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PRB 99-9F
UNE UNION MONÉTAIRE AVEC LES ÉTATS-UNIS :
Rédaction : TABLE DES MATIÈRES ARGUMENTS EN
FAVEUR D'UNE UNION MONÉTAIRE ARGUMENTS CONTRE
UNE UNION MONÉTAIRE UNE UNION MONÉTAIRE
AVEC LES ÉTATS-UNIS : Ces derniers mois, il a été beaucoup question de la possibilité dune union monétaire entre le Canada et les États-Unis. Divers scénarios ont été proposés pour mettre un tel changement en uvre. Cependant, le public est souvent déconcerté car les spécialistes passent, sans le préciser, de lun à lautre des différents concepts dunion monétaire. Une union monétaire avec les États-Unis nécessiterait strictement la création dune nouvelle monnaie, comme « laméro » proposé par le professeur Herbert Grubel, qui serait appelée à remplacer les dollars américain et canadien actuels. Cette option est généralement jugée irréaliste, étant donné le profond attachement des Américains à leur billet vert. Les deux pays pourraient cependant trouver une autre façon dutiliser la même monnaie grâce à la « dollarisation ». Brièvement, cela veut dire que le Canada adopterait le dollar américain, comme certains pays (Panama et Liberia) lont déjà fait ou comme certains autres songent à le faire (Argentine). La dollarisation entraînerait la plus grande perte de souveraineté sur la politique monétaire canadienne. La monnaie remplit trois fonctions : elle constitue une unité de compte, un intermédiaire pour les échanges et une réserve de valeur. Des régimes monétaires différents ont donc des effets différents sur ces fonctions. Arguments en faveur dune union monétaire entre le Canada et les États-Unis Le Canada et les États-Unis ont déjà conclu un accord sur les échanges commerciaux appelé lAccord de libre-échange (ALÉ), qui englobe maintenant le Mexique (ALÉNA). Cet accord, conjointement avec le développement dune intégration économique très poussée entre les deux pays, a énormément accru le volume des échanges au cours des dix dernières années. Une monnaie commune éliminerait de nombreux irritants et lincertitude liée au taux de change flottant; elle contribuerait par conséquent à réduire les coûts découlant de cette incertitude. En fait, beaucoup soutiennent quune monnaie commune serait un bon complément à lALÉNA et quelle accroîtrait les avantages de cet accord. Les industries canadiennes qui commercent avec leurs équivalents américains doivent, en plus dassumer les coûts découlant de lincertitude, porter les coûts des opérations de change. John Murray, le chef du département des relations internationales à la Banque du Canada, a évalué ces coûts à près de trois milliards de dollars par année. Utiliser la même monnaie que les États-Unis ferait donc épargner beaucoup dargent à ces industries. Éliminer le risque associé au taux de change contribuerait également à réduire les taux dintérêt sur la dette, surtout les obligations à long terme, en raison principalement de la réduction de la prime de risque. Les taux dintérêt canadiens sont maintenant plus bas que les taux américains, en raison surtout du taux dinflation moins élevé au Canada; toutefois, les taux dintérêt réels canadiens ont encore tendance à être plus élevés que les taux américains. Une monnaie commune ferait baisser les taux dintérêt, ce qui stimulerait les investissements et serait bénéfique pour léconomie grâce à une productivité accrue. Sous le régime dune monnaie commune, les prix au Canada et aux États-Unis seraient plus faciles à comparer. Cette facilité de comparaison faciliterait lapplication des lois antidumping et réduirait la tension entre les deux pays. Cela contribuerait en outre à accroître la compétitivité et lefficacité. De nombreuses entreprises font valoir que, puisquil leur faut déjà annoncer leurs marchandises et leurs services en dollars américains, il serait logique de « dollariser » léconomie dès que possible. En concluant une union monétaire avec les États-Unis, le Canada devrait cesser de recourir à la dévaluation de sa monnaie, un outil quil a employé dans le passé. Beaucoup soutiennent quun dollar plus faible dissimule une productivité plus faible. Les industries ne ressentent pas le besoin deffectuer dimportants changements structurels pour sadapter aux changements sur le marché, ce qui se traduit par une baisse de compétitivité à moyen et long terme. Utiliser le dollar américain empêcherait une telle chose de se produire. Un autre argument en faveur dune union monétaire avec les États-Unis réside dans le besoin dune défense contre leuro; adopter le dollar américain ferait peut-être contrepoids à lincidence de la zone euro sur léconomie canadienne. Cette réaction politique éviterait la marginalisation du dollar canadien dans un monde où trois grandes zones monétaires pourraient apparaître : celle de leuro en Europe, celle du yen en Asie et celle du dollar dans lhémisphère occidental. En effet, les partisans dune monnaie commune considèrent cela inévitable et croient que le Canada devrait entamer rapidement des négociations tandis quil dispose encore dune certaine marge de manuvre. Les économistes ont également observé que, durant la crise économique de lannée dernière en Asie, les capitaux à court terme ont afflué massivement dans des investissements libellés en dollars américains. Cela na été étonné personne car le dollar américain représente une valeur refuge bien connue pour les investisseurs. Adopter la monnaie américaine mettrait par conséquent le Canada à labri des assauts de la spéculation durant les périodes de fortes turbulences. Enfin, les politiques monétaires américaines ont, par le passé, mieux réussi à contrôler linflation que les politiques canadiennes, bien que cela ne soit pas vrai aujourdhui. Arguments contre une union monétaire entre le Canada et les États-Unis En théorie, pour quune union monétaire fonctionne, les pays doivent se trouver dans une « zone monétaire optimale ». Les pays participants doivent avoir des structures économiques similaires ainsi quune pleine mobilité des facteurs de production (capitaux et main-duvre). Beaucoup affirment que ce nest pas le cas pour le Canada et les États-Unis. Léconomie du Canada est encore fortement basée sur les ressources naturelles et donc très différente de celle de son voisin. Comme le Canada et les États-Unis ne représentent pas une zone monétaire optimale, une union monétaire entre les deux ne serait pas optimale, surtout pour le Canada. Les réactions aux chocs externes ¾ qui seffectuent présentement au moyen des fluctuations du taux de change canadien ¾ devraient seffectuer au moyen de la politique budgétaire, des mouvements de capitaux et de main-duvre et des changements dans les prix des facteurs de production. Étant donné la rigidité des prix des facteurs de production au Canada, cela se traduirait pas une production plus faible et par une diminution des emplois. La capacité damortisseur du taux de change actuellement flexible serait complètement perdue. Gordon Thiessen, le gouverneur de la Banque du Canada, a soutenu que, sans un système de taux de change flexible, nous aurions pu connaître une profonde récession au cours de lannée dernière. Autre argument important, sous le régime dune monnaie commune, le Canada serait dominé de façon écrasante par les États-Unis. Inévitablement, le Canada perdrait un degré considérable de contrôle sur sa politique monétaire. Le Canada ne pourrait pas aspirer à être davantage quun treizième district de la Réserve fédérale américaine ¾ dans le meilleur des cas. Les Américains se préoccuperaient de leurs propres intérêts, malgré la présence du Canada. De plus, comme il y a plusieurs différences structurelles entre les deux économies, les décisions américaines pourraient nuire à léconomie canadienne. Nous observons déjà quelque chose de similaire; beaucoup de gens prétendent que la Banque du Canada mène sa politique monétaire pour répondre aux besoins de lOntario et que la Colombie-Britannique, par exemple, tirerait profit dune politique monétaire plus expansionniste. Sous le régime dun accord de monnaie commune avec les États-Unis, la situation pourrait devenir encore pire pour les petites économies provinciales fondées sur les ressources naturelles comme celles du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve. Enfin, un tel accord entre les deux pays entraînerait une diminution annuelle de 1,4 milliard de dollars des recettes du gouvernement canadien qui résultent du seigneuriage national (le droit de battre monnaie). Il y a autant darguments en faveur que darguments contre une union monétaire entre le Canada et les États-Unis. Il est difficile de dire lesquels sont les meilleurs. Ce qui nest présentement quun débat didées pourrait bientôt en devenir un à caractère politique et financier. Le débat est en cours, et les Canadiens en sont maintenant saisis par le truchement des journaux ainsi que des politiciens et des analystes favorables à une union monétaire avec les États-Unis. Compte tenu de ses aspects nationalistes et de ses incidences sur la vie de tous les jours des Canadiens, le débat promet dêtre encore plus important et plus controversé que celui qua suscité laccord de libre-échange. |