91-7F PROTECTION CONTRE LES FOUILLES,
TABLE DES MATIÈRES
A. L'interprétation d'une Charte intégrée à la Constitution B. Fouilles, perquisitions et saisies : article 8
1. Application C. Arrestation et détention : articles 9 et 10
1. Détention arbitraire
2. Droit de recourir à
un avocat 3. Habeas corpus : alinéa 10c) D. Irrecevabilité d'éléments de preuve en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte PROTECTION CONTRE
LES FOUILLES, LES PERQUISITIONS ET LES La Charte canadienne des droits et libertés est entrée en vigueur le 17 avril 1982. Les « garanties juridiques » prévues par la Charte figurent aux articles 7 à 14, qui portent notamment sur le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité, la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives, les droits des personnes mises en état darrestation ou de détention, les exigences relatives à certaines affaires criminelles et pénales, et la protection contre les traitements ou peines cruels et inusités. Les tribunaux ont maintenant rendu un grand nombre de décisions au sujet de ces articles. Dans le présent document, nous nous attachons surtout aux jugements importants rendus par les cours dappel provinciales et par la Cour suprême du Canada en ce qui a trait à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives (art. 8) et aux droits des personnes mises en état darrestation (art. 9 et 10). A. L'interprétation d'une Charte intégrée à la Constitution Lorsquon analyse les décisions des tribunaux concernant ces articles, il importe de ne pas perdre de vue que la Charte fait partie intégrante de la Constitution du Canada et quen vertu du paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, « la Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit ». On pourrait soutenir que deux articles de la Charte constituent une tentative délibérée dempêcher les tribunaux canadiens dexercer une influence comparable à celle des tribunaux américains, de manière à préserver, dans une certaine mesure, la tradition canadienne de la suprématie parlementaire. En effet, larticle premier permet aux corps législatifs dimposer des limites raisonnables aux droits et libertés, tandis que larticle 33 leur permet dadopter des lois, indépendamment des dispositions prévues dans certains articles de la Charte. Dans larrêt Southam, la Cour suprême du Canada a souligné que « linterprétation dune constitution et lexplication dune loi sont deux tâches fondamentalement différentes ». Lorsquon étudie lapplication de la Charte, il importe de reconnaître quil sagit dun document dont « lobjectif est de garantir et de protéger dans des limites raisonnables la jouissance des droits et libertés quelle accorde. Elle est censée empêcher le gouvernement de poser des gestes incompatibles avec ces droits et libertés, non lautoriser à y déroger ». Ces différences de principe entre la Charte et la déclaration américaine des droits servent de toile de fond à la présente étude des garanties juridiques prévues aux articles 8, 9 et 10 de la Charte. Nous y présentons des commentaires sur les questions susceptibles de surgir au moment de linterprétation et de la mise en application des dispositions en cause; nous y donnons ensuite un aperçu de certaines décisions des tribunaux en vue dillustrer les incidences de ces dispositions sur le système de justice pénale du Canada. B. Fouilles, perquisitions et saisies: article 8 Larticle 8 de la Charte dispose que :
Bon nombre de jugements ont été rendus relativement à cet article. En se fondant sur diverses situations, les tribunaux ont décidé si des fouilles avaient été abusives ou non, et accessoirement, ont statué sur la recevabilité de preuves obtenues durant une fouille au cours dun procès. Les tribunaux ont estimé que les entreprises sont visées par le mot « chacun », qui définit qui est protégé par larticle 8. Ils ont aussi fait remarquer que, dans cet article, le mot « saisies » est associé aux mots « fouilles » et « perquisitions » et que la protection assurée ne sétend pas dans ce cas à la saisie de biens immobiliers par expropriation. Dans laffaire Thomson Newspapers Ltd., la Cour suprême du Canada a déclaré quessentiellement, la saisie est la prise de possession par lautorité publique du bien dune personne sans son consentement. Seuls les biens inanimés peuvent être saisis parce que, comme la Cour la précisé dans cette affaire, le mot « saisie » ne sapplique quaux biens tangibles. Ainsi, la « saisie » des pensées dune personne obligée à témoigner nest pas une « saisie » au sens de larticle 8. Dans laffaire Hunter c. Southam, la Cour suprême du Canada a statué que larticle 8 de la Charte sappliquait aux dispositions de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. Elle a jugé les dispositions en question inconstitutionnelles, pour deux raisons. Dabord, la personne désignée par la Loi pour autoriser les fouilles nétait pas habilitée à le faire parce quelle assumait en outre les fonctions denquêteur et de procureur au sein de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce. Deuxièmement, les articles de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions qui autorisent les fouilles, les perquisitions et les saisies ne respectent pas la norme minimale exigée par la Charte. Cette norme prévoit quil doit exister des motifs raisonnables et probants, établis sous serment, de croire quune infraction a été commise et que des preuves en seront trouvées au lieu où lon se propose de faire des fouilles. La Cour a conclu que les articles visés de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions étaient incompatibles avec la Charte et, donc, nuls et non avenus. De même, dans laffaire Kruger, le ministre du Revenu national avait autorisé, aux termes de la Loi de limpôt sur le revenu, la perquisition des bureaux de laccusé ainsi que des résidences et bureaux dautres personnes nommées. Cette autorisation avait été approuvée par un juge de la Cour supérieure du Québec sur la base dun affidavit. À la suite de la saisie, laccusé a présenté une requête à la Section de première instance de la Cour fédérale, qui a ordonné lannulation de lautorisation au motif quelle était déraisonnable parce quelle portait, en général, sur la violation de toutes les dispositions de la Loi, et non pas seulement sur les infractions présumément commises. Le jugement a été confirmé par la Section dappel de la Cour fédérale : la Loi conférait un pouvoir de perquisition et de saisie tellement étendu quelle ne laissait à lindividu à peu près aucune protection contre les abus. Même si la Cour suprême du Canada a par la suite statué que les pouvoirs dinspection conférés par certaines lois du travail étaient également visés par larticle 8 de la Charte, elle a refusé dappliquer les garanties strictes énoncés dans larrêt Hunter, « qui ont été élaborées dans un contexte fort différent ». Larrêt Comité paritaire c. Potash portait sur les pouvoirs dun organisme responsable de la mise en uvre de la Loi sur les décrets de convention collective, loi québécoise qui impose des conditions de travail et des salaires précis à une industrie donnée. En vertu de la Loi, le Comité a le mandat de sassurer de lobservation de la Loi et peut, « à nimporte quel moment jugé raisonnable » et sans mandat, examiner sur place et reproduire les documents de lemployeur, vérifier les salaires et les heures de travail et exiger la production dautres données jugées nécessaires. Les peines prévues pour ceux qui enfreignent la Loi prennent exclusivement la forme damendes et le non-respect dun décret entraîne généralement une poursuite civile pour motif dordre salarial. La Cour a finalement jugé que « compte tenu de limportance de lobjectif des lois réglementaires, de la nécessité des pouvoirs dinspection et des attentes réduites en matière de vie privée, léquilibrage des intérêts sociaux et des droits des particuliers ne commande pas limposition dun système dautorisation préalable en sus de laval législatif ». 2. « Attente raisonnable de respect de la vie privée » Dans laffaire Weatherall c. Canada (Procureur général), la Cour suprême a jugé que les fouilles par palpation et les rondes éclairs de surveillance des cellules effectuées dans des pénitenciers pour hommes par des gardiens de sexe féminin ne mettaient pas en jeu larticle 8 de la Charte. Étant donné que « lemprisonnement implique nécessairement de la surveillance, des fouilles et des vérifications », le prisonnier « ne peut donc sattendre raisonnablement à ce que sa vie privée soit respectée dans le cadre de ces pratiques ». La Cour suprême du Canada a depuis invoqué labsence de cette attente pour nier dans un certain nombre de cas la protection conférée par larticle 8. Par exemple, dans laffaire R. c. Edwards, la Cour a soutenu quun accusé ne pouvait pas sattendre raisonnablement au respect de sa vie privée lorsquil se trouve à lappartement de sa petite amie et, par conséquent, quil ne pouvait pas contester ladmissibilité des preuves recueillies à cet endroit. De même, dans laffaire R. c. Belnavis, la Cour suprême a déclaré, par une majorité de six contre trois, quune personne prenant place dans un véhicule automobile privé à titre de passager ne pouvait pas sattendre au respect de sa vie privée ni dans le véhicule ni par rapport aux articles saisis dans ce véhicule contrairement au conducteur, qui avait apparemment la permission du propriétaire de conduire le véhicule. De même, dans laffaire R. c. Lauda, la Cour suprême du Canada a unanimement jugé quun intrus qui cultive de la marijuana dans des champs abandonnés ne pouvait avoir « aucune attente raisonnable en matière de respect de la vie privée » à ces endroits. Dans laffaire R. c. M. (M.R.) qui a fait jurisprudence, une majorité de juges de la Cour suprême du Canada a également soutenu que lattente raisonnable en matière de vie privée dun élève à lécole est « sérieusement réduite » parce que les autorités scolaires ont la responsabilité de « procurer un environnement sûr et de maintenir lordre et la discipline dans lécole ». Par conséquent, les élèves doivent savoir « que cela peut parfois commander la fouille délèves et de leurs effets personnels de même que la saisie darticles interdits ». Par conséquent, la Cour a déclaré que la saisie de marijuana chez un étudiant qui a été soumis à une fouille pendant une danse à lécole nempiétait pas sur les droits qui lui sont garantis par larticle 8 de la Charte. Tout en établissant les paramètres dune perquisition sans mandat qui soit raisonnable dans ces circonstances, les juges majoritaires ont limité expressément leurs conclusions au milieu des écoles élémentaires et secondaires, précisant « quon ne sest pas penché sur le cas des fouilles » effectuées dans des établissements de niveau collégial ou universitaire. Le juge Major, juge dissident, a reconnu, comme le juge du procès, que le directeur adjoint avait agi en tant que mandataire du policier qui était présent au moment de la fouille. Il aurait donc exclu les éléments de preuve que la fouille a permis de découvrir, considérant que ceux-ci avaient été obtenus en violation des droits garantis à laccusé par larticle 8 et que leur admission « nuirait à léquité du procès ». 3. Mouvements transfrontaliers Comme larrêt Simmons de la Cour suprême du Canada le montre, le Canada a le droit, en tant quÉtat souverain, de contrôler les personnes et les biens qui pénètrent sur son territoire. Toutefois, le désir raisonnable, de la part de ceux qui passent à la douane, de voir respecter leur intimité ne diminue pas lobligation des autorités de lÉtat de respecter la Charte, même si les raisons de la fouille sont raisonnables et quon trouve des drogues à lissue de celle-ci. Avant toute fouille, les inspecteurs doivent clairement expliquer à lintéressé les droits que lui confère la Charte ¾ en particulier celui de consulter un avocat ¾ et lui indiquer quil a le droit de demander un réexamen de la demande de fouille, comme le prévoit la Loi sur les douanes. Dans laffaire Simmons, lintéressée est restée dans lignorance de ces dispositions, car elle na pas été dûment informée de ses droits. La Cour suprême a décidé que, du fait de cette erreur, la fouille nétait pas raisonnable; cependant, la preuve a été jugée recevable étant donné que les douaniers avaient agi de bonne foi. La Cour suprême du Canada avait statué, dans plusieurs cas ayant précédé laffaire Simmons, que linvalidité du pouvoir de fouiller ne rend pas la preuve irrecevable si les agents qui ont effectué la fouille ont cru que les dispositions statutaires la régissant étaient constitutionnelles. Dans laffaire R. c. Greffe, cest parce « quil avait été conclu que la police avait agi de très mauvaise foi en nindiquant pas volontairement à laccusé la vraie raison de son arrestation » que la preuve représentée par la drogue saisie avait été jugée non recevable. Dans cette dernière affaire, la GRC avait averti les douaniers de Calgary que laccusé revenait au Canada avec une certaine quantité dhéroïne. Aucune trace dhéroïne nayant été trouvée dans ses bagages, les douaniers ont effectué une fouille visuelle de laccusé. Ils ne lui ont pas indiqué quil avait le droit de consulter un avocat ou de demander, conformément à la Loi sur les douanes, le réexamen de la demande de fouille par un juge de paix, un magistrat chargé des affaires de police ou un agent supérieur des douanes. Lorsquaucune drogue na été trouvée, le suspect a été arrêté, informé de son droit de consulter un avocat et avisé quun médecin procéderait à une fouille corporelle dans un hôpital. Cette fouille a permis la découverte dun condom rempli dhéroïne dans la cavité anale du suspect. La Cour suprême a établi que, au moment de la fouille, la police navait pas de motifs raisonnables et plausibles de soupçonner que laccusé avait des drogues sur lui, parce que les renseignements de linformateur nétaient pas assez détaillés pour que la police puisse être sûre quil nétaient pas fondés sur de simples rumeurs ou sur des racontars. Linformateur navait pas révélé la source de ses renseignements, et la police ne savait rien sur la fiabilité de linformateur. En outre, les raisons données à laccusé pour son arrestation navaient pas été clairement établies. Si lon ajoute à cela le fait que ce dernier navait pas été informé de son droit de consulter un avocat, on constate que l« effet cumulatif » des violations de la Charte était « très grave » et suffisant pour justifier la non-recevabilité de la preuve. Depuis, la Cour suprême du Canada a conclu que larticle 98 de la Loi sur les douanes, qui autorise à fouiller une personne afin de lempêcher dapporter au Canada des objets de contrebande « dissimulés sur elle ou près delle », sapplique aux objets de contrebande ingérés. Dans R. c. Monney, la Cour a confirmé que la loi autorise lagent des douanes qui a des motifs raisonnables et probables de soupçonner un voyageur davoir ingéré des stupéfiants à le détenir dans une « salle dévacuation des drogues » jusquà ce que ses soupçons soient confirmés ou dissipés. Cette mesure équivaut à une fouille aux fins de larticle 8 de la Charte, mais la Cour a confirmé que « les attentes raisonnables en matière de vie privée sont moindres aux douanes que dans la plupart des autres situations » et que la fouille contestée nest pas « abusive au sens » de larticle. 4. Perquisitions « sans mandat » Dans laffaire Collins c. la Reine, la Cour suprême du Canada a statué quil incombe à la Couronne de prouver le caractère raisonnable dune perquisition sans mandat; une perquisition est raisonnable si elle est autorisée par une loi raisonnable et appliquée de façon raisonnable. Larticle 10 de la Loi sur les stupéfiants autorise les agents de police à effectuer des perquisitions sans mandat ailleurs que dans des maisons dhabitation, sils ont des motifs raisonnables de croire à la présence dun stupéfiant ayant servi ou donné lieu à la perpétration dune infraction. Dans laffaire Kokesch, la police avait procédé à une fouille du périmètre de la propriété de laccusé afin de trouver des preuves de culture et de possession de stupéfiants à des fins de trafic. La Cour suprême a soutenu que lorsquon soupçonne simplement lexistence dun crime, une telle conduite constitue une fouille et une perquisition abusives. Selon la common law, la police nest pas habilitée à sintroduire sans permission sur une propriété privée pour procéder à une fouille. Dans les arrêts Grant et Plant, tous deux rendus publics le 30 septembre 1993, la Cour suprême du Canada a éclairci un certain nombre de points non résolus en ce qui concerne les fouilles, les perquisitions et les saisies. À linstar de larrêt Kokesch, ces deux jugements mettaient en cause lexécution de fouilles dans le périmètre de propriétés privées aux fins denquêtes sur des infractions relatives aux drogues. Dans laffaire R. c. Grant, le tribunal a conclu que les « perquisitions sans mandat effectuées en vertu de larticle 10 de la Loi sur les stupéfiants doivent se limiter aux situations où lobtention dun mandat est impossible en raison de circonstances exceptionnelles », afin déviter de contrevenir à larticle 8 de la Charte. À cet égard, la perte, la révocation, la destruction ou la disparition possible de la preuve, si la fouille doit être retardée pour obtenir un mandat, sont au nombre des circonstances pouvant justifier lexécution dune perquisition sans mandat. Devant labsence de preuve démontrant lexistence de ces circonstances exceptionnelles, deux perquisitions sans mandat effectuées par la police ont été jugées abusives et contraires à larticle 8. Toutefois, même sans les renseignements obtenus grâce à la fouille du périmètre effectuée sans mandat, la police aurait eu suffisamment dinformation pour justifier la délivrance du mandat obtenu subséquemment pour procéder à une perquisition à lintérieur de la maison. Le tribunal a néanmoins envisagé dexclure la preuve en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte, en raison de lexistence dun « lien temporel suffisant » entre la fouille non réglementaire du périmètre et la preuve recueillie en vertu du mandat en règle. Le tribunal a finalement décidé que ladmission de la preuve concernant la présence de plants de marijuana à lintérieur de la maison ne risquait pas de déconsidérer ladministration de la justice. À son avis, même si la fouille du périmètre sans mandat et sans quil ny ait urgence constitue une violation du droit de propriété par les agents de lÉtat, la police a agi de bonne foi, les accusations portaient sur des actes criminels graves et ladmission de la preuve « réelle » nétait pas susceptible de compromettre léquité du procès. La Cour suprême du Canada a aussi jugé que lautorisation en règle deffectuer des fouilles pour trouver des stupéfiants peut être obtenue en vertu des dispositions du Code criminel relatives aux mandats, ainsi quen vertu de la Loi sur les stupéfiants; la Cour dappel de la Colombie-Britannique avait estimé quun mandat de perquisition avait été abusivement obtenu en vertu de larticle 487 du Code criminel, étant donné que les mandats pour les infractions à la Loi sur les stupéfiants ne peuvent être délivrés quen vertu de larticle 12 de cette Loi. Dans laffaire R. c. Plant, six de sept juges de la Cour suprême du Canada ont convenu quaucune attente raisonnable relative au respect de la vie privée, pour ce qui touche les dossiers informatisés de consommation délectricité, na préséance sur lintérêt de lÉtat à appliquer les lois pour faire échec aux infractions relatives aux drogues. À la suite dun appel anonyme signalant la présence de plants de marijuana dans un sous-sol, la police de Calgary a vérifié les états de compte délectricité pour lédifice en question et constaté que la consommation y était quatre fois plus élevée que la moyenne pour des propriétés semblables. Le tribunal a jugé que les relevés de transaction établis aux fins de la relation commerciale entre laccusé et la compagnie délectricité ne pouvaient être considérés comme confidentiels; la police a pu consulter les dossiers informatisés grâce à un mot de passe et linformation en question est également accessible au grand public. Il a jugé aussi quétant donné que la consultation sans mandat des dossiers informatisés navait rien dabusif et nétait pas visée par les dispositions de larticle 8 de la Charte, la preuve établissant la forte consommation délectricité de laccusé pouvait servir à justifier une demande de mandat de perquisition en vertu de la Loi sur les stupéfiants; toutefois, à son avis, linformation obtenue grâce à la fouille non réglementaire du périmètre nétait pas admissible à cette fin. Abondant dans le même sens, madame la juge McLachlin a soutenu que « lattente raisonnable relative au respect de la vie privée était suffisante pour exiger que la police obtienne un mandat avant de tirer au clair linformation » relative à la consommation délectricité. Dans laffaire R. c. Silveira, la Cour suprême du Canada sest penchée sur la légalité dopérations policières dans le cadre dune autre enquête sur une affaire de stupéfiants. Après larrestation de lappelant, la police était entrée dans son domicile sans mandat afin de sceller les lieux et dempêcher que des preuves ne soient détruites. Pendant ce temps, elle avait demandé et obtenu un mandat de fouiller, et une deuxième fouille de la maison lui avait permis de trouver des quantités considérables de stupéfiants et de billets de banque marqués que des agents dinfiltration avaient utilisés pour acheter des stupéfiants dun tiers. Rédigeant son jugement au nom de la majorité des juges, le juge Cory a noté que la Couronne avait admis, comme elle le devait, que lopération policière constituait une violation des droits garantis à lappelant par larticle 8 de la Charte. Il a néanmoins maintenu la recevabilité en preuve des éléments découverts lors de la fouille après avoir examiné les trois critères dexclusion prescrits au paragraphe 24(2) qui avaient déjà été énoncés dans laffaire R. c. Collins. Premièrement, comme les éléments de preuve auraient de toute façon été découverts, la Cour a jugé que le fait de les déclarer recevables ne rendrait pas le procès moins équitable. Deuxièmement, à son avis, bien que les faits aient révélé une violation grave de la Charte, celle-ci avait été commise dans une situation durgence où il nétait pas permis de douter de la bonne foi des policiers. Enfin, en raison de la gravité du crime et de la nécessité des éléments de preuve en question pour prouver la culpabilité de lappelant, le juge a déclaré que « [l]utilisation de la preuve naurait pas pour effet de déconsidérer ladministration de la justice ». Mais la majorité des juges a aussi souligné qu« après le présent pourvoi, il sera rare que lexistence dune situation durgence permettra à elle seule dutiliser la preuve obtenue dune manière nettement contraire à larticle 10 de la Loi sur les stupéfiants et à larticle 8 de la Charte (sic) ». Pour ce qui est dautres formes de perquisition sans mandat, la Cour suprême du Canada a également jugé que le fait de chercher de la marijuana avec un chien « renifleur » à la porte de la maison dun suspect constitue une perquisition abusive. Ainsi, le mandat, appuyé sur les « éléments de preuve » qui y ont été trouvés, nétait pas valable. Rédigeant son jugement au nom de la majorité des juges dans laffaire R. c. Evans, le juge Sopinka a reconnu lexistence dune « invitation implicite » adressée à tous les membres du public, y compris la police, à frapper à la porte dune résidence afin de communiquer avec les occupants. À son avis, la police sétait approchée avec lintention dobtenir des éléments de preuve contre loccupant; elle était donc engagée dans une perquisition que labsence dautorisation préalable rendait abusive et contraire à larticle 8 de la Charte. Mais comme la police avait agi de bonne foi, que les éléments de preuve réelle (sous la forme de plants de marijuana) existaient indépendamment de la violation de la Charte et quil ne sagissait pas dune violation particulièrement grave, la Cour suprême du Canada a jugé que les éléments de preuve étaient recevables étant donné que le fait de ne pas les admettre aurait nui à ladministration de la justice. Dans laffaire Schreiber c. Canada (Procureur général), la Cour suprême du Canada cherché à savoir sil fallait satisfaire à la norme canadienne régissant la délivrance dun mandat de perquisition avant que le ministre de la Justice puisse présenter une lettre demandant aux autorités suisses de procéder à des perquisitions et à des saisies de documents relatifs aux comptes de banque de lintimé en Suisse. Cinq des sept juges ont déclaré que la lettre de demande ne faisait pas intervenir larticle 8 de la Charte. Au nom de la majorité, Madame LHeureux-Dubé a précisé que « ni les actions des autorités suisses ni les lois autorisant ces actions ne sont susceptibles dexamen en vertu de la Charte ». Elle a reconnu, cependant, que « dans le contexte dun procès criminel, lart. 7 peut sappliquer afin de justifier lexclusion déléments de preuve obtenus à lextérieur du pays par lentremise de responsables étrangers, lorsquune telle mesure est nécessaire pour présenter léquité du procès ». Dans laffaire R. c. Feeney, la Cour suprême du Canada a eu loccasion dexaminer les dispositions législatives prises après ladoption de la Charte concernant larrestation après entrée par la force dans une maison dhabitation, avec ou sans mandat. Auparavant, la common law autorisait la police à entrer dans une maison dhabitation sans mandat pour procéder à une arrestation à condition que des critères précis soient satisfaits. Cependant, dans laffaire Feeney, le tribunal, à une majorité de cinq contre quatre, a statué que, depuis ladoption de la Charte, « en général, un mandat est requis pour effectuer une arrestation dans une maison dhabitation », sauf dans le cas « dune prise en chasse ». La Cour suprême a ajouté quun mandat darrestation ordinaire ne suffisait pas parce quil ne prévoit pas la possibilité dentrer sans autorisation. Selon elle, les droits à la vie privée garantis par la Charte « exigent que la police obtienne généralement une autorisation judiciaire préalable dentrer dans une maison dhabitation pour y arrêter la personne recherchée ». Elle a ajouté que si le Code criminel « ne prescrit pas expressément, à lheure actuelle, un mandat contenant une telle autorisation préalable, il y a lieu de linterpréter comme sil renfermait une telle disposition ». Étant donné quaucun mandat navait été obtenu et quil y avait eu également dautres infractions à la Charte, la Cour suprême du Canada a jugé non recevables une grande partie des preuves obtenues par suite de lentrée par la force dans la maison dhabitation de laccusé et exigé la tenue dun nouveau procès. En réponse à la décision rendue dans laffaire Feeney, le ministère public a demandé et obtenu une suspension pour une période de six mois de la mise à exécution de laspect du jugement relatif « à lexigence dun mandat pour effectuer une arrestation dans une maison dhabitation ». La période transitoire, qui ne sest pas appliquée dans laffaire Feeney, devait prendre fin le 22 novembre 1997. Le 30 octobre 1997, le projet de loi C-16, qui vise à modifier le Code criminel, a été présenté et lu pour la première fois. Ce projet de loi propose un mécanisme qui permettrait aux agents de la paix dobtenir une autorisation judiciaire préalable pour entrer dans une maison dhabitation afin de procéder à une arrestation. 5. Mandat indûment accordé ou obtenu Dans laffaire Caron, un mandat de perquisition avait été obtenu uniquement à légard de chèques de voyage volés. Or, lors de la fouille, la police na pas trouvé les chèques, mais elle a saisi une arme dont la possession était interdite et dont elle avait des raisons de croire quelle se trouvait sur les lieux au moment de la demande du mandat de perquisition. Le tribunal a soutenu que la police aurait dû révéler quelle recherchait une arme illégale au moment où elle a demandé le mandat : « En cachant ce renseignement au juge de paix et en obtenant le résultat escompté tout en prétendant nêtre intéressés que par dautres objets nayant aucun rapport avec larme, les policiers faisant la déclaration se sont soustraits au contrôle judiciaire ». Le tribunal a statué que le mandat ainsi obtenu ne conférait pas le pouvoir de faire des fouilles pour trouver larme. De même, dans laffaire Imough, le tribunal a appris lors du procès que les agents de police navaient pas de motifs valables dobtenir le mandat. Il a soutenu que de déclarer recevables les preuves produites serait un affront à la conscience collective et jetterait le discrédit sur ladministration de la justice eu égard à linviolabilité du domicile dune personne et compte tenu du fait que les fouilles dans cette affaire avaient été effectuées de façon parfaitement illégale. Même si un mandat de perquisition légal avait été obtenu selon les règles, la Cour dappel de la Colombie-Britannique a exclu la preuve obtenue étant donné que le mandat navait pas été exécuté correctement. Dans laffaire R. c. West, la police a permis à une équipe de caméramans de la télévision de laccompagner alors quelle exécutait un mandat de perquisition qui avait été obtenu sur la base dune enquête faite par des médias. Au cours de lexécution de ce mandat, léquipe de caméramans a suivi la police dans lappartement de laccusé et filmé la scène où les policiers larrêtaient et lui passaient les menottes. La Cour dappel de la Colombie-Britannique a soutenu que cette perquisition était déraisonnable parce quelle outrepassait les pouvoirs du mandat et quelle violait, dans un but ni denquête ni juridique, la vie privée de laccusé, chez lui. Vu la gravité de cette violation de la Charte, la preuve obtenue pendant cette perquisition a été déclarée inadmissible et la tenue dun nouveau procès a été ordonnée. 6. Principe de la perquisition d'objets bien en vue Dans laffaire Shea, la Cour supérieure de lOntario sen est tenue à la jurisprudence américaine sur les découvertes fortuites en statuant que lorsquun agent de police se trouve légalement dans un domicile, il a le droit de saisir des articles quil découvre par hasard et qui sont bien en vue, des narcotiques par exemple. Une analyse des causes dans lesquelles une personne a été fouillée semble indiquer que les tribunaux examinent ces cas minutieusement et que, souvent, ils jugent ces perquisitions abusives et rejettent les éléments de preuve ainsi obtenus. Par exemple, dans laffaire Collins, cause entendue en Colombie-Britannique, linculpée se trouvait dans un bar apparemment fréquenté par des héroïnomames et des trafiquants. Elle a été saisie par deux agents de police dont lun lui a passé le bras autour du cou pour létouffer, ce qui la rendue semi-inconsciente, tandis que lautre lui ouvrait la bouche de force dans lespoir dy trouver de la drogue. Cest alors que trois capsules dhéroïne sont tombées de la main droite de linculpée. Le tribunal a estimé quen loccurrence, les agents de police navaient pas de motif raisonnable et plausible de croire que des narcotiques se trouvaient dans la bouche de la femme en question et que, par conséquent, la fouille était illégale. Le tribunal a même jugé que ladmission des éléments de preuve obtenus risquait de déconsidérer ladministration de la justice parce quelle avaliserait une conduite inacceptable de la part de la police et en permettrait la continuation. Cette décision, a été confirmée en appel par la Cour suprême du Canada. Dans laffaire Heisler, une fouille faite au hasard sur des personnes qui arrivaient à un concert rock a permis la découverte dune grande quantité de drogue sur lune dentre elles. Cependant, les témoignages ont révélé que les policiers navaient aucune raison de procéder à des fouilles. La Cour provinciale de lAlberta a jugé que laccusé avait été soumis à une fouille abusive qui dépassait les limites du simple mauvais goût et de linconvenance. La preuve a été jugée irrecevable parce que le tribunal a estimé que dans le cas contraire, ladministration de la justice serait déconsidérée. Toutefois, dans laffaire Roy, la Haute Cour de justice de lOntario a statué que si des affiches indiquent que laccès à un concert rock peut être précédé dune fouille des personnes, toute fouille ultérieure nest pas considérée comme une violation de cet larticle 8. Dans laffaire Debot, un informateur a fait savoir à la police que lappelant devait prendre livraison dune quantité importante damphétamines (« speed »). Les policiers ont demandé à lappelant de sarrêter, de sortir de son automobile, de prendre une position de fouille et de vider ses poches; ils ont bien trouvé des amphétamines. Bien que la fouille ait été effectuée sans mandat, la Cour suprême du Canada a statué que la police avait agi dune manière raisonnable et que la preuve naurait pas dû être rejetée, comme le juge de première instance lavait ordonné. Le juge en chef Dickson a indiqué quun détenu doit être informé de son droit de consulter un avocat immédiatement après sa détention ¾ une exigence que la police avait remplie dans ce cas-ci ¾ et que la position de fouille équivalait à une arrestation, mais que la police nétait pas tenue de suspendre une fouille effectuée dans le cadre dune arrestation jusquà ce que le détenu ait eu loccasion davoir recours aux services dun avocat. Le juge en chef Dickson a en outre déclaré que ce nest que dans des cas exceptionnels quune fouille sera considérée comme irraisonnable parce que lon a refusé le droit à lassistance dun avocat comme le garantit larticle 10 de la Charte. Une fouille est raisonnable si elle est autorisée par la loi, si la loi elle-même est raisonnable et si la façon dont cette fouille est effectuée est raisonnable. Le fait de ne pas permettre de consulter un avocat ninflue pas sur la « façon » dont une fouille est effectuée, puisque celle-ci dépend de la méthode physique qui est utilisée. Elle a aussi ajouté que les preuves obtenues à laide dune fouille qui est raisonnable, mais pendant laquelle on a refusé au détenu de consulter un avocat ne seront pas nécessairement jugées recevables. En fait, ces preuves seront jugées non recevables sil y a un lien entre lempiétement sur les droits du détenu et la découverte des preuves, et si le fait de considérer les preuves comme recevables risque de discréditer ladministration de la justice. 8. Pouvoir de fouille par suite d'une arrestation (common law) Cest dans laffaire Langlois et Bédard que, pour la première fois, la Cour a étudié globalement la question de lexistence et de la portée du pouvoir des forces policières de fouiller une personne arrêtée légitimement. Dans cette affaire, les appelants étaient des policiers de Montréal qui ont arrêté lintimé, M. Cloutier, avocat exerçant le droit dans cette ville, pour une infraction au Code de la route. Quand ils eurent constaté quun mandat darrestation avait été émis contre lui pour des contraventions non payées, il a été arrêté et fouillé sommairement avant dêtre conduit dans la voiture de police. M. Cloutier a par la suite accusé les appelants de voies de fait simples, infraction prévue au Code criminel. La Cour suprême a décidé danalyser la portée du pouvoir bien établi par la common law quont les policiers de fouiller une personne arrêté légitimement et de perquisitionner tout ce qui est en sa possession ou dans son entourage immédiat pour assurer leur sécurité et celle de laccusé, empêcher ce dernier de sévader ou recueillir des preuves contre lui. Après les arrêts Collins et Debot, la Cour a indiqué que les fouilles ne sont pas préjudiciables si elles sont autorisées par la loi, si la loi est raisonnable et si la fouille nest entachée daucun abus. Comme la fouille sommaire est une méthode de fouille non abusive qui consiste à palper le suspect par-dessus ses vêtements pour y trouver quelque chose, elle ne constitue pas, en fonction des objectifs visés, une atteinte disproportionnée à la liberté des personnes légitimement arrêtées. Il nexiste pas de moyens plus discrets datteindre lobjectif visé. La Cour a énoncé trois critères à respecter pour quune fouille soit jugée raisonnable et justifiée : 1) les policiers ne sont pas tenus de fouiller les suspects, mais peuvent exercer leur jugement dans chaque cas en fonction des faits; 2) la fouille est effectuée dans un objectif utile à la poursuite de la justice pénale, comme pour trouver des armes ou des preuves; et 3) la fouille nest entachée daucun abus. On a déclaré depuis que le pouvoir de fouille par suite dune arrestation sétend à la fouille dun véhicule dans le but de recueillir des preuves contre un conducteur arrêté pour possession de stupéfiants. Cependant, dans laffaire R. c. Caslake, une majorité de quatre contre trois à la Cour suprême du Canada a également soutenu quune fouille effectuée non pas à cette fin mais plutôt pour inventorier le contenu du véhicule ne respectait pas « les limites des objectifs légitimes dune fouille accessoire à une arrestation ». Bien que cela entraîne une violation de larticle 8 de la Charte, la Cour a déclaré que les preuves obtenues lors de la fouille étaient admissibles étant donné que « le procès était toujours équitable, la violation nétait pas grave et lexclusion des éléments de preuve aurait un effet plus néfaste sur ladministration de la justice que leur utilisation ». En 1997, la Cour suprême du Canada a déclaré que le pouvoir de fouille par suite dune arrestation qui est conféré par la common law ne constitue pas un pouvoir suffisant pour autoriser le prélèvement de substances corporelles pour une analyse génétique à des fins médicolégales lorsque le suspect refuse de fournir ces substances. Dans laffaire R. c. Stillman, la cour a déclaré quil y avait eu violation des droits garantis à laccusé par larticle 8 lorsque la police a prélevé des échantillons de cheveux ou de poils et de cellules épithéliales par écouvillonnage des lèvres, de la langue ou de lintérieur des joues, sous la menace de lutilisation de la force et sans autorisation législative. De plus, étant donné que les éléments de preuve nauraient pas été obtenus si lon navait pas mobilisé laccusé contre lui-même [conformément à la définition donnée par le juge Cory dans laffaire Stillman], ce qui contrevient à la Charte, la Cour suprême du Canada a statué que le fait de déclarer recevables les preuves issues de lanalyse génétique rendrait le procès injuste. Au moment de larrestation dans laffaire Stillman, il ny avait pas dautorisation législative pour lobtention de prélèvements biologiques en vue dune analyse génétique, avec ou sans le consentement de laccusé. Cependant, les modifications qui ont été apportées ultérieurement au Code criminel ont énoncé les critères et les procédures à suivre pour obtenir une autorisation judiciaire préalable, sous forme de mandat, pour lobtention de substances corporelles en vue dune analyse génétique à des fins médicolégales. Depuis juillet 1995, la loi permet à la police dutiliser « autant de force que nécessaire » pour exécuter un tel mandat, qui peut être délivré pour faire enquête sur certaines infractions désignées seulement. Dans R. c. Thompson, la Cour suprême a soutenu que la police ne pouvait pas installer de micro-émetteurs dans tous les téléphones publics dont pourrait se servir laccusé; une telle mesure porterait atteinte au droit du public de ne pas être soumis à des fouilles et à des perquisitions abusives. Cependant, les clauses générales dune autorisation judiciaire qui permet dinstaller des micros dans des téléphones à des endroits que pourrait fréquenter le suspect sont valides, à condition que la police aient des motifs raisonnables et probables de croire que la personne en question fréquente réellement ces endroits. Les décisions importantes rendues par la Cour suprême le 25 janvier 1990 au sujet des causes Duarte et Wiggins, ont eu une énorme incidence sur les méthodes de surveillance policière, surtout les opérations dinfiltration dans le cas des infractions relatives aux drogues et à la moralité. Dans laffaire Duarte, la Cour a statué que la surveillance électronique non autorisée (c.-à-d. lécoute électronique ou lenregistrement de conversations téléphoniques) et lécoute de communications privées par lÉtat avec le consentement de lun ou lautre interlocuteur, sans autorisation judiciaire préalable, constituent des infractions aux droits et aux libertés garantis par larticle 8 de la Charte. Auparavant, les policiers pouvaient, dans la mesure où lun des interlocuteurs y consentait, écouter la communication. Désormais, il faut quun juge autorise lécoute à linstar de lécoute dune conversation entièrement privée (c.-à-d. lécoute clandestine), quand aucun des deux interlocuteurs na donné son consentement préalable. Dans laffaire Duarte, la Cour suprême a jugé que la valeur primordiale garantie par larticle 8 est le principe de la vie privée, qui est le droit de quiconque de déterminer quand, comment et dans quelle mesure il entend dévoiler des renseignements personnels. En conséquence, on ne peut presque pas imaginer dactivité de lÉtat plus dangereuse pour la vie privée que lécoute électronique, et la protection garantie par larticle 8 de la Charte devrait la viser directement. La Cour a décidé quelle ne pouvait plus donner aux forces policières le pouvoir illimité denregistrer et de transmettre les paroles sans une autorisation judiciaire préalable parce que ces méthodes policières généralisées représentent une menace insidieuse au fondement même dune société libre, à savoir le privilège de ne pas partager ses confidences avec autrui. Dans laffaire Wiggins, lutilisation de micro-émetteurs de poche a aussi été jugée illégale pour les raisons invoquées dans laffaire Duarte. Dans laffaire Wong, la Cour suprême a élargi encore plus la portée de la protection contre latteinte à la vie privée par lÉtat. La Cour a en effet soutenu que laccusé, en invitant des gens, au moyen davis publics affichés dans des restaurants, à prendre part à des jeux dargent illégaux, navait pas ouvert ces jeux au public au point où il ne sagissait plus dun événement à caractère privé. Il navait donc pas renoncé à la protection que lui assure larticle 8. La Cour a appliqué les critères formulés dans laffaire Duarte, en soutenant que, même si laccusé avait distribué des avis publics, ces avis ne suggéraient pas un « consentement tacite » à une surveillance électronique par la police. Par conséquent, ces jeux dargent étaient toujours « privés ». La surveillance non autorisée par la police constituait donc une fouille et une perquisition abusives en vertu de larticle 8. Dans larrêt R. c. Wise, la Cour suprême du Canada sest penchée sur ladmissibilité dune preuve obtenue grâce à linstallation et à la surveillance non autorisées dune balise électronique. Après avoir installé ce dispositif dans le siège arrière de la voiture appartenant à une personne soupçonnée de meurtres en série, la police a suivi la personne en question et recueilli des preuves qui lui ont permis de laccuser de méfaits en rapport avec les dommages causés à une tour de communications valant des millions de dollars. Les juges ont été unanimes à conclure que linstallation et la surveillance subséquente dune balise électronique constituaient des perquisitions abusives, en violation de larticle 8 de la Charte. Cependant, une majorité de quatre juges sur sept a soutenu que ladmissibilité de la preuve devait être examinée dans loptique de porter atteinte le moins possible au droit à la vie privée dans le contexte de la conduite dun véhicule automobile et de la nécessité de protéger de toute urgence la communauté. Puisque lemplacement de la voiture au moment de linfraction constituait une preuve réelle non susceptible de nuire à léquité du procès et que la Cour dappel avait conclu que la police avait agi de bonne foi, les juges ont majoritairement statué que cette preuve ne jetterait pas le discrédit sur ladministration de la justice. Se fondant sur larrêt Kokesch prononcé antérieurement par la Cour suprême, les trois juges dissidents auraient pour leur part exclu la preuve puisquelle avait été obtenue abusivement et en toute connaissance de cause par la police. La Cour suprême sest, par la même occasion, penchée sur la procédure suivie par les tribunaux pour autoriser laccès, par laccusé, à des « paquets scellés » renfermant les documents juridiques sur les lesquels un juge se fonde pour autoriser lécoute électronique. Dans les arrêts Dersch c. Canada et R. c. Garofoli, la Cour a soutenu quun accusé na quà demander à consulter les documents juridiques que renferment le « paquet scellé » pour quon accède à sa demande. Un tel accès est nécessaire pour permettre à laccusé de préparer une réponse et une défense complètes, et en particulier, pour déterminer si lécoute électronique a été exécutée conformément à larticle 8. Le projet de loi C-109, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la responsabilité civile de lÉtat et le contentieux administratif et la Loi sur la radiocommunication, L.C. 1993, chap. 40, est entré en vigueur le 1er août 1993. La Loi réglait certains des problèmes soulevés dans les affaires Duarte, Wong, Garofoli et Wise dont il a été question plus haut. Par exemple, un agent de police peut intercepter des communications privées, avec le consentement de lauteur de la communication ou de la personne à laquelle celui-ci la destine et ce, sans autorisation préalable du tribunal, sil existe un risque de lésions corporelles pour la personne qui a consenti à linterception. La Loi envisage particulièrement des autorisations judiciaires pour la surveillance vidéo et pour lutilisation de dispositifs de localisation électroniques. De plus, elle codifie les règles que devraient suivre le tribunal lorsquil permet à un prévenu davoir accès au contenu du « paquet scellé », dans le cadre dun procès sur une affaire pour laquelle une autorisation de surveillance électronique avait été donnée. 10. Alcootest et analyse de sang Les tribunaux jugent habituellement que les alcootests obligatoires ne constituent pas une fouille et une saisie abusives pour la bonne raison quils ne peuvent être exigés que lorsquil y a des motifs raisonnables et plausibles de croire que les facultés de lautomobiliste sont affaiblies. Dans laffaire R. c. Fraser, en Ontario, le tribunal a déclaré quen labsence de motifs raisonnables et plausibles, ladministration de lalcootest équivaut à une fouille et à une saisie abusives. Les tribunaux semblent convenir quil ny a pas de fouille et de saisie abusives lorsquune prise de sang est faite par le personnel dun hôpital en vue de traiter un accusé et que léchantillon de sang est par la suite remis à la police en vertu dun mandat de perquisition. Toutefois, dans laffaire Dyment, la Cour suprême du Canada a statué que les résultats dune analyse sanguine ne devraient pas être retenus comme élément de preuve quand un médecin ayant prélevé un échantillon de sang à des fins strictement médicales en remet ensuite les résultats à un enquêteur de la police qui na remarqué aucun signe damoindrissement des facultés et na pas demandé déchantillon de sang, ni à lintimé ni au médecin. La Cour a expliqué que larticle 8 a pour objet de protéger non seulement la propriété mais aussi le droit des individus de ne pas être soumis à des fouilles ou à des saisies qui violent sa vie privée. Elle a jugé que le médecin qui avait pris léchantillon de sang et le policier qui lavait ensuite accepté avaient contrevenu gravement aux dispositions de la Charte : « une violation de lintégrité physique de la personne humaine est beaucoup plus grave que celle de son bureau ou même de son domicile », a déclaré la Cour. Dans laffaire R. c. Colarusso, la Cour suprême du Canada a été appelée à déterminer si lutilisation par la police de preuves obtenues en vertu de la Loi sur les coroners (Ontario) constituait une violation des droits de laccusé garantis par larticle 8 de la Charte. Après un accident de la route, laccusé avait été arrêté et conduit à lhôpital pour traitement. Le coroner avait par la suite, en se prévalant des pouvoirs législatifs que lui confère larticle 16 de la Loi sur les coroners, saisi des échantillons de sang et durine prélevés sur laccusé à des fins médicales. On avait ensuite remis ces échantillons à la police pour analyse. Laccusé a plus tard été reconnu coupable de conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles et de négligence criminelle causant la mort, sur la foi de la déposition de lanalyste. À cinq contre quatre, les juges de la Cour suprême ont décrété que la saisie du coroner était raisonnable dans la mesure où la preuve était utilisée à des fins valides et non criminelles en vertu de la Loi. Toutefois, ils ont ajouté que dès que lorgane dapplication du droit pénal sen était servi contre la personne sur laquelle les échantillons avaient été prélevés, la saisie était devenue déraisonnable et avait enfreint larticle 8 de la Charte. Néanmoins, la Cour a établi que la preuve de facultés affaiblies était admissible contre M. Colarusso, et ce, en raison dun certain nombre de conclusions. Tout dabord, il sagissait dune preuve véritable, qui existait avant la violation de larticle 8. Ensuite, le personnel hospitalier, le coroner et la police avaient tous agi de bonne foi et conformément à ce quils croyaient être un pouvoir législatif valide. Enfin, sils avaient su que cela était nécessaire, les policiers auraient pu obtenir un mandat pour saisir les preuves ou pour se procurer un nouveau prélèvement sanguin. Ces faits, ajoutés aux circonstances aggravantes entourant la commission de linfraction, ont amené la Cour à conclure que ladmission de la preuve ne jetterait pas le discrédit sur ladministration de la justice. Dans laffaire R. c. Krist, la Cour dappel de la Colombie-Britannique sest demandé si le fait pour la police de saisir des sacs dordures laissés dans la rue pour les éboueurs constituait une fouille ou une saisie abusive. À partir des plants de marijuana et du matériel trouvés dans ces sacs, la police a obtenu un mandat pour fouiller la demeure et le véhicule de lappelant, où elle a trouvé dautres plants et du matériel de culture. En sappuyant sur une opinion incidente de la Cour suprême du Canada dans larrêt R. c. Dyment, la Cour dappel a jugé quune fois que des ordures sont « abandonnées par un occupant aux caprices du service denlèvement des ordures », celui-ci ne peut raisonnablement sattendre à ce quen pareil cas sa vie privée soit respectée. Ainsi, bien que la saisie ait été fondée sur un « tuyau » dont la fiabilité était inconnue, le geste de la police ne constituait, selon la Cour dappel, une infraction à larticle 8 de la Charte. 12. Déclaration de renonciation La Cour suprême du Canada a également eu loccasion dexaminer la nature du consentement exigé pour quun intimé renonce à ses droits en vertu de larticle 8 relativement à la fourniture dun échantillon de sang pour identification dADN. Dans laffaire R. c. Borden, laccusé avait été arrêté pour agression sexuelle et informé de son droit de consulter un avocat, avant de consentir à fournir un échantillon de sang à la police « aux fins de ses enquêtes ». La police navait pas informé laccusé quil était aussi soupçonné dans une affaire antérieure dagression sexuelle et que léchantillon de sang servirait surtout aux fins de lautre enquête. Dans une décision majoritaire, le juge Iacobucci a conclu que la police avait négligé dinformer laccusé du motif prépondérant pour lequel léchantillon de sang était demandé et que, par conséquent, le consentement de laccusé navait pas été obtenu et que celui-ci navait pas renoncé à ses droits garantis par larticle 8. Les policiers auraient dû à tout le moins dire clairement à lintimé « quils considéraient son consentement comme un consentement général à lutilisation de léchantillon relativement à dautres infractions dont il pourrait être soupçonné ». En labsence dune renonciation ou dune autre forme légale dautorisation, le prélèvement de sang de laccusé est devenu, selon la majorité des juges, une saisie déraisonnable. Selon la majorité des juges, il y a aussi eu violation du droit de laccusé dêtre informé du motif de son arrestation aux termes de lalinéa 10a) de la Charte et, partant, de son droit dêtre conseillé par un avocat en application de lalinéa 10b). Enfin, la Cour a conclu que lintroduction en preuve de lADN rendrait le procès inéquitable, étant donné que linformation a été obtenue de laccusé dans des circonstances « où il ignorait complètement lobjectif principal que poursuivaient les policiers en lui demandant de le fournir ». C. Arrestation et détention : articles 9 et 10 Ces articles de la Charte énoncent ce qui suit :
Les décisions successives de la Cour suprême du Canada permettent détablir rapidement des normes pour mesurer le caractère « arbitraire » de larticle 9. Ainsi, bien quil soit arbitraire et choquant que les forces policières détiennent ou arrêtent une personne pour linterroger ou pour pousser plus loin une enquête sans raison suffisante, il est normal quelles poursuivent leur enquête après une arrestation si elles ont de bonnes raisons de croire que laccusé est en train de commettre ou a commis une infraction. Dans laffaire Storrey, la Cour a dit quil suffisait que la police ait des motifs raisonnables et probables pour effectuer une arrestation. Il nest pas nécessaire quelle établisse un commencement de preuve en vue dune condamnation avant deffectuer une arrestation. Au sujet de lalinéa 10a), le tribunal a statué, dans laffaire Amos, que la Charte prévoit maintenant expressément ce qui a toujours existé dans les faits au Canada : la loi ne reconnaît aucunement aux forces policières le droit darrêter ou de détenir contre son gré une personne qui nest accusée daucune infraction dans le simple but denquêter sur une infraction qui, daprès la police, aurait été commise. En appliquant larticle 9, les tribunaux ont eu tendance à ne pas remettre en question les pratiques policières courantes. Ainsi, on a estimé quil ny avait pas abus ou caprice de la part de la police dexiger dun inculpé quil fasse prendre ses empreintes digitales comme le veut la loi. Dans laffaire Beare et Higgins, la Cour suprême du Canada a jugé que ni les articles 7, 8, 9 et 10 ni les alinéas 11c) et 11d) ninterdisait la prise des empreintes digitales dun accusé en détention ou visé par un avis de comparution ou une citation à comparaître. Elle a estimé que la prise dempreintes digitales nétait pas contraire au principe de la justice fondamentale et quelle violait relativement moins la vie privée que ne le font dautres mesures permises aux policiers en common law. Enfin, tout en reconnaissant que la Charte garantit dans une mesure raisonnable le respect de la vie privée, la Cour a souligné quun individu arrêté ou accusé doit sattendre à perdre une bonne partie de son intimité. En outre, il a été décidé que les dispositions de cet article ne sont pas enfreintes lorsquun agent de police intercepte un automobiliste pour une vérification de son véhicule et quil lui demande de subir un alcootest sil estime quil a consommé de lalcool. a. Arrêts au hasard d'automobilistes par la police Dans une série de trois affaires, (laffaire Dedman en 1985, laffaire Hufsky en 1988 et larrêt Ladouceur en mai 1990), la Cour suprême du Canada sest prononcée sur la constitutionnalité des arrêts au hasard dautomobilistes par la police. Dans laffaire Dedman, le juge Ledain, pour la majorité des membres de la Cour, a statué que le programme R.I.D.E., mis sur pied en 1980 en Ontario et dans le cadre duquel la police établissait des points de contrôle pour intercepter les automobilistes qui conduisaient avec des facultés affaiblies, ne violait pas un droit accordé par la Charte ¾ même si la police navait pas le pouvoir statutaire darrêter des automobilistes au hasard. La raison en est que conduire une voiture est une « activité qui nécessite un permis, est réglementée et peut faire lobjet de contrôles pour la protection de la vie et des biens ». Par ailleurs, la Cour suprême a rendu, par la voix du juge Ledain, une décision unanime dans laffaire Hufsky, où la constitutionnalité dune autre pratique de la police ontarienne ¾ les contrôles effectués au hasard auprès des automobilistes ¾ était à létude. Contrairement au cas du programme R.I.D.E. dans laffaire Dedman, il ne sagissait pas simplement, dans laffaire Hufsky, de chercher des automobilistes conduisant avec des facultés affaiblies. Les contrôles avaient en effet toute une série dobjectifs, dont vérifier lassurance ainsi que le bon état des voitures sur le plan mécanique. Le juge Ledain a déclaré que, la police nayant pas de lignes directrices à ce sujet, les contrôles constituaient des cas de détention arbitraire en violation de larticle 9 de la Charte, étant donné que la décision darrêter un véhicule était ainsi laissée à la seule discrétion de la police. Cela étant dit, cependant, le juge a estimé que toute atteinte aux droits des automobilistes prescrite par le Code de la route était justifiée en vertu de la Charte par la nécessité dassurer la sécurité du public. Il faut donc bien noter que, pour la Cour, conduire une automobile ne peut pas être considéré comme un droit fondamental mais que cela constitue plutôt « une activité qui nécessite un permis, est réglementée et peut faire lobjet de contrôles ». Dans laffaire Ladouceur, la police dOttawa avait arrêté un véhicule sans raison définie et sans quil sagisse dun programme organisé ou de contrôle de véhicules. Par cinq voix contre quatre, la Cour suprême a statué quil sagissait dun arrêt arbitraire qui, à la suite du jugement Hufsky, violait larticle 9 de la Charte. Larrêt du véhicule na pas été jugé inconstitutionnel parce quil restait dans des limites raisonnables qui se justifient clairement dans une société libre et démocratique. Les quatre juges minoritaires ont convenu du résultat avec la majorité tout en estimant quune telle pratique va au-delà de ce que la police devrait pouvoir faire et accorde à celle-ci un droit sans limites darrêter des véhicules. En novembre 1992, le Cour suprême du Canada a eu la possibilité de faire le point sur létendue des pouvoirs exercés par la police sur les automobilistes interpellés à loccasion de contrôles routiers ponctuels. Dans larrêt Mellenthin c. La Reine, la Cour suprême a jugé que linspection visuelle dun véhicule à laide dune lampe de poche était forcément un élément dun programme de contrôle exécuté la nuit. Cela dit : « Un contrôle routier ne constitue pas et ne saurait constituer un mandat de perquisition général permettant de fouiller les conducteurs à qui lon demande de simmobiliser, leur véhicule et les passagers. Lélément de preuve obtenu grâce à une telle fouille ne devrait être admis que sil existe des motifs raisonnables et probables deffectuer la fouille ou si de la drogue, de lalcool ou des armes sont exposés à la vue de tous à lintérieur du véhicule ». 2. Droit de recourir à un avocat Dans laffaire Kelly, la Cour dappel de lOntario a établi une distinction entre les droits protégés par les alinéas a) et b) de larticle 10. Pour ce qui est de lalinéa a), le tribunal a statué quun particulier nest pas tenu de se soumettre à une arrestation sil nen connaît pas la raison, et quil est par conséquent essentiel quil soit informé des motifs dans les plus brefs délais. Par contre, lalinéa b) a pour but déviter que le prévenu soit placé dans une position préjudiciable devant la loi en raison de ce quil peut dire ou faire sans avoir recours à laide dun avocat. Lexigence selon laquelle le prévenu doit être informé des raisons de son arrestation « dans les plus brefs délais » signifie quil doit en être informé « immédiatement ». Cependant, lexigence selon laquelle le prévenu doit être informé du droit de retenir les services dun avocat « sans délai » ne veut pas dire « immédiatement ». Par conséquent, même si le droit dune personne arrêtée dêtre informée « sans délai » quelle peut retenir les services dun avocat est peut-être justifié, il ny a pas de raison essentielle pour que cette exigence fasse partie de la déclaration prévue à lalinéa a) concernant le motif de larrestation, qui fait en réalité partie du processus darrestation. Dans laffaire Ironchild, il a été soutenu que lorsque la réponse de linculpé à la question de savoir sil souhaite obtenir laide dun avocat est quelque peu ambiguë, et quil nexprime quun vague désir de consulter un avocat, lagent de police doit alors répéter la question, sans plus. Toutefois, dans la majorité des autres cas, les tribunaux ont statué que ce droit doit permettre à linculpé de pouvoir réellement faire appel à un avocat. Dans laffaire Nelson, il a été statué que la police ne devait pas se contenter dinformer rapidement le prévenu de ses droits pour se comporter ensuite comme sil y avait renoncé. Le but de cette disposition est de garantir linformation adéquate du prévenu de sorte quil aura immédiatement la possibilité de faire un choix rationnel. En avisant linculpé de ses droits, on veut lui permettre de décider sil souhaite sen prévaloir, ce qui implique quil doit avoir une chance raisonnable dy réfléchir. La violation du droit à un avocat a entraîné lirrecevabilité déléments de preuve conformément au paragraphe 24(2) de la Charte. Par exemple, dans laffaire R. c. Ross, la Cour suprême du Canada a jugé irrecevables des preuves didentification obtenues lors de la participation de laccusé à une parade didentification. La police avait organisé la parade à 3 heures du matin, après que laccusé eut tenté en vain de contacter un avocat, et sans lui dire quil nétait aucunement obligé, par la loi, à participer à une telle parade. Même si la Cour suprême du Canada a affirmé, dans les affaires R. c. Harrer et R. c. Terry, que lalinéa 10b) de la Charte ne sappliquait pas aux déclarations obtenues aux États-Unis par les autorités américaines, elle a déclaré depuis que la Charte pouvait sappliquer aux actions des autorités canadiennes à létranger. Dans laffaire R. c. Cook, des policiers canadiens ont interrogé un suspect et obtenu de lui une déclaration alors quil était emprisonné aux États-Unis en rapport avec un meurtre commis au Canada. Même si le juge du procès et la Cour dappel de la Colombie-Britannique ont souligné que la déclaration avait été obtenue en violation des droits garantis par lalinéa 10b) de la Charte, tous deux ont reconnu que son utilisation comme preuve « ne rendait pas le procès inéquitable ». Laccusé ayant interjeté appel, la Couronne avait soutenu que la Charte ne sappliquait pas aux activités de collecte de preuve se déroulant à lextérieur du Canada. Cinq des sept juges majoritaires ont conclu que la Charte sappliquait « en raison de la nationalité des autorités policières de lÉtat qui participent aux actes du gouvernement ». Invoquant la règle générale qui veut « que lutilisation dune preuve obtenue par mobilisation de laccusé contre lui-même, qui naurait pas été découverte sans cette mobilisation de laccusé, rende le procès inéquitable », la Cour a exclu la déclaration comme preuve et ordonné la tenue dun nouveau procès. Dans laffaire R. c. Evans, la Cour suprême du Canada sest demandée dans quelle mesure une personne doit, au moment de son arrestation, comprendre lexposé que la police lui fait de ses droits et quand la police doit lui rappeler ces droits. Lorsque, dans ce cas-ci, on a demandé à laccusé, dont le Q.I. se situe entre 60 et 80, après lavoir informé de ses droits, sil les comprenait, laccusé a dit non. La police, même si elle était consciente de la déficience mentale de linculpé, a toutefois conduit celui-ci au poste de police où elle a procédé à des interrogations à la suite desquelles laccusé a avoué quil avait commis deux meurtres. La Cour a décrété que le droit de laccusé de consulter un avocat avait été violé et que les confessions seraient exclues comme éléments de preuve en vertu du paragraphe 24(2). En infirmant la condamnation et acquittant laccusé, la Cour a rejeté catégo-riquement largument de la cour dappel selon lequel ladministration de la justice serait discréditée si, après avoir avoué, un tueur était libéré simplement parce que son droit dêtre représenté par un avocat a été violé. Selon elle, la violation de la Charte a rendu suspecte la fiabilité son avis, de laveu tiré de laccusé, et celui-ci na pas été jugé équitablement. À son avis, lattitude adoptée par la cour dappel avait fait peser sur laccusé une présomption de culpabilité. La majorité des juges ont aussi estimé que le droit reconnu à laccusé en vertu de lalinéa 10b) de consulter un avocat avait été violé lorsque la police a commencé à le soupçonner de meurtre au lieu dun délit moindre sans linformer à nouveau de son droit dêtre représenté par un avocat. Il découle de ce jugement que, pour sassurer que les suspects comprennent bien leurs droits, la police devra faire plus defforts lorsquelle a affaire à des enfants, à des personnes qui ne parlent pas la langue utilisée par les agents et à des déficients mentaux. La Cour suprême du Canada a soutenu depuis que le fait de renoncer aux services dun avocat ne sera pas considéré comme valide dans le cas de jeunes qui ne savent pas quils auront à faire face à lemprisonnement à vie si leur cas est transféré à un tribunal pour adultes. Dans laffaire R. c. I.(L.R.) et T.(E.), le tribunal a déclaré que la renonciation sera jugé valide seulement si le jeune connaît « la portée de son geste ». Sans aller jusquà demander à la police dinformer les jeunes contrevenants de la peine maximale qui pourrait leur être imposée, le juge Sopinka sest dit davis quétant donné les particularités des jeunes contrevenants, il faut prendre des précautions additionnelles en vue de leur accorder toute la protection des droits garantis par la Charte. Dans laffaire R. c. Whittle, la Cour suprême du Canada sest aussi prononcée sur la capacité mentale nécessaire pour que la décision dun accusé de renoncer à son droit de recourir aux services dun avocat soit considérée comme valide. M. Whittle était un schizophrène qui, au moment de ses aveux, était conscient de ce quil disait et en comprenait les conséquences, mais était perturbé au point de ne pas sen soucier. Refusant dimposer une norme daptitude cognitive plus élevée que celle qui est exigée pour décider de laptitude à subir un procès, la Cour sest servi du critère de « létat desprit conscient », en vertu duquel laccusé doit avoir « une capacité cognitive suffisante pour comprendre ce quil dit et ce qui est dit », ce qui sous-entend quil doit être en mesure de comprendre une mise en garde selon laquelle la déposition pourra être utilisée contre lui. La Cour a jugé que « la contrainte intérieure, due à la conscience ou à un autre facteur, ne peut supplanter une conclusion à lexistence dun état desprit conscient sauf lorsquil est déterminé, à la lumière de la conduite dune personne en autorité, quune déclaration est involontaire ». b. Obligation des organismes d'application de la Loi La Cour suprême du Canada sest également demandé si la police était tenue daider un accusé à exercer son droit dobtenir les services dun avocat. Dans laffaire Manninen, la Cour a affirmé que lalinéa 10b) impose au moins deux obligations aux policiers, outre celle dinformer le détenu de ses droits. En premier lieu, le policier doit donner au détenu une possibilité raisonnable dexercer son droit davoir recours sans délai à lassistance dun avocat, ce qui comprend lobligation doffrir à lintimé de se servir du téléphone. Bien quil puisse y avoir des circonstances où il est particulièrement urgent que la police poursuive son enquête avant quil lui soit possible de faciliter lentrée en communication dun détenu avec un avocat, il ny avait aucune urgence de cette nature dans laffaire Manninen. En deuxième lieu, les policiers doivent cesser dinterroger le détenu tant quil ne sest pas vu offrir une possibilité raisonnable de recourir à lassistance dun avocat. Le droit à lassistance dun avocat a pour objet de permettre à la personne détenue non seulement dêtre informée de ses droits et de ses obligations en vertu de la loi mais également, et, ce qui est tout aussi, sinon plus important, dobtenir des conseils sur la façon dexercer ces droits. La Cour a statué quen lespèce, les agents de police avaient informé lintimé de son droit de garder le silence, mais sétaient mis ensuite à linterroger alors quil avait clairement indiqué vouloir exercer son droit de garder le silence et manifesté le désir de consulter son avocat. Pour que le droit à lassistance dun avocat soit efficace, laccusé doit pouvoir obtenir ces conseils avant dêtre interrogé ou tenu autrement de fournir des éléments de preuve. Toutefois, il y a manifestement eu violation de cet aspect du droit de lintimé davoir recours à un avocat, et il ny avait aucune urgence pouvant justifier un interrogatoire immédiat. Lintimé navait pas renoncé à son droit à lassistance dun avocat en répondant aux questions des policiers. Une personne peut renoncer implicitement aux droits conférés par lalinéa 10b), mais la norme pour ce faire est très exigeante; la Cour a jugé quen lespèce, cette norme navait pas été respectée. Dans laffaire Baig, la Cour suprême a statué que la police na été obligée de donner à laccusé la possibilité de consulter un avocat que lorsque celui-ci en a manifesté le désir. Il semble en découler que la police nenfreint pas la Charte en ne faisant rien pour favoriser lexercice dun droit prévu dans celle-ci lorsque laccusé ninvoque pas lui-même ce droit. Toutefois, dans laffaire R. c. Brydges, la Cour suprême a déclaré que lorsquun accusé affirme ne pas avoir les moyens de retenir les services dun avocat, il faut comprendre par cela quil demande effectivement à en consulter un. Laccusé, un homme originaire de lAlberta qui avait été arrêté au Manitoba pour meurtre, avait été informé sans délai de son droit de retenir et constituer un avocat. Il a de nouveau été informé de son droit au poste de police. Laccusé a dit quil navait pas les moyens de se payer les services dun avocat et a demandé au policier chargé de lenquête si laide juridique existait au Manitoba. Le policier a répondu quil croyait quun tel système existait en effet au Manitoba, sans plus. Lorsquon lui a de nouveau demandé sil voulait parler à un avocat, laccusé a refusé. Toutefois, après avoir fait un certain nombre de déclarations incriminantes, il a demandé à parler à un avocat de laide juridique. On lui en a appelé un, après quoi laccusé a déclaré quil ne répondrait plus aux questions des policiers. Lorsquelle a confirmé la décision de la cour de première instance dexclure ces déclarations parce que les droits de laccusé en vertu de lalinéa 10b) avaient été violés, la Cour suprême a indiqué que lorsquun accusé dit craindre que le droit de retenir les services dun avocat dépende de ses moyens financiers, il appartient à la police de linformer de lexistence et de la disponibilité de laide juridique et des avocats de service. Dans ce cas, on a laissé à laccusé la fausse impression quil navait pas le droit dexercer son droit de retenir les services dun avocat puisquil navait pas les moyens de payer. Par conséquent, laccusé na pas pu renoncer à un droit quil ne comprenait pas totalement (cest-à-dire ses droits en vertu de lalinéa 10b)). La décision rendue dans laffaire Brydges a confirmé que les policiers doivent maintenant exécuter deux autres fonctions en plus dinformer le détenu de ses droits en vertu de lalinéa 10b): ils doivent donner à laccusé ou à la personne détenue une chance raisonnable dexercer son droit de retenir un avocat et ils doivent sabstenir de linterroger ou dessayer dobtenir un témoignage de lui tant quil na pas eu cette chance raisonnable. Le détenu doit néanmoins exercer ce droit en faisant preuve dune diligence raisonnable et peut, soit explicitement, soit implicitement, y renoncer; toutefois, il doit être conscient des conséquences de ce geste, et tout renoncement implicite sera examiné très attentivement par la Cour. La Cour suprême a aussi indiqué que, dorénavant, dans tous les cas darrestation ou de détention et non pas seulement dans les cas où le détenu est ou semble être sans ressources, les policiers doivent informer le détenu de lexistence et de la disponibilité dun avocat de service et de laide juridique. Cela est vrai même si après avoir été informé par la police de ses droits en vertu de lalinéa 10b), le détenu ne demande pas à parler à un avocat. Laccusé doit essayer dexercer son droit avec une diligence raisonnable après en avoir été informé. Sil ne le fait pas, alors, selon la Cour suprême dans laffaire Smith, les policiers ne sont pas obligés de sabstenir plus longtemps dessayer dobtenir un témoignage. Mis à part laffaire Brydges, la nature et la portée des informations qui doivent être données à un accusé pour que soient respectés les droits qui lui sont garantis par lalinéa 10b) nont pas été fixées de manière définitive. En plus dexiger que les détenus soient informés de leur droit aux services dun avocat, la Cour dappel de lÎle-du-Prince-Édouard, dans laffaire R. c. Matheson, a soutenu que laffaire Brydges voulait dire quil incombe à ceux qui sont responsables de ladministration de la justice dans la province de voir à ce que le service soit offert. Le droit den appeler devant la Cour suprême du Canada a été accordé dans laffaire Matheson et dans larrêt R. c. Prosper, dans lequel la Cour dappel de la Nouvelle-Écosse a exprimé une opinion différente. Les deux affaires ayant été portées en appel, la Cour suprême du Canada a statué que « lalinéa 10b) de la Charte na pas pour effet dimposer aux gouvernements une obligation positive de fournir un système davocats de garde selon Brydges, ou encore daccorder à toute personne détenue le droit analogue à des conseils juridiques gratuits et préliminaires 24 heures par jour ». Laffaire R. c. Burlingham a fourni à la Cour suprême du Canada loccasion dexaminer les obligations de la police ou du procureur de la Couronne à légard de la négociation de plaidoyer. Se prononçant au nom de la majorité de la Cour, le juge Iacobucci a estimé que lalinéa 10b) « exige que le ministère public ou les policiers qui font une offre de négocier un plaidoyer soumettent cette offre soit à lavocat de laccusé, soit à laccusé lui-même en présence de son avocat, à moins que laccusé nait expressément renoncé à son droit à lassistance dun avocat ». De plus, le juge a estimé que lalinéa 10b) interdisait aux policiers « de dénigrer lavocat dun accusé [...] dans le but ou avec comme résultat exprès de miner la confiance de laccusé en son avocat et sa relation avec lui ». La majorité des juges a également conclu que les policiers avaient porté atteinte au droit de Burlingham à laide dun avocat en présentant loffre directement à laccusé et en lui disant quelle ne serait valable que pendant un certain temps, au cours duquel les policiers savaient que son avocat ne serait pas disponible. En outre, comme la confession de laccusé, larme ayant servi au meurtre et le témoignage de la petite amie de laccusé nauraient pas été recevables en preuve, il nen aurait pas été tenu compte dans un nouveau procès, « sauf » pour ce qui est de la violation de la Charte. c. Utilisation de tests de sobriété Dans laffaire Therens, la Cour suprême du Canada a examiné lincidence des alcootests sur les droits prévus à lalinéa 10b) de la Charte. Voulant déterminer si une personne arrêtée ou détenue pour conduite avec facultés affaiblies devait être informée de son droit de consulter un avocat avant de décider de se soumettre à lalcootest, la Cour a fourni pour la première fois une définition détaillée du mot « détention » utilisé à larticle 10 de la Charte. Elle a statué que la détention consiste en une entrave à la liberté, autre quune arrestation, imposée par un policier ou un autre agent de lÉtat et ne se limitant pas à la restriction de la liberté daction. Il y a aussi détention, selon la Cour, si lindividu accepte cette entrave à sa liberté (en lespèce, la sommation de subir lalcootest) et se soumet parce quil na pas limpression de pouvoir agir autrement. La Cour a ajouté quaucune accusation davoir échoué lalcootest ou davoir refusé de fournir un échantillon dhaleine, comme le prévoit larticle 235, ne peut être portée contre un automobiliste contrevenant si celui-ci na pas été informé de son droit davoir recours sans délai à lassistance dun avocat. À la différence de larticle du Code criminel relatif aux sommations faites dans le cadre du programme ALERT, larticle 235 ne restreignait pas de façon implicite le droit à lassistance dun avocat. Par conséquent, la violation des droits prévus à lalinéa 10b) de la Charte ne découlait pas dune « règle de droit » au sens de larticle 1. La Cour a également statué que les policiers ne sont pas tenus de respecter lalinéa 10b) de la Charte lorsque la personne est accusée simplement de conduite avec facultés affaiblies plutôt que déchec de lalcootest ou de refus de fournir un échantillon dhaleine (lorsquil ne sagit pas du programme ALERT). En ce cas, lobtention déléments de preuve incriminants ne contrevient aucunement aux dispositions de la Charte. Bon nombre de décisions rendues par des tribunaux inférieurs depuis laffaire Therens ont fait évoluer le droit dintéressante façon. Lune dentre elles est la décision rendue par la section dappel de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse dans laffaire Baroni. Selon cette décision, les résultats dépreuves de coordination physique et de tests de sobriété menés par des agents de police le long de la route ne peuvent constituer des éléments de preuve lorsque lindividu soumis à ces tests na pas été informé au préalable de son droit dobtenir les services dun avocat conformément à lalinéa 10b) de la Charte. 3. Habeas corpus : alinéa 10c) Lexpression habeas corpus signifie littéralement « que tu aies le corps ». Ce terme sapplique à divers actes anciens qui obligeaient une personne qui en détenait une autre à amener celle-ci devant un tribunal ou un juge. Dans laffaire Gamble, la Cour suprême du Canada a insufflé une nouvelle vie à cette procédure lorsquelle a statué que lhabeas corpus pouvait, en certaines circonstances, être invoqué en application de la Charte. Dans cette affaire, lintimé avait été incarcéré après avoir été reconnu coupable dun meurtre au premier degré, en application de dispositions du Code criminel qui nétaient pas encore entrées en vigueur. Adoptant ce quelle a qualifié d« interprétation large de lhabeas corpus, fondée sur lobjet visé », la Cour a accordé réparation en vertu de cette procédure. Elle a jugé que toute personne jouit dun « droit résiduel à la liberté » au sens de larticle 7 et que, dans le cas à létude, lintimé avait été nettement privé de sa liberté, contrairement aux principes de la justice fondamentale. D. Irrecevabilité d'éléments de preuve en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte Le paragraphe 24(1) de la Charte prévoit des mesures à lintention des personnes accusées qui sont victimes de violation ou de négation des droits qui leur sont garantis par la Charte. Ces personnes peuvent sadresser à un « tribunal compétent» pour obtenir la réparation que le tribunal estime « convenable et juste ». Le paragraphe 24(2) permet ensuite à ce tribunal dexclure les éléments de preuve qui ont été obtenus dans des conditions qui portaient violaient ou niaient les droits garantis par la Charte sil est établi que lutilisation de ces éléments de preuve « est susceptible de déconsidérer ladministration de la justice ». Étant donné que la Charte ne définit pas ce quelle entend pas « tribunal compétent », cest aux tribunaux quil revient de déterminer quels tribunaux sont habilités à exclure des éléments de preuve dans les circonstances décrites au paragraphe 24(2). Par exemple, dans R. c. Mills, la Cour suprême du Canada a déclaré quun juge dune cour provinciale présidant une enquête préliminaire nest pas considéré comme un tribunal compétent. Dans laffaire Mooring c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles), la Cour suprême du Canada a affirmé également que la Commission nationale des libérations conditionnelles nest pas un tribunal compétent aux fins de lexclusion déléments de preuve pour la simple raison que ces éléments de preuves ont été recueillis dune manière qui enfreignait les droits que la Charte garantissait à un contrevenant. La Cour suprême du Canada a précisé que seule une personne victime de violation des droits qui lui sont garantis par la Charte peut se prévaloir de la réparation prévue au paragraphe 24(2). Dans laffaire R. c. Edwards, laccusé a demandé au tribunal de déclarer irrecevables comme élément de preuve les drogues qui avaient été saisies à lappartement de son amie, invoquant une violation de larticle 8 de la Charte. Estimant que laccusé nétait quun « invité privilégié » et quil nétait pas habilité à décider qui avait accès à lappartement ou non, une majorité au tribunal a soutenu quil « ne pouvait pas raisonnablement sattendre au respect de sa vie privée » dans lappartement. Par conséquent, étant donné quil ny avait pas eu violation des droits qui lui sont garantis par larticle 8 de la Charte, il ne pouvait pas contester la recevabilité des éléments de preuve conformément au paragraphe 24(2) de la Charte. La Cour suprême sest penchée, dans laffaire Black, sur la relation causale pouvant exister entre la violation des droits garantis à lalinéa 10b) et lobtention déléments de preuve. Au cours de lenquête entourant laffaire en question (une accusation de meurtre), la police avait retrouvé larme utilisée (un couteau) après avoir reçu une déposition écrite de lappelante. La Cour a jugé que les policiers avaient alors violé les droits de lappelante garantis à lalinéa 10b) de la Charte; ils avaient poursuivi linterrogatoire de cette dernière malgré quelle fût ivre et quelle eût clairement demandé auparavant de consulter son avocat. Cest pourquoi tout élément de preuve recueilli à ce moment ou par la suite devait être rejeté. Dans laffaire R. c. Elschaw, la Cour suprême du Canada sest penchée sur les critères quil convient dappliquer en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte pour déterminer si les déclarations incriminantes obtenues en violation des droits que confère à laccusé lalinéa 10b) de la Charte peuvent être admises en preuve ou non. La Cour a statué que lirrecevabilité des déclarations ainsi obtenues doit constituer la règle et non lexception. Constatant que les éléments de preuve illégalement obtenus avaient largement contribué à faire condamner laccusé et quil nétait aucunement urgent ou nécessaire dobtenir de tels renseignements de laccusé pendant sa détention, la Cour a ordonné que les preuves soient écartées. La majorité des juges a soutenu que lutilisation de ces éléments de preuve constituerait, dans « lensemble », une erreur de droit ou une erreur judiciaire grave. Pour ce motif, le sous-alinéa 686(1)b)(iii) du Code criminel ne peut être invoqué pour corriger les erreurs commises par un tribunal. Dans les affaires R. c. Burlingham (droit à lassistance dun avocat) et R. c. Silveira (fouille ou saisie abusives), la Cour suprême a étudié les facteurs déjà examinés à fond dans laffaire R. c. Collins relativement à lexclusion déléments de preuve aux termes du paragraphe 24(2). Elle a jugé que les trois principaux sont : « a) Lutilisation de la preuve porte-t-elle atteinte à léquité du procès? b) Quelle est la gravité de la violation de la Charte? et c) Quel serait leffet de lexclusion de la preuve sur la considération dont jouit le système? » Les réponses à ces questions peuvent dépendre dun certain nombre de facteurs, notamment la nature des éléments de preuve et la question de savoir sils auraient vraisemblablement pu être obtenus dune autre façon, la présence ou labsence de bonne foi chez les policiers, et la gravité du crime. La Cour suprême du Canada a depuis évalué les répercussions des éléments de preuve obtenus illégalement sur léquité dun procès. Pour ce faire, elle a vérifié si la preuve avait été obtenue en mobilisant laccusé contre lui-même ou non : lorsque laccusé est forcé, contrairement aux droits qui lui sont garantis par la Charte, à « sincriminer lui-même par une déclaration ou par lutilisation en preuve de son corps ou de ses substances corporelles, elle sera qualifiée de preuve obtenue en mobilisant laccusé contre lui-même ». Dans laffaire R. c. Stillman, le tribunal a déclaré que le fait de recevoir des preuves qui ont été obtenues en mobilisant laccusé contre lui-même rendra le procès injuste si le ministère public ne parvient pas à montrer selon toutes probabilités que cet élément de preuve aurait été découvert autrement, en ne mobilisant pas laccusé contre lui-même. Étant donné quun procès injuste aurait nécessairement pour effet de déconsidérer ladministration de la justice, le tribunal, en général, déclare ces éléments de preuve irrecevables sans autre délibération. Le projet de loi C-109, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la responsabilité civile de lÉtat et le contentieux administratif et la Loi sur la radiocommunication, L.C. 1993, chap. 40, est entré en vigueur le 1er août 1993. La Loi a comblé les lacunes législatives quavaient fait ressortir de récentes décisions rendues par les tribunaux en ce qui a trait à la surveillance policière. Elle contient aussi des dispositions concernant labus possible que pourraient entraîner les nouvelles techniques de communications. Le projet de loi C-104, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les jeunes contrevenants (analyse génétique à des fins médicolégales), L.C. 1994-1995, chap. 27, est entré en vigueur le 13 juillet 1995. Il confère à la police le droit de demander un mandat de saisie et, si ce mandat est accordé, lautorise à procéder au prélèvement dun échantillon dune substance corporelle dune personne pour analyse génétique à des fins médicolégales. Un mandat peut être délivré pour faire enquête seulement sur certaines infractions désignées; le tribunal doit aussi être convaincu quil y a des motifs raisonnables de croire que la personne en question a participé à la perpétration dune infraction désignée et que lanalyse génétique permettra de confirmer ou dinfirmer sa participation. Projet de loi C-16, Loi modifiant le Code criminel et la Loi dinterprétation (arrestation et entrée dans les habitations), L.C. 1997, chap. 39. En réponse à laffaire R. c. Feeney, le projet de loi C-16 a établi des procédures permettant aux agents de la paix dobtenir une autorisation judiciaire pour pénétrer dans une maison dhabitation afin de procéder à larrestation de suspects ou daccusés. Collins c. La Reine, [1987] 1 R.C.S. 265 Comité paritaire c. Potash, [1994] 2 R.C.S. 406 Dedman c. R., [1985] 2 R.C.S. 673 Dersch c. Canada, [1990] 2 R.C.S. 1505 Hufsky c. R., [1988] 1 R.C.S. 621 Langlois et Bédard c. Cloutier, [1990] 1 R.C.S. 158 Mellenthin c. La Reine, [1992] 3 R.C.S. 615 Ministre du Revenu national c. Kruger Inc. (1984), 84 D.T.C. 6478 (C.F. Appel) Mooring c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles), [1996] 1 R.C.S. 75 R. c. Amos (1982), 8 W.C.B. 183 (C.S. T.N.-O.) R. c. Baig, [1987] 2 R.C.S. 537 R. c. Baroni, Section dappel de la Nouvelle-Écosse (non publié) R. c. Beare; R. c. Higgins, [1988] 2 R.C.S. 387 R. c. Belnavis, [1997] 3. R.C.S. 341 R. c. Black, [1989] 2 R.C.S. 138 R. c. Borden, [1994] 3 R.C.S. 145 R. c. Brydges, [1990] 1 R.C.S. 190 R. c. Burlingham, [1995] 2.R.C.S. 206 R. c. Cameron (1984), 16 C.C.C. (3d) 240 (C.A. C.-B.) R. c. Caron (1982), 31 C.R. (3d) 255 (C. dist. Ont.) R. c. Caslake, [1998] 1 R.C..S. 51 R. c. Chapin (non publié) R. c. Colarusso, [1994] 1 R.C.S. 20 R. c. Cook, [1998] 2 R.C.S. 597 R. c. Debot, [1989] 2 R.C.S. 1140 R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30 R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417 R. c. Edwards, [1996] 1 R.C.S. 128 R. c. Elshaw, [1991] 3 R.C.S. 24 R. c. Evans, [1991] 1 R.C.S. 869 R. c. Evans, 25 janvier 1996, Cour suprême du Canada R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13 R. c. Fraser (non publié) R. c. Gamble, [1988] 2 R.C.S. 595 R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421 R. c. Grant, [1993] 3 R.C.S. 223 R. c. Greffe, [1990] 1 R.C.S. 755 R. c. Harrer, [1995] 3 R.C.S. 562 R. c. Heisler (1983), 9 W.C.B. 352 (C.P. Alb.) R. c. I. (L.R.) et T. (E.), [1993] 4 R.C.S. 504 R. c. Imough (no 2) (1982), Canadian Charter of Rights Ann. 13-23 (C.P. Ont.) R. c. Ironchild, Canadian Charter of Rights Ann. 15-13 (B.R. Sask.) R. c. Kelly (1985), Canadian Charter of Rights Ann. 15.2-12 (C.A. Ont.) R. c. Kokesch, [1990] 3 R.C.S. 3 R. c. Krist, 14 juillet 1995, Cour dappel de lOntario R. c. Ladouceur, [1990] 1 R.C.S. 1257 R. c. Lauda, [1998] 2 R.C.S. 683 R. c. M. (M.R.), [1998] 3 R.C.S. 393 R. c. Manninen, [1987] 1 R.C.S. 1233 R. c. Matheson, [1994] 3 R.C.S. 328 R. c. Mercer (1992), 7 O.R. (3d) 9 (C.A.) R. c. Mills, [1986] 1 R.C.S. 863 R. c. Monney, [1999] 1 R.C.S. 652 R. c. Nelson (1982), 3 C.C.C. (3d) 147 (B.R. Man.) R. c. Plant, [1993] 3 R.C.S. 281 R. c. Prosper, [1994] 3 R.C.S. 236 R. c. Rao (1984), 9 D.L.R. (4th) 542 (C.A. Ont.) R. c. Ross, [1989] 1 R.C.S. 3 R. c. Roy (1985), 15 W.C.B. 347 (H.C. Ont.) R. c. Shea (1982), 1 C.C.C. (3d) 316 (H.C. Ont.) R. c. Silveira, [1995] 2 R.C.S. 297 R. c. Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495 R. c. Smith, [1989] 2 R.C.S. 368 R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607 R. c. Storrey, [1990] 1 R.C.S. 241 R. c. Terry, [1996] 2 R.C.S. 207 R. c. Therens (1985), 18 D.L.R. (4th) 655 (C.S.C.) R. c. Thompson, [1990] 2 R.C.S. 1111 R. c. Wiggins, [1990] 1 R.S.C. 62 R. c. Whittle, 1er septembre 1993 (C.S.C.) R. c. West, décembre 1997, Cour dappel de la Colombie-Britannique R. c. Wise (1992), C.S.C. (non publié) R. c. Wong, [1990] 3 R.C.S. 36 Renvoi Re. Manitoba Language Rights [1985] 1 R.C.S. 863 Schreiber c. Canada (Procureur général), [1998] 1 R.C.S. 841 Southan Inc. c. Hunter, [1984] 2 R.C.S. 145 Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et des recherches Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425 Weatherall c. Canada (Procureur général), [1993] 2 R.C.S. 872 * La première version de ce bulletin d'actualité a été publiée en février 1992. Le document a été périodiquement mis à jour depuis. |