BP-416F

DROITS DE LA PERSONNE ET MARCHÉS MONDIAUX :
QUESTIONS ET DÉFIS QUI SE POSENT DANS LE
CONTEXTE DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DU CANADA

 

Rédaction :
Gérald J. Schmitz, Corinne McDonald
Division des affaires politiques et sociales

Avril 1996


 

TABLE DES MATIÈRES

APPROCHE MINIMALISTE OU MAXIMALISTE?

MESURES PRISES UNILATÉRALEMENT PAR LES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ

   A. Initiatives et codes de conduite du secteur privé

   B. Initiatives et mesures législatives du secteur public
      1. Lignes directrices gouvernementales sur les codes de conduite des sociétés
      2. Mesures législatives unilatérales de la part du gouvernement

INITIATIVES MULTILATÉRALES

   A. Arguments contre des normes du travail internationales

   B. Arguments en faveur des normes du travail internationales

   C. Organisations régionales

   D. Organisations ouvrières internationales : une «clause sociale» à l’OIT et à l’OMC?

   E. Questions relatives à l’application

LES OPTIONS QUI S’OFFRENT DANS LE CADRE DE LA POLITIQUE CANADIENNE

BIBLIOGRAPHIE

ANNEXE

 


 

DROITS DE LA PERSONNE ET MARCHÉS MONDIAUX :
QUESTIONS ET DÉFIS QUI SE POSENT
DANS LE CONTEXTE DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DU CANADA

Dans un discours prononcé le 13 février 1996, soit peu de temps après sa nomination, le ministre des Affaires étrangères, l’hon. Lloyd Axworthy, a rappelé que le respect des droits de l’homme est un élément essentiel de l’identité canadienne qui, par conséquent, doit occuper une place importante dans le programme d’action lié à la politique étrangère du Canada(1). Il a aussi affirmé que les échanges commerciaux et la promotion des droits de la personne peuvent viser le même objectif, à savoir l’amélioration du bien-être des gens et que la clé consiste à trouver l’équilibre qui convient entre les programmes d’action en matière de commerce et ceux qui ont trait aux droits de la personne et, ensuite, à chercher à obtenir un solide consensus sur lequel l’appuyer(2).

En relevant les principaux points soulevés devant le Sous-comité des droits de la personne entre septembre et décembre 1995, on a soulevé ce qui suit dans le document-synthèse rédigé par le personnel et remis aux membres du Comité en mars 1996 :

[...] la crédibilité de la politique du Canada à l’égard des droits de la personne au niveau international dépendra de la mesure dans laquelle elle s’intègre bien aux grands objectifs de la politique étrangère (accroissement des échanges et des investissements, expansion économique, création d’emplois, etc.). Ce qui demeure très controversé, c’est le quand et le comment lier les droits de la personne aux politiques économiques internationales par des mécanismes appropriés, ainsi que la question des obligations et des rôles respectifs des gouvernements, du secteur privé et des autres intervenants non gouvernementaux.

Dans le présent document, nous traitons principalement de ces questions importantes et cherchons à préciser les initiatives que le Canada pourrait prendre –unilatéralement ou dans un cadre bilatéral ou multilatéral – pour harmoniser les politiques commerciales aux objectifs visés dans le domaine des droits de la personne.

APPROCHE MINIMALISTE OU MAXIMALISTE?

Le débat qui se déroule sur les liens entre le commerce, les marchés mondiaux et les droits de la personne est marqué par une juxtaposition d’éléments de consensus et de désaccord. La note d’information produite en vue d’une conférence tenue récemment à Toronto et intitulée Mondialisation, commerce et droits de la personne : La perspective du milieu des affaires canadien, résume bien la situation : si la plupart reconnaissent que la mondialisation pourrait favoriser la démocratie et les droits de la personne, il n’y a pas d’unanimité quant aux circonstances dans lesquelles cela pourrait se réaliser(3). De fait, c’est la façon dont le processus de la mondialisation est «géré» qui déterminera ses effets sur les droits de la personne; en outre, comment convertir un tel potentiel positif en réalisations concrètes fait surgir un dilemme à la fois complexe et controversé(4). Les solutions proposées quant à la meilleure façon d’atteindre l’objectif de protéger et de promouvoir les droits de la personne sur le plan international varient; elles vont d’approches minimales, dans le cadre desquelles les activités commerciales demeurent essentiellement libres de toute tentative gouvernementale visant à imposer des critères normatifs aux comportements dans l’économie mondiale, à des stratégies maximalistes qui visent à élaborer et à faire respecter un ensemble rigoureux et formel d’obligations en ce qui a trait aux interactions économiques entre les niveaux local et mondial.

Pour ce qui est d’une intervention minimale ou d’une absence d’intervention dans le processus de la mondialisation, la Banque mondiale, dans un rapport récent, rejette tout lien entre le commerce international et le respect des droits du travail, les conditions de travail ou d’autres critères liés aux droits de la personne. La Banque invite les gouvernements à appliquer des politiques de marché et va même jusqu’à suggérer que l’on restreigne les droits et les privilèges syndicaux(5). Dans la même veine, certains partisans d’une libéralisation complète des échanges commerciaux font valoir que les conséquences positives de ce processus auront tendance à dépasser de beaucoup toute incidence négative. Dans cette vision du monde, la libéralisation économique ouvre la voie à la libéralisation politique en accroissant la production de capital et de technologie au profit du développement des institutions démocratiques et des infrastructures(6).

Un élément du secteur privé notamment, influencé principalement par les grandes sociétés transnationales (STN), soutient que la mondialisation a une incidence positive sur les droits de la personne. Thomas d’Aquino, président et chef de la direction du Conseil canadien des chefs d’entreprises, fait ainsi valoir que le commerce renforce les bonnes pratiques de régie et les idéaux démocratiques en favorisant l’ouverture, la transparence et la responsabilisation grâce à des politiques économiques libérales et en encourageant la croissance économique, ce qui a pour effet de relever le niveau de vie(7). S’il n’affirme pas que le libre-échange mondial est le remède à tous les problèmes de droits de la personne qui se posent dans le monde, d’Aquino insiste sur le fait que des avantages découlent globalement de la portée beaucoup plus grande du commerce, de l’investissement, du capital et de la technologie – des avantages qui ont permis de marquer des gains importants, à l’échelle mondiale, sur les plans du développement démocratique, du progrès social et des droits de la personne(8). Qui plus est, les relations commerciales avec d’autres pays fournissent selon lui au Canada des occasions d’aborder des questions politiques dans le cadre de ce que l’on a appelé un «engagement constructif». Même s’il reconnaît les effets négatifs possibles de la libéralisation économique (le chômage, la dislocation sociale, les disparités de revenu), d’Aquino souligne que les tentatives visant à faire reculer ou à contraindre les forces du commerce, de l’investissement, du capital ou de la technologie ne constituent pas une façon de s’attaquer efficacement au problème(9). Mais il admet que les gouvernements et les organisations multilatérales, dont l’Organisation mondiale du commerce, joueront, individuellement, un rôle essentiel dans la recherche d’une solution au dilemme commerce-droits de la personne, en soulignant du même souffle que les entreprises ont un rôle très important à jouer dans l’élaboration de consensus à tous les niveaux(10).

À l’autre extrémité, les plus ardents partisans d’une démarche maximaliste proposent l’adoption de mesures détaillées et applicables en vue de réglementer, officiellement et dans la plus grande mesure possible, le commerce international et les normes du travail. Selon Christine Elwell, il doit y avoir un effort mondial pour prendre des «initiatives trans-institutionnelles» qui intégreraient des critères liés aux droits de la personne et des normes de travail dans tous les accords commerciaux internationaux, ce qui créerait un système complexe de réglementation du marché mondial(11).  L’argument à l’encontre d’une libéralisation complète du commerce fait ressortir le fait qu’on accorde une attention insuffisante aux besoins des personnes qui travaillent dans cette «course vers le bas» où les normes du travail sont abaissées afin d’attirer des investissements(12).

Dans le discours qu’il a prononcé à la conférence de 1996 susmentionnée, Han Dongfang, défenseur des droits de l’homme, a décrit la réalité de la mondialisation en ce qu’elle touche aux droits de l’homme en Chine. Selon lui, si

[...] certaines entreprises de propriété étrangère ont adopté des techniques de gestion avancées et respectent intégralement les droits de leurs travailleurs en observant les codes du travail et en établissant de bonnes relations avec eux, [créant] des rapports harmonieux entre les ouvriers et la direction [qui] contribuent à améliorer la productivité [...] la majorité des investisseurs étrangers ne respectent pas les droits des [...] travailleurs(13).

En dépit des pressions positives pouvant découler de l’avènement d’économies de marché, on peut conclure que l’ouverture des marchés mondiaux n’est pas une condition suffisante à la protection et à la promotion des droits fondamentaux de la personne ni ne favorise nécessairement cette protection et cette promotion. Ann Weston, spécialiste de la politique commerciale à l’Institut Nord-Sud, fait observer qu’il est faux de supposer que le commerce agira nécessairement de manière à améliorer les normes du travail, que ce soit au Sud ou au Nord(14). Pour cette raison, certains font valoir que le règlement de ces questions passe par des solutions institutionnalisées.

Les réalités du marché mondial actuel et l’effet des pressions de la concurrence internationale sur les politiques des États-nations inquiètent de nombreux défenseurs des droits de la personne. Ainsi, Ed Broadbent, président du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique (CIDPDD), a évoqué l’impression de plus en plus répandue que les gouvernements démocratiques [y compris le gouvernement du Canada] sont devenus davantage préoccupés par la conquête de nouveaux marchés que par la défense des droits de l’homme(15). Simultanément, même si cela s’est fait de façon plus discrète, les gouvernements et les ONG ont accordé beaucoup d’attention au soutien des droits de la personne par le truchement de la création d’institutions et de l’aide technique et financière. On s’est aussi demandé dernièrement si les sanctions ou les restrictions commerciales constituaient le meilleur moyen d’améliorer les normes du travail(16). Ces questions, ainsi que la recherche d’un équilibre entre la cohérence de la politique et le besoin d’avoir des stratégies souples et adaptées à chaque circonstance particulière, continueront probablement de dominer dans la discussion portant sur les liens à établir entre droits de la personne et commerce.

La question essentielle qui se pose est la suivante : quelles devraient être les prochaines étapes à franchir dans le cadre de la politique étrangère en vue d’atteindre des objectifs liés au commerce et aux droits de la personne? Afin de faciliter l’étude de cette question, nous consacrons les sections qui suivent respectivement à :

  • un examen de l’efficacité des mesures prises unilatéralement dans le secteur public et le secteur privé pour lier les droits de la personne aux pratiques commerciales, en comparant la performance du Canada à celle des États-Unis et en accordant une attention particulière aux leçons à tirer de l’expérience américaine;

  • une évaluation du pour et du contre des efforts multilatéraux visant à réglementer les commerce, notamment l’inclusion d’une «clause sociale» dans les accords commerciaux internationaux et les effets découlant des mesures d’application axées sur des sanctions;

  • un résumé des options qui s’offrent pour aborder, dans le contexte de la politique canadienne, les questions liées aux droits de la personne qui se posent sur le marché mondial.

  •  

MESURES PRISES UNILATÉRALEMENT PAR LES SECTEURS PUBLIC ET PRIVÉ

   A. Initiatives et codes de conduite du secteur privé

Dans une allocution récente devant des représentants d’organisations commerciales et non gouvernementales, Ed Broadbent a esquissé diverses stratégies que les entreprises pourraient adopter pour promouvoir le respect des droits de la personne. Entre autres, il a proposé : que l’on adopte des codes de conduite qui seraient assujettis à une surveillance indépendante; que l’on intègre les droits de la personne aux stratégies d’affaires de l’entreprise par le biais d’une sensibilisation à ces questions et l’établissement d’un lien explicite entre les activités de la société et les droits fondamentaux dans les pays où elle fait des affaires; en fournissant des fonds privés aux travaux des organismes voués à la promotion des droits de la personne; et, en encourageant l’adoption de meilleurs accords commerciaux internationaux par l’ajout de critères liés aux droits de la personne à l’ALÉNA, à l’APEC et à l’OMC(17).   Chacune de ces suggestions, et plus particulièrement la première et la dernière, suppose que les entreprises consentiront à assujettir leurs activités à une surveillance externe, ce qu’elles se sont habituellement efforcées d’éviter avec prudence. Dans la présente section, nous examinons plus particulièrement la première suggestion et la question des codes de conduite soumis à une surveillance indépendante par opposition à l’auto-réglementation des entreprises(18).

Les premiers codes de conduite, apparus au début des années 70, ont essentiellement découlé d’un effort d’anticipation de la part des entreprises, qui voulaient prévenir ce qu’elles voyaient comme des codes gouvernementaux plus menaçants et peut-être obligatoires(19). Ces codes volontaires décrivent publiquement les pratiques qu’une entreprise juge acceptables (ou inacceptables) et traitent des conséquences que pourraient subir leurs partenaires commerciaux s’ils ne respectent pas les normes énoncées dans le code. Les normes peuvent varier selon les besoins et les contraintes de l’entreprise et les codes sont habituellement «auto-certifiés»(20).

En affirmant que de nombreux aspects des codes de conduite soulèvent des problèmes, John Cavanagh, de l’Institute for Policy Studies, souligne que si de nombreux principes figurant dans ces textes sont louables, aucune disposition n’est prévue quant aux mécanismes d’application ou de vérification indépendante(21). Cela laisse l’impression que ces initiatives sont des manoeuvres de relations publiques(22). Cavanagh souligne en outre que l’efficacité de ces codes peut être entravée par des chaînes complexes de sous-traitance qui permettent aux entreprises de rejeter la responsabilité à l’égard des pratiques qui échappent à leur contrôle. Par ailleurs, la plupart des codes ne sont pas rédigés dans un langage uniforme et sont imprécis ou inadéquats pour ce qui est d’établir des lignes directrices concrètes en vue de l’application de normes(23).

Pour combler ces lacunes, les entreprises devraient s’efforcer d’observer une plus grande transparence. Une solution à cet égard serait de permettre qu’une évaluation publique et indépendante des pratiques de l’entreprise soit effectuée par un groupe de citoyens tel que le Canadian Taskforce on the Churches and Corporate Responsibility (ou par l’État; voir ci-dessous)(24). Mais la notion de surveillance indépendante a été en grande partie rejetée par les milieux d’affaires. Ce manque de responsabilité sociétale pourrait changer si les consommateurs exerçaient des pressions soutenues en ce sens; les mouvements de citoyens ont, de fait, joué un rôle pour amener les entreprises à élaborer des codes et à renforcer leur obligation de rendre des comptes au public. Un mouvement commercial «alternatif»(25) s’est aussi employé à éduquer les consommateurs par des campagnes de «marques de commerce équitables»(26) et il a obtenu un succès relatif en faisant pression sur le secteur privé par le recours à des boycotts. Ainsi, le boycott des produits Nestlé, déclenché en réaction aux pratiques de commercialisation des préparations pour nourrissons dans les pays en développement, a entraîné des changements dans les méthodes de cette société(27). Mais ces tactiques n’offrent aucune garantie contre les abus ou, pire, elles pourraient avoir des effets contraires à ceux recherchés(28). Ainsi, l’UNICEF a critiqué les campagnes actuelles visant à supprimer le travail des enfants (comme celle lancée par le remarquable adolescent canadien Craig Kielburger, ou celle de la marque apposée sur les tapis), parce que ces efforts bien intentionnés pourraient au bout du compte avoir une incidence négative sur les enfants et leurs familles en déplaçant des personnes qui peuvent n’avoir aucune autre source de revenu ni aucun accès à l’éducation(29). On a fait valoir qu’une façon de combler les lacunes des codes de conduite volontaires ou adoptés à l’initiative des entreprises serait d’inciter les gouvernements et les législateurs à débattre directement de ces problèmes.

   B. Initiatives et mesures législatives du secteur public

La participation de l’État à l’élaboration et à la réglementation des codes de conduite pourrait servir deux fins principales. Premièrement, les gouvernements pourraient établir des lignes directrices officielles de bon comportement sociétal qui s’appliqueraient aux activités internationales de leurs sociétés(30). Cela donnerait une certaine direction et une certaine cohérence à la pratique en fournissant aux sociétés un ensemble d’objectifs dont l’adoption est recommandée par le gouvernement (mais qu’il n’applique pas directement). Deuxièmement, pour combler les lacunes associées au caractère volontaire de la plupart des codes, le gouvernement pourrait adopter une loi rendant obligatoire la réglementation des pratiques des sociétés(31). L’intervention unilatérale du secteur public ne se limite aucunement aux codes de conduite; elle pourrait aussi englober des initiatives visant l’adoption de lois officialisant le lien entre les droits de la personne et les échanges commerciaux dans tous les secteurs de la politique gouvernementale. Comme dans le cas des codes obligatoires, ces tentatives en vue d’adopter des mesures législatives pourraient se révéler à la fois controversées et problématiques.

      1. Lignes directrices gouvernementales sur les codes de conduite des sociétés

À la fin de 1994, le gouvernement Clinton, aux États-Unis, a adopté un document décrivant des pratiques commerciales modèles(32). Ce document fournit aux sociétés américaines un cadre de référence pour l’élaboration de leur propre code de conduite [entièrement volontaire] et n’est pas destiné à devenir loi(33). Les cinq principes contenus dans le document ont été formulés lors de consultations approfondies entre le gouvernement, les dirigeants des milieux d’affaires et des syndicats et les représentants d’organismes non gouvernementaux. Ces principes sont les suivants :

     1)   des lignes directrices en matière de santé et de sécurité en milieu de travail;

     2)   des pratiques d’emploi équitables (pas de discrimination, de travail forcé ou de main-d’oeuvre
            enfantine, respect de la liberté syndicale et de la négociation collective);

     3)   des pratiques et des mesures de protection responsables en matière d’environnement;

     4)   le respect des lois des États-Unis et des lois locales visant à promouvoir de bonnes pratiques
           commerciales;

     5)   le maintien d’une culture sociétale qui, entre autres, respecte la libre expression, ne tolère pas la
           coercition politique, et fait une contribution positive aux collectivités au sein desquelles opère
           l’entreprise(34).

 

Le gouvernement des États-Unis s’est aussi engagé à établir une «banque » de codes de conduite pouvant être consultée par les parties intéressées, y compris les entreprises qui cherchent des points de repère en vue de l’élaboration de leur propre code. Le gouvernement tente d’obtenir un soutien international pour cette initiative et il a encouragé d’autres gouvernements à adopter des lignes directrices semblables qui, par un effet de leadership, inciteraient les entreprises à respecter des normes minimales(35).

Si le gouvernement du Canada adoptait une telle approche, il ferait face à des obstacles importants, à l’instar du gouvernement des États-Unis. Premièrement, il lui faudrait énoncer des principes clairs et précis afin d’éviter que les entreprises puissent interpréter les normes avec une latitude excessive. Deuxièmement, et ce qui est plus important, la seule présence de lignes directrices et de codes volontaires n’offre aucunement l’assurance qu’ils seront respectés en pratique. Les entreprises seraient libres d’ignorer les exhortations des autorités. Cela dit, il importe de ne pas écarter du revers de la main les avantages que pourraient offrir des lignes directrices gouvernementales. Conjuguées aux pressions que pourraient exercer les consommateurs sur les entreprises pour qu’elles s’y conforment, les lignes directrices pourraient constituer un jalon essentiel dans l’établissement d’un lien, sur les marchés mondiaux, entre les échanges commerciaux d’une part et les droits de la personne et les normes du travail de l’autre. Mais certaines mesures législatives supplémentaires seraient probablement encore requises pour aligner tous les aspects de la politique canadienne sur les objectifs de la préservation et de la promotion des droits de la personne sur le plan international.

      2. Mesures législatives unilatérales de la part du gouvernement

Contrairement aux États-Unis, le Canada ne possède pas de politiques légiférées dans un certain nombre de domaines jugés d’importance critique pour la promotion des droits du travail à l’échelle internationale, dont ceux de l’aide bilatérale, de l’aide multilatérale, du crédit et de l’assurance à l’exportation et du tarif de préférence(36). Il n’y a pas de cadre légiféré s’appliquant spécifiquement à l’aide bilatérale. En ce qui a trait à l’aide multilatérale, le Canada ne traite pas des droits de la personne dans ses lois sur les institutions financières internationales ni, par conséquent, n’exige le dépôt obligatoire de rapports au Parlement sur une quelconque mesure de la conformité aux valeurs canadiennes. La Société pour l’expansion des exportations (SEE) du Canada n’est pas tenue d’appliquer des critères liés aux droits de la personne dans l’évaluation des demandes de crédit et d’assurance à l’exportation. En outre, il n’y a pas d’accès public à l’information sur les divers projets entrepris par la SEE(37). Cela gêne la transparence du processus. Enfin, le Programme canadien de tarif de préférence général (TPG) n’impose pas l’application de critères liés aux droits de la personne au moment où est déterminée l’admissibilité d’un pays à un traitement préférentiel(38).

À l’opposé, le gouvernement des États-Unis a recours à un certain nombre de mesures obligatoires inscrites dans des lois visant à protéger les droits des travailleurs dans les pays étrangers, y compris l’intégration de critères liés aux droits du travail dans :

     1)   le système généralisé de préférences (SGP), un système de modalités préférentielles d’accès
           commercial;

     2)   l’Initiative du bassin des Caraïbes, qui permet l’entrée en franchise de produits déterminés en
           provenance d’un certain nombre de pays admissibles au statut de bénéficiaire;

     3)   l’Overseas Private Investment Corporation (OPIC), chargée de protéger les investissements
           américains en pays étranger contre les pertes attribuables à l’instabilité politique;

     4)   l’Omnibus Trade and Competitiveness Act de 1988, qui établit que la négation systématique
           des droits du travail reconnus sur le plan international constitue une pratique commerciale
          abusive et qu’un pays qui se livrerait à de telles pratiques pourrait faire l’objet d’une vaste
          gamme de sanctions(39).

 

Cependant, Philip Alston affirme que ces initiatives unilatérales de la part des États-Unis ont avant tout un caractère rhétorique plutôt que d’être fondées sur le contenu des normes internationales décrites dans les instruments que les États-Unis n’ont pas ratifiés. (De fait, l’un des aspects sur lesquels le Canada a une longueur d’avance sur les États-Unis est la ratification des conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur les droits fondamentaux du travail et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies)(40). Alston se demande aussi comment les États-Unis, qui ont toujours refusé de rendre des comptes dans un contexte multilatéral, peuvent appliquer à d’autres États des normes qu’ils n’ont pas eux-mêmes officiellement acceptées(41). Une telle approche ne tient pas compte des mécanismes internationaux en place et compromet même les normes internationales en les contredisant.

Au Canada, comme aux États-Unis, la résistance aux mesures législatives unilatérales visant à restreindre le commerce pour des raisons liées aux normes du travail et aux droits de la personne repose principalement sur le fait que ces initiatives

porteraient atteinte à la réglementation commerciale multilatérale existante, compromettraient la réalisation de notre objectif fondamental (meilleure observation des règles par les pays et renforcement du système de réglementation multilatérale) et exposeraient le Canada aux mesures unilatérales d’autres pays, mettant ainsi en péril notre prospérité et notre capacité de soutenir des normes appropriées aux circonstances canadiennes(42).

Combiné au fait que ces mesures n’ont souvent qu’un impact restreint, il semble qu’elles risquent de n’être guère plus que symboliques(43).

Cependant, si le gouvernement du Canada en venait à envisager des mesures législatives unilatérales, il pourrait tirer profit des piètres résultats tirés de l’expérience américaine. Ainsi, un programme de TPG révisé devrait s’attaquer aux dilemmes que pose le choix des normes à appliquer, du processus à élaborer pour vérifier si ces normes sont respectées et de la façon de déterminer l’effet (le cas échéant) que cela aurait sur les pays visés. Certaines des réformes proposées par Alston dans le cas des États-Unis seraient applicables au Canada dans un tel scénario. Selon lui, la cohérence normative et l’établissement de critères raisonnablement clairs dans l’élaboration de mécanismes respectant des procédures équitables et cohérentes et [visant à éviter] autant que possible de faire deux poids deux mesures revêt une importance critique si l’on veut lier effectivement les normes internationales sur les droits de la personne et les pratiques commerciales(44). Les gouvernements qui auraient l’intention de juger les autres devraient d’abord eux-mêmes ratifier les conventions internationales applicables sur les droits fondamentaux de la personne, y compris celles de l’OIT. Cela renforcerait la capacité des États de veiller à une utilisation généralement plus cohérente des renseignements produits par l’OIT, en fonction de normes raisonnablement objectives. Conjuguées à d’autres mesures telles que la participation de spécialistes des droits de la personne (au sein des ministères responsables) à l’élaboration des lois et à la mise en oeuvre de mesures de sauvegarde dans la procédure pour promouvoir l’équité, l’impartialité, l’objectivité et la transparence du processus d’évaluation de la mesure dans laquelle un gouvernement respecte les normes acceptées, de telles initiatives aideraient à réfuter l’accusation selon laquelle, en adoptant des mesures législatives unilatérales, les gouvernements – pour la plupart du Nord prospère – ne font que pratiquer une forme voilée de protectionnisme(45). En d’autres termes, les mesures unilatérales peuvent être révisées et rendues plus acceptables si on les harmonise aux normes et aux initiatives multilatérales dont l’objet, dans un cas comme dans l’autre, est d’améliorer l’efficacité et la légitimité des politiques servant à établir un lien entre les droits de la personne et le commerce et l’investissement dans le contexte de marchés mondiaux ouverts.

INITIATIVES MULTILATÉRALES

Les partisans d’une approche maximaliste ont exhorté les gouvernements à appliquer des codes obligatoires, non seulement au niveau national mais au niveau international. Ainsi, Elwell affirme ce qui suit : «Un code d’éthique des entreprises multinationales, intégré à un accord multilatéral, forcerait tous les États membres à exiger des multinationales qu’elles respectent les principes reconnus dans le pays hôte»(46). Si des documents tels que la Déclaration de principes [tripartite] sur les entreprises multinationales et la politique sociale (OIT, 1977) offrent des lignes directrices aux gouvernements, aux entreprises et aux travailleurs dans les domaines des relations industrielles, de l’emploi, de la formation et des conditions de travail(47), aucune organisation internationale n’a encore élaboré de mécanismes d’application, un sujet qui demeure hautement controversé. Plusieurs tentatives faites dans le passé en ce sens – par exemple, la Commission de 1975 des Nations Unies sur les sociétés transnationales – ont échoué en partie à cause des pressions exercées par les gouvernements de certains États(48).

   A. Arguments contre des normes du travail internationales

Ceux qui sont opposés à l’adoption de normes internationales formelles – principalement les entreprises multinationales et les investisseurs – font valoir que les mécanismes du marché constituent le moyen le plus efficace de réglementer le commerce international. Toute tentative visant à élaborer des ententes multilatérales sur des normes de travail seraient, selon eux, incompatibles avec le libre marché mondial parce qu’elle «fixerait» des normes entre pays, ce qui représenterait une forme de péréquation des coûts(49). Ces réserves émises au sujet des normes internationales ne se limitent pas au secteur privé.

Certains pays industrialisés craignent que «le coût de l’établissement de nouveaux liens entre le commerce et les droits humains [soit] supérieur à ses avantages éventuels»(50). Pour ce qui est des pays en développement, certains craignent la concurrence et la perte de capital, l’incapacité de respecter ou d’appliquer les normes, la perte d’un avantage comparatif(51) et le protectionnisme des pays du Nord, qui veulent gêner le développement des pays du Sud(52). Parmi ces raisons, la préoccupation principale est liée au protectionnisme –l’utilisation de barrières tarifaires et non tarifaires, par exemple, le lien avec des normes minimales, pour isoler le marché intérieur d’un pays qui, par ailleurs, pourrait être vulnérable aux importations. Si des normes internationales étaient officialisées, réglementées et appliquées, certains pays pourraient s’en servir à des fins protectionnistes, privant des pays moins développés des bienfaits qu’ils peuvent retirer de leur avantage comparatif – à savoir, des coûts salariaux peu élevés. Comme l’a exprimé Erika de Wet, on s’inquiète de la possibilité que la clause sociale force les pays en développement à relever artificiellement leurs coûts de main-d’oeuvre(53), ce qui aurait une incidence négative sur leurs perspectives de croissance et sur l’économie mondiale dans son ensemble.

   B. Arguments en faveur de normes du travail internationales

Si la plupart des arguments en faveur de normes internationales du travail sont habituellement d’ordre normatif, invoquant principalement le besoin de mettre fin à l’exploitation et au traitement abusif des travailleurs(54), on retrouve aussi des arguments non normatifs. Ainsi, l’élaboration d’une clause sociale dans les accords sur le commerce international pourrait restreindre le «dumping social», une expression qui sert à décrire

la pratique consistant à recourir à de faibles «coûts sociaux» (sous la forme de faibles salaires, de mauvaises conditions de travail ou d’un laxisme à l’égard de normes de base en matière d’environnement, de sécurité ou de santé) pour produire des biens pouvant être vendus sur un autre marché à un prix sensiblement inférieur au coût de production sur ce marché, principalement parce que les producteurs qui y sont établis ne pourraient tolérer des normes sociales aussi faibles(55).

La communauté internationale devrait donc s’attaquer à la question des droits du travail dans le cadre d’une réglementation officielle étant donné que, comme l’affirme de Wet, une protection sociale optimale exige une négociation politique et l’établissement de normes et ne peut être laissée entièrement aux forces du marché parce que ces dernières font pression sur les pays pour qu’ils abaissent leurs normes de travail, ce qui peut dégénérer en dumping social(56).

Les partisans de normes internationales du travail contestent par ailleurs les affirmations de leurs critiques, selon lesquelles une clause sociale viserait à susciter une égalisation des coûts ou des «coûts uniformisés». À leur avis, les affirmations selon lesquelles une clause sociale viserait à supprimer l’avantage concurrentiel que représentent les faibles coûts de main-d’oeuvre pour les pays moins développés ne sont pas fondées. Ainsi, sur la question du salaire minimum, une clause sociale viserait à établir un principe universel de salaire minimum, plutôt qu’un salaire minimum uniforme à l’échelle mondiale(57).   Cela permettrait à chaque pays d’établir ses propres niveaux légitimes en fonction des ressources disponibles et des besoins fondamentaux de sa population relativement à un niveau de vie minimal propre à ce pays. Pour reprendre les termes de Ray Marshall, «le fait d’avoir de faibles salaires à cause du sous-développement est légitime, les stratégies visant à acquérir un avantage concurrentiel en abolissant les normes de salaire et de travail ne le sont pas»(58). Par conséquent, une clause sociale serait conçue pour traiter des cas où l’on peut établir qu’il y a eu exploitation inacceptable des travailleurs et abus des droits de la personne, sans compromettre la capacité des pays de poursuivre des objectifs légitimes en matière de commerce. De telles mesures pourraient être mises en oeuvre dans diverses instances, y compris les organismes régionaux et internationaux.

   C. Organisations régionales

La participation du Canada à au mois deux organismes régionaux, l’ALÉNA et l’APEC, lui donne l’occasion de chercher aussi à instaurer des clause sociales au niveau régional.

Il n’y a pas de clause sociale explicite dans l’Accord de libre-échange nord-américain, en dépit de l’existence d’un accord parallèle sur la coopération en matière de travail. Elwell fait observer que dans son état actuel, l’Accord ne comporte aucun mécanisme destiné à faire respecter les normes et les droits internationaux s’ils ne sont pas déjà inscrits dans les lois intérieures des partenaires de l’ALÉNA(59). Le gouvernement du Canada pourrait adopter des politiques visant à renforcer l’accord parallèle de l’ALÉNA en matière de travail en insistant, par exemple, pour que chaque pays, y compris le Canada, respecte ses propres lois du travail et à prévoir divers recours dans les cas où ces lois sont violées, allant de consultations entre les pays à des sanctions commerciales(60). Une transparence accrue dans l’application de ces accords pourrait aussi renforcer les droits du travail en Amérique du Nord(61).

Le Canada est aussi membre de l’APEC (zone de coopération économique Asie-Pacifique), une association régionale à vocation commerciale beaucoup moins structurée que l’ALÉNA. En outre, la région Asie-Pacifique est la seule qui ne dispose pas de ses propres instruments dans le domaine des droits de la personne ou d’un mécanisme régional servant à protéger ces droits(62). Jusqu’à maintenant, seuls huit des dix-huit pays membres de l’APEC ont ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies (PIDESC). Si le Canada est depuis longtemps l’un des signataires du PIDESC, la Chine et les États-Unis figurent parmi les pays qui n’y ont pas encore adhéré. Ainsi, le Canada est bien placé pour offrir à la fois leadership et encouragement au sein de l’APEC en vue de l’adoption de mesures préservant et favorisant le respect des droits de la personne, y compris des normes du travail, à l’échelle international.

   D. Organisations ouvrières internationales : une «clause sociale» à l’OIT et à l’OMC?

Les tentatives faites par le passé pour inclure une clause sociale qui définirait les violations des droits fondamentaux des travailleurs comme pratiques commerciales déloyales passibles de sanctions commerciales – au sein des organismes responsables du commerce international – ont toutes échoué(63). Les principales réserves émises à l’endroit de telles mesures sont notamment liées à la crainte que les forces protectionnistes abusent d’une clause sociale et, comme nous l’avons indiqué précédemment, que celle-ci ait une incidence asymétrique et inéquitable sur les pays moins développés. De nombreux spécialistes en sont néanmoins venus à reconnaître que la question des normes du travail internationales ne peut être perçue exclusivement comme une question de droits de la personne; cette question est intimement liée à celles de la production destinée à l’exportation et des règles régissant le commerce trans-frontière. Ainsi, tant les organismes internationaux que les agences spécialisées [l’Organisation internationale du travail (OIT) et l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), devenu l’Organisation mondiale du commerce (OMC)] ont un rôle à jouer et devraient collaborer en ce sens(64).

Depuis 1919, la mission première de l’Organisation internationale du travail (OIT), dont le Canada est l’un des membres fondateurs, a été de préserver, de promouvoir et de surveiller l’évolution des droits socio-économiques à l’échelle internationale(65). Comme c’est le cas dans la plupart des organismes internationaux, les droits fondamentaux qui figurent dans les conventions de l’OIT ne sont exécutoires que pour les États qui ont ratifié ces conventions, à une exception près : la convention sur la liberté syndicale, qui s’applique à tous les États membres de l’OIT(66). En l’absence d’un consensus sur les normes qui devraient y figurer, l’insertion d’une clause sociale dans les instruments de l’OIT s’est depuis longtemps butée à une résistance(67). Afin de contrer cette tendance, les partisans d’une telle clause ont adopté deux arguments. Premièrement, ils affirment que les efforts d’élaboration d’une clause sociale devraient se concentrer sur les normes du travail qui sont déjà largement acceptées(68). En outre, selon de Wet, ce n’est pas tant le nombre de normes qui importe, que leur «nature». Ainsi, une clause sociale comprendrait des droits fondamentaux – liberté syndicale, négociation collective, prévention du travail forcé et interdiction de la discrimination – décrits dans les conventions de l’OIT qui ont été ratifiées par un pourcentage élevé de pays membres(69). Comme pour les autres conventions dont la ratification progresse – sur l’imposition d’un âge minimum, l’adoption de dispositions en matière de santé et de sécurité professionnelles et l’établissement de niveaux de salaires minimum, entre autres – la portée de cette clause pourrait être progressivement étendue(70).

Selon l’argument favorable à une clause sociale, l’universalité ne dépend pas toujours de la ratification de conventions particulières parce que ces normes sont aussi protégées dans d’autres instruments internationaux ratifiés par de nombreux États –notamment le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui va encore plus loin. Par conséquent, de nombreux pays se sont déjà engagés volontairement à accorder à leurs travailleurs une protection beaucoup plus étendue que celle dont on envisage actuellement l’inclusion dans une éventuelle clause sociale(71). Pourtant, il faut aussi reconnaître que la simple inclusion d’une clause sociale aux statuts de l’OIT pourrait bien être inadéquate pour ce qui est de solutionner effectivement les abus commis contre les droits des travailleurs. Compte tenu du fait que le mécanisme de supervision de l’OIT est fondé sur la persuasion et l’observation volontaire des obligations internationales librement acceptées(72), toute clause sociale serait difficile à imposer.

Pour compenser ces faiblesses, certains spécialistes ont fait valoir que les efforts déployés au sein de l’OIT devraient se doubler d’une réforme du GATT/OMC. Selon Elwell, la nouvelle Organisation mondiale du commerce offre des possibilités plus grandes que jamais d’intégrer droits de la personne et normes du travail(73) parce qu’elle a le pouvoir de réagir aux allégations de pratiques commerciales déloyales et d’imposer des sanctions. Comme l’a souligné Cavanagh, c’est pour cette raison que les syndicats favorisent un mécanisme dans le cadre duquel ce serait encore l’OIT qui déterminerait le contenu des conventions sur les droits des travailleurs et qui traiterait les dossiers d’infraction, même si les pouvoirs relatifs à l’imposition de sanctions ou d’amendes figureraient dans les accords commerciaux(74).  En vertu d’un tel système, le comité tripartite de l’OIT pourrait examiner les pratiques de certains gouvernements dans le domaine des droits du travail et faire des recommandations en vue de les améliorer, lesquelles devraient être mises en oeuvre selon un échéancier précis. Si un gouvernement ne fait pas les efforts requis, d’autres gouvernements pourraient en appeler au GATT/OMC pour engager la deuxième étape du système d’intervention(75). L’OMC déterminerait alors les mesures appropriées à prendre et agirait en conséquence. La mise en place d’un tel système nécessiterait certaines modifications au GATT – qui est le fondement de l’OMC – afin de pouvoir lier la participation à l’OMC et le respect des obligations imposées par certaines conventions de l’OIT(76).

Afin de faciliter le processus susmentionné et de parvenir à une cohésion politique entre les deux organisations, la mise en oeuvre d’une clause sociale supposerait aussi la coopération et la coordination entre l’OIT et le GATT/OMC(77). Cela se ferait en deux étapes. Premièrement, les pays seraient tenus de respecter les droits des travailleurs internationalement reconnus, ce qui, selon les procédures de l’OIT et les normes prévues dans la clause sociale, reposerait principalement sur la persuasion(78). Deuxièmement, le non respect de ces obligations donnerait lieu à une intervention de l’OMC, allant du retrait du statut de membre et de l’imposition de sanctions commerciales à une «aide constructive»(79). Mais comme l’a signalé de Wet, pour qu’un tel système soit créé, il faut une compréhension claire de la part de toutes les parties des rapports [actuels et éventuels] entre le GATT et l’OIT(80). En outre, un tel système ne pourrait fonctionner que si la composition des membres du GATT/OMC et de l’OIT demeure presque identique, comme c’est le cas actuellement(81). Ces questions devraient être examinées attentivement avant qu’une clause sociale ne soit mise en oeuvre.

   E. Questions relatives à l’application

Envisager la mise en oeuvre d’une clause sociale au sein des organismes responsables du commerce international soulève certaines questions au niveau des procédures d’application étant donné qu’en l’absence de mécanismes d’application, une clause sociale ne serait autre qu’un énoncé symbolique sans incidence réelle sur la vie des travailleurs dans le monde. Selon Elwell, cela exigerait avant tout que l’application de normes internationales du travail minimales soit fondée sur la réciprocité(82). Tous les pays, quelle que soit leur situation ou leur puissance économique, seraient assujettis aux mêmes normes et devraient, par conséquent, veiller à ce qu’elles soient respectées tant dans leurs établissements internes qu’à l’étranger(83). Cela donnerait une plus grande légitimité à la persuasion – la première étape d’un processus d’application(84) – et permettrait d’éviter les pratiques protectionnistes et le autres abus possibles. En outre, comme l’a fait observer de Wet, plus la persuasion est efficace, moins il est nécessaire de recourir aux sanctions et de subir les conséquences négatives qui en découlent(85).

L’application de sanctions est un sujet controversé et on s’entend à l’unanimité pour dire qu’elle devraient, de préférence, être employées dans un cadre multilatéral comme mesure de dernier recours(86). Il est conseillé de procéder prudemment parce que les sanctions sont des instruments de coercition qui ont souvent des effets négatifs tant pour ceux qu’ils visent que pour ceux qui y recourent. De plus, il n’y a aucune garantie qu’ils donneront les résultats escomptés(87). L’efficacité des sanctions commerciales, des embargos et des boycotts est souvent difficile à établir. Elwell souligne qu’ils ne s’attaquent habituellement pas à la racine du problème(88). D’autres ont fait observer que les sanctions réduisaient la possibilité d’établir un dialogue en supprimant ou en écartant les moyens de pression politique et d’engagement constructif avec ceux qui violent les droits, ainsi que la possibilité d’en arriver à une compréhension mutuelle(89). Néanmoins, les sanctions constituent une façon de montrer la désapprobation de la communauté internationale et elles peuvent avoir une certaine influence avec le temps(90). Cavanagh a fait une suggestion novatrice qui pourrait atténuer certains des effets négatifs des sanctions. Il propose que la sanction en cas d’infraction soit centrée sur l’auteur de l’infraction, c’est-à-dire que l’on impose des amendes aux entreprises qui violent les droits du travail(91).   En ciblant les sanctions de cette façon, la communauté internationale et les pays, individuellement, pourraient éviter de causer inutilement du tort à des personnes innocentes que les sanctions visent à aider.

LES OPTIONS QUI S’OFFRENT DANS LE CADRE DE LA POLITIQUE CANADIENNE

Tout gouvernement national subit des pressions découlant des intérêts parfois conflictuels ou concurrents de ses propres ressortissants(92). Au moment de décider des politiques à adopter afin de protéger et de promouvoir les droits de la personne dans les domaines du travail et du commerce, le gouvernement du Canada doit aussi garder à l’esprit qu’il y a de nombreux intervenants externes et intérieurs : d’autres gouvernements et parlements, des sociétés multinationales, des associations sectorielles, des syndicats, des institutions internationales (OIT, GATT/OMC, Nations Unies), de nombreuses ONG, ainsi que des groupes de consommateurs et des citoyens préoccupés. Le gouvernement doit aussi demeurer attentif à toutes ces sources d’influence lorsqu’il tente de déterminer ce qui est dans l’intérêt public du Canada.

Quant à savoir s’il est possible que le Canada veille à ses intérêts économiques sans compromettre son humanisme habituel en négligeant ses valeurs fondamentales, le professeur Errol Mendes répond par l’affirmative, mais au conditionnel(93). Selon Mendes, la théorie de  «l’effet de ruissellement», selon laquelle les avantages d’une libéralisation macro-économique atteindront éventuellement la population en général est inadéquate(94). Diana Bronson et Stéphanie Rousseau ont fait écho à ce sentiment en insistant sur le fait que la croissance, en elle-même, n’offre aucune garantie d’un engagement plus ferme à l’égard des droits et libertés humains fondamentaux. Selon elles, la libéralisation du commerce et des investissements ne constitue pas davantage une promesse de développement démocratique durable aux niveaux national, régional ou mondial(95). Quant à l’approche de la diffusion «vers le haut», par laquelle on cherche à encourager la formation d’organismes au niveau local et la micro-démocratie, Mendes est d’avis qu’elle ne suffit pas à obtenir l’engagement d’un gouvernement à préserver et à promouvoir les droits internationaux de la personne. Il souligne que les sociétés civiles ne se créent pas instantanément et que lorsqu’elles apparaissent, elles peuvent être rapidement supprimées par la force(96). Par conséquent, le gouvernement serait bien avisé, selon lui, de poursuivre une démarche de «perméabilité latérale», par laquelle il tenterait d’intégrer à la fois les éléments gouvernementaux et ceux de la société civile dans une stratégie des droits de la personne qui viserait à mettre en place et à soutenir une capacité institutionnelle de promotion du respect de la primauté du droit, de saines pratiques de régie et des droits universels de la personne(97). Une telle approche promet d’être la plus durable dans l’ensemble.

Il s’ensuit donc que, sur le plan international, la stratégie du Canada en matière de droits de la personne pourrait tenir compte des éléments suivants : promouvoir le respect de la «primauté du droit» dans le contexte de la négociation de règles commerciales internationales; soutenir le fonctionnement efficace d’organismes tels que l’OMC, l’OIT et d’autres institutions commerciales internationales et régionales visant l’adoption de normes du travail applicables et acceptées dans un contexte multilatéral (bien qu’elles aient donné lieu à une résistance de la part de nombreux pays asiatiques, des normes fondamentales de cette nature ont été acceptées dans des traités antérieurs de l’ONU – par exemple le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels); cibler l’aide bilatérale et multilatérale de manière à soutenir l’élaboration de politiques, d’institutions et d’infrastructures qui favorisent le respect des droits de la personne; et, dans les cas extrêmes où des mesures d’intervention positive ne suffisent plus, collaborer avec d’autres pour déterminer si des sanctions bilatérales et multilatérales au niveau des échanges commerciaux et de l’aide seront imposées(98). De fait, une approche globale à la promotion des droits de la personne sur le plan international ne saurait se limiter uniquement à une proposition et intégrerait vraisemblablement divers aspects des suggestions qui précèdent(99) ainsi que la mise en place de moyens permettant d’évaluer l’incidence de ces politiques par des examens périodiques(100).

Dans un discours qu’il a prononcé récemment devant des ONG, le ministre des Affaires étrangères a affirmé que la stratégie canadienne engloberait le soutien de normes universelles en matière de droits ainsi que l’amélioration des règles, des conventions et des pactes internationaux(101). Le Canada y parviendrait en assumant un rôle de leadership dans l’élaboration de règles multilatérales supplémentaires qui régiraient les normes du travail et les droits de la personne, en appuyant les forums multilatéraux en vue de l’application de mesures collectives et en ratifiant des conventions(102).   Nombre de ces initiatives reprennent pour l’essentiel celles énoncées précédemment. Que ce soit par l’exhortation diplomatique ou les stimulants financiers ou encore par la réglementation de codes de conduite, de mesures législatives adoptées unilatéralement ou d’initiatives bilatérales ou multilatérales visant à renforcer les normes internationales, des options sérieuses s’offrent, dans les faits, au gouvernement du Canada s’il est convaincu de la nécessité d’élaborer des politiques plus efficaces dans les domaines des droits internationaux de la personne et des conditions de travail qui prévalent dans le monde.

BIBLIOGRAPHIE

Alston, Philip. «Labor Rights Provisions in US Trade Law: ‘Aggressive Unilateralism’?». Human Rights Quarterly, vol. 15, 1993, p. 1-35.

Association des exportateurs canadiens. «Human Rights». Mémoire présenté au Sous-comité des droits de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes. Novembre 1995.

Axworthy, Lloyd. «Notes en vue d’une allocution prononcée à l’occasion des consultations menées auprès des organismes non gouvernementaux en préparation de la 52e session de la Commission des Nations Unies sur les droits de la personne». Ottawa, 13 février 1996.

Broadbent, Edward. Président du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique. «Globalization: The Democratic Challenge». Allocution prononcée lors de la conférence intitulée Mondialisation, commerce et droits de la personne : la perspective du milieu des affaires canadien. Toronto, 22 février 1996.

Bronson, Diana et Stéphanie Rousseau. «La mondialisation et les droits des travailleurs dans la zone Asie-Pacifique». Document de travail. Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, 26 octobre 1995.

Cavanagh, John. «Codes of Conduct of Corporations: What Appears to be Working». Ébauche. Washington (D.C.), Institute for Policy Studies et Transnational Institute, septembre 1995.

Centre international des droits de la personne et du développement démocratique (CIDPDD) et Conseil canadien des chefs d’entreprises. Notes d’information en vue de la conférence intitulée Mondialisation, commerce et droits de la personne : la perspective du milieu des affaires canadien. Toronto, 22 février 1996.

«Child-Labour Plan Brings Heavy Price». The Globe and Mail (Toronto), 25 mars 1996, p. A5.

d’Aquino, Thomas, président et chef de la direction, Conseil canadien des chefs d’entreprises. «Globalization, Social Progress, Democratic Development and Human Rights». Allocution prononcée lors de la conférence intitulée Mondialisation, commerce et droits de la personne : la perspective du milieu des affaires canadien. Toronto, 22 février 1996.

de Wet, Erika. «Labor Standards in the Globalized Economy: The Inclusion of a Social Clause in the General Agreement on Tariff and Trade/World Trade Organization». Human Rights Quarterly, vol. 17, 1995, p. 443-462.

Dongfang, Han. Notes pour une allocution (traduction anglaise) prononcée lors de la conférence intitulée Mondialisation, commerce et droits de la personne : la perspective du milieu des affaires canadien. Toronto, 22 février 1996.

Elwell, Christine. Droits humains, normes du travail et la nouvelle OMC : possibilités de liens - Un point de vue canadien. Essais sur les droits humains et le développement démocratique, no 4. Montréal, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, 1995.

Fair Trademark Canada. «Transfair International». (brochure d’information).

Gouvernement du Canada, Réponse du gouvernement aux recommandations du Comité parlementaire mixte spécial chargé de l’examen de la politique étrangère du Canada. Ottawa, février 1995.

Hutchinson, Moira. «Comparison of International Labour Rights Policies: The U.S. and Canada». Fonds Humanitaires des Métallos, avril 1995.

Kalmen Kaplansky. «The International Labour Organization». Human Rights in Canadian Foreign Policy. Robert O. Matthews et Cranford Pratt. (éd.). Kingston et Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1988, p.115-134.

McDonald, Corinne et Gerald J. Schmitz. Principales questions soulevées durant la première phase des audiences, septembre-décembre 1995. Document produit pour le Sous-comité des droits de la personne du Comité permanent de la Chambre des communes. Ottawa, Service de recherche, Division des affaires politiques et sociales, Bibliothèque du Parlement, 15 février 1996.

Mendes, Errol P. «Trade Linkages to Human Rights, Good Governance and Labour Standards in the Asian Context». Allocution prononcée devant les chefs de mission de l’Asie-Pacifique. Vancouver, 13 janvier 1995.

Rossignol, Michel. Les sanctions : l’arme économique dans le nouvel ordre mondial. Étude générale 346F. Ottawa, Service de recherche, Division des affaires politiques et sociales, Bibliothèque du Parlement, révisé en janvier 1996.

Smith, Gare (sous-secrétaire adjoint au Travail et aux Affaires extérieures, Département d’État des États-Unis). «Introduction of the Model Business Principles before the International Labor Organization». Washington (D.C.), 9 novembre 1995.

Thompson, Bob. «Ethical Trading and Sourcing». The Corporate Ethics Monitor, vol. 7, no 6, novembre-décembre 1995.

Todd, Dave. «Don’t Link Trade and Worker Rights Report Says». Ottawa Citizen, 27 juin 1995.

Weston, Ann. Institut Nord-Sud. «Notes for a Speech on Trade, Labour Standards and Human Rights». Rencontre du Réseau des organismes concernés par les droits de la personne au niveau international, Université d’Ottawa, 13 octobre 1995.

 


ANNEXE

 


COMPARAISON DES POLITIQUES AFFÉRENTES AUX DROITS
INTERNATIONAUX DU TRAVAIL : ÉTATS-UNIS ET CANADA

ÉTATS-UNIS

CANADA

AIDE BILATÉRALE

Interdiction légiférée de verser de l’aide contribuant à la violation des droits des travailleurs.

Aucune politique légiférée. Les lignes directrices proposées ne font pas explicitement référence aux droits du travail.

AIDE MULTILATÉRALE

La loi exige que les administrateurs américains siégeant dans les institutions financières internationales (IFI) se servent de leur voix et de leur droit de vote pour soutenir le respect des droits des travailleurs et fassent rapport annuellement au Congrès.

Aucune politique légiférée sur les droits de la personne en rapport avec les IFI ou de dispositions relatives à la présentation obligatoire d’un rapport au Parlement.

CRÉDIT ET ASSURANCE À L’EXPORTATION

La loi précise que l’OPIC peut soutenir des projets uniquement si le pays prend des mesures visant à étendre les droits des travailleurs. Les investisseurs signent une entente contractuelle portant sur le respect de ces droits.

Aucune loi ou politique n’oblige la SEE à appliquer des critères liés aux droits de la personne ou aux droits du travail; aucun accès public aux renseignements portant sur des projets particuliers.

TARIF PRÉFÉRENTIEL

Le président ne peut désigner un pays en tant que bénéficiaire du SPG ou de l’initiative du Bassin des Caraïbes si celui-ci ne prend pas des mesures pour accorder des droits aux travailleurs.

Aucune loi ou politique n’oblige le gouvernement à appliquer des critères liés aux droits de la personne ou aux droits du travail au moment de déterminer quels pays sont admissibles au TPG.

COMMERCE

La Trade Act de 1988 autorise le président, sans renvoi au Congrès, à traiter l’avantage concurrentiel découlant du refus d’accorder des droits aux travailleurs comme une pratique commerciale déloyale et à imposer diverses sanctions.

Le gouvernement est généralement opposé à une intervention unilatérale et affirme que la promotion des droits de la personne et celle du commerce sont rarement des objectifs mutuellement exclusifs.

DROITS DU TRAVAIL FONDAMENTAUX

Définit les droits des travailleurs comme étant le droit d’association et de négociation collective, l’interdiction du travail forcé, l’adoption d’un âge minimum d’emploi pour les enfants et des conditions de travail acceptables (salaire minimum, heures de travail, santé et sécurité). Ne comprend pas l’absence de discrimination (qui figure sur la liste des droits fondamentaux de l’OIT).

Des neuf conventions principales de l’OIT, les États-Unis n’ont ratifié que la convention no 29 (sur le travail forcé).

Le Canada a ratifié les conventions de l’OIT sur la liberté syndicale (no 87), le travail forcé (no 105) et la discrimination (nos 100 et 111).

 


COMPARAISON DES POLITIQUES AFFÉRENTES AUX DROITS
INTERNATIONAUX DU TRAVAIL : ÉTATS-UNIS ET CANADA

I. AIDE

 

États-Unis

En 1993 et 1994, la Foreign Operations Appropriations Act a été modifiée pour interdire aux organismes du gouvernement des États-Unis d’offrir :

1) des stimulants financiers aux entreprises américaines pour qu’elles aillent s’établir à l’étranger si ces activités devaient entraîner des pertes d’emploi aux États-Unis;

2) de l’aide aux fins d’établir ou de développer, en pays étranger, toute zone de traitement en vue de l’exportation ou région désignée dans laquelle les lois de ce pays en matière d’impôt, de tarif, de travail, d’environnement et de sécurité ne s’appliquent pas, en tout ou en partie, aux activités qui se déroulent dans cette zone ou région sauf si le président détermine et atteste que cette aide n’entraînera vraisemblablement pas de perte d’emplois aux États-Unis;

3) de l’aide destinée à tout projet ou activité qui contribue à la violation des droits internationalement reconnus des travailleurs(1) dans le pays bénéficiaire; l’application de cette condition doit tenir compte du niveau de développement du pays et du secteur bénéficiaires et ne doit pas nuire à l’aide destinée au secteur informel de ce pays, aux micro-entreprises et à celles de taille restreinte ou aux petits exploitants agricoles.

La nouvelle loi diffère des précédentes qui visaient à protéger les droits des travailleurs en ce qu’elle met l’accent sur les activités au niveau des projets. Le critère applicable en vertu des lignes directrices est de déterminer si le projet contribuerait à violer les droits des travailleurs. Les lois américaines antérieures portaient sur le degré de protection accordé et les progrès accomplis au niveau du pays. Cependant, même si la loi s’oriente au niveau des projets, les projets entrepris dans les pays dont les lois du travail ne sont pas conformes à la Trade Act de 1974 doivent faire l’objet d’un examen particulièrement attentif.

Canada

Selon le Budget des dépenses de l’Agence canadienne de développement international, l’ACDI doit achever l’élaboration de sa politique sur les droits de la personne, la démocratie et le bon gouvernement en 1995-1996 et concevoir et mettre en oeuvre une stratégie à cet égard. Une ébauche de la politique qui a circulé en 1994 énonce cinq stratégies : poursuivre le dialogue avec les partenaires, intensifier les programmes dans ce domaine, chercher à prévenir les effets négatifs des initiatives canadiennes d’aide sur les droits de la personne, élaborer une approche cohérente dans le cadre de la politique étrangère et mettre en oeuvre les sanctions appropriées, au besoin. La politique ainsi que la définition des droits de la personne ont un caractère très général; elle ne renferment rien qui permette de penser que l’ACDI pourra éviter de s’en remettre encore à une mise en oeuvre incohérente et ponctuelle de sa politique.

Le mémoire présenté par les quatre fonds ouvriers au Comité parlementaire chargé de l’examen de la politique étrangère du Canada en 1994 faisait valoir que l’application des critères fondamentaux de l’OIT en matière de droits du travail à la sélection des projets et des programmes constituerait un point de départ concret à la mise en oeuvre effective d’une politique sur les droits de la personne.

II. INSTITUTIONS MULTILATÉRALES

États-Unis

En 1988, le Congrès a ordonné que les représentants américains au sein de la nouvelle Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI) exercent leur influence pour que, lors de l’examen des demandes de prêt ou d’assurance, on établisse si les pays ont pris des mesures pour accorder à ses travailleurs les droits reconnus sur le plan international. Le Département du Trésor est tenu de faire rapport sur les progrès accomplis. L’AMGI fait partie du groupe de la Banque mondiale.

Depuis 1994, les administrateurs américains siégeant à toutes les institutions financières internationales (Banque mondiale, FMI, etc.), sont tenus de faire intervenir leur voix et leur vote pour favoriser des politiques qui visent à a) appuyer le respect des droits internationalement reconnus des travailleurs; b) à examiner toutes les demandes de prêt et autres projets du point de vue de leur incidence négative sur ces droits; ils doivent en outre faire rapport au Congrès annuellement sur les progrès accomplis en vue d’atteindre ces objectifs. (Une mesure législative adoptée en 1977, l’«amendement Harkin», interdisait déjà de verser de l’aide par l’intermédiaire de la Banque mondiale et des banques régionales de développement aux pays ayant un dossier de violation manifeste et systématique des droits de la personne internationalement reconnus, à moins que l’aide ne vise à satisfaire des besoins élémentaires. Cette politique n’a toutefois pas été appliquée de façon cohérente.)

Canada

Pendant de nombreuses années, le gouvernement du Canada a nié la pertinence des droits de la personne dans le contexte des institutions financières internationales (IFI). À quelques rares occasions, en réaction aux pressions des ONG et pour d’autres motifs politiques, il a appuyé les initiatives prises par d’autres gouvernements en vue de lier les droits de la personne aux questions économiques au sein des IFI. Cependant, il n’existe aucun mécanisme d’obligation de rendre compte au Parlement en vue de faire un examen du rôle joué par le Canada par l’intermédiaire de ses administrateurs siégeant aux IFI.

En réponse aux recommandations du Comité parlementaire chargé de l’examen de la politique étrangère du Canada, le gouvernement a affirmé en substance ce qui suit :

[...] le Canada a été à l’avant-garde des efforts faits à la Banque mondiale en vue d’améliorer la qualité du portefeuille et de rendre le opérations de la Banque plus efficientes, transparentes, sensibles et redevables envers les gouvernements membres, le public et les organismes non gouvernementaux (ONG). Ce leadership s’étendra aux institutions financières internationales et à divers groupes de donateurs où le Canada mettra l’accent sur la nécessité de tenir compte de l’engagement du bénéficiaire sur le plan des droits de la personne et des saines pratiques de régie.

 

III. ORGANISMES DE CRÉDIT ET D’ASSURANCE À L’EXPORTATION

États-Unis

L’OPIC (Overseas Private Investment Corporation) appuie, finance et assure des projets qui ont une incidence positive sur l’emploi aux États-Unis, qui sont solides financièrement et qui promettent d’apporter des avantages appréciables sur le plan du développement social et économique du pays hôte)(2). L’OPIC assiste les investisseurs américains dans trois grands secteurs d’activité en :

  • leur accordant un appui financier sous forme de prêts et de garanties d’emprunt;

  • assurant les investissements contre une vaste gamme de risques politiques;

  • offrant divers services aux investisseurs.

 

En 1985, des dispositions ont été ajoutées à la loi sur l’OPIC pour préciser que l’organisme ne pourrait appuyer un projet que si le pays où le projet doit être entrepris prend des mesures en vue d’adopter et de mettre en oeuvre des lois qui étendent à ses travailleurs les droits du travail internationalement reconnus. Les pays pour lesquels les services d’assurance de l’OPIC ont été suspendus à un moment ou à un autre sont, notamment, le Chili, le Liberia, le Nicaragua, la Roumanie, la Corée du Sud et le Soudan(3).

Les conventions de financement et d’assurance de l’OPIC exigent un engagement contractuel de la part de l’investisseur en ce qui a trait à ces droits.

Canada

La Société pour l’expansion des exportations (SEE) offre des prêts et de l’assurance à l’exportation et assure les investissements à l’étranger. Une modification apportée récemment à la loi sur la SEE (juin 1993) permet à la Société de participer directement au capital de certains projets.

Une partie du financement accordé par la SEE à des projets est inscrite comme aide publique au développement lorsque les critères de développement approuvés sont respectés et que le volet subvention représente au moins 35 p. 100. En 1991-1992, les crédits accordés à la Chine représentaient 42 p. 100 de l’aide au développement consentie par l’intermédiaire de la SEE; le Maroc, pour sa part, en recevait 38 p. 100 et l’Indonésie, 15 p. 100.

Comme l’indique cette liste de pays, aucun critère lié aux droits de la personne ou aux droits du travail ne semble s’appliquer à la SEE, même dans le cas des projets parrainés par l’organisme qui sont considérés comme faisant partie de l’aide publique au développement.

Il est difficile d’obtenir des renseignements parce que la SEE est une société d’État qui n’est pas visée par les dispositions de la loi sur l’accès à l’information. Les listes de projets individuels financés par la SEE ne sont pas accessibles au public. Même les listes de projets de développement financés par la SEE dans le cadre de l’aide publique au développement du Canada ne sont pas disponibles.

IV. TARIFS PRÉFÉRENTIELS

États-Unis

Le Système généralisé de préférences (SGP) des États-Unis, adopté pour la première fois en 1974, autorise l’entrée aux États-Unis en franchise de certains produits provenant de 140 pays en développement. En 1984, le programme a été modifié pour préciser que le président ne pouvait désigner comme bénéficiaire du SGP tout pays qui n’a pas pris ou qui ne prend pas de mesures visant à accorder à ses travailleurs les droits du travail internationalement reconnus. Depuis 1984, un certain nombre de pays ont perdu leur admissibilité au SGP, à tout le moins temporairement, par suite de l’adoption de cette disposition. D’autres ont réagi (ou semblé avoir réagi) devant la menace de perdre leur statut de bénéficiaire du SGP.

L’application de ces dispositions s’appuie sur un système d’examen annuel et de plaintes émanant de sources privées, habituellement des syndicats ou des groupes de défense des droits de la personne, présentées au Bureau du représentant au commerce des États-Unis.

Voici certaines des propositions récentes visant à réformer la législation afférente au SGP : meilleure définition des droits des travailleurs pour qu’elle englobe une clause sur la discrimination; transparence accrue du processus décisionnel au sujet de l’opportunité de procéder à un examen de la situation d’un pays; disposition prévoyant un examen judiciaire des décisions rendues; et, disposition permettant de présenter une requête pour retirer le traitement préférentiel à un secteur industriel donné plutôt qu’à l’ensemble d’un pays.

L’Initiative du bassin des Caraïbes (IBC), adoptée en 1983, impose au président, au moment de désigner les pays admissibles à l’entrée en franchise de leurs exportations aux États-Unis, de tenir compte de la mesure dans laquelle les travailleurs de ces pays ont accès à des conditions de travail raisonnables et jouissent du droit de s’organiser et de négocier collectivement. En 1992, des critères obligatoires ont été ajoutés pour exiger que le président ne désigne pas comme étant admissible tout pays qui n’a pas pris ou qui ne prend pas de mesures en vue d’accorder à ses travailleurs les droits du travail internationalement reconnus.

Canada

Le Tarif de préférence général (TPG) canadien ne comporte aucun critère lié aux droits de la personne ou aux droits du travail en vue de déterminer les pays admissibles à un traitement préférentiel. Au début de 1994, le gouvernement a renouvelé le régime de préférence général pour une autre période de dix ans.

V. COMMERCE

États-Unis

L’article 301 de la Omnibus Trade and Competitiveness Act of 1988 autorise le président à traiter comme pratique commerciale déloyale l’avantage concurrentiel qu’un pays étranger pourrait tirer du refus systématique d’accorder à ses travailleurs les droits du travail internationalement reconnus. Un pays ayant recours à de telles pratiques peut faire l’objet d’une vaste gamme de sanctions imposées par le pouvoir exécutif sans autre renvoi au Congrès et sans droit d’appel. Des recherches sont en cours pour définir la «cause modèle» appropriée en vue de l’application de l’article 301; la Malaysia et la Corée sont des candidats probables à cet égard(4).

La Loi énonce aussi les principaux objectifs de négociation des États-Unis en ce qui a trait aux droits des travailleurs et au GATT.

Le projet de loi de mise en oeuvre du GATT donnait au président instruction de chercher à faire établir au sein du GATT et de l’organisme devant lui succéder, l’Organisation mondiale du commerce, un comité de travail chargé d’examiner le rapport entre les droits des travailleurs internationalement reconnus et les objectifs et instruments de ces organismes, et notamment a) le lien qui existe entre le commerce international et les droits des travailleurs, b) l’effet sur le commerce international de la négation systématique de ces droits et c) les façons de contrer ces effets en collaboration avec l’Organisation internationale du Travail.

Canada

Dans la réponse qu’il a donnée récemment au Comité parlementaire chargé de l’examen de la politique étrangère du Canada, le gouvernement a pratiquement écarté le recours à toute action unilatérale sur la question des droits de la personne; même dans le cas d’une initiative multilatérale, il a affirmé qu’à cet égard, la promotion des droits de la personne et du commerce ne sont que rarement des objectifs mutuellement exclusifs.

En ce qui a trait à la question des normes du travail au sein de l’OMC, le gouvernement a affirmé qu’il était en faveur de l’examen du rapport entre les normes du travail internationalement reconnues et le système multilatéral d’échanges commerciaux. Vu la complexité de ces questions et la possibilité qu’elles suscitent des différends, on poursuivra le travail au sein de ces instances pour faire en sorte qu’elles s’appliquent effectivement au sein de l’OMC.

Les réponses données par le gouvernement au Comité parlementaire sont présentées en appendice.

 

VI. DÉFINITIONS DES DROITS DES TRAVAILLEURS ET RATIFICATION DE L’OIT

États-Unis

L’expression «droits des travailleurs internationalement reconnus» que l’on retrouve dans les divers textes de loi mentionnés précédemment est définie dans la Trade and Tariff Act de 1984. Cette expression englobe :

i) le droit d’association;

ii) le droit de s’organiser et de négocier collectivement;

iii) l’interdiction de recourir à toute forme de travail forcé ou obligatoire;

iv) un âge minimum pour l’emploi des enfants;

v) des conditions de travail acceptables en ce qui a trait au salaire minimum, aux heures de travail ainsi qu’à la santé et à la sécurité professionnelles.

Une absence remarquée de cette liste, lorsqu’on la compare à la liste des conventions fondamentales de l’OIT, est la liberté contre toute forme de discrimination.

Canada

Le Congrès du Travail du Canada affirme que les clauses relatives aux droits des travailleurs devraient obliger les partenaires commerciaux à :

1) respecter la liberté syndicale et la libre négociation collective (conventions nos 87 et 98 de l’OIT);

ii) interdire le travail forcé (conventions nos 29 et 105);

iii) interdire le travail des enfants (conventions nos 5 et 138);

iv) supprimer la discrimination dans l’emploi (convention no 111);

v) offrir une rémunération égale (convention no 100);

vi) offrir une protection de base en matière de santé et de sécurité (convention cadre no 155)(5).

 

Organisation internationale du travail (OIT)

L’OIT considère comme «fondamentales» neuf conventions, englobant cinq domaines, parmi les 173 conventions ratifiées à la fin de 1992(6).

Liberté syndicale

- Liberté syndicale et protection du droit d’association (no 87)

- Convention sur le droit d’association et la négociation collective (no 98)

- Organisation de travailleurs ruraux (no 141)

Travail forcé

- Travail forcé (no 29)

- Abolition du travail forcé (no 105)

Discrimination

- Égalité de rémunération (no 100)

- Discrimination (emploi et occupation) (no 111)

Travail des enfants

- Âge minimum pour le travail des enfants (no 138)

Les États-Unis n’ont ratifié que la convention no 29 (travail forcé).

Le Canada a ratifié les conventions nos 87 (liberté syndicale), 105 (travail forcé) et 100 et 111 (discrimination). Le fait qu’il n’ait pas ratifié les autres conventions serait attribuable, dans certains cas, aux disparités observées dans les lois des gouvernements provinciaux. (Les provinces possèdent les principaux pouvoirs législatifs en matière de travail.)

Liste établie par Moira Hutchinson, Fonds Humanitaires des Métallos, avril 1995.

 

 


RÉPONSE DU GOUVERNEMENT AUX RECOMMANDATIONS DU COMITÉ
PARLEMENTAIRE MIXTE SPÉCIAL CHARGÉ DE L'EXAMEN DE LA POLITIQUE
ÉTRANGÈRE DU CANADA


bp416-f globe.gif (165087 bytes)


wpe75C.jpg (1000 bytes)



3.7 Conformément aux valeurs exprimées avec conviction par les Canadiens, le Comité recommande que le gouvernement du Canada choisisse les voies les plus efficaces pour protester contre les graves violations des droits de la personne, des normes de travail et des principes de protection de l’environnement, où qu’elles se produisent, et qu’il collabore étroitement, lorsque c’est possible, avec ses partenaires qui partagent les mêmes vues afin d’obtenir des redressements d’une manière compatible avec l’évolution ordonnée d’un système multilatéral d’échanges commerciaux fondé sur des règles. Il convient d’envisager des sanctions commerciales dans un contexte multilatéral, quand cela s’impose.

 

Réponse

Les Canadiens se sont toujours engagés en faveur des droits de la personne, et ils continuent de le faire. Depuis l’époque où a été rédigée la Déclaration universelle des droits de l’homme jusqu’à celle, plus récente, de l’adoption de la Convention relative aux droits de l’enfant, le Canada est resté à l’avant-garde de ceux qui luttent pour préserver les libertés fondamentales et la dignité humaine (Voir l’exposé plus complet sur les droits de la personne dans la réponse à la recommandation 5.11).

Le respect des normes de travail à l’échelle internationale est important en raison de sa valeur intrinsèque et parce qu’il contribue à renforcer la sécurité économique des Canadiens et des Canadiennes. En ce qui concerne la main-d’œuvre, le Canada cherche surtout à mieux comprendre les rapports existant entre le commerce international et les normes de travail, en œuvrant au sein de l’OCDE et de l’OIT, et à faire participer les syndicats, l’industrie et les provinces à l’élaboration d’une position canadienne détaillée sur la question. Pour ce qui est de la protection de l’environnement, les efforts que le Canada fait actuellement à l’OCDE, au PNUE, à la CNUCED, à l’ISO et auprès d’intervenants ici même au pays visent à renforcer les normes internationales et les mécanismes de conformité. Le Canada et ses partenaires de l’OMC ont par ailleurs convenu de créer, au sein de cette dernière, un Comité du commerce et de l’environnement qui formulera des recommandations sur les liens devant exister entre des deux éléments.

Cependant, les mesures punitives, imposées sans le concours d’autres pays, constituent d’habitude le moyen le moins efficace d’obtenir les résultats voulus; dans le cas du commerce, elles risquent même de nuire au Canada plus qu’elles ne provoqueront des changements dans le comportement des gouvernements coupables. L’action multilatérale, fondée sur des normes et des procédures internationales, confère une légitimité aux démarches entreprises et en accroît l’effet. À cet égard, il est très rare que la promotion des droits de la personne et celle du commerce s’excluent mutuellement. En fait, les échanges commerciaux et une prospérité économique grandissante favorisent souvent l’épanouissement d’une société plus ouverte. L’expérience montre qu’il est utile de faire connaître à des pays fermés les valeurs de la collectivité internationale pour accroître les

Page 38 de 104


pressions en faveur des droits de la personne. Malgré tout, dans les cas extrêmes et quand on les juge efficaces, les sanctions commerciales multilatérales peuvent contribuer à modifier des comportements répréhensibles, comme ce fut le cas en Afrique du Sud. Le Canada est prêt à travailler fort pour définir des approches multilatérales qui fassent consensus. Il faut aussi veiller à ce que le commerce de biens sensibles comme les exportations militaires ne serve pas à intensifier la répression. La conduite du Canada à ce sujet est exemplifiée par les contrôles que nous exerçons sur les exportations de biens militaires, contrôles qui sont parmi les plus sévères des pays occidentaux. Des permis d’exportation sont refusés, entre autres, lorsque les biens sont à destination d’un pays où ils pourraient être utilisés pour abuser les droits de la personne ou lorsqu’il y a des hostilités ou risque d’hostilités imminentes.

Pour réussir, les propositions visant à lier les normes de travail et l’environnement au système commercial doivent susciter un large appui au sein de la collectivité internationale. Des mesures commerciales unilatérales prises contre des pays pour des motifs afférents aux normes écologiques ou relatives au travail porteraient atteinte à la réglementation commerciales multilatérale existante, compromettraient la réalisation de notre objectif fondamental (meilleure observation des règles par les pays et renforcement du système de réglementation multilatérale), et exposeraient le Canada aux mesures unilatérales d’autres pays, mettant ainsi en péril notre prospérité et notre capacité de soutenir des normes appropriées aux circonstances canadiennes.

Page 39 de 104


(1) La signification de l’expression «droits internationalement reconnus des travailleurs» figurant dans divers textes de loi américains sur l’aide et le commerce est définie dans la Trade and Tariff Act de 1984. Voir l’article VI, Definition of Workers Rights and ILO Ratification.

(2) «Introduction to OPIC and Eligibility for Assistance».

(3) Robert T. Stranks, «The New Jerusalem: Globalization, Trade Liberalization, and Some Implications for Canadian Labour Policy», ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, document de politique rédigé par le personnel, no 94/02, p. 38.

(4) Christine Elwell, Droits humains, normes du travail et la nouvelle OMC : possibilités de liens - Un point de vue canadien, rapport préliminaire au Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, Montréal, 1995.

(5) «Reviewing Canadian Foreign Policy», témoignage de Rick Jackson du CTC, le 21 juin 1994, p. 46:19, cité dans Elwell, p. 61.

(6) Organisation internationale du Travail, Le travail dans le monde, 1993, Genève, OIT, p. 82-87.


(1) L’honorable Lloyd Axworthy, notes en vue d’une allocution prononcée lors des consultations menées auprès des organismes non gouvernementaux en préparation de la 52e session de la Commission des Nations Unies sur les droits de l’homme, Ottawa, 13 février 1996, p. 1.

(2) Ibid., p. 2.

(3) Centre international des droits de la personne et du développement démocratique (CIDPDD) et Conseil canadien des chefs d’entreprises (CCCE), note d’information en vue de la conférence intitulée Mondialisation, commerce et droits de la personne : La perspective du milieu des affaires canadien, qui s’est tenue à Toronto le 22 février 1996, p. 1 [Conférence de Toronto].

(4) Ibid., p. 3.

(5) Dave Todd, «Don’t Link Trade and Worker Rights, Report Says», Ottawa Citizen, 27 juin 1995.

(6) Note d’information, Conférence de Toronto (1996), p. 3.

(7) Thomas d’Aquino, «Globalization, Social Progress, Democratic Development and Human Rights», notes en vue d’une allocution à la Conférence de Toronto, 22 février 1996, p. 1-3.

(8) Ibid., p. 4.

(9) Ibid., p. 6

(10) Ibid.

(11) Christine Elwell, Droits humains, normes du travail et la nouvelle OMC : possibilités de liens - Un point de vue canadien, Essais sur les droits humains et le développement démocratique no 4, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, Montréal, 1995, p. 3.

(12) Note d’information, Conférence de Toronto, 1996, p. 3.

(13) Han Dongfang, notes pour une allocution (traduction anglaise), Conférence de Toronto, 22 février 1996, p. 5 (traduction).

(14) Ann Weston, «Notes for a Speech on Trade, Labour Standards and Human Rights», rencontre du Réseau des organismes concernés par les droits de la personne au niveau international, Université d’Ottawa, 13 octobre 1995, p. 1.

(15) Edward Broadbent, «Globalization: The Democratic Challenge», Conférence de Toronto, 22 février 1996, p. 1.

(16) Pour un bref examen portant plus particulièrement sur les initiatives des É.-U., voir Oxford Analytica Ltd., «World Row Brews over Push to Link Trade, Labour Rights», The Globe and Mail (Toronto), 18 mars 1996, p. B9.

(17) Ibid., p. 4-5.

(18) Nous examinons ci-après plus en détail la suggestion ayant trait aux accords commerciaux internationaux dans la section consacrée aux initiatives multilatérales.

(19) John Cavanagh « Codes of Conduct of Corporations: What Appears to be Working », Esquisse de document de travail, Washington (D.C.), Institute for Policy Studies and the Transnational Institute, septembre 1995, p. 4.

(20) Weston (1995), p. 4.

(21) Cavanagh (1995), p. 4.

(22) Selon Bob Thomson, les réseaux de surveillance des étiquettes, outre les organisations religieuses, syndicales, commerciales et de consommation auxquelles les citoyens participent, fournissent à ces derniers des renseignements indépendants et l’assurance que les caractéristiques attribuées aux produits ne sont pas simplement un battage publicitaire. Voir l’article de l’auteur intitulé «Ethical Trading and Sourcing», The Corporate Ethics Monitor, vol. 7, no 6, novembre-décembre 1995.

(23) Ibid., p. 5-6.

(24) Weston (1995), p. 4.

(25) Ibid.

(26) Il s’agit d’initiatives telles que la participation de Fair Trademark Canada aux travaux de «Transfair International» qui vise à établir une marque qui certifierait des pratiques commerciales loyales, à accorder sous licence une étiquette pour les produits respectant des critères internationaux en vue de leur vente par des entreprises canadiennes, à éduquer le public, les détaillants et les gouvernements au sujet des avantages des pratiques commerciales loyales et à collaborer avec les mouvements internationaux au niveau de la recherche et de la défense des politiques. Voir la brochure d’information de Fair Trademark Canada. Pour un bref exposé supplémentaire sur la question de l’étiquetage des produits, voir le rapport du Service de recherche produit à l’intention du Sous-comité des droits de la personne par Corinne McDonald et Gérald J. Schmitz, intitulé Principales questions soulevées durant la première phase des audiences, septembre-décembre 1995, 15 février 1996.

(27) Cavanagh (1995), p. 9.

(28) Weston (1995), p. 4.

(29) «Child-Labour Plan Brings Heavy Price », The Globe and Mail (Toronto), 25 mars 1996, p. A5. Pour une analyse de certaines solutions de rechange constructives, voir l’article de John Stackhouse intitulé «New Solutions Fashioned for Child Workers», The Globe and Mail (Toronto), 26 février 1996, p. 1 et A13.

(30) Note d’information, Conférence de Toronto (1996), p. 5.

(31) Weston (1995), p. 4.

(32) Gare Smith, sous-secrétaire adjoint au Travail et aux Affaires extérieures, département d’État des États-Unis, «Introduction on the Model Business Principles before the International Labor Organization», Washington (D.C.), 9 novembre 1995.

(33) Ibid., p. 2.

(34) Ibid.

(35) Ibid., p. 4.

(36) Moira Hutchinson, «Comparison of International Labour Rights Policies: The U.S. and Canada», Fonds Humanitaires des métallos, avril 1995 (voir l’annexe).

(37) Ibid., p. 4.

(38) Ibid., p. 2-5.

(39) Philip Alston, «Labor Rights Provisions in US Trade Law: ‘Aggressive Unilateralism’? », Human Rights Quarterly, vol. 15, 1993, p. 1 et 3-4. Voir aussi Elwell (1995), p. 8-11.2-5.

(40) Des neuf principales conventions de l’OIT, le Canada en a ratifié quatre (les conventions numéro 87 sur la liberté syndicale, numéro 105 sur le travail forcé, et numéros 100 et 101 sur la discrimination), tandis que les États-Unis n’en ont ratifié qu’une). La non ratification par le Canada des cinq autres conventions (deux sur la liberté syndicale, une sur le travail forcé et une sur l’âge minimum) a été attribuée aux difficultés éprouvées lorsqu’on a tenté d"harmoniser les lois provinciales aux normes internationales; cette raison se rapproche de celle invoquée par les Américains, qui fait état des disparités entre les pouvoirs fédéraux et ceux des États. Voir Hutchinson (1995), p. 7, ainsi que Elwell, 1995 (p. 60-61) qui énumèrent et examinent ces conventions.

(41) Alston (1993), p. 32.

(42) Gouvernement du Canada, Réponse du gouvernement aux recommandations du Comité parlementaire mixte spécial chargé de l’examen de la politique étrangère du Canada, Ottawa, février 1995, section 3.7, p. 38.

(43) Weston (1995), p. 2.

(44) Alston (1993), p. 16 et 22.

(45) Ibid., p. 22-23.

(46) Elwell (1995), p. 30.

(47) Cavanagh (1995), p. 7; Diana Bronson et Stéphanie Rousseau, «La mondialisation et les droits des travailleurs dans la zone Asie-Pacifique», document de travail, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, 26 octobre 1995, p. 8.

(48) Cavanagh (1995), p. 6.

(49) Erika de Wet, «Labor Standards in the Globalized Economy: The Inclusion of a Social Clause in the General Agreement on Tariff and Trade/World Trade Organization», Human Rights Quarterly, vol. 17, 1995, p. 443-462.

(50) Elwell (1955), p. 24.

(51) Da façon générale, l’avantage comparatif des pays du Sud a reposé sur des salaires moins élevés comme moyen légitime d’attirer l’investissement étranger.

(52) Elwell (1995), p. 23.

(53) de Wet (1995), p. 449.

(54) Elwell (1995), p. 46.

(55) Alston (1993), p. 2, note 2 (traduction).

(56) de Wet (1995), p. 447.

(57) Ibid., p. 450. Voir aussi Elwel (1995), p. 55.

(58) Cité dans de Wet (1995), p. 451 (traduction).

(59) Elwell (1995), p. 15.

(60) Notes d’information, Conférence de Toronto (1996), p. 4.

(61) Weston (1995), p. 3.

(62) Bronson et Rousseau (1995), p. 7.

(63) Cavanagh (1995), p. 14. Voir aussi Elwell (1995), p. 7-8.

(64) de Wet (1995), p. 455.

(65) Kalmen Kaplansky, «The International Labour Organization», dans Robert O. Matthews et Cranford Pratt (éd.), Human Rights in Canadian Foreign Policy, McGill-Queen’s University Press, Kingston et Montréal, 1988, p. 115.

(66) Bronson et Rousseau (1995), p. 9.

(67) de Wet (1995), p. 446.

(68) Les conventions qui sont déjà largement ratifiées pourraient par conséquent constituer un point de départ. Ibid., p. 453.

(69) Ibid.,

(70) Ibid.

(71) Ibid., p. 454.

(72) Ibid., p. 446.

(73) Elwell (1995), p. 4.

(74) Cavanagh (1995), p. 16.

(75) de Wet (1995), p. 459.

(76) Ibid., p. 458.

(77) Ibid., p. 456.

(78) Notes d’information, Conférence de Toronto (1996), p. 4. Voir aussi de Wet (1995), p. 456.

(79) Ibid.

(80) de Wet (1995), p. 462.

(81) Ibid., p. 456.

(82) Elwell (1995), p. 37. Voir aussi de Wet (1995), p. 458, note 55.

(83) Elwell (1995), p. 37.

(84) de Wet (1995), p. 456.

(85) Ibid., p. 460.

(86) Pour un examen approfondi du recours aux sanctions par le Canada, voir l’étude de Michel Rossignol Les sanctions : l’arme économique dans le nouvel ordre mondial, Service de recherche, Bibliothèque du Parlement, Étude générale 346F, révisée en janvier 1996.

(87) Ibid., p. 2

(88) Elwell (1995), p. 39.

(89) Association des exportateurs canadiens, «Human Rights», novembre 1995.

(90) Rossignol (1996), p. 11.

(91) Cavanagh (1995), p. 17.

(92) Elwell (1995), p. 22.

(93) Errol P. Mendes, «Trade Linkages to Human Rights, Good Governance and Labour Standards in the Asian Context», allocution prononcée devant les chefs de mission de l’Asie-Pacifique à Vancouver, le 3 janvier 1995.

(94) Si les obligations juridiques en vertu du droit international d’observer les droits universels de la personne ne constituent pas une assise suffisante pour faire respecter ces normes, le commerce et les libres marchés à eux seuls ne pourront modifier le comportement de certains partenaires [commerciaux du Canada]. Ibid., p. 3.

(95) Bronson et Rousseau (1995), p. 17. Un argument semblable a été mis de l’avant par Weston (p. 6) : l’accroissement du commerce en lui-même ne suffit pas; les politiques commerciales peuvent jouer un rôle – bien que dans de nombreux cas celui-ci sera limité.

(96) Mendes (1995), p. 3.

(97) Ibid., p. 4.

(98) Ibid., p. 9.

(99) Notes d’information, Conférence de Toronto (1996), p. 5

(100) Elwell (1995), p. 63.

(101) Axworthy (1996), p. 4.

(102) Ibid.