BP-451F

 

UN HÉMISPHÈRE EN TRANSITION :
LES NOUVEAUX RÔLES DU CANADA

 

Rédaction :
Gerald Schmitz
Division des affaires politiques et sociales
Septembre 1997


 

TABLE DES MATIÈRES

 

RÉSUMÉ

INTRODUCTION

LES AMÉRIQUES : TABLEAU DE DIVERSITÉ ET DE CHANGEMENT

ÉVOLUTION DES PROGRAMMES D’INTÉGRATION ET DE COOPÉRATION RÉGIONALE

   A. Les Amériques en tant qu’intervenant régional

   B. Renforcer des dimensions clés de la coopération hémisphérique
      1. L’exercice démocratique du pouvoir, le renforcement des institutions et la sécurité des personnes
      2. Intégration sociale et développement durable

RENFORCER L’ENGAGEMENT DU CANADA AU SEIN DE L’HÉMISPHÈRE

   A. Les fruits de la politique étrangère

   B. Rôles des provinces

   C. Perspectives d’avenir


 

UN HÉMISPHÈRE EN TRANSITION :
LES NOUVEAUX RÔLES DU CANADA

 

RÉSUMÉ

 

L’intérêt du Canada pour les Amériques, exclusion faite des États-Unis, s’est développé lentement. Ces dernières années, toutefois, la politique canadienne à cet égard s’est modifiée en profondeur. Le premier signe de cette « conversion à l’hémisphère » a été, en 1990, l’adhésion du pays à l’Organisation des États américains (OÉA) en tant que membre à part entière. Non seulement les liens économiques se sont renforcés, mais les engagements se sont multipliés sur d’autres plans, comme ceux du développement démocratique et des droits de la personne. Le Canada est devenu un chef de file dans la promotion des grands objectifs que sont l’intégration et la coopération régionales, fixés lors du Sommet des Amériques, à Miami en 1994. Pour assurer la réussite de cette entreprise, la participation des parlementaires doit être encouragée, car elle fait partie intégrante du processus démocratique qui fera avancer les choses.

Les politiques et les mécanismes régionaux doivent tenir compte de la dynamique d’un hémisphère en rapide transition. Les complexités y sont nombreuses : profondes divergences en matière de pouvoir, de population et de situation économique et inégalités dans les sociétés et entre ces sociétés qui n’ont ni la même histoire, ni les mêmes ressources, et qui diffèrent sur les plans de la culture, de la religion, des ethnies, etc. Les États-Unis demeurent sans contredit la puissance dominante parmi les 35 pays de la région, mais dans un contexte très pluraliste et où le nombre d’acteurs ne cesse d’augmenter. Le Canada en tant que l’un des chefs de file des « puissances moyennes » voit s’élargir les possibilités de collaborer avec les autres États à la résolution des problèmes régionaux. En dépit de progrès considérables sur les plans socio-économique et démocratique, les pays de l’Amérique latine et des Caraïbes font face à de multiples défis, notamment pour ce qui concerne la lutte contre la pauvreté et la violence au sein de leurs sociétés et la mise en place de régimes démocratiques véritablement stables et efficaces. Il reste donc beaucoup à faire pour que se maintienne l’élan des réformes amorcées.

Le régionalisme nouveau, plus ouvert, annonce une libéralisation des relations économiques multilatérales dans la région, de même que la mise en place de mécanismes institutionnels qui permettront de régler toute une gamme de préoccupations communes, y compris celles qui concernent la sécurité et le développement durable. L’actuelle tendance à l’intégration régionale - de l’Initiative Entreprise pour les Amériques de 1990 lancée par les États-Unis jusqu’au Sommet des Amériques, dont le premier a eu lieu en 1994 - est beaucoup plus vaste que tout ce qui avait été tenté auparavant. À la remarquable exception de Cuba, qui demeure exclue du mouvement, on voit les différends historiques s’aplanir au fur et à mesure que se créent des partenariats hémisphériques dans plusieurs domaines, auxquels des mécanismes revigorés de l’OÉA et d’autres forums régionaux (dont certains à caractère parlementaire) viennent prêter appui.

La question du leadership des États-Unis dans une intégration future continue de susciter beaucoup de controverse. En ce qui concerne les ententes économiques, certains considèrent le marché commun établi en 1991 par le Brésil et les pays du cône méridional de l’Amérique du Sud (MERCOSUR) comme une solution de rechange possible à l’élargissement de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA). C’est là un dossier parmi plusieurs autres où le Canada, en puissance moyenne respectée, pourrait jouer un rôle d’intermédiaire*. La négociation d’ententes hémisphériques à large portée et fondées sur un ensemble de règles s’avère nettement compliquée, compte tenu de la quantité et de la variété des intérêts en jeu et du nombre des parties au processus. De plus, il faut assurer la transparence des travaux et une reddition des comptes auprès des parlements de la région.

Une intégration régionale durable suppose une participation de gouvernements et de sociétés qui soient capables de mener des réformes et d’assumer les coûts de l’adaptation que ces réformes supposent, tout en continuant d’assurer la démocratie. Il existe plusieurs manières d’aider au renforcement des systèmes interaméricains de coopération politique et sociale aussi bien qu’économique. Il est significatif que la première initiative prise par le Canada à la suite de son adhésion à l’OÉA ait visé la création d’une Unité pour la promotion de la démocratie. Le Canada a participé sur une grande échelle aux efforts de maintien de la paix et de reconstruction démocratique en Amérique centrale et en Haïti. Il appuie le développement des institutions et des sociétés civiles dans l’ensemble de la région, ainsi que l’investissement et le développement durable, principalement par le truchement des programmes de l’Agence canadienne de développement international (ACDI).

On reconnaît généralement que toute progression sur la voie de la libéralisation et de l’intégration économiques doit s’accompagner de stratégies visant la prévention des conflits, l’intégration sociale et l’intégration démocratique. Cette idée a pris de la vigueur par suite de diverses rencontres représentatives, comme la Conférence au sommet sur le développement durable qui s’est tenue en Bolivie en décembre 1996. Le dialogue interaméricain doit reposer non seulement sur une base diplomatique, mais aussi sur une consultation continuelle du public, sur l’apport des secteurs non gouvernementaux et sur la participation des parlements.

L’engagement canadien dans les affaires de l’hémisphère est loin d’être terminé. Pendant longtemps occultées par le rapport qu’il entretient avec son très important voisin, les relations du Canada avec l’ensemble des Amériques ne faisait l’objet que d’une attention sporadique. À partir des années 70, le gouvernement du Canada a commencé à accroître sa présence en Amérique latine et dans les Caraïbes. La politique étrangère canadienne a pris une direction moins idéologique et davantage axée sur le développement que celle des États-Unis. Avec certains pays de la région des Caraïbes, importante source d’immigration pour le pays, le Canada entretient aussi des relations dans le cadre du Commonwealth et, dans le cas d’Haïti, dans celui de la Francophonie.

Au cours des années 90, le Canada est devenu un des principaux membres du système interaméricain. Il continue d’ailleurs à être considéré comme une puissance moyenne amie par les plus petits pays de la région. Depuis la conclusion de l’ALÉNA, le Canada s’est davantage attaché à la promotion du commerce et à l’intégration économique. Toutefois, il a, tout en poursuivant des objectifs en matière de libre-échange à l’échelle régionale, favorisé la progression des droits de la personne, l’édification des institutions démocratiques, l’équité sociale et le développement durable. Selon un analyste, « le Canada s’est intéressé à la région sous des facettes de plus en plus nombreuses ». Ce changement ne tient pas seulement à des mesures décidées à Ottawa; il est également important de tenir compte des rôles joués dans l’ensemble du pays par des paliers administratifs autres que le gouvernement fédéral et par des intervenants du secteur non gouvernemental. Parmi les provinces canadiennes, c’est le Québec qui a forgé les relations les plus complètes avec divers pays de l’hémisphère, notamment dans les domaines de la culture et de l’enseignement supérieur.

Au total, de belles avenues s’ouvrent aux Canadiens qui voudront apporter des contributions de valeur à la coopération interaméricaine. Compte tenu des tensions et des incertitudes, il serait irréaliste de s’attendre à ce que l’intégration se fasse sans la moindre anicroche. Les liens au niveau des parlements peuvent constituer un canal démocratique extrêmement utile pour l’approfondissement du dialogue interaméricain, qui demeure indispensable pour que les Amériques abordent le prochain siècle en toute confiance.

 


 

UN HÉMISPHÈRE EN TRANSITION :
LES NOUVEAUX RÔLES DU CANADA

 

INTRODUCTION

 

Il est exact de dire, sans exagérer, que le Canada a « découvert » les Amériques dans les années 90.

Andrew Cooper(1)

Pendant la plus grande partie du siècle actuel, c’est avec son voisin du sud, les États-Unis d’Amérique, que le Canada a entretenu l’essentiel de ses relations extérieures; cette relation a éclipsé ses rapports avec le reste des Amériques au sud du Rio Grande, qui se sont établis relativement lentement et de façon sporadique. Il y a pourtant eu, par le passé, des liens importants avec cette région, comme la liaison avec les Caraïbes dans le cadre du Commonwealth, le lien francophone avec Haïti et le maintien d’une politique indépendante envers Cuba. De plus, les Canadiens ont toujours fait d’importants investissements en Amérique latine. Un programme d’aide massive au développement a été lancé dans les années 70 et les conflits en Amérique centrale ont retenu l’attention dans les années 80, mais ce n’est que depuis la présente décennie que le Canada a véritablement commencé à exploiter la dimension « hémisphérique » de ses relations internationales.

L’entrée officielle du Canada dans l’Organisation des États américains (OÉA) en janvier 1990 comme membre à part entière, après une longue période de résistance (le pays avait cependant le statut d’observateur permanent au sein de l’Organisation depuis le début des années 70), est certainement un fait marquant dans ce que Jean Daudelin a appelé sa « conversion hémisphérique »(2). Le Canada pouvait dorénavant être perçu comme un chef de file dans l’émergence d’un système interaméricain équilibré de coopération régionale, un genre de communauté des nations de l’hémisphère occidental(3). Le fait qu’il « est dans l’intérêt de tous les pays de chercher à forger de nouveaux partenariats pour remplacer leurs relations conflictuelles et instables passées avec les États-Unis, voire entre eux, ainsi que leurs liens plutôt restreints avec la Canada » est la prémisse qui sous-tend ce mouvement pluraliste. La décision qu’a prise le Canada de faire partie des négociations qui ont abouti à l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) en 1993 a été l’autre événement marquant à cet égard. Même si ce geste était motivé surtout, au départ, par un souci de protéger les avantages que procurait l’ALÉ canado-américain, le Canada s’est ainsi associé au mouvement vers une intégration économique plus poussée et une plus grande libéralisation du commerce. Le moment a été décisif. Au Sommet des Amériques (réunissant 34 nations, sauf Cuba) tenu à Miami en décembre 1994, le Canada est même apparu comme l’un des principaux partisans d’un agenda régional commun qui, comme le précisent la Déclaration de principes et le Plan d’action du Sommet, est :

  • de préserver et de renforcer la communauté des démocraties des Amériques;
  • de promouvoir la prospérité par l’intégration économique et le libre-échange;
  • d’éliminer la pauvreté et la discrimination dans l’hémisphère occidental; et
  • de garantir le développement durable et de conserver le milieu naturel de l’hémisphère pour les générations à venir(4).

 

Les perspectives canadiennes des processus contemporains d’intégration hémisphérique et de coopération régionale tiennent dûment compte des dimensions et défis multiples en cause, dont le renforcement des institutions et la sécurité commune, le développement démocratique et la participation de la société civile, une forme positive d’adaptation à un processus complexe de transition économique et sociale, les valeurs culturelles, et le développement durable. Dans cet aperçu de la question, nous exposons l’évolution de la situation dans les Amériques ainsi que le contexte général des relations dans l’hémisphère et des réorientations de la politique étrangère dans le cadre desquelles il faudrait envisager, à l’avenir, l’élaboration d’optiques canadiennes à multiples facettes.

Il reste beaucoup à faire à tous les paliers de gouvernement et de la société pour réaliser un programme aussi ambitieux et étendu. Pour que cette entreprise se réalise de façon démocratique et soit couronnée de succès pour le plus grand bien de tous les peuples de l’hémisphère, il faudrait manifestement reconnaître les rôles de tous les parlementaires des Amériques et encourager ces derniers à y contribuer. Si le Canada collabore avec énergie avec ses partenaires de tous les coins des Amériques, beaucoup pourra être accompli.

LES AMÉRIQUES : TABLEAU DE DIVERSITÉ ET DE CHANGEMENT

Le produit intérieur brut de l’hémisphère occidental, qui compte globalement environ 800 millions d’habitants, est d’à peu près huit billions de dollars US, toutes économies confondues. Si les Amériques formaient un bloc commercial, ce serait le plus grand au monde. Les États-Unis, qui comptent pour environ un tiers de la population et nettement plus de la moitié de l’activité économique globale, demeurent la puissance dominante de la région. Les politiques américaines ont une forte incidence sur les affaires de l’hémisphère, et l’accès aux marchés des États-Unis demeure un objectif important pour la plupart des pays. Le Canada, qu’on pourrait placer parmi les moins grandes des « puissances moyennes » de l’hémisphère, est manifestement celui qui, pris globalement, se rapproche le plus des États-Unis, son économie étant celle qui est la plus fortement intégrée à la leur. La dépendance du Canada à l’égard du commerce s’est accrue au cours des années 90, et la proportion de ses exportations totales destinées aux États-Unis a dépassé 80 p. 100. Le Canada est touché par une intégration nord-américaine croissante(5), qui sans être aussi avancée que dans le marché unique européen, va bien au-delà du simple libre-échange(6), et il doit, comme d’autres pays, faire face en même temps aux effets de la mondialisation.

Dans la zone méridionale, les pays d’Amérique latine et des Caraïbes, qui comptent près de 500 millions d’habitants (environ 8 p. 100 de la population mondiale), offrent un tableau d’une diversité frappante, malgré un patrimoine régional fortement influencé par les grandes puissances coloniales européennes. Leur population s’urbanise davantage, et compte une forte proportion de jeunes (près de la moitié des habitants du Nicaragua ont moins de 15 ans), mais, en moyenne, leurs taux de croissance annuels baissent. Les données globales cachent toutefois beaucoup de divergences au sein des pays comme entre eux. Quatre des 33 pays de cette zone - le Brésil, le Mexique, la Colombie et l’Argentine - renferment plus des deux tiers de la population totale; le Brésil en compte à lui seul 35 p. 100. La répartition démographique est tout aussi inégale dans la sous-région des Caraïbes, où trois pays - Cuba, Haïti et la République dominicaine - regroupent 80 p. 100 de la population totale. Les intérêts d’un petit État insulaire risquent fort de différer passablement de ceux d’un État populeux comme le Brésil ou le Mexique.

L’Amérique latine et les Caraïbes présentent aussi une grande hétérogénéité culturelle. Comme l’indique une étude récente, « [p]ar-delà la partition coloniale de la région en zones espagnoles, portugaises, britanniques et françaises, une mosaïque de cultures européennes ainsi que de cultures indigènes, africaines et asiatiques, dans des dosages divers, se superposent »(7). Les populations indigènes, longtemps marginalisées, revendiquent de plus en plus leurs droits. La religion est un autre facteur de diversité; face à la percée rapide de divers groupes protestants et à l’influence de religions africaines dans des pays comme le Brésil et Haïti, le catholicisme, qui est aussi touché par les troubles internes, n’est plus aussi dominant qu’autrefois.

Sur les plans économique et social, le tableau est tout aussi complexe et variable. Malgré l’industrialisation croissante et les réformes en faveur de l’économie de marché des dernières années, il serait erroné de croire que la région a atteint, globalement, une situation de revenu moyen. Le passage des produits primaires aux produits industrialisés comme principaux produits d’exportation ne s’est fait que chez les deux géants économiques de la région, le Brésil et le Mexique (qui comptent, avec l’Argentine et le Venezuela, pour 80 p. 100 de la production régionale). En tant que membre de l’ALÉNA et de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), le Mexique est peut-être le plus avancé, mais les retombées de la crise du peso survenue en décembre 1994 ont remis ce développement en question. Il existe en outre de très grandes disparités entre les pays : Haïti, dont le PIB par habitant est inférieur à 200 $ US, est l’un des pays les plus démunis du monde, tandis que la production par habitant, dans l’île voisine de Trinidad, est plus de 20 fois supérieure. Pire encore, sur le plan de la gestion des affaires publiques et des relations sociales, la répartition du revenu est extrêmement disparate dans beaucoup de pays, dont le plus grand, le Brésil. Plus de 40 p. 100 de la population totale de la région tombe dans la catégorie des démunis; cette proportion dépasse même 60 p. 100 dans certains pays. Il y a là, comme le fait ressortir le récent cadre de politique de l’ACDI pour la région, un grand défi permanent pour le développement :

La pauvreté dans les Amériques porte le poids de l’histoire. Elle prend ses racines dans l’ethnie, l’âge, le genre, la culture, l’éducation et la langue. Elle s’est poursuivie à cause de l’incapacité des gouvernements, et dans plusieurs cas le manque de volonté, de faire bénéficier les pauvres des retombées économiques positives et de leur donner accès au processus politique. [...] La région connaît également la distribution de revenus la plus inégale dans le monde. La part des revenus allant au cinquième de la population la plus pauvre a diminué entre 1950 et la fin des années 1970, bien avant la crise de la dette et les réformes du marché durant les années 1980. À partir du début des années 1990, la richesse était encore plus concentrée que durant les années 1970, avec 10 p. 100 des ménages les plus riches recevant 40 p. 100 du revenu total et 20 p. 100 des plus pauvres en recevant 4 p. 100(8).

 

Malgré les coûts humains élevés qu’entraîne manifestement la persistance d’aussi fortes inégalités, il y a aussi des signes de progrès - le niveau d’analphabétisme et de mortalité infantile a chuté dans presque tous les pays, alors que l’espérance de vie augmentait - et d’importantes tendances positives de réformes politiques et économiques, que les processus actuels d’intégration hémisphérique et de coopération régionale doivent renforcer, se manifestent. La région a souffert, pour une grande part, des gouvernements autocratiques ou autoritaires, de la violence des troubles civils et de la répression, et des politiques économiques protectionnistes et égocentriques qu’elle a reçus en partage. L’accumulation d’une dette extérieure écrasante et les douloureux programmes d’ajustement structurel qu’elle a rendus nécessaires ont conduit, dans les années 80, à ce qu’on a appelé la « décennie perdue » de l’Amérique latine. La vague de démocratisation qui a fait suite aux régimes militaires, la libéralisation économique et la poussée vers le libre-échange régional dans les années 90 ont inspiré de nouveaux espoirs et de nouvelles attentes. La démocratie n’est toutefois pas bien enracinée à maints endroits; le défi consiste à ériger des sociétés civiles stables et efficaces qui puissent survivre à sa consolidation. Le succès de la réforme économique et de l’ajustement structurel en cours est aussi loin d’être assuré.

Les pays des Amériques se sont engagés, au Sommet de Miami, à travailler ensemble pour trouver des solutions communes aux problèmes de la région. Dans ce contexte hémisphérique dynamique, bon nombre des questions en suspens ont trait à la pérennité des processus de réforme en cours. Dans le document précité de l’ACDI, il est fait allusion, parmi les obstacles à surmonter, à : « la fragilité des démocraties, aux faiblesses des institutions, à la concentration du pouvoir dans les mains d’élites, aux histoires de corruption, à la subordination des femmes dans la société, à l’exclusion des pauvres - particulièrement les femmes et les populations indigènes - , au trafic des narcotiques, à l’augmentation de la violence urbaine et à la détérioration de l’environnement »(9). Un autre article récent paru dans The Economist fait état de beaucoup de mécontentement dans la région : « Les riches comme les pauvres se sentent, presque partout, plus menacés à mesure que les stupéfiants, les armes et les crimes avec violence resserrent leur emprise sur les bidonvilles qui encerclent tant de villes. […] Si l’on excepte le Chili, les régimes démocratiques, qui depuis une décennie sont bien résolus à réduire l’inflation et à libéraliser les économies et le commerce, n’ont pas réussi à produire une croissance soutenue; et en préparant le terrain en ce sens, ils ont non seulement fait ressortir les vieux problèmes mais ils en ont créé de nouveaux »(10).

La leçon qu’il faut tirer de ce fait est de s’assurer que, sans que soit ralenti l’élan des réformes nécessaires, les processus à l’échelle de l’hémisphère s’attaquent aux préoccupations bien réelles des populations disparates de la région. De cette façon, le mouvement vers l’intégration économique et le libre-échange deviendra à long terme plus facile à soutenir sur les plans politique et social.

ÉVOLUTION DES PROGRAMMES D’INTÉGRATION
ET DE COOPÉRATION RÉGIONALE

   A. Les Amériques en tant qu’intervenant régional

Le régionalisme et l’intégration régionale ne sont certes pas des phénomènes nouveaux dans les affaires internationales; ils ont toutefois suscité, dans le cadre des changements géopolitiques et géoéconomiques de l’après-guerre froide, un regain d’intérêt dans les années 90. Certains y voient l’émergence d’une « triade » de puissants blocs économiques régionaux en Asie, en Europe et dans les Amériques dont les pivots seraient respectivement le Japon, l’Union européenne et les États-Unis. La crainte que ces blocs ne deviennent restrictifs ou ne s’engagent dans des rivalités compétitives, au lieu de servir de fondement à une économie mondiale plus ouverte régie par des règles multilatérales, inspire une préoccupation parallèle. Il est bon également de se rappeler que, dans la pratique, la fiche du régionalisme, même conçu dans une optique positive comme « mise en scène des communautés au-delà de l’État-nation », est très inégale. Comme l’a si bien résumé Manfred Mols : « L’intégration régionale a réussi en Europe de l’Ouest, mais s’est transformée en réseau de niveau inférieur en Asie du Sud-Est; elle n’a été qu’un phénomène transitoire en Afrique et en Asie du Sud, tandis qu’en Amérique latine, les efforts d’intégration économique des années 60 et 70 n’ont produit aucun résultat durable »(11).

Plusieurs universitaires canadiens ont analysé, ces dernières années, l’évolution et les perspectives d’intégration régionale dans les Amériques. Brunelle et Deblock ont remarqué, en examinant l’héritage du passé, que « Les Amériques n’ont ainsi jamais fait l’objet d’un projet au sens où l’on évoque l’idée d’un projet européen, elles n’ont même jamais formé un marché au sens où la doctrine entend cette notion. En revanche, elles ont été soumises à plusieurs plans contradictoires issus tout autant de chacun des pays qui les composent que des États-Unis; elles ont formé plusieurs marchés à peu près tous articulés à une croissance tournée vers l’extérieur »(12). Mace et Thérien décrivent en outre une longue lutte entre deux visions opposées des Amériques : l’une, issue des États-Unis depuis l’époque de la doctrine Monroe, repose sur le modèle d’une plaque tournante centrée sur les intérêts nationaux de Washington en matière de sécurité et de commerce, tandis que l’autre, fondée sur un panaméricanisme latin remontant à l’époque de Simon Bolivar, a contribué à pousser divers groupes de pays, malgré des échecs, à forger des pactes infrarégionaux de développement (comme le Groupe andin)(13).

Fait plutôt extraordinaire, ces conceptions historiques semblent avoir été éclipsées dans les années 90 par une vision mieux ciblée et plus globale d’intégration continentale fondée sur des principes communs d’exercice démocratique du pouvoir, d’ouverture des marchés et de libre-échange. Les dirigeants des États-Unis, de Bush qui a lancé l’Initiative Entreprise pour les Amériques en 1990 à Clinton qui a pris l’initiative du Sommet des Amériques de 1994, ont joué un rôle crucial dans la promotion d’un tel agenda. Contrairement aux affrontements qui ont marqué la présidence de Reagan, pratiquement tous les pays de l’hémisphère ont par ailleurs accueilli favorablement ces démarches. (La principale exception demeure bien sûr Cuba, sans oublier la situation spéciale que crée l’isolement persistant dans lequel se retrouvent les États-Unis à cause de leurs politiques de représailles envers Cuba.) D’après certains analystes, nous assistons à l’apparition d’un néorégionalisme (ouvert) dans les Amériques, un régionalisme de « deuxième génération » à la fois plus représentatif des intérêts régionaux et, parce qu’il ouvre la porte à d’autres parties du monde dans le contexte de la mondialisation, de nature plus multilatérale(14).

Mace et Thérien définissent ce régionalisme, appliqué aux Amériques d’aujourd’hui, comme étant :

[un] processus par lequel, dans une région géographique donnée, différents types d’intervenants (États, institutions régionales, organisations sociales) en viennent à partager certaines valeurs fondamentales. Ces intervenants font aussi partie d’un ensemble d’interactions économiques, culturelles, scientifiques, diplomatiques, politiques et même militaires qui s’amplifient. Bien que la progression ne soit peut-être pas automatique et que son rythme puisse varier d’un secteur à l’autre, la conjugaison des interactions croissantes et des valeurs communes devrait accroître et élargir la capacité de gestion régionale des problèmes régionaux sans produire nécessairement une nouvelle entité politique. Cette gestion régionale peut venir d’organisations multilatérales officielles, comme l’Organisation des États américains (OÉA), ou sourdre, de façon ponctuelle, de rencontres de ministres ou de hauts fonctionnaires, comme la première réunion interaméricaine des ministres de la Défense à Williamsburg (Virginie) en juillet 1995(15).

Il est intéressant de noter que l’intégration régionale ne faisait pas partie, dans sa charte initiale, des objectifs de l’OÉA, qui est issue de l’ancienne Union Panaméricaine en 1948. Comme les intérêts sociaux-économiques prenaient plus d’importance, la promotion de l’intégration des pays membres en voie de développement de l’hémisphère est devenue l’un des objectifs explicites de l’OÉA lorsque sa charte a été modifiée en 1967. Les chefs d’État de l’OÉA ont signé la même année une déclaration préconisant la création d’un Marché commun latino-américain(16). Peu de progrès ont cependant été réalisés à ce sujet au cours des décennies suivantes; les diverses structures infrarégionales tentées, avec l’encouragement de la Commission économique des Nations Unies pour l’Amérique latine (CÉPAL), n’ont obtenu au mieux qu’un succès mitigé : l’Association latino-américaine de libre-échange (ALALÉ), établie en 1960, a été remplacée en 1980 par l’Association latino-américaine d’intégration (ALADI); le Marché commun centraméricain (MCCA) a été établi en 1960, et le Groupe andin en 1966, tandis que la Communauté des Caraïbes (CARICOM), créée en 1973, a remplacé une association de libre-échange antérieure.

À la fin des années 80, la situation se prêtait de nouveau à des initiatives d’intégration hémisphérique d’une plus grande portée. En juin 1991, l’Assemblée générale de l’OÉA a adopté une résolution, axée avant tout sur les aspects juridiques, indiquant que « l’Organisation appuiera fermement tout effort visant à éliminer tout obstacle à l’intégration, de quelque nature qu’il soit »(17). L’Initiative Entreprise pour les Amériques, les négociations de l’ALÉNA et l’entente conclue en 1991, dans le « Cône Sud » de l’hémisphère par le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay en vue de créer leur propre marché commun, le Mercado Commun del Sur (MERCOSUR), ont aiguillonné le mouvement d’intégration économique.

Les aspects géopolitiques internationaux susceptibles d’entrer en conflit pour réaliser l’intégration économique de l’hémisphère donnent lieu à un vif débat. Une proposition repose sur l’extension graduelle d’ententes semblables à l’ALÉNA(18). Le Chili, qui s’est tenu à l’écart du MERCOSUR parce que désireux d’adhérer à l’ALÉNA, est le premier en ligne. Le leadership des États-Unis et sa puissance « hégémonique » au sein d’un système dominé par l’ALÉNA soulèvent toutefois de sérieux doutes et passablement d’ambivalence en Amérique latine. Pour certains, l’expansion du MERCOSUR, qui est centré sur la première puissance de l’Amérique du Sud, le Brésil, offre une solution de rechange à l’« ALÉNA-nisation ». Le MERCOSUR, qui est une union douanière, semble aussi comporter plus d’institutions propices à l’intégration, dont une Assemblée parlementaire et un Conseil économique et social(19). Il est intéressant de noter qu’après avoir conclu son propre accord de libre-échange bilatéral avec le Chili, le Canada cherche actuellement à devenir membre associé du MERCOSUR. On souhaite avant tout éviter toute répétition des « tentatives antérieures d’intégration régionale au sein du continent qui ont contribué à détourner des courants d’échange en faveur d’intérêts spéciaux aux dépens de la société prise globalement »(20). On vise donc consciemment à appuyer les initiatives régionales qui peuvent s’inscrire dans une approche multilatérale plus vaste.

Quelle que soit la voie retenue à l’avenir, il est certain que, vu le nombre de gouvernements en cause et la prolifération actuelle des pactes commerciaux infrarégionaux (bilatéraux, trilatéraux ou plurilatéraux) - au nombre de 72 selon les estimations de l’OÉA - la négociation d’ententes d’intégration globale sera complexe. À cet égard, Brunelle et Deblock font remarquer que :

mis à part les 34 assemblées nationales [sauf Cuba], les Amériques comptent au total quelque 164 assemblées législatives infranationales (12 au Canada en comptant les deux territoires, 50 aux États-Unis sans compter le district de Columbia, Puerto Rico ou les Îles vierges, 31 au Mexique, 23 en Argentine, 26 au Brésil, et 22 au Venezuela), en plus de cinq parlements supranationaux (le Parlement latino-américain, le Parlement andin, le Parlement centraméricain, l’Assemblée parlementaire de la Communauté des Caraïbes et la Commission parlementaire mixte du MERCOSUR). Le processus démocratique pourrait se révéler très lourd pour quiconque voudrait obtenir des résultats rapides d’un agenda complexe(21).

Cela soulève un aspect important des dimensions politiques et gouvernementales cruciales que présentent les processus actuels et potentiels d’intégration hémisphérique. Malgré la priorité accordée à l’expansion des liens commerciaux dans les négociations officielles, un éminent universitaire américain, Joseph Tulchin, prétend que « les questions relatives au bon gouvernement, et à ce que je j’appelle le code international de bonne conduite [qui comprend la démocratie et les droits de la personne, ainsi que de saines politiques économiques], prennent rapidement plus d’importance dans les relations interaméricaines. Je suis d’avis qu’elles domineront les relations entre les nations de notre hémisphère au XXIe siècle »(22).

La Fondation canadienne pour les Amériques (FOCAL), dont le siège se trouve à Ottawa, a fait ressortir un ensemble connexe de considérations dans l’introduction à sa « conférence virtuelle » de mars-avril 1997 sur l’Internet, qui avait pour thème « Le pouvoir et l’intégration dans les Amériques », en affirmant que :

Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le libre-échange et l’intégration économique ont pris une importance autant politique qu’économique. La logique de l’intégration et ses répercussions comportent tous les deux des dimensions politiques internes et internationales. [...] La dimension politique de l’intégration présente aussi un aspect conflictuel. [...] Les ajustements économiques qui accompagnent la libéralisation actuelle des échanges ont produit des perturbations sociales et économiques qui pourraient nuire à la stabilité politique de certains pays et, par ricochet, aux perspectives régionales de paix et de prospérité(23).

Dans un travail antérieur, la Fondation a analysé à la fois une conjoncture économique favorable à l’échelle internationale et hémisphérique et la façon dont le pouvoir est exercé comme variables clés pour voir quels partenaires latino-américains et antillais pourront tirer parti des processus d’intégration régionaux. Voici comment cette étude posait les principaux enjeux.

  • Une plus grande libéralisation du commerce et une hausse des investissements s’impose pour que les ajustements structurels et les modèles de développement axés sur l’exportation soient couronnés de succès.
  • Le modèle économique et les réformes sociales qu’il exige dépendent, pour être durables, d’une bonne gestion des affaires publiques.
  • Le leadership politique, la participation de chacun et le sentiment d’un partage des responsabilités sont d’une importance cruciale, surtout si la conjoncture internationale est défavorable.
  • Sans la libéralisation du commerce et le libre mouvement des investissements, les ajustements structurels apportés dans la région auront été vains : à quoi servirait un modèle de développement axé sur les exportations si les clients potentiels ferment leurs frontières à vos produits? […] Les chances que la société accepte de soutenir ce modèle économique, et les réformes sociales qu’il suppose, dépendent fortement de la façon dont le pouvoir est exercé dans chaque pays. En réduisant à néant les éventuels avantages que ceux-ci ont gagné à jouer la carte du modèle axé sur les exportations, une conjoncture internationale défavorable ne ferait que rendre plus cruciale un style d’exercice du pouvoir où l’imagination, le leadership, la participation et le sentiment d’un partage des responsabilités seraient plus indispensables que jamais.

 

Les auteurs en arrivent à la conclusion globale que «[p]our tirer parti de l’ouverture des marchés, il faut des gouvernements forts et pour absorber les coûts de l’adaptation économique, il faut des sociétés solides »(24). Voilà les défis que les Amériques devront relever pour que la région devienne, globalement, un intervenant efficace dans les affaires mondiales.

   B. Renforcer des dimensions clés de la coopération hémisphérique

      1. L’exercice démocratique du pouvoir, le renforcement des institutions
          et la sécurité des personnes

Presque tous les pays des Amériques sont maintenant des démocraties, au moins de nom, leur gouvernement étant composé de politiciens élus sous un régime de droit constitutionnel. Les institutions du système interaméricain incorporent en outre la reconnaissance de ce fait. La première initiative du Canada, après son entrée à l’OÉA, fut d’y faire créer une Unité pour la promotion de la démocratie (UPD)(25).  Depuis 1990, l’OÉA a envoyé plusieurs missions d’observateurs lors d’élections et participé à des activités de développement démocratique. L’Assemblée générale de l’OÉA a adopté, à Santiago (Chili) en 1991, une résolution autorisant l’Organisation à intervenir « lorsque tout événement entraîne une interruption soudaine ou irrégulière du processus institutionnel politique interne ou l’exercice légitime du pouvoir par le gouvernement élu démocratiquement dans l’un ou l’autre des États membres de l’Organisation ». Les efforts subséquents de l’OÉA pour préserver ou rétablir des gouvernements démocratiques, notamment au Guatemala, en République dominicaine et à Haïti, ont obtenu des résultats inégaux. L’OÉA comporte en outre plusieurs mécanismes importants de protection des droits de la personne, auxquels on n’a pas donné la chance d’être très efficaces jusqu’à maintenant(26). Certains ont prétendu en outre que l’OÉA devrait s’efforcer de démocratiser ses propres structures institutionnelles, et aller peut-être même jusqu’à créer un parlement hémisphérique(27).

Les élites politiques insistaient, au début des années 90, sur la nécessité de libéraliser les marchés et d’apporter des ajustements (ce que John Williamson a baptisé le « consensus de Washington »)(28). Il est intéressant de noter, à cet égard, l’importance attachée plus récemment, notamment par la Banque interaméricaine de développement (BID), le principal organisme multilatéral de développement économique régional, à l’idée de redonner des rôles positifs à l’État et aux institutions publiques compétentes. De tels rôles sont maintenant perçus comme étant également nécessaires à la pérennité politique et sociale des processus de libéralisation et d’intégration économiques de l’hémisphère. L’auteur d’un article paru dans The Economist, qui perçoit ce mouvement comme le « consensus de Santiago »(29), a cité Williamson en affirmant que « l’orientation politique doit changer de cap et passer du dégraissage des structures de l’État lorsque nécessaire au renforcement de certaines institutions clés de l’État dont le bon fonctionnement est vital pour une croissance rapide et(ou) équitable »(30).

Non seulement des institutions de gestion publique nationale et interaméricaine plus efficaces s’imposent, mais elles doivent s’accompagner, pour être reconnues comme légitimes par le grand public, d’une vaste démocratisation. Le cadre stratégique de l’ACDI pour les Amériques fait ressortir l’ampleur de ce défi :

Il convient néanmoins de ne pas tenir pour acquis la survie, l’enracinement et le renforcement de la démocratie. Si les traditions démocratiques sont bien établies dans les Antilles du Commonwealth, il n’en va pas de même en Amérique latine. Les racines de la démocratie doivent de toute évidence être soigneusement nourries.

Dans bien des pays, les militaires exercent toujours une très grande influence sur les plans politique et économique alors que la déstabilisation sociale, économique et politique associée au trafic de stupéfiants croît. La violence en établissements et les violations des droits de la personne sont toujours aussi répandues. La primauté du droit est souvent problématique, alors que la corruption et l’inefficacité de forces policières et du système judiciaire sont courantes. Plus important encore, pour la majorité des gens, la démocratie n’est toujours pas synonyme d’une amélioration de la qualité de vie. Les gouvernements démocratiques sont rarement parvenus à des résultats à la hauteur des attentes qu’ils avaient eux mêmes créées dans la population. Par ailleurs, l’incapacité des gouvernements et des institutions publiques de trouver des solutions à certains problèmes sociaux est en train de faire naître une crise de la gestion publique : comme on vient de le voir, la pauvreté et l’exclusion sont toujours aussi répandues, et la corruption se pratique scandaleusement et systématiquement. L’agitation sociale augmente dans certains pays et la violence urbaine est en hausse partout alors que les inégalités sociales persistent, les tensions s’accroissent presque partout(31).

Malgré des dépenses exceptionnelles pour renforcer l’appareil de sécurité publique et privée(32), le manque de sécurité personnelle dans la région est lié à ce même défi démocratique et social, et il soulève à son tour des questions au sujet de la capacité des instruments politiques et économiques actuels de réaliser la coopération et l’intégration à l’échelle de l’hémisphère. Selon l’analyste canadien de politique étrangère James Rochlin, «[l]’un des principaux défis de l’hémisphère occidental est de renforcer la démocratie au sein tant de l’OÉA que des institutions issues des pactes commerciaux. La démocratie suppose, en ce sens, l’accroissement du pouvoir politique des États autres que les États-Unis »(33). Le système interaméricain est confronté à l’ouverture de ses processus, notamment à des organisations non gouvernementales de plus en plus revendicatrices, et à la nécessité de se montrer sensible aux intérêts de tous les membres(34).  Lorsqu’il affirme que « l’OÉA est d’une importance critique comme forum où les pays latino-américains énoncent comment ils conçoivent leur propre sécurité », Joseph Tulchin y voit une occasion historique : « Pareille occasion de définir leurs rôles au sein de la communauté mondiale et de contribuer, de façon concrète et marquée, à façonner la communauté hémisphérique ne s’était encore jamais présentée aux nations latino-américaines »(35).

Même s’il a tardé à tresser des liens institutionnels à l’intérieur de l’hémisphère(36), le Canada s’insère maintenant de plus en plus dans les dimensions des affaires interaméricaines qui ont trait à l’exercice démocratique du pouvoir, à la consolidation de la paix et (avec des réserves) à la sécurité(37). Il faudrait, par ailleurs, de nouvelles formes de coopération pour aplanir les fortes divergences qui subsistent entre les pays, notamment quant à la meilleure façon de régler les situations de déstabilisation, la pertinence d’interventions externes (militaires/humanitaires/droits de la personne), et d’autres dilemmes qui persistent concernant les façons de parer aux menaces non traditionnelles à la sécurité (comme la lutte contre le trafic de stupéfiants). Tous ces aspects, où les capacités du Canada (sur les plans de la diplomatie/du maintien de la paix/de l’aide au développement), et son appui au dialogue interparlementaire, pourraient favoriser l’atteinte des objectifs d’intégration régionaux, se sont révélés importants quoique délicats et souvent contestés.

      2. Intégration sociale et développement durable

La création d’un climat propre à renforcer l’équité et la participation sociales, tout en poursuivant les réformes structurelles et les efforts de croissance économique compatibles avec la protection de l’environnement, est l’un des principaux défis que les Amériques doivent relever. Raymond Dunn le décrit partiellement ainsi :

Même si la région obtient des succès économiques, la croissance économique n’améliore pas automatiquement le niveau de vie. Les investissements sociaux doivent avoir la priorité absolue; les pays latino-américains doivent investir dans leur capital humain et l’avancement technologique en plus de créer une forme de filet de sécurité sociale pour leurs citoyens les plus démunis. À moins de répondre aux besoins sociaux, les réformes politiques et économiques seront fragiles. La plupart des pays de la région peuvent balancer dans un sens ou dans l’autre, vers un régime plus stable ou vers l’instabilité, selon le succès dont seront couronnés leurs efforts pour consolider la démocratie, améliorer la situation économique et satisfaire aux revendications sociales. L’adhésion aux pactes de libre-échange est susceptible de les aider à atteindre ces buts(38).

Les énormes progrès réalisés par bon nombre de pays de l’hémisphère sur le plan de la libéralisation économique ces dernières années se sont traduits par un accroissement du commerce et des investissements. Des événements traumatisants comme les crises politique et financière déclenchées au Mexique par la révolte des indigènes dans l’État méridional du Chiapas en janvier 1994 et l’effondrement du peso en décembre 1994 ont toutefois brusquement rappelé au monde que les marchés internationaux sont volatiles et qu’il existe des problèmes socio-politiques auxquels il faut s’attaquer dans le cadre de la transformation économique de la région(39). La libéralisation et l’intégration économiques doivent donc s’accompagner de stratégies d’intégration sociale et de participation démocratique. Sinon, l’écart entre les objectifs de l’intégration et les réalités sociales internes se creusera dangereusement. The Economist rapportait il y a quelques mois que la frustration populaire et la contestation politique atteignent leur paroxysme dans beaucoup de pays; il faisait aussi ressortir le côté contradictoire d’une situation où « [l]es perspectives économiques fondamentales sont favorables. Mais les pauvres ne sauraient se nourrir de perspectives, même ‘fondamentales’. Ils ne font que constater que l’écart de revenu, traditionnellement grand, ne cesse de se creuser dans la région »(40).

Bien qu’il faille peut-être des gouvernements et des institutions publiques solides pour relever ces défis, il est évident que des modèles descendants de gestion des affaires publiques et de développement ne peuvent plus suffire pour entraîner les sociétés des Amériques, et pas seulement les États, dans des processus plus étendus d’intégration hémisphérique qui sont susceptibles de prendre racine. Les activistes de la société civile ont continué de se mobiliser autour de thèmes d’intégration régionale depuis le Sommet de Miami, et le Canada s’est montré particulièrement favorable à ce genre de processus participatif. Par exemple, lors d’une réunion nationale de consultations canadiennes tenue au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international(41) pour préparer le Sommet hémisphérique sur le développement durable de décembre 1996 en Bolivie, les recommandations suivantes ont été proposées pour examen :

  • Que le Canada préconise la prise en compte dans les ententes commerciales, à tous les paliers, des considérations économiques, environnementales et sociales.

  • Que l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l’environnement (ANACE) et l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail (ANACT) soient proposés comme modèles au Sommet en vue d’autres négociations commerciales.

  • Que les gouvernements de la région accordent un degré élevé de priorité aux revendications territoriales. Tout accord de libre-échange des Amériques (ALÉA) devrait s’accompagner de progrès à l’égard d’enjeux pressants pour les indigènes.

  • Tout en rehaussant la prospérité globale, les accords commerciaux peuvent aggraver des iniquités existantes et marginaliser encore davantage ceux qui le sont déjà. Tout ALÉA devra s’attaquer à ces dimensions sociales. Il faudrait renforcer les mécanismes susceptibles de permettre à la société civile canadienne de participer efficacement à la formulation des politiques commerciales.(42)

Bien que l’OÉA ait convoqué une session spéciale avec les ONG en juillet 1996, le Canada a été l’un des rares pays à incorporer des représentants d’ONG à sa délégation officielle au Sommet de Bolivie. Le député Clifford Lincoln a aussi participé à la réunion en tant que délégué parlementaire. Parallèlement au Sommet intergouvernemental officiel, une conférence non gouvernementale regroupait des organisations civiles de toute la région - « groupes de jeunes et de femmes, syndicats, organisations non gouvernementales, groupes de gens d’affaires, universités, associations communautaires, organisations populaires, organisations d’indigènes et de paysans... » - pour aborder toute une gamme de questions dans le cadre du programme hémisphérique de « développement durable » : la pauvreté, l’endettement, le régime foncier, la corruption, le règlement des conflits, l’éducation, la diversité culturelle, et ainsi de suite. Le message prioritaire adressé aux gouvernements assemblés était le suivant : « le développement durable est impossible sans réelle participation de la société civile »(43).

Le Sommet de Bolivie est un exemple du genre de processus régionaux nécessaires pour élaborer des politiques de portée continentale qui exigent un suivi par l’intensification des échanges institutionnels interaméricains. Selon Mme Nola-Kate Symoar, qui représentait les ONG au sein de la délégation canadienne :

Il faudrait, avec la participation du gouvernement et de la société civile, élaborer un plan à long terme de notre engagement hémisphérique. L’idée d’accueillir conjointement l’assemblée générale de l’OÉA et le Sommet des Amériques en l’an 2000 pourrait constituer un objectif à moyen terme(44). Le Canada devrait proposer que la nouvelle Commission du développement durable de l’OÉA englobe une table ronde multisectorielle afin de l’ouvrir, au niveau des politiques, aux conseils et apports de l’extérieur. [...] Il faudrait aussi, comme solution de rechange ou complémentaire aux consultations traditionnelles, continuer d’élaborer les politiques selon un mode participatif(45).

Dans son suivi du plan d’action issu du Sommet de la Bolivie, l’OÉA prépare une Stratégie de participation interaméricaine (SPI), dont les éléments ont fait l’objet de discussions lors d’une consultation initiale tenue à Miami en février 1997(46). Un autre élément crucial, pour s’assurer que les sociétés et les gouvernements sont bien représentés dans la gestion des futurs processus d’intégration hémisphérique, consistera à renforcer le rôle des institutions démocratiques représentatives et à réunir des législateurs de tous les coins des Amériques, en permanence idéalement, pour discuter d’objectifs régionaux communs et des meilleures façons de les atteindre. La Conférence parlementaire des Amériques qui aura lieu à Québec en septembre 1997 peut, à cet égard, contribuer grandement à la multiplication des initiatives destinées à appuyer les démarches constructives et participatives d’intégration hémisphérique et de coopération régionale sans négliger la reddition de comptes.

RENFORCER L’ENGAGEMENT DU CANADA AU SEIN DE L’HÉMISPHÈRE

   A. Les fruits de la politique étrangère

Comme nous l’indiquions au début de cette étude, le rôle du Canada dans les affaires hémisphériques est demeuré assez restreint et hésitant jusqu’à la décennie en cours. La situation a commencé à évoluer dans les années 80, même si la relation bilatérale avec les États-Unis continuait de dominer les considérations politiques. D’autre part, comme Louis Balthazar l’a fait remarquer, l’attitude des États-Unis envers le Canada n’a manifestement rien d’hémisphérique, la responsabilité des relations avec le Canada étant confiée, au département d’État, à la division des affaires européennes(47). Le gouvernement Trudeau avait déjà cherché à diversifier les relations canadiennes par l’élaboration d’une politique latino-américaine, tout en évitant tout enchevêtrement restrictif dans les politiques de l’OÉA (le Canada n’acceptant de devenir qu’un « observateur permanent » de l’Organisation en 1972), dans le cadre de sa stratégie de la « troisième voie » pour faire contrepoids à la domination des États-Unis. À la suite de l’examen de la politique étrangère de 1970, une division de l’Amérique latine a été créée, en 1971, au sein du Bureau des affaires hémisphériques du ministère des Affaires extérieures. Le Canada est devenu membre de la Banque interaméricaine de développement en 1972, et l’Agence canadienne de développement international a lancé des programmes d’aide dans la région. Les investissements privés ont également augmenté, mais les résultats ont été modestes(48).

Au cours des années 80, le Canada s’est trouvé mêlé aux efforts visant à régler les conflits civils fortement polarisés de l’Amérique centrale, notamment au Nicaragua, après la révolution sandiniste, ainsi qu’au Salvador et au Guatemala. Au cours des premières années du gouvernement Reagan, la défense des droits de la personne s’est heurtée à des tactiques de guerre froide. L’activisme des ONG autour de ces questions puis, lorsque le centre d’intérêt a gravité vers le règlement des conflits et la réconciliation/reconstruction d’après-guerre, ses contributions au processus de paix régionaux ont aiguillonné l’attention du Canada(49).   Les enquêtes parlementaires au sujet des affaires latino-américaines témoignaient de ces préoccupations(50).  Au cours des dernières années de la décennie, les questions économiques ont cependant commencé à prendre plus d’importance. Même si les effets de la crise de l’endettement ont continué de peser sur les perspectives commerciales du pays en Amérique latine(51), le mouvement vers le libre-échange en Amérique du Nord a constitué pour le Canada une réorientation fondamentale. Sans réduire nécessairement la capacité de celui-ci d’adopter une position indépendante des États-Unis dans sa politique étrangère (sur Cuba, entre autres), l’intégration économique avec les États-Unis, étendue ensuite aux Amériques, a crée un nouveau cadre d’élaboration des politiques(52).

Certains craignaient que cette forte poussée n’éclipse et ne diminue les liens étroits que le Canada a toujours entretenu avec certaines parties moins nanties de l’hémisphère ou les petits États insulaires des Caraïbes, avec lesquels des liens se sont tissés depuis longtemps au sein du Commonwealth (sans oublier le lien francophone avec Haïti)(53). En réalité, le maintien de ces affinités européennes (coloniales), et la relation ininterrompue du Canada avec Cuba, a souvent été considéré comme un facteur dissuasif qui explique le manque d’empressement du Canada à devenir membre à part entière d’une OÉA dominée par les États-Unis. Le Canada était devenu un important fournisseur d’aide à cette sous-région, tant sur le plan bilatéral qu’à titre d’un des principaux bailleurs de fonds de la Banque de développement des Caraïbes créée en 1969 (dont les États-Unis ne font pas partie); il avait en outre établi, en 1986, son propre régime de préférences commerciales, le CARIBCAN. Il adoptait ainsi une approche bien différente de l’Initiative du bassin des Caraïbes, plus idéologique, lancée par les États-Unis. Comme le premier ministre Trudeau l’a affirmé devant les dirigeants du Commonwealth à Sainte-Lucie en 1983 :

Nous avons constamment préféré nous attaquer aux causes économiques et sociales des tensions hémisphériques, n’étant disposés ni par nos ambitions ni par notre capacité à chercher des solutions militaires ou à poursuivre de grandes visées stratégiques. Nous avons par conséquent incité d’autres partenaires à adopter une approche progressive, par des plans nationaux et des institutions régionales. Il nous semble que les États ont le droit de suivre la voie idéologique tracée par leurs peuples(54).

Bien que, de l’ALÉ à l’ALÉNA, l’importance croissante du commerce ait détourné l’attention du Canada de l’Amérique centrale et du bassin des Caraïbes, ses intérêts considérables dans cette région ont continué leur chemin, quoique de façon plus effacée. Il y a lieu de signaler, par exemple, que de 1966 à 1980, 238 000 Antillais ont émigré au Canada (contre 128 000 Latino-américains, dont bon nombre de réfugiés), et qu’ils forment maintenant de fortes communautés métropolitaines, notamment à Toronto et à Montréal(55). Le tourisme demeure une importante source de revenu pour bon nombre d’États insulaires antillais. Sur le plan de la sécurité et des droits de la personne, le Canada a continué de participer à d’importantes initiatives de démocratisation et d’aide au développement en Amérique centrale, à Haïti et dans d’autres parties des Caraïbes. Sur le plan multilatéral et dans les affaires interaméricaines, le Canada est également perçu par les petits pays de la région comme une puissance moyenne alliée.

À la fin des années 80, le Canada semblait enfin prêt à se lancer dans une politique étrangère totalement engagée envers l’ensemble des Amériques. Comme l’a indiqué le secrétaire d’État aux Affaires extérieures de l’époque, Joe Clark, à l’Assemblée générale de l’OÉA en 1989, « [l’]adhésion du Canada à l’OÉA constitue [...] de notre part une décision à devenir un partenaire dans cet hémisphère »(56). L’ALÉNA ne faisait alors que pointer à l’horizon (il faut rappeler que les Canadiens avaient réagi négativement, une décennie plus tôt, à la proposition d’un « accord nord-américain » lancée par Reagan). Le Canada a finalement décidé, quoique de façon plutôt prudente et défensive au départ, de se joindre aux négociations américano-mexicaines. Au sein de l’OÉA, il a d’abord concentré ses efforts sur le renforcement des institutions démocratiques(57). Une fois conclu, l’ALÉNA est rapidement devenu un volet central de l’ouverture hémisphérique renouvelée et élargie du Canada. Comme l’a affirmé Andrew Cooper : « Le Canada a pris l’offensive pour encourager l’élargissement du pacte. Depuis l’entrée en vigueur de l’ALÉNA, son attitude a complètement changé. Le Canada a ouvert les bras à la région d’une façon de plus en plus multidimensionnelle »(58).

Comme l’indique l’accent mis sur la libéralisation du commerce au Sommet de Miami de 1994, qui a été suivi d’une mission de l’« Équipe Canada » en Amérique latine et de la conclusion récente d’un accord bilatéral de libre-échange avec le Chili (considéré comme une étape vers l’adhésion de ce pays à l’ALÉNA), les intérêts commerciaux ont pris l’ascendant dans la politique canadienne envers la région, s’ils ne la dominent pas(59). D’autre part, l’action revendicatrice des ONG en faveur d’autres politiques n’a pas été aussi intense que leurs efforts, dans les années 80, à l’égard de l’Amérique centrale et des problèmes d’endettement et d’ajustement structurel. Les intervenants non gouvernementaux n’ont cependant pas manqué de s’attaquer au modèle de développement « néo-libéral » de l’heure(60). De telles préoccupations normatives étrangères au commerce ont continué d’être soutenues avec vigueur lors de l’examen public de la politique étrangère réalisé en 1994. D’autre part, l’ère de l’ALÉNA a donné lieu à des formes parallèles d’engagement transnationales à caractère social, comme la coalition « Common Frontiers » sur les droits de la personne et l’intégration économique qui a reçu l’appui du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, dont le siège se trouve à Montréal. D’autre part, dans son aide au développement régional, qui totalise 800 millions de dollars par année, le Canada insiste sur un solide agenda social dans le cadre de réformes axées sur l’économie de marché et de l’intégration régionale. Comme l’ACDI l’explique dans son cadre de politique de développement pour les Amériques : « Le grand défi pour les Amériques est de créer plus d’équité sociale tout en poursuivant les réformes structurelles et la croissance économique »(61).

Selon Andrew Cooper, le néorégionalisme permet d’élargir l’approche positive du Canada en ce sens :

[...] Le Canada pourrait mettre à profit l’image des Amériques qui se démocratisent et s’ouvrent globalement au monde sans perturber l’ordre international. Le ministre chilien chargé de négocier l’accession de son pays à l’ALÉNA soulignait ces ‘similarités’ en affirmant que ‘nous sommes profondément enracinés dans les valeurs démocratiques et nous avons à coeur les droits des travailleurs, les normes environnementales et le développement durable’(62).

Dans cette optique, des initiatives canadiennes seraient susceptibles d’appuyer bon nombre de convergences de politiques par des processus d’intégration économique continentale à caractère participatif qui sont socialement responsables. En réalité, bon nombre de ces objectifs communs figuraient déjà dans la Déclaration et le Plan d’action du Sommet de Miami de 1994. Reste à voir, dans les dernières années de cette décennie, dans quelle mesure il sera de mettre en pratique ces intentions optimistes.

   B. Rôles des provinces

Il faut également souligner l’apport important des provinces canadiennes à l’engagement croissant du Canada dans les Amériques. Les intérêts externes de provinces comme l’Alberta, l’Ontario, la Colombie-Britannique et la Saskatchewan ont été avant tout commerciaux. Dans le cas du Québec, qui est manifestement « la plus engagée en Amérique latine », cette activité internationale prend aussi d’importantes dimensions politiques, sociales et culturelles(63). Outre des liens de longue date avec la région, les contacts officiels au niveau intergouvernemental se sont multipliés lorsque le gouvernement du Québec s’est doté d’une structure considérable de relations extérieures et de plusieurs bureaux outre-mer à partir des années 60. L’Alberta et l’Ontario sont les seules autres provinces qui aient eu une présence notable sur ce terrain; seul le Québec a maintenu ses bureaux à l’étranger toutefois.

Selon Haar et Dosman, « [l]es Canadiens acceptent que le Québec forme, au sein des Amériques, une communauté politique spéciale qui souhaite une relation distincte avec Haïti et certains pays latino-américains. Les liens culturels entre le peuple « latin » du Québec et l’Amérique hispanique sont peut-être plus une question de perception qu’une réalité, mais le Québec maintient quatre bureaux en Amérique latine et ses nombreux accords et programmes intergouvernementaux présentent une projection hémisphérique bien québécoise »(64). Dans le domaine des échanges en matière d’éducation et de savoir, par exemple, Gordon Mace signale que :

C’est dans le domaine de la coopération scientifique, par des accords de coopération interuniversitaire, que le Québec a marqué l’un de ses grands succès en Amérique latine. Dans ce domaine, le Québec s’appuyait lourdement sur l’Organisation universitaire interaméricaine, qui regroupe des directeurs d’universités du Québec et de l’Amérique latine. Le Québec a aussi réussi à attirer des étudiants latino-américains dans les universités de la province(65).

Des considérations liées à l’ALÉNA ont fait surface ces dernières années, et c’est vrai aussi pour le Québec tant sur le plan gouvernemental que sur celui des affaires. D’autre part, la Commission de coopération environnementale nord-américaine est installée à Montréal. Les relations du Québec avec ses partenaires hémisphériques continuent toutefois d’avoir une portée plus générale.

   C . Perspectives d’avenir

En fait, rares sont les pays de ce coin du monde qui nieraient au Canada le droit d’exprimer son point de vue sur presque tous les dossiers de l’heure. Nous sommes membres de cette communauté, par notre géographie et notre histoire, ce qui n’est pas toujours aussi évident dans le cas d’autres pays, ailleurs dans le monde, avec qui nous aimerions entretenir des liens plus étroits. [...] Les Amériques, et plus particulièrement l’Amérique latine, avec qui nous entretenons des liens géopolitiques tellement naturels, pourraient nous aider à faire en sorte que ce monde soit moins effrayant [...] Notre pays continue de prospérer grâce à toutes sortes de multilatéralismes [...] surtout dans certaines situations où nous sommes appelés à composer avec les États-Unis. L’Amérique latine est un partenaire qui peut nous être très utile à cet égard, géopolitique oblige!

Hal Klepak(66)

Il ressort clairement de ce qui précède que les possibilités se multiplient pour le Canada de s’engager davantage dans les affaires hémisphériques. Dans une optique optimiste, le Canada a enfin surmonté son ambivalence envers la région, « Ottawa ayant fait appel, pour chercher à atteindre ses objectifs, à bon nombre des caractéristiques quintessentielles de sa diplomatie de ’puissance moyenne’. D’une part, le Canada a travaillé ferme pour donner un caractère multilatéral à ses relations avec les États-Unis, par le biais de l’ALÉNA et d’autres arrangements institutionnels. De l’autre, il s’est donné comme rôle de faire la liaison entre les régions »(67).

Beaucoup d’observateurs entrevoient néanmoins de graves obstacles au scénario d’intégration régionale privilégié par le Canada : l’apparition constante de tendances unilatérales dans les politiques commerciales et étrangères des États-Unis (conflits protectionnistes, la mesure extraterritoriale Helms-Burton à l’égard de Cuba, par exemple); la dépendance croissante envers l’exportation aux États-Unis; les incertitudes et les divergences de vue au sujet des progrès réalisés en matière de libéralisation du commerce; et la situation explosive créée par la gestion des affaires publiques et les problèmes sociaux dans certaines parties de la région. Jean Daudelin, de la Fondation canadienne pour les Amériques, met en garde contre les « fondements friables » sur lesquels l’orientation actuelle des politiques repose en grande partie(68).

Bref, il reste beaucoup de choses que l’on pourrait faire pour renforcer le fondement de l’insertion du Canada dans les processus d’intégration hémisphérique. Qui plus est, l’initiative des politiques ne saurait être l’apanage d’Ottawa et du gouvernement. Nous en sommes aussi à une conjoncture où l’intensification de la participation sociale et de la représentation démocratique, notamment par l’établissement de liens interparlementaires plus étendus et fréquents, enrichiraient l’apport du Canada au dialogue interaméricain sur toutes les questions liées à l’intégration continentale et à la coopération régionale. Voilà le défi parlementaire à relever pour aider les Amériques à amorcer le XXIe siècle du bon pied.


* Ce rôle d’intermédiaire est attesté dans un éditorial de The Economist, « Rediscovering the Americas », 17 mai 1997, p. 15. Voir aussi Eric Lauzon, « Les négociations de la zone de libre-échange des Amériques : une opportunité pour le Canada », Le Devoir, 4 août 1997, p. A7.

(1) Andrew Cooper, Canadian Foreign Policy: Old Habits and New Directions, Prentice Hall Allyn and Bacon Canada, Scarborough, 1997, chapitre 7, « The Search for Neighborhood», p. 262 (traduction). L’analyse historique la plus complète de ce thème est celle de James Rochlin, Discovering the Americas: The Evolution of Canadian Foreign Policy Towards Latin America, Vancouver, University of British Columbia Press, 1994. Voir aussi Gordon Mace et Claude Goulet, « Canada in the Americas: Assessing Ottawa’s Behaviour », Revue internationale d’études canadiennes, printemps 1996, p. 133-159.

(2) Daudelin analyse astucieusement les fondements de la nouvelle orientation politique dans « The Politics of Oligarchy: ' Democracy' and Canada’s Recent Conversion to Latin America », dans Maxwell Cameron et Maureen Molot (éd.), Canada Among Nations, 1995: Democracy and Foreign Policy, Ottawa, Carleton University Press, 1995, p. 145-162.

(3) Ann Weston, « Overview and Introductory Comments », dans Jerry Haar et Edgar J. Dosman (éd.), A Dynamic Patnership: Canada’s Changing Role in the Americas, New Brunswick (É.-U.) et Londres (R.-U.), Transaction Publishers, 1993, p. viii.

(4)  Voir la Déclaration de principe du Sommet des Amériques, « Partenariat pour le développement et la prospérité : la démocratie, le libre-échange et le développement durable dans les Amériques », Miami, du 9 au 11 décembre 1994. Voir aussi, pour situer cet agenda dans son contexte, le Journal of Interamerican Studies and World Affairs, numéro spécial : « The Summit of the Americas - Issues to Consider », vol. 36, automne 1994.

(5) Voir Stephen Randall et Herman Konrad (éd.), NAFTA in Transition, Calgary, University of Calgary Press, 1995.

(6) Pour une comparaison des projets d’intégration nord-américain et européen, voir L’Amérique du Nord et l’Europe communautaire : Intégration économique, intégration sociale?, Dorval Brunelle et Christian Deblock, Presses de l’Université du Québec, Sainte-Foy, 1994. Les mêmes auteurs présentent une optique nettement québécoise des incidences éventuelles de l’intégration des marchés au sein de notre hémisphère dans « Free Trade and Trade-Related Issues in Quebec: The Challenges of Continental Integration», présenté à l’Association des études canadiennes aux États-Unis, Washington (DC), le 21 février 1997 (qu’on trouve au site du Groupe de recherche sur l’intégration continentale de l’Université du Québec à Montréal sur l’Internet à l’adresse http://www.unites.uqam.ca./gric).

(7) Quel futur pour les Amériques?, Ottawa, Fondation canadienne pour les Amériques (FOCAL), 1995, p. 9. Une nouvelle édition bilingue est en cours de production.

(8) Agence canadienne de développement international, Équité pour une croissance durable - Cadre de politique de développement de l’ACDI pour son programme de coopération dans les Amériques, Hull (Québec), 6 janvier 1997 (p. 12 de la version de l’Internet). Voir aussi Ricardo Brinspun, « Sostenibilidad, Equidad e Integracion Economica », dans Paul Krugman et al., Las Américas: Intégracíon Económica en Perpectiva, Bogotá, Banco Interamericano de Desarrollo, Departmento Nacional de Planeación, 1996.

(9) Ibid., p. 4.

(10) « Latin America’s Backlash », The Economist, 30 novembre 1996, p. 15-16 et 19-21 (traduction).

(11) Manfred Mols, « Regional Integration and the International System », dans Shoji Nishijima et Peter Smith (éd.), Cooperation or Rivalry? Regional Integration in the Americas and the Pacific Rim, Boulder (Colorado), Westview Press, 1996, p. 9 (traduction). Même si l’Union européenne constitue à ce jour le projet d’intégration le plus réussi et le plus avancé, il ne faut pas oublier que de puissantes forces qui pourraient encore retarder sinon faire dérailler le processus continuent de lutter contre l’intégration en Europe.

(12) Dorval Brunelle et Christian Deblock, « Les Amériques : entre la dépendance, le repli et l’intégration», Association canadienne d’économie politique, Shoji Nishijima et Peter Smith (éd.), Ottawa, Table-ronde sur l’ALÉNA, 8 juin 1993, p. 4.

(13) Gordon Mace et Jean-Philippe Thérien, Foreign Policy and Regionalism in the Americas, Boulder (Colorado), Lynne Rienner Publishers, 1996, p. 3 et suivantes.

(14) Voir, par exemple, entre autres sources, Christian Deblock et Dorval Brunelle, « Le régionalisme économique international : de la première à la deuxième génération », dans Michel Fortmann et al., Tous pour un ou chacun pour soi - Promesses et limites de la coopération internationale en matière de sécurité, Institut québécois des hautes études internationales, 1996; Vilma Petrash, « From Subregionalism to Inter-American Regionalism: NAFTA, MERCOSUR, and the ‘Spirit of Miami’ », Universidad Central de Venezuela, 1997 (ébauche diffusée sous la rubrique « Power and Integration in the Americas; A Virtual Conference ». Pour prendre connaissance de diverses opinions latino-américaines, voir également Julia Jatar et Sidney Weintraub (éd.), Integrating the Hemisphere: Perspectives from Latin America and the Caribbean, Washington (DC), Inter-American Dialogue, mars 1997.

(15) Mace et Thérien (1996), p. 2 (traduction).

(16) Paul A. O’Hop, Jr., « Hemispheric Integration and the Elimination of Legal Obstacles under a NAFTA-Based System », Harvard International Law Journal, vol. 36, no 1, hiver 1995, p. 135-136.

(17) Ibid., p. 136-137.

(18) O’Hop expose les difficultés que cela pose, puisque cette façon de faire risque de compliquer encore davantage ce qui était jusqu’ici une mosaïque de régimes régionaux et infrarégionaux indépendants, chacun ayant son propre « ensemble de lois et d’institutions qui renforcent les obstacles juridiques déjà énormes à l’intégration panaméricaine, [...] à moins qu’on trouve un moyen de coordination. [...] La structure institutionnelle squelettique de l’ALÉNA peut néanmoins servir de point de départ à un système de coordination. [...] La faiblesse des structures institutionnelles de l’ALÉNA laisse entrevoir un long et difficile processus d’intégration, car la souveraineté nationale l’emporte souvent dans sa lutte constante contre l’intégration ». (Ibid., p. 176 (traduction)).

(19) Dorval Brunelle et Christian Deblock, « Economic Regionalism under the FTAA and MERCOSUR: James Monroe or Simon Bolivar? », Université du Québec à Montréal, Groupe de recherche sur l’intégration continentale, 1997 (à l’adresse Internet du GRIC : http://www.unites.uqam.ca/gric/). Voir aussi Julius Katz, « Paths Toward Hemispheric Integration », North American Outlook: Perspectives on Western Hemispheric Economic Integration, National Planning Association, vol. 5, no 4/vol. 6, no 1, hiver 1995-1996, p. 72-76. Pour des évaluations sensibles aux intérêts canadiens et latino-américains, voir NAFTA y MERCOSUR: Un Diálogo Canadiense-Latinoamericano, Richard Lipsey et Patricio Meller (éd.), Santiago, CIEPLAN/Dolmen Ediciones, 1996 (aussi paru en anglais sous le titre de Western Hemisphere Trade Integration: A Canadian-Latin American Dialogue, New York, St-Martin’s Press, 1996).

(20) C.A. Primo Braga et al., « Regional Integration in the Americas: Déjà vu All Over Again?», The World Economy, vol. 17, juillet 1994, p. 577-601 (traduction). Voir aussi Michael Hart, Doing the Right Thing: Regional Integration and the Multilateral Trade Regime, document hors-série no 39, Ottawa, Centre de droit et de politiques commerciales, Université d’Ottawa et Carleton University, janvier 1996; et Jan Joost Teunissen, Regionalism and the Global Economy: The Case of Latin America and the Caribbean, La Haye, FONDAD, 1995.

(21) Brunelle et Deblock (version de 1997 sur l’Internet), p. 4 (traduction).

(22) Joseph S. Tulchin, « Hemispheric Relations in the 21st Century », Journal of Interamerican Studies and World Affairs, vol. 39, printemps 1997, p. 33-43 (traduction).

(23) FOCAL, « Power and Integration in the Americas », Introduction, p. 1-2 (traduction).

(24) FOCAL, Quel futur pour les Amériques? (1995), p. 19. L’ouvrage ébauche quatre scénarios possibles : 1) un exercice éclairé du pouvoir dans une conjoncture internationale favorable (« Le vol du Condor »); 2) une bonne conjoncture internationale, mais l’exercice du pouvoir laisse à désirer (« Le Dauphin blessé »); 3) la région ne bénéficie ni d’une bonne conjoncture internationale ni d’un exercice éclairé du pouvoir (« Le Jaguar emprisonné »), et 4); un style novateur et responsable du pouvoir dans une conjoncture internationale difficile (« Le Phénix renaissant »).

(25) Voir l’excellente analyse de son premier directeur, le Canadien John Graham, « Canada and the OAS: Terra Incognita », dans Fenn Osler Hampson et Maureen Appel Molot (éd.), Canada Among Nations 1996: Big Enough to be Heard, Carleton University Press, 1996, p. 301-318.

(26) Ibid., p. 317. Voir aussi le document de travail distinct produit pour l’atelier sur les droits de la personne.

(27) Voir Liisa North, Yasmine Shamsie et George Wright, A Report on Reforming the Organization of American States to Support Democratization in the Hemisphere: A Canadian Perspective, Toronto, Centre de recherche sur l’Amérique latine et les Caraïbes (CERLAC), Université York, 1995, en particulier les p. 49-55. L’idée d’un parlement hémisphérique est venue d’un éminent juriste américain, Thomas Buergenthol, qui faisait partie de la « Commission de la vérité » envoyée au Salvador par l’ONU au début des années 90.

(28) Williamson, qui faisait alors partie de l’Institute for International Economics de Washington, a forgé l’expression dans son livre intitulé Latin American Adjustment: How Much Has Happened (1990).

(29) Aiguillonné par le président Eduardo Frei du Chili, le sommet annuel des dirigeants de l’Amérique latine et de la péninsule ibérique tenu à la fin de 1996 avait comme thème central, ce qui est révélateur, « La capacité de gouverner dans l’optique d’une démocratie efficace et participative ».

(30) The Economist, 30 novembre 1996, p. 21. Voir aussi Redéfinir l’État en Amérique latine, sous la direction de Colin Bradford, Organisation de coopération et de développement économiques, Paris, 1974; et Paul Krugman et al., Las Américas : Integracíon Económica en Perspectiva, Bogotá, Banco Interamericano de Desarrollo, Departmento Nacional de Planeacion, 1996.

(31) ACDI, Équité pour une croissance durable (1997), p. 12 de la version de l’Internet (les caractères gras se trouvent dans l’original).

(32) On estime que les dépenses totales au titre de la « sécurité » (tant publique que privée) en Amérique latine se situent entre 13 et 15 p. 100 du PIB, plus que la région ne consacre au bien-être sous toutes les formes (The Economist), 30 novembre 1996, p. 21).

(33) James Rochlin, « Markets, Democracy and Security in Latin America », dans Cameron et Molot (1995), p. 265 (traduction).

(34) La gamme croissante de ceux qui souhaitent être « pris en compte » (parfois comme contrepoids au processus officiel et au consensus des élites) s’est manifestée au Sommet des Amériques de Miami en 1994. Pour en avoir un compte rendu, voir Robin Rosenberg et Steve Stein (éd.), Advancing the Miami Process: Civil Society and the Summit of the Americas, Boulder (Colorado), Lynne Rienner Publishers, 1995.

(35) Tulchin (1997), p. 38 et 40 (traduction).

(36) Pour un aperçu sommaire, voir Stephen Randall, « Canada and Latin America: The Evolution of Institutional Ties», dans Jerry Haar et Edgar J. Dosman, A Dynamic Partnership: Canada’s Changing Role in the Hemisphere, New-Brunswick (É.-U.) et Londres (R.-U.), University of Miami North-South Centre and Transaction Publishers, 1993, p. 27-43.

(37) Voir dans le même volume op. cit., Hal Klepak, « Security Issues in the Western Hemisphere in the 1990s: A Canadian Perspective », p. 147-171; ainsi que Klepak (éd.), Canada and Latin American Security, Laval (Québec), Éditions du Méridien, 1993.

(38) Raymond Dunn, « The Latin American Transformation », North American Outlook: Perspectives on Western Hemispheric Economic Integration, p. 21 (traduction).

(39) Pour plus de détails voir Gerald Schmitz, Le Chiapas et l’après-Chiapas : La crise mexicaine et ses conséquences pour le Canada, BP-384F, Ottawa, Service de recherche, Bibliothèque du Parlement, février 1994; voir aussi Ricardo Grinspun, Nibaldo Galleguillos et Richard Roman, « Economic Reforms and Political Democratization in Mexico: Reevaluating the Basic Tenets of Canadian Foreign Policy », dans Cameron et Molot, Canada among Nations 1995: Democracy and Foreign Policy, p. 211-234. Sur un plan plus général, au sujet des défis financiers, voir Ricardo Haumann et Helmut Reisen (éd.), Consolider stabilité et croissance en Amérique latine : Quelles politiques, quelles perspectives pour les économies vulnérables, Paris, OCDE, 1996. Sur le plan des défis sociaux, voir la monographie de l’économiste canadien Albert Berry, The Social Challenge of the New Economic Era in Latin America, Ottawa, Centre for International Studies, Université de Toronto et FOCAL, Joint Program on Canadian Latin American and Caribbean Economic Relations, 1995.

(40) « The Backlash in Latin America », The Economist, 30 novembre 1996, p. 20. Voir aussi Denise Dresser, « Latin America Struggles for Parity », The Globe and Mail, 8 septembre 1997.

(41) La réunion était présidée par un ancien Président de la Chambre des communes, l’hon. John Fraser, ambassadeur à l’environnement et au développement durable, et co-parrainée par la Fondation canadienne pour les Amériques et l’Institut international du développement durable (IIDD) dont le siège se trouve à Winnipeg. Nous remercions le rapporteur, Mme Anela Vincelli de l’IIDD, de l’information fournie à ce sujet.

(42) « Report of the Canadian National Consultant in Preparation for the Hemispheric Summit on Sustainable Development, Bolivia: Recommendations Drawn from the Consultation Meeting, 28 May 1996 », p. 3-4 de la version de l’Internet à l’adresse suivante : http://iisd1.iisd.ca.

(43) There Is No Sustainable Development without Effective Public Participation: Recommandation of the Civil Society of the Hemisphere to the Santa Cruz Summit, coordonné par la Fundacíon Futuro Latinoamericano, Quito (Équateur), 1996, p. 8 et suivantes.

(44) La dernière Assemblée générale de l’OÉA s’est tenue au Pérou au début de juin 1997. Le prochain Sommet des Amériques est prévu pour Santiago (Chili), en 1998.

(45) Nola-Kate Seymoar, « Civil Sector Consultation for the Hemispheric Summit on Sustainable Development, Bolivia, December 1996 », Winnipeg, Institut international du développement durable, janvier 1997. p. 8 (traduction). Voir le document de travail distinct préparé pour l’atelier sur le développement durable pour prendre connaissance de la discussion sur les aspects propres à l’environnement dans l’élaboration des politiques hémisphériques.

(46) Orrganisation des États américains, « Draft Report on the Consultation for the Inter-American Strategy for Participation (ISP): Strengthening Public Participation in Environment and Sustainable Development Policy-Making in the Americas », North-South Centre, University of Miami, du 5 au 7 février 1997; voir aussi Wendy Drukier, « Miami Consultation Concerning Elements of an Inter-American Strategy for Participation », Ottawa, Rapport de mission, FOCAL, février 1997.

(47) Louis Balthazar, « Changes in the World System and U.S. Relations with the Americas », dans Mace et Thérien (1996), p. 27.

(48) Voir Gordon Mace et Jean-Philippe Thérien, « Canada in the Americas: The Impact of Régionalism on a New Foreign Policy », Ibid., p. 53 et suivantes.

(49) Voir Gerald Schmitz, La politique du Canada à l’égard de l’Amérique centrale, BP-147F, Ottawa, Bibliothèque du Parlement, Service de recherche, mai 1986; Peter McFarlane, Northern Shadows: Canadians and Central America, Toronto, Between the Lines, 1989; Rochlin, Discovering the Americas: The Evolution of Canadian Foreign Policy Towards Latin America, chap. 7 et 8.

(50) Rapport du Comité permanent des affaires extérieures et de la défense nationale de la Chambre des communes, Les relations du Canada avec les Antilles et l’Amérique centrale, Hull, Centre d’édition du gouvernement du Canada, 1982; Comité spécial de la Chambre des communes sur le processus de pacification en Amérique centrale, Appui au groupe des cinq : le Canada et le processus de pacification en Amérique centrale, Approvisionnement et Services Canada, 1988.

(51) Dans son rapport de 1987 intitulé, Le Canada, les institutions financières internationales et le problème de l’endettement du Tiers monde, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères a accordé une attention considérable à cette incidence régionale.

(52) Pour un examen et une évaluation de ces incidences intégrationistes sur l’évolution de la politique étrangère du Canada, voir Gerald Schmitz-LeGrand, « Le destin n’est pas inéluctable : évaluation des effets probables du libre-échange nord-américain sur la politique étrangère du Canada », Études Internationales, vol. XXII, n1, mars 1991, p. 81-136.

(53) Voir Gregory Mahler, « Foreign Policy and Canada’s Evolving Relations with the Caribbean Commonwealth Countries: Political and Economic Considerations », dans Haar et Dosman (1993), p. 79-91.

(54) Ibid., p. 86 (traduction).

(55) Alan Simmons, « Canada and Migration in the Western Hemisphere », Ibid., p. 46.

(56) Cité dans Mace et Thérien (1996), « Canada in the Americas: The Impact of Regionalism on a New Foreign Policy ». p. 63 (traduction).

(57) Graham, « Canada and the OAS » (1996). Peter McKenna a produit une étude approfondie de la participation du Canada au système interaméricain de ses débuts aux années 90 dans Canada and the OAS, Carleton University Press, 1995.

(58) Cooper (1997), p. 268 (traduction).

(59) Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères a produit le seul examen parlementaire approfondi des affaires interaméricaines au cours des années 90 dans Libre-échange dans les Amériques : rapport intérimaire, Ottawa, août 1995.

(60) Voir Laura Macdonald, « Current and Future Directions for Canadian NGOs in Latin America », dans Haar et Dosman (1996), p. 113-30.

(61) Équité pour une croissance durable -   Cadre de politique de développement de l’ACDI pour son programme de coopération dans les Amériques, janvier 1997, p. 14 de la version de l’Internet. Les objectifs du programme d’aide canadien sont de :

  • réduire la pauvreté;

  • renforcer les droits de la personne, le développement démocratique et la société civile;

  • développer les ressources humaines et les institutions;

  • appuyer la compétitivité et la croissance économique;

  • favoriser le transfert de savoir-faire et de technologies;

  • développer les capacités en gestion de l’environnement; et

  • fournir un soutien d’urgence lorsque nécessaire. [p. 4]

(62) Cooper (1997), p. 217 (traduction).

(63) Voir Gordon Mace, « Canada’s Provinces and Relations with Latin America: Quebec, Alberta, and Ontario », dans Haar et Dosman (1996), p. 71-77.

(64) Edgar Dosman et Jerry Haar, « Conclusion: The Future Challenge », Ibid., p. 185 (traduction).

(65) Ibid., p. 71 (traduction).

(66) Klepak, « ‘La position qu’on adopte dépend de la place qu’on occupe’ : les réalités géopolitiques et le facteur canado-latino-américain dans les relations canado-américaines », Éléments pour un exposé au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes, Ottawa, 7 mars 1997, p. 4 et 7.

(67) Andrew Cooper, « Overcoming Ambivalence: Canada as a Nation of the Americas », document présenté au Congrès de l’Association des études internationales, Chicago, le 25 février 1995, p. 24 (traduction).

(68) Voir Jean Daudelin, « Dreaming Hard », version Internet d’une ébauche de document pour « Power and Integration in the Americas: A Virtual Conference », Ottawa, FOCAL, mars-avril 1997.