Direction de la recherche parlementaire


MR-117F

 

LE CANCER DU SEIN : FORUM NATIONAL,
MONTRÉAL, DU 14 AU 16 NOVEMBRE 1993

 

Rédaction :
Sandra Harder
Division des affaires politiques et sociales

Le 6 janvier 1994

                                      


TABLE DES MATIÈRES


ORGANISATION DU FORUM NATIONAL

POINTS SAILLANTS DES COMMUNICATIONS PRÉSENTÉES AU FORUM

   A. Prévention et dépistage
      1. Contaminants environnementaux
      2. Marqueurs génétiques pour le cancer du sein

   B. Recherche

   C. Traitements

   D. Appui, action et activisme

L'APRÈS-FORUM


LE CANCER DU SEIN : FORUM NATIONAL,
MONTRÉAL, DU 14 AU 16 NOVEMBRE 1993

En juin 1992, le Sous-comité sur la condition féminine du Comité permanent de la santé et du bien-être social, des affaires sociales, du troisième âge et de la condition féminine de la Chambre des communes a fait paraître son rapport intitulé Le cancer du sein : Des questions sans réponse, résultat de sept mois d'étude sur les différents aspects du cancer du sein au Canada. Le Sous-comité a pu, grâce à cette étude, entendre le point de vue de spécialistes en épidémiologie, en thérapeutique et en recherche et en dépistage, ainsi que le témoignage de femmes qui ont survécu au cancer du sein.

Le rapport final renfermait 49 recommandations visant à combler les lacunes sur le plan du traitement et de la recherche dans ce domaine. Entre autres, le Sous-comité souhaitait la mise en place d'un mécanisme pour faciliter les communications et les échanges d'information entre les spécialistes qui oeuvrent dans les différentes disciplines touchant le cancer du sein. De plus, les membres du Sous-comité, émus par les témoignages et les besoins des femmes souffrant d'un cancer du sein, ont recommandé au gouvernement fédéral de financer une conférence des survivantes pour les aider à bâtir un réseau national d'entraide. Dans sa réponse au rapport du Sous-comité, déposée en décembre 1992, Santé et Bien-être social Canada a accepté de financer une telle conférence, en l'occurrence le Forum national sur le cancer du sein.

ORGANISATION DU FORUM NATIONAL

La conférence a été organisée conjointement par Santé et Bien-être social Canada, l'Institut national du cancer du Canada, le Conseil de recherches médicales, la Société canadienne du cancer et des groupes d'ex-patientes. On a mis sur pied quatre sous-comités pour couvrir tous les aspects soulevés dans le rapport du Sous-comité : la recherche, la prévention

et le dépistage, les mesures thérapeutiques, et l'appui, l'action et l'activisme. Les sous-comités étaient présidés par des personnes d'expérience dans le domaine; de concert avec des vice-présidents, elles ont créé des groupes de travail pour s'attaquer aux différentes composantes du problème. Les sous-comités et groupes de travail se sont réunis pendant plusieurs mois pour faire le point sur la question et résumer leurs constatations par écrit.

Le premier jour du Forum, chaque groupe de travail a présenté son rapport en une assemblée plénière qui réunissait les 670 participants et participantes. En plus des autres séances plénières, où des chercheurs de calibre international ont présenté des communications sur différents points, par exemple le traitement et la recherche, toutes les personnes présentes ont participé à des « tables rondes progressives ». Elles ont indiqué leurs principaux champs d'intérêt (établis en fonction des quatre thèmes du Sous-comité) et oeuvré au sein du même groupe pendant tout le Forum. Dans un premier temps, les participants et participantes ont pris connaissance des points soumis par chacun des sous-comités et groupes de travail à la séance d'ouverture, en complétant la liste au besoin. Dans un deuxième temps, ils (elles) ont dégagé les priorités en regard des problèmes déterminés. Enfin, ils (elles) ont arrêté des stratégies précises. Chaque groupe de discussion était composé d'une douzaine de personnes venant de différents milieux, ce qui a permis des échanges interdisciplinaires fructueux entre chercheurs, ex-patientes, médecins et chirurgiens.

Après chaque étape, les participants et participantes qui étaient membres d'un sous-comité ou d'un groupe de travail ont fait rapport des délibérations à leurs comités respectifs. Puis, tous les comités ont utilisé l'information et les observations recueillies pour revoir et modifier leurs rapports de recherche originaux, en vue de la présentation finale à la dernière séance plénière.

Le Forum a exigé beaucoup de tous les participants et participantes, qui n'étaient pas là en simples spectateurs ou spectatrices; tous et toutes ont pris une part active à la création, au peaufinage et à la mise en forme des connaissances sur le cancer du sein, sur son traitement et sur sa prévention, ainsi qu'à la sensibilisation des gens à l'importance des réseaux d'entraide.

POINTS SAILLANTS DES COMMUNICATIONS PRÉSENTÉES AU FORUM

   A. Prévention et dépistage

      1. Contaminants environnementaux

  • Compte tenu des dernières données publiées, des études plus poussées s'imposent sur le lien qui existe entre le cancer du sein et des contaminants environnementaux comme les biphényles polychlorés (BPC), les organochlorés (DDT et DDE) et les biphényles polybromés (BPB).

  • Selon les résultats d'une étude historique naturelle en Israël, le taux de mortalité par cancer du sein a baissé de 30 p. 100 dix ans après la suppression de l'utilisation de nombreux organochlorés. Il se pourrait, cependant, que ce chiffre soit gonflé en raison du taux de migration dans ce territoire.

  • Il y a, sur le plan physiologique, des preuves de l'existence d'un lien de cause à effet entre le cancer du sein et les contaminants environnementaux. Certains organochlorés peuvent influer sur la production d'hormones endogènes comme l'estrogène; d'autres peuvent compromettre le système immunitaire. Les contaminants environnementaux sont emmagasinés surtout dans les tissus adipeux (le sein, par exemple); les substances chimiques peuvent y séjourner une vie entière. Des chercheurs américains ont trouvé des teneurs deux fois plus élevées de BPC et de DDE dans les tissus adipeux mammaires des femmes souffrant d'un cancer malin du sein, comparativement à des femmes du même âge et du même poids non atteintes d'un cancer.

  • Il faudra mener des études à grande échelle qui tiennent compte des autres facteurs de risque associés au cancer du sein afin d'isoler le lien entre les facteurs environnementaux et le cancer du sein.

      2. Marqueurs génétiques pour le cancer du sein

  • On tente d'identifier des marqueurs génétiques dans les familles où l'on dénombre une forte incidence de cancer du sein. À l'heure actuelle, on semble croire que seulement de 2 à 5 p. 100 des cancers du sein sont attribuables à des causes monogéniques. Le cancer du sein survient aussi chez des femmes où de telles différences génétiques n'existent pas. Le gène AT et le gène appelé BrCa1 sont associés au cancer du sein. Les chercheurs estiment qu'environ 1,4 p. 100 de la population est porteuse du gène AT et que seulement 0,25 à 0,5 p. 100 des femmes seraient porteuses du gène BrCa1.

  • Le dépistage génétique soulève de nombreuses questions : Les jeunes femmes devraient-elles toutes se soumettre à un test de dépistage des gènes du cancer du sein? Qu'est-ce que les médecins doivent dire aux femmes présentant des marqueurs positifs, au sujet du risque qu'elles courent? Quel genre de counseling devrait accompagner les tests de dépistage génétique? Quelle sorte d'études longitudinales devrait-on mener pour que le dépistage précoce fasse diminuer les risques?

   B. Recherche

  • En plus de déterminer les nouveaux domaines où des recherches s'imposent, il faudrait aussi faire en sorte que les résultats des recherches soient intégrés dans le travail clinique des médecins et des chirurgiens qui traitent les femmes pour un cancer du sein. Si l'on reconnaît et combat les obstacles à cette intégration, la transmission des nouvelles données se fera plus efficacement et plus rapidement.

  • Il faut porter une plus grande attention à la manière dont les femmes atteintes d'un cancer du sein et les femmes à risque sont informées par les professionnels de la santé du diagnostic et des options de traitement.

  • Il faut déterminer les besoins d'information des femmes compte tenu de leur âge, de leur culture, de leur profil linguistique, etc. En même temps, il faut accroître les connaissances sur les manières d'aider les patientes à prendre de bonnes décisions et à exercer un choix éclairé vis-à-vis de leurs options thérapeutiques.

  • Les méthodes de la recherche scientifique devraient être revues. Il faudrait, en formulant et en appliquant des modèles de recherche sur le cancer du sein, tenir compte des critiques formulées à l'endroit du modèle biomédical de recherche et de la nature exclusive de la recherche basée sur l'évaluation par les pairs. Les études qui favorisent le dialogue entre les femmes et les chercheurs devraient être prioritaires.

   C. Traitements

  • Il faut se pencher sur les méthodes et les stratégies utilisées pour favoriser la communication et l'écoute efficaces chez les médecins et les autres professionnels de la santé. Les participants et participantes ont convenu de la nécessité qu'une telle formation soit donnée aux travailleurs de la santé au Canada dans les programmes de baccalauréat, d'études supérieures et d'éducation permanente.

  • Voici d'autres secteurs considérés comme importants pour la prise en charge des patientes souffrant d'un cancer du sein : la recherche de méthodes pour évaluer exactement le risque de récidive du cancer chez les femmes dont les ganglions lymphatiques ne présentaient aucune trace de cancer au moment de la chirurgie; l'apaisement de la douleur dans le cancer du sein avec métastases (qui s'est répandu ailleurs dans l'organisme); le contrôle de la qualité des mammographies; la résection de la tumeur comparativement à la résection du sein; l'accès en temps opportun à la radiothérapie après la résection d'une tumeur.

   D. Appui, action et activisme

  • Les femmes qui viennent d'apprendre qu'elles ont un cancer du sein ont souvent énormément de difficulté à obtenir de l'information capitale sur la maladie, notamment sur les options thérapeutiques. Elles se sentent exclues des décisions concernant les interventions qui leur sont destinées.

  • Il faut que le système de santé soit davantage comptable de ses actions. Trop de femmes reçoivent un diagnostic erroné, et trop de femmes se sentent frustrées et insatisfaites des options thérapeutiques actuelles, qu'elles considèrent comme une forme de mutilation.

  • Les femmes doivent avoir un meilleur accès à des centres de soutien dirigés par des survivantes, où elles peuvent partager leur expérience et en parler ouvertement.

  • On souhaite la mise sur pied d'un réseau national de groupes de femmes qui sont passées par l'épreuve du cancer du sein, réseau voué aux principes de l'autonomie et d'une vaste représentation partout au pays. Ce réseau permettrait aux femmes atteintes d'exprimer de façon unifiée leur point de vue sur des questions qui les touchent directement. Ces femmes pensent aussi qu'elles peuvent faire pression pour obtenir des fonds à la recherche sur le cancer du sein, pour orienter les projets de recherche, et pour obtenir que les résultats de recherche soient intégrés dans la pratique médicale.

L'APRÈS-FORUM

Depuis le Forum, toute l'information générée par les tables rondes a été compilée et envoyée aux personnes qui présidaient les quatre sous-comités; celles-ci s'en serviront pour modifier et revoir les documents originaux et, de concert avec Santé et Bien-être social Canada, pour rédiger un document consensuel. Ce rapport devrait déboucher sur un plan d'action qui aidera à orienter les efforts des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et des autres personnes intéressées.

Santé et Bien-être social Canada, la Société canadienne du cancer, l'Institut national du cancer du Canada et le Conseil de recherches médicales sont associés dans l'Initiative canadienne sur le cancer du sein. Le gouvernement fédéral s'est engagé à verser 20 millions de dollars sur cinq ans; de son côté, l'Institut national du cancer versera 10 millions sur des fonds qui seront recueillis par la Société canadienne du cancer. On s'attend à recueillir un montant additionnel de 15 millions de dollars dans le Fonds pour le cancer du sein, une co-entreprise de la Banque Royale du Canada, de la Fondation canadienne du cancer du sein et de la Société canadienne du cancer.

L'existence de l'Initiative suscite déjà, au dire de la personne qui copréside le comité de gestion, une forte augmentation du nombre de demandes de subventions à la recherche sur le cancer du sein. L'Institut canadien du cancer du Canada, qui administre l'initiative, a déjà reçu 116 nouvelles demandes de fonds de recherche représentant plus de 12 millions de dollars.