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PRB 98-5F Rédaction : La Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, qui a été sanctionnée le 13 septembre 1988, renferme des dispositions générales qui permettent au gouvernement fédéral ou au ministre des Finances de demander au Tribunal de faire enquête sur des questions économiques, commerciales ou tarifaires. Le Tribunal agit strictement à titre consultatif et a alors le mandat de faire des recherches, de recevoir des exposés, de trouver des faits et de tenir des audiences publiques. Au terme dune enquête, le Tribunal doit faire rapport au gouverneur en conseil ou au ministre des Finances, et de présenter, si on lui a demandé, des recommandations. Dans le cas de « Lenquête sur limportation de mélanges de produits laitiers échappant aux limites des contingents du Canada » (http://www.citt.gc.ca/), le Tribunal na pas eu le mandat de faire des recommandations. Plus précisément, la saisine de lenquête stipule que le Tribunal doit :
Au cours de son enquête, le Tribunal a produit plusieurs documents sur divers aspects des mélanges dhuile de beurre et de sucre, notamment sur le cadre juridique canadien et international, sur limpact des importations sur la production de lait au Canada et sur la nécessité des mélanges et de leur utilisation dans la fabrication de la crème glacée. Comme le mandat du Tribunal ne lautorisait pas à formuler des recommandations, mais plutôt à « relever des solutions », la lecture des documents produits doit parfois se faire « entre les lignes ». Cest ainsi que dans son rapport remis le 3 juillet 1998 au gouverneur en conseil, le Tribunal soulève certains faits intéressants sans toutefois trancher la question de limportation des mélanges dhuile de beurre et de sucre. Ainsi, même si les fabricants de crème glacée ont maintenu que les mélanges laitiers offraient des avantages techniques et permettaient de stabiliser les stocks, les audiences du Tribunal ont permis de montrer que « lavantage au niveau des coûts de la matière grasse contenue dans les mélanges dhuile de beurre importés est le facteur qui a la plus grande incidence sur la demande des mélanges dhuile de beurre sur le marché intérieur »(1). Lenquête du Tribunal a aussi permis de déterminer que lutilisation des mélanges dhuile de beurre et de sucre nest pas limitée à la fabrication de la crème glacée puisquune quantité croissante de mélanges entre aussi dans la fabrication de fromage fondu. Il faut toutefois noter que dans une recette typique de fromage fondu, seulement 5 p. 100 du volume total est constitué de matière grasse du lait ou du beurre qui peut être « remplacée ». Selon les données compilées par le Tribunal, les fabricants de crème glacée et de fromage fondu ont utilisé 6,3 millions de kilogrammes de mélanges dhuile de beurre en 1997, soit 3,1 millions de kilogrammes en équivalent de matière grasse du lait(2). Les besoins canadiens en matière grasse pour la fabrication de la crème glacée et en matière grasse « remplaçable » pour le fromage fondu ont totalisé 25,639 millions de kilogrammes en 1997. En dautres termes, les 3,1 millions de kilogrammes de matière grasse provenant des 6,3 millions de kilogrammes de mélanges dhuile de beurre/sucre ont représenté 12 p.100 des besoins en matière grasse pour la crème glacée et en matière grasse remplaçable pour le fromage fondu. Même si les Producteurs laitiers du Canada estiment que le remplacement de cette matière grasse par des mélanges laitiers importés aurait résulté en des pertes de revenus totalisant 50 millions de dollars en 1997, le Tribunal a estimé que ces pertes se situaient plutôt entre 12,8 millions, si la production avait été maintenue et les surplus exportés, et 30,9 millions, si la production de lait avait diminué tout au cours de lannée laitière dans une proportion de matière grasse équivalente aux importations de mélanges. Par ailleurs, selon différents scénarios quil a examinés, le Tribunal a estimé que le taux de pénétration de lhuile de beurre pourrait éventuellement atteindre un niveau maximum de 25 p.100 des besoins en matière grasse pour la fabrication de la crème glacée et en matière grasse remplaçable pour le fromage fondu. En appliquant ce taux maximum de pénétration aux besoins en matière grasse de 1997 pour ces deux produits laitiers, ce sont alors 6,4 millions de kg de matière grasse de lait qui auraient été déplacés par les importations de mélanges. Même si le Tribunal convient que lutilisation des mélanges augmentera au cours des prochaines années, il prévoit toutefois que la forte croissance des années passées ne se reproduira plus. Comme le Tribunal navait pas le mandat de faire des recommandations, il a proposé dans son rapport une série de solutions qui se révèlent autant doptions plus ou moins possibles parmi lesquelles le gouvernement pourra choisir. Un premier groupe de six solutions a été envisagé, mais na pas été retenu par le Tribunal, « soit parce quelles [les solutions] ne sont pas conformes aux obligations et aux droits intérieurs ou internationaux du Canada, soit parce quelles ne représentent pas une solution possible viable »(3). Ces solutions sont les suivantes :
Un autre groupe qui comprend sept solutions est considéré par le Tribunal comme davantage possible notamment parce que ces solutions sont conformes aux obligations du Canada. Reste quune grande majorité dentre elles ne font pas lunanimité parmi les divers intervenants de lindustrie laitière. Ces solutions sont les suivantes :
Le Tribunal a aussi clairement indiqué, en y mettant un certain accent, que le statu quo demeurait une option possible. En réponse au rapport du TCCE, les PLC ont indiqué quà lexception dun appel interjeté devant le Tribunal et dune enquête sur les mesures de sauvegarde, « toutes les autres options retenues par le Tribunal ne sont pas jugées viables et ont été rejetées par les PLC »(4). Enfin, le passage suivant, tiré du sommaire du rapport du Tribunal, montre bien le dilemme quasi cornélien auquel les politiciens sont maintenant confrontés :
Le gouvernement du Canada na finalement retenu aucune des options proposées dans le rapport du Tribunal et a tranché le dilemme en prenant une voie de sortie qui permettra de gagner encore un peu de temps. En effet, dans son analyse, le TCCE avait subtilement tendu une bouée de sauvetage au gouvernement :
Le 10 août 1998, le gouvernement a annoncé que le sous-ministre de Revenu Canada avait demandé « au TCCE de réviser la classification tarifaire actuelle des mélanges dhuile de beurre »(7). Même si une telle révision de la classification satisfait effectivement aux exigences premières des Producteurs laitiers du Canada, ces derniers estiment que le processus pour bloquer les importations de mélanges prend trop de temps, ce qui a comme résultat que leurs pertes pécuniaires continuent à saccumuler. Rappelons quune demande de consultation auprès du Tribunal par le sous-ministre de Revenu Canada est prévu par larticle 70 de la Loi sur les douanes et que cette option aurait pu être exercée dès que les importations devinrent litigieuses en 1996. Par ailleurs, dans son rapport denquête sur les importations de mélanges, le TCCE avait envisagé mais écarté la solution que le sous-ministre examine la possibilité de reclasser les mélanges dhuile de beurre. Le TCCE est même allé jusquà affirmer : « Étant donné que Revenu Canada a déjà étudié quatre fois la question du classement des mélanges dhuile de beurre et de sucre, le Tribunal considère quil serait inutile que le gouvernement ordonne à Revenu Canada « dexaminer » cette même question une cinquième fois ». Le rapport du TCCE note aussi : « ( ) du fait que, avant et après la conclusion du Cycle dUruguay, Revenu Canada avait émis des avis de classement concernant les mélanges, le Tribunal est davis que, si le gouvernement du Canada devait reclasser les mélanges dhuile de beurre dans un numéro tarifaire assujetti à un contingent tarifaire, cette mesure pourrait être contraire aux attentes raisonnables des partenaires commerciaux du Canada et serait ainsi visée par le processus de négociations énoncé dans le paragraphe 5 de larticle II du GATT »(8). Même sil est plus « approprié » que le TCCE, plutôt que le sous-ministre de Revenu Canada, révise la classification tarifaire actuelle des mélanges dhuile de beurre, le TCCE devra composer avec les quatre analyses de Revenu Canada et, surtout, avec la décision du 7 novembre 1997 de lOrganisation mondiale des douanes (OMD), qui a jugé que les mélanges nétaient pas des éléments du lait et par conséquent ne pouvaient être classés sous la ligne tarifaire 0404 (qui demeure la classification préférée des PLC). Les décideurs publics sont souvent les architectes de leurs propres dilemmes et une seconde intervention du TCCE en moins de six mois sur la question des mélanges dhuile de beurre et de sucre laisse croire que le débat perdurera. (1) Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE), Enquête sur limportation de mélanges de produits laitiers échappant aux limites des contingents du Canada, Rapport, Ottawa, 3 juillet 1998. (2) La teneur en matière grasse (m.g.) de lait contenue dans les mélanges dhuile de beurre et de sucre se calcule selon la formule suivante : Quantité de mélange x 49 p. 100 (99,3 p. 100) = Quantité de m.g. de lait (3) TCCE, Rapport, p. 55. (4) Les Producteurs laitiers du Canada, « Classification tarifaire des mélanges dhuile de beurre : le problème demeure entier » , Communiqué de presse, Lethbridge (Alberta), 8 juillet 1998. (5) TCCE, Rapport, p.vi. (6) Ibid., p.67. (7) Gouvernement du Canada, « Réaction du gouvernement du Canada au rapport du Tribunal du commerce », Communiqué, Ottawa, 10 août 1998. (8) TCCE, Rapport, p. 56 et 57. |