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LS-296F

 

PROJET DE LOI C-5 :  LOI CANADIENNE
SUR LES COOPÉRATIVES

 

Rédaction :
Antony G. Jackson, Division de l'économie
Margaret Smith, Division du droit et du gouvernement
Le 20 octobre 1997
Révisé le 7 janvier 1998


 

HISTORIQUE DU PROJET DE LOI C-5

 

CHAMBRE DES COMMUNES

SÉNAT

Étape du Projet de loi Date Étape du projet de loi Date
Première lecture : 25 septembre 1997 Première lecture : 9 décembre 1997
Deuxième lecture : 22 octobre 1997 Deuxième lecture : 16 décembre 1998
Rapport du comité : 24 novembre 1997 Rapport du comité : 24 février 1998
Étape du rapport : 28 novembre 1997 Étape du rapport :  
Troisième lecture : 9 décembre 1997 Troisième lecture : 25 février 1998


Sanction royale : 31 mars 1998
Lois du Canada 1998, chapitre 1







N.B. Dans ce résumé législatif, tout changement d'importance depuis la dernière publicaiton est indiqué en caractères gras.

 

 

 

 

 

TABLE DES MATIÈRES

 

CONTEXTE

DESCRIPTION ET ANALYSE

   A.  Partie 1 - Définitions et applications (articles 2 à 7)

   B.  Partie 2 - Constitution, structure et organisation (articles 8 à 25)

   C.  Partie 3 - Capacité et pouvoirs (articles 26 à 29)

   D.  Partie 4 - Siège social et livres (articles 30 à 34)

   E.  Partie 5 - Membres (articles 35 à 47)

   F.  Partie 6 - Administration de la coopérative (articles 48 à 75)

   G.  Partie 7 - Administrateurs et dirigeants (articles 76 à 115)

   H.  Partie 8 - Structure du capital (articles 116 à 162)

   I.  Partie 9 - Procurations (articles 163 à 170)

   J.  Partie 10 - Transactions d'initiés (articles 171 à 173)

   K.  Partie 11 - Acquisitions forcées (articles 174 à 176)

   L.  Partie 12 - Certificats de valeurs mobilières, registres et transferts (articles 177 à 246)

   M.  Partie 13 - Présentation de renseignements financiers (articles 247 à 265)

   N.  Partie 14 - Acte de fiducie (articles 266 à 277)

   O.  Partie 15 - Séquestres et séquestres-gérants (articles 278 à 283)

   P.  Partie 16 - Modifications de structure (articles 284 à 305)

   Q.  Partie 17 - Liquidation et dissolution (articles 306 à 328)

   R.  Partie 18 - Enquêtes (articles 329 à 337)

   S.  Partie 19 - Recours, infractions et peines (articles 338 à 351)

   T.  Partie 20 - Coopératives d'habitation sans but lucratif (articles 352 à 358)

   U.  Partie 21 - Coopératives de travailleurs (articles 359 à 361)

   V.  Partie 22 - Dispositions générales (articles 362 à 378)

   W.  Partie 23 - Prorogation (article 379)

   X.  Partie 24 - Modifications corrélatives, abrogation et entrée en vigueur (articles 380 à 386)

COMMENTAIRE

 


 PROJET DE LOI C-5 : LOI CANADIENNE SUR LES COOPÉRATIVES

 

 CONTEXTE

 

Le projet de loi C-5, Loi régissant les coopératives, a été déposé à la Chambre des communes par le ministre de l’Industrie et adopté en première lecture le 25 septembre 1997. Ce projet de loi avait été déposé, sous le nom de projet de loi C-91, le 21 mars 1997 durant la trente-cinquième législature, mais il est mort au Feuilleton à la dissolution du Parlement.

Le projet de loi C-5 est l’aboutissement d’un processus lancé par les deux associations de coopératives, la Canadian Cooperative Association et le Conseil canadien de la coopération. Les coopératives non financières de régime fédéral s’estiment désavantagées sur le plan de la concurrence du fait que leur structure administrative est dépassée. Les associations ont rédigé une proposition de loi après de nombreuses années de discussions et de débats. En juillet 1996, le gouvernement a annoncé qu’il déposerait un projet de loi après avoir procédé à des consultations publiques. Un document de travail fondé sur la proposition a été publié en septembre de la même année.

Les coopératives jouent un rôle important dans de nombreuses régions du pays et ce, depuis l’ouverture, en 1861, d’un magasin coopératif à Stellarton, en Nouvelle-Écosse, sur le modèle de la coopérative de consommation Rochdale, d’Angleterre. Diverses coopératives de vente au détail ont été établies dans un certain nombre de localités rurales, mais les agriculteurs se sont rendu compte que leurs difficultés tenaient au fait qu’ils ne contrôlaient pas la mise en marché de leurs produits et non à leur impuissance en tant que consommateurs. Ils ont donc établi des coopératives de commercialisation qui ont depuis pris une importance considérable dans l’économie agricole au Canada. Les besoins financiers des coopératives de consommation sont bien différents de ceux des coopératives de mise en marché de produits agricoles. Dans une coopérative de vente au détail, les recettes de ventes sont générées à mesure que les stocks baissent sur les tablettes et qu’on a besoin de faire des achats pour reconstituer les stocks, si bien que l’autonomie par auto-financement est possible. La ristourne est versée uniquement aux membres une fois tous les coûts couverts, ce qui réduit les risques de défaut de paiement sur les prêts. En revanche, les agriculteurs doivent acheter leurs intrants durant la saison des semailles et la saison de croissance, mais ils ne sont payés que lorsque leur récolte est vendue. Les coopératives agricoles ont donc besoin de plus de capital que les coopératives de vente au détail, capital qui peut dépasser ce que les membres ou les banques peuvent fournir. Pour que les coopératives puissent faire appel à des actionnaires de l’extérieur, il faut que la législation régissant les coopératives permette à celles-ci de conserver leur caractère unique tout en protégeant les détenteurs de parts de placement.

La Loi sur les associations coopératives du Canada (LACC) de 1970 reposait sur la Loi sur les corporations canadiennes alors en vigueur. Or, le droit fédéral des sociétés a été considérablement révisé depuis 1970, mais pas la Loi sur les associations coopératives du Canada. Par contre, les coopératives constituées au niveau provincial bénéficient d’une législation plus à jour.

Le projet de loi C-5 abrogerait la LACC et rapprocherait la législation fédérale sur les coopératives non financières des lois fédérales visant les sociétés par actions et les institutions financières. Les coopératives pourraient ainsi bénéficier d’une structure administrative comportant des modalités de constitution plus simples et un ensemble de droits et de responsabilités des membres, des détenteurs de parts de placement et des administrateurs mieux définis.

Les membres d’une coopérative auraient la haute main sur les décisions de gestion de la coopérative. Une coopérative pourrait émettre des parts de placement, mais les détenteurs de ces parts n’auraient pas de droit de vote dans l’élection des administrateurs, à moins que les membres ne décident de prévoir ce privilège dans les statuts.

DESCRIPTION ET ANALYSE

Le projet de loi C-5 comporte 24 parties. Nous donnons ci-dessous un aperçu de chacune en indiquant, le cas échéant, les dispositions semblables à celles de la Loi sur les sociétés par actions (LSA).

   A. Partie 1 - Définitions et application (articles 2 à 7)

La Partie 1 indique à qui s’applique la Loi. Pour être une « coopérative », une organisation doit être organisée et exploitée selon le principe coopératif. Le projet de loi C-5 actualiserait et élargirait la définition de « principe coopératif » pour refléter les principes qui sont appliqués couramment au Canada et respecter les principes coopératifs adoptés par l’Alliance coopérative internationale en 1995.

Une coopérative serait organisée suivant le principe coopératif si elle respecte les principes suivants :

· adhésion ouverte;

· un vote par membre;

· pas de vote par procuration des membres;

· intérêt limité sur les prêts de membre;

· dividendes limités sur les parts de membre;

·dans la mesure du possible, les membres fournissent le capital requis;

· affectation de l’excédent à l’expansion des activités commerciales, à l’amélioration des services communs, à la constitution de réserves pour le paiement d’intérêts sur les prêts de membres, à la promotion du bien-être collectif ou répartition de celui-ci entre les membres sous la forme de ristourne;

· sensibilisation aux principes coopératifs (article 7).

Le projet de loi C-5 ne vise que les coopératives non financières de régime fédéral (paragraphe 3(5)). Pour être constituée au niveau fédéral, une coopérative devrait être exploitée dans plus d’une province (paragraphe 3(2)).

Le paragraphe 7(3) prévoit des exceptions au principe « un membre, une voix ». Des voix multiples seraient autorisées pour les coopératives de deuxième et de troisième niveau. Cette exception s’appliquerait aux fédérations de coopératives dont les membres sont d’autres coopératives et non des particuliers. Les coopératives constituées aux termes de la LACC dont les statuts prévoient déjà plus d’une voix par membre pourraient continuer de fonctionner ainsi. Enfin, une entité coopérative (une coopérative autre qu’une coopérative constituée aux termes de la nouvelle loi) qui était membre d’une coopérative constituée aux termes de la Loi pourrait conserver un droit de vote multiple au premier niveau. Cela permettrait par exemple aux coopératives financières qui sont membres d’autres coopératives et qui ont un apport de capital substantiel d’avoir des droits de vote multiple.

Le tableau suivant donne une idée de l’importance des coopératives et de leur type de constitution par secteur en 1995.

 

Chiffre d’affaires des coopératives non financières canadiennes
(en millions de dollars)

 

Coopératives de régime fédéral(1)

Ensemble des coopératives(2)

%

Consommation

2 682,3

6 382,3

42

Approvisionnement

439,1

4 002,2

11

Commercialisation

2 922,0

11 817,6

25

Pêche

 

164,6

0

Production

 

778,1

0

Services

133,8

1 700,9

8

Total

6 177,2

24 845,7

25

Source : Tableau 1 dans Les coopératives au Canada, Secrétariat aux coopératives, 1997.

 

   B. Partie 2 - Constitution, structure et organisation (articles 8 à 25)

La constitution en coopérative deviendrait un droit pour les groupes qui répondent aux conditions énoncées dans le projet de loi C-5. Aux termes de la loi actuelle, le Ministre a une certaine latitude en la matière.

On ramènerait de sept à trois le nombre de personnes nécessaire pour soumettre une demande de constitution. S’il s’agit d’une coopérative dont sont membres des fédérations, une ou plusieurs fédérations pourraient présenter la demande de constitution en coopérative (article 8).

Le projet de loi C-5 précise davantage ce qui devrait figurer dans les statuts et dans les règlements administratifs. Les statuts traiteraient de questions fondamentales et contiendraient les informations suivantes : les restrictions quant aux activités commerciales de la coopérative; le nombre des administrateurs; des détails sur les parts de placement, le cas échéant; des détails sur le capital de parts de membre, le cas échéant; la distribution de l’actif à la dissolution; une déclaration portant que la coopérative est organisée et exploitée selon le principe coopératif; et des dispositions suivant lesquelles les membres pourraient limiter les pouvoirs des administrateurs (article 11).

Les règlements administratifs traiteraient, entre autres, des membres (catégories, qualités, droits, retrait et exclusion), des modalités de délégation, le cas échéant, du choix, des qualités, du mandat et de la révocation des administrateurs et des règles de répartition de l’excédent (article 15).

   C. Partie 3 - Capacité et pouvoirs (articles 26 à 29)

La partie 3 du projet de loi donnerait aux coopératives la capacité, les droits, les pouvoirs et les privilèges d’une personne physique, de même que la possibilité d’exercer des activités commerciales partout au Canada (article 26). Les membres et les détenteurs de parts de placement auraient une responsabilité limitée (article 29).

   D. Partie 4 - Siège social et livres (articles 30 à 34)

Les dispositions concernant le siège social d’une coopérative et la tenue de livres reprendraient celles qui se trouvent dans la Loi sur les sociétés par actions.

   E. Partie 5 - Membres (articles 35 à 47)

Cette partie traite de la manière dont on deviendrait membre d’une coopérative, dont on se retirerait d’une coopérative et dont on serait exclu d’une coopérative. Aux termes du projet de loi C-5, des sociétés pourraient devenir membres d’une coopérative. Sous réserve des exceptions précitées, le principe un membre, une voix, s’appliquerait et le vote par procuration serait interdit (article 37).

Lorsqu’un membre se retirerait d’une coopérative, les administrateurs de la coopérative devraient racheter toutes les parts du membre et rembourser à celui-ci tous les prêts de membre (sauf les prêts à échéance fixe) et autres sommes portées à son crédit. Sous réserve de conditions de solvabilité, la coopérative aurait un an pour effectuer ces paiements, à moins que cela ne compromette sa santé financière (article 39). Lorsque des administrateurs décideraient d’exclure un membre d’une coopérative et sous réserve de conditions de solvabilité, le paiement des sommes dues au membre en question devrait être effectué dans les douze mois suivant l’exclusion, et cette période ne pourrait pas être prolongée (article 40).

Les personnes exclues pourraient être réadmises dans la coopérative par résolution spéciale des membres (article 45).

   F. Partie 6 - Administration de la coopérative (articles 48 à 75)

La partie 6 énonce les règles qui régiraient les assemblées annuelles et les assemblées spéciales, les avis d’assemblée, le quorum et la procédure de vote. La tenue d’une assemblée pourrait aussi être demandée par au moins deux personnes détenant cinq pour cent des droits de vote (article 69) et, dans certains cas, une assemblée pourrait être convoquée par un tribunal (article 71).

Aux termes du projet de loi C-5, les membres auraient le droit d’assister aux assemblées annuelles de la coopérative. Les détenteurs de parts de placement assisteraient à des assemblées spéciales, mais n’assisteraient à des assemblées des détenteurs de parts et n’y voteraient que lorsqu’ils ont le droit d’élire des administrateurs (article 133). Lorsque les détenteurs de parts de placement ont le droit d’élire des administrateurs, ils pourraient élire au plus 20 p. 100 du conseil d’administration (article 124). Les détenteurs de parts de placement auraient le droit de se prononcer par vote sur des changements fondamentaux aux statuts si ces changements les touchent, que leurs parts de placement soient ou non assorties d’un droit de vote (article 134).

   G. Partie 7 - Administrateurs et dirigeants (articles 76 à 115)

Le projet de loi C-5 porte qu’une coopérative devrait compter au moins trois administrateurs. Généralement, au moins les deux tiers des administrateurs devraient être membres de la coopérative. Sous réserve d’une exception pour les coopératives de travailleurs, la majorité des administrateurs devraient être des particuliers qui ne sont pas dirigeants ou employés à plein temps de la coopérative. En outre, la majorité des administrateurs devraient être des résidents du Canada (articles 76 à 78). Tous les administrateurs seraient élus par les membres de la coopérative à moins que les statuts ne permettent aux détenteurs de parts de placement d’élire une partie des administrateurs (au plus 20 p. 100).

Les dispositions relatives aux fonctions et aux devoirs des administrateurs seraient modernisées. Sous réserve des dispositions de la nouvelle loi, des statuts et de toute convention unanime, les administrateurs dirigeraient les activités commerciales et les affaires internes de la coopérative (article 79). Ainsi, les membres, par la faculté qu’ils ont de voter le contenu des statuts, et les membres et les détenteurs de parts de placement, par une convention unanime, pourraient restreindre les pouvoirs des administrateurs.

Les devoirs des administrateurs refléteraient ceux qui sont énoncés dans la LSA. Les administrateurs devraient agir « avec intégrité et de bonne foi au mieux des intérêts de la coopérative » et « avec le soin, la diligence et la compétence dont ferait preuve, en pareilles circonstances, une personne prudente » (article 80).

Le projet de loi C-5 contient des dispositions analogues à celles qui se trouvent dans la LSA au sujet des assemblées des administrateurs. Pour que le quorum soit atteint, la majorité des administrateurs présents devraient à la fois résider au Canada et être membres de la coopérative ou représenter des entités membres (article 97).

Les dispositions relatives à la responsabilité des administrateurs seraient rapprochées de celles de la LSA. Les administrateurs seraient solidairement responsables de la différence entre la valeur des parts et l’apport en numéraire reçu en contrepartie et des sommes distribuées non encore recouvrées par la coopérative à l’égard de certains paiements et prêts énumérés effectués en contravention des conditions de solvabilité énoncées dans le projet de loi (article 101).

Comme c’est le cas dans la LACC et la LSA, les administrateurs seraient responsables envers les employés de la coopérative de jusqu’à six mois de salaire. Ils ne seraient cependant pas responsables des sommes devant être versées à la suite de cessations d’emploi contractuelles ou sous le régime d’une loi, des indemnités de départ et des dommages-intérêts punitifs qui découlent de la cessation d’emploi (article 102).

La responsabilité des administrateurs serait par ailleurs limitée par la défense de diligence raisonnable (article 111), laquelle est plus vaste que celle qui se trouve dans la LSA et reflète les recommandations énoncées par le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce dans son rapport sur la régie des sociétés publié en 1996.

Les dispositions du projet de loi portant sur les dirigeants et les comités sont semblables à celles de la LSA. Sous réserve des statuts, des règlements administratifs et d’une convention unanime, les administrateurs pourraient créer des postes de dirigeants, préciser leurs fonctions et attributions et nommer des dirigeants.

   H. Partie 8 - Structure du capital (articles 116 à 162)

Les coopératives peuvent être constituées avec ou sans capital de parts de placement. La partie 8 porte notamment sur le capital de parts de membre, les parts de placement et le financement.

Aux termes du projet de loi, le terme « parts de coopérative » serait remplacé par celui de « parts de membre ». Il n’y aurait qu’une seule catégorie de parts de membre, qui ne seraient émises qu’aux membres de la coopérative. Les parts de membre ne conféreraient aucun droit de vote (le droit de vote serait associé au statut de membre et non aux parts), mais elles conféreraient à leur titulaire des droits égaux de recevoir les dividendes déclarés et de se partager le reliquat des biens de la coopérative à sa dissolution, sous réserve des statuts (article 118).

L’une des principales modifications contenues dans le projet de loi C-5 permettrait aux coopératives d’émettre des parts de placement (article 124). Ce mécanisme donnerait aux coopératives un moyen de réunir des capitaux et aux investisseurs la possibilité de réaliser des gains sur leur placement par la voie de dividendes et de gains en capital. Une coopérative ne pourrait pas émettre des parts de placement avant que les membres n’aient approuvé le principe de l’émission de parts de placement (paragraphe 126(2)).

Les parts de placement auraient des qualités analogues à celles des actions émises par les sociétés par actions aux termes de la LSA. Elles seraient nominatives et sans valeur nominale (article 125).

Les détenteurs de parts de placement auraient le droit d’élire des administrateurs, si les statuts leur confèrent ce droit, mais de toute façon, ils pourraient élire au plus 20 p. 100 des administrateurs. Lorsque les détenteurs de parts de placement d’une certaine catégorie ont le droit d’élire des administrateurs, la coopérative devrait convoquer une assemblée spéciale des détenteurs de parts de placement dans les six mois et une assemblée annuelle des détenteurs de parts de placement par la suite (article 133).

Ces dispositions du projet de loi sont motivées en grande partie par l’opportunité de donner aux coopératives un cadre solide leur ouvrant accès à de nouvelles sources de capitaux. Cette question inquiète certaines personnes du mouvement coopératif qui craignent la disparition du modèle démocratique autosuffisant (modèle de Rochdale). En acceptant des apports de l’extérieur, les membres risquent de perdre une part de contrôle de la coopérative au profit des détenteurs de parts de placement. Cependant, la décision d’accepter des placements de la part de non-membres devrait être prise démocratiquement par les membres de la coopérative et, comme nous l’avons dit plus haut, le degré de pouvoir dont disposent les détenteurs de parts de placement serait décidé par les membres sous réserve des limites supérieures strictes imposées dans le projet de loi. Les parts de placement dans une coopérative ressembleraient davantage à des actions sans droit de vote qu’à des actions avec droit de vote sur le plan de leurs attributs.

   I. Partie 9 - Procurations (articles 163 à 170)

Les membres ne pourraient pas voter par procuration, mais les détenteurs de parts de placement auraient des droits et privilèges de vote par procuration analogues à ceux que confère la Loi sur les sociétés par actions.

   J. Partie 10 - Transactions d’initiés (articles 171 à 173)

Les dispositions relatives aux transactions d’initiés sont pour la plupart analogues à celles de la Loi sur les sociétés par actions.

   K. Partie 11 - Acquisitions forcées (articles 174 à 176)

Les offres d’achat de parts de placement seraient assujetties à des dispositions analogues à celles de la Loi sur les sociétés par actions. Ces dispositions ne s’appliqueraient pas aux parts de membre.

   L. Partie 12 - Certificats de valeurs mobilières, registres et transferts (articles 177 à 246)

La LACC n’établit pas de règles quant au transfert de propriété de valeurs mobilières. La partie 12 contient des dispositions analogues à celles de la Loi sur les sociétés par actions en ce qui concerne les certificats, registres et transferts de valeurs mobilières; la modification a été rendue nécessaire en raison de l’introduction des parts de placement. Les règles régissant les parts de placement dans une coopérative refléteraient celles qui visent les actions des sociétés. Ces dispositions ne s’appliqueraient pas aux parts de membre.

   M. Partie 13 - Présentation de renseignements financiers (articles 247 à 265)

Les modifications prévues dans cette partie donneraient aux coopératives des règles de présentation des renseignements financiers analogues à celles qui figurent dans la Loi sur les sociétés par actions. Les états financiers annuels seraient remis aux membres lors de l’assemblée annuelle des membres. Quant aux détenteurs de parts de placement, ils n’auraient droit à des états financiers annuels qui leur seraient remis lors de l’assemblée annuelle des détenteurs de parts de placement que s’ils avaient le droit d’élire des administrateurs.

Les administrateurs auraient de nouvelles responsabilités à l’égard des états financiers. Ils devraient non seulement approuver les états financiers, mais aussi informer le vérificateur et le comité de vérification des erreurs ou renseignements inexacts qu’ils constateraient dans les états financiers. Ils seraient aussi tenus de rectifier les états financiers et d’en informer les membres et les détenteurs de parts de placement (article 264).

Les coopératives ayant des parts en circulation émises dans le contexte d’une souscription publique seraient tenues de nommer un comité de vérification composé d’au moins trois administrateurs. Les autres coopératives pourraient établir des comités de vérification si elles le souhaitent (article 263).

   N. Partie 14 - Acte de fiducie (articles 266 à 277)

Cette partie repose sur les dispositions en la matière que l’on trouve dans la Loi sur les sociétés par actions. Elle s’appliquerait aux actes de fiducie concernant des titres de créance émis par souscription publique.

   O. Partie 15 - Séquestres et séquestres-gérants (articles 278 à 283)

Cette partie repose sur les dispositions en la matière que l’on trouve dans la Loi sur les sociétés par actions. Elle traite, entre autres, des fonctions de séquestre et de séquestre-gérant, de la suspension des pouvoirs des administrateurs, des devoirs et des normes de diligence du séquestre ou du séquestre-gérant et des actions attendues d’un séquestre ou d’un séquestre-gérant.

   P. Partie 16 - Modifications de structure (articles 284 à 305)

Cette partie permettrait à toute « personne morale » de demander une prorogation(1) aux termes de la Loi canadienne sur les coopératives à la condition qu’elle réponde aux conditions de constitution, qu’elle mène ses activités suivant le « principe coopératif », qu’elle ait une structure de capital et une structure d’entreprise qui satisfont aux exigences de la Loi et que le texte qui la régit l’y autorise. En outre, des personnes morales seraient autorisées à se proroger aux termes de la Loi si elles ont l’intention de fusionner et si le résultat de la fusion répondait aux conditions énoncées dans la Loi (article 285). Par ailleurs, le projet de loi permettrait à une coopérative de régime fédéral (autre qu’une coopérative de travailleurs ou une coopérative d’habitation sans but lucratif) de demander une prorogation en vertu d’autres lois (article 286). Cela permettrait à des coopératives de devenir de simples sociétés par actions. Le projet de loi permettrait aussi aux coopératives de régime fédéral de se proroger sous le régime d’une autorité législative provinciale si elles ne répondent plus aux conditions énoncées dans le projet de loi (article 287).

La procédure de modification des statuts d’une coopérative serait rendue conforme aux dispositions de la Loi sur les sociétés par actions. Toute modification des statuts serait approuvée par résolution spéciale des membres et des détenteurs de parts de placement, le cas échéant. Chaque part de placement touchée par la modification envisagée conférerait un droit de vote (article 290).

Les modalités de fusion de coopératives de régime fédéral et d’autres coopératives seraient rendues conformes aux dispositions de la Loi sur les sociétés par actions.

Le projet de loi contient des dispositions sur les aliénations faites hors du cours normal des affaires, comme la vente ou la cession de la majeure partie de l’actif d’une coopérative. Ces dispositions sont analogues à celles de la Loi sur les sociétés par actions.

Aux termes de la LACC, les membres d’une coopérative ont un droit à la dissidence et un droit de retrait si une fusion est approuvée. En cas de retrait, si la coopérative est solvable, elle doit racheter les parts du membre concerné et lui rembourser toutes les sommes qui lui sont dues. L’article 302 du projet de loi prévoit un droit à la dissidence et un droit de retrait à l’intention des membres et des détenteurs de parts de placement analogues à ceux que l’on trouve dans la Loi sur les sociétés par actions. Le droit à la dissidence s’appliquerait aux événements suivants :

· fusions;

· modification des statuts préjudiciable aux droits d’un membre ou aux droits d’un détenteur de parts de placement en ce qui a trait à une part de placement;

· modification des statuts ayant pour effet d’étendre ou de modifier des restrictions aux activités commerciales de la coopérative;

· prorogation sous le régime d’une autre loi;

· vente, location ou échange de la totalité ou de la quasi-totalité des biens de la coopérative.

Si la résolution portant fusion, prorogation, modification des statuts ou cession extraordinaire est adoptée, le membre ou le détenteur de parts de placement dissident aurait droit à être remboursé intégralement. Le projet de loi prévoit cependant que les paiements en question pourraient être différés s’il est établi que la coopérative est insolvable ou le deviendrait (paragraphe 302(23)). En outre, aux termes du paragraphe 302(24), les paiements à un membre dissident pourraient être étalés sur dix ans et assortis d’un intérêt à un taux fixé par règlement si les administrateurs estimaient que le remboursement du membre pourrait porter préjudice à la santé financière de la coopérative.

Les dispositions relatives aux réorganisations et aux autres arrangements ordonnés par un tribunal reflètent celles de la Loi sur les sociétés par actions (articles 303 à 305).

   Q. Partie 17 - Liquidation et dissolution (articles 306 à 328)

Cette partie reflète les dispositions correspondantes de la Loi sur les sociétés par actions.

   R. Partie 18 - Enquêtes (articles 329 à 337)

La partie 18 transférerait la responsabilité d’ordonner une enquête sur une coopérative du Ministre aux tribunaux, ce qui correspond aux dispositions équivalentes de la Loi sur les sociétés par actions.

   S. Partie 19 - Recours, infractions et peines (articles 338 à 351)

La partie 19 est modelée sur la Loi sur les sociétés par actions. Elle établirait le droit de recours à l’action oblique et le droit de présenter une demande en cas d’abus. En outre, le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire pourrait fournir de l’aide pour le règlement extrajudiciaire des différends (article 351).

   T. Partie 20 - Coopératives d’habitation sans but lucratif (articles 352 à 358)

Cette partie du projet de loi contient des dispositions spéciales visant le secteur des coopératives d’habitation sans but lucratif. Il est précisé que les activités commerciales de ces coopératives se limiteraient à offrir des services de logement et d’habitation à leurs membres et que ces coopératives ne pourraient émettre que des parts de membre avec valeur nominale. À la dissolution de la coopérative, après exécution des obligations, le reliquat des biens devrait être distribué à une autre coopérative d’habitation sans but lucratif ou à un organisme de bienfaisance. La coopérative devrait exercer son activité sans avoir pour objectif le gain de ses membres (article 354). Toute modification fondamentale de la structure d’une coopérative d’habitation sans but lucratif devrait être approuvée par au moins 90 p. 100 des membres (article 358).

L’article 355 forcerait les coopératives d’habitation sans but lucratif à inscrire dans leurs règlements administratifs une série de règles concernant par exemple les apports de capital, les procédures de règlement des différends, les procédures d’exclusion, le calcul de l’avoir d’un membre exclu et son remboursement et les réserves de capital.

Le projet de loi énonce aussi les droits des membres d’occuper une unité d’habitation dans la coopérative et la procédure qui s’appliquerait si un membre devait occuper une autre unité d’habitation (article 356).

Aux termes de l’article 357, une coopérative d’habitation sans but lucratif ne pourrait pas attribuer ou payer en numéraire l’un de ses biens à un membre. Elle serait cependant autorisée à payer à ses membres des dividendes sur leurs parts (au plus 8 p. 100 par année) et des intérêts sur des prêts (au plus 10 p. 100 par année), de même que certains autres paiements décrits dans le projet de loi.

   U. Partie 21 - Coopératives de travailleurs (articles 359 à 361)

Cette partie s’appliquerait aux coopératives de travailleurs exploitées dans plus d’une province. Les objectifs principaux d’une coopérative de travailleurs seraient de « fournir de l’emploi à ses membres et d’exploiter une entreprise dont le contrôle est détenu par ceux-ci ». Seuls les employés de la coopérative pourraient devenir membres de celle-ci. L’investissement maximal du futur membre ne pourrait pas dépasser 50 p. 100 de son salaire prévu pendant la première année suivant son adhésion, à moins que tous les autres membres ne paient un montant supérieur (article 359).

Une coopérative de travailleurs pourrait employer des non-membres pourvu que 75 p. 100 au moins de ses employés permanents en soient membres dans les cinq ans qui suivent sa constitution ou l’acquisition par celle-ci d’une entreprise.

Toutes les coopératives de travailleurs seraient, entre autres, tenues d’inclure les éléments énumérés à l’article 360 dans leurs règlements administratifs et au moins 80 p. 100 des administrateurs de ces coopératives devraient être des membres employés par la coopérative (article 361).

   V. Partie 22 - Dispositions générales (articles 362 à 378)

Cette partie traite de questions de détail concernant les certificats, documents, déclarations et livres. Les modifications prévues dans cette partie reflètent les dispositions de la Loi sur les sociétés par actions.

L’article 372 concerne le pouvoir de prendre des règlements.

   W. Partie 23 - Prorogation (article 379)

Cette partie énonce les modalités en vertu desquelles les coopératives constituées en vertu de la loi actuelle seraient réputées être constituées aux termes du projet de loi C-5. Chaque ancienne coopérative aurait cinq ans pour modifier et déposer ses statuts conformément aux dispositions de la nouvelle loi.

   X. Partie 24 - Modifications corrélatives, abrogation et entrée en vigueur (articles 380 à 386)

La partie 24 apporterait des modifications corrélatives à un certain nombre de lois et abrogerait la LACC. La nouvelle Loi canadienne sur les coopératives entrerait en vigueur à la date fixée par décret (article 386).

COMMENTAIRE

Le projet de loi C-5 ne suscitera sans doute pas un grand débat dans le milieu coopératif. Les associations nationales de ce secteur, la Canadian Cooperative Association et le Conseil canadien de la coopération ont beaucoup contribué à faire reconnaître la nécessité de moderniser la LACC et ont participé activement au procédure de consultation qui a abouti au projet de loi.


(1)  Une prorogation permet à une personne morale constituée aux termes d'une loi d'un palier de compétence donné de passer de ce palier de compétence à un autre.  Par exemple, une société constituée aux termes de la Loi sur les sociétés par actions pourrait demander de passer sous le régime d'une loi provinciale donnée et vice versa.