mis en cause n’auraient pas tous les détails nécessaires à la préparation de leur défense. Ils prétendent aussi qu’il serait difficile de conclure à la discrimination dans de tels cas et d’apprécier les redressements à accorder. Les fonctionnaires du ministère de la Justice ont informé le Comité que la disposition autoriserait la Commission canadienne des droits de la personne à traiter des plaintes même lorsqu’une victime identifiée refuse de se présenter ou est incapable de le faire, s’il y a des preuves qu’il y a eu acte discriminatoire. Autrement dit, cette disposition porterait sur les cas de discrimination systémique. En outre, même s’il pouvait n’y avoir aucun plaignant identifiable dans certains cas, il serait toujours possible d’identifier la victime d’une politique ou d’un acte discriminatoire.

      3. Représailles - Article 14

Actuellement, aux termes des articles 59 et 60 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, quiconque exerce une discrimination ou menace ou intimide une personne qui a porté plainte pour discrimination ou a témoigné ou aidé d’une manière quelconque au dépôt ou à l’instruction d’une plainte ou d’une procédure en vertu de la Loi, est coupable d’une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité. À ce jour, toutefois, on dénombre peu de poursuites pour représailles, et celles entamées n’aboutissent généralement pas. Fondamentale-ment, il est difficile de réunir les éléments nécessaires pour obtenir une déclaration de culpabilité dans ces affaires, par exemple, pour prouver hors de tout doute raisonnable qu’une mesure a été prise contre un plaignant dans l’intention de le forcer à abandonner sa plainte pour atteinte aux droits de la personne. En outre, il y a une réticence naturelle de la part de l’appareil judiciaire à condamner pour ces motifs, probablement parce que ces types de menaces ne sont pas considérés comme étant des actes criminels.

Aux termes de l’article 14 du projet de loi S-5, les représailles consécutives à une plainte constitueraient un acte discriminatoire qui serait traité, en vertu de la Loi, comme tout autre cas de discrimination. L’idée semble être que le système de non-discrimination créé par la Loi canadienne sur les droits de la personne conviendrait mieux que les tribunaux pénaux pour juger de ces affaires.

La possibilité de poursuites demeurerait aux termes de la Loi, cependant, en cas de représailles contre des témoins ou d’autres personnes qui ont apporté leur concours à l’enquête ou à l’instruction d’une plainte en vertu de la loi. Il se peut que dans ces cas, le harcèlement ne soit pas fondé sur un motif de discrimination illicite, mais qu’il vise, en fait, à entraver la procédure de la Commission canadienne des droits de la personne et du nouveau Tribunal canadien des droits de la personne.

Un témoin qui s’est présenté devant le Sous-comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a recommandé qu’on prévoie une procédure accélérée pour les cas de récidive quand les circonstances justifient une intervention plus rapide que celle prévue par le processus ordinaire de règlement des plaintes établi dans la Loi.

      4. Ordonnances de règlement - article 26

Aux termes de l’article 48 de la Loi, la Commission canadienne des droits de la personne doit approuver tout règlement intervenant entre les parties à une plainte dans la phase préparatoire à l’audience. La Commission n’est liée par aucun accord non approuvé et elle peut continuer d’instruire la plainte. L’article 26 du projet de loi ajoute qu’un règlement approuvé pourrait être assimilé à une ordonnance de la Cour fédérale du Canada soit par la Commission, soit sur requête d’une des parties. On obtiendrait ainsi la garantie de pouvoir en faire exécuter les dispositions de la même manière que celles d’une ordonnance de la Cour fédérale. Le paragraphe 31(1) du projet de loi abrogerait l’alinéa 60(1)a) de la Loi (dispositions relatives aux infractions et aux sanctions) qui assimile à une infraction le non-respect des termes d’un règlement approuvé.

      5. Infractions et sanctions - Article 31

En vertu de l’article 60 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, quiconque ne se conforme pas aux conditions d’un règlement approuvé par la Commission, entrave l’action d’un tribunal dans l’exercice de ses fonctions ou enfreint les prescriptions de la Loi, commet une infraction. Les employeurs, les associations patronales ou les organisations syndicales reconnues coupables sont passibles d’une amende maximale de 50 000 $. Dans tous les autres cas, l’amende ne doit pas être supérieure à 5 000 $. Aux termes du paragraphe 31(3), quiconque serait déclaré coupable d’une infraction à la Loi, sur déclaration de culpabilité sommaire, s’exposerait à une amende maximale de 50 000 $. Cette modification proposée est conforme aux recommandations de la Commission canadienne des droits de la personne, qui souhaite que tous les employeurs et les fournisseurs de services soient passibles de la même amende en vertu de la loi. En outre, le paragraphe 31(5) limiterait à un an le délai à l’intérieur duquel il serait possible d’entamer des poursuites pour une infraction à l’article 60.

   D. Points non réglés

L’adoption de ces modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne attendus de longue date ne soulève guère l’enthousiasme. La plupart d’entre elles sont manifestement jugées positives (par exemple, la création d’un tribunal permanent), mais l’attention semble aller en majeure partie à ce qui ne figure pas dans le projet de loi. On peut dire la même chose de la réaction de la collectivité des personnes handicapées aux modifications proposées à la Loi sur la preuve au Canada et au Code criminel.

Parmi les préoccupations manifestées par rapport à la Loi canadienne sur les droits de la personne figure le regret que le projet de loi ne traite pas, par exemple, de l’ajout de nouveaux motifs de distinction illicite (p. ex., la pauvreté) ni des dispositions relatives à la retraite obligatoire de l’alinéa 15c) de la Loi. En outre, on continue de réclamer l’élargissement des compétences de la Commission canadienne des droits de la personne pour qu’elle puisse s’occuper des problèmes de diffusion de messages haineux sous quelque forme que ce soit (par ex., téléphone, courrier et radio), qu’ils soient exportés ou importés. Il est également recommandé de mettre à jour la Loi afin de faire barrage à la transmission de messages haineux au moyen de technologies nouvelles telles qu’Internet, et de définir expressément la diffusion des thèses révisionnistes (négation de l’Holocauste) comme constitutive de propagande haineuse aux termes de la Loi. L’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne à la Loi sur les Indiens (art. 67), qui est une loi fédérale, et au Parlement du Canada sont des points qui ne sont pas encore réglés, tout comme la question du pouvoir de la Commission canadienne des droits de la personne de traiter de la discrimination systémique.

Enfin, diverses parties intéressées, qu’elles approuvent ou pas à la Loi canadienne sur les droits de la personne actuelle, sont favorables à un examen approfondi du système fédéral de défense des droits de la personne existant afin d’évaluer sa capacité de promouvoir et de protéger ces droits au XXIe siècle. La réalisation de cet objectif a été promise par l’actuel ministre de la Justice, Anne McLennan, lorsque le projet de loi a été déposé.


(1) Rosalind Currie, Réforme législative pour les personnes handicapées... Propositions, modificationsLoi sur la mise en œuvre des droits à l’égalité des personnes handicapées, 1991, Winnipeg, Conseil canadien des droits des personnes handicapées, 1991.

(2) Donner un sens à notre citoyenneté canadienne : la volonté d’intégrer les personnes handicapées, Rapport du Groupe de travail fédéral concernant les personnes handicapées, 1996.

(3) Voir la décision de la Cour suprême du Canada dans Alberta Human Rights Commission c. Central Alberta Dairy Pool, [1990] 2 S.C.R. 489.