Direction de la recherche parlementaire


MR-112F

 

EXAMEN DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE

 

Rédaction  Michel Rossignol
Division des affaires politiques et sociales

Le 12 octobre 1993
Révisé le 4 février 1994

                                      


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

CHANGEMENTS SURVENUS VERS LA FIN DE LA GUERRE FROIDE

ÉNONCÉS DE POLITIQUE

DÉBAT PUBLIC RÉCLAMÉ

PRISE DE POSITION DU NOUVEAU GOUVERNEMENT


 

EXAMEN DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE

 

INTRODUCTION

Le Canada, comme la plupart des pays, a entrepris d'adapter sa politique de défense aux nouvelles réalités internationales. La rapidité avec laquelle le contexte géostratégique global s'est modifié depuis la fin de la guerre froide a rendu la transformation plus que difficile. Dans le présent document, nous examinons brièvement les modifications apportées à la politique de défense depuis 1987, ainsi que les avenues que le gouvernement pourrait emprunter pour procéder à un examen plus approfondi.

CHANGEMENTS SURVENUS VERS LA FIN DE LA GUERRE FROIDE

Le Livre blanc sur la défense de 1987 a été rédigé au milieu des années 80, au moment où la guerre froide dominait encore les relations internationales. Il renforçait par conséquent les engagements du Canada envers l'OTAN et la défense de l'Amérique du Nord et proposait l'achat de matériel divers pour remédier à ce que les intervenants du milieu militaire percevaient comme l'incapacité du pays de s'acquitter de ses engagements. Toutefois, quand le Livre blanc est finalement paru le 5 juin 1987, le contexte géostratégique international avait déjà commencé à prendre une orientation différente de celle qui avait été prévue.

Au début de 1989, la tendance vers l'établissement de relations plus détendues entre les États-Unis et l'Union Soviétique était fermement établie, et la plupart des pays de l'OTAN avaient commencé à réduire leurs forces militaires. Le gouvernement du Canada a adopté des mesures semblables dans son budget d'avril 1989, quand il a annoncé la fermeture de certaines bases, une réduction de 2 500 postes au sein des effectifs militaires, ainsi que l'annulation de certains projets d'acquisition de matériel, comme celui des sous-marins à propulsion nucléaire. En tout, le ministère de la Défense nationale (MDN) devait faire des compressions de l'ordre de 2,7 milliards de dollars sur cinq ans. Par la suite, le budget fédéral de 1990 a imposé un plafond de 5 p. 100 aux dépenses prévues du MDN pour les deux années suivantes et une réduction additionnelle de 1 500 membres du personnel. Toutefois, dans son budget de 1991, le gouvernement fédéral prévoyait des fonds supplémentaires pour la défense en raison du coût des opérations menées à Oka et dans le cadre de la guerre du Golfe.

ÉNONCÉS DE POLITIQUE

Les réductions de matériel et de personnel annoncées ont incité certains à dire que le gouvernement n'établissait sa politique de défense qu'en fonction de mesures financières. C'est pourquoi ce dernier a entrepris la préparation d'un énoncé de politique précisant l'orientation de sa politique de défense d'après-guerre froide.

En septembre 1991, la Déclaration sur la politique de défense a réaffirmé les engagements traditionnels du Canada, à savoir la défense du Canada, la défense collective dans le cadre de l'OTAN, la coopération avec les États-Unis pour assurer la défense de l'Amérique du Nord et la participation active aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Bien que l'évolution du contexte international ait modifié la façon dont le Canada s'acquitterait dorénavant de bon nombre de ses rôles sur le plan militaire, le gouvernement soutenait que les liens géographiques et historiques l'empêchaient de modifier radicalement ses engagements.

Aussi, tout en annonçant la fermeture de la BFC Baden-Soellingen en 1994 et celle de la BFC Lahr en 1995, le gouvernement confirmait, dans cette déclaration, les engagements du Canada envers l'OTAN et proposait le maintien d'une force opérationnelle de 1 100 militaires en Europe. Qui plus est, dans le cadre de la réaffirmation de ces engagements, il établissait des programmes d'acquisition de matériel pour les 15 années à venir. Cependant, en raison de la tendance à réduire les dépenses en matière de défense, il ramenait les effectifs militaires à 76 000 personnes et créait le Groupe consultatif du Ministre sur l'infrastructure de la Défense (GCMID) pour examiner le processus de fermeture de bases militaires.

Avec l'effondrement de l'Union Soviétique en décembre 1991 et l'émergence de nouveaux États indépendants, tels la Russie et l'Ukraine, s'est achevé la transition qui a fait passer le monde de la guerre froide à un système plus normal, mais tout de même volatil, de relations internationales. Ces bouleversements ont forcé le MDN a formuler un nouvel énoncé de politique, La Politique de défense du Canada, qui a été rendu public en avril 1992, à peu près en même temps que le budget fédéral.

Bien qu'il ait situé davantage la place du Canada dans le nouveau contexte géopolitique, l'énoncé de politique de 1992 reflétait essentiellement l'incidence des compressions additionnelles des dépenses en matière de défense annoncées dans le budget fédéral de 1992. Il avançait d'un an la fermeture des deux bases militaires en Allemagne, annulait les plans prévoyant le maintien de 1 100 militaires en Europe et ramenait les effectifs militaires à 75 000 personnes. La nouvelle réalité financière a également rendu nécessaire l'abandon ou le report de certains programmes d'achat de matériel à long terme déjà annoncés. C'est ainsi que le projet d'acquisition de véhicules de combat polyvalents devant remplacer les chars a été annulé à peine six mois après son annonce.

DÉBAT PUBLIC RÉCLAMÉ

Le gouvernement conservateur a adapté sa politique de défense aux réalités stratégiques et économiques en raison des pressions exercées pour que soit tenu un débat public sur l'orientation que devrait prendre la politique de défense en période d'après-guerre froide. Certains groupes, dont Greenpeace et Project Ploughshares, ont concerté leurs efforts afin de mener une enquête publique sur la paix et la sécurité, laquelle a donné lieu à la publication d'un rapport en mars 1992, à la suite d'audiences publiques. Avant les élections, certains parlementaires ont également demandé qu'un débat public ait lieu sur la politique de défense.

À l'automne de 1993, il existait essentiellement deux écoles de pensée sur la question du débat public. Certains préconisaient la tenue d'une enquête indépendante, telle une Commission royale, alors que d'autres favorisaient une étude effectuée par un comité parlementaire, peut-être le Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants, ou une version élargie de celui-ci. Quelle que soit l'option retenue, certaines questions influeront sur le cours du débat.

L'une de ces questions touche le processus choisi pour fermer des bases militaires ou en réduire les effectifs et les opérations. Dans le rapport qu'il a déposé en juin 1992, le GCMID a recommandé la création d'un Groupe d'évaluation des infrastructures de la Défense, qui tiendrait des audiences publiques sur la fermeture de bases militaires. À l'automne de 1993, les recommandations du GCMID étaient encore à l'étude, mais compte tenu des pressions de plus en plus grandes qui s'exercent en faveur d'une réduction additionnelle des dépenses en matière de défense, il faisait peu de doute qu'après les élections générales, on procéderait aux fermetures et aux réductions annoncées.

Bien que la fermeture de bases avant la fin du débat public sur la politique de défense puisse susciter une controverse, le fait de la reporter après la tenue du débat ne permettrait de réaliser des économies que vers la fin des années 90. Il se pourrait qu'il faille compter au moins deux ou trois ans pour choisir les bases qui doivent être fermées ou voir leurs effectifs et leurs opérations réduits et pour mener le processus à terme. Si, entre-temps, ce sont les postes du matériel et des opérations du budget de la défense qui subissent le plus gros des compressions, les capacités militaires pourraient être déjà considérablement réduites au moment où le débat public prendra fin.

Il y a aussi la difficulté de tenir un débat public sans tenir compte des changements possibles en matière de politique étrangère; par exemple, il ne servirait à rien que les forces militaires se concentrent sur le maintien de la paix si l'adoption d'une nouvelle politique étrangère venait considérablement réduire les engagements du Canada envers les Nations Unies et le multilatéralisme en général. Les capacités militaires actuelles ont été façonnées en grande partie par les objectifs de politique étrangère du Canada. Aussi, bien qu'il y ait de la place pour un débat sur les capacités militaires du Canada en période d'après-guerre froide, celui-ci doit tenir compte de l'incidence de toute modification de la politique étrangère.

PRISE DE POSITION DU NOUVEAU GOUVERNEMENT

À la lumière de ce qui précède, le nouveau gouvernement libéral a annoncé, peu de temps après son accession au pouvoir en novembre 1993, qu'il procéderait comme promis à l'examen de la politique étrangère et de la politique en matière de défense. Bien que l'examen des deux politiques se déroulera simultanément, les principes fondamentaux de la politique de défense seront fonction des nouvelles priorités de la politique étrangère.

L'une des premières étapes de l'examen de la politique étrangère sera une conférence qui se tiendra à Ottawa en mars 1994. Le Forum national sur les relations extérieures, qui regroupera 100 éminents Canadiens qui s'intéressent aux questions internationales, contribuera à amorcer la remise en question de la politique étrangère par le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce extérieur de la Chambre des communes. Parallèlement, le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants de la Chambre des communes étudiera la politique de défense. Il n'est pas exclu qu'à un moment donné, les deux comités tiennent des séances conjointes et produisent même un rapport conjoint.

D'après un article du ministre des Affaires étrangères paru à l'automne de 1993 dans La politique étrangère du Canada et d'autres déclarations, le Forum national, les débats à la Chambre des communes et les études en comités parlementaires s'inscriront dans un processus faisant aussi appel à la contribution de hauts fonctionnaires ministériels et de divers experts. Voilà comment le gouvernement entend énoncer sa politique qui, dans le cas de la défense, sera peut-être annoncée en janvier 1995. Le processus d'examen est cependant conçu comme une activité devant se dérouler annuellement. Ainsi, le gouvernement projette actuellement de tenir chaque année un forum national sur les relations extérieures.

En revoyant annuellement les principes de base de sa politique de défense et la conjoncture internationale qui les détermine, le gouvernement espère fixer des priorités claires et actuelles qui, elles-mêmes, faciliteront la répartition des ressources et les décisions en matière d'achat de matériel. Toutefois, le gouvernement doit prendre des décisions en matière d'achat et des décisions budgétaires avant que ne commence vraiment l'examen public. Ainsi, la décision de fermer certaines bases au début de 1994 serait dictée par le déficit national et par l'engagement de réduire de 1,6 milliard de dollars les dépenses consacrées à la défense au cours des quatre prochaines années.

Dans certaines déclarations à la presse, le ministre de la Défense a précisé que l'examen public de la politique de la défense se concentrera sur les principes de base et qu'une fois ceux-ci établis, il reviendra aux militaires eux-mêmes de décider de questions de détail comme l'achat ou l'élimination graduelle de matériel. La crédibilité de l'examen pourrait cependant être compromise si les Canadiens estiment que les principes fondamentaux de la politique de la défense seront fixés davantage par des réductions de matériel et d'infrastructure annoncées dans le budget fédéral de 1994 que par les consensus qui se dégagent de l'examen public de la politique étrangère et de la politique en matière de sécurité.