Direction de la recherche parlementaire


MR-146F

 

LA LOI SUR LES BREVETS :
RÈGLEMENT ÉTABLISSANT UN LIEN ENTRE
L'AVIS DE CONFORMITÉ ET L'EXPIRATION DU BREVET

 

Rédaction  Margaret Smith
Division du droit et du gouvernement

Le 19 février 1997

                                      


TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

EXEMPTIONS AUX CONTREFAÇONS

RÈGLEMENT ÉTABLISSANT UN LIEN ENTRE L’AVIS DE CONFORMITÉ
ET L’EXPIRATION DU BREVET


LA LOI SUR LES BREVETS : RÈGLEMENT ÉTABLISSANT
UN LIEN ENTRE L’AVIS DE CONFORMITÉ
ET L’EXPIRATION DU BREVET

INTRODUCTION

Avant l’adoption de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets(1), le droit canadien dans ce domaine autorisait la délivrance de licences obligatoires(2) pour les brevets intéressant les produits pharmaceutiques. Les fabricants de médicaments génériques pouvaient par conséquent produire et vendre des copies des médicaments brevetés avant l’expiration des brevets visés. La Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets a supprimé ce système d’homologation obligatoire et ainsi garanti que les titulaires de brevets pharmaceutiques seraient protégés contre la concurrence des produits génériques jusqu’à l’expiration de leurs brevets.

Même si les fabricants de produits génériques n’ont maintenant pas le droit de vendre des copies d’un médicament avant l’expiration du brevet applicable à celui-ci, ils sont autorisés par la Loi à faire les démarches nécessaires pour obtenir l’approbation réglementaire de leurs produits avant l’expiration. Cette mesure vise à faciliter l’entrée des produits génériques sur le marché.

Lorsque le Parlement a été saisi du projet de loi C-91 (Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets), les fabricants de médicaments de marque ont dit craindre que l’industrie des produits génériques ne profite des dispositions qui autorisent la mise au point à l’avance des produits génériques pour vendre ces produits avant l’expiration des brevets afférents. Ils ont donc demandé à ce que des mesures soient prises pour qu’un lien soit établi entre l’octroi de l’approbation de commercialisation pour les médicaments génériques et l’expiration des brevets pertinents.

Dans le présent document, nous examinons l’article 55.2 de la Loi sur les brevets(3) qu’a promulgué la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, ainsi que les règlements pertinents relatifs à l’utilisation des brevets par les fabricants de produits génériques et à la violation des droits découlant de brevets (contrefaçon).

EXEMPTIONS AUX CONTREFAÇONS

Le titulaire d’un brevet sur un produit a le droit exclusif de fabriquer, d’utiliser et de vendre ce produit pendant une période déterminée. En vertu du droit canadien, cette période est de 20 ans à compter du dépôt de la demande de brevet. Quiconque utilise un brevet ou fabrique un produit visé par un brevet sans permission du titulaire et avant l’expiration du délai est passible d’être poursuivi pour contrefaçon.

Les paragraphes 55.2(1) et (2) de la Loi sur les brevets, promulgués par l’article 4 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, créent une exception à la poursuite pour contrefaçon en permettant aux fabricants d’utiliser un produit breveté à certaines fins, avant l’expiration du brevet.

Le paragraphe 55.2(1) dispose qu’il n’y a pas contrefaçon lorsque «l’utilisation, la fabrication, la construction ou la vente d’une invention brevetée se justifie dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d’information» exigé en vertu d’une loi fédérale ou provinciale ou d’une loi étrangère réglementant la fabrication, l’utilisation ou la vente du produit. Ainsi, les fabricants de médicaments peuvent élaborer une copie générique d’un médicament breveté et prendre toutes les mesures nécessaires pour répondre aux exigences réglementaires relatives à la vente de ce médicament, avant l’expiration des brevets relatifs aux produits de marque équivalents. Ils peuvent donc, entre autres, élaborer leur médicament, le mettre à l’essai et le faire approuver par les autorités provinciales aux fins des programmes d’assurance-médicaments.

Le paragraphe 55.2(2) dispose qu’il n’y a pas contrefaçon si l’utilisation de l’invention brevetée, au cours de la période prévue par le règlement, a pour but de produire et d’emmagasiner un produit destiné à être vendu après la date d’expiration du brevet (« constitution de réserves »)(4). Le fabricant peut donc utiliser l’invention du détenteur de brevet pour constituer des réserves de copies génériques d’un médicament breveté avant l’expiration du brevet, de sorte que le produit soit prêt à être mis en vente dès l’expiration. Sans cette disposition et la disposition énoncée au paragraphe 55.2(1), le détenteur de brevet pourrait empêcher un fabricant de produire un médicament générique avant l’expiration du brevet. Cela équivaudrait à empêcher les fabricants de produits génériques d’accéder au marché pendant un certain temps après la fin de la période de validité de brevet, puisque ces derniers devraient attendre d’avoir obtenu l’approbation réglementaire avant de fabriquer un produit et de le mettre en vente.

Ces dispositions ne donnent toutefois pas aux fabricants de produits génériques toute liberté d’utiliser un produit breveté. La Loi dit clairement que seules sont autorisées les utilisations précisées dans les paragraphes 55.2(1) et (2). Néanmoins, au moment où le projet de loi C-91 se trouvait devant la Chambre des communes, les fabricants de médicaments de marque ont dit craindre que les fabricants de produits génériques n’abusent de ces exceptions à l’infraction de contrefaçon et ne commencent à vendre les produits génériques avant l’expiration des brevets. Si cela se produisait, les fabricants de produits de marque devraient attaquer les contrevenants en justice.

RÈGLEMENT ÉTABLISSANT UN LIEN ENTRE L’AVIS DE CONFORMITÉ
ET L’EXPIRATION DU BREVET

Le paragraphe 55.2(4) de la Loi sur les brevets a été adopté pour tenir compte des préoccupations des fabricants de produits de marque à cet égard. Il autorise le gouverneur en conseil à prendre des règlements visant à empêcher la contrefaçon d’une invention brevetée par les fabricants de médicaments génériques, conformément aux paragraphes 55.2(1) et (2). Plus précisément, ces règlements peuvent préciser :

a) les conditions complémentaires nécessaires à la délivrance d’avis, de certificats ou de permis concernant un produit breveté à quiconque n’est pas le breveté en vertu de n’importe qu’elle loi fédérale régissant le produit;

b) la première date à laquelle, un avis, un certificat ou un permis délivré à quelqu’un qui n’est pas le breveté peut prendre effet;

c) le règlement des litiges entre le breveté et les fabricants de produits génériques, quant à la date à laquelle un avis, certificat ou permis peut prendre effet;

d) le droit d’action d’un breveté devant un tribunal concernant les litiges relatifs à la date à laquelle un avis, certificat ou permis peut prendre effet.

Avant qu’un nouveau médicament puisse être vendu au public canadien, il doit être approuvé par le ministère de la Santé du Canada. Le document justifiant de cette approbation est appelé « Avis de conformité ». Il sert à certifier qu’un médicament est conforme aux normes prescrites en matière de sécurité, d’efficacité et de qualité.

L’objectif premier du paragraphe 55.2(4) est de faire en sorte que le fabricant d’un produit générique ne puisse recevoir d’avis de conformité de la part du ministre de la Santé (le ministre) tant que la preuve n’a pas été faite que le médicament ne va pas à l’encontre de droits existants conférés par un brevet. Dans la plupart des cas, l’avis de conformité concernant un médicament générique n’est pas délivré tant qu’un ou plusieurs brevets concernant le produit de marque correspondant ne sont pas expirés.

Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)(5) (règlement établissant un lien) fixe la manière dont l’octroi d’un avis de conformité concernant la version générique d’un médicament breveté doit être lié à l’expiration des droits conférés par le brevet pertinent. Essentiellement, le règlement dispose que, à moins que le breveté ne consente à la fabrication d’un médicament générique, que le brevet soit invalide ou qu’il n’y ait pas contrefaçon d’une invention brevetée, le ministre ne peut délivrer un avis de conformité avant l’expiration du brevet.

En vertu de ce règlement, les brevetés soumettent au ministre une liste des brevets canadiens relatifs à un médicament en particulier. Lorsqu’un fabricant de produits génériques dépose une demande d’avis de conformité pour un produit générique, il doit attester de la situation des brevets délivrés pour le médicament de marque équivalent. D’après l’article 5 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), le fabricant de produits génériques doit :

a) accepter que l’avis de conformité pour le produit générique ne soit pas délivré avant l’expiration du brevet; ou

b) alléguer que
    (i) le breveté n’est pas titulaire du brevet,
    (ii) le brevet est expiré,
    (iii) le brevet n’est pas valide, ou
    (iv) il ne commet aucune contrefaçon de brevet.

Lorsqu’un fabricant de produits génériques fait l’une ou l’autre des allégations citées plus haut, il doit fournir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels il se fonde et signifier un avis d’allégation au breveté.

Le breveté peut, dans les 45 jours suivant la signification d’un avis d’allégation, demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité pour le médicament générique avant l’expiration du brevet visé par l’allégation(6). Entre autres choses, le règlement établissant un lien prévoit que le ministre ne peut délivrer un avis de conformité à un fabricant de produits génériques avant la date qui suit de 30 mois la date à laquelle le breveté a fait au tribunal une demande d’ordonnance, à moins que le brevet expire, qu’un tribunal déclare que le délai est invalide ou qu’il n’y a pas contrefaçon, ou encore que les parties en arrivent à une entente(7).

L’aspect contesté du règlement établissant un lien réside dans le délai de 30 mois. L’industrie des produits génériques soutient que les sociétés qui fabriquent des médicaments de marque se sont servies du règlement pour empêcher des produits non contrefaits d’accéder au marché. Pour leur part, les sociétés qui fabriquent des produits de marque soutiennent que ce délai est d’une importance critique, car, au Canada, les mesures traditionnelles de redressement par voie d’injonction ne peuvent corriger adéquatement la contrefaçon de produits pharmaceutiques brevetés(8).

Le règlement établissant un lien a engendré un important contentieux, à savoir environ 100 poursuites lancées au cours des quatre dernières années.


(1) Lois du Canada, 1993, c. 2.

(2) Une licence obligatoire est une licence réglementaire qui donne à son titulaire le droit de fabriquer, de vendre ou de distribuer une invention brevetée.

(3) L.R.C. 1985, c. P-4, modifiée.

(4) DORS/93-134, 12 mars 1993, Gazette du Canada Partie II, vol. 127, no 6, p. 1390. Le Règlement sur la protection et l’emmagasinage de médicaments brevetés dispose que la période prévue par la Loi est la période de six mois qui précède immédiatement la date à laquelle expire le brevet.

(5) DORS/93-133, 12 mars 1993, Gazette du Canada Partie II, vol. 127, no 6, p. 1383.

(6) Ibid., par. 6(1).

(7) Ibid., art. 7(1) et (2).

(8) Ministre de l’Industrie, notes pour une allocution devant le Comité permanent de l’industrie de la Chambre des communes, 17 février 1997, p. 5.