Direction de la recherche parlementaire

 

PRB 98-1F

IMPACT DE LA STbr SUR LA SANTÉ

Rédaction :
Frédéric Forge
Division des sciences et de la technologie
Octobre 1998


La santé humaine

Les impacts de la STbr sur la santé humaine et animale font encore l’objet de controverse. Certains faits semblent être acceptés par tous :

  • Au niveau de la composition brute du lait (proportion en minéraux, vitamines, protéines, lactose etc.), on n’observe pas de différence entre le lait des vaches traitées à la STbr et celui des vaches non traitées. On n’observe pas non plus d’augmentation de la concentration de somatotropine dans le lait lorsque les vaches sont traitées à la STbr. La quantité d’hormone contenu dans le lait n’est donc pas différente que l’on traite les vaches à la STbr ou non. De plus, la somatotropine est largement détruite par la pasteurisation.

  • Chez la vache, la somatotropine influe sur la production du facteur de croissance-1 (IGF-1 ou insulin-like growth factor 1). Il s’agit d’une hormone que l’on trouve naturellement chez l’humain et dans le lait de vache. On observe une légère augmentation de la concentration en IGF-I dans le lait des vaches traitées à la STbr. Selon la conférence de 1992 du Comité mixte FAO/OMS sur les additifs alimentaires, la concentration accrue d’IGF-1 dans le lait après un traitement à la STbr demeure à l’intérieur de la fourchette des valeurs mesurées chez les animaux témoins. Cependant, selon la présentation déposée par Monsanto en 1993 au Royaume-Uni, les concentrations d’IGF-1 dans le lait des vaches traitées à la STbr pourraient être cinq fois supérieures à celles mesurées dans le lait de vaches non traitées. Cette hormone n’est pas détruite par la pasteurisation, mais le chauffage du lait pour la production d’aliments pour nourrisson réduit sa quantité d’au moins 50 p. 100. La STbr et l’IGF-1 sont également détruits durant la production du yogourt.

Les organismes indiqués ci-après ont conclu que le lait issu de vaches traitées à la somatotropine bovine recombinante (STbr) selon les bonnes pratiques vétérinaires ne présente aucun danger pour la santé humaine :

  • Le U.S. National Institute of Health , en décembre 1990

  • Le Comité conjoint FAO-OMS(1) sur les additifs alimentaires, en février 1992

  • La Commission des Communautés Européennes, en janvier 1993

  • Le Center for Veterinary Medicine  de la U.S. Food and Drug Administration , en novembre 1993

  • Le Comité conjoint FAO-OMS sur les additifs alimentaires, en février 1998.

La Division de l’innocuité pour les humains (DIH) de Santé Canada avait au départ recommandé qu’autorisation soit donnée de mettre la STbr en circulation parce qu’elle jugeait que cette hormone ne posait pas de risque pour la santé humaine.

Cependant, certains points méritent l’attention, notamment l’activité de la STbr et de l’IGF-1 dans le corps humain.

Certains soutiennent que la STbr est dégradée, comme toute autre protéine, par le processus de digestion et qu’elle est inactive chez l’humain car elle est spécifique à l’espèce bovine. Il est également soutenu que l’IGF-1 est dégradé dans le tube digestif, ce qui le rend biologiquement inactif.

Selon le rapport d’examen interne de Santé Canada daté du 10 juin 1998 et intitulé « rbST (Nutrilac) « Gaps Analysis » Report » (Rapport d'analyse des lacunes), l’hypothèse que ni la STbr ni l’IGF-1 n’ont d’activité biologique lorsqu’elles sont administrées par voie orales ne serait pas juste en toute circonstances. En effet, une étude de 90 jours portant sur un exposition subchronique chez le rat et présentée par Monsanto a montré qu’après l’administration de fortes doses de STbr par voie orales celle-ci peut être absorbée sous forme intacte à partir du tube digestif et provoquer une réponse immunitaire. Les conséquences de cette observation n’ont pas été pleinement évaluées par la DIH.

Selon ce même rapport, de récentes données expérimentales indiquent que l’IGF-1 peut survivre dans le tube digestif et qu’il peut être absorbé sous forme intacte, en particulier lorsqu’il est ingéré en présence de protéines du lait. Le rapport demande que les effets locaux des résidus d’IGF-1 présents dans le lait de vaches traitées à la STbr soient étudiés plus en détails et que les expositions à l’IGF-1 présentées en février 1998 à la conférence du Comité conjoint FAO-OMS sur les additifs alimentaires soient vérifiées chez les nouveau-nés.

En effet, le Comité conjoint FAO-OMS sur les additifs alimentaires a conclu en février 1998 que l’augmentation de la concentration en IGF-I dans le lait issu de vaches traitées à la STbr est inférieure à la concentration que l’on trouve dans le système gastro-intestinal ainsi que dans d’autres parties du corps humain. L’absorption d’IGF-1 suite à la consommation de lait ne devrait pas entraîner une augmentation de sa concentration dans le corps et les organes même si la totalité d’IGF-1 présent dans le lait est absorbée intact dans le tube digestif.

Les conséquences d’une augmentation de l’utilisation d’antibiotiques pour combattre le nombre plus important de mammites dues au traitement à la STbr sont également un sujet de préoccupation (voir la section sur la santé animale).  En février 1998, le Comité conjoint FAO-OMS sur les additifs alimentaires a étudié la possible contamination du lait par suite de l’augmentation du nombre de mammites et de l’administration d’antibiotiques à laquelle il faudrait procéder pour combattre une telle augmentation. Il a conclut que l’utilisation de la STbr n’accroît pas les risques pour la santé humaine une fois que des antibiotiques ont été employés pour traiter les mammites. L’augmentation potentielle de résidus d’antibiotiques dans le lait peut être gérée par les pratiques qui existent déjà dans l’industrie laitière(2).

Selon le rapport d’examen interne de Santé Canada, le fait que l’utilisation de la STbr serait associée à une fréquence accrue de mammites (comme Monsanto le précise sur l’étiquette du produit) aurait des répercussions sur la santé publique. La possibilité de l’apparition d’une résistance aux antibiotiques chez les agents pathogènes transmissibles aux humains n’a pas été étudiée.

L’évaluation de Santé Canada est toujours en cours. Actuellement, deux groupes d’experts – sous l’égide de l’Association canadienne des médecins vétérinaires pour le côté santé animale et du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada pour les aspects de santé humaine – font une évaluation du produit. Cette évaluation sera incluse dans le processus de décision.

La santé animale

Le premier effet négatif important sur la santé des animaux traités à la somatotropine bovine recombinante (STbr) serait une éventuelle augmentation de l’apparition de mammites(3).

Plusieurs facteurs favorisent l’apparition de mammites : le stade de lactation, l’environnement, le troupeau, la saison, etc. Des études ont montré qu’il existe une relation entre le niveau de production laitière et l’incidence de la mammite, que les vaches soient traitées ou non avec de la STbr. Les vaches traitées à la STbr produisant plus de lait, il a été suggéré que l’augmentation du nombre de mammites serait attribuable à leur niveau de production supérieur et non au traitement avec l’hormone.

Il est difficile de déterminer quelle part peut jouer le traitement à la STbr dans l’augmentation du nombre de mammites. Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA)(4) a conclu que l’utilisation du Posilac® (nom du produit à base de STbr commercialisé par Monsanto) n’était pas biologiquement significative dans l’apparition de mammites par unité de lait produit parce que, comparativement aux autres grandes causes de l’apparition de mammites, la STbr a des effets peu importants. D’autre part, le Comité des médicaments vétérinaires de l’Union Européenne a conclu que l’emploi des techniques statistiques classiques ne permet pas de conclure que le traitement à la STbr a un effet direct sur l’apparition de mammites.

Monsanto reconnaît cependant que l’utilisation de la STbr peut accroître les risques d’apparition de mammites, mais ajoute que d’autres facteurs pouvant être gérés entrent alors en ligne de compte. Sur l’étiquette du produit, la société recommande donc aux agriculteurs d’évaluer les pratiques de prévention de la mammite qu’ils utilisent avant de se servir du produit.

Dans une étude publiée en 1997, la Virginia Polytechnic Institute and State University remet cependant en cause la méthode employée par la FDA pour évaluer l’effet de la STbr sur l’apparition de mammites. Elle affirme que les conclusions de la FDA sont en contradiction avec les résultats analysés dans l’étude et qu’il faut revoir l’étiquetage qui laisse entendre que les bonnes pratiques de gestion sont efficaces dans la prévention de la mammite. Dans son étude, l’université révèle également la faiblesse de certaines conclusions tirées de la littérature scientifique qui a servi à l’évaluation de l’effet de la STbr sur l’apparition de mammites aux États-Unis. L’influence réelle de la STbr sur l’apparition de mammites reste donc un sujet de discussion.

En ce qui concerne d’autres impacts de la STbr sur la santé animale, l’étiquette du produit proposée par Monsanto fait état d’un certain nombre d’effets indésirables tels que des problèmes digestifs, des boiteries et lésions au niveau du pied, des problèmes de reproduction etc. Ceci est confirmé par un rapport interne à Santé Canada daté du 10 juin 1998, qui conclut que les premières études d’innocuité chez les vaches, bien que de piètre qualité, laissent penser que la STbr peut entraîner des effets tels que des anomalies congénitales, des troubles de la reproduction et une fréquence accrue de boiteries.

 


(1) Organisation des Nations Unis pour l’alimentation et l’Agriculture (FAO) et Organisation mondiale de la santé (OMS).

(2) Au Canada, il existe des programmes de surveillance dans chaque province. Avant que le lait d’un producteur soit mis en commun, il doit être certifié comme étant exempt de résidus d’antibiotiques.

(3) La mammite est une inflamation de la mamelle.

(4) Aux États-Unis, la FDA est responsable, entre autres, de l’évaluation et de l’homologation des produits vétérinaires pour animaux destinés à la consommation.