Direction de la recherche parlementaire |
MR-114F
L'ESSAI DES MISSILES DE CROISIÈRE AU
CANADA
Rédaction :
James Lee
TABLE DES MATIÈRES
LES ESSAIS DES MISSILES DE CROISIÈRE AU CANADA
L'ESSAI DES MISSILES DE CROISIÈRE AU
CANADA
Les missiles de croisière modernes descendent en droite ligne de la bombe volante V-1 utilisée par l'Armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale. Munis d'ailes pour voler de manière aérodynamique, ils sont propulsés par moteur à réaction ou autopropulsés; ils ressemblent en fait à des avions sans pilote. Déjà durant les années 80, les États-Unis et l'Union soviétique comptaient plusieurs modèles de missiles de croisière précis d'une portée de plus de 2 000 kilomètres, à charge classique ou nucléaire, et pouvant être lancés du sol, de la mer ou de l'air. Dans le contexte de la guerre froide, le missile de croisière a presque toujours été considéré en fonction de son rôle dans l'équilibre nucléaire. Ses partisans soutenaient que parce qu'il est précis et difficile à déceler, il augmentait l'incertitude des stratèges militaires soviétiques et contribuait à la force de dissuasion nucléaire de l'Ouest. Ses détracteurs, eux, tout en étant d'accord que le missile ajoutait à l'incertitude soviétique, invoquaient le danger qu'il constitue dans un monde doté d'armes nucléaires et estimaient que le déploiement d'une arme qu'ils estimaient être de première frappe, contribuait à l'intensification de la course aux armements nucléaires. La guerre froide étant chose du passé, bon nombre des arguments pour et contre les missiles de croisière ne tiennent plus. Puisque le débat les concernant avait comme principale toile de fond le conflit Est-Ouest et l'impact qu'ils avaient sur l'équilibre nucléaire, le changement de contexte a modifié la place que tiennent ces armes. L'entente de 1987 sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF) a interdit les missiles de croisière sol-sol (GLCM). En 1991, les présidents Bush et Gorbachev ont accepté de retirer les missiles de croisière nucléaires mer-sol (SLCM) et les autres missiles tactiques des bâtiments de surface et des sous-marins en mer. Le déploiement futur de missiles de croisière nucléaires air-sol (ALCM) a été limité aux termes des traités START et, en juillet 1993, la fabrication du nouveau missile de croisière «furtif» air-sol (ACM) a été interrompue à 460 missiles, soit environ 1 000 de moins que le nombre prévu à l'origine. Alors même qu'on discutait moins de l'aspect nucléaire des missiles, les missiles de croisière à charge classique ont pris de l'importance du fait de leur première utilisation opérationnelle durant la guerre du Golfe au début de 1991. Jusqu'en 1992, on pensait que la seule version du missile de croisière à charge classique était le Tomahawk mer-sol; c'était avant qu'il ne soit révélé que dans le cadre d'un programme jusque là secret, un certain nombre de missiles de croisière air-sol avaient été convertis pour porter des charges militaires classiques, et que 35 d'entre eux (AGM-86C) avaient été utilisés durant le conflit. Certains soutiennent que la précision des missiles de croisière durant la guerre du Golfe a été exagérée; il reste que personne ne contestera leur efficacité. Les États-Unis cherchent toujours à améliorer les systèmes de guidage et de propulsion de leurs missiles de croisière air-sol et mer-sol, surtout du Tomahawk mer-sol. On ne connaît pas avec précision les programmes d'armements de la Russie, mais cette dernière possède sans doute un bon nombre de missiles de grande portée. Si, depuis quelques années, l'inquiétude bien fondée au sujet des missiles de croisière nucléaires des superpuissances est moindre qu'auparavant, les regards sont maintenant tournés vers les missiles de croisière plus simples et de courte portée. Bien qu'ils ne soient pas comparables aux systèmes de grande portée des États-Unis et de la Russie, des systèmes fonctionnels de missiles de courte portée (surtout antinavire) existent dans plusieurs pays et, dans d'autres, il y a des programmes qui pourraient permettre la mise au point de missiles de croisière. Selon des rapports, certaines autorités américaines estimeraient dangereux le risque de prolifération des missiles de croisière, et les recherches se poursuivent pour améliorer les méthodes de détection. En avril 1992, Kosta Tsipis, physicien du MIT, a affirmé dans The New York Times que l'on s'est beaucoup préoccupé jusqu'ici de la prolifération de la technique des missiles balistiques, mais qu'en fait, le risque que posent les missiles de croisière de précision pourrait être infiniment plus grand ans l'avenir. D'après lui, la technologie de base sous forme de moteurs à réaction commerciaux, de gyroscopes et de pilotes automatiques est très accessible et, à son avis, «n'importe quel pays capable de fabriquer un avion élémentaire peut construire un missile de croisière pouvant transporter une charge d'une tonne sur une distance d'au moins 300 milles et arriver à moins de 30 pieds de sa cible». LES ESSAIS DES MISSILES DE CROISIÈRE AU CANADA Le 10 février 1983, à la suite de pourparlers non officiels entre le Canada et les États-Unis et d'un échange de lettres sur la mise à l'essai d'armements, les deux pays ont signé le Programme canado-américain d'essai et d'évaluation. En vertu de l'accord, d'une durée de cinq ans, les États-Unis pouvaient demander à mettre à l'essai des missiles de croisière non armés air-sol et d'autres systèmes d'armes au Canada. En juillet 1983, le gouvernement du Canada a annoncé qu'à la demande des États-Unis, il avait autorisé l'essai, au-dessus de son territoire, du missile de croisière air-sol AGM-86B. L'essai de missiles de croisière au Canada a soulevé une vive opposition. Le gouvernement a justifié sa décision par des considérations politiques et techniques. Du point de vue politique, il a posé un geste de solidarité en ce qui a trait à la modernisation du système de dissuasion nucléaire de l'OTAN. Sur le plan technique, en permettant la mise à l'essai du missile des régions semblables aux régions septentrionales de l'Union soviétique, il a voulu optimiser l'efficacité de celui-ci et permettre au Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD) d'acquérir une capacité anti-missiles. Selon l'entente conclue, les essais se dérouleraient dans un couloir de 2 200 kilomètres comprenant des parties des Territoires du Nord-Ouest, de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de la Saskatchewan. Les essais porteraient soit sur le ciblage du missile en «vol libre», soit sur le système de guidage qui permet de cibler tant le missile que le propulseur dans un essai «en vol captif». Les essais prennent plusieurs heures et font intervenir plusieurs avions au Canada et aux États-Unis, depuis des avions-ravitailleurs jusqu'à des avions de chasse, en passant par des avions d'alerte avancée (AWAC). Après quelques années d'essai, la détection et l'interception du missile ont pris le pas sur la surveillance proprement dite des missiles. La plupart des essais effectués au Canada l'ont été en hiver afin de simuler les conditions qui existent dans le nord de l'Union soviétique. En février 1988, l'accord a été automatiquement reconduit pour cinq autres années étant donné qu'aucune des parties n'a exercé son droit de retrait sur préavis de douze mois. Au début de 1989, les États-Unis ont demandé et obtenu de mettre à l'essai au Canada une version perfectionné du missile de croisière, le AGM-129A. En février 1993, le gouvernement du Canada a annoncé qu'il avait renégocié et signé un accord d'essai amélioré avec les États-Unis. Jusqu'à maintenant, 23 essais de missiles de croisière ont été faits au Canada (en moyenne, 2 ou 3 par année), le dernier en mars 1993. La fin de la guerre froide a désamorcé une bonne partie des arguments au sujet des missiles de croisière. Disons simplement que les missiles de croisière ne sont plus nécessaires pour dissuader l'Union soviétique, pas plus qu'ils ne provoqueront une reprise de la course aux armements nucléaires. Les missiles mis à l'essai au Canada sont conçus de façon à pouvoir transporter une charge nucléaire; cependant, il est probable que c'est le rôle classique de ces missiles qui fera l'objet des débats à venir. Les arguments avancés au sujet de bien-fondé de la poursuite des essais de missiles de croisière au Canada traduisent la polarisation du débat au sujet de la défense en général. Ceux qui s'opposent à la poursuite de ces essais soutiennent que l'abolition de ceux-ci répondrait à des objectifs tant symboliques que pratiques, étant donné que la raison d'être des missiles de croisière, soit la menace soviétique, n'existe plus. Les partisans de la poursuite des essais invoquent pour leur part la nécessité de maintenir une force de dissuasion nucléaire et la capacité de déceler et d'intercepter les missiles de croisière comme mesure de protection contre l'éventualité d'un changement d'humeur de la part de l'ancienne Union soviétique. De manière plus générale, ils soutiennent que, aussi longtemps que le Canada choisira de maintenir sa collaboration militaire avec les États-Unis, l'essai des missiles de croisière contribuera à la défense du continent. |