BP-375F

 

RÉORGANISER LE GOUVERNEMENT :
NOUVELLES CONCEPTIONS DE LA RÉFORME
DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

Rédaction Brian O'Neal
Division des affaires politiques et sociales
Janvier 1994


TABLE DES MATIÈRES


INTRODUCTION

TRAITS SAILLANTS DES TENTATIVES DE RÉFORME
ADMINISTRATIVE AU PALIER FÉDÉRAL AU CANADA DEPUIS 1962

   A. La Commission royale sur l'organisation du gouvernement
        (Commission Glassco)

   B. La Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité
        (Commission Lambert)

LA RÉFORME GOUVERNEMENTALE DANS LE CONTEXTE ACTUEL

   A. Réorienter le secteur public : Fonction publique 2000

   B. Fournir les services publics différemment
      1. Le Royaume-Uni : Le programme Next Steps
      2. La Nouvelle-Zélande : Les entreprises d'État (EÉ)
      3. Le Canada : Les organismes de service spécial (OSS)

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

ANNEXE : Emploi dans la fonction publique, 1989-1993


RÉORGANISER LE GOUVERNEMENT :
NOUVELLES CONCEPTIONS DE LA RÉFORME
DE LA FONCTION PUBLIQUE

INTRODUCTION

Au Canada, comme dans d'autres pays, des membres de la classe politique, des fonctionnaires, des universitaires, des membres du secteur privé et d'autres citoyens se sont engagés dans un important examen de la fonction du gouvernement dans la société et de la façon dont cette fonction peut le mieux s'exercer. Des efforts semblables ont bien sûr été déployés par le passé; toutefois, un concours de circonstances rend la démarche actuelle plus urgente qu'autrefois. L'endettement et les déficits (publics et privés), l'évolution des attentes du secteur public et du secteur privé, la modification de la conjoncture commerciale internationale, les nouvelles technologies, les doutes croissants quant à la capacité des institutions de l'État de réaliser leur mandat et une multitude d'autres facteurs incitent plus que jamais à une rédéfinition du gouvernement hors du contexte théorique et de manière plus pratique.

L'une des principales difficultés que présente ce processus complexe est la nécessité, perçue avec grande acuité, de rendre les gouvernements plus efficaces et plus efficients. En résumé, tous désirent, pour reprendre les termes employés dans une étude américaine récente, que les gouvernements fonctionnent mieux et coûtent moins cher(1). On a donc tenté de réduire la taille des bureaucraties publiques, d'éliminer des programmes gouvernementaux, de modifier les méthodes de gestion au sein de l'appareil administratif gouvernemental ou de trouver de nouveaux moyens (autres que les grandes bureaucraties) de fournir des services aux citoyens.

Dans la présente étude, nous donnons un aperçu des deux derniers éléments susmentionnés dans une perspective canadienne. Depuis le XIXe siècle, le Canada a tenté à plusieurs reprises de modifier la structure et les méthodes de gestion de sa fonction publique fédérale. Plusieurs thèmes des tentatives de réforme qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale n'ont rien perdu de leur actualité. Nous examinons donc tout d'abord deux des plus grands exercices de réflexion de l'après-guerre, soit ceux de la Commission Glassco et de la Commission Lambert. Ces commissions ont étudié des questions semblables à celles qui se posent aujourd'hui et formulé des propositions importantes, dont certaines ont été adoptées et d'autres pas; toutefois, un grand nombre des problèmes sur lesquels elles se sont penchés ne sont toujours pas réglés.

La première partie de l'étude pose les éléments de base d'une réflexion sur la réforme gouvernementale dans le contexte actuel; nous y analysons une démarche qui se déroule actuellement en vue de modifier le cadre administratif du gouvernement fédéral (Fonction publique 2000) et qui reprend certains des thèmes antérieurs. L'une des caractéristiques de cette tentative de réforme est la recherche de nouveaux moyens d'offrir des services aux citoyens en dehors des structures bureaucratiques classiques du secteur public. La privatisation des services de l'État constitue à cet égard une solution courante et bien connue. Une autre solution, que les Canadiens connaissent moins bien, consiste à recourir à des organismes mi-publics mi-privés, appelés organismes de service spécial (OSS). Au Canada, la création de ces organismes s'est faite avec circonspection, ce qui a réduit l'importance de cet élément de la réforme gouvernementale. Parce que les OSS illustrent tant les caractéristiques que les inconvénients de la réforme gouvernementale actuelle, nous leur accordons une attention particulière et décrivons leur emploi dans d'autres pays.

Il est évident que la réforme gouvernementale au Canada, surtout en ce qui concerne la structure et les méthodes de gestion de la fonction publique, n'a rien de nouveau. En fait, de nombreux objectifs d'une telle réforme n'ont pas été atteints, malgré des efforts considérables pour y parvenir. Dans notre conclusion, nous cherchons à savoir pourquoi les tentatives continues de réforme du Canada ont été si ardues et à voir si les innovations récentes réussiront là où d'autres ont avorté.

La présente étude ne constitue qu'une introduction à une question vaste, complexe et vitale dont les paramètres évoluent rapidement à mesure que surgissent des idées nouvelles et que de nouveaux participants s'engagent dans la démarche.

TRAITS SAILLANTS DES TENTATIVES DE RÉFORME
ADMINISTRATIVE AU PALIER FÉDÉRAL AU CANADA DEPUIS 1962

La réforme constitutionnelle n'est pas la seule réforme importante à laquelle les Canadiens qui ont oeuvré sur la scène publique depuis la Deuxième Guerre mondiale ont consacré du temps et de l'énergie. Alors que les débats constitutionnels se déroulaient sous les feux de la rampe, une réflexion qui a fait moins de bruit mais qui a été tout aussi intense et vitale s'est faite en coulisses. Cette réflexion porte sur la conception et la mise en oeuvre de réformes dans le domaine de la gestion de la fonction publique fédérale. Cette démarche plus tranquille et moins publique dure depuis tout aussi longtemps que l'autre plus voyante et, tout comme elle, elle ne semble pas vouloir prendre fin(2). Par conséquent, si des termes comme « réinventer », « repenser » et « renouveler » le gouvernement ne sont que récemment devenus monnaie courante dans le discours sur l'administration publique, ils décrivent en fait un processus qui a cours depuis déjà passablement de temps au Canada.

Depuis 30 ans, la réforme gouvernementale au Canada a consisté essentiellement à chercher sans relâche des moyens d'accroître l'efficience et de réduire les coûts de l'administration des affaires publiques au niveau fédéral. Cette entreprise, sous toutes ses formes et dans toute sa complexité, aspire à créer un appareil administratif (la fonction publique) qui rend compte de ses actes tout en étant assez souple et assez inventif pour pouvoir faire face aux impératifs d'une société pluraliste en évolution rapide. Si le secteur public était tout à fait identique au secteur privé, ce pari d'envergure serait moins intimidant. Trop de tentatives de réforme ont supposé à tort qu'on pouvait faire des comparaisons toutes simples entre le secteur public et le secteur privé. Les activités administratives du gouvernement s'exercent en fait dans un cadre infiniment plus complexe et plus nuancé que celui du secteur privé, qui pose des exigences contradictoires et rend la réforme difficile à réaliser.

La quête d'une réforme administrative a pris la forme de commissions royales, d'études de groupes de travail et d'enquêtes internes menées par la fonction publique elle-même. Elle a provoqué un certain nombre de changements à la structure de la fonction publique et au mode de fonctionnement de cette dernière. Tous ceux qui ont étudié la question arrivent néanmoins à la conclusion qu'elle n'a pas atteint ses objectifs fondamentaux — comme en témoignent les efforts continus en vue de réformer l'administration publique actuelle.

Il va sans dire que, après 30 années d'étude et d'efforts, le paysage est jonché des vestiges de projets de réforme réalisés, réalisés à moitié ou abandonnés(3). Les décrire tous nécessiterait une analyse plus vaste que celle qu'il est possible de mener dans le cadre de la présente étude. Par ailleurs, d'autres auteurs ont déjà accompli cette tâche(4). Conséquemment, les pages qui suivent ne donnent qu'un résumé des traits saillants des principales tentatives de réforme administrative de l'après-guerre.

   A. La Commission royale sur l'organisation du gouvernement
        (Commission Glassco)

La première tentative d'envergure de réforme de l'appareil administratif fédéral durant la période d'après-guerre a été amorcée par le gouvernement Diefenbaker en septembre 1960, à un peu plus de la moitié de son deuxième mandat(5). Cet effort a pris la forme de la Commission royale sur l'organisation du gouvernement, présidée par J. Grant Glassco, comptable agréé et dirigeant d'une entreprise de Toronto. L'étude de la Commission Glassco, ainsi que ses conclusions et ses recommandations, marque un jalon de l'histoire de l'administration publique canadienne et constitue la pierre angulaire de la plupart des démarches ultérieures(6).

La décision du gouvernement de créer la Commission royale (ci-après appelée la Commission Glassco) répondait à diverses préoccupations. Le Cabinet craignait notamment de perdre le contrôle de l'appareil bureaucratique et des dépenses publiques. Cette crainte s'accompagnait du désir d'imposer une forme d'organisation plus rationnelle — s'inspirant de celle du secteur privé — à une structure administrative qui avait grandi au petit bonheur durant la guerre et par la suite. La décision de faire appel à une commission royale pour régler ces problèmes s'inspirait, en partie, des travaux de la Commission Hoover, aux États-Unis, qui avait présenté un rapport sur la gestion du gouvernement de ce pays entre 1949 et 1955(7).

Pour ceux qui connaissent les tentatives actuelles de réforme de la fonction publique du Canada, le mandat de la Commission Glassco aurait pu être écrit hier plutôt qu'il y a plus de 30 ans. En effet, le gouvernement d'alors demandait aux commissaires :

qu'ils fassent enquête et rapport sur l'organisation et le mode de fonctionnement des ministères et organismes du Gouvernement du Canada et qu'ils y recommandent les modifications qui [...] favoriseraient le mieux l'efficacité, l'économie et l'amélioration de la conduite des affaires de l'État [...](8).

Le gouvernement demandait ensuite à la Commission royale de trouver des moyens de supprimer le double emploi et le chevauchement des services, d'assurer l'efficacité ou de réaliser des économies grâce à une plus ample décentralisation, « au moyen d'une nouvelle répartition ou d'un regroupement des services de la fonction publique » et grâce à des procédures budgétaires améliorées. Dans l'interprétation de leur mandat, les commissaires s'inspiraient du principe selon lequel :

[i]l importe que les rouages administratifs répondent parfaitement aux voeux et aux besoins du peuple canadien. Mais il importe aussi d'offrir aux fonctionnaires toutes les occasions possibles de développer leurs multiples talents et de mettre leur expérience collective et leur maturité de jugement au service du pays(9).

La Commission Glassco a publié son rapport en juillet 1962. Les commissaires tiraient la conclusion que la fonction publique ne s'était pas révélée assez souple pour relever les défis de l'après-guerre. Selon elle, la faute en était imputable à la myriade de contrôles et de règlements des organismes centraux, qui empêchaient les gestionnaires de faire leur travail avec invention et efficacité. De plus, les commissaires s'inquiétaient du fait que les organismes centraux du gouvernement, tels que le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau du Conseil privé, avaient privé les ministres et les ministères d'une grande partie de leur pouvoir et donc érodé la responsabilité personnelle des ministres et de leurs fonctionnaires.

Le remède proposé par la Commission Glassco peut se résumer par la phrase pour laquelle on se souvient encore d'elle : « il faut laisser les gestionnaires gérer ». Les commissaires proposaient que soient abolis les contrôles des organismes centraux sur l'administration quotidienne des ministères. Au lieu d'être contrôlés, les gestionnaires ministériels auraient plus de liberté d'action, mais à l'intérieur d'un cadre général de direction et de responsabilité établi par un nouveau centre de gestion (essentiellement un Conseil du Trésor remanié). En l'absence de contrôles rigides, l'évaluation du rendement constituerait le principal moyen de responsabiliser les gestionnaires jouissant de pouvoirs accrus. Ces changements, espérait-on, rendraient la conception et la prestation des programmes plus efficaces, rétabliraient la responsabilisation et, ce qui n'est pas négligeable, se traduiraient par des économies pour les contribuables.

Même si quelques-unes des recommandations de la Commission Glassco ont été appliquées par le gouvernement (en particulier celles qui touchaient à la préparation du Budget des dépenses annuel et visaient à divulguer avec précision les dépenses de programmes au sein des ministères), les grands buts des réformes Glassco n'ont pas été atteints. Ils ne l'ont pas été, en grande partie, parce que les commissaires n'ont pas indiqué précisément les moyens par lesquels les gestionnaires pouvaient rendre compte de leurs actes au gouvernement et, par son entremise, au Parlement, tout en étant libres de gérer(10). Par conséquent, un grand nombre des contrôles des organismes centraux sur la gestion administrative et la direction du personnel (au lieu des lignes directrices envisagées par la Commission Glassco) sont restés en place. De fait, un observateur a constaté que, par suite des travaux de la Commission Glassco, les organismes centraux de contrôle sont devenus plus forts et que la répartition des tâches entre eux est devenue encore plus brouillée qu'avant(11).

   B. La Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité
        (Commission Lambert)

Moins de vingt ans après que la Commission Glassco eut déposé son rapport, les problèmes qu'elle avait voulu régler étaient non seulement existaient toujours mais étaient encore plus aigus. La croissance du gouvernement se poursuivait sans relâche, les coûts augmentaient, et la responsabilisation était encore plus incertaine que par le passé. En 1976, une autre commission royale a donc été mise sur pied, cette fois par le gouvernement Trudeau. Il s'agissait en partie d'une réaction aux préoccupations du vérificateur général, qui déclarait dans son rapport pour l'année financière 1975-1976, que « le Parlement — et, en réalité, le gouvernement — ne [contrôlait] plus de façon efficace l'utilisation des deniers publics, ou [semblait] près de perdre ce contrôle »(12). On peut trouver des preuves que les espoirs exprimés dans le rapport de la Commission Glassco ne s'étaient pas matérialisés dans le mandat de la Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité, qui affirmait (entre autres) que :

l'état actuel de l'administration financière au sein de l'administration fédérale [...] ne permettrait pas d'assurer de façon efficace et sûre, à l'heure actuelle, le plein contrôle de l'affectation des deniers publics et l'imputabilité administrative qu'exige l'expansion des responsabilités et des programmes gouvernementaux;

et qu'il était :

essentiel que le gouvernement soit en mesure de veiller à ce que l'autorité et l'imputabilité administratives, au sein de la Fonction publique, conduisent à l'utilisation optimale des ressources et assurent que toutes les possibilités de faire des économies, d'accroître la productivité et d'éviter le gaspillage soient pleinement exploitées(13).

La Commission avait deux buts : trouver des moyens de s'assurer que la gestion et le contrôle financiers s'exerçaient à tous les niveaux de la fonction publique et établir la responsabilité administrative efficace des sous-ministres face au gouvernement et, le cas échéant, face au Parlement(14).

La Commission Lambert (du nom de son président, Allan Lambert, dirigeant de la Banque Toronto-Dominion) publiait en mars 1979 des conclusions qui ne s'éloignaient pas vraiment de celles de son prédécesseur. Les commissaires constataient qu'il y avait eu une rupture dans le régime d'imputabilité du gouvernement et qu'en réalité les rapports d'imputabilité n'existaient pas. Les commissaires se déclaraient :

profondément convaincus que l'important malaise qui envahit la gestion du gouvernement provient avant tout d'un affaiblissement marqué et, parfois, d'une rupture presque complète, des rapports d'imputabilité au sein même du gouvernement d'une part, entre le gouvernement et le Parlement et entre le gouvernement et la population canadienne d'autre part(15).

En résumé, la Commission Lambert concluait que la gestion du gouvernement était devenue fragmentée, de sorte qu'il n'existait aucune coordination de la planification, que les budgets étaient établis au petit bonheur et qu'on ne rendait pas de comptes, surtout dans les organismes centraux.

Les remèdes proposés par la Commission Lambert différaient nettement, toutefois, de ceux de la commission royale précédente. Alors que la Commission Glassco avait préconisé un assouplissement des contrôles centraux, la Commission Lambert recommandait que ces contrôles soient resserrés. Selon la Commission, un élément clé de la solution à la perte de contrôle financier et à la rupture des rapports d'imputabilité consistait à créer un plan fiscal pour le gouvernement. Un tel plan — quinquennal — affecterait les ressources du gouvernement en fonction des priorités mais en tenant compte des limites imposées par les recettes fiscales disponibles.

La Commission recommandait que ce plan soit préparé par le Secrétariat financier du Bureau de gestion (le Conseil du Trésor), le Bureau du Conseil privé et le ministère des Finances, qui en assumerait la direction. L'opération consisterait à répartir l'ensemble des dépenses selon les grandes fonctions du gouvernement. Une fois fixées, les limites de dépenses attribuées à chaque fonction seraient réparties à nouveau en plafonds de dépenses pour les ministères et les organismes. Le plan budgétaire terminé serait présenté au Cabinet et, après avoir été approuvé, déposé au Parlement longtemps avant la présentation du Budget des dépenses du gouvernement.

Dans l'esprit de la Commission, le plan budgétaire servirait d'instrument clé du rétablissement des rapports d'imputabilité. En ce qui concerne la relation entre le gouvernement et le Parlement, la responsabilisation serait renforcée par l'inclusion, dans le plan budgétaire, d'un énoncé des priorités du gouvernement et de la façon dont elles seraient financées. De plus, le plan indiquerait si les objectifs énoncés dans le plan budgétaire précédent avaient été atteints et si les recettes et les dépenses avaient été équilibrées.

En ce qui concerne le rapport d'imputabilité entre la fonction publique et le gouvernement, la Commission Lambert estimait que l'imposition de plafonds de dépenses inciterait fortement les sous-ministres à gérer les ressources efficacement et de manière responsable. Elle proposait en outre que les sous-ministres fixent des objectifs de rendement pour leur ministère. L'évaluation des progrès vers la réalisation de ces objectifs incomberait au Conseil du Trésor (qui s'appellerait désormais le Bureau de gestion), établissant ainsi un deuxième rapport d'imputabilité pour les sous-ministres en plus ce celui qui existerait déjà entre eux et leur ministre.

La Commission Lambert allait cependant un peu plus loin : elle recommandait que les sous-ministres rendent des comptes au Comité des comptes publics de la Chambre des communes ainsi qu'à leur ministre et au Bureau de gestion. Les critiques ont soutenu que cette proposition, si elle était mise de l'avant, affaiblirait grandement le principe de la responsabilité ministérielle. De plus, la proposition a été jugée impossible à mettre en pratique parce qu'elle reposait sur l'hypothèse (factice selon certains) qu'il est possible de séparer politique et administration. Comme l'a fait remarquer Douglas Hartle :

prétendre qu'il existe une démarcation claire entre les responsabilités de gestion et les responsabilités de consultation des sous-chefs, afin qu'eux plutôt que leur ministre rendent des comptes aux comités parlementaires à l'égard de la fonction précédente est [...] tout à fait illusoire(16).

Pour ceux qui connaissent les rouages du gouvernement, les propositions de la Commission Lambert étaient irrémédiablement naïves, encore que bien intentionnées. Les commissaires ont oublié de tenir compte de la nature des processus de prise des décisions au gouvernement et du cadre éminemment politique dans lequel se prennent ces décisions. Comme l'a soutenu James Mallory, la principale faiblesse de la Commission est qu'elle :

n'a pas été assez sensible au fait que le gouvernement est essentiellement un mécanisme politique. Les politiciens au pouvoir doivent se rappeler constamment que la gestion rationnelle ne suffit jamais. Il faut satisfaire des exigences politiques, prendre des décisions en fonction du cycle électoral plutôt que du cycle commercial(17).

Ces facteurs ont rendu l'adoption des propositions de la Commission fort peu probables. Les propositions formulées ont donc eu peu d'influence s'il en est sur la structure, la prestation des programmes ou les pratiques de gestion du gouvernement(18).

LA RÉFORME GOUVERNEMENTALE DANS LE CONTEXTE ACTUEL

Il ne fait aucun doute que la réorganisation gouvernementale constitue désormais un phénomène international dont l'envergure ne cesse de grandir. Le « partage des connaissances » rendu possible par l'amélioration des techniques d'information et les contacts entre les administrateurs du secteur public ont uniformisé jusqu'à un certain point les réactions du gouvernement face à des problèmes communs. Dans la présente section, nous cherchons d'abord à examiner brièvement le contexte dans lequel s'insère ce phénomène global, puis nous examinons ensuite les tentatives les plus récentes de réforme de l'appareil administratif du gouvernement au Canada et les tentatives, au Canada et ailleurs, de modification de la manière dont certains services sont fournis par l'État. Ces exemples montrent que la tendance consiste à développer un appareil administratif qui reflète les points de vue et les pratiques du secteur privé. Même si ces changements présentent des avantages évidents, ils ont aussi occasionné des problèmes, qui seront exposés ci-dessous.

Même si elles ont quelques points en commun avec les efforts précédents — surtout quant à certains objectifs — les tentatives actuelles de « réinvention » du gouvernement présentent quelques caractéristiques fondamentales qui les distinguent de celles qui les ont précédées. Les tentatives de réforme en cours ont été conditionnées par des changements importants du cadre dans lequel les gouvernements du monde entier exercent leurs activités. L'un des changements les plus importants est la diminution des ressources disponibles pour réaliser les mandats des gouvernements. Les gouvernements oeuvrent désormais dans une conjoncture de réduction des recettes et de déficits massifs. Il devient donc impératif de modifier fondamentalement la manière dont ils administrent leurs affaires.

Même si une réduction des services fournis par le gouvernement semble la réponse logique face à une baisse des recettes (et constitue de fait une solution que beaucoup préconisent encore), des pressions s'exercent sur les gouvernements pour qu'ils interviennent plutôt plus que moins. Les modifications des profils commerciaux et des techniques de production obligent les gouvernements à assumer des responsabilités accrues pour aider les citoyens à s'adapter aux nouvelles circonstances. Au même moment, le secteur privé se tourne vers les gouvernements pour qu'ils l'aident à relever de nouveaux défis.

À cause de ces facteurs, et d'autres encore, on est de plus en plus conscient qu'une simple réduction de la portée et de la taille du gouvernement risque de créer plus de problèmes qu'elle n'en réglerait(19). L'effondrement des barrières commerciales mondiales a intensifié la concurrence économique entre les pays. Le secteur privé et le secteur public en sont donc notamment venus à voir l'appareil administratif du gouvernement sous un jour nouveau. Des économies entières sont en train de se restructurer, et le gouvernement, qui apporte une contribution importante au PNB de la plupart des pays, ne peut échapper à ce processus. Par conséquent, les réformes structurelles du secteur public de nombreux pays se fondent en partie sur une conscience accrue du fait que le secteur public est « un secteur essentiel de la politique structurelle tout en étant lui-même l'objet de réformes »(20). Une fonction publique efficiente est aussi considérée désormais comme un facteur clé qui permet aux pays de se faire concurrence entre eux dans une conjoncture commerciale internationale où les rivalités sont de plus en plus grandes. Comme le soutenait récemment le président de la Commission de la fonction publique :

La fonction publique est un facteur de la compétitivité d'un pays. Lorsqu'un pays se mesure à un autre, les fonctions publiques se font elles aussi concurrence. Une fonction publique efficace constitue donc l'un des piliers d'un PNB élevé(21).

Par conséquent, si les réformes de la première moitié des années 80 semblaient traduire l'opinion que le gouvernement, dans tous ses aspects, n'était rien de plus qu'un mal nécessaire, le gouvernement est désormais considéré comme une force positive — voire nécessaire — de la société. Certains groupes du secteur privé en sont venus à percevoir le gouvernement comme un partenaire utile et ont commencé à chercher des moyens de le rendre plus efficient et plus efficace(22).

Cette constatation se fait néanmoins dans un contexte où d'autres facteurs empêchent de compter à nouveau sur des bureaucraties massives pour la prestation des services publics. En tête de liste de ces facteurs viennent les contraintes financières considérables mentionnées ci-dessus. Les citoyens sont aussi devenus sceptiques quant à la capacité des bureaucraties gouvernementales d'offrir des services efficacement et à peu de frais(23). Ensemble, ces facteurs ont contribué à une recherche de nouveaux moyens par lesquels les gouvernements peuvent continuer de répondre aux attentes sans devoir en assumer les coûts.

Les gouvernements ont donc commencé à chercher à s'associer avec le secteur privé pour qu'il les aide à fournir des services et à adopter des solutions du secteur privé pour restructurer leur propre appareil administratif. Les gouvernements déterminent quelles activités ressemblent à des services du secteur privé et en modifient l'orientation en conséquence. En général, les gouvernements essaient donc d'isoler leurs fonctions de planification ou d'élaboration des politiques de leurs fonctions d'exécution des programmes. Les premières continuent comme avant de concevoir les services (une fonction de politique) alors que les secondes sont plus libres — et incitées — à les offrir (une fonction administrative)(24).

À mesure que les gouvernements et le secteur privé s'associent et que les gouvernements restructurent leurs activités, les divisions traditionnelles entre les deux secteurs deviennent plus fluides et disparaissent même dans certains cas. On a ainsi importé dans la fonction publique une manière d'agir caractéristique du secteur privé et qui repose sur des concepts comme l'« entrepreneurship », la « compétition » et le service aux « clients ». Une autre conséquence est le fait que certains secteurs de l'appareil administratif gouvernemental prennent les attributs d'organisations du secteur privé. Ces changements comportent leur lot d'avantages et d'inconvénients, dont certains seront analysés ci-dessous. Ils ont aussi des répercussions très importantes sur la façon de gouverner une société démocratique comme la nôtre; ces répercussions étant étudiées dans une autre étude du Service de recherche(25).

Si des aspects de la réforme actuelle ont donc des airs de déjà vu, les efforts actuels en vue de « réinventer » le gouvernement sont beaucoup ambitieux que les réformes passées. Ils visent à redéfinir le rôle de l'État dans l'économie et la relation entre le secteur public et le secteur privé. Essentiellement, cette vaste restructuration n'est rien de moins qu'un :

changement de cap radical qui transforme une fonction publique ayant pour but de promouvoir le bien-être public en une culture d'entreprise reposant sur l'efficience et l'économie(26).

Même si chacune de ces tentatives de réorganisation du secteur public met l'accet sur un meilleur service aux citoyens (ou aux « clients »), la principale justification est la nécessité pour les gouvernements de réduire les coûts. À propos du programme britannique Next Steps, on a fait remarquer que les nouvelles mesures de gestion « ne sont importantes que dans la mesure où elles contribuent au contrôle des dépenses publiques »; c'est par ce moyen qu'on juge vraiment du succès ultime de chacune de ces mesures(27).

   A. Réorienter le secteur public : Fonction publique 2000

Deux analystes qui ont étudié la fonction publique fédérale du Canada à la fin des années 80 ont indiqué que, même si une nouvelle philosophie de la gestion mettant l'accent sur les résultats et le rendement était en train de naître, elle devait, pour réussir, s'accompagner d'une modification des attitudes et du comportement de la fonction publique(28). Un autre observateur, qui a mené une enquête auprès des fonctionnaires à peu près au même moment, est arrivé à la conclusion que de graves problèmes de moral au sein de la fonction publique avaient empêché les fonctionnaires de fournir des services efficients aux Canadiens(29). Les efforts les plus récents en vue de provoquer un changement administratif visent à implanter la nouvelle philosophie de gestion dans les institutions et à restaurer la confiance dans la fonction publique en important des valeurs du secteur privé. Par conséquent, s'ils ressemblent aux tentatives précédentes, ils en diffèrent aussi parce qu'ils visent à changer la « culture » de la fonction publique en inculquant un nouvel esprit d'entreprise à ses membres.

En décembre 1989, le premier ministre de l'époque, Brian Mulroney, annonçait un programme appelé Fonction publique 2000 (FP 2000), dont le grand but consistait à renouveler la fonction publique fédérale. Dans une conjoncture d'austérité financière et de hausse de la demande, le gouvernement cherchait des moyens de réaliser son mandat varié, grâce à de nouvelles mesures d'efficience et à une meilleure gestion.

En annonçant ce programme, le premier ministre a rappelé un thème qui était au coeur des tentatives de réforme précédentes lorsqu'il a indiqué qu'un grand but consistait à donner aux gestionnaires de la fonction publique autant de pouvoirs que possible. À cette fin, les contrôles administratifs des organismes centraux seraient réduits afin de laisser aux sous-ministres plus de latitude pour gérer leur ministère et de les rendre « plus directement comptables » des résultats. Pour la première fois, le gouvernement reconnaissait ouvertement que la fonction publique comprend diverses formes d'organisation et il cherchait à promouvoir cette caractéristique plutôt qu'à la décourager(30).

FP 2000 différait considérablement des examens antérieurs de la fonction publique fédérale, en ce sens qu'il était mené en grande partie par la fonction publique elle-même. Sous la direction du greffier du Conseil privé, assisté du président de la Commission de la fonction publique et du secrétaire du Conseil du Trésor, l'examen a été réalisé par dix groupes de travail réunissant environ 120 sous-ministres, sous-ministres adjoints et autres hauts fonctionnaires(31). Les groupes de travail ont terminé leurs travaux en 1990, et le gouvernement a publié un Livre blanc inspiré de leurs résultats et de leurs recommandations en décembre de la même année.

Intitulé Fonction publique 2000 : Le renouvellement de la fonction publique au Canada, le Livre blanc traduisait les objectifs fixés par le premier ministre en 1989. Il reprenait de nombreux thèmes familiers, parfois remis à la sauce du jour : réduction de la paperasserie, responsabilisation du personnel, délégation de pouvoir, décentralisation et élimination de la réglementation inutile qui empêche une gestion efficace. Il différait des tentatives antérieures en ce sens qu'il était le premier examen administratif à désigner la qualité du service au public parmi les buts de la gestion publique. Afin d'atteindre ce but, le gouvernement indiquait qu'un changement de culture s'imposait à la fonction publique. La culture précédente ou existante avait mis l'accent sur :

les systèmes administratifs, ainsi que la conformité et le contrôle pour donner une gouvernement « ne commettant pas d'erreur » [...] ont brimé l'esprit d'initiative des fonctionnaires, sacrifié la rapidité d'exécution et accordé trop peu d'importance aux résultats et à la rentabilité(32).

Par conséquent, au-delà de l'adaptation structurelle, il fallait une modification fondamentale de l'attitude des fonctionnaires, modification qui les amènerait à faire davantage preuve d'esprit d'initiative dans leur travail. Dans son Livre blanc, le gouvernement indiquait qu'il fallait :

une nouvelle mentalité de la part des fonctionnaires, axée sur le leadership, la communication, la consultation et l'écoute du client dans le contexte de la déréglementation et de la flexibilité dans l'utilisation des ressources [...](33).

Le gouvernement arrivait également à la conclusion que, si d'autres tentatives de réforme avaient essayé elles aussi de donner plus de pouvoirs aux fonctionnaires, elles avaient péché par l'absence d'« obligation de rendre efficacement compte de l'utilisation de l'autorité qui leur avait été conférée »(34). Essentiellement, le Livre blanc proposait d'instaurer une responsabilisation efficace en fixant des normes de résultats et de rendement pour les gestionnaires, idées qui, de l'avis même du gouvernement, ne constituaient pas « des changements radicaux »(35). Mais en suggérant de modifier la culture de la fonction publique, le gouvernement proposait en effet un nouveau rapport d'imputabilité entre les fonctionnaires et le public ou la clientèle qu'ils servent.

Divers moyens ont été employés pour mettre en oeuvre les mesures proposées dans FP 2000. L'un deux est d'ordre législatif. La Loi de 1991 sur la réforme de la fonction publique, qui a pris effet par étapes entre avril et septembre 1993, rationalise la gestion des ressources au sein de la fonction publique afin de donner aux gestionnaires une souplesse semblable à celle qui existe dans le secteur privé en ce qui concerne le processus de dotation. Des modifications aux lois existantes permettraient entre autres aux sous-ministres de combler rapidement les postes vacants sans recourir au mécanisme habituel des concours(36). Une autre façon d'atteindre les buts de FP 2000 a consisté à créer des organismes de service spécial (voir ci-dessous)(37). Ces mesures et d'autres encore découlant de FP 2000 visent à instaurer un changement « culturel » qui amènera les fonctionnaires à adopter des valeurs semblables à celles qui sont véhiculées dans le secteur privé.

   B. Fournir les services publics différemment

En plus d'essayer d'encourager les fonctionnaires à adopter une nouvelle optique, les gouvernements ont aussi modifié les structures mêmes qui permettent d'offrir les services aux citoyens. Une méthode a consisté à privatiser les organismes publics qui fournissent des services. Une autre, peut-être plus importante, a consisté à créer des unités qui fonctionnent de manière relativement autonome au sein des ministères et dont l'existence dépend de leur capacité de s'autofinancer. Appelés organismes de service spécial (OSS), ces organisations sont nées d'abord au Royaume-Uni. On trouve aussi des organismes de ce genre en Nouvelle-Zélande. L'expérience de ces pays permet de dégager un certain nombre des avantages et des inconvénients éventuels que les organismes de service spécial peuvent présenter dans le contexte canadien. Il importe de souligner que, dans chaque pays, la création des organismes de service spécial répondait au désir d'inculquer un esprit d'entreprise à la fonction publique et qu'elle a redéfini les limites entre le secteur privé et le secteur public.

      1. Le Royaume-Uni : Le programme Next Steps (38)

Tout comme au Canada, la période de l'après-guerre en Grande-Bretagne a été caractérisée par une volonté de réformer la fonction publique. Dans les années 70 cependant, on a généralement reconnu que ces efforts n'avaient pas vraiment réussi à éliminer les inefficiences et les contrôles financiers trop faibles. Par conséquent, quand Margaret Thatcher est devenue première ministre en 1979, elle a lancé un programme visant à modifier les pratiques de gestion de la fonction publique. Ce programme était dirigé par l'Efficiency Unit du premier ministre, créé en 1979, afin de dégager et d'éliminer les sources d'inefficacité dans la fonction publique. Le mandat général de ce bureau consistait à modifier la culture de la fonction publique en faisant de la saine gestion une activité prisée et bien récompensée. Une évaluation réalisée par le bureau à la fin des années 80 a révélé toutefois que les progrès avaient été plutôt minces. Le bureau a publié un rapport (Improving Management in Government: The Next Steps) dans lequel il déclarait que la fonction publique était trop grande et diverse pour être centralisée, que les ministres débordés de travail accordaient trop peu d'attention aux questions de gestion, que les gestionnaires de la fonction publique étaient gênés par la réglementation hiérarchique et qu'on n'insistait pas assez sur les résultats. En guise de solution, le bureau proposait que les fonctions d'élaboration des politiques soient séparées des fonctions de prestation des services, qui occupaient 95 p. 100 des fonctionnaires britanniques. Les secteurs d'activité opérationnelle au sein de chaque ministère seraient définis; au besoin, des agences attitrées seraient créés et assumeraient la responsabilité de ces fonctions. Les nouvelles agences seraient dirigées par un chef de la direction libre d'agir dans le cadre des lignes directrices sur les politiques et la gestion des ressources établies par les ministères. Les chefs de la direction seraient choisis au moyen d'un processus concurrentiel auquel pourraient participer des candidats du secteur privé et du secteur public.

En 1988, les principales recommandations du rapport ont été acceptées par le gouvernement Thatcher. Un petit groupe au sein du Bureau du Cabinet s'est engagé à encourager les ministères à commencer à définir les activités opérationnelles susceptibles d'être déléguées à une agence attitrée.

Au début, les progrès ont été lents; à l'été 1989, seulement huit agences attitrées avaient été mises sur pied. En avril 1993 cependant, il y en avait 89 et 19 autres candidats avaient été repérés. Environ 26 000 fonctionnaires britanniques, soit 66 p. 100 du total, travaillent actuellement dans des agences attitrées; l'objectif pour la fin de 1993 a été fixé à 75 p. 100(39).

Les défenseurs de ce programme soutiennent que la restructuration a été pleinement compatible avec les exigences d'un gouvernement parlementaire. Les chefs de la direction des agences attitrées doivent rendre des comptes aux ministres, qui, à leur tour, doivent rendre des comptes au Parlement. La relation entre chaque agence et le ministère est clairement énoncée dans les documents cadres négociés entre l'agence, le ministère d'attache, le Trésor et la Next Steps Unit. Ces documents (qui ressemblent à des contrats, sans toutefois en avoir la portée juridique) sont examinés tous les trois ans et contiennent les lignes directrices en matière de politique et de ressources, qui guident les activités des agences attitrées ainsi que les objectifs en fonction desquels le rendement est mesuré. Il importe de souligner que les ministres gardent clairement la main haute dans leurs rapports avec les agences attitrées. Les cibles, par exemple, peuvent être modifiées au gré du ministre et les chefs de la direction des agences attitrées n'ont pas d'autre choix que d'essayer de les atteindre. En plus des documents cadres, les agences doivent aussi établir un plan d'entreprise quinquennal définissant leur stratégie de développement à long terme et un plan commercial annuel indiquant comment elles ont l'intention de procéder pour atteindre leurs objectifs de rendement.

D'autres nouvelles mesures mises en oeuvre depuis le début du programme Next Steps comprennent :

  • la rémunération au rendement, qui relie une partie du traitement d'un fonctionnaire à son rendement annuel;

  • la Charte du citoyen, en vertu de laquelle les organismes publics, dont les agences attitrées, doivent fournir des énoncés des normes de service auxquels le public peut s'attendre; et

  • des épreuves du marché, qui obligent les organismes publics à déterminer si des services de meilleure qualité pourraient être offerts par le secteur privé.

Deux auteurs qui connaissent bien le programme Next Steps soutiennent qu'il démontre la possibilité de changement dans les grandes institutions publiques, pourvu que certaines conditions soient réunies(40). Le changement doit être géré « par un petit groupe dévoué d'agents du changement » et jouir du soutien politique des niveaux les plus élevés(41). Par-dessus tout, il faut procéder graduellement au changement structurel et en tenant compte des structures et des procédures existantes(42).

On peut dire que la mise en oeuvre du programme Next Steps a réussi et qu'il a permis de changer la culture de la fonction publique comme on le souhaitait; Wilson et Wright ont constaté que les employés des agences attitrées s'attachent davantage à l'objet et à la raison d'être de leur organisation, s'y identifient davantage et jouissent d'une plus grande latitude dans la gestion des ressources humaines et financières. Il ne serait pas sage, toutefois, de fermer les yeux sur plusieurs des difficultés que le programme a occasionnées. Par exemple, il n'est pas du tout certain que les objectifs d'amélioration du service ont été atteints(43). On ne sait pas non plus si toutes les agences attitrées peuvent fonctionner de façon aussi dégagée du contrôle ministériel que prévu. En plus de la réticence innée des ministères à renoncer au contrôle sur certains domaines, le régime de la responsabilité ministérielle — encore en vigueur — rend problématique l'autonomie envisagée par le programme Next Steps(44). La question des rapports d'imputabilité entre les agences et le Parlement n'a pas été réglée complètement elle non plus. Jenkins et Gray soulèvent des questions importantes à cet égard. Ils se demandent dans quelle mesure la liberté opérationnelle d'une agence attitrée peut être compatible avec la responsabilité du secteur public et font remarquer que :

l'enjeu fondamental [...] porte sur la responsabilité et la liberté des gestionnaires. Certains estiment qu'une surveillance détaillée ne peut que gêner l'innovation. D'autres répliquent que la surveillance est essentielle à un bon gouvernement responsable(45).

Ils indiquent aussi que le programme pourrait avoir des conséquences (inattendues) sur le rôle des ministres qui, dans certains cas, se retrouvent à la tête de ministères dont les fonctions ont grandement été déléguées aux agences attitrées. Jenkins et Gray se demandent aussi si les politiques peuvent réellement être isolées de l'exécution et font remarquer que, même dans l'affirmative, ce changement structurel massif ne garantit pas un bon gouvernement : « bien exécuter une mauvaise politique est bien loin de dénoter un État en santé »(46).

En conclusion, indiquons que même si le programme Next Steps a contribué de façon remarquable à la restructuration la fonction publique britannique, il reste encore à déterminer si les buts fondamentaux ont été atteints.

      2. La Nouvelle-Zélande : Les entreprises d'État (EÉ)

Les entreprises d'État (EÉ) de la Nouvelle-Zélande existaient avant d'être transformées en organismes ressemblant aux organismes de service spécial qu'on trouvait ailleurs(47). Au départ, elles ont servi d'instrument de mise en oeuvre de la politique gouvernementale, de réglementation et de réalisation des objectifs de la politique sociale. Tous ces mandats ont été remis en question dans les années 80, surtout à la lumière du gaspillage et des inefficiences des entreprises d'État. Le gouvernement a réagi en adoptant, en 1986, la State Owned Enterprises Act, qui constituait les EÉ en « sociétés » et leur donnait des mandats précis.

Cette loi vise un grand nombre des objectifs des organismes de services spécial créées ailleurs. Si les ministres continuent d'être responsables des politiques, les entreprises d'État se chargent des fonctions d'exécution. Tout comme des entreprises du secteur privé, les EÉ doivent désormais déposer des rapports annuels et semestriels et présenter au ministre un Énoncé de mission, qui permet d'évaluer les résultats. Selon la loi, ces documents doivent donner des détails sur les activités que l'EÉ entend entreprendre ainsi que des cibles de rendement.

Les modifications législatives ont eu des conséquences importantes sur la structure et le fonctionnement des EÉ; le personnel a été réduit et les employés qui sont restés sont visés par des contrats d'emploi, comme les travailleurs du secteur privé. Par ailleurs, la production générale des EÉ a augmenté.

Mais la restructuration ne s'est pas faite sans douleur. Un grand nombre de fonctionnaires ont perdu leur emploi, à grands frais pour l'État, à cause des programmes d'indemnisation et du maintien de l'assurance-chômage. De plus, les coûts de mise en oeuvre de la transformation ont été assez élevés.

Tout comme pour les organisations visées par le programme Next Steps en Grande-Bretagne, il n'est pas certain que les entreprises d'État soient capables d'atteindre les objectifs qui leur ont été fixés. En particulier, leur capacité de fonctionner comme si elles étaient dans le secteur privé a été mise en doute, parce qu'il leur serait impossible de fonctionner sur une base purement commerciale. Lojkine soutient qu'il en est ainsi parce que les EÉ reçoivent du financement public et sont donc plus obligées de rendre des comptes que si elles étaient des entreprises du secteur privé. Par conséquent,

la nécessité de la surveillance du rendement par [...] les politiciens au nom de [...] la collectivité laisse présager toutes sortes de possibilités d'ingérence politique dans des entreprises soi-disant commerciales(48).

En guise d'exemple, Lojkine fait remarquer que les ministres peuvent apporter des changements aux énoncés de mission. De plus, l'obligation d'exercer ses activités dans le cadre des lignes directrices établies par la loi et des énoncés de mission assujettit les EÉ à des contrôles plus stricts que ceux qui existent dans le secteur privé. Un dernier handicap est dû au fait que la Couronne est le seul « actionnaire » des EÉ; comme le fait remarquer Lojkine, la Couronne « n'est pas un actionnaire très utile — elle n'a aucune expérience ni compétence commerciales, et pas de disponibilités »(49). En conclusion, Lojkine fait une objection que d'autres ont exprimée à propos des organismes de service spécial du Canada (voir ci-dessous) et des agences attitrées du programme Next Steps en Grande-Bretagne : ils ne sont pas nécessairement des fins soi mais plutôt des hybrides entre des entreprises d'État et des entreprises privées. Lojkine indique que leurs problèmes les pousseront dans une direction ou dans l'autre et que la privatisation est l'issue la plus probable. Dans un cas comme dans l'autre, précise-t-elle, « il est bon de reconnaître dès maintenant la situation, et de contrôler le processus, plutôt que de se laisser mener par lui »(50).

      3. Le Canada : Les organismes de service spécial (OSS)

Le Canada a lui aussi mis sur pied des organismes de service spécial, mais à une échelle plus réduite et avec plus de précaution qu'au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande(51).

À partir de 1989, certains programmes et organismes gouvernementaux ont été désignés comme candidats possibles, en fonction principalement du fait qu'ils offraient des services et avaient des chances de pouvoir s'autofinancer(52). Depuis décembre 1989, lorsque le gouvernement a annoncé son intention de créer des OSS, plus d'une douzaine de ces organismes ont été créés(53).

Comme ailleurs, on s'attend que les OSS canadiens permettent d'améliorer le service, d'améliorer la responsabilisation et se traduisent par des économies pour le gouvernement. À ce titre, ils doivent être sensibles aux besoins des clients et fonctionner comme une entreprise commerciale. Les OSS canadiens sont régis par un accord cadre qui constitue le principal moyen de s'assurer qu'ils rendent des comptes. Ces documents sont élaborés par les OSS et leur ministère d'attache et comprennent un énoncé de la mission de l'OSS, des normes de rendement et une description de la relation avec le ministère. Tous les accords cadres doivent être approuvés par le Conseil du Trésor et sont considérés comme des documents publics. Tout comme dans le cas des organismes d'exécution du programme Next Steps, les employés des OSS demeurent fonctionnaires et les OSS continuent de faire partie de leur organisation ministérielle. Les OSS sont dirigés par un administrateur en chef qui relève d'un administrateur général, soit le sous-ministre du ministère d'attache.

Le Bureau des passeports est une exemple d'organisme qui fonctionne actuellement comme OSS(54). Ses activités sont financées — non par le gouvernement — mais par les droits qu'il perçoit auprès de ses clients. Même s'il est dirigé comme une entreprise privée, les lignes directrices de la fonction publique concernant l'embauche, les traitements et les pratiques en matière de personnel s'appliquent encore à ses employés. Étant donné qu'un grand objectif de la création d'un OSS est de mieux servir les clients, le Bureau des passeports peut être considéré comme une réussite. En comptant sur les droits pour financer les opérations, le Bureau a accordé une nouvelle attention toute particulière aux besoins des clients; les bureaux sont désormais ouverts plus longtemps et les employés ont pris des mesures pour faciliter le processus de demande d'un passeport. De nouvelles succursales ont été ouvertes l'an dernier, en fonction de la demande du marché plutôt que de considérations politiques.

Au Canada, les OSS sont considérés comme un moyen de réconcilier enfin les exigences de la responsabilisation et de la souplesse de gestion, comme « un moyen de nous débarrasser du paradigme vétuste de la gestion du secteur public »(55). Le Secrétariat du Conseil du Trésor soutient que le rapport de responsabilisation n'est pas affaibli dans le modèle des OSS; au contraire, la structure des OSS permet « de renforcer la responsabilisation et d'en accroître la transparence », à cause du document cadre et du plan d'entreprise(56). C'est peut-être vrai, mais on peut se demander si l'autre but de la latitude accrue des employés et des gestionnaires peut être atteint en même temps. Une différence importante entre les OSS canadiens et leurs pendants britanniques est le fait qu'au Canada, les sous-ministres occupent le poste d'administrateur général des OSS; en Grande-Bretagne, cette tâche relève du chef de la direction de l'agence attitrée. Un analyste indique que les dispositions canadiennes accroissent la possibilité que « les fonctions de contrôle centrales d'un ministère [puissent] primer sur le fonctionnement d'un tel organisme au lieu de favoriser son succès »(57). Il existe aussi un risque évident qu'une telle délégation de pouvoirs à la fonction publique prive les ministres d'une partie de leur capacité de « diriger » leur ministère(58). Par conséquent, soutenir que la création d'OSS « devrait donner aux gestionnaires et aux employés l'occasion de faire preuve d'initiative et d'esprit d'entreprise »(59), pourrait s'avérer trop optimiste. On se demande si cette initiative ne se butera pas elle aussi aux mêmes obstacles que les réformes proposées par la Commission Glassco.

L'expérience canadienne en ce qui concerne les organismes de service spécial doit être considérée comme un élément d'une entreprise plus vaste visant à promouvoir des modifications de la structure de la fonction publique du pays. Elle s'intègre au programme Fonction publique 2000, en ce sens qu'elle vise à encourager l'« esprit d'entreprise » chez les fonctionnaires. Reste à voir si les OSS deviendront le modèle à suivre pour arriver à l'avenir à un changement structurel de la fonction publique. Le gouvernement précédent avait annoncé qu'il entendait permettre « au plus grand nombre possible »(60) d'organisations de devenir des OSS. Le gouvernement actuel a annoncé son intention de procéder à une réforme fondée sur la compréhension du rôle général que le gouvernement fédéral devrait jouer; il pourrait bien souhaiter examiner la place que les OSS pourraient occuper dans le vaste cadre administratif du gouvernement.

CONCLUSION

Au Canada, à la fin des années 80, l'appareil administratif du gouvernement fédéral et les niveaux de dotation dans les organismes centraux ont connu une croissance considérable. Or A.W. Johnson signale que « le régime administratif en place semble être resté essentiellement le même »(61). La réforme des pratiques et des structures de gestion préconisée à maintes reprises ne s'est pas vraiment matérialisée. En 1991, le vérificateur général donnait ses impressions à son arrivée à Ottawa. Il déclarait au Parlement :

L'administration publique se caractérise par des règles internes encombrantes, une prépondérance de la procédure, un processus budgétaire complexe, et ainsi de suite. [...] [L]es gouvernements successifs, par souci de probité et de prudence, d'économie et d'efficience, s'en sont remis en tous points aux contrôles centraux(62).

Pourquoi, après 30 ans d'efforts en vue de modifier le cadre administratif de la fonction publique, a-t-on accompli si peu? En 1988, Douglas Hartle, ancien sous-secrétaire du Conseil du Trésor (1969-1973), arrivait à des conclusions semblables à celles de Johnson et expliquait que :

les tensions constantes entre l'uniformité et le contrôle central d'une part et la souplesse et la volonté de « laisser les gestionnaires gérer » d'autre part ne se dissiperont jamais. Il s'agit d'un processus dynamique, toujours à la recherche du point d'équilibre. Il y a toujours des changements en cours de route, mais tout ce réglage de précision ne permet jamais d'arriver à un équilibre parfait qui se dérobe sans cesse. À la vérité, même s'il existait un objectif idéal, il est peu probable qu'on le reconnaîtrait comme tel; par ailleurs, il ne serait pas constant, puisqu'il continuerait de témoigner de l'évolution des forces externes qui influencent le processus(63).

En réalité, il existe des tensions constantes entre les contraintes imposées par la responsabilisation d'une part et la nécessité de gérer avec créativité et souplesse d'autre part. Tant que le gouvernement doit rendre des comptes au Parlement (et il s'agit là d'une pierre angulaire du régime de gouvernement du Canada), la prépondérance des contrôles centraux risque de demeurer, malgré les tentatives occasionnelles de faire pencher la balance en faveur de la liberté de gestion. Deux analystes décrivent ce phénomène comme une lutte entre la centralisation et la décentralisation de l'administration fédérale et font remarquer qu'un mouvement vers un extrême quelconque ne donnerait probablement pas de résultats concluants. Ils indiquent que :

Dans le régime administratif fédéral, tout comme dans toute organisation complexe, l'attraction vers la centralisation est inhérente; la décentralisation, par contre, exige des efforts conscients et continus afin d'orienter l'organisation de manière à contenir la tendance naturelle à exercer le pouvoir à partir du centre, voire même à y résister(64).

Il n'est donc pas étonnant que les tentatives de réforme administrative de la fonction publique comportant une dévolution de pouvoirs par les instances centrales ne se soient jamais réalisées d'un seul coup. Les auteurs d'un Livre blanc récent sur la réforme de la fonction publique font observer que la réforme entreprise au cours des 30 dernières années a oscillé entre le contrôle central rigide et l'autonomie accrue des ministères(65).

Les propositions de FP 2000 et la création des organismes de service spécial laissent-elles entrevoir la possibilité d'arrêter ce mouvement de pendule? Sans nier les facteurs contextuels qui rendent des modifications du mode de fonctionnement du gouvernement plus pressantes que jamais, les propositions récentes ont-elles plus de chances de réussir que les précédentes? Bien que la question reste sans réponse, on peut faire quelques observations. La première est que le programme Next Steps montre que des changements de ce genre sont possibles.

L'appui politique des instances supérieures du gouvernement, condition préalable du succès, a déjà été accordé par le gouvernement actuel(66). Les fonctionnaires sont cependant moins enthousiastes; au moins un grand syndicat de la fonction publique a demandé un moratoire d'un an sur la réorganisation actuelle de la fonction publique(67). Même avec un vif soutien du niveau politique et de la fonction publique, il faudra probablement de nombreuses années avant que le changement — surtout celui de nature « culturelle » — ne se concrétise(68).

Dans son plus récent rapport au Parlement, le vérificateur général Denis Desautels a exprimé quelques inquiétudes quant à l'avenir de FP 2000 et signalé des difficultés de mise en oeuvre. Les fonctionnaires hiérarchiques, qui n'étaient pas inclus dans les étapes préliminaires, voient cette entreprise avec scepticisme et quelques sous-ministres n'ont pas apporté les changements proposés avec efficacité ou enthousiasme. Par conséquent, malgré des progrès dans certains domaines, le succès est inégal et l'avenir de l'entreprise demeure incertain.

Pour revitaliser FP 2000 et s'assurer que ses objectifs seront atteints, le vérificateur général recommande diverses mesures, dont des évaluations périodiques afin d'établir « si les objectifs spécifiques de réforme sont en voie d'être atteints, de relever les problèmes, de profiter de l'expérience accumulée, et de cerner les nouvelles orientations qui s'imposent »(69). Ces évaluations, indique-t-il, devraient être déposées au Parlement et être étudiées en comité parlementaire(70).

Une réforme de ce genre peut-elle atteindre les objectifs fixés? Les expériences de la Grande-Bretagne et de la Nouvelle-Zélande laissent croire que la prudence est de mise dans ce domaine. Bien que ces réformes puissent comporter des avantages, elles pourraient ne pas être à la hauteur des aspirations de leurs défenseurs. Elles pourraient aussi poser des difficultés imprévues. Quelle incidence auront-elles, par exemple, sur la capacité d'un gouvernement de diriger son appareil administratif? Au lieu de donner aux Canadiens des possibilités accrues que la fonction publique réponde aux besoins du public, ces réformes aboutiront-elles plutôt au contraire, comme le prétendent certains critiques(71)? Il faudra beaucoup réfléchir au genre de gouvernement que veulent les Canadiens, aux mandats sociaux qu'ils veulent réaliser et aux moyens les plus souhaitables d'atteindre ces objectifs.

BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXE

Emploi dans la fonction publique, 1989-1993

Palier de gouvernement

1989

1990

1991

1992

1993(1)

Administration fédérale(2)
Entreprises publiques(3)
Total

403 923
174 009
577 932

408 885
153 377
562 262

418 482
152 375
570 857

412 914
149 395
562 309

411 976
146 221
558 200

Administration provinciale
Entreprises publiques
Total

930 850
157 188
1 088 038

952 527
159 031
1 111 558

965 646
151 255
1 116 901

963 613
147 647
1 111 260

964 077
141 270
1 105 347

Administration locale
Entreprises publiques
Total

901 895
50 238
952 132

924 895
50 569
975 464

944 969
52 406
997 375

958 833
52 771
1 011 604

999 415
52 726
1 052 141

(1) Les données de 1993 pour tous les paliers de gouvernement portent uniquement sur le deuxième trimestre. Toutes les autres données sont des moyennes annuelles.

(2) Statistique Canada définit la partie « administration publique » de l'emploi dans la fonction publique comme les emplois dans les ministères, les organismes, les commissions, les municipalités ainsi que les fonds créés et contrôlés par une administration publique, les établissements d'enseignement publics, les organismes culturels, les hôpitaux et les organismes sociaux, ainsi que les organismes administrant les régimes universels de retraite.

(3)Statistique Canada définit les entreprises publiques comme des « organisations ayant des activités marchandes. Ces entreprises sont de par leur nature semblables aux entreprises privées. Elles entrent en concurrence avec les entreprises privées ou monopolisent un marché qui serait sinon desservi par le secteur privé ».

Source : Statistique Canada, Emploi et rémunération dans le secteur public 1992, 1993; Statistique Canada, Le Quotidien, 8 décembre 1993.


(1) From Red Tape to Results: Creating a Government that Works Better and Costs Less, Washington, National Performance Review, 1993.

(2) V. Seymour Wilson a qualifié les tentatives continues de réforme du gouvernement de « travail de Sisyphe ». (V. Seymour Wilson, « What Legacy? The Nielsen Task Force Program Review », Katherine A. Graham (éd.), How Ottawa Spends 1988/89: The Conservatives Heading into the Stretch, Ottawa, Carleton University Press, 1988, p. 41).

(3) Selon A.W. Johnson, il y a eu, en moyenne, une nouvelle grande tentative de réforme a tous les trois ou cinq ans. A.W. Johnson, Réflexions sur la réforme de l'administration fédérale du Canada, 1962-1991, Ottawa, Bureau du vérificateur général, 1992, p. 7.

(4) L'ouvrage de A.W. Johnson (Ibid.) donne un aperçu détaillé de l'évolution de l'administration au sein du gouvernement fédéral.

(5) Le premier mandat de Diefenbaker avait été bref, ayant duré moins d'un an.

(6) C. Lloyd Brown-John, « If You're So Damned Smart, Why Don't You Run Government Like a Business », Katherine A. Graham (éd.), How Ottawa Spends 1990-91: Tracking the Second Agenda, Ottawa, Carleton University Press, 1990, p. 220.

(7) Douglas G. Hartle, « The Report of the Royal Commission on Financial Management and Accountability (The Lambert Report): A Review », Analyse de politiques, n° 3, été 1979, p. 367-368.

(8) Canada, Commission royale sur l'organisation du gouvernement, Rapport, vol. 1, Ottawa, 1962, p. 8, (ci-après appelée Glassco) (c'est nous qui soulignons).

(9) Ibid., p. 26.

(10) James R. Mallory, « The Lambert Report: Central Control and Responsabilities », Administration publique du Canada, n° 22, hiver 1979, p. 517.

(11) Ibid.

(12) Canada, Bureau du vérificateur général, Rapport, année financière 1975-1976, Ottawa, 1976, p. 9.

(13) Canada, Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité, Rapport final, Ottawa, 1979, p. v-vi, (ci-après appelée Lambert).

(14) Donald Savoie, The Politics of Public Spending in Canada, Toronto, University of Toronto Press, 1990, p. 128-129.

(15) Lambert (1979), p. 21.

(16) Hartle (1979), p. 382 (traduction).

(17) Mallory (1979), p. 527 (traduction). L'évaluation de Mallory est confirmée par Hartle (1979), p. 381.

(18) Savoie (1990), p. 145.

(19) G. Bruce Doern, « Efficiency-Democracy Bargains in the Reinvention of Federal Government Organization », Susan D. Phillips (éd.), How Ottawa Spends 1993-1994: A More Democratic Canada?, Ottawa, Carleton University Press, 1993, p. 204. Doern affirme que l'un des moteurs des mesures actuelles visant à réformer le gouvernement est la crainte que dix années de déréglementation et de privatisation aient privé le gouvernement de certaines de ces capacités essentielles.

(20) Derry Ormond, « La réforme de la gestion publique », L'observateur de l'OCDE, n°  184, octobre-novembre 1993, p. 4.

(21) Robert J. Giroux, « Downsizing the Federal Public Service », Canadian Speeches: Issues of the Day, septembre 1993, p. 48 (traduction).

(22) Voir Charlotte Gray, « Civil Strife », Saturday Night Magazine, 106, n° 1, janvier-février 1991. Gray étudie la création de l'Institut de la politique publique par Sheldon Ehrenworth, ancien fonctionnaire intéressé à ce que le secteur privé favorise le changement au sein de la fonction publique du Canada. Gray écrit que Ehrenworth « a persuadé de plus en plus de gens d'affaires qu'il ne faut pas lutter pour réduire le gouvernement [...] mais plutôt pour améliorer le gouvernement, parce que de meilleures politiques officielles et des opérations gouvernementales plus efficientes pourraient aider les entreprises canadiennes à faire leur marque sur les marchés mondiaux » (p. 17, c'est l'auteur qui souligne) (traduction).

(23) Il s'agit d'un changement de conjoncture très important par rapport à celle qui existait lors des réorganisations précédentes et il pourrait favoriser la recherche de moyens autres que les bureaucraties publiques pour fournir des services aux citoyens.

(24) Que cette distinction soit plus théorique que pratique est un sujet de controverse depuis longtemps et le demeurera dans le contexte des tentatives de restructuration actuelles.

(25) Gerald Schmitz, La réforme et la réorganisation du gouvernement : Rétrospective et perspectives, BP-376F, janvier 1994.

(26) R.C. Mascarenhas, « Building an Enterprise Culture in the Public Sector: Reform of the Public Sector in Australia, Britain, and New Zealand », Public Administration Review, vol.  53, n°  4, juillet-août 1993, p. 319 (traduction).

(27) Bill Jenkins et Andrew Gray, « Reshaping the Management of Government: The Next Steps Initiative in the United Kingdom », F. Leslie Seidle (éd.), Rethinking Government: Reform or Reinvention?, Montréal, L'Institut de recherches en politiques publiques, 1993, p. 75 (traduction).

(28) Peter Aucoin et Herman Bakvis, The Centralization-Decentralization Conundrum: Organization and Management in the Canadian Government, Halifax, L'Institut de recherches en politiques publiques, 1988.

(29) David Zussman, « Managing the Federal Public Service as the Knot Tightens », Katherine Graham, How Ottawa Spends 1990-91: Tracking the Second Agenda, Ottawa, Carleton University Press, 1990, p. 247-275.

(30) Cabinet du Premier ministre, « Fonction publique 2000 ... la politique du gouvernement du Canada concernant les mesures à prendre pour sauvegarder et promouvoir l'efficacité et l'excellence de la fonction publique et, partant, lui permettre de continuer de bien servir les Canadiens au XXIe siècle », 12 décembre 1989.

(31) Les groupes de travail suivant ont été constitués : Politiques administratives et organismes de services communs; Classification et structure des groupes professionnels; Rémunération et avantages sociaux; Catégorie de gestion; Gestion des ressources et contrôles budgétaires; Service au public; Relations de travail; Dotation; Formation et perfectionnement; Adaptation de la main-d'oeuvre.

(32) Paul M. Tellier, ancien greffier du Conseil privé, « A New Canadian Public Service », Business Quarterly, printemps 1991, p. 93 (traduction).

(33) Canada, Fonction publique 2000 : Le renouvellement de la fonction publique du Canada, Ottawa, 1990, p. 55.

(34) Ibid., p. 101.

(35) Ibid., p. 102.

(36) Pour une description complète du contenu et des conséquences de la Loi, voir June Dewetering, Le projet de loi C-26 : La Loi sur la réforme de la fonction publique, LS-90F, Ottawa, Service de recherche, Bibliothèque du Parlement, 1991.

(37) Il est à souligner que la création de ces organismes était déjà en cours lorsque FP 2000 a été lancé, mais les objectifs des deux programmes sont compatibles.

(38) Certains des programmes étudiés ici ont inspiré quelques-unes des propositions de réforme gouvernementale préconisées (en janvier 1994) par la Coalition nationale des citoyens dans une publication intitulée Blueprint for a Revolution.

(39) Les employés des agences attitrées demeurent fonctionnaires, mais les agences ont plus de latitude pour recruter du personnel. Les agences du programme Next Steps comprennent entre autres le Bureau central de l'information, le Laboratoire scientifique central, le Bureau central de la statistique, l'Agence d'aide à l'enfance, le Bureau d'emploi, le Service correctionnel de Sa Majesté, l'Entretien de l'aviation royale.

(40) Jenkins et Gray (1993), p. 92-93.

(41) Le soutien politique des niveaux élevés à l'égard du changement structurel du secteur public joue un rôle crucial dans d'autres pays qui tentent d'implanter des programmes semblables : Ormond (1993), p. 4.

(42) Jenkins et Gray (1993), p. 80. Ces observations sont confirmées par Doreen Wilson et David Wright, « Le programme Next Steps — La réforme de la fonction publique au Royaume-Uni vue de l'intérieur », Optimum, vol. 23, no 4, 1993, p. 51.

(43) Wilson et Wright (1993) indiquent aussi qu'on n'a pas encore établi la base sur laquelle l'ensemble du programme pourrait être évalué, p. 51.

(44) Doern (1993), p. 218.

(45) Jenkins et Gray, p. 88 (traduction).

(46) Ibid., p. 92 (traduction).

(47) Susan M. Lojkine, « Entreprises d'État — l'expérience néo-zélandaise », Optimum, Vol. 22-2, 1991-1992, p. 35.

(48) Ibid., p. 42.

(49) Ibid., p. 42-43.

(50) Ibid., p. 44.

(51) Bien que les OSS canadiens aient beaucoup de points communs avec leurs pendants britanniques, ces derniers sont appuyés par une loi habilitante spéciale et ont une visibilité publique considérable; ce n'est pas le cas au Canada. Comme le reconnaît le Secrétariat du Conseil du Trésor, la création des OSS canadiens « constitue une mesure non législative ». Canada, Secrétariat du Conseil du Trésor, Devenir un organisme de service spécial, Ottawa, juillet 1991, p. 7.

(52) Les programmes ainsi désignés comprennent ceux qui assurent un service direct aux clients (par exemple, les services de soutien du revenu, les centres d'Emploi Canada, les services consulaires à l'étranger), les services liés aux sciences et à la technologie (par exemple, les laboratoires gouvernementaux qui servent actuellement les besoins de clients ministériels et commerciaux), et les programmes de réglementation et d'application des lois (par exemple, les douanes, l'impôt, l'immigration, l'inspection des aliments, l'inspection de la qualité de l'air et de l'eau, les normes de santé et de sécurité).

(53) Voici des exemples d'OSS actuellement en activité : Bureau des passeports, Bureau des brevets, Corcan (fabricant de meubles dans les pénitenciers), Consultations et Vérification Canada, le Groupe Communications Canada, la Commission canadienne des grains, l'Agence des télécommunications gouvernementales, la Direction générale de la propriété intellectuelle, l'Office gouvernemental de surveillance des hippodromes, l'Office des normes générales du Canada, Pétrole et Gaz des Indiens du Canada, l'Institut de formation de Transports Canada, le Réseau canadien d'information sur le patrimoine et l'Institut canadien de conservation.

(54) Pour de plus amples renseignements sur le Bureau des passeports, consulter l'article d'Alan Freeman, « Passports to Profits », Globe and Mail (Toronto), 14 décembre 1993, p. B24, dont sont tirés un grand nombre des renseignements fournis ici.

(55) Jim Armstrong, « Organismes de service spécial : évolution ou révolution », Optimum, vol. 22-2, 1991-1992, p. 5.

(56) Secrétariat du Conseil du Trésor (1991), p. 10.

(57) Armstrong (1992), p. 12.

(58) Cet argument est invoqué par Mascarenhas (1993), p. 322.

(59) Secrétariat du Conseil du Trésor (1991), introduction.

(60) Canada, Le renouvellement de la fonction publique..., p. 28.

(61) Johnson (1992), p. 15.

(62) Canada, Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, exercice se terminant en mars 1991, Vérificateur général du Canada, 1991, p. 16.

(63) Douglas G. Hartle, The Expenditure Budget Process of the Government of Canada: A Public Choice-Rent-Seeking Perspective, Association canadienne d'études fiscales, 1988, p. 199 (traduction).

(64) Aucoin et Bakvis (1988), p. 6 (traduction).

(65) Gouvernement du Canada, Fonction publique 2000 : le renouvellement de la fonction publique du Canada, Ottawa, 1990, p. 101.

(66) L'hon. Marcel Massé, « Créer un gouvernement de qualité : Le défi de la mise en oeuvre », notes pour une allocution à la Conférence nationale sur les relations gouvernementales, Ottawa, 1er décembre 1993.

(67) Alliance de la fonction publique du Canada, « L'AFPC insiste sur un moratoire sur la réorganisation de la fonction publique, compte tenu du rapport du vérificateur général », communiqué, Ottawa, 20 janvier 1994.

(68) Kenneth Kernaghan, « Career Public Service 2000: Road to Renewal or Impractical Vision? », Administration publique du Canada, vol. 34, n°  4, hiver 1991, p. 571. Kernaghan estime qu'il faudra au moins de sept à dix ans pour changer la culture de la fonction publique.

(69) Canada, Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, 1993, ministre des Approvisionnements et Services Canada, Ottawa, 1993, p. 197-198. Dans le cadre de FP 2000, le greffier du Conseil privé est déjà tenu de déposer un rapport annuel sur l'état de la fonction publique, mais pas sur les progrès de la mise en oeuvre de ce programme.

(70) Le Forum des politiques publiques a fait une suggestion semblable et proposé la création d'un comité permanent de la fonction publique « chargé de mener des enquêtes publiques sur l'état de la fonction publique et d'orienter le processus d'amélioration continue...», Forum des politiques publiques, Pour mieux se gouverner, Ottawa, juin 1993, p. 22.

(71) Voir Michael Connolly, Penny McKeowen et Grainne Milligan-Byrne, « Making the Public Sector More User Friendly? A Critical Examination of the Citizen's Charter », Parliamentary Affairs, vol. 47, n°  1, janvier 1994, p. 23-37 et surtout p. 30-31.