Direction de la recherche parlementaire


MR-105F

 

LES CARTES DE CRÉDIT À FAIBLE
TAUX D'INTÉRÊT :  UNE INNOVATION

 

Rédaction  Terrence J. Thomas
Division de l'économie

Le 27 janvier 1993

                                      


 

TABLE DES MATIÈRES

 

INTRODUCTION

LES CARTES INNOVATRICES

REMARQUES


 

LES CARTES DE CRÉDIT À FAIBLES
TAUX D’INTÉRÊT : UNE INNOVATION

 

INTRODUCTION

Depuis le milieu des années 80, trois comités parlementaires ont examiné le marché des cartes de crédit au Canada. Bien que, dans chaque cas, les comités se soient penchés sur des éléments légèrement différents - l’ampleur de la concurrence en 1987, l’importance de la divulgation en 1989, et la possibilité de restrictions d’entrée en 1992 - , leurs investigations et leurs recommandations se sont considérablement recoupées. De plus, les trois examens avaient comme thème principal la cherté des taux d’intérêt applicables aux cartes de crédit et la persistance de ces taux élevés même lorsque les autres taux d’intérêt fléchissent.

Les membres des trois comités parlementaires ont différé d’opinion sur l’hypothèse voulant que le marché soit le mieux placé pour fixer les taux applicables au cartes du crédit. Dans son rapport, le comité qui a mené son examen en 1989 a recommandé que le maximum du taux applicable aux cartes émises par les institutions financières soit fixé à huit points de pourcentage au-dessus du taux d’escompte; pour sa part, le comité qui a fait son investigation en 1992 a recommandé qu’aucun plafond ne soit imposé, bien que dans un rapport minoritaire, certains membres soient restés fidèles à la recommandation du rapport précédent. Dans le présent document, nous examinons une innovation récente qui fait baisser les taux d’intérêt applicables aux cartes de crédit à un niveau bien inférieur au plafond proposé en 1989.

Les deux graphiques en annexe montrent d’une part l’évolution, depuis le début des années 70, des taux applicables aux cartes bancaires représentatives et celle du taux d’escompte, et d’autre part l’écart entre le taux applicable à une carte Visa et le taux d’escompte. Avant 1987, soit l’année où le Parlement a entrepris d’examiner le marché des cartes de crédit, les banques ne modifiaient que très rarement le taux d’intérêt applicable aux cartes de crédit et lorsqu’elles le faisaient, le changement était important (en moyenne, environ 300 points de base); depuis, les changements sont plus fréquents et plus modestes (environ 30 points de base).

Les taux applicables aux cartes de crédit restent des taux fortement administrés et, contrairement au taux des bons du Trésor, ils ne suivent pas les fluctuations quotidiennes des marchés financiers; le graphique 2, qui montre l’écart entre un taux applicable à une carte représentative et le taux d’escompte, illustre d’ailleurs ce fait. L’écart n’est pas constant, comme il le serait si, réagissant à diverses perturbations, le taux applicable aux cartes de crédit était fonction du marché ou s’il ne devait pas dépasser une certaine marge au-dessus du taux d’escompte (auquel cas le maximum deviendrait probablement le taux standard).

LES CARTES INNOVATRICES

Le conséquence la plus importante des enquêtes parlementaires est probablement l’introduction, par plusieurs banques, de cartes de crédit portant un faible taux d’intérêt. En mars 1992, pendant que le Comité permanent de la consommation et des affaires commerciales menait la troisième étude parlementaire sur les cartes de crédit, la Banque de Montréal lançait sa carte MasterCard Plus. En octobre, c’était au tour de la Banque de la Nouvelle-Écosse d’offrir sa carte Visa Minima, et, en novembre, celui de la Banque Royale de présenter sa carte Visa à faible taux d’intérêt.

Voici les conditions applicables aux trois cartes :

Banque de Montréal (MasterCard Plus)

cotisation annuelle :                          18 $
taux d’intérêt :                                  taux de base plus 5,5 points de pourcentage
période de crédit sans intérêt :          aucune

Scotiabank (Visa Minima)

cotisation annuelle :                          29 $
taux d’intérêt :                                 10,5 p. 100
période de crédit sans intérêt :         21 jours

Banque Royale (Visa à faible taux d’intérêt)

cotisation annuelle :                         25 $
taux d’intérêt :                                11,4 p. 100
période de crédit sans intérêt :         21 jours

 

Si l’on utilise comme cadre de référence le plafond proposé, le taux d’escompte (7,36 p. 100) additionné d’une marge de huit points de pourcentage aurait donné 15,36 p. 100 à la fin de 1992. Le taux de base de la Banque de Montréal étant alors de 7,25 p. 100, le taux de la MasterCard Plus aurait été de 12,75 p. 100. Le taux de base des banques à charte était à ce moment-là inférieur au taux d’escompte, ce qui se produit rarement; toutefois, même dans une situation plus typique, le taux sur MasterCard Plus aurait été inférieur à 14 p. 100. Les cartes à faible taux d’intérêt offrent donc un taux qui est inférieur à ce que le Comité permanent de la consommation et des affaires commerciales recommandait en 1989.

Il convient de souligner, cependant, que les nouvelles cartes à faible taux sont assorties d’une cotisation annuelle relativement élevée. Dans leurs rapports respectifs, les trois comités ont fait remarquer qu’une réaction possible à l’imposition d’un plafond serait une augmentation des cotisations annuelles; toutefois, lorsque le comité créé en 1989 a recommandé l’imposition d’un maximum, il n’est pas allé jusqu’à suggérer des restrictions sur les cotisations ou sur les autres conditions d’admissibilité (pas plus que le NPD en 1992).

Les consommateurs ont maintenant le choix entre deux genres de cartes portant un faible taux d’intérêt. L’une d’elles (la MasterCard Plus) offre un taux flottant mais n’accorde aucune période de crédit sans intérêt; les autres (la Visa Minima et la carte Visa à taux faible de la Banque Royale) offrent l’habituelle période de crédit sans intérêt pour les cartes bancaires, ainsi qu’un taux administré qui est inférieur au taux habituel des cartes bancaires. Les cartes assorties d’une période de crédit sans intérêt exigent une cotisation annuelle plus élevée que les autres.

La décision d’opter pour une carte à faible taux d’intérêt dépend des habitudes de consommation et de paiement de chaque titulaire de carte de crédit. Bien sûr, si tous les clients payaient toujours leur solde au complet tous les mois, les taux d’intérêt importeraient peu car aucuns frais d’intérêt ne s’appliqueraient. Pour les personnes qui n’acquittent pas leur compte au complet tous les mois, il y a un seuil où la carte à faible taux devient retable. Le cas le plus évident est celui des gens qui ne payent jamais leur compte au complet. Pour eux, le seuil de rentabilité est celui où l’économie d’intérêts correspond à la cotisation annuelle plus élevée que l’institution bancaire exige pour la carte à taux moins élevé.

Ce seuil varie d’une carte à l’autre; le calcul que nous faisons ci-après est donc un calcul hypothétique qui illustre la méthode, mais non les résultats exacts, pour l’une ou l’autre des cartes à faible taux d’intérêt actuellement sur le marché. Supposons que les cartes ordinaires portent un taux de 17 p. 100 et une cotisation annuelle de 6 $, tandis que la carte à faible taux porte un taux de 12 p. 100 et une cotisation annuelle de 26 $. Quel solde portant intérêt faudrait-il avoir pour que l’intérêt économisé soit égal à l’écart de 20 $ dans la cotisation annuelle? La réponse est 400 $ (ce solde multiplié par la diminution de 5 points du taux d’intérêt équivaut à l’augmentation de 20 $ du montant de la cotisation annuelle).

Ce calcul ne tient pas compte du fait que l’intérêt sur le solde impayé est calculé sur le solde quotidien moyen; les achats et les versements partiels effectués durant le mois modifient le solde quotidien et par conséquent les frais d’intérêt. L’usager qui calcule le seuil de rentabilité sur le solde moyen indiqué sur son relevé mensuel aura un indice approximatif, utile certes, mais non exact.

Le calcul du seuil de rentabilité dans le cas des personnes qui payent leur solde intégralement à l’occasion est beaucoup plus compliqué - surtout parce que la date des transactions et des paiements devient alors trop importante pour être négligée. Il est cependant possible de faire un calcul approximatif : prenons le solde mensuel moyen multiplié par la proportion de l’année dans laquelle il y a un solde portant intérêt, puis comparons ce chiffre au seuil de rentabilité. L’usager qui paye son compte intégralement six mois sur douze et dont le solde est de 800 $ en moyenne arrive juste au seuil où il devient rentable d’avoir une carte à faible taux d’intérêt; s’il a un solde moyen plus élevé ou s’il paye son compte au complet moins souvent, l’usager économise avec une carte de ce type.

Le taux d’intérêt n’a pas plus d’importance pour ceux qui payent toujours leur compte à temps que la période de crédit sans intérêt n’en a pour ceux qui ne payent jamais à temps. Pour ceux qui payent occasionnellement leur compte au complet, la carte à faible taux d’intérêt offrant une période de crédit sans intérêt sera plus intéressante; sans cette période, tous les achats faits au moyen d’une carte de crédit portent des frais d’intérêt depuis la date d’achat jusqu’à ce que le compte soit réglé au complet.

Une question évidente se pose : le client susceptible d’économiser avec une carte à faible taux d’intérêt pourra-t-il s’en procurer une? Aux États-Unis, plusieurs banques offrent des cartes de crédit portant des taux bien inférieurs à la moyenne des taux exigés dans l’industrie (12 p. 100 dans certains cas, alors que le taux usuel se situe aux environs de 19 p. 100); elles posent toutefois des normes très strictes. La carte de la Simmons First National Bank, par exemple, porte un taux d’intérêt parmi les plus faibles aux États-Unis, mais on dit que 70 p. 100 des demandes sont rejetées.

Au cours de récentes audiences en comité, la Banque de Montréal a indiqué qu’elle appliquerait les mêmes critères à la MasterCard Plus qu’à la MasterCard ordinaire. D’après ce que disent certaines des grandes institutions émettrices, 65 à 70 p. 100 des demandes sont acceptées. Cela ne signifie pas, cependant, que ces institutions approuveront la même proportion de demandes dans le cas d’une carte à faible taux d’intérêt. Les demandeurs seront probablement ceux qui ont un solde impayé important, car ce sont eux qui ont le plus à gagner d’une baisse de leur taux d’intérêt; en même temps, ce sont peut-être aussi ceux qui présentent le plus de risques, car ils font porter à l’émetteur d’importantes créances non garanties.

REMARQUES

Les taux d’intérêt sur les nouvelles cartes sont, dans chaque cas, inférieurs au maximum proposé dans le rapport de 1989.

La réponse des autres institutions financières à cette innovation dépendra de la popularité des cartes à faible taux d’intérêt auprès des titulaires actuels. Aussitôt que les institutions émettrices de cartes de ce type commenceront à prendre une part du marché, les autres institutions réagiront rapidement en offrant elles aussi une variation des nouvelles cartes. Autrement dit, la réponse de la clientèle orientera le marché.

Les nouvelles cartes à faible taux d’intérêt sont, en quelque sorte, une réponse du marché à un problème évident. Elles sont aussi une réponse politique aux activités des trois comités parlementaires, qui ont réussi à modifier le comportement des institutions émettrices de cartes de crédit de manière à donner plus de choix aux titulaires de celles-ci. Il se pourrait bien que la conséquence la plus heureuse du travail des comités soit la venue de cartes à faible taux d’intérêt. Les institutions pourront désormais répondre aux gens qui se plaignent que le taux d’intérêt applicables aux cartes de crédit sont très élevés ou qui réclament une autre enquête parlementaire : « Avez-vous demandé une des nouvelles cartes à faible taux d’intérêt? »

 

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