Direction de la recherche parlementaire |
MR-127F
LA BIOTECHNOLOGIE ET LE BIEN COMMUN :
Rédaction : Sonya
Dakers
TABLE DES MATIÈRES
DEUXIÈME SÉANCE PLÉNIÈRE : La biotechnologie et le bien commun TROISIÈME SÉANCE PLÉNIÈRE : La biotechnologie agricole dans les pays en développement PREMIER ATELIER : L'établissement du calendrier d'application de la biotechnologie agricole DEUXIÈME ATELIER : La biotechnologie et la structure de l'agriculture TROISIÈME ATELIER : La biotechnologie agricole et l'interdépendance globale QUATRIÈME ATELIER : La gérance de l'environnement et la biotechnologie agricole
LA BIOTECHNOLOGIE ET LE BIEN COMMUN :
Dans la foulée de lapprobation par le Bureau fédéral des drogues (Federal Drug Administration) des États-Unis de la STbr (somatotropine bovine recombinante) en novembre 1993 et de la tomate « Flavr-Savr » en mai 1994, le sixième Congrès du National Agricultural Biotechnology Council (NABC6), qui sest tenu les 23 et 24 mai 1994, a réuni des consommateurs, des producteurs, des décideurs, des environnementalistes et des chercheurs qui ont discuté des effets positifs et négatifs de la biotechnologie sur lagriculture et dautres sujets apparentés. Le Conseil, qui est subventionné par dix-huit universités canadiennes et américaines, sest donné comme mission de promouvoir le dialogue sur la biotechnologie agricole et den encourager le développement pour le bien commun. Les trois séances plénières ont permis aux participants de faire un tour dhorizon des thèmes choisis; ils ont ensuite examiné ces thèmes plus en détail dans quatre ateliers au terme desquels ils ont rédigé des recommandations destinées aux décideurs des secteurs public et privé. Selon T. Fraley, Ph. D. (Monsanto Agricultural Group), la biotechnologie est lun des nombreux outils qui contribueront à nourrir les 90 millions de gens qui viennent grossir la population mondiale chaque année. En sept ans, les essais pratiques sont passés de zéro à 1 600, soit le nombre de produits de la biotechnologie qui ont été testés en 1994; dix de ces produits sont déjà engagés dans le processus qui mène à lhomologation aux États-Unis. Les recherches actuelles portent sur des cultures résistantes aux insectes, qui devraient être approuvées dici deux ans, et sur la prévention des maladies et la lutte contre les mauvaises herbes. M. Fraley a énuméré les questions quil faut encore résoudre avant quun produit de la biotechnologie ne soit commercialisé : lopinion publique, ladoption de nouvelles lois, les prescriptions sur létiquetage des aliments, la salubrité des aliments et les allergies, les contraintes du commerce international, ainsi que les procès intentés par les groupes « ennemis des sciences ». Selon un participant, on peut se poser des questions sans être un ennemi de la science; ce participant a dailleurs reproché à M. Fraley déviter de répondre à la question morale de savoir si la biotechnologie est bénéfique pour lespèce humaine. Il a dit craindre les mutations génétiques irréversibles qui pourraient être introduites dans les organismes vivants et limpossibilité dinverser une mutation accidentelle. Un autre participant sest interrogé sur les effets à long terme de la biotechnologie et sest demandé si le Bureau fédéral des drogues des États-Unis procède aussi scientifiquement quil le prétend à létiquetage des produits de la biotechnologie. Le conférencier suivant, W.F. Hardy, Ph.D. (président du Boyce Thompson Institute for Plant Research), a souhaité que la conférence donne de nouvelles perspectives aux participants. Il a décrit les étapes que suivra probablement limplantation de la biotechnologie et les paramètres pour définir lintérêt collectif. Par ordre de priorité, il a cité la liberté de choix, linformation et la formation, la santé humaine, léconomie, lenvironnement, la durabilité et linterdépendance globale, ainsi que dautres facteurs. Il a donné comme exemples de produits de la biotechnologie qui ont été approuvés ou qui sont sur le point de lêtre les produits suivants : une enzyme de coagulation pour la fabrication du fromage, des cultivars de maïs, de riz et de blé qui fixent eux-mêmes lazote, des substituts aux combustibles fossiles, des contenants de polymère biodégradable, des cultures à plus haut rendement, des médicaments et des vaccins oraux. Enfin, il a parlé de financement à létape de la pré-commercialisation. DEUXIÈME SÉANCE PLÉNIÈRE : La biotechnologie et le bien commun Hope Shand (directrice de recherche de la Rural Advancement Foundation International, organisme à but non lucratif) a parlé de limplantation de la biotechnologie dans le tiers monde rural, où une diversité génétique vieille de 12 000 ans est maintenant menacée par le brevetage de plantes et danimaux. Elle a indiqué que la biotechnologie stimule peut-être la recherche, mais que les agriculteurs pauvres nont pas les moyens dacheter les grains qui en résultent. Elle a notamment mentionné un édulcorant naturel à base de protéines, le coton tansgénique et le soja. Il a aussi été question du remplacement des cultures naturelles par des équivalents synthétiques. Au Madagascar, par exemple, 100 000 agriculteurs vivent de la culture de la vanille, quon sapprête à remplacer par un produit synthétique moins cher. Mme Shand a indiqué quil est insensé dessayer de vendre une technologie au pays qui a fourni la matière génétique première (maintenant sous brevet) et qui na plus les moyens dacheter les semences brevetées. Elle a souligné que dans un tel cas, les agriculteurs deviennent dépendants des entreprises dagrochimie qui manipulent le système agro-alimentaire et vendent les semences et leurs propres marques dherbicides. Elle a dit ne pas croire, comme le soutiennent les industries chimiques, que ces herbicides sont tous inoffensifs pour lenvironnement. Mme Shand a soutenu que les systèmes juridiques, comme ceux qui régissent la propriété intellectuelle, sont dépassés par les réalités publiques, de sorte quon va même jusquà accorder des brevets sur les biens publics. Daprès elle, la Convention sur la diversité biologique signée lan dernier a deux lacunes : elle exclut les collections de gènes acquises avant létablissement de la Convention, et on ny trouve pas de protocole international destiné à protéger les espèces indigènes. Pour R.J. Cook, Ph. D. (scientifique en chef responsable du Competitive Grants Program, USDA NRI), la biotechnologie fait partie de lévolution technologique au cours de laquelle lhumanité a toujours modifié les espèces végétales et animales pour quelles répondent à ses besoins. Il a décrit certaines percées industrielles dans laviculture et la production laitière, mais ajouté quil faut protéger la diversité des cultures en soutenant aussi les applications modestes. TROISIÈME SÉANCE PLÉNIÈRE : La biotechnologie agricole dans les pays en développement Le premier conférencier, John Dodds (directeur gestionnaire du Agricultural Biotechnology for Sustainable Productivity Program [ABSP] à lUniversité du Michigan], a cité lexemple des Philippines pour montrer quil est possible de développer du germoplasme sur une petite échelle et dune manière qui soit respectueuse de lenvironnement. Il a aussi donné des exemples où la biotechnologie sert à la conservation des ressources génétiques; Cuba, par exemple, a un programme de protection des grains indigènes. Le ABSP vise à accroître la productivité dun petit nombre de cultures dans des pays choisis, depuis la recherche fondamentale jusquà la mise en production; les projets favorisent la collaboration entre les scientifiques du Nord et du Sud. Le programme comprend aussi des ateliers, la publication dun bulletin, la conception daffiches, des stages et laccès à linformation. Le deuxième conférencier a été Magdy Madkour (directeur de lInstitut de recherches en génie génétique agricole, en Égypte). La moitié de la population de ce pays vit dagriculture, alors que 6 p. 100 seulement du territoire est constitué de terres arables. LInstitut cherche à utiliser la biotechnologie pour accroître la production des récoltes par unité de sol et deau, réduire la dépendance à légard des produits importés, réduire le recours aux pesticides et améliorer la qualité nutritive des aliments produits. Le troisième conférencier sest distingué par son franc-parler. Daprès Jose De Souza Silva (chef du Secrétariat chargé dappuyer les organismes dÉtat en recherche agricole à la société publique brésilienne pour la recherche agricole), la neutralité scientifique est un mythe et les progrès scientifiques sont dictés par les forces sociales et économiques. Il a indiqué quatre situations contradictoires : la biotechnologie, qui devrait être une solution plausible au problème de la faim, a échoué à cet égard (le Brésil occupe le quatrième rang des pays exportateurs de produits agricoles, et le sixième rang des pays sous-alimentés); les produits de la biotechnologie offrent un bon potentiel de rendement, mais le remplacement des cultures traditionnelles risque dentraîner un chômage massif; la biotechnologie agricole pourrait contribuer à la promotion des objectifs sociaux, mais au lieu de cela elle est en train de devenir une entreprise mercantile où les ressources génétiques sont brevetées et la nature traitée comme une marchandise; finalement, les pays industrialisés agissent souvent par inadvertance dune manière qui nuit aux pays en développement. PREMIER ATELIER : Létablissement du calendrier dapplication de la biotechnologie agricole Susan Offutt, Ph. D., directrice générale du bureau de lagriculture auprès du Conseil national de recherches des États-Unis a indiqué quà son avis, le développement de la biotechnologie est fonction du marché mais que dautres contraintes existent : les subventions, les coûts et profits et la relation entre le secteur privé et le bien public. À la qualité, lefficacité et linnocuité, elle a ajouté un quatrième critère pour lévaluation de la biotechnologie : les effets sociaux et environnementaux. Garth Youngberg (directeur général, Henry A. Wallace Institute for Alternative Agriculture) a indiqué que les entreprises devraient inviter le public (agriculteurs, groupes dintérêt public, etc.) à participer à la planification et à la prise de décisions en matière de recherche-développement biotechnologique. Au cours des débats qui ont suivi en atelier, le processus détablissement du calendrier dapplication de la biotechnologie la emporté sur la détermination des domaines prometteurs de la biotechnologie, qui devait être le sujet détude. La participation à la prise de décisions a été jugée essentielle si lon veut que les applications de la biotechnologie profitent au public. Les membres de latelier ont conclu que si le public participait davantage à létablissement du calendrier dapplication de la biotechnologie, celui-ci refléterait plus fidèlement les différentes valeurs, préoccupations et priorités de la société et favoriserait lintégration des sciences environnementales et sociales dans les programmes de sciences biologiques. Les facteurs suivants ont aussi été mentionnés comme étant indispensables : une meilleure information (peut-être supervisée par un organisme central), le non-financement de projets intéressés, des recherches additionnelles sur lévaluation des risques et des cours à lécole et à luniversité sur la biotechnologie et ses incidences. On a insisté sur le fait quil faut mettre en place un système de réglementation accessible et homogène, dans lequel conscience côtoie vigilance. Les participants à latelier ont indiqué quil importe dappliquer les recommandations du NABC. DEUXIÈME ATELIER : La biotechnologie et la structure de lagriculture On ne peut parler de la structure de lagriculture sans aborder la question controversée du système agro-alimentaire total, qui remet en question léthique traditionnelle de la « ferme familiale ». Pour cette raison, même si la biotechnologie peut aider à résoudre les conflits entre lenvironnement et lagriculture, la plupart des législateurs préfèrent garder leurs distances. Quatre sujets ont été discutés à latelier : la façon dont la biotechnologie peut aider lagriculture à répondre aux besoins des consommateurs (au moyen de normes nationales de consommation, détiquetage et daccès à linformation); la nécessité pour les universités de maintenir leur indépendance et dentreprendre des recherches non commerciales; laccessibilité de la technologie (un système de brevets conçu pour le bien commun, laugmentation des forums de discussion et le renforcement du système de recherche dans le secteur public); et létablissement de normes pour la durabilité, la santé et la sécurité, les considérations socio-économiques et léquité. TROISIÈME ATELIER : La biotechnologie agricole et linterdépendance globale On a expliqué quà léchelle mondiale, les stocks de grains nont jamais été si bas depuis 1962. Plusieurs comptent beaucoup sur la biotechnologie pour aider à soutenir la population du monde, mais la majeure partie des fonds au développement viennent du secteur privé. Les facteurs en jeu semblent être léquité, les droits et laccessibilité, linteraction entre les institutions et la biosécurité et les études dimpact socio-économique. Il faut mettre sur pied une entité pour aider à résoudre les questions de la propriété intellectuelle, adopter des outils pour faciliter les recoupements et la récupération des données et créer un meilleur système pour contrôler les répercussions et lacceptabilité des techniques et la répartition de la richesse. QUATRIÈME ATELIER : La gérance de lenvironnement et la biotechnologie agricole Deux types derreur sont dangereuses pour lenvironnement : un mauvais choix de technologie et une mauvaise application de la technologie. Les scientifiques cherchent à définir des critères dévaluation pour protéger la biodiversité et améliorer la qualité du sol et de leau. Léducation joue un rôle important dans la gérance de lenvironnement, tout comme la recherche à long terme sur lévaluation des risques écologiques. On a recommandé ladoption de mesures fiscales pour financer la recherche. Les participants ont indiqué quil faut garder un sens de la mesure quand on évalue les risques, mais aussi les avantages de la biotechnologie agricole qui, daprès eux, est une étape dans le développement de lagriculture. Ils ont souligné que les autorités ont besoin dinformation scientifique, non dopinions émotives. Ils ont insisté sur limportance du dialogue et de la consultation. Depuis la fondation du NABC, laccent a de plus en plus été mis sur laccès à linformation et la participation du public, pour que le développement de la biotechnologie soit toujours respectueux de lintérêt public. Les participants ont indiqué quil faut maintenant aller plus loin que la parole et produire des résultats concrets. |