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LS-320F
PROJET DE LOI C-40 : UNE
NOUVELLE LOI
SUR L'EXTRADITION
Rédaction :
David Goetz
Division du droit et du gouvernement
Le 10 septembre 1998
Révisé le 30 novembre 1998
HISTORIQUE DU PROJET DE LOI C-40
CHAMBRE DES COMMUNES |
SÉNAT |
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Étape du Projet de loi | Date | Étape du projet de loi | Date |
Première lecture : | 5 mai 1998 | Première lecture : | 2 décembre 1998 |
Deuxième lecture : | 20 octobre 1998 | Deuxième lecture : | 10 décembre 1998 |
Rapport du comité : | 25 novembre 1998 | Rapport du comité : | 25 mars 1999 |
Étape du rapport : | 30 novembre 1998 | Étape du rapport : | |
Troisième lecture : | 1 décembre 1998 | Troisième lecture : | 12 mai 1999 |
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TABLE DES MATIÈRES
A. Extradition du Canada
1.
Nouvelle terminologie (article 2)
a. « Accord dextradition »
b. « Partenaire »
2. Situations donnant lieu à lextradition
3. Fonctions du ministre de la Justice
4. Publication des accords dextradition
5.
Accords spécifiques
6. Réception des demandes dextradition
7.
Mandat darrestation provisoire
8.
Arrêté introductif dinstance
9.
Mandat darrestation ou sommation
10.
Comparution devant le tribunal et mise en liberté provisoire par voie judiciaire
11.
Consentement à lincarcération et à lextradition et renonciation à la
procédure dextradition
12.
Audience dextradition
13. Règles
de la preuve
a. Aperçu
b. Dossier dinstruction certifié
c. Éléments de preuve obtenus au Canada
d. Divers
14. Responsabilités et pouvoirs du juge qui rend
lordonnance dincarcération
15. Refus
dextradition
a. Motifs de refus dans tous les cas
b. Autres motifs de refus en labsence dun accord
bilatéral
c. Libération en cas de refus dextradition
16.
Extradition
17. Appel de la
décision dincarcération en vue de lextradition
18.
Contrôle judiciaire de lordonnance dextradition rendue par le Ministre
19. Recours
en cas de retard dextradition
20.
Extradition temporaire
B. Statut de réfugié et extradition
C. Extradition au Canada
1. Demande
dextradition
2.
Transfert sous lautorité du Canada
3. Maintien
de la règle de la spécificité
4.
Extradition temporaire au Canada
D. Transit de personnes extradées par le Canada
E. Assistance juridique mutuelle
1. La Loi
sur lentraide juridique en matière criminelle
2.
Assistance juridique mutuelle et tribunaux criminels internationaux
3. Accord
dentraide juridique
4.
Témoignages par le biais de techniques audiovisuelles
F. Les témoignages audiovisuels et le Code criminel
ANNEXE:
EXTRADITION DU CANADA SELON LE PROJET DE LOI C-140
(GRAPHIQUE DE CHEMINEMENT)
PROJET DE LOI C-40 : UNE NOUVELLE
LOI SUR LEXTRADITION
Le projet de loi C-40 a été déposé à la Chambre des Communes et a franchi létape de la première lecture le 5 mai 1998. Il sagit dune refonte importante du droit relatif à lextradition au Canada.
Par extradition, on entend le processus juridique par lequel un État livre des personnes présentes sur son territoire à un autre État pour quelles y soient poursuivies ou punies en raison de crimes commis dans cet autre État. Cest un mécanisme nécessaire en partie à cause de la notion durable de souveraineté nationale. Le respect de la souveraineté nationale signifie tout dabord que lÉtat qui veut arrêter, poursuivre et punir des personnes se trouvant sur le territoire dun autre État ne peut pas simplement les y appréhender directement, encore que lon ait parfois eu recours à cette méthode. Les agents et les mandats du premier État nont pas de statut juridique dans le second. Le respect de la souveraineté nationale interdit également au second État de poursuivre le criminel présumé, puisquil nest pas compétent pour le faire au regard des crimes commis sur le territoire dun autre État.
Les États souhaitent bien entendu sentraider en se livrant les personnes qui ont commis des crimes en dehors de leur territoire. Bien quils aient sans doute des raisons assez égoïstes de vouloir sen débarrasser et déviter dêtre un havre pour les criminels, les États inscrivent souvent les facteurs incitant à accueillir favorablement les demandes dextradition sous la rubrique des « considérations de courtoisie internationale ». Le droit relatif à lextradition se trouve en quelque sorte au carrefour des principes de la souveraineté nationale et de la territorialité dans la juridiction pénale et de la promotion de la courtoisie internationale. Comme les dimensions transnationales accroissent la vulnérabilité de tous les pays à légard de la criminalité, le droit relatif à lextradition a de plus en plus tendance à mettre laccent sur le principe de la courtoisie internationale et donc à faciliter lextradition. Les modifications proposées dans le projet de loi C-40 sont tout à fait dans le droit fil de cette tendance.
Les articles 129 et 130 du projet de loi permettraient dabroger respectivement lactuelle Loi sur lextradition(1) (promulguée pour la première fois en 1877) et la Loi sur les criminels fugitifs(2) (promulguée pour la première fois en 1882). Tous les cas de figure seraient regroupés sous un même régime dextradition. À lheure actuelle, la Loi sur les criminels fugitifs prévoit entre les pays du Commonwealth une procédure dextradition qui est, du point de vue du régime et de la méthode, distincte de la procédure dextradition prévue par la Loi sur lextradition, bien quelle y soit très similaire.
Aux termes de la nouvelle Loi, la procédure de base et les principales conditions dextradition resteraient les mêmes. Il y a extradition si, après audition, un juge estime que les preuves attestent que linfraction présumée a effectivement été commise et quelle est également considérée comme un crime au Canada. Si le juge est convaincu de ce fait, il fait écrouer lintéressé en attendant son extradition par le ministre de la Justice. Après un délai permettant de présenter des observations écrites, le ministre de la Justice décide du sort de lintéressé (rappel que la décision dextrader des personnes se trouvant sur le territoire canadien appartient en fin de compte à lexécutif)(3). De plus, le projet de loi conserverait les modifications de 1992 (L.C. (1992), ch. 13), qui avaient pour objet de simplifier et daccélérer la procédure dextradition en établissant un système regroupé et combiné dappel (de la décision judiciaire relative à lincarcération) et de contrôle judiciaire (de la décision exécutive relative à lextradition).
Le projet de loi C-40 propose également un certain nombre de changements législatifs qui ont généralement pour objet dassouplir le système. Les changements importants seraient les suivants :
Adoption dun code de procédure plus détaillé eu égard au processus dextradition, notamment des échéances pour les diverses décisions et étapes de la procédure.
Remplacement de la liste actuelle des « crimes donnant lieu à lextradition » par une norme définissant les « situations donnant lieu à lextradition ».
Assouplissement des règles de la preuve actuelles pour permettre dentendre des preuves fournies par dautres États et qui pourraient ne pas être recevables dans le cadre dun procès au Canada, mais le seraient dans lÉtat qui demande lextradition.
Permission de conclure des ententes particulières dextradition lorsquil nexiste pas daccord général dextradition.
Adoption de dispositions explicites concernant le renoncement à lextradition et la possibilité dincarcérer et de livrer lintéressé par consentement.
Adoption de dispositions concernant la possibilité de livrer temporairement des personnes condamnées pour quelles subissent leur procès ailleurs et vice-versa.
Le projet de loi entraînerait la modification de la Loi sur limmigration(5) en raison des cas où il y aurait demande de statut de réfugié au cours de la procédure dextradition. Aux termes du projet de loi C-40, dans certains cas, la décision relative au statut de réfugié serait concommitante à la décision relative à lextradition. Les personnes extradées pour des infractions qui, au Canada, seraient sanctionnées par des peines allant jusquà dix ans ou plus de prison seraient réputées non admissibles au statut de réfugié.
Le projet de loi C-40 comporte également des propositions de modification à la Loi sur lentraide juridique en matière criminelle(6), à la Loi sur la preuve au Canada(7) et au Code criminel(8) pour permettre de fournir et de recevoir des témoignages par le biais de communications audiovisuelles en direct.
1. Nouvelle terminologie (article 2)
Un traité ou toute autre entente ayant trait à lextradition, considérés actuellement comme des « traités dextradition », seraient désormais envisagés comme des « accords dextradition » et seraient définis comme suit : « accord en vigueur auquel le Canada est partie, qui porte en tout ou en partie sur l'extradition, à l'exception de tout accord spécifique »(9). Cette nouvelle définition permettrait de couvrir les ententes multilatérales et internationales en plus des ententes bilatérales, ainsi que les ententes ayant trait à des questions plus vastes et où lextradition peut nêtre quun aspect. À lheure actuelle, la notion de « traité dextradition » est définie comme suit : « traité, convention ou arrangement conclu par Sa Majesté avec un État étranger et liant le Canada en matière dextradition de criminels fugitifs ».
Le projet de loi remplacerait lexpression « État étranger » par « partenaire ». Ce changement a principalement pour objet de tenir compte de lexistence des tribunaux criminels internationaux auxquels le Canada désirerait livrer des personnes.
Le terme « partenaire » est défini comme suit : « État ou entité qui est soit partie à un accord dextradition, soit signataire dun accord spécifique avec le Canada ou dont le nom figure à lannexe ». Lannexe du projet de loi énumère trente-et-un États et les deux tribunaux de guerre internationaux spéciaux (qui soccupent respectivement des crimes commis dans lancienne Yougoslavie et au Rwanda), qui seraient considérés comme des « partenaires » selon le paragraphe 9(1). Le paragraphe 9(2) permettrait au ministre des Affaires étrangères, avec laccord du ministre de la Justice, dordonner que des États ou entités soient ajoutés ou supprimés dans la liste des partenaires dextradition.
Larticle 2 définit comme suit les termes « État ou entité » :
a) un État étranger;
b) une province, un État ou une autre subdivision politique dun État étranger;
c) une colonie, une dépendance, une possession, un territoire géré en condominium ou placé sous le protectorat, la tutelle ou, dune façon générale, la dépendance dun État étranger;
d) un tribunal pénal international;
e) un territoire.
Comme nous lavons dit, le principal changement proposé par cette nouvelle définition est lajout des tribunaux internationaux parmi les partenaires auxquels le Canada pourrait livrer des fugitifs.
Cette inclusion des tribunaux internationaux parmi les « entités » visées par la Loi est la source des remaniements de texte et changements corrélatifs apportés dans lensemble du projet de loi.
2. Situations donnant lieu à lextradition
Larticle 3 définit les conditions dextradition aux termes de la nouvelle Loi proposée. On conserverait le principe de la correspondance des infractions, cest-à-dire que le Canada ne livrerait que des personnes recherchées pour un crime qui est également un crime ici (qui, actuellement, ne sapplique pas aux personnes livrées au sein du Commonwealth aux termes de la Loi sur les criminels fugitifs). Larticle 3 remplacerait cependant le concept actuel des « crimes donnant lieu à lextradition » énumérés dans la Loi par un critère fondé sur le seuil de peine maximum. Cette approche permettrait entre autres dajouter automatiquement de nouvelles infractions sans quil soit nécessaire de modifier la Loi.
Aux termes du paragraphe 3(1), toute personne pourrait être extradée du Canada, en conformité avec la Loi proposée et tout accord applicable, à la demande dun partenaire [voir la définition ci-haut] eu égard à :
a) une infraction punissable par le partenaire par une privation de liberté de deux ans ou plus ou par une peine plus sévère;
b) une conduite punissable au Canada (si les actes avaient été commis au Canada), dans le cas où la demande dextradition renvoie à un accord spécifique, par une peine demprisonnement de cinq ans ou par une peine plus sévère ou, dans tous les autres cas, par une peine demprisonnement de deux ans ou par une peine plus sévère.
Dans le cas dune personne déjà condamnée, le paragraphe 3(3) limiterait lextradition aux cas où la personne recherchée par lÉtat ou lentité qui demande lextradition doit encore purger au moins six mois de la peine ou purger une peine plus sévère. Exception faite de lexigence que la conduite qui justifie une demande dextradition renvoyant à un accord spécifique devrait être punissable au Canada par une peine maximale de cinq ans de prison ou par une peine plus sévère, les autres seuils de peine prévus aux paragraphes 3(1) et 3(3) sont explicitement assujettis à lexistence dun « accord applicable ». Cela signifie que ces seuils pourraient être abaissés si le Canada concluait des traités ou dautres ententes internationales à cet égard(10).
Le paragraphe 3(2) expliciterait le fait que, concernant lapplication du critère énoncé au paragraphe 3(1), la conduite en question devrait pouvoir être considérée comme une infraction dans les deux États (le partenaire qui demande lextradition et le Canada). Les différences de désignation, de définition ou de caractérisation de linfraction entre le Canada et lÉtat qui demande lextradition nauraient pas dimportance.
Aux termes de larticle 4, la libération dune personne à la suite dune audience dextradition nexclurait pas la possibilité dautres tentatives pour lextrader, à moins que le juge soit davis que de telles démarches ne constituent un abus du processus judiciaire.
Larticle 5 prévoit quune personne pourrait être extradée même si les actes pour lesquels on demande son extradition nont pas été commis sur le territoire du partenaire qui demande lextradition et même si le Canada ne pourrait exercer sa compétence dans des circonstances analogues. Cette disposition est proposée pour régler le problème des activités criminelles à dimensions transnationales. Elle permettrait dempêcher que les règles canadiennes applicables à la compétence en matière de poursuites servent à entraver les poursuites intentées par dautres États aux règles moins strictes, et cela éliminerait le risque que le Canada ne devienne, pour cette raison, une base opérationnelle pour ce genre dactivités criminelles transnationales ou un lieu de refuge après coup. Aux termes de larticle 5, lévaluation de la validité de la compétence du partenaire qui demande lextradition serait en fait confiée au Ministre ou, après lextradition, en fonction du droit et des procédures internes du partenaire(11).
Larticle 6 prévoit que lextradition serait possible même si les actes reprochés ont été commis avant lentrée en vigueur de la Loi proposée ou de tout accord général ou spécifique dextradition applicable.
3. Fonctions du ministre de la Justice
Aux termes de larticle 7, le ministre de la Justice [ci-après le Ministre] serait chargé de lapplication des accords dextradition, de lapplication de la Loi proposée et du traitement des demandes dextradition déposées en vertu de la Loi ou de ces accords.
4. Publication des accords dextradition
Larticle 8 prévoit que, dans les soixante jours suivant son entrée en vigueur, tout accord dextradition devrait être publié soit dans le Recueil des traités du Canada, soit dans la Gazette du Canada. Une fois publiés, les accords seraient de notoriété publique (cest-à-dire que leur existence et leur contenu nauraient pas à être prouvés dans le cadre dune procédure). Cela changerait la règle actuelle énoncée à larticle 8 de la Loi, qui dispose que seuls les accords publiés dans la Gazette du Canada peuvent être considérés comme de notoriété publique. Cela éliminerait également lexigence légale actuelle énoncée à larticle 7 de la Loi concernant cette publication et la présentation de ces accords aux deux chambres du Parlement.
Le paragraphe 10(1) prévoit la conclusion dententes avec dautres États ou entités pour donner force de loi aux demandes dextradition dans certains cas. Il sagirait dune nouvelle disposition applicable aux cas où il nexiste pas daccord dextradition général.
Ces accords pourraient être conclu par le ministre des Affaires étrangères, avec laccord du ministre de la Justice. Le paragraphe 10(2) prévoit que la Loi proposée lemporterait au cas où il y aurait incompatibilité entre ses dispositions et celles dun accord spécifique. Aux termes du paragraphe 10(3), un certificat délivré par ou au nom du ministre des Affaires étrangères attesterait de façon concluante lexistence dudit accord spécifique, ainsi que son contenu.
6. Réception des demandes dextradition
Aux termes de larticle 11, le partenaire qui désire obtenir larrestation provisoire ou lextradition dune personne devrait adresser sa demande au ministre de la Justice et il pourrait le faire par lintermédiaire dInterpol. Cette disposition permettrait aux autorités étrangères ou internationales compétentes de transmettre leur demande directement au ministre responsable au lieu de passer par les voies diplomatiques, comme le protocole lexigerait autrement.
7. Mandat darrestation provisoire
Si, après quun partenaire lui a demandé de procéder à larrestation provisoire dune personne, le ministre de la Justice est convaincu que cette demande a trait à une infraction qui remplit le critère du seuil de peine énoncé à lalinéa 3(1)a) et que le partenaire fera une demande dextradition, il pourrait, aux termes de larticle 12, autoriser le procureur général du Canada [ci-après le procureur général] à demander un mandat darrestation provisoire.
Le paragraphe 13(1) prévoit quun juge (de la cour supérieure de la province ou du territoire en question) pourrait délivrer ce genre de mandat à la demande ex parte du procureur général (cest-à-dire en labsence de lautre partie, autrement dit du fugitif présumé). Pour ce faire, le juge devrait être convaincu : quil est nécessaire et dans lintérêt public darrêter lintéressé, par exemple, pour lempêcher de séchapper ou de commettre une infraction; que celui-ci réside habituellement au Canada; quil est venu au Canada ou quil se dirige vers le Canada; et quun mandat darrestation ou une autre ordonnance du même genre a déjà été délivré (par le partenaire qui demande lextradition) ou que la personne a déjà été condamnée pour ladite infraction. Le paragraphe 13(2) fixerait certaines conditions techniques concernant le contenu de ces mandats darrestation provisoire. Aux termes du paragraphe 13(3), un mandat darrestation provisoire ainsi délivré pourrait être exécuté nimporte où au Canada sans avoir à être visé; ainsi, un mandat provisoire délivré par un juge compétent dans une province ou un territoire pourrait être exécuté dans une autre province ou un autre territoire sans autre intervention du système judiciaire.
Le paragraphe 14(1) fixerait des échéances aux autorités compétentes qui assument la conduite de la procédure dextradition applicable à une personne assujettie à une arrestation provisoire. Premièrement, le partenaire devrait fournir une demande dextradition et les documents à lappui, puis le ministre de la Justice devrait autoriser le procureur général à demander au tribunal, pour le compte du partenaire, une ordonnance permettant dincarcérer la personne incriminée en vue de la livrer. Si le délai dans lequel la demande dextradition et les documents à lappui doivent être remis était précisé dans laccord dextradition applicable, cest cette échéance qui sappliquerait (voir le sous-alinéa 14(1)b)(i)). Si le délai est respecté, le ministre de la Justice aurait alors trente jours pour autoriser le procureur général à donner suite à laffaire (sous-alinéa 14(1)b)(ii)). Sil nexiste pas daccord dextradition ni de dispositions utiles dans un accord existant, le partenaire aurait soixante jours à compter de la date de larrestation provisoire pour faire une demande dextradition et fournir les documents à lappui (sous-alinéa 14(1)c)(i)). Si le délai est respecté, le ministre de la Justice aurait alors trente jours de plus pour autoriser le procureur général à donner suite à laffaire (sous-alinéa 14(1)c)(ii)).
Si le partenaire qui a demandé lextradition ou le ministre de la Justice ne respectent pas ces échéances, il faudrait remettre en liberté la personne arrêtée (paragraphe 14(1)), sous réserve de la décision du juge de proroger les délais, à la demande du procureur général (paragraphe 14(2)). Le juge qui accorde ce genre de prolongation délai aurait également le droit daccorder une mise en liberté provisoire par voie judiciaire, ou den modifier les termes, à la personne arrêtée (paragraphe 14(3)). Lintéressé serait également remis en liberté si le ministre de la Justice informait le tribunal que larrêté introductif dinstance ne serait pas délivré (alinéa 14(1)a)).
Aux termes du paragraphe 15(4), un exemplaire télécopié de larrêté introductif dinstance du Ministre aurait la même valeur probante que loriginal.
8. Arrêté introductif dinstance
Après avoir reçu une demande dextradition, sil est convaincu que lextradition est demandée au titre dune infraction qui remplit le critère des seuils de peine eu égard au partenaire (voir lalinéa 3(1)a) et le paragraphe 3(3) ci-dessus), le ministre de la Justice pourrait autoriser le procureur général à donner suite à laffaire, ce qui permettrait à celui-ci de demander, pour le compte du partenaire, une ordonnance prévoyant lincarcération de la personne en vue de la livrer (paragraphe 15(1)). Aux termes du paragraphe 15(2), cest au Ministre quil appartiendrait de déterminer lordre dans lequel seraient traitées des demandes dextradition concurrentes.
Selon larticle 23, le Ministre pourrait, en tout temps avant une audience dextradition, modifier lordre de traitement des demandes : tous les documents établis et les ordonnances rendues par le tribunal resteraient valides, à moins que, à la demande de lintéressé ou du procureur général, le tribunal nen décide autrement. Lorsque larrêté introductif dinstance aurait été remplacé par un autre, le juge pourrait, à la demande de lintéressé, fixer une nouvelle date pour laudition. Une fois que laudience a commencé, larrêté introductif dinstance pourrait être modifié par le juge à la demande du procureur général. Celui-ci pourrait, en tout temps, retirer un arrêté introductif dinstance, auquel cas le tribunal devrait libérer la personne et annuler toute ordonnance rendue à légard de la détention de celle-ci ou de sa mise en liberté provisoire par voie judiciaire.
9. Mandat darrestation ou sommation
Aux termes du paragraphe 16(1), une fois que le Ministre a délivré un arrêté introductif dinstance, le procureur général pourrait faire une demande ex parte de sommation à comparaître ou de mandat darrestation à lintention de la personne incriminée. La demande de sommation ou de mandat darrestation devrait être adressée à un juge de la province dans laquelle se trouve la personne recherchée ou vers laquelle elle se dirige, daprès le procureur général. Cette procédure ne serait pas nécessaire si lintéressé a déjà été arrêté aux termes dun mandat darrestation provisoire (paragraphe 16(2)).
Le juge qui donne suite à une demande de sommation ou de mandat darrestation serait tenu, conformément au paragraphe 507(4) du Code criminel (paragraphe 16(3)), de délivrer une sommation si le procureur a déjà prouvé la nécessité de faire comparaître la personne. Le juge serait tenu de délivrer un mandat darrestation sil existe des motifs raisonnables de croire que cela serait nécessaire dans lintérêt public. Le paragraphe 16(4) prévoit que les sommations pourraient être notifiées et les mandats darrestation, exécutés, nimporte où au Canada. Une sommation devrait fixer une date de comparution dans un délai maximum de quinze jours à compter de la date de la sommation (alinéa 16(5)a)) et elle devrait exiger que la personne incriminée comparaisse à une heure et un lieu donnés pour quon prenne ses empreintes digitales et des photos et quon prenne dautres mesures didentification autorisées aux termes de la Loi sur lidentification des criminels(12) (à laquelle serait assujettie toute personne comparaissant dans ces conditions, conformément au paragraphe 16(6)).
10. Comparution devant le tribunal et mise en liberté provisoire par voie judiciaire
Larticle 17 prévoit quune personne arrêtée en vertu de la Loi comparaîtrait devant un juge, un juge de la Cour provinciale ou un juge de paix dans les 24 heures de son arrestation. Si aucun juge nétait disponible dans ce délai, lintéressé devrait être amené devant un juge le plus tôt possible. Toutefois, le juge de la Cour provinciale ou le juge de paix pourraient seulement ordonner que lintéressé soit mis sous garde et comparaisse devant un juge. Le juge devrait soit libérer la personne arrêtée, sous ou sans conditions, ou ordonner sa mise sous garde (paragraphe 18(1)). Aux termes du paragraphe 19, les dispositions du Code criminel (Partie XVI) ayant trait à la comparution préliminaire et à la mise en liberté provisoire par voie judiciaire des accusés sappliqueraient (avec les modifications utiles) aux personnes faisant lobjet dune arrestation ou dune sommation aux termes de la Loi proposée. Le paragraphe 18(2) prévoit la possibilité de procéder au contrôle judiciaire de la décision dun juge qui a accordé une mise en liberté provisoire par voie judiciaire, par un juge de la cour dappel de cette juridiction.
Lalinéa 21(1)a) prévoit que le juge devrait ordonner à une personne arrêtée provisoirement (cest-à-dire arrêtée avant la date de larrêté introductif dinstance délivré par le Ministre) de comparaître devant le tribunal de temps à autre au cours de la période prévue pour létablissement de la demande dextradition et lenvoi des documents justificatifs par le partenaire qui demande lextradition et pour la délivrance de larrêté introductif dinstance par le Ministre (voir larticle 14 ci-dessus). Le juge devrait ensuite fixer la date de laudience dextradition (alinéa 21(1)b)). Si larrestation ou la sommation a eu lieu après la délivrance de larrêté introductif dinstance, le juge devrait fixer la date de laudience dextradition (paragraphe 21(2)). Aux termes du paragraphe 21(3), le juge serait tenu de fixer une date à courte échéance, sans égard aux séances déjà prévues du tribunal. Larticle 22 permettrait le transfert de la procédure dextradition à un autre endroit du Canada, à la demande de la personne concernée ou du procureur général, si le juge est convaincu que ce transfert est nécessaire « dans lintérêt de la justice ».
Larticle 20 prévoit que larticle 679 du Code criminel, qui a trait à la mise en liberté provisoire par voie judiciaire dun accusé en attendant laudition de son appel, sappliquerait à la mise en liberté provisoire par voie judiciaire en attendant a) la décision relative à lappel dune ordonnance concernant lincarcération de lintéressé en vue de le livrer, b) la décision du Ministre concernant son extradition, et c) la décision relative au contrôle judiciaire de la décision du Ministre dextrader lintéressé.
11. Consentement à lincarcération et à lextradition et renonciation à la procédure dextradition
À lheure actuelle, la Loi ne prévoit pas la possibilité de renoncer ou de consentir à lune ou lautre des étapes de la procédure dextradition. Il existe cependant des cas de renonciation à la procédure dextradition, et les tribunaux lont permis(13). Le projet de loi C-40 prévoit des dispositions explicites concernant les personnes recherchées par des partenaires qui désireraient consentir à leur incarcération et à leur extradition ou renoncer complètement à la procédure dextradition.
Larticle 70 permettrait à lintéressé de consentir à son incarcération en vue de lextradition à tout moment après que le Ministre a délivré un arrêté introductif dinstance. Ce consentement devrait être adressé par écrit à un juge, qui devrait alors ordonner lincarcération de lintéressé en attendant son extradition et transmettre une copie du consentement au Ministre.
Larticle 71 permettrait à lintéressé de consentir à son extradition en tout temps après son arrestation ou sa comparution devant le tribunal. Ce consentement devrait également être adressé par écrit à un juge, lequel prendrait les mêmes mesures que dans le cas du consentement à lincarcération. Dans le cas dun consentement à lextradition, le Ministre pourrait, dès que cela est possible après la réception du consentement, ordonner personnellement que lintéressé soit extradé.
Le paragraphe 72(1) permettrait à lintéressé, à tout moment après son arrestation ou sa comparution, de renoncer à la procédure dextradition : il suffirait den faire la demande par écrit à un juge. Le juge serait tenu dinformer lintéressé des conséquences de sa décision, à savoir la perte de la garantie de la « spécificité » (protection par ailleurs accordée dans le cadre de la procédure dextradition) et le fait que lintéressé sera remis sans délai au partenaire (paragraphe 72(2)). La spécificité est la règle selon laquelle une personne extradée ne peut être poursuivie ou punie pour une infraction commise avant son extradition en dehors de celle au titre de laquelle elle a été extradée (à moins que lintéressé nait loccasion de retourner dans le pays doù il a été extradé)(14). Celui qui renonce complètement à la procédure dextradition consent en fait à être traité comme sil avait été appréhendé dans lÉtat étranger ou par lentité étrangère et il renonce par conséquent aux garanties des accords dextradition en question.
Le juge devrait ordonner que la personne qui a renoncé à la procédure dextradition soit remise au partenaire qui a demandé lextradition et transmettre au Ministre un exemplaire du renoncement et lordonnance de transfert (paragraphe 72(3)).
Larticle 73 permettrait dassujettir les personnes qui sévadent pendant leur garde à vue en attendant leur transfert à la loi applicable aux personnes qui séchappent alors quelles sont accusées ou condamnées pour une infraction aux lois du Canada, auquel cas lagent chargé de la garde à vue aurait le droit darrêter lintéressé lors dune poursuite immédiate. Cette disposition ramènerait la situation à la configuration prévue à lalinéa 494(1)b) du Code criminel et permettrait donc à lagent chargé de la garde à vue ou à toute autre personne darrêter lévadé sans mandat.
Sous réserve du reste de la Loi proposée, et avec les modifications que les circonstances exigeraient, le juge qui dirige une audience dextradition aurait tous les pouvoirs conférés à un juge de cour provinciale ou à un juge dirigeant une enquête préliminaire dans le cadre dune affaire criminelle, conformément aux dispositions de la Partie XVIII du Code criminel (paragraphe 24(2)). Aux termes de larticle 28, le juge qui dirige une audience dextradition ou une audience de mise en liberté provisoire par voie judiciaire dans le cadre dune affaire dextradition pourrait assigner un témoin à comparaître à laudience; les articles 698 à 708 du Code criminel (qui ont trait à la délivrance et à la notification des assignations, à la délivrance et à lexécution des mandats darrestation de témoins, aux témoins qui sesquivent, à la détention des témoins arrêtés et à la punition, pour outrage au tribunal, des témoins qui sesquivent ou des témoins défaillants) sappliqueraient avec les modifications qui simposeraient.
Larticle 25 conserverait les modifications apportées en 1992 à la Loi sur lextradition, qui donnaient aux juges dextradition le pouvoir de trancher les questions relevant de la Charte canadienne des droits et libertés, alors quils ne le pouvaient pas auparavant(15).
Larticle 26 donnerait au juge, à laudience dextradition ou à laudience de mise en liberté provisoire par voie judiciaire dans le cadre dune affaire dextradition, le pouvoir de rendre, à la demande de lintéressé ou du procureur général, une ordonnance limitant la publication ou la radiodiffusion des éléments de preuve, sil est convaincu que cela risque de nuire à la tenue dun procès juste par le partenaire. Cette restriction sappliquerait jusquà ce que lintéressé soit libéré ou, si lextradition est accordée, ait subi son procès. Larticle 27 donnerait au juge, dans les mêmes circonstances, le pouvoir dexclure certaines personnes sil est davis que « la moralité publique, le maintien de lordre ou la bonne administration de la justice lexige ».
Dans le cas dune personne recherchée par un partenaire pour être poursuivie, le paragraphe 29(1) exigerait que le juge ordonne lincarcération de lintéressé en attendant son extradition sil est convaincu que celui-ci est bien la personne recherchée et quil existe des preuves (recevables aux termes de la Loi proposée) quil a commis des actes qui, au Canada, justifieraient son incarcération et un procès pour une infraction équivalente, ainsi que lénonce larrêté introductif dinstance. Le juge devrait ordonner lincarcération dune personne qui a déjà été condamnée par le partenaire et est recherchée pour purger une peine, sil est convaincu que la condamnation concerne effectivement cette personne et quelle a trait à des actes correspondant à linfraction désignée dans larrêté introductif dinstance. Sous réserve dun accord dextradition à leffet contraire, lextradition dune personne eu égard à une déclaration de culpabilité in absentia serait traitée comme une extradition en vue dune poursuite plutôt quen vue de lexécution dune sentence (paragraphe 29(5)).
Dans tous les autres cas, aux termes du paragraphe 29(3), le juge devrait ordonner la libération de lintéressé.
Le paragraphe 30(1) prévoit que lordonnance dincarcération constituerait un pouvoir suffisant pour garder lintéressé en détention, sous réserve dune ordonnance de mise en liberté provisoire par voie judiciaire. Aux termes du paragraphe 30(2), une ordonnance dincarcération resterait en vigueur tant que la personne ne serait pas livrée au partenaire ou remise en liberté ou tant quon naurait pas ordonné une nouvelle audience à la suite dun appel.
Lune des principales caractéristiques du projet de loi est quon y instaurerait des règles de la preuve spéciales pour permettre ladmission déléments de preuve produits par le partenaire qui, sinon, ne seraient pas recevables dans le cadre de la procédure juridique canadienne.
Les articles 14 à 17 de la Loi prévoient la recevabilité des témoignages oraux sous serment ou affirmation solennelle, des dépositions ou des déclarations dûment authentifiées faites à létranger ou de copies de celles-ci et des certificats ou documents judiciaires étrangers dûment authentifiés attestant la condamnation. Cependant, sous réserve de ces dispositions, les preuves utilisées pour justifier lextradition doivent être actuellement admissibles aux termes du droit de la preuve au Canada et être notamment assujetties à la règle générale rejetant les preuves par ouï-dire.
Le projet de loi C-40 assouplirait considérablement le fardeau de la preuve imposé à cet égard à lÉtat qui fait la demande en permettant au juge dextradition dadmettre en preuve un « dossier dinstruction » certifié dans lequel lÉtat qui demande lextradition naurait quà confirmer un résumé des preuves accumulées contre la personne recherchée et attester que ces preuves étaient disponibles pour le procès et quelles étaient suffisantes pour justifier une poursuite dans cet État ou quelles ont du moins été obtenues légalement selon les lois de cet État. En bref, les preuves réunies à létranger à lappui dune demande dextradition nauraient plus à être conformes aux normes générales applicables à la preuve au Canada. De plus, ces preuves auraient seulement à être décrites et non pas à être effectivement produites.
Ces dispositions seront peut-être controversées et elles pourraient bien faire lobjet dune contestation constitutionnelle devant les tribunaux par les accusés qui sopposent à leur extradition. Si les dispositions proposées au sujet de la preuve semblent sécarter considérablement des règles actuelles, les tribunaux estiment quant à eux que les normes déquité qui sappliquent à la procédure dextradition sont différents de celles quexigent les procès criminels(16). Les tribunaux considèrent par exemple comme constitutionnelles les dispositions actuelles concernant ladmission des affidavits et des dépositions aux audiences dextradition alors quil nest pas loisible au fugitif de contre-interroger la source de ces éléments de preuve(17). De plus, les tribunaux ont indiqué que la procédure dextradition nest pas un moyen dassujettir dautres États aux normes et aux règles canadiennes en matière de justice criminelle(18). Tout au contraire, la Cour suprême du Canada, par exemple, a indiqué que, en appliquant le principe de lapplication régulière de la loi (garantie à larticle 7 de la Charte canadienne des droits et libertés) dans le cadre de la procédure dextradition, il y a lieu daplanir les différences entre le système de justice criminelle canadien et celui de lÉtat qui demande lextradition.
b. Dossier dinstruction certifié
Lalinéa 32(1)a) permettrait la recevabilité dun « dossier dinstruction » certifié à une audience dextradition. Aux termes de larticle 33, cela devrait inclure un résumé des éléments de preuve dont dispose le partenaire, dans le cas dune personne recherchée pour être poursuivie, et un exemplaire du dossier de la condamnation et une description des actes justifiant la condamnation, dans le cas dune personne recherchée pour exécution dune sentence. On pourrait inclure également dautres documents utiles ayant trait à lidentification de la personne dont on demande lextradition. Selon le paragraphe 33(4), à moins quun accord dextradition sy oppose, aucune authentification de ces documents ne serait nécessaire.
Aux termes du paragraphe 33(3), si une personne est recherchée pour être poursuivie, une autorité judiciaire ou une partie poursuivante devrait attester que les preuves résumées ou contenues dans le dossier dinstruction étaient disponibles pour le procès et quelles étaient suffisantes, selon le droit du partenaire, pour justifier une poursuite ou quelles ont été réunies conformément aux lois du partenaire. Si une personne est recherchée pour purger une peine, il faudrait quune autorité judiciaire, une partie poursuivante ou une autorité correctionnelle atteste que les documents contenus dans le dossier dinstruction sont exacts.
c. Éléments de preuve obtenus au Canada
Selon le paragraphe 32(2), cependant, les preuves réunies au Canada devraient toujours se conformer aux règles de la preuve au Canada pour être admissibles à une audience dextradition.
Parmi les autres éléments de preuve qui, selon larticle 32, pourraient être recevables à une audience dextradition sans égard à leur admissibilité dans le cadre dautres procédures juridiques canadiennes, il y a le contenu de documents présentés en vertu dun accord dextradition et tous les éléments de preuve produits par la personne recherchée que le juge estimera valables.
Le projet de loi propose dautres règles assouplies pour les audiences dextradition. Larticle 34 prévoit la possibilité dadmettre des documents avec ou sans déclaration solennelle ou serment, tandis que larticle 35 dispenserait de toute exigence dauthentifier la signature dune autorité judiciaire, dune partie poursuivante, dune autorité correctionnelle ou dun représentant gouvernemental sur un document. Aux termes de larticle 36, la traduction dun document dans lune des langues officielles du Canada pourrait être admise sans autre formalité. Pour prouver que la personne qui comparaît est bien la personne recherchée, il suffirait que son nom soit le même que celui qui se trouve dans les documents produits par le partenaire et que ses caractéristiques physiques soient les mêmes que celles quattestent les photos, les empreintes digitales et dautres éléments de preuve descriptifs (article 37).
14. Responsabilités et pouvoirs du juge qui rend lordonnance dincarcération
Comme lexige actuellement lalinéa 19b) de la Loi sur lextradition, le paragraphe 38(1) prévoit que le juge qui rend lordonnance dincarcération dune personne qui sera livrée devrait transmettre au Ministre un exemplaire de lordonnance, une copie de tous les éléments de preuve produit à laudience que le Ministre na pas déjà en sa possession et tout rapport que le juge estimera utile.
Le paragraphe 38(2) conserverait lexigence que le juge, conformément à lalinéa 19b) de la Loi, informe lintéressé quil a le droit de faire appel de lordonnance dincarcération et quil ne sera pas livré avant trente jours. Le paragraphe 38(2) ajouterait que le juge doit également informer lintéressé quil a le droit de demander une mise en liberté provisoire par voie judiciaire (en attendant laudition de lappel).
Sous réserve dun accord dextradition applicable, larticle 39 conserverait le pouvoir du juge, aux termes de larticle 27 de la Loi, de transférer au partenaire, au moment de lextradition, des biens saisis qui pourraient constituer des preuves importantes dans la poursuite. Ce pouvoir continuerait dêtre assujetti aux droits établis de tiers au titre desdits biens saisis. Cependant, larticle 39 préciserait clairement que la décision de transférer ces biens serait de nature judiciaire. Le paragraphe 39(1) prévoit que le juge dextradition qui transférerait ces biens au partenaire rendrait une ordonnance à cet égard. Le paragraphe 39(2) prévoit que le juge qui rendrait cette ordonnance pourrait lassortir des conditions quil jugera souhaitables, notamment de conditions relatives à la protection et au retour au Canada dun bien ainsi transféré et à la protection des droits de tiers sur ce bien. Le paragraphe 39(1) clarifierait également le fait que pour que ce bien soit susceptible dêtre transféré au partenaire, il nest pas nécessaire quon lait trouvé sur lintéressé. Le paragraphe 39(1) renvoie aux « biens saisis lors de larrestation », alors que larticle 27 de la Loi renvoie aux « biens que le fugitif avait en sa possession lors de son arrestation ( ) ».
a. Motifs de refus dans tous les cas
Larticle 44 prévoit les motifs pour lesquels on pourrait dans tous les cas, quil existe ou non un accord dextradition, refuser de livrer une personne à un partenaire Aux termes du paragraphe 44(1), le ministre de la Justice devrait refuser de livrer une personne sil est convaincu que lextradition serait injuste ou tyrannique compte tenu de toutes les circonstances ou que la demande dextradition a pour but de poursuivre ou de punir lintéressé pour des motifs fondés sur la race, la religion, la nationalité, lorigine ethnique, la langue, la couleur, les convictions politiques, le sexe, lorientation sexuelle, lâge, la déficience physique ou mentale, ou le statut de lintéressé ou quil pourrait être porté atteinte à sa situation pour lun de ces motifs. Le paragraphe 44(2) donnerait précisément au Ministre le pouvoir discrétionnaire de refuser de livrer une personne en raison dune infraction pour laquelle il risque la peine de mort.
b. Autres motifs de refus en labsence dun accord bilatéral
Sous réserve des dispositions contraire dun accord multilatéral, le Ministre devrait refuser de livrer une personne sil est convaincu que la poursuite de lintéressé est prescrite en vertu du droit du partenaire, que les actes reprochés constituent une infraction militaire sans constituer par ailleurs une infraction criminelle au civil ou que les actes reprochés constituent une infraction à caractère politique (paragraphe 46(1)). Cependant, le paragraphe 46(2) prévoit que certains actes ne constituent pas une infraction à caractère politique au sens du paragraphe 46(1), à savoir le meurtre ou lhomicide involontaire coupable, linfliction de lésions corporelles graves, lagression sexuelle, lenlèvement, le rapt, la prise dotage ou lextorsion, la tentative, le complot, la complicité après le fait, le conseil, laide ou lencouragement à légard des actes que lon vient dénumérer et tous les actes qui constituent une infraction au titre de laquelle le Canada, en tant que partie à un accord dextradition multilatéral, doit entamer des poursuites contre le coupable ou lextrader.
Aux termes de larticle 47 (et sous réserve des dispositions contraires dun accord multilatéral), le Ministre aurait le pouvoir discrétionnaire de refuser de livrer une personne pour les motifs suivants : lintéressé, sil subissait son procès au Canada, bénéficierait dune libération du fait dune condamnation ou dun acquittement antérieurs; lintéressé a été condamné par défaut et ne pourrait, une fois extradé, obtenir une révision de son procès; lintéressé avait moins de dix-huit ans à lépoque de linfraction, et le droit applicable par le partenaire est incompatible avec les principes fondamentaux régissant la Loi sur les jeunes contrevenants(19); lintéressé fait lobjet dune poursuite criminelle au Canada pour les actes qui sont à lorigine de la demande dextradition; aucun des actes qui sont à lorigine de la demande dextradition na été commis sur le territoire du partenaire.
c. Libération en cas de refus dextradition
Aux termes du paragraphe 48(1), si le Ministre décide de ne pas livrer lintéressé, il devrait ordonner sa libération. Sil ordonne la libération dune personne qui demande le statut de réfugié au sens de la Convention aux termes de la Loi sur limmigration, le Ministre devrait envoyer des exemplaires de tous les documents utiles au ministre responsable de lapplication de cette Loi (paragraphe 48(2)).
Aux termes de lalinéa 62(1)a), nul ne pourrait être livré avant lexpiration du délai de trente jours suivant la date de lordonnance dincarcération, à moins que lintéressé ait renoncé par écrit à ce délai, conformément au paragraphe 62(2). On ne pourrait pas non plus livrer quelquun tant quune demande dappel ou de contrôle judiciaire aux termes de la Loi proposée est en souffrance (alinéa 62(1)b)).
Aux termes du paragraphe 43(1), la personne que lon sest engagé à livrer disposerait de trente jours à partir de la date de lordonnance dincarcération pour faire des observations écrites au ministre de la Justice concernant tout ce qui touche à la décision du Ministre de la livrer au partenaire. Le paragraphe 43(2) permettrait au Ministre daccepter des observations après lexpiration du délai.
Si la personne a demandé le statut de réfugié au sens de la Convention aux termes de la Loi sur limmigration, le Ministre devrait se concerter avec le ministre responsable de lapplication de cette Loi avant de décider de livrer lintéressé (paragraphe 40(2)).
Selon le paragraphe 40(3), le ministre de la Justice pourrait demander au partenaire de lui fournir les assurances quil estime indiquées ou poser les conditions qui lui paraissent appropriées. Ces conditions pourraient être par exemple que lintéressé ne soit pas poursuivi pour une infraction autre que celle à laquelle renvoie lordonnance dextradition ou quune certaine peine ne soit pas imposée ou infligée à lintéressé. Si le Ministre assujettit lextradition à ce genre dassurances ou de conditions, il ny aurait pas extradition tant que le Ministre ne serait pas convaincu que les assurances demandées ont été données ou que les conditions imposées ont été acceptées par le partenaire (paragraphe 40(4)).
Aux termes du paragraphe 40(1), le Ministre aurait quatre-vingt-dix jours à compter de lincarcération de lintéressé pour ordonner personnellement quon le livre au partenaire. Cependant, selon le paragraphe 40(5), le Ministre pourrait proroger ce délai de soixante jours sil estime quil a besoin de plus temps pour évaluer les observations communiquées par lintéressé aux termes de larticle 43. Le Ministre devrait déposer un avis de prorogation auprès de la cour dappel si lon a fait appel de lordonnance dincarcération (paragraphe 40(6)). Le Ministre pourrait également décider de reporter lordonnance dextradition en attendant la décision relative à lappel de lordonnance dincarcération (article 41) et il devrait dans ce cas déposer un avis de prorogation auprès de ce tribunal (alinéa 41(1)b)). Le Ministre aurait alors quarante-cinq jours à partir de la date de la décision de la cour dappel concernant lincarcération pour rendre lordonnance dextradition (alinéa 41(1)c)). Larticle 58 prévoit le contenu obligatoire de lordonnance dextradition.
Sous réserve dun accord dextradition applicable, si la demande dextradition renvoyait à plus dune infraction, larticle 59 permettrait au Ministre dordonner quon livre la personne recherchée pour toutes les infractions, quelles remplissent ou non le critère des seuils de peine énoncé à larticle 3. Toutes les infractions en question devraient renvoyer à des actes qui constitueraient également des infractions au Canada, et au moins une dentre elles devrait remplir le critère des seuils de peine énoncé à larticle 3.
Larticle 60 permettrait aux personnes désignées dans lordonnance dextradition rendue aux termes de lalinéa 58e) de prendre en charge et de mettre lintéressé sous garde, puis de le livrer au partenaire.
Toute personne qui sévade tandis quelle se trouve en garde à vue serait assujettie aux dispositions applicables aux personnes qui sévadent alors quelles sont accusées ou ont été trouvées coupables dune infraction aux lois du Canada (article 61). Dans ce cas, la personne ou la catégorie de personnes (désignée dans lordonnance dextradition rendue aux termes de lalinéa 58e)) à qui lintéressé a été confié pour être extradé aurait le pouvoir de larrêter lors dune poursuite immédiate(20).
Larticle 63 permettrait de livrer lintéressé nimporte où au Canada ou à létranger selon lentente conclue entre le Canada et le partenaire.
À moins que le Ministre nen décide autrement (comme dans le cas dune extradition temporaire ? voir plus bas), un arrêté dextradition naurait pas force de loi tant que lintéressé ne serait pas libéré ? en raison dun acquittement, de lexpiration de la peine ou pour toute autre raison ? eu égard à des accusations portées au Canada ou des condamnations rendues au Canada renvoyant à des actes autres que ceux pour lesquels lextradition est ordonnée (article 64). Larticle 65 prévoit quune personne qui purge une peine au Canada au moment de son extradition et qui revient au Canada par la suite devrait purger le reste de sa peine au Canada.
Aux termes de larticle 42, le Ministre pourrait modifier larrêté dextradition tant quil naurait pas été mis à exécution.
17. Appel de la décision dincarcération en vue de lextradition
Comme cest actuellement le cas aux termes de larticle 19.2 de la Loi sur lextradition par suite des modifications apportées en 1992, lintéressé et le procureur général, pour le compte du partenaire, auraient le droit de sadresser à la cour dappel de la province où laudience dextradition a lieu (article 49). Les motifs dappel prévus à larticle 49 seraient à peu près identiques à ceux qui sont énoncés à larticle 19.2 de la Loi : question de droit; question de droit et de fait, avec lautorisation de la cour dappel ou de lun de ses juges; et tout autre motif dappel, avec lautorisation de la cour dappel, que cette cour juge suffisant.
Larticle 50 du projet de loi reproduirait larticle 19.3 de la Loi actuelle, qui dispose que lappel ou lautorisation dinterjeter appel est formé par le dépôt dun avis dans les trente jours suivant la décision du juge dextradition, sous réserve de la décision discrétionnaire de la cour dappel ou de lun de ses juges daccorder une prorogation de délai fugitif ou darrêter la procédure.
Larticle 51 est identique à larticle 19.4 de la Loi, qui dispose que lappel doit être inscrit pour audition dans le meilleur délai que la cour soit ou non en session. Larticle 51 conserverait également la possibilité actuelle de la cour de différer laudition de lappel dune ordonnance dincarcération jusquà ce que le ministre de la Justice ait rendu une décision sur lextradition de lappelant. Cependant, comme le prévoit actuellement le paragraphe 25.1(2) de la Loi, le paragraphe 41(2) du projet de loi interdirait cette procédure si le Ministre a déposé un avis de prorogation de la décision relative à lextradition (voir, ci-dessus, lanalyse de larticle 41), en attendant que la cour dappel ait tranché en lespèce.
Larticle 52 reprendrait les dispositions de larticle 19.5 de la Loi, qui dispose que les articles 677, 678.1, 679, 682 à 685 et 688 du Code criminel(21) ainsi que les règles applicables par la cour dappel pertinente aux termes de larticle 482 du Code criminel sappliquent aux appels de décisions dextradition.
Larticle 53, qui a trait aux pouvoirs de la cour dappel eu égard à lappel dune décision dincarcération, conserverait les dispositions de larticle 19.6 de la Loi actuelle. Aux termes de ces dispositions, la cour dappel peut accueillir lappel dune ordonnance dincarcération si elle est davis que lordonnance devrait être cassée au motif quelle nest pas raisonnable ou quelle nest pas justifiée par les éléments de preuve, quune décision erronée a été rendue sur une question de droit ou que, pour un motif quelconque, il y a eu erreur judiciaire. La cour dappel peut rejeter lappel dune ordonnance dincarcération si elle naccepte aucun des motifs invoqués ci-dessus ou si elle estime quon a rendu une décision erronée sur une question de droit, mais que, selon elle, il ny a pas eu de tort grave ni de déni de justice et que lordonnance devrait être confirmée. Les dispositions sont essentiellement les mêmes que celles qui régissent les appels dans les affaires criminelles (voir les alinéas 686(1)a) et b) du Code criminel).
Si lappel dune ordonnance dincarcération est accueilli, larticle 54, comme larticle 19.7 de la Loi actuelle, disposerait que la cour dappel doit soit casser lordonnance dincarcération et libérer lintéressé ou ordonner une nouvelle audience, soit supprimer de lordonnance dincarcération une infraction à légard de laquelle la cour estime quil ny avait pas lieu dincarcérer lintéressé pour lun des motifs énoncés à larticle 53 (voir ci-haut).
Pour ce qui est des pouvoirs de la cour dappel eu égard à lappel dune décision du juge dextradition de libérer lintéressé ou de suspendre la procédure(22), larticle 55 conserverait les dispositions de larticle 19.8 de la Loi actuelle. Selon ces dispositions, la cour dappel peut accueillir lappel si elle est davis que lordonnance de libération devrait être cassée au motif quelle nest pas raisonnable ou quelle nest pas justifiée par les éléments de preuve, ou que lordonnance de libération ou de suspension de procédure devrait être cassée au motif quelle nest pas raisonnable ou nest pas justifiée par les éléments de preuve, parce quune décision erronée a été rendue sur une question de droit, ou que, pour un motif quelconque, il y a eu erreur judiciaire. Sinon, la cour peut rejeter lappel. Si elle suspend la procédure, elle peut ordonner une nouvelle audience. Si elle casse une ordonnance de libération, par contre, elle peut ordonner une nouvelle audience ou ordonner elle-même lincarcération de lintéressé en vue de son extradition. La raison de cette différence de traitement est que, dans le cas dune suspension de procédure, il est plus probable que laudience dextradition naura pas donné lieu à un dossier dinstruction suffisant pour que la cour dappel puisse se former une opinion sur le bien-fondé de la décision dincarcérer lintéressé.
Comme larticle 19.9 de la Loi actuelle, larticle 56 permettrait à la Cour suprême du Canada de différer laudition de nimporte quelle demande dappel dune ordonnance dextradition en attendant que le ministre de la Justice ait rendu une décision concernant lextradition de lintéressé ou que la cour dappel provinciale compétente ait rendu une décision sur une demande de contrôle judiciaire de la décision du Ministre.
18. Contrôle judiciaire de lordonnance dextradition rendue par le Ministre
Larticle 57 du projet de loi conserverait les dispositions de larticle 25.2 de la Loi actuelle eu égard au contrôle judiciaire dune ordonnance dextradition rendue par le ministre de la Justice. Ce dispositions, qui ont été promulguées dans le cadre des modifications apportées à la Loi en 1992, prévoient le regroupement de la procédure de contrôle judiciaire de lordonnance du Ministre et la procédure dappel concernant lordonnance dincarcération rendue par le juge dextradition. Ce regroupement prend deux formes. Tout dabord, aux termes du paragraphe 25.2(1) de la Loi (paragraphe 57(1) du projet de loi), la compétence initiale exclusive pour entendre et trancher les demandes de contrôle judiciaire de lordonnance dextradition rendue par le Ministre appartient à la cour dappel de la province où la personne a fait lobjet dune ordonnance dincarcération par un juge dextradition. Mais, aux termes de cette disposition, le contrôle judiciaire de la décision dun ministre fédéral relèverait de la compétence exclusive de la section de première instance de la Cour fédérale, conformément au paragraphe 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale(23). Deuxièmement, le paragraphe 25.2(9) de la Loi (paragraphe 57(9) du projet de loi) autorise une cour dappel provinciale saisie dun appel dune ordonnance dincarcération à grouper laudition de la demande de contrôle judiciaire de lordonnance dextradition rendue par le Ministre et celle de lappel de lordonnance dincarcération. Avant les modifications apportées en 1992, il y avait souvent des procédures parallèles, à léchelle fédérale et à léchelle provinciale, au sujet dune même affaire. Les autres dispositions ayant trait à la procédure de contrôle judiciaire dune ordonnance dextradition sont les suivantes.
La demande de contrôle judiciaire dune ordonnance dextradition peut être faite par la personne qui fait lobjet de lordonnance (par. 57(2) du projet de loi, par. 25.2(2) de la Loi). Autrement dit, il nexiste pas de disposition prévoyant le contrôle judiciaire dun refus du Ministre dextrader une personne.
Par. 57(3) du projet de loi/par. 25.2(3) de la Loi : le délai de dépôt de la demande de contrôle judiciaire de la décision du Ministre est de trente jours, encore que ce délai puisse être prorogé par la cour dappel.
Par. 57(4) du projet de loi/par. 25.2(4) de la Loi : eu égard à la mise en liberté provisoire par voie judiciaire en attendant la décision relative à la demande de contrôle judiciaire, ce sont les dispositions du Code criminel régissant la mise en liberté provisoire par voie judiciaire en attendant la décision relative à lappel dans les affaires criminelles (article 679) qui sappliquent, avec les modifications qui simposent.
Par. 57(5) du projet de loi/par. 25.2(5) de la Loi : comme dans le cas des autres procédures judiciaires ayant trait à lextradition, la cour dappel saisie dune demande de contrôle judiciaire est tenue de procéder à une audience dans les plus brefs délais, sans égard aux séances régulières prévues à son calendrier.
Par. 57(6) du projet de loi/par. 25.2(6) de la Loi : la cour dappel saisie dune demande de contrôle judiciaire peut ordonner au Ministre de faire ce quil a illégalement omis ou refusé de faire ou dont il a déraisonnablement retardé lexécution; elle peut aussi casser la décision du Ministre, renvoyer laffaire au Ministre pour quil rende une nouvelle décision conformément aux directives quelle jugera utile de lui donner ou interdire au Ministre dordonner lextradition de lintéressé ou len empêcher.
Par. 57(7) du projet de loi/par. 25.2(7) de la Loi : la cour dappel saisie dune demande de contrôle judiciaire peut accorder la réparation ci-dessus pour les mêmes raisons quun juge de la Cour fédérale aux termes du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale, à savoir, décider que le Ministre :
a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de lexercer;
b) na pas observé un principe de justice naturelle ou déquité procédurale ou toute autre procédure quil était légalement tenu de respecter;
c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée dune erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;
d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;
e) a agi ou omis dagir en raison dune fraude ou de faux témoignages;
f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.
Par. 57(8) du projet de loi/par. 25.2(8) de la Loi : si le seul motif justifiant le contrôle judiciaire est un vice de forme ou une irrégularité technique, la cour dappel peut refuser daccorder une réparation si elle conclut quil ny a pas eu de préjudice sérieux; elle peut aussi rendre une ordonnance validant lordonnance dextradition et lui donner effet au moment et dans les termes quelle jugera utiles. Cette dernière solution permet à la cour dappel de donner au Ministre la possibilité de corriger tout vice de forme ou irrégularité technique sans quil soit nécessaire dannuler la décision dextrader et de retarder indûment laffaire.
Par. 57(10) du projet de loi/par. 25.2(10) de la Loi : sauf autre disposition contraire de la Loi, les lois et les règles provinciales applicables à la procédure de contrôle judiciaire sappliquent également au contrôle judiciaire des ordonnances dextradition, sous réserve des modifications qui simposent.
19. Recours en cas de retard dextradition
Aux termes de la Loi comme du projet C-40, une personne incarcérée en vue de son extradition qui na pas encore fait lobjet dune ordonnance dextradition ou na pas encore été extradée conformément à cette ordonnance dans les délais prévus par la Loi peut demander que les tribunaux déterminent la validité de sa détention prolongée. Dans ce cas, larticle 69 du projet de loi conserverait les dispositions de larticle 28 de la Loi, aux termes duquel la personne incarcérée en vue de son extradition peut demander à un juge de la cour supérieure de la province où elle est détenue de rendre une ordonnance la remettant en liberté, à moins quon puisse justifier sa détention.
Lextradition temporaire de personnes purgeant des peines de prison au Canada pour quelles subissent un procès au titre dinfractions commises ailleurs serait une caractéristique nouvelle de la législation de lextradition au Canada. Le projet de loi C-40 disposerait également que le Canada pourrait demander lextradition temporaire de personnes dautres juridictions dans les mêmes circonstances. Lextradition temporaire a lavantage de permettre de régler rapidement les accusations criminelles en souffrance sans porter atteinte à lintégrité des peines déjà imposées. Le règlement rapide des accusations criminelles permet déviter, entre autres, que les éléments de preuve se détériorent ou subissent un préjudice (sagissant notamment de la mémoire des témoins), et il est donc dans lintérêt de la partie poursuivante comme de laccusé.
Le paragraphe 66(1) permettrait au Ministre dordonner lextradition dune personne incarcérée dans ce but et qui purgeait une peine de prison au Canada pour la remettre à un partenaire afin quelle subisse un procès ou participe à une procédure dappel la concernant. La décision du Ministre dextrader temporairement une personne serait assujettie aux mêmes échéances quune extradition ordinaire (par. 66(2)).
Le Ministre ne pourrait ordonner lextradition quà condition que le partenaire ait donné des assurances que la personne restera en détention pendant la période dextradition temporaire, sous réserve des délais différents prévus dans un accord dextradition, et que lintéressé sera rendu au Canada dans les trente jours suivant la fin de la procédure en raison de laquelle il est temporairement extradé (paragraphes 66(1) et 66(3)). Le Ministre aurait également le pouvoir discrétionnaire dexiger que le partenaire donne des assurances que la personne extradée sera rendue au Canada à une date précise ou sur demande (paragraphe 66(4)). Par ailleurs, le paragraphe 66(10) permettrait au Ministre, après concertation avec le Solliciteur général du Canada ou le ministre provincial compétent responsable des services correctionnels, de renoncer à demander le retour dune personne extradée temporairement.
Sous réserve du pouvoir discrétionnaire du Ministre de révoquer lordonnance dextradition et de libérer lintéressé (par. 66(7)), une personne temporairement extradée et renvoyée au Canada qui a été condamnée par le partenaire à une peine de prison devrait en fin de compte être extradée, sans autre modalité, dès quelle aura fini de purger sa peine au Canada (ou plus tôt, si le Ministre en décide ainsi (par. 66(6)). Aux termes du paragraphe 66(11), le Ministre pourrait ordonner lextradition définitive de lintéressé, même si la durée demprisonnement imposée par le partenaire ne remplit pas le critère des seuils de peine énoncé à larticle 3.
Pour faciliter cette extradition définitive, le paragraphe 66(8) prévoit que lon demanderait aux autorités qui détiennent lintéressé de donner au Ministre un avis raisonnable du moment où la peine arrivera à échéance. Cependant, aux termes du paragraphe 66(9), si la peine purgée au Canada vient à échéance durant la période dextradition temporaire, lextradition temporaire deviendrait une extradition définitive.
Larticle 68 prévoit quon porterait au crédit dune personne faisant lobjet dune ordonnance dextradition temporaire la peine purgée à létranger au cours de la période dextradition temporaire et que lintéressé demeurerait admissible aux remises de peine conformément aux lois du système correctionnel responsable de lexécution de sa peine au Canada.
Larticle 67 prévoit quune ordonnance dextradition lemporterait sur tout autre mandat ou ordonnance antérieurs ayant donné lieu à la détention ou à la liberté conditionnelle de lintéressé au Canada. Comme nous lavons vu, le paragraphe 64(1) retarderait lentrée en vigueur dune ordonnance dextradition jusquà lexpiration des peines purgées au Canada, à moins que le Ministre nen décide autrement. Cest-à-dire, en fin de compte, quune ordonnance dextradition lemporterait sur lensemble des autres mandats ou ordonnances de détention ou de liberté conditionnelle nayant pas trait à une condamnation (détention préventive ou mise en liberté provisoire par voie judiciaire (caution), par exemple) et sur lensemble des mandats et ordonnances ayant trait à une condamnation, si le Ministre en décide ainsi. Cest ainsi que seraient préservées les règles énoncées aux paragraphes 25(4) et 25(5) de la Loi.
Grâce aux dispositions supplémentaires ci-dessus concernant lextradition temporaire, la législation donnerait plus de latitude au Ministre. Si celui-ci veut extrader une personne purgeant une peine au Canada pour quelle subisse un procès à létranger, mais quil veut également sassurer de son retour pour quelle termine de purger sa peine, il pourrait recourir à la procédure dextradition temporaire et demander les assurances voulues pour le retour de lintéressé après son procès. Mais, si le Ministre accorde moins dimportance au fait que lintéressé purge sa peine intégralement, il pourrait simplement donner « une instruction contraire » aux termes du paragraphe 64(1), et lordonnance dextradition lemporterait sur lachèvement de la peine au Canada. La personne ainsi extradée serait cependant tenue de purger le reste de sa peine si elle revient au Canada par la suite (article 65).
B. Statut de réfugié et extradition
Le projet de loi C-40 prévoit le règlement de certaines revendications du statut de réfugié dans le cadre même de la procédure dextradition.
Larticle 96 du projet de loi modifierait le paragraphe 69.1 de la Loi sur limmigration pour disposer quune audience de détermination du statut de réfugié ne pourrait pas commencer ou serait ajournée (selon le cas), si le ministre de la Justice délivrait un arrêté introductif dinstance (aux termes de larticle 15 de la nouvelle Loi sur lextradition, analysé plus haut) dans une affaire où lextradition est demandée eu égard à une infraction qui serait punissable au Canada par une peine pouvant aller jusquà dix ans de prison ou par une peine plus sévère. Cest une fois que le requérant serait finalement libéré de la procédure dextradition que lon pourrait procéder à laudience de détermination du statut de réfugié.
Cependant, si le ministre de la Justice ordonne lextradition dun demandeur du statut de réfugié qui a été incarcéré par le juge dextradition pour une infraction punissable au Canada par une peine pouvant aller jusquà dix ans de prison ou par une peine plus sévère, aux termes du nouveau paragraphe 69.1(14) de la Loi sur limmigration, lordonnance dextradition serait réputée être une décision rendue par la Section du statut de réfugié de la Commission de limmigration et du statut de réfugié comme quoi le requérant nest pas un réfugié au sens de la Convention selon lalinéa 1.F.b) de la Convention(24). Cette décision ne serait cependant pas assujettie à la procédure dappel ou de contrôle judiciaire applicable aux décisions de la Section du statut de réfugié. Lintéressé conserverait bien entendu le droit intégral de demander un contrôle judiciaire de lordonnance dextradition en tant que telle. Cependant, cette nouvelle disposition semble exiger quun juge dextradition ait rendu une ordonnance dincarcération pour que lordonnance dextradition rendue par le ministre de la Justice constitue un règlement de la demande de statut de réfugié. Cette disposition semblerait donc ne pas sappliquer aux cas où le demandeur de statut de réfugié renoncerait à la procédure dextradition aux termes de larticle 72, auquel cas il ny aurait ni ordonnance dincarcération ni ordonnance dextradition. Un nouveau paragraphe 69.1(15) disposerait quil nest pas possible de demander le statut de réfugié une fois que le ministre de la Justice a rendu une ordonnance dextradition.
Aux termes de larticle 96, on admet que, comme la nécessité dincarcérer et de livrer une personne aux fins de son extradition dune part et la validité de la revendication du statut de réfugié dautre part semblent soulever les mêmes questions, il serait logique de conjuguer, dans une certaine mesure, les deux décisions (lextradition et le statut de réfugié) et, plus précisément, les procédures respectives dappel et de contrôle judiciaire. Cependant, même les actes criminels les plus graves ne justifient pas toujours la décision dextrader ou de renvoyer des personnes dans dautres États. Au moins dans les cas où il y a risque de torture dans lÉtat qui fait la demande, lexpulsion dune personne, sans évaluation correcte des risques, aux termes de la Loi sur limmigration, même si la personne a commis des actes criminels graves, peut constituer une infraction à la Charte canadienne des droits et libertés, surtout lorsquelle est interprétée au regard des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne(25). Bien entendu, la manière dont la personne risque dêtre traitée dans le pays qui fait la demande dextradition est un élément dont le ministre de la Justice doit tenir compte dans sa décision. De plus, le paragraphe 44(1) du projet de loi exigerait que le Ministre refuse lextradition si elle est « injuste ou tyrannique compte tenu de toutes les circonstances ».
Selon larticle 78 du projet de loi, le ministre de la Justice pourrait, à la demande dune autorité compétente, demander à un État ou une entité dextrader ou darrêter provisoirement une personne dans le but de la poursuivre ou de faire exécuter une sentence la concernant, au titre dune infraction à légard de laquelle le Canada est compétent. Dans le cas dune personne recherchée pour être poursuivie ou recevoir une sentence, l« autorité compétente », aux termes de larticle 77, est définie comme étant le procureur général du Canada ou le procureur général de la province responsable de la poursuite. Dans le cas dune personne recherchée pour purger une peine, l« autorité compétente » est définie, sil sagit dune peine de prison, comme étant le solliciteur général du Canada et, dans tous les autres cas, le ministre provincial compétent responsable des services correctionnels.
La Loi actuelle prévoit des dispositions concernant les demandes ministérielles dextradition de personnes dautres États vers le Canada, alors que le projet de loi ne prévoit pas de dispositions concernant la demande émanant de lautorité compétente en matière de poursuite ou de peine à purger non plus quau sujet dune demande darrestation provisoire en attendant lélaboration dune demande dextradition complète (voir larticle 30 de la Loi).
Comme larticle 31 de la Loi actuelle, larticle 79 du projet de loi prévoit la possibilité de recueillir des éléments de preuve à lappui dune demande dextradition et, à cet égard, il donnerait au juge le pouvoir dassigner des témoins à comparaître et dordonner la production de documents. Selon larticle 79, cependant, les juges qui sont compétents pour procéder à une audience dextradition (juges de cours supérieures) sont ceux-là même qui réuniraient les éléments de preuve étayant une demande dextradition ; aux termes de larticle 31 de la Loi, cela incombe aux juges de paix ou aux juges des cours provinciales. De plus, lalinéa 79(1)b) prévoit la production de « données, sous quelque forme que ce soit », comparativement à la notion limitée de « documents ou autres pièces utiles » énoncée au paragraphe 31(2) de la Loi. Lalinéa 79(1)d) prévoit explicitement que les juges dirigeant ces procédures pourraient certifier ou authentifier les éléments de preuve réunis selon les critères de la juridiction à qui est adressée la demande dextradition.
Le paragraphe 79(2) prévoit lapplication de la Partie XXII du Code criminel à toutes les ordonnances assignant des témoins à comparaître, exigeant la production de documents, recevant et enregistrant des éléments de preuve ou certifiant ou authentifiant les éléments de preuve conformément aux exigences de la juridiction à qui la demande dextradition est adressée. La Partie XXII du Code criminel comporte des règles applicables à la délivrance, à la notification et à lexécution des assignations de témoins, aux témoins qui sesquivent ou aux témoins défaillants, à la collecte et à lutilisation des éléments de preuve recueillis par commission rogatoire, à lutilisation déléments de preuve recueillis antérieurement et à lutilisation déléments de preuve enregistrés sur vidéo.
2. Transfert sous lautorité du Canada
Larticle 81 prévoit que les personnes extradées au Canada pourraient y être amenées et confiées aux autorités canadiennes compétentes. Cette procédure est actuellement couverte par larticle 32 de la Loi. Cependant, larticle 81 du projet de loi concerne plus précisément le pouvoir des agents de la juridiction à qui la demande dextradition est adressée damener les personnes extradées au Canada sur le territoire canadien et de les maintenir sous garde. Le paragraphe 81(1) précise que leur entrée serait assujettie à lapprobation du ministre de la Justice, et le paragraphe 81(2) les autoriserait explicitement à les maintenir sous garde jusquà ce quils les livrent aux autorités canadiennes. Le paragraphe 81(3) prévoit que toute personne qui échappe à ces agents seraient assujetties aux dispositions du droit pénal canadien ayant trait à lévasion. Enfin, le paragraphe 81(4) prévoit explicitement que les agents autorisés de la juridiction à qui est adressée la demande dextradition auraient officiellement le pouvoir darrêter toute personne en fuite lors dune poursuite immédiate. Leffet combiné de ces deux dernières dispositions permettrait à ces agents ou à dautres darrêter les fuyards sans mandat, comme le prévoit lalinéa 494(1)b) du Code criminel.
3. Maintien de la règle de la spécificité
Larticle 80 du projet de loi maintiendrait lapplication de la règle de la spécificité à la poursuite et à la punition des personnes extradées au Canada. Selon cette règle, qui est prévue à larticle 33 de la Loi actuelle, les personnes qui sont extradées en raison de certaines infractions ne doivent être poursuivies ou punies que pour ces infractions par les États qui ont demandé lextradition, à moins dêtre préalablement renvoyées dans le pays dorigine ou de se voir accorder une possibilité raisonnable dy retourner. Comme le prévoit larticle 33 de la Loi, lapplication de la règle de la spécificité selon larticle 80 serait assujettie aux dispositions de laccord dextradition.
Larticle 80 apporterait cependant certaines précisions à la règle prévue à larticle 33 de la Loi, par exemple que le départ de lintéressé en conformité avec la règle de la spécificité doit être volontaire. Larticle 80 élargirait la protection de cette règle à la détention aussi bien quà la poursuite, à la condamnation et à la punition. Autrement dit, une personne extradée ne pourrait pas, par exemple, être placée en détention préventive avant son procès pour une infraction autre que celle pour laquelle elle a été extradée. Lalinéa 80b) étendrait encore lapplication de la règle à la détention des personnes extradées au Canada qui étaient détenues en vue de leur extradition vers une tierce juridiction. Par ailleurs, le sous-alinéa 80a)(i) prévoit explicitement quune personne extradée pour une certaine infraction pourrait être poursuivie, condamnée ou punie pour une infraction incluse. De plus, les sous-alinéas 80a)(ii) et (iii) prévoient la possibilité, pour lÉtat qui a procédé à lextradition et pour la personne extradée, de renoncer à lapplication de la règle de la spécificité.
4. Extradition temporaire au Canada
Les articles 82 et 83 auraient trait aux personnes détenues dans dautres États qui ont été temporairement extradées au Canada pour y être poursuivies ou être parties à des procédures dappel connexes.
Le paragraphe 82(1) exigerait que le juge, suite à une demande de l« autorité compétente » (procureur général fédéral ou procureur général provincial compétent qui assume la poursuite) présentée en tout temps avant lextradition temporaire, ordonne la garde à vue de la personne extradée. Aux termes du paragraphe 82(2), lordonnance devrait préciser que la détention ne doit pas se prolonger au-delà dune certaine date ou dépasser quarante-cinq jours après lachèvement du procès (si la personne est extradée pour subir un procès) ou trente jours après lachèvement de l a procédure à laquelle la personne devait être partie (si elle a été extradée pour être présente à laudition de lappel). Aux termes du paragraphe 82(3), une ordonnance de détention rendue conformément au paragraphe 82(1) lemporterait sur toute autre ordonnance rendue par un tribunal canadien à légard dun fait antérieur à lextradition temporaire de lintéressé au Canada. Cependant, ces échéances et les autres conditions énoncées dans lordonnance de détention pourraient être modifiées par le tribunal (paragraphe 82(4)).
Selon le paragraphe 82(5), une personne temporairement extradée au Canada devrait retourner dans lÉtat qui la extradée soit lorsque la procédure pour laquelle elle a été extradée est achevée ou à léchéance de lordonnance de détention rendue aux termes du paragraphe 82(1), le délai le plus court étant retenu. Cependant, le paragraphe 82(6) prévoit un délai dau plus trente jours après le jugement pour le dépôt dun appel, à moins que lintéressé ou la partie poursuivante, selon le cas, déclare quil ny aurait pas dappel. Sil y a appel et que la personne extradée retourne dans lÉtat qui la extradée, la cour dappel pourrait recommander, sur demande, que le Ministre demande une autre extradition temporaire, pourvu quelle soit convaincue que la présence de la personne est nécessaire dans lintérêt de la justice (paragraphe 82(7)).
Lorsquune personne condamnée au Canada au cours de sa période dextradition temporaire a purgé sa peine dans lÉtat qui la extradée, elle serait sujette à une « extradition définitive » au Canada pour y purger la peine qui lui a été infligée eu égard à cette infraction. Les paragraphes 83(1) et (2) prévoient que la peine commencerait au moment de lextradition définitive au Canada. Cependant, aux termes du paragraphe 83(3), le juge qui a condamnée cette personne aurait la possibilité dordonner que la peine infligée au Canada soit purgée concurremment à la peine infligée par lÉtat qui la extradée. Dans ce cas, lintéressé aurait seulement à purger ce qui resterait de sa peine au moment de son extradition définitive au Canada.
D. Transit de personnes extradées par le Canada
Les articles 74 à 76 prévoient la réglementation du transit par le Canada de personnes extradées et leur détention légale au Canada en attendant leur transfert à lÉtat qui a demandé leur extradition. Les traités actuels prévoient déjà que le Canada facilitera ainsi lextradition entre dautres États(26).
Aux termes du paragraphe 74(1), le ministre de la Justice pourrait consentir au transit par le Canada dune personne extradée par un État ou une entité vers un autre, aux conditions qu'il jugera nécessaires. Ce consentement autoriserait lagent de lÉtat qui extrade ou qui reçoit lintéressé à maintenir celui-ci sous garde au Canada (paragraphe 74(2)).
Le paragraphe 74(3) prévoit, avec les modifications qui simposent, que certaines dispositions du projet de loi concernant lextradition de personnes par le Canada sappliqueraient au consentement au transit : teneur obligatoire de lordonnance (article 58); pouvoir des personnes désignées de recevoir, de maintenir sous garde et de remettre les personnes extradées à lÉtat qui a demandé lextradition (article 60); application de la loi canadienne aux personnes qui sévadent pendant la procédure dextradition (paragraphe 61(1)); pouvoirs des personnes qui avaient la garde des personnes évadées de les arrêter lors dune poursuite immédiate (paragraphe 61(2)); et droit de la personne maintenue sous garde en vue de son extradition de contester la validité de sa détention prolongée lorsque son extradition ou la décision de lextrader a été retardée au-delà des délais permis (article 69). Ces dispositions sont analysées plus haut (voir les sections A.16 et A.19).
Le paragraphe 75(1) permettrait au Ministre dautoriser lentrée au Canada, en vue de son transit dans le cadre dune mesure dextradition, dune personne qui, par ailleurs, naurait pas le droit dy entrer aux termes de larticle 19 de la Loi sur limmigration. Les catégories de personnes non admissibles selon larticle 19 englobent les personnes qui ont commis des crimes graves. Lautorisation du Ministre à cet égard pourrait comporter les conditions quil jugerait utiles et préciserait le lieu dentrée de lintéressé ainsi que le lieu où il resterait pendant le transit ainsi que la période autorisée de séjour (paragraphe 75(1)). Toutes les conditions dont cette autorisation est assortie, notamment la durée de lautorisation, pourraient être modifiées par le Ministre (paragraphe 75(2)). Aux termes du paragraphe 75(3), toute personne faisant lobjet dune autorisation de ce genre qui se trouve ailleurs quà lendroit désigné ou a enfreint les conditions de lautorisation serait réputée, aux fins de la Loi sur limmigration, être restée au Canada au-delà de léchéance de son statut de visiteur et risquerait donc de faire lobjet dune ordonnance dinterdiction de séjour ou dexpulsion aux termes de la Loi.
Toute personne extradée dun État à une autre qui se présente au Canada sans autorisation préalable de transit pourrait, à la demande de lagent qui a sa garde, être confiée à un juge de paix canadien pendant un maximum de vingt-quatre heures, en attendant que le Ministre ait reçu la demande de transit de lÉtat qui demande le transit (article 76).
E. Assistance juridique mutuelle
1. La Loi sur lentraide juridique en matière criminelle
La Loi sur lentraide juridique en matière criminelle(27) prévoit que le Canada participe à un système international dassistance réciproque en matière denquêtes et de poursuites criminelles. Il sagit dun système analogue à lextradition, qui la complète. Les États qui sont parties à des ententes dassistance juridique mutuelle peuvent se demander réciproquement de laide pour obtenir des éléments de preuve (par exemple, en obtenant et en exécutant des mandats de recherche ou des ordonnances de tribunal permettant de prendre les dépositions orales de témoins).
2. Assistance juridique mutuelle et tribunaux criminels internationaux
Le projet de loi C-40 modifierait la Loi sur lentraide juridique en matière criminelle pour que le système dentraide ait trait à des autorités internationales comme les tribunaux criminels internationaux. Le paragraphe 2(1) comporterait une nouvelle définition des termes « État ou entité », qui remplacerait celle de lexpression « État étranger » et engloberait les tribunaux criminels internationaux énumérés à lannexe (paragraphe 97(3)). De plus, un nouvel article 4, proposé à larticle 99 du projet de loi, permettrait de prévoir que les tribunaux internationaux de la nouvelle annexe seraient désignés comme États ou entités aux fins de la Loi. Lannexe proposée dans larticle 128 du projet de loi énumère les tribunaux de guerre spéciaux actuels des Nations Unies qui ont été créés en raison des crimes commis dans lancienne Yougoslavie et au Rwanda.
De plus, aux termes de larticle 101 du projet de loi, un nouveau paragraphe 8(2) serait ajouté pour permettre que les tribunaux internationaux suscitent la coopération la plus large. Aux termes de larticle 8 de la Loi (paragraphe 8(1) proposé), les demandes dentraide juridique adressées dans le cadre dune entente sont limitées aux objets prévus dans lentente, mais, aux termes du projet de paragraphe 8(2), il serait permis au ministre de la Justice de faire droit à la demande dun État ou dune entité dont la désignation se trouve dans lannexe (il sagirait, aux termes des articles 2, 4 et 128, de tribunaux criminels internationaux) sans égard à lobjet de la demande.
3. Accord dentraide juridique
Le projet de loi remplacerait également le terme actuel de « traité » et sa définition par un nouveau terme, « accord » (paragraphe 97(3)). Tout comme les modifications analogues proposées à la Loi sur lextradition, ce nouveau terme couvrirait les ententes bilatérales, multilatérales et internationales comportant des dispositions ayant trait aux mesures dentraide juridique dans les affaires criminelles, alors que le terme actuel ne couvre que les ententes où lentraide est lobjet principal de lentente ou en est un élément important.
Larticle 99 modifierait larticle 4 de la Loi et éliminerait lexigence actuelle selon laquelle le gouverneur en conseil doit maintenir et modifier, par décret, dans une annexe de la Loi, une liste de toutes les parties aux accords multilatéraux pertinents et leurs dates daccession. Dans la nouvelle version, lannexe ne comporterait que les noms des tribunaux criminels internationaux pertinents, et elle pourrait être modifiée par le ministre des Affaires étrangères, avec laccord du ministre de la Justice.
Larticle 99 modifierait également larticle 5 de la Loi pour offrir une solution de rechange à la publication officielle et à la connaissance doffice des accords pertinents auxquels le Canada est partie à cet égard. Ces accords pourraient être publiés dans les Recueils de traités du Canada dans les soixante jours suivant leur entrée en vigueur, et cette publication aurait la même valeur que leur publication dans la Gazette du Canada. Ces accords feraient lobjet dune connaissance doffice.
4. Témoignages par le biais de techniques audiovisuelles
Larticle 113 modifierait la Loi pour y ajouter de nouveaux articles autorisant les témoignages par le biais de techniques audiovisuelles dans le cadre des procédures criminelles étrangères ou internationales à lextérieur du Canada.
Aux termes du nouvel article 22.1 de la Loi, le ministre de la Justice recevrait et pourrait approuver les demandes émanant dun État ou dune entité visant à contraindre un témoin, au Canada, à fournir des éléments de preuve ou à faire une déposition par le biais de techniques audiovisuelles dans le cadre de procédures criminelles sur le territoire où lÉtat ou lentité qui fait la demande est compétent. Si le Ministre approuve la demande, il devrait remettre à l« autorité compétente » (aux termes du paragraphe 2(1) de la Loi, il sagirait du procureur général du Canada, du procureur général de la province concernée ou de leurs agents chargés des enquêtes ou des poursuites) les documents ou linformation nécessaire pour demander une ordonnance en ce sens. Lautorité à qui seraient remis ces documents ou cette information demanderait à un juge de la province où se trouve peut-être la personne en question, sans avertir celle-ci, une ordonnance permettant de prendre son témoignage.
Le nouveau paragraphe 22.2(1) de la Loi prévoit que le juge qui reçoit une demande de ce genre pourrait rendre une ordonnance en ce sens sil est convaincu, en sappuyant sur des motifs raisonnables, quil y a effectivement eu une infraction à légard de laquelle lÉtat ou lentité qui fait la demande est compétent et que lÉtat ou lentité en question estime effectivement que le témoignage de la personne recherchée serait utile dans le cadre de lenquête ou de la poursuite relatives à cette infraction.
Selon le nouveau paragraphe 22.2(2), une ordonnance de ce genre contraindrait le témoin à se rendre à un endroit fixé par le juge pour y rendre son témoignage et à y rester jusquà ce quil soit libéré par les autorités de lÉtat ou de lentité qui a fait la demande, à répondre à leurs questions conformément au droit qui leur est applicable, à faire une copie dun document et/ou à apporter un document ou une copie de document et à apporter tout document ou objet en sa possession ou sous son contrôle afin de le montrer aux autorités de lÉtat ou de lentité. Selon le nouveau paragraphe 22.2(3), ce type dordonnance pourrait être exécuté nimporte où au Canada.
Le nouveau paragraphe 22.2(4) prévoit que le juge pourrait assortir lordonnance permettant dobtenir ce genre déléments de preuve des conditions quil estimerait utiles, notamment au regard de la protection des intérêts de la personne dont on veut obtenir un témoignage et de parties tierces. Le juge, ou tout autre juge du même tribunal, serait en mesure de modifier les conditions de lordonnance (nouveau paragraphe 22.2(5)). Aux termes du nouveau paragraphe 22.2(6), la personne assujettie à ce type dordonnance aurait le droit dêtre indemnisée pour ses frais de déplacement et de subsistance de la même façon que si elle était tenue de se présenter comme témoin devant le juge qui a rendu lordonnance.
Selon le nouvel article 22.3 de la Loi, les lois de la preuve et de la procédure de lÉtat ou de lentité qui obtient les éléments de preuve sappliqueraient au témoignage, mais le témoin ne pourrait pas être tenu de divulguer de linformation qui par ailleurs serait protégée par les lois canadiennes. Cependant, aux termes du nouvel article 22.4 proposé, la loi canadienne relative à loutrage au tribunal sappliquerait si le témoin refuse de répondre à une question ou de produire un document ou un objet demandé par le juge aux termes du nouvel article 22.2. Par conséquent, le paragraphe 114(1) du projet de loi modifierait lalinéa 23(1)c) de la Loi pour prévoir la délivrance dun mandat darrestation à lendroit des témoins qui ne se présentent pas ou ne restent pas contrairement à lordre quon leur a donné conformément aux dispositions du nouvel article 22.2 ou qui sont sur le point de sesquiver.
Larticle 89 du projet de loi modifierait la Loi sur la preuve au Canada pour permettre aux tribunaux canadiens dordonner linterrogatoire de témoins pour la procédure de tribunaux étrangers par le biais de techniques audiovisuelles, dans le cadre daffaires civiles ou commerciales aussi bien que daffaires criminelles. Comme dans le cas des témoignages rendus aux termes des dispositions proposées pour la Loi sur lentraide juridique en matière criminelle, ces témoignages seraient assujettis aux lois de la preuve et de la procédure du tribunal étranger ou international, mais le témoin ne pourrait pas être tenu de divulguer de linformation qui serait par ailleurs protégée par les lois canadiennes. Le refus de coopérer assujettirait le témoin aux lois canadiennes relatives à loutrage au tribunal (article 90).
F. Les témoignages audiovisuels et le Code criminel
Outre quil rendrait possible de rendre des témoignages par le biais de techniques audiovisuelles dans le cadre de procédures judiciaires non canadiennes, le projet de loi C-40 autoriserait laudition et ladmission de ces éléments de preuve dans le cadre de procédures criminelles au Canada. Larticle 95 du projet de loi permettrait dajouter des articles au Code criminel eu égard à lutilisation de ce genre déléments de preuve dans le cadre de procédures au Canada.
Le nouvel article 714.1 permettrait à un tribunal dordonner laudition dun témoin par le biais de techniques audiovisuelles dans le cadre dune procédure appliquée ailleurs au Canada, sil estime que cest la meilleure solution compte tenu de toutes les circonstances, notamment en ce qui a trait au lieu de résidence et à la situation personnelle du témoin, aux frais de déplacement du témoin et à la nature du contenu prévisible du témoignage.
Le nouveau paragraphe 714.2(1) exigerait que le tribunal recoure à cette méthode si le témoin se trouve à létranger, à moins que lune des parties le convainque que cette méthode porte atteinte au principe de la justice fondamentale. Le nouveau paragraphe 714.2(2) exigerait que la partie qui demande ce genre de témoignage donne un préavis de dix jours au tribunal et aux autres parties à la procédure.
Les nouveaux articles 714.3 et 714.4 prévoient la possibilité que les tribunaux ne reçoivent de témoignages par seule retransmission de la voix que lorsque les circonstances le justifient. Si le témoin proposé se trouve ailleurs au Canada, le tribunal pourrait admettre ce type de témoignage pour les mêmes raisons que celles qui sont énoncées dans le nouvel article 714.1, mais il lui faudrait également peser les préjudices que le fait de ne pas voir le témoin pourrait entraîner pour lune ou lautre partie. Si le témoin se trouve à létranger, contrairement aux dispositions relatives aux techniques audiovisuelles (voir le nouvel article 714.2 proposé, ci-dessus), il ny aurait pas de présomption en faveur dun témoignage par seule retransmission de la voix. Le tribunal devrait tenir compte de toutes les circonstances, notamment de la nature du contenu prévisible du témoignage et des préjudices éventuels que le fait de ne pas voir le témoin pourrait causer à lune ou lautre partie.
Nonobstant ce qui précède, selon le nouvel article 714.8, rien dinterdirait ladmission de témoignages audiovisuels ou par seule retransmission de la voix si toutes les parties en conviennent. Le nouvel article 714.7 prévoit que la partie qui désire introduire ce genre déléments de preuve devrait assumer les frais dutilisation de la technologie en question.
Le nouvel article 714.5 prévoit que, si ce genre de témoignage est rendu à létranger, le témoin devrait prêter serment ou faire une déclaration solennelle conformément au droit canadien, au droit du pays où il se trouve ou de toute autre façon attestant que le témoin est tenu de dire la vérité. De plus, aux termes du nouvel article 714.6, ce témoignage serait réputé avoir été rendu au Canada et sous serment ou après avoir été fait dans une déclaration solennelle conformément au droit canadien, aux fins du droit relatif à la preuve, à la procédure, au parjure et à loutrage au tribunal.
Larticle 92 du projet de loi modifierait les dispositions du Code criminel relatives au parjure (article 131) en y ajoutant un nouveau paragraphe (131(1.1)) pour sassurer que les témoins qui, au Canada, rendent un témoignage par le biais de techniques audiovisuelles dans le cadre dune procédure étrangère aux termes des nouvelles dispositions de la Loi sur lentraide juridique en matière criminelle et de la Loi sur la preuve au Canada (voir plus haut) pourraient être poursuivis pour parjure au Canada. Le nouveau paragraphe expliciterait le fait que linfraction prévue au Code criminel eu égard au parjure serait applicable, que le témoignage ait été rendu ou non sous serment ou après déclaration solennelle aux termes du droit canadien, du moment quil a fait lobjet des formalités exigées par la loi de lendroit où se déroulait la procédure.
De même, larticle 93 modifierait larticle (136) du Code criminel qui a trait à linfraction qui consiste à rendre un témoignage contradictoire dans le cadre dune procédure judiciaire dans lintention de tromper. Un nouveau paragraphe (136(1.1)) serait ajouté au Code; selon celui-ci, les témoignages rendus par le biais de techniques audiovisuelles aux termes de lun ou lautre des nouveaux articles proposés à la Loi sur lentraide juridique en matière criminelle, à la Loi sur la preuve au Canada ou au Code criminel seraient réputés avoir été rendus dans le cadre dune procédure judiciaire et pourraient donc être assujettis aux dispositions relatives à cette infraction.
Larticle 94 modifierait également le Code criminel en y ajoutant un nouvel article (700.1) prévoyant la délivrance dassignations aux personnes qui, au Canada, doivent rendre un témoignage par le biais de techniques audio ou audiovisuelles conformément aux dispositions pertinentes (voir plus haut) du Code criminel, de la Loi sur lentraide juridique en matière criminelle ou de la Loi sur la preuve au Canada. Selon le nouvel article 700.1(1), un tribunal criminel compétent là où le témoin est censé rendre son témoignage et où la technologie est disponible devrait délivrer une assignation contraignant le témoin à comparaître à lendroit en question. Le nouveau paragraphe 700.1(2) prévoit que les articles du Code criminel ayant trait à la délivrance, au contenu, à la notification et à lexécution des assignations (articles 699 à 703.2) seraient applicables dans ce cas. Cette disposition est destinée à sassurer que les tribunaux et les autorités chargées de lapplication de la loi qui sont compétents là où le témoin rendrait son témoignage auraient le pouvoir de contraindre le témoin à rendre son témoignage.
Le projet de loi C-40 est une refonte en profondeur du droit canadien en matière dextradition. Une grande partie de la législation et des pratiques actuelles serait maintenue, mais le projet comporte quelques nouveautés. Le projet de loi C-40 a donné lieu à peu de réactions jusquici. Les médias, au moment où le projet de loi a été présenté, ont eu tendance à attirer lattention sur les dispositions qui permettraient dextrader des personnes à la demande des tribunaux criminels internationaux(28). Comme on pouvait sy attendre, cet aspect du projet de loi C-40 na pas soulevé de controverse. Il a même été applaudi par les divers groupes qui ont jusquà maintenant présenté des mémoires: le Conseil canadien pour les réfugiés; le Comité inter-églises pour les réfugiés; le représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés; Amnistie internationale et la Criminal Lawyers Association of Ontario. Ces groupes ont toutefois exprimé des réserves ou des critiques à légard dautres éléments du projet de loi C-40.
Ainsi, ils ont tous émis des doutes au sujet des garanties procédurales destinées à protéger les demandeurs du statut de réfugié qui risquent lextradition et, plus particulièrement, de larticle 96 du projet de loi qui, dans certains cas, assimilerait un arrêté du ministre de la Justice à un rejet de la demande dasile par la Section du statut de réfugié de la Commission de limmigration et du statut de réfugié, sans la tenue dune audience en bonne et due forme. Toutefois, il resterait toujours possible den appeler de lordonnance dincarcération dun juge, ou de demander une révision judiciaire de larrêté du ministre. De plus, daprès le projet de loi C-40, en prenant la décision dextrader, le ministre de la Justice devrait tenir compte de facteurs analogues à ceux qui entreraient en ligne de compte pour une demande de statut de réfugié (voir le paragraphe 40(2) et larticle 44). Certains groupes de défense des droits des réfugiés déplorent aussi le fait quon nait pas saisi cette occasion pour intégrer expressément dans le texte de loi certaines normes internationales, notamment linterdiction absolue dexpulser, de renvoyer ou dextrader toute personne se trouvant en danger dêtre assujettie à la torture(29).
Amnistie internationale reproche surtout au sujet du projet de loi C-40 de soumettre tous les cas dextradition aux mêmes procédures. Lorganisme pense quil faudrait prévoir un mécanisme différent et moins onéreux pour les cas où la personne est recherchée par un tribunal international. Plus précisément, cette association soutient que les dispositions en vertu desquelles le ministre de la Justice doit ou peut refuser dextrader quelquun ne devraient pas sappliquer aux cas mettant en cause des tribunaux internationaux (voir les articles 46 et 47), et que les objections ou les limites à la compétence dun tribunal international, dans un cas particulier, devraient être tranchées par les tribunaux eux-mêmes, et non par le ministre. Amnistie internationale soutient également que les garanties traditionnelles du droit relatif à lextradition lexception concernant linfraction à caractère politique (alinéa 41(1)c)) et la règle de la double criminalité (alinéa 3(1)b)) ne devraient pas sappliquer aux affaires des tribunaux internationaux. Lorganisme sest dit particulièrement inquiet de lapplication de la règle de la double criminalité dans les cas de crimes de guerre ou de crimes contre lhumanité allégués, compte tenu de linterprétation judiciaire canadienne, laquelle requiert lintention criminelle pour justifier une condamnation pour ces infractions aux termes du Code criminel (paragraphe 7(3.71))(30). Mais, selon les fonctionnaires du ministère de la Justice, ces arguments accordent trop dimportance au rôle que joue la règle de la double criminalité dans le mécanisme dextradition et ne font pas la différence entre les normes juridiques et les normes de preuve sappliquant à lextradition, par opposition à la condamnation(31).
Pour sa part, la Criminal Lawyers Association of Ontario sinquiète surtout des nouvelles règles de preuve applicables à lextradition, qui sont envisagées dans les articles 32 et 33 du projet de loi C-40. Ces dispositions exigeraient du juge quil accepte comme preuve un sommaire écrit des éléments réunis contre une personne attesté par un fonctionnaire de la poursuite ou par un fonctionnaire judiciaire du pays demandeur. Toutefois, cela ne sappliquerait quaux éléments de preuve recueillis à lextérieur du Canada. Lassociation craint que le fait dautoriser lextradition en se fondant uniquement sur de simples ouï-dire nentraîne la violation du droit à une audition impartiale, conformément à la justice fondamentale, particulièrement en cas dabsence dune obligation définie de rendre compte de la part des auteurs de lattestation, pour le cas où les attestations se révélaient erronées, trompeuses ou fausses. De son côté, le ministère de la Justice soutient que ces dispositions sont nécessaires pour faciliter lextradition à destination dun certain nombre de pays, notamment ceux de droit civil, qui trouvent difficile de se conformer aux règles canadiennes normales de la preuve, par exemple à lexigence voulant que tout témoignage extrajudiciaire soit présenté sous la forme dun affidavit à la première personne et ne contienne aucun ouï-dire. On sattend à ce que ces nouvelles dispositions en matière de preuve fassent lobjet de contestations judiciaires en vertu de la Constitution devant les tribunaux.
(1) L.R.C. (1985), ch. E-23, modifiée.
(2) L.R.C. (1985), ch. F-32, modifiée.
(3) Schmidt c. La Reine (1987), 33 C.C.C. (3d) 193 (R.C.S.), et Republique dArgentine c. Mellino (1987), 33 C.C.C. (3d) 334 (R.C.S.), p. 353.
(4) Il existe actuellement deux tribunaux criminels internationaux spéciaux : les tribunaux sur les crimes de guerre commis dans lancienne Yougoslavie et au Rwanda. De plus, à la Conférence diplomatique des Nations Unies qui a eu lieu à Rome en juillet 1998, la collectivité internationale est convenue de créer un tribunal criminel international permanent.
(5) L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée.
(6) L.R.C. (1985), ch. 30 (4e suppl.), modifiée.
(7) L.R.C. (1985), ch. C-5, modifiée.
(8) L.R.C. (1985), ch. C-46, modifiée.
(9) Par « accord spécifique », on entend, selon larticle 10 du projet de loi, un accord spécifique dextradition donnant effet à une demande dextradition dans un cas déterminé.
(10) Il faut cependant se rappeler quun « accord dextradition » (voir ci-dessus) exclut, par définition, les « accords spécifiques » ayant trait à des cas particuliers. Cest ainsi que seul un accord général permettrait dabaisser le seuil établi à larticle 3 eu égard à un partenaire dune entente dextradition, mais quon ne saurait simplement y passer outre dans un cas particulier.
(11) Cest, en fait, la perspective à adopter selon la législation actuelle. Voir : Etats-Unis dAmérique c. Lépine, [1994] 1 R.C.S. 286, 87 C.C.C. (3d) 385, 111 D.L.R. (4th) 31.
(12) L.R.C. (1985), ch. I-1, modifiée.
(13) Anne Warner, LaForest's Extradition to and from Canada, 3e éd., Aurora (Ont.), Canada Law Books Inc., 1991, p. 45-46 et Gouvernement du Canada, communiqué de presse, « Présentation des réformes en matière dextradition », Ottawa, 5 mai 1998 (voir document dinformation ci-joint).
(14) Ibid., p. 31-32. Bien entendu, la règle ne s'applique qu'aux infractions commises avant l'extradition dans le pays demandant l'extradition.
(15) L.C. (1992), ch. 13, art. 2. Il fallait pour cela promulguer une loi, puisque les juges présidant des audiences dextradition le faisaient aux termes dun pouvoir légal spécial et non pas en vertu de leur compétence intrinsèque de juges dun tribunal supérieur (et ce bien quils aient toujours été des juges dun tribunal supérieur). Puisque, aux termes de la Loi, leur rôle était équivalent à celui dun juge de cour provinciale ou dun juge de paix dans le cadre de lenquête préliminaire dune procédure criminelle, ils étaient censés nêtre pas compétents pour accorder des réparations aux termes de la Charte au sens de larticle 24 de celle-ci : Mills c. La Reine (1986), 26 C.C.C. (3d) 481, [1986] 1 R.C.S. 863; Mellino (supra), États-Unis dAmérique c. Allard et Charette (1987), 33 C.C.C. (3d) 501 (R.C.S.).
(16) Re Kindler et Canada (Ministre de la Justice) (1991), 67 C.C.C. (3d) 1 (R.C.S.), p. 51, selon le juge McLachlin (les juges LHeureux-Dubé et Gonthier exprimant une opinion concordante).
(17) Re Decter and United States of America (1983), 5 C.C.C. (3d) 364 (N.S.S.C.), confirmée par 5 C.C.C. (3d) 381n (C.A. N.-É.) et Re United States of America and Smith (1984), 10 C.C.C. (3d) 540 (C.A. Ont.).
(18) Schmidt, p. 211 et Kindler, p. 52.
(19) L.R.C. (1985), ch. Y-1, modifiée.
(20) Conjuguées à lalinéa 494(1)b) du Code criminel, ces dispositions du projet de loi permettraient à ces agents, ou à quiconque, darrêter les fugitifs sans mandat.
(21) Ces articles ont trait aux questions suivantes eu égard aux appels relevant du Code criminel : énoncé des motifs de dissidence; signification de lappel ou de la demande dautorisation dinterjeter appel quand lintimé est introuvable; remise en liberté en attendant laudition de lappel; transmission et distribution des exemplaires du dossier dinstruction; pouvoir du tribunal dappel dordonner la production de différents types déléments de preuve et de les admettre; pouvoir du tribunal dappel dassigner un avocat et dordonner le financement public de lavocat dune partie à lappel dans certaines circonstances; pouvoir de rendre une décision sommaire sur les appels futiles; et droit des accusés dêtre présents à laudition de leur appel et dy participer.
(22) Dans le cadre dune audience dextradition, un sursis de linstance serait accordé à titre de réparation au regard dune infraction aux droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. Cest à partir de 1992 que la Loi, modifiée, a fait état dune audience dextradition se terminant par un sursis dinstance et cest aussi à partir de ce moment-là que les juges dextradition ont été considérés en tant que tels comme compétents pour régler les demandes de réparation aux termes de la Charte.
(23) L.R.C. (1985), ch. F-7, modifiée.
(24) L'alinéa 1.Fb) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés se lit comme suit :
F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser ( ) b) quelles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays daccueil avant dy être admises comme réfugiés ( ).
(25) Farhadi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de limmigration) (20 mars 1998), IMM-3846-96 (C.F. 1re inst.). Voir, en particulier, larticle 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1987 R.T.Can., no 36, qui se lit comme suit : « Aucun État partie nexpulsera, ne refoulera, ni nextradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire quelle risque dêtre soumise à la torture. »
(26) LaForest (1991), p. 48.
(27) L.R.C. (1985), ch. 30 (4e suppl., modifiée).
(28) Anne McIlroy, « Overhaul of Old Law Removes Loophole », Globe and Mail (Toronto), 5 mai 1998; Stephen Bindman, « Canada Allows War Crime Suspects to Be Extradited », Ottawa Citizen, 5 mai 1998; Gilles Toupin, « Un projet de loi fédéral vise à autoriser désormais lextradition des présumés criminels de guerre », La Presse (Montréal), 6 mai 1998.
(29) Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1987, Recueil des traités du Canada, no 36, article 3.
(30) Voir R. c. Finta, [1994] 1 R.C.S. 701, 88 C.C.C. (3d) 417.
(31) Brian Laghi et Erin Anderssen, « War-crimes Extradition Bill Called Weak », The Globe and Mail (Toronto), 23 novembre 1998.