BP-424F

 

LA LOI SUR LES MESURES SPÉCIALES D'IMPORTATION –
UNE VUE D'ENSEMBLE

 

Rédaction :
Margaret Smith
Division du droit et du gouvernement
Août  1996


TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

PROCÉDURES D'APPLICATION DE LA LMSI

   A. Les autorités compétentes

   B. Ouverture d'une enquête

   C. Décision provisoire de dumping ou de subventionnement

   D. Calcul de la marge de dumping et du montant de la subvention

      1. Enquête sur le dumping

      2. Enquête sur le subventionnement

   E. Clôture de l'enquête

   F. Dernière étape de l'enquête

   G. Décision définitive du SMR

   H. Décision du Tribunal en matière de dommage

   I. Conclusions du TCCE

   J. Réexamen des décisions

      1. Réexamen administratif

      2. Révision judiciaire par la Cour fédérale du Canada

      3. Révision par un groupe spécial formé en vertu de l'ALÉNA

      4. Demande de révision de la part du ministre des Finances

ANNEXE


LA LOI SUR LES MESURES SPÉCIALES D'IMPORTATION
UNE VUE D'ENSEMBLE

INTRODUCTION

La Loi sur les mesures spéciales d'importation(1) (LMSI) édicte les règles et procédures régissant les mesures d'imposition de droits antidumping (DAD) et de droits compensateurs (DC) prises en vertu de la loi canadienne. La Loi vise à assurer une protection aux producteurs canadiens qui subissent un préjudice ou un dommage causé par le dumping ou le subventionnement de marchandises importées au Canada.

Promulguée en 1984(2), la LMSI devait rendre la loi canadienne conforme à l'Accord relatif à la mise en oeuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, appelé plus couramment Code antidumping, et à l'Accord relatif à l'interprétation et à l'application des articles VI, XVI et XXIII de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, appelé Code des subventions et des mesures compensatoires. Ces codes ont été adoptés au cours des négociations commerciales multilatérales du Tokyo Round de 1979, tenues sous les auspices du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce).

Depuis sa promulgation, on a modifié la LMSI pour la rendre conforme aux obligations contractées par le Canada dans le cadre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis (ALÉ), de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) et, plus récemment, des accords de l'Organisation mondiale du commerce sur les pratiques antidumping(3) et les subventions(4).

Dans le présent document, nous présentons une vue d'ensemble de la loi et de la procédure en matière de droits antidumping et compensateurs. (Voir à l'annexe le processus d'application de la LMSI.)

PROCÉDURES D'APPLICATION DE LA LMSI

   A. Les autorités compétentes

Le sous-ministre du Revenu national (SMR) et le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE)(5) sont chargés de l'application de la LMSI. La Direction des droits antidumping et compensateurs de Revenu Canada procède aux enquêtes et détermine si les marchandises importées au Canada font l’objet de dumping ou sont subventionnées. Pour sa part, le TCCE détermine si les marchandises sous-évaluées (c.à-d. faisant l'objet de dumping) ou subventionnés ont causé ou menacent de causer un dommage sensible à la production de marchandises similaires au Canada, ou ont retardé l'implantation d'une branche de production au Canada(6).

   B. Ouverture d'une enquête

La plupart des enquêtes effectuées en vertu de la LMSI découlent de plaintes reçues des producteurs canadiens. Pour être retenue, une plainte doit être assortie d'un « dossier complet ». Dans les 21 jours suivant la réception d'une plainte, le SMR doit aviser le plaignant que le dossier est complet ou non(7). S'il ne l'est pas, le SMR demande au plaignant de fournir les renseignements supplémentaires nécessaires.

Dans les 21 jours suivant la réception d'un dossier complet de plainte, le SMR en fait informer le plaignant et avise le gouvernement étranger du pays exportateur qu'un dossier complet de plainte a été reçu(8).

La LMSI impose cependant d'autres exigences avant que le SMR ne fasse ouvrir une enquête. La première a trait à la solidité de la plainte. Deux conditions doivent être respectées à cet égard :

  • la plainte doit être appuyée par des producteurs nationaux dont la production collective des marchandises représente au moins 25 p. 100 de la production canadienne des marchandises; et

  • la production globale des producteurs nationaux qui ont donné leur appui à la plainte doit être supérieure à la production globale de ceux qui s'y sont opposés(9).

De plus, les plaignants canadiens doivent être des producteurs de « marchandises similaires », c'est-à-dire des marchandises qui sont identiques aux marchandises étrangères ou dont l'utilisation et les caractéristiques sont très proches de celles des marchandises en cause.

Enfin, la plainte doit comporter des « indications raisonnables » que le dumping ou le subventionnement cause un dommage.

Dans les 30 jours suivant la date à laquelle il a fait informer le plaignant que son dossier de plainte est complet, s'il est d'avis qu'il existe des éléments de preuve suffisants selon lesquels les marchandises importées sont sous-évaluées ou subventionnées et s'il y a des indications raisonnables que le dumping ou le subventionnement a causé un dommage ou un retard ou menace d'en causer un, le SMR fait ouvrir une enquête à cet égard, à condition que la plainte soit appuyée par la branche de production nationale(10). Le délai de 30 jours peut être prolongé à 45 jours aux fins d’examen du niveau d'appui que trouve la plainte auprès des producteurs nationaux(11).

Le SMR ne fera pas ouvrir d'enquête si la plainte ne trouve pas le minimum requis d'appuis auprès des producteurs canadiens, s'il n'y a pas d'éléments de preuve suffisants de dumping ou de subventionnement ou si les éléments de preuve n'indiquent pas, de façon raisonnable, que le prétendu dumping ou subventionnement cause un dommage. Le SMR est tenu d'informer par écrit le plaignant et le gouvernement étranger concerné qu'il a décidé de ne pas ouvrir d'enquête(12).

On ne peut en appeler de la décision du SMR lorsque ce dernier a décidé de ne pas ouvrir d'enquête parce que la plainte ne trouvait pas un appui suffisant auprès de l'industrie ou parce qu'il n'existe pas d'éléments de preuve suffisants de dumping ou de subventionnement(13). Cependant, si la décision du SMR est motivée uniquement par l'insuffisance d'éléments de preuve de dommage, le plaignant ou le SMR peuvent saisir le TCCE de la question de dommage(14). Si le TCCE juge qu'il existe des éléments de preuve indiquant, de façon raisonnable, l'existence d'un dommage, le SMR fera ouvrir une enquête.

Une fois informés de la décision du SMR de faire ouvrir une enquête, les importateurs, les exportateurs et les gouvernements étrangers ont 30 jours pour demander au TCCE d'examiner les éléments de preuve de dommage. Le SMR peut lui aussi demander au TCCE de se prononcer sur cette question(15). Le TCCE doit rendre sa décision dans les 30 jours suivant la date d'une telle demande. Si le TCCE juge que les éléments de preuve n'indiquent pas, de façon raisonnable, un dommage, l'enquête est close(16). Si le TCCE constate un dommage, l'enquête se poursuit(17).

La LMSI autorise également le SMR à faire ouvrir une enquête de sa propre initiative, mais ce pouvoir est rarement utilisé(18).

   C. Décision provisoire de dumping ou de subventionnement

Dans les 90 jours suivant l'ouverture d'une enquête, le SMR doit rendre une première décision pour déterminer s'il y a effectivement dumping ou subventionnement et si les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, un dommage causé à la production canadienne par les marchandises sous-évaluées ou subventionnées(19). Le délai de 90 jours peut être prolongé de 45 jours pour l'une des raisons suivantes :

  • la complexité ou le caractère inédit des points soulevés par l'enquête;

  • la diversité des marchandises ou le nombre de personnes touchées par l'enquête;

  • les difficultés rencontrées pour obtenir des éléments de preuve satisfaisants; ou

  • toutes autres circonstances qui rendent exceptionnellement difficile la prise d’une décision(20).

Le SMR rendra une décision provisoire lorsque l'enquête fait état de l'existence de dumping ou de subventionnement et qu’il conclut que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping ou le subventionnement a causé un dommage. Lorsqu'il prend une décision provisoire, le SMR :

  • estime la marge de dumping ou le montant de la subvention pour chaque exportateur des marchandises;

  • précise ou décrit les marchandises visées par la décision;

  • lorsque la subvention est en totalité ou en partie une subvention prohibée, estime le montant que représente la subvention prohibée; et

  • informe le TCCE des résultats préliminaires de l'enquête afin qu'il puisse commencer son enquête sur la question de savoir si un dommage est causé à la production canadienne(21).

Le SMR peut imposer des droits provisoires sur les marchandises visées par une décision provisoire. Dans les cas de dumping, il peut accepter de la part des exportateurs étrangers des engagements par écrit à augmenter le prix de vente des marchandises exportées au Canada. Dans les cas de subventionnement, il peut aussi accepter de la part des gouvernements étrangers des engagements à limiter le montant de la subvention ou à l'éliminer.

La LMSI prévoit deux types d'engagement dans les cas de dumping :

  • un engagement, pris par un exportateur, d'augmenter le prix de vente des marchandises aux importateurs au Canada suffisamment pour éliminer le dommage à la production canadienne; et

  • un engagement, pris par un exportateur, d'augmenter le prix de vente des marchandises aux importateurs au Canada suffisamment pour éliminer le dumping.

La LMSI prévoit également plusieurs autres types d'engagements dans les cas de subventionnement, dont :

  • un engagement, pris par un exportateur, d'augmenter le prix de vente des marchandises aux importateurs au Canada suffisamment pour contrebalancer la subvention; et

  • un engagement, pris par un gouvernement étranger, de faire en sorte que soit éliminé le dommage causé par une subvention. L'engagement pourrait éliminer la subvention dont bénéficient les marchandises exportées vers le Canada, limiter le montant de la subvention, limiter la quantité de marchandises subventionnées expédiées vers le Canada, ou autrement limiter les effets dommageables de la subvention dommageable sur la production canadienne(22).

   D. Calcul de la marge de dumping et du montant de la subvention

      1. Enquête sur le dumping

En général, on considère que des marchandises sont sous-évaluées quand leur prix à l'exportation est inférieur à leur prix sur leur marché national ou inférieur à leur coût total. Le prix de vente du producteur étranger sur son marché intérieur est appelé « valeur normale » des marchandises. Par conséquent, les marchandises sont considérées sous-évaluées si leur valeur normale est supérieure à leur prix à l'exportation(23). La marge de dumping représente l'excédent de la valeur normale des marchandises sur leur prix à l'exportation.

La LMSI établit certaines règles relatives à la valeur normale, qui peut être déterminée des façons suivantes :

  • le prix auquel les marchandises en cause sont vendues sur leur marché national (prix de vente national);

  • le prix demandé pour les marchandises dans des pays autres que le Canada (prix de vente dans un pays tiers); et

  • la valeur reconstituée, qui est la somme du coût de production, de frais de vente, de frais d'administration et autres et d'un montant raisonnable de bénéfices(24).

      2. Enquête sur le subventionnement

Dans une enquête sur le subventionnement, le SMR doit déterminer si les marchandises visées par une plainte ont bénéficié d'une subvention pouvant donner lieu à des droits compensateurs.

Voici comment la LMSI définit « subvention » :

  • une contribution financière du gouvernement d'un pays autre que le Canada qui confère un avantage aux personnes se livrant à la production ou à la commercialisation, à un stade quelconque, ou au transport de marchandises données, ou à leur exportation ou importation; ou

  • une forme de soutien du revenu ou des prix, au sens de l'article XVI de l'Accord du GATT de 1994(25).

Le paragraphe 2(1.6) de la LMSI, qui met en oeuvre l'article 1.1 de l'Accord de l'OMC sur les subventions, stipule qu'une contribution financière de la part d'un gouvernement existe dans les cas suivants :

  • des pratiques gouvernementales comportant un transfert direct de fonds ou d'éléments de passif ou des transferts indirects de fonds ou d'éléments de passif;

  • des sommes qui, en l'absence d'une exonération ou d'une déduction, seraient perçues par le gouvernement ou des recettes publiques qui sont abandonnées ou non perçues;

  • le gouvernement fournit des biens et des services autres qu'une infrastructure générale, ou achète des biens;

  • le gouvernement permet à un organisme non gouvernemental d'accomplir l'un des gestes mentionnés ci-dessus ou le lui ordonne, et cet organisme accomplit ces gestes essentiellement de la même manière que le gouvernement.

D'après l'Accord de l'OMC sur les subventions, une subvention donnera lieu à des droits compensateurs si elle est spécifique. La LMSI stipule qu'une subvention n'est pas spécifique si le droit de bénéficier de la subvention et le montant de celle-ci est subordonné à des critères ou conditions :

  • objectifs;

  • énoncés dans un document public, notamment un texte législatif, réglementaire ou administratif;

  • appliqués de manière à ne pas favoriser une entreprise donnée ou à ne pas restreindre la subvention à celle-ci(26).

La LMSI énonce les critères établissant la spécificité de droit et de fait. Aux termes du paragraphe 2(7.2), une subvention est spécifique de droit si l'autorité qui l'accorde restreint, dans le cadre de ses attributions, à certaines entreprises la possibilité de bénéficier de la subvention, ou s'il s'agit d'une subvention prohibée. La prohibition de cette dernière tient au fait qu'elle est une subvention à l'exportation ou que la totalité ou une partie de la subvention est conditionnelle, en tout ou en partie, à l'utilisation de marchandises qui sont produites dans le pays d'exportation ou qui en proviennent.

Même si une subvention n'est pas restreinte à une entreprise en particulier, le SMR peut conclure à sa spécificité réelle compte tenu des éléments suivants :

  • la subvention est utilisée exclusivement par un nombre restreint d'entreprises;

  • la subvention est surtout utilisée par une entreprise donnée;

  • il y a octroi à un nombre restreint d'entreprises de montants de subvention disproportionnés; et

  • la manière dont l'autorité qui accorde la subvention exerce son pouvoir discrétionnaire montre que la subvention n'est pas généralement accessible(27).

L'Accord de l'OMC sur les subventions parle de subventions ne donnant pas lieu à une action. Il s'agit de subventions qui ne sont pas spécifiques, et de subventions qui peuvent être spécifiques mais qui répondent à certains critères énoncés à l'article 8.2 de l'Accord. La LMSI adopte le concept de subvention ne donnant pas lieu à une action et le définit notamment comme suit :

  • une subvention qui n'est pas spécifique : ou

  • les subventions, conformes aux critères réglementaires, accordées pour venir en aide à la recherche industrielle, au développement préconcurrentiel, aux régions défavorisées admissibles, à l'adaptation d'installations existantes à de nouvelles normes environnementales, à des activités de recherche menées par des établissements d'enseignement supérieur et des centres de recherche indépendants(28).

Si l'on constate une subvention pouvant donner lieu à des droits compensateurs, le montant de la subvention est déterminé d'après les critères établis dans le Règlement sur les mesures spéciales d'importation(29).

   E. Clôture de l'enquête

Si les éléments de preuve de dumping ou de subventionnement sont insuffisants, si la marge de dumping ou le montant de la subvention est minimal(30), si le volume réel ou éventuel des marchandises sous-évaluées ou subventionnées est négligeable(31), ou si les éléments de preuve n'indiquent pas, de façon raisonnable, un dommage causé par le dumping ou le subventionnement, le SMR fait clore l'enquête(32).

On ne peut en appeler de la décision du SMR de faire clore une enquête parce qu'il a constaté que les marchandises en cause ne sont pas sous-évaluées ou subventionnées, ou que la marge de dumping ou le montant de subvention est minimal(33). Cependant, lorsque le SMR conclut que les éléments de preuve n'indiquent pas, de façon raisonnable, que le dumping ou le subventionnement des marchandises a causé un dommage à la production canadienne, toute partie intéressée peut saisir le TCCE de la question du dommage dans les 30 jours(34). Si personne ne le fait, l'enquête est close. Si le TCCE, saisi de la question, considère que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, un dommage, le SMR devra rendre une décision provisoire de dumping ou de subventionnement et poursuivre l'enquête(35).

   F. Dernière étape de l'enquête

Sauf s'il y a suspension d'une enquête en raison de l'acceptation d'un engagement, la LMSI exige que le SMR rende une décision définitive de dumping ou de subventionnement dans un délai de 90 jours suivant une décision provisoire(36).

Si, pendant la dernière étape de l'enquête, il est établi que les renseignements et les éléments de preuve indiquent qu'il n'y a pas de dumping ou de subventionnement, que la marge de dumping ou le montant de la subvention est minimal, ou que le volume des marchandises sous-évaluées ou subventionnées est négligeable, le SMR fait clore l'enquête. Toutefois, le SMR ne peut faire clore l'enquête à cause de l'insuffisance d'éléments de preuve d'un dommage causé par les importations sous-évaluées ou subventionnées. Une fois que le SMR a rendu une décision provisoire, le TCCE procède à son enquête sur la question du dommage(37).

   G. Décision définitive du SMR

S'il est démontré que les marchandises sont sous-évaluées ou subventionnées, que la marge de dumping ou le montant de la subvention n'est pas minimal et que le volume réel ou éventuel n'est pas négligeable, une décision définitive est rendue. Les résultats sont transmis au TCCE afin qu'il en tienne compte dans son enquête sur la question du dommage.

   H. Décision du Tribunal en matière de dommage

Le Tribunal canadien du commerce extérieur est un organisme quasi judiciaire indépendant, qui a notamment pour mission d'enquêter sur la question de savoir si des importations sous-évaluées ou subventionnées ont causé ou menacent de causer un dommage ou un retard à la production canadienne.

La LMSI définit le dommage comme un dommage sensible causé à une branche de production nationale(38). Elle stipule également que, pour qu'il puisse être décidé que le dumping ou le subventionnement de marchandises menace de causer un dommage, il faut que les circonstances dans lesquelles le dumping ou le subventionnement est susceptible de causer un dommage soient nettement prévues et imminentes(39).

Dans les 120 jours suivant la réception d'un avis de décision provisoire du SMR, le TCCE doit terminer son enquête et rendre une décision sur la question de savoir si le dumping ou le subventionnement des marchandises a causé ou non un dommage ou un retard ou menace ou non de causer un dommage à la production au Canada de marchandises similaires. Le TCCE a un délai additionnel de 15 jours pour publier un exposé des motifs sur lesquels il appuie ses conclusions(40). Dans le cadre de son enquête, le TCCE tient une audience formelle au cours de laquelle il entend des témoins, reçoit des éléments de preuve et entend des conclusions.

Le Règlement sur les mesures spéciales d'importation précise un certain nombre de facteurs dont il faut tenir compte pour décider si le dumping ou le subventionnement de marchandises a causé un dommage ou un retard. Mentionnons :

  • le volume des marchandises sous-évaluées ou subventionnées, et plus particulièrement s'il y a eu une augmentation marquée du volume des importations de ces marchandises;

  • l'effet des marchandises sous-évaluées ou subventionnées sur le prix de marchandises similaires et, plus particulièrement, si ces marchandises ont, de façon marquée, mené à la sous-cotation, à la baisse ou à la compression du prix des marchandises similaires; et

  • l'incidence des marchandises sous-évaluées ou subventionnées sur la situation de la branche de production nationale, se traduisant notamment par : (i) un déclin réel ou potentiel dans la production, les ventes, la part de marché, les bénéfices, la productivité, le rendement sur capital investi ou l'utilisation de la capacité de la branche de production; (ii) une incidence négative réelle ou potentielle sur les liquidités, les stocks, les emplois, les salaires, la croissance ou la capacité de financement; (iii) l'importance de la marge de dumping des marchandises ou du montant de subvention; et (iv) dans le cas des produits agricoles, une augmentation du fardeau subi par un programme de soutien gouvernemental(41).

Le Règlement établit également les facteurs dont il faut tenir compte pour décider si le dumping ou le subventionnement de marchandises menace de causer un dommage. Mentionnons :

  • la nature de la subvention en cause et les répercussions qu'elle aura vraisemblablement sur le commerce;

  • s'il y a eu un taux d'augmentation marquée des marchandises sous-évaluées ou subventionnées importées au Canada qui indique qu'il y aura vraisemblablement une augmentation importante des importations de ces marchandises au Canada;

  • s'il y a eu une capacité disponible accessible suffisante ou une augmentation imminente et marquée dans la capacité d'un exportateur, laquelle indique qu'il y aura vraisemblablement une augmentation importante du volume des marchandises sous-évaluées ou subventionnées;

  • la possibilité d'un changement de production dans le cas où les installations qui peuvent servir à produire les marchandises servent à la production d'autres marchandises;

  • si les marchandises sont importées sur le marché national à des prix qui auront vraisemblablement pour effet de faire baisser ou de comprimer de façon marquée les prix de marchandises similaires et d'accroître la demande en importations additionnelles de ces marchandises;

  • les stocks de marchandises;

  • l'incidence négative réelle et potentielle sur les efforts déployés pour le développement et la production, y compris ceux déployés pour produire une version modifiée ou améliorée de marchandises similaires;

  • l'importance de la marge de dumping des marchandises ou du montant de subvention octroyé pour celles-ci; et

  • tout autre facteur pertinent(42).

Selon l'Accord de l'OMC sur le dumping (article 3.5) et l'Accord de l'OMC sur les subventions (article 15.5), il faut démontrer que les marchandises sous-évaluées ou subventionnées causent un dommage « à cause des effets » du dumping ou du subventionnement. Il est donc nécessaire de démontrer qu'il existe un lien de causalité entre le dumping ou le subventionnement des marchandises et le dommage.

Le Règlement sur les mesures spéciales d'importation prescrit les facteurs suivants dont il faut tenir compte pour établir s'il y a un lien de causalité entre le dumping ou le subventionnement et le dommage :

  • le volume et le prix des importations de marchandises similaires qui ne sont pas sous-évaluées ou subventionnées;

  • la contraction de la demande pour les marchandises ou les marchandises similaires;

  • les changements dans les modèles de consommation des marchandises ou des marchandises similaires;

  • les pratiques commerciales restrictives des producteurs étrangers et nationaux, ainsi que la concurrence qui existe entre eux;

  • les progrès technologiques;

  • le rendement à l'exportation et la productivité de la branche de production nationale à l'égard des marchandises similaires; et

  • tout autre facteur pertinent(43).

   I. Conclusions du TCCE

À propos de dumping ou de subventionnement, le TCCE peut en arriver à trois conclusions :

  • n'a pas causé de dommage;

  • a causé un dommage; et

  • n'a pas causé de dommage mais menace de le faire(44).

Dans les situations où les marchandises en cause proviennent d'un pays ALÉNA, le TCCE est tenu de rendre une ordonnance ou des conclusions distinctes à l'égard de ces marchandises(45).

Si le TCCE conclut à l'absence de dommage, cela met fin à toutes les procédures. S’il conclut qu'il y a eu dommage, des droits antidumping ou compensateurs seront imposés sur les marchandises importées à partir de la date de la décision provisoire du SMR jusqu'à la date des conclusions du tribunal sur toutes les expéditions de marchandises par la suite. S’il conclut à l'existence d'une menace de dommage seulement, aucun droit antidumping ou compensateur ne sera imposé sur les marchandises dédouanées avant la date des conclusions du tribunal(46).

Dans certains cas, le TCCE peut conclure à l'existence effective d'un dommage, mais estimer qu'il serait contraire à l'intérêt public d'assujettir les marchandises en cause à des droits antidumping ou compensateurs ou au plein montant de ces droits. Il doit alors transmettre un rapport au ministre des Finances énonçant son opinion, faits et motifs à l'appui. L'article 45 de la LMSI donne aux personnes intéressées la possibilité de présenter des observations au TCCE à ce sujet.

   J. Réexamen des décisions

Un certain nombre de possibilités s'offrent pour obtenir un réexamen d'une décision du SMR ou du TCCE. Mentionnons le réexamen administratif de la part du TCCE; la révision judiciaire par la Cour d'appel fédérale; dans le cas d'un pays signataire de l'ALÉNA, la révision par un groupe spécial formé en vertu de cet accord; et la révision à la suite d'une recommandation ou d'une décision d'un organisme de règlement des différends de l'OMC.

      1. Réexamen administratif

La LMSI stipule que le TCCE peut, de sa propre initiative ou à la demande du SMR ou de toute autre personne, réexaminer ses conclusions sur l'existence d'un dommage. Aux termes du paragraphe 76(5) de la LMSI, les conclusions du TCCE deviendront automatiquement caduques après cinq ans à moins qu'on ait procédé à un réexamen. À la fin du réexamen, le TCCE peut annuler les conclusions ou les proroger avec ou sans modification.

      2. Révision judiciaire par la Cour fédérale du Canada

Certaines décisions du SMR et du TCCE peuvent faire l'objet d'une demande de révision auprès de la Cour d'appel fédérale. On peut se pourvoir en appel pour les motifs suivants :

  • le SMR ou le TCCE a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

  • il n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

  • il a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

  • il a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

  • il a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

  • il a agi de toute autre façon contraire à la loi(47).

La Loi sur la Cour fédérale(48) prévoit que la Cour peut :

  • ordonner au tribunal fédéral d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable; ou

  • déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte du tribunal fédéral.

      3. Révision par un groupe spécial formé en vertu de l'ALÉNA

Les pays signataires de l'ALÉNA peuvent faire réviser les « décisions finales » du SMR ou du TCCE par un groupe spécial formé en vertu de l'ALÉNA plutôt que par la Cour d'appel fédérale. Le groupe spécial procède à ces révisions conformément au chapitre 19 de l'ALÉNA. La demande peut être présentée par le ministre canadien du Commerce international, par le gouvernement du pays ALÉNA dont les marchandises sont visées par une décision, ou par toute autre personne qui aurait droit d'en faire la demande en vertu de la Loi sur la Cour fédérale ou de l'article 96.1 de la LMSI(49). Les motifs de révision par un groupe spécial formé en vertu de l'ALÉNA sont ceux qui sont énoncés au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale(50). Au terme de la révision, le groupe spécial décide du bien-fondé du motif invoqué à l'encontre de la décision finale visée et rend une ordonnance qui confirme la décision ou renvoie l'affaire au SMR ou au TCCE pour réexamen(51).

      4. Demande de révision de la part du ministre des Finances

Dans des situations où un organisme de règlement des différends de l'OMC rend une recommandation ou une décision, le ministre des Finances peut demander au SMR de réexaminer une décision rendue en vertu de la LMSI. Le ministre peut également demander au TCCE de réexaminer une ordonnance d'imposition de droits antidumping ou de droits compensateurs(52). Une fois terminé le réexamen, le SMR ou le TCCE peut confirmer la décision, la confirmer en l'assortissant de modifications, ou l'annuler et la remplacer par une autre(53).


ANNEXE

 

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Source : Revenu Canada, Direction des droits antidumping et compensateurs, mars 1996.


(1) S.R.C. (1985), chap. 15, modifiée.

(2) La LMSI a revisé et remplacé la Loi antidumping (S.R.C. (1970), chap. A-15) et créé le Tribunal canadien des importations, qui a remplacé le Tribunal antidumping.

(3) Accord de 1994 relatif à la mise en oeuvre de l'article VI du GATT.

(4) Accord sur les subventions et les mesures compensatoires.

(5) Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), chap. 47 (4e suppl.), modifiée.

(6) Revenu Canada, Direction des droits antidumping et compensateurs, Énoncé des pratiques administratives concernant la Loi sur les mesures spéciales d'importation, mars 1996, p. 1.

(7) Aux termes du par. 2(1) de la LMSI, est complet tout dossier d'une plainte concernant le dumping ou le subventionnement de marchandises dans lequel : (i) il est déclaré que les marchandises qui y sont désignées ont été ou sont sous-évaluées ou subventionnées et que leur dumping ou leur subventionnement a causé ou menace de causer un dommage sensible, ou a causé un retard sensible; (ii) sont énoncés de manière suffisamment détaillée les faits sur lesquels se fondent les déclarations; (iii) sont présentées les autres observations que le plaignant estime utiles; et (iv) sont fournis par le plaignant les renseignements dont il dispose pour établir les faits allégués ainsi que les autres renseignements que le règlement d'application de la LMSI peut exiger.

(8) LMSI, al. 32(1)a).

(9) LMSI, par. 31(2).

(10) LMSI, par. 31(1) et (2).

(11) LMSI, par. 31(6).

(12) LMSI, par. 33(1).

(13) Énoncé des pratiques administratives concernant la Loi sur les mesures spéciales d'importation, p. 5.

(14) LMSI, par. 33(2).

(15) LMSI, par. 34(1).

(16) LMSI, art. 36.

(17) LMSI, par. 34(2).

(18) LMSI, par. 31(1).

(19) LMSI, art. 38.

(20) LMSI, art. 39.

(21) LMSI, art. 38.

(22) Énoncé des pratiques administratives concernant la Loi sur les mesures spéciales d'importation, p. 16.

(23) Revenu Canada, Direction des droits antidumping et compensateurs, Questionnaire pour la partie plaignante en vertu de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, mars 1996, p. 2.

(24) J. Christopher Thomas, Greg Tereposky et Kaz Fujihara, « Canadian Antidumping and Countervailing Duty Law and Procedure », Beatriz Leycegui, William B.P. Robson, S. Dahlia Stein (éd.), Trading Punches : Trade Remedy Law and Disputes under NAFTA, 1995, p. 83-84.

(25) LMSI, par. 2(1).

(26) LMSI, par. 2(7.1).

(27) LMSI, par. 2(7.3).

(28) LMSI, par. 2(1).

(29) Règlement sur les mesures spéciales d'importation (DORS 84-927), modifié, art. 26.

(30) En conformité avec les dispositions des accords de l'OMC sur le dumping et les subventions relatives aux valeurs minimes applicables aux marges de dumping et aux subventions, la LMSI dispose que le terme « minimal » s'entend, dans le cas de la marge de dumping, d'une marge inférieure à 2 p. 100 du prix à l'exportation des marchandises et, dans le cas du montant de subvention, d'un montant inférieur à 1 p. 100 du prix à l'exportation des marchandises.

(31) « Négligeable » : se dit du volume des marchandises sous-évaluées, provenant d'un pays donné, qui est inférieur à un volume représentant 3 p. 100 de la totalité des marchandises de même description dédouanées au Canada. Il y a une exception à ce seuil de 3 p. 100 quand l'ensemble des marchandises sous-évaluées, provenant de trois ou plusieurs pays exportant chacun au Canada un volume négligeable de marchandises sous-évaluées, représente un volume de plus de 7 p. 100 de cette totalité. Dans ce cas, le volume de marchandises sous-évaluées de l'un ou l'autre de ces pays est considéré non négligeable.

(32) LMSI, art. 35.

(33) Énoncé des pratiques administratives concernant la Loi sur les mesures spéciales d'importation, p. 12.

(34) LMSI, par. 35(2).

(35) Énoncé des pratiques administratives concernant la Loi sur les mesures spéciales d'importation, p. 12.

(36) LMSI, art. 41.

(37) Énoncé des pratiques administratives concernant la Loi sur les mesures spéciales d'importation, p. 20-21.

(38) LMSI, par. 2(1).

(39) LMSI, par. 2(1.5).

(40) LMSI, art. 43.

(41) Règlement sur les mesures spéciales d'importation, par. 37.1(1).

(42) Ibid., par. 37.1(2).

(43) Ibid., par. 37.1(3).

(44) Énoncé des pratiques administratives concernant la Loi sur les mesures spéciales d'importation, p. 22.

(45) LMSI, par. 43(1.01).

(46) Énoncé des pratiques administratives concernant la Loi sur les mesures spéciales d'importation, p. 22-23.

(47) LMSI, par. 96(2).

(48) L.R.C. (1985), chap. F-7, par. 18.1(3).

(49) LMSI, art. 77.011.

(50) Le paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale prévoit les motifs suivants de révision lorsqu'un office fédéral : (i) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer; (ii) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter; (iii) a rendu une décision entachée d'une erreur de droit; (iv) a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, que le SMR ou le TCCE a tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose; (v) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou d'un faux témoignage; ou (vi) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

(51) LMSI, art. 77.015.

(52) LMSI, art. 76.1.

(53) LMSI, par. 76.1(2).