BP-280F

PROTECTION DES RÉFUGIÉS :
LE CONTEXTE INTERNATIONAL

 

Rédaction :
Margaret Young
Division du droit et du gouvernement
Novembre 1991
Révisé en septembre 1998


 

TABLE DES MATIÈRES

 

LA CONVENTION DES NATIONS UNIES

HAUT COMMISSARIAT DES NATIONS UNIES POUR LES RÉFUGIÉS

   A. Le mandat

   B. L’exécution du mandat
      1. La protection
      2. La recherche de solutions durables
         a. Le rapatriement
         b. L’intégration au pays d’accueil
         c. Le réétablissement à l’extérieur de la région

AUTRES ORGANISMES

LE RÔLE DES ÉTATS DANS LA PROTECTION DES DROITS DES RÉFUGIÉS

   A. Assistance économique

   B. Réétablissement

   C. Protection contre le refoulement

   D. Accords internationaux

MENACES QUI PÈSENT ACTUELLEMENT SUR LES DROITS DES RÉFUGIÉS

   A. Pressions migratoires sur les pays occidentaux

   B. Un monde en évolution


 

PROTECTION DES RÉFUGIÉS :
LE CONTEXTE INTERNATIONAL

 

Il existe dans le monde une multitude de gens dont la liberté, la sécurité et la vie même sont en danger. Certains sont menacés par l’oppression politique, d’autres par des catastrophes naturelles, alors que d’autres vivent dans des conditions économiques telles que leur simple subsistance est incertaine ou impossible. D’autres encore doivent fuir la guerre ou les conflits civils. Nombre de ces personnes sont obligées de quitter leurs foyers et de chercher refuge ailleurs, soit dans d’autres parties de leur propre pays, soit dans un pays étranger. De façon générale, on peut dire que ces gens sont des « réfugiés ». Dans la pratique, toutefois, et dans les systèmes juridiques nationaux et internationaux, le terme a une signification beaucoup plus limitée et technique. Ce sont ceux qui entrent dans la catégorie des « réfugiés » au sens technique — à l’heure actuelle, de 17 à 18 millions de personnes à l’échelle mondiale — qui font l’objet du présent document, lequel donne un aperçu du dispositif international mis sur pied pour protéger leurs droits(1).

LA CONVENTION DES NATIONS UNIES

La Convention relative au statut des réfugiés, adoptée par les Nations Unies en 1951, est le seul document universel qui régit le traitement des réfugiés par les États où se trouvent des réfugiés. Plus de 130 pays ont adhéré à la Convention, dont les parties les plus importantes sont celles qui définissent le terme « réfugié » et celles qui prévoient des mesures sontre le refoulement.

En vertu de l’article 1 de la Convention, un réfugié est une personne qui :

craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; […]

L’article 33 exprime en quoi consiste essentiellement la responsabilité des États pour ce qui est de la protection des droits des réfugiés; à cet égard, il importe toutefois de noter que la protection accordée est également devenue partie intégrante du droit coutumier international. Intitulé « Défense d’expulsion et de refoulement », l’article 33 stipule :

Aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

Il importe de comprendre ce à quoi la Convention ne pourvoit pas :

  • Elle ne donne pas une définition large du terme « réfugié ». Les droits reconnus aux réfugiés en vertu de la Convention ne s’appliquent qu’à ceux qui ont traversé une frontière internationale parce qu’ils étaient persécutés pour des motifs raciaux, religieux, politiques ou sociaux. Ceux qui ont besoin d’un refuge pour des considérations autres que des motifs essentiellement politiques — c’est-à-dire la guerre, la famine, des inondations, l’apatridie, la pauvreté, etc. — et dont le sort peut susciter beaucoup d’inquiétude d’un point de vue humanitaire ne peuvent réclamer le soutien d’autres États en invoquant la Convention.
  • Même si, en vertu du droit coutumier international et de la Convention, les États signataires ne doivent pas refouler les réfugiés dans le pays où ils craignent d’être persécutés, ces États ne sont pas non plus obligés de permettre aux réfugiés de demeurer en permanence sur leur territoire et ils peuvent les renvoyer dans un autre pays, bien que cette pratique soit susceptible d’équivaloir au bout du compte au refoulement.
  • Le droit des réfugiés de ne pas être refoulés n’est pas absolu. Un État a le droit de placer ses propres intérêts en matière de sécurité au-dessus de ceux du réfugié; il peut également refuser d’accueillir des gens condamnés pour des crimes graves et qui, par conséquent, constituent un danger pour la société d’accueil.

Par ailleurs, il existe deux ententes régionales, une pour l’Afrique et l’autre pour l’Amérique centrale, qui élargissent la notion de réfugié pour les États signataires afin de réfondre à des besoins particuliers. En fait, de nombreux pays occidentaux, à des degrés divers et dans différentes conditions, accordent leur protection à une catégorie plus vaste d’individus que celle strictement définie par la Convention.

HAUT COMMISSARIAT DES NATIONS UNIES POUR LES RÉFUGIÉS

   A. Le mandat

En 1950, avec l’adoption par l’Assemblée générale du statut du Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’actuel cadre institutionnel de protection des réfugiés est entré en vigueur. Aujourd’hui, le HCR compte 5 475 employés (dont 83 p. 100 travaillent sur le terrain), y compris ceux qui travaillent pour une courte période, dans 122 pays ainsi qu’à l’administration centrale de Genève. Son budget en 1997 est de 1,22 milliards de dollars. Le mandat général du HCR comporte deux volets : protéger les réfugiés et chercher des solutions permanentes à leurs problèmes. En 1996, le HCR a aidé 11,8 millions de personnes.

   B. L’exécution du mandat

      1. La protection

Le fait qu’ils aient besoin protection est ce qui distingue le plus les réfugiés au sens de la Convention des autres migrants (par exemple, ceux qui veulent améliorer leur niveau de vie, qu’on appelle souvent à tort des « réfugiés économiques »). En traversant une frontière internationale, et ne voulant pas ou ne pouvant pas retourner chez eux, les réfugiés se placent en dehors du champ de la protection qu’un État accorde normalement à ses citoyens. Dans ces circonstances, l’aspect le plus vital du rôle du HCR consiste à assurer cette protection aux réfugiés, et ce par les moyens suivants : en les protégeant contre le refoulement, en pourvoyant à leurs besoins physiques essentiels (toit, nourriture, etc.) et en garantissant le respect de leurs autres droits fondamentaux.

      2. La recherche de solutions durables

Il existe une hiérarchie communément acceptée des solutions permanentes aux problèmes des réfugiés : le rapatriement dans le pays dont ils se sont enfuis, l’intégration au pays de premier asile, et le réétablissement dans un autre pays.

         a. Le rapatriement

Cette solution peut être risquée. En effet, lorsqu’ils retournent dans leur milieu d’origine, les réfugiés peuvent être sérieusement menacés si la situation qui a causé leur départ ne s’est pas améliorée. Néanmoins, lorsqu’il est possible et qu’il est volontairement accepté, le rapatriement est habituellement considéré comme la meilleure solution à long terme, parce qu’il permet aux réfugiés de réintégrer leur cadre de vie habituel et leur culture. De nombreux réfugiés se rapatrient volontairement, mais lorsque de tels mouvements sont planifiés et organisés, le HCR jour un rôle clé en veillant à ce les personnes qui rentrent dans leur pays disposent de renseignements exacts sur les conditions qui y règnent, à ce qu’elles agissent de façon volontaire et à ce que leurs droits soient protégés. En outre, il doit surveiller le traitement dont elles font l’objet lorsqu’elles sont de retour, et les aider à se réinstaller. Selon les circonstances, cette aide peut englober la mise sur pied de centres de transit ainsi que la fourniture de dons, de nourriture, de matériaux de construction et d’outillage agricole au cours de la première année du réétablissement.

         b. L’intégration au pays d’accueil

L’intégration des réfugiés au tissu économique et social du pays d’accueil initial dépend de divers facteurs : le nombre de réfugiés, la structure économique et démographique du pays, la nature de sa société (y compris les différences raciales et religieuses), la situation sur les plans politique et de la sécurité ainsi que les répercussions sur l’environnement de l’installation des nouveaux venus.

L’intégration peut avoir des avantages pour les réfugiés, le HCR et le pays d’accueil. L’établissement de camps de réfugiés s’avère parfois essentiel pour répondre aux besoins urgents, mais les camps permanents constituent souvent un obstacle à l’auto-suffisance économique à long terme ainsi qu’à la fierté et à l’estime de soi qui l’accompagnent. D’autre part, les camps coûtent très cher à administrer d’année en année, de sorte que même une auto-suffisance partielle allège le fardeau du HCR. Du point de vue du pays d’accueil, les fonds consacrés aux projets d’auto-suffisance aident également le pays en général.

         c. Le réétablissement à l’extérieur de la région

Dans certaines situations, lorsque le rapatriement est impossible et que le pays de premier asile ne veut pas ou ne peut pas offrir une protection continue aux réfugiés, le réétablissement, habituellement dans un pays occidental industrialisé, peut s’avérer la seule option réalisable. Toutefois, le recours à cette opinion est limité par le nombre restreint de terres d’accueil et par les déboursés inhérents à cet accueil. Par exemple, chacun des 7 300 réfugiés parrainés par le gouvernement que le Canada est prêt à accueillir annuellement bénéficiera d’une aide financière jusqu’à l’avénement de la première des situations suivantes : la fin d’une période d’un an ou l’obtention d’un emploi.

La Convention elle-même n’impose aux pays signataires aucune obligation touchant réinstallation des réfugiés, bien qu’une clause du Préambule exhorte les pays à reconnaître l’importance d’une solution internationale aux problèmes des réfugiés. Au cours de la période de l’après-guerre, le plus important mouvement de réinstallation est celui qui s’est déroulé à partir de l’Indochine depuis le milieu de la décennie 1970.

AUTRES ORGANISMES

De nombreux autres organismes jouent un rôle important, directement ou indirectement, dans l’aide aux réfugiés. Il s’agit entre autres de l’Organisation internationale pour les migrations, de la Croix-Rouge, de l’UNICEF, du Programme alimentaire mondial, de l’Organisation mondiale de la santé ainsi que du Bureau du Coordonnateur des Nations Unies pour les secours en cas de catastrophe.

Outre les organismes internationaux, les organisations non gouvernementales de divers pays contribuent à l’établissement des réfugiés et, en particulier dans les pays occidentaux, jouent un rôle important dans la défense de leurs droits, notamment lorsque ceux-ci semblent en contradiction avec ce que le gouvernement perçoit comme les intérêts du pays. Elles peuvent également défendre avec efficacité les droits de réfugiés individuels lorsque ceux-ci semblent avoir été traités injustement ou lorsque des erreurs semblent avoir entaché le processus de détermination de leur statut.

LE RÔLE DES ÉTATS DANS LA PROTECTION DES DROITS DES RÉFUGIÉS

Le fait que les réfugiés s’enfuient d’un pays et arrivent dans un autre et qu’ils soient parfois réinstallés dans un troisième pays, constitue une réalité incontournable et importante du monde moderne. En effet, le HCR n’a pas le pouvoir de pénétrer sur le territoire d’un pays quelconque, ni de surveiller ou d’aider les camps de réfugiés qui s’y trouvent, sans l’autorisation du pays en question. Les différents pays contribuent à la protection des droits des réfugiés de trois principales façons, à savoir l’assistance économique, le rétablissement et la protection contre le refoulement.

   A. Assistance économique

Sans appui financier, de nombreux pays de premier asile, dont la plupart se trouvent dans le tiers monde, seraient incapables de soutenir un tel fardeau, en particulier lors d’arrivées massives de réfugiés. Par conséquent, il est essentiel d’accorder une aide financière au HCR et aux autres organismes humanitaires afin qu’ils soient en mesure de fournir les secours d’urgence et d’assurer la protection à long terme nécessaire. Les envois d’aide alimentaire sont également importants.

   B. Réétablissement

Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, le réétablissement dans des pays situés à l’extérieur de la région est la moins souhaitable des solutions à long terme, mais elle est tout de même parfois inévitable. Les principaux pays de réétablissement, si l’on considère le nombre réel de réfugiés acceptés, sont les États-Unis, le Canada et l’Australie, mais d’autres pays partagent également le fardeau, certains s’occupant principalement de réfugiés difficiles à placer, comme les handicapés. Comme nous l’avons déjà indiqué, le plus important effort de réinstallation déployé au cours des 40 dernières années est celui touchant les réfugiés d’Indochine.

Il convient de noter que le fait d’offrir des possibilités de réinstallation à des réfugiés ne menace pas les intérêts d’un pays au même titre que les arrivées sans démarche préalable. Dans le premier cas, les États conservent leur prérogative absolue de décider s’ils vont admettre des réfugiés et lesquels ils vont admettre, et de déterminer leur nombre. Ils peuvent choisir les réfugiés qui pourront le mieux s’adapter au pays (comme le fait le Canada), ou retenir ceux qui répondent à d’autres critères de leur choix. Par contre, les arrivées sans démarche préalable ne laissent au pays en cause que très peu de latitude. Les problèmes qui en découlent sont examinés ci-dessous.

   C. Protection contre le refoulement

Outre l’assistance économique et les possibilités de réétablissement offertes aux réfugiés, le devoir le plus important d’un État consiste à s’assurer que les gens ne soient pas renvoyés de force dans un pays où ils affirment être menacés de persécution. Cette protection peut être temporaire ou à long terme, mais elle existe indépendamment de la Convention, en vertu du droit coutumier international. La Convention elle-même ne précise pas comment établir le bien-fondé d’une demande du statut de réfugié. De fait, de nombreux signataires ne suivent aucune procédure officielle à cet égard, préférant s’en remettre au HCR. D’autres, principalement des pays occidentaux, ont élaboré des règles administratives ou quasi judiciaires qui leur permettent de déterminer si une demande est justifiée.

La question de la reconnaissance du statut est souvent liée à des considérations politiques et aux exigences particulières de l’État. Il n’est donc pas surprenant que les taux de reconnaissance varient d’un pays à l’autre, ou que les gens de certaines nationalités aient plus de facilité que d’autres à se faire reconnaître comme réfugiés.

   D. Accords internationaux

Depuis 1988, l’Europe a pris des mesures pour conclure des accords multilatéraux destinés à établir la responsabilité des États à décider du bien-fondé des revendications du statut de réfugié. Il s’agit plus précisément de la Convention du Dublin et de l’Accord de Schengen, dont les modalités son décrites brièvement ci-dessous.

La Convention de Dublin (Convention relative à la détermination de l’État responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres des Communautés européennes, aussi appelée la Convention sur l’asile) a été signée en juin 1990 par tous les États de l’UE, à l’exception du Danemark, qui l’a signée un an plus tard.

La Convention ne vise aucunement à harmoniser les procédures de ses signataires en matière d’asile, ni à établir de normes pour l’examen des demandes. Elle ne prévoit pas non plus la constitution d’un organisme international chargé de décider du bien-fondé des demandes d’asile. Cette convention vise principalement à établir des critères qui permettront aux États signataires de déterminer l’État membre chargé de décider, conformément à sa propre législation nationale, du bien-fondé d’une demande de statut de réfugié faite dans l’un des États membres. Comme il est énoncé dans le préambule de la Convention :

Conscients de la nécessité de prendre des mesures afin d’éviter que la réalisation de cet objectif [l’abolition des frontières internes] n’engendre des situations aboutissant à laisser trop longtemps un demandeur dans l’incertitude sur la suite susceptible d’être donnée à sa demande et soucieux de donner à tout demandeur d’asile la garantie que sa demande sera examinée par l’un des États membres et d’éviter que les demandeurs d’asile soient renvoyés successivement d’un État membre à un autre sans qu’aucun de ces États ne se reconnaisse compétent pour l’examen de la demande d’asile[.]

La règle principale prévoit qu’il incombe au premier État où entre un demandeur d’asile d’examiner la demande présentée par ce dernier, s’il a franchi irrégulièrement (c.-à-d. sans documents) la frontière de cet État, à moins qu’il ou elle ait séjourné dans un autre État membre pendant au moins six mois au préalable. Les demandeurs ne peuvent pas présenter une demande dans un État, puis se rendre dans un autre État pour y présenter un autre demande (à moins que le deuxième État accepte de traiter la demande). On évite ainsi que les réfugiés passent d’un pays à l’autre en quête d’asile. Les exceptions à la règle du premier pays d’arrivée sont prévues pour les requérants ayant des parents proches dont la qualité de réfugié a déjà été reconnue par un pays et ceux qui détiennent un titre de séjour valide. Les États membres ont six mois pour demander à un autre État de prendre en charge la demande.

La Convention prévoit également des échanges mutuels d’informations sur les pratiques en matière d’asile et de données statistiques sur les demandes d’asile. Elle permet également des échanges d’informations de caractère général sur les tendances nouvelles en matière de demandes d’asile et sur la situation dans les pays d’origine. Les États membres peuvent également demander de l’information ayant trait à des cas individuels pour déterminer l’État responsable de l’examen de la demande d’asile ou pour l’examen même de la demande. De tels renseignements doivent se limiter à des données factuelles. Les détails concernant les motifs d’une demande d’asile et de toute décision prise à cet égard ne peuvent être communiqués qu’avec le consentement des demandeurs d’asile.

L’Accord Schengen et l’accord supplémentaire (Convention d’application de l’Accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les Gouvernements des États de l’Union économique, du Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française, relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes a été approuvé en principe, en 1985, par la Belgique, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et le Luxembourg. L’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grèce et l’Autriche y ont adhéré par la suite. L’Accord est entré en vigueur en mars 1995.

Cet accord ne porte pas uniquement sur la politique d’asile. Il traite, entre autres, des contrôles aux frontières communes et des politiques communes en matière de visas. Comme la Convention de Dublin, l’accord prévoit que les demandeurs d’asile sont visés par les lois intérieures des États signataires. Il incombe au premier État où entre un demandeur d’asile la responsabilité d’examiner la demande des personnes qui arrivent sans documents. Une règle de six mois s’applique (comme dans la Convention de Dublin) pour déterminer l’État responsable. Des exceptions sont prévues pour les requérants ayant des parents proches dont la qualité de réfugié a déjà été reconnu par un État. Cet accord prévoit également des échanges d’informations et de données.

MENACES QUI PÈSENT ACTUELLEMENT SUR LES DROITS DES RÉFUGIÉS

Nombre des menaces qui pèsent sur les droits des réfugiés existent depuis des temps immémoriaux, à savoir celles qui découlent de régimes oppressifs, de conflits civils, de luttes inter-ethnies, de la pauvreté, etc. Il est devenu banal de répéter que le monde doit accorder plus d’attention à ces causes fondamentales des mouvements de réfugiés. Il n’en reste pas moins qu’il y a des réfugiés aujourd’hui, et qu’il y en aura demain. Et l’on continuera de s’occuper d’eux par le truchement des lois, institutions et pratiques qui forment le système de protection limité décrit ci-dessus. Cependant, au cours de la dernière décennie, ce système et ses composantes ont fait l’objet de pressions additionnelles.

   A. Pressions migratoires sur les pays occidentaux

Au cours de la dernière décennie, les pays européens et nord-américains ont dû composer avec des augmentations croissantes du nombre de personnes en quête d’asile. Le système canadien, conçu pour traiter un petit nombre de demandes, a été débordé dans les années 80; il en est résulté un arriéré d’environ 95 000 revendications à la fin de 1988. À l’heure actuelle, plus de 20 000 nouvelles revendications sont présentées chaque année.

Les afflux massifs mettent durement à l’épreuve des systèmes conçus pour traiter des quantités beaucoup plus réduites de demandes. En effet, un bon nombre de ceux qui demandent asile sont des gens cherchant à immigrer plutôt que des réfugiés véritables. D’autres cherchent un refuge par suite de guerres ou de conflits civils : ils ne correspondent donc pas à la stricte définition de la Convention. En outre, plus augmente le nombre de demandeurs, plus il devient difficile de distinguer entre les demandes valides et les autres dans un délai raisonnable.

On parle de demandes présentées « sans démarche préalable » pour désigner celles qui n’utilisent pas les filières habituelles de l’immigration et qui sont par conséquent imprévisibles. Même si l’on fait abstraction des difficultés pratiques inhérentes à l’accueil d’un nombre relativement important de personnes, de tels mouvements compliquent le contrôle des frontières pour les États souverains et sont donc considérés comme menaçants pour cette seule raison. Même des pays ayant des programmes d’accueil d’immigrants, comme le Canada, sont très préoccupés par les questions de contrôle, notamment parce qu’il est clair que l’opinion publique soutient des programmes généreux sous réserve de l’application de contrôles adéquats et de l’acceptation des seuls réfugiés véritables.

En réponse à ces pressions migratoires, les pays occidentaux ont commencé dans les années 80 à resserrer leurs systèmes de détermination du statut de réfugié et à instaurer des contrôles visant à décourager les arrivées sans démarche préalable. Parmi les méthodes en question, mentionnons les restrictions par l’imposition de visas, les amendes imposées aux compagnies aériennes transportant des personnes non munies de documents, des pratiques plus strictes de retour dans des pays sans risques, la détention de demandeurs et des droits restreints en matière d’emploi. Certains pays ont également adopté des accords multilatéraux, dont il a été question plus haut.

   B. Un monde en évolution

Au cours des presque 50 années d’existence du HCR, le monde a changé du tout au tout. Le nombre de réfugiés n’a cessé d’augmenter régulièrement, particulièrement au cours des quinze dernières années, et, s’il est vrai qu’on a trouvé une solution durable dans certains cas, un nombre beaucoup plus grand de cas ne semblent pas pouvoir être résolus. Ainsi, la situation de l’ex-Yougoslavie a soumis à d’énormes pressions les organisations internationales ainsi que les États européens où les personnes déplacées ont cherché refuge. À l’heure actuelle, de nombreux réfugiés viennent du tiers monde et ne correspondent pas nécessairement à la définition étroite de la Convention; qui plus est, face aux mouvements de masse et à la persécution dont ils témoignent, un mode d’action individualisé ne peut plus convenir. Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, l’institution de l’asile à l’Ouest est menacée par des migrations à grande échelle du Sud au Nord et, possiblement, par d’autres migrations non négligeables d’Est en Ouest. Il faudra donc constamment s’adapter à ces changements et réagir aux pressions exercées sur le système. Le comité exécutif du HCR a établi un groupe de travail chargé d’étudier tous les aspects de la protection des réfugiés de nos jours. Une seule chose est certaine : la solution à ces problèmes ne sera pas facile.


(1) Au 1er janvier 1998, il y avait, selon la Haute Commission des Nations Unies, 22 376 300 personnes dans le monde qui suscitaient des inquiétudes, y compris les déplacés internes et les autres personnes suscitant des inquiétudes.