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PRB 98-5F Rédaction : Dès le début de 1996, les Producteurs laitiers du Canada (PLC) se sont rendu compte que des importations de mélanges dhuile de beurre et de sucre entraient au pays. À ce moment-là, selon les données préliminaires de Revenu Canada, les importations se situaient autour de 600 tonnes métriques par année, soit une valeur de 1,6 million de dollars en équivalent de matière grasse de lait. En octobre 1996, Revenu Canada a indiqué que les importations pour lannée en cours atteignaient déjà 3 148 tonnes métriques (elles avaient totalisé 1 349 tonnes en 1995). Les importations provenaient des États-Unis, du Mexique, de Nouvelle-Zélande et, dans une moindre mesure, dEurope, et on était bien loin des estimations denviron 600 tonnes métriques par année(1). À noter quavant lintroduction des contingents tarifaires, la plupart des mélanges laitiers étaient importés des États-Unis et, selon Revenu Canada, aucun mélange naurait été expédié de la Nouvelle-Zélande lorsque la Liste des marchandises dimportation contrôlée (LMIC) était en vigueur. Au début de 1997, les PLC ont fait des pressions auprès de Revenu Canada, du ministère des Finances, du ministère du Commerce international et dAgriculture et Agroalimentaire Canada pour que les mélanges importés sous la ligne tarifaire 2106.90.95 soient reclassés sous la ligne 2106.90.33/34. Les fonctionnaires des divers ministères ont soulevé diverses objections pour ne pas reclasser les mélanges; selon certains, un tel reclassement entraînerait une contestation devant lOMC, tandis que pour dautres il soulèverait une contestation directe de la part des États-Unis. Par ailleurs, les importateurs des mélanges affirmaient quune nouvelle classification conduirait de facto à une contestation devant le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE). Plus tard, au cours de lannée 1997, les PLC, avec laide de leurs conseillers juridiques, ont peaufiné leurs revendications et en sont arrivés à la conclusion que, même si une révision de la classification sous la ligne tarifaire 2106.90.33/34 (succédané de beurre) demeurait une option, la meilleure approche serait de faire classer les mélanges dhuile de beurre et de sucre sous la ligne 0404.90, soit la classe tarifaire initialement créée pour limiter les importations de mélanges laitiers qui sont parfois mis au point pour contourner les règlements. Selon les PLC, cette approche est davantage consistante avec les arguments que le gouvernement du Canada avait soulevés devant le groupe spécial de lALÉNA en 1996. Par suite des pressions exercées tant par les producteurs que les importateurs, Revenu Canada a entrepris en avril 1997 danalyser en profondeur la classification des mélanges dhuile de beurre et de sucre établie par le ministère pour les contingents tarifaires de 1995. Une fois terminée leur nouvelle analyse descriptive du produit, les bureaucrates de Revenu Canada ont conclu, sans lombre dun doute, que les mélanges dhuile de beurre et de sucre se classaient effectivement sous la ligne tarifaire 2106.90.95. En juillet 1997, le ministère a soumis son examen aux PLC et aux importateurs pour connaître leurs commentaires. Selon les dires de Revenu Canada, les importateurs ont appuyé cette nouvelle analyse de classification, tandis que les PLC nauraient fait aucun commentaire. Toutefois, les PLC ont poursuivi leurs pressions sur le terrain politique et sont parvenus à obtenir quune réunion spéciale du Comité permanent de lagriculture et de lagroalimentaire de la Chambre des communes soit tenue le 20 novembre 1997. Lors de cette réunion, les représentants de Revenu Canada ont notamment mentionné que lOrganisation mondiale des douanes (OMD), qui régit le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises sur lequel les pays se fondent pour élaborer leur propre système, avait déjà examiné la possibilité de classer les mélanges dhuile de beurre et de sucre sous la ligne 0404, comme le demandaient les PLC. Selon Revenu Canada, dans une décision rendue le 7 novembre 1997, lOMD aurait jugé que ces mélanges nétaient pas « des éléments du lait parce quon les transforme pour obtenir du beurre et de lhuile de beurre. Par conséquent, ce nest pas un constituant de base si on les sépare de la façon normale »(2). Les Producteurs laitiers du Canada nont alors pas caché leur surprise et leur déception dapprendre que lOMD avait rendu une telle décision, notamment parce quils navaient pas été mis au courant de cette révision, ni du rôle joué par les bureaucrates canadiens lors de lexamen de lOMD. La Loi sur les douanes prévoit certains mécanismes de résolution lors de différends. Ainsi, larticle 59 permet à un importateur den appeler dune classification dun produit quil importe en sadressant à un agent désigné, tandis que les articles 63 et 64 permettent à toute personne de sadresser directement au sous-ministre de Revenu Canada afin de demander un réexamen de la révision. Si, après le réexamen par le sous-ministre, un intervenant juge quune classification demeure inappropriée, il y a possibilité den interjeter appel devant le Tribunal canadien du commerce international (TCCE), puis ensuite à la Cour fédérale et, enfin, à la Cour suprême (article 67). Larticle 70 de la Loi sur les douanes permet même au sous-ministre de consulter le TCCE sur toute question se rapportant au classement tarifaire. Le 17 décembre 1997, devant limpasse politique qui persistait, le ministre des Finances, Paul Martin, le ministère dAgriculture et Agroalimentaire Canada, Lyle Vanclief, et le ministère du Commerce international, Sergio Marchi, ont annoncé que le gouverneur en conseil demandait au Tribunal canadien du commerce international dexaminer la « question des importations des mélanges de produits contenant des ingrédients laitiers »(3). Dans sa demande au Tribunal, le gouvernement a révélé, dans la fiche dinformation qui accompagnait son communiqué, quelle était, selon lui, la principale caractéristique des mélanges laitiers :
Avec une telle déclaration, il ne faut pas se surprendre que le Tribunal ait pris quelques pages de son rapport (p. 5 à 8) uniquement pour définir et décider quels mélanges étaient pertinents à son enquête. (1) Les données varient dune source à lautre. Voir la section sur les données statistiques. (2) Chambre des communes, Comité permanent de lagriculture et de lagroalimentaire, Témoignages, 20 novembre 1997, Ottawa, p. 19-20. (3) Gouvernement du Canada, « Le Tribunal canadien du commerce extérieur examinera la question des importations des mélanges de produits contenant des ingrédients laitiers », Communiqué, Ottawa, 17 décembre 1997. |